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François Ier, Henri IV et Louis XV ont aimé Fontainebleau pour sa forêt giboyeuse.
Chacun s’est attaché à embellir l’antique demeure. Attentif à inscrire son propre règne
dans la continuité, Napoléon s’appliqua à faire siennes les résidences de ses prédécesseurs.
À leur exemple, il éprouva très vite une forte prédilection pour Fontainebleau. Premier
Consul, il accomplit le 20 novembre 1803, une première visite offi cielle dont l’objet est
d’inspecter l’École spéciale militaire abritée dans une partie des bâtiments de la cour du
Cheval blanc. L’occasion lui est alors donnée de découvrir la noblesse de l’édifi ce, son
histoire et son implantation privilégiée entre ville et forêt. Après Saint-Cloud, l’Empereur
souhaite faire de Fontainebleau sa deuxième habitation de campagne. Le château
l’accueillera désormais à l’automne. En novembre 1804, pour y recevoir le pape Pie VII,
venu pour la cérémonie du Sacre. Plus brièvement en 1805, 55 jours ; en 1807, à partir du
21 septembre ; 20 jours en 1809, du 26 octobre au 14 novembre, et 51 jours en 1810, du
25 septembre au 16 novembre. L’année 1813 fut marquée par un nouveau séjour, plus bref,
du 19 au 27 janvier, au cours duquel Napoléon retrouva à Fontainebleau Pie VII, mais cette
fois-ci prisonnier. Le 6 avril 1814, l’Empereur y signait l’acte d’abdication. Quelques jours
après, le 20, après des adieux à la garde, il quittait Fontainebleau, sans doute avec le
secret espoir de rapidement retrouver les lieux. Le 20 mars 1815, sur le retour de l’Île
d’Elbe, il s’y arrête quelques heures pour une ultime fois.
Chacun de ces séjours permit à Napoléon de mieux connaître le château, d’en goûter
les beautés et d’en percevoir l’épaisseur historique. Très vite, il a aimé cet ensemble unique,
ce « lieu bien calculé et parfaitement convenable », devenu à ses yeux « ce qu’il y avait
sans doute de plus commode, de plus heureusement situé en Europe ». Pour la « vraie demeure
des rois, la maison des siècles », telle qu’il la désignait en août 1816 depuis Sainte-Hélène,
l’Empereur souhaite dès 1804 un remeublement complet afin de redonner vie aux
40 appartements de maîtres et aux 200 logements de suite. Puis, avec l’aide de son
Premier architecte Pierre-François-Léonard Fontaine, et celle des architectes du palais,
s’engage une remise en état et de nouveaux aménagements. Respectueux de l’architecture
de ses prédécesseurs, Napoléon n’a pas souhaité une reconstruction totale afi n de donner
à l’édifi ce cette unité qui, de prime abord, pouvait cruellement manquer. A l’exception de
la destruction de l’aile ouest (ou aile de Ferrare) destinée à dégager la cour du Cheval blanc
devenue cour d’Honneur, l’effort s’est avant tout porté sur les aménagements intérieurs
avec la création de l’appartement Intérieur de l’Empereur en 1805-1807, celle du Petit
Appartement de l’Impératrice en 1807, la reconstruction de la galerie de Diane en 1810 et
la création du Petit Appartement de l’Empereur en 1810-1811. Les séjours de la cour impériale
et les campagnes de travaux conduisent à des remeublements et à la livraison de nouveaux
ameublements. Pendant un peu plus de cinq ans, Jacob-Desmalter, Thomire, Marcion
ou encore Rode sont sollicités afi n de remeubler les appartements d’apparat et les
appartements privés. Fontainebleau devient alors une magnifi que vitrine du savoir-faire
des artisans français.
Ce passé impérial demeure particulièrement présent au sein du château. Véritable
conservatoire du mobilier Empire, superbe ensemble d’appartements histori-
ques parfaitement restaurés dans les états connus par Napoléon Ier et sa fa-
mille, Fontainebleau s’est très légitimement imposé quand, en 1979, fut prise
la décision de créer un musée dédié à l’Empereur. Une part importante de la
donation et de la cession faites à l’État français par le prince Napoléon, la prin-
cesse Alix, son épouse, et la comtesse de Witt, sœur du prince, des collections
de la famille impériale, trouva au château l’écrin le plus approprié. D’autres
chefs-d’œuvre : une partie du « Grand Vermeil », l’épée du Sacre, des habits d’ap-
parat, le berceau du roi de Rome, pour n’en citer que quelques-uns, donnèrent
alors encore plus de force à la présence impériale. François Ier semblait s’effacer
devant Napoléon Ier.
Ces appartements et ces collections, nous les voulons aujourd’hui vivants.
Afi n de mieux les faire connaître, il nous a paru important d’en révéler des aspects
méconnus. Ainsi, trop fragile pour être exposé en permanence, l’Album des cérémonies
et des fêtes célébrées à Paris en 1810 lors du mariage de l’Empereur avec l’archiduchesse
Marie-Louise d’Autriche, ensemble de 18 dessins tracés par Louis-Pierre Baltard
(1764–1846), est-il montré au public et publié pour la première fois dans sa totalité
avant de regagner l’obscurité salvatrice des réserves. D’une fi nesse extraordinaire,
chacune des feuilles invite à un voyage au sein des fastes de l’Empire. Ce voyage,
nous espérons vivement que chaque visiteur le poursuivra dans les salles du
musée Napoléon Ier et les appartements, afi n de redécouvrir le cadre de vie
bellifontain de cette cour brillante dont l’Europe fut si envieuse.
jean-françois hebert
président du château de fontainebleau
xavier salmon
conservateur général du patrimoine
directeur du patrimoine et des collections
du château de fontainebleau
à propos