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chercheur, de metteur en marché, de responsable politique ou de consommateur, par leur profil
relationnel au sein de quatre types de réseaux, contribuant à définir différentes positions :
- réseau socio-technique : usage/valorisation de lignées vs. populations, « variétés locales » ;
pratiques « traditionnelles » / conservatrices du patrimoine naturel, culturel (travail mécanique
du sol, mais aussi techniques culturales simplifiées…) vs. banalisation/généralisation…
- réseau de dialogue professionnel / conseil : relations spécialisées avec le monde biologique
vs. relations diversifiées…
- réseau de relations marchandes : circuits courts vs. filières longues, autour de produits
génériques vs. produits spécifiques/dédiés/qualifiés…
- réseau « politique » : adhérents / militants associations « de défense de l’agriculture / d’une
filière paysanne » ou non…
Ces profils relationnels apparaissent à la fois cohérents avec, et fondés par et sur, des façons
spécifiques de qualifier les « variétés de blé dur qui conviennent en AB » et plus largement, les
« systèmes de culture en AB », les « marchés bio », l’« AB »… Chaque profil est une forme
d’expression des interactions GxE (cf. schéma 1) et charge aux animateurs du projet, intégrant
chercheurs et agriculteurs, d’anticiper un profil non représenté pour faciliter l’émergence d’une
nouvelle filière et contribuer à un développement durable (Chiffoleau, Desclaux, article soumis). Le
projet progresse et les enjeux s’élargissent alors par la mise en lien progressive des positions
complémentaires, à travers une série organisée d’échanges de pratiques, d’expériences (et ensuite, de
points de vue) entre positions les plus proches, tout en veillant à maintenir un dispositif ouvert à de
nouvelles positions.
Conclusion
Bien qu’encore peu mobilisée par les sciences techniques, la sociologie présente finalement beaucoup
d’apports pour une analyse élargie des interactions génotype-environnement, de par la diversité de ses
approches et objets de focalisation (pouvoir, traduction, savoir-faire locaux…). Elle permet
notamment de rester vigilant quant à la légitimité d’une sélection « participative », qui ferait participer
les agriculteurs au motif d’une meilleure compréhension de ces interactions. Les génotypes et
environnements pris en compte sont toujours réduits ou réducteurs, comme le montrent d’ailleurs les
expériences développées au Sud : finalement, quelles « positions » sont considérées, en termes de
profils relationnels et donc d’interactions GxE, au delà des catégories sociales ou économiques
représentées par un porte-parole choisi par les acteurs formellement au pouvoir (Chiffoleau, 2006) ?
Le souci de connaissance des interactions GxE peut en outre cacher un projet de manipulation…
L’enjeu est alors sans doute de s’intéresser fondamentalement à l’« éthique » associée au dispositif de
sélection, « participative » ou non, à travers l’explicitation et la discussion de ses mots d’ordre, mais
aussi et surtout l’élargissement des acteurs et objets classiquement pris en compte, la mise en pratique
de valeurs telles que l’équité, la solidarité et la responsabilité.
Bibliographie
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l’innovation variétale : perspectives à partir de diagnostics d’agronomes » In Prévost P. (dir.), Agronomes et
innovations, Les entretiens du Pradel 2004, Dijon, Educagri, à paraître.
Callon, M., 1986. « Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques
et des marins pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc ». L’Année Sociologique, n°6, pp. 169-208.
Chable V., Chiffoleau Y., Chitrit J.J., Dreyfus F., Jaillard B., Le Lagadec F., Conseil M., Le Jeune B., Léa
R., Miossec R., 2003. « Culture légumière biologique : le défi variétal. Exemple des choux et choux-fleurs
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projet qualité en coopérative viticole ». Recherches Sociologiques, vol. XXXV, n°3, pp. 91-101.
Chiffoleau Y., 2006. « La sélection participative, du Sud au Nord : conditions et enjeux d’un « transfert » ». Le
Courrier de l’Environnement de l’INRA, n° spécial Colloque INRA/Confédération Paysanne, à paraître.
Chiffoleau Y., Desclaux D. « Participatory varietal breeding : the case of durum wheat in South of France ».
Soumis à l’International Journal of Agricultural Sustainability.