Missionnaires de l’Immaculée - Père Kolbe - www.kolbemission.org/fr - 2
l'homme avec de la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l'homme
devint un être vivant. » L'homme est créature de Dieu : cela induit avant tout que son origine
n’est pas le résultat d’un hasard aveugle, et que l'homme ne doit pas son existence à lui-
même, mais qu’il est le fruit de la volonté/désir d’un Autre, transcendent, qui a voulu lui
donner la vie. Cela implique, d’un côté que son origine ne lui appartient pas, il n’est pas
maître de lui-même, il ne se possède jamais totalement, de sorte que la vérité et le sens
ultime de son existence lui restent toujours de quelque façon inaccessibles : l'homme est
toujours un mystère pour lui-même. D’un autre côté, cela implique qu’il doit son origine à une
relation, la relation à Dieu, qui n’est pour lui ni additionnelle ni accidentelle, mais absolument
essentielle et même constitutive sur le plan ontologique : il est essentiellement dépendant de
Dieu au niveau même de son être.
En tant qu’œuvre de la volonté et de la parole créatrices de Dieu, et d’une Parole qui a
créé toute chose bonne, l’existence humaine est marquée par une autre double
caractéristique. En premier lieu par une positivité essentielle et originelle, en dépit des
apparents démentis que l’histoire semble apporter à une telle affirmation. Deuxièmement, la
Parole sur laquelle elle est fondée contient une promesse, l’annonce d’un accomplissement,
d’une plénitude qui adviendra au temps établi, et cette promesse est digne de confiance,
justement parce qu’elle émane du Dieu Créateur.
Mais, pour approfondir notre compréhension, il nous faut reprendre le verset de Genèse
2,7 déjà cité plus haut : « Alors le Seigneur Dieu modela l'homme avec de la glaise du sol, il
insuffla dans ses narines une haleine de vie, et l'homme devint un être vivant. » C’est là que
se trouve synthétiquement et symboliquement affirmée l’intime connexion et compénétration,
en l'homme, de deux dimensions : l’une matérielle, physico-biologique, et l’autre intérieure,
spirituelle.
L'homme, en effet, - adam en hébreu - rappelle par son nom même la adamah, la
poussière du sol (la racine dm, d’où dérivent ces deux termes, évoque la couleur ocre de la
glaise du sol) avec laquelle il a été modelé. A son tour, le verbe “modeler” renvoie à l’image
du potier qui façonne son œuvre. Le lien qu’a l'homme avec la matière, avec la création,
apparaît ici clairement. Or cette origine de la matière est, pour la Genèse, ce qui le rend limité
et caduc, c’est le signe de sa fragilité, de sa finitude, de sa mortalité. Cependant, à côté de
cette dimension de limite, l'homme a une autre qualité, que Genèse 2,7 exprime en utilisant
l’expression nishmat-hajjim. La Bible de Jérusalem, comme bien d’autres, la traduit par
“haleine de vie”. Une haleine de vie qui est directement insufflée par Dieu dans les narines de
l’homme. Mais il convient de bien comprendre la spécificité de l’expression biblique.
En hébreu, le terme hajjim signifie vie. Quant à l’autre terme, nishmat, il y a en hébreu
deux mots principaux qui peuvent servir à rendre le concept de principe ou souffle de vie. Le
premier, et le plus répandu, est ruah, qui signifie souffle, vent mais aussi esprit vivificateur.
Ce terme n’est pourtant pas réservé à l'homme : il est utilisé également en relation aux
animaux (on peut lire par exemple dans le Psaume 104,30 une phrase qui se réfère à Dieu
mais en relation avec tous les êtres vivants : « Tu envoies ton esprit [ruah], ils sont créés. »
Et dans l’Ecclésiaste 3,19-21 : « Le destin des hommes et celui des bêtes est le même : tous
meurent, les premiers comme les seconds, et en tous se trouve une unique ruah [la Bible de
Jérusalem traduit “souffle”]… Qui sait si la ruah [“le souffle”] de l’homme monte vers le haut,
et si le souffle de la bête descend en bas, vers la terre ? »)
Or en Genèse 2,7, ce n’est pas le mot ruah que nous trouvons, mais l’expression nishmat-
hajjim. La neshamah/nishmat est une réalité qui, les 24 fois où elle est évoquée dans l’Ancien
Testament, est attribuée uniquement à Dieu et à l'homme, mais jamais aux animaux.
Rapportée à l'homme, elle exprime une série de fonctions élevées, souvent en lien avec Dieu :
en Job 32,8, par exemple, il est écrit que c’est la neshamah de Dieu qui rend l'homme
“intelligent”, et en Proverbes 20,27 que “la neshamah de l’homme est un flambeau du
Seigneur qui scrute les plus profonds recoins du ventre.” Par conséquent, c’est la nishmat-
hajjim qui distingue l'homme du monde animal et c’est par son intermédiaire que l’homme
accomplit des actes spirituels. Elle est la conscience de soi, la capacité à distinguer le bien du
mal, et la liberté de choisir moralement qui lui est donnée par le Créateur et qui le relie à lui
d’une manière unique, et même, selon certains versets, lui donne un caractère commun.
« Comme cela sera répété dans le livre de Job, “la ruah de Dieu m’a créé”, mais c’est “la
nishmat du Tout-Puissant qui me donne la vie” humaine (33,4). »
Ainsi, la grandeur de l'homme se révèle précisément dans ce lien admirable entre
anatomie et sagesse, pour reprendre un binôme suggestif cher au philosophe Lévinas, ou
entre le fait d’être une créature charnelle et contingente et le lien transcendant avec le