Les tout jeunes gens qui se réunissaient autour de la toute jeune

Les tout jeunes gens qui se réunissaient autour de la toute jeune encore
revue Agone croisèrent alors un vieux monsieur dont ils publièrent
quelques chapitres des Mémoires : vieilles manières dans lesquelles ce
vieux savant se drapait avec malice et sensuelle délectation.
Jacques Charles Senez est décédé voilà quelques semaines. Simplement
témoigner aux vivants toute la tendresse de nos souvenirs.
REVUE AGONE
C
OORDINATEURS DU NUMÉRO
Jacques Luzi & Michel Barrillon
R
ÉDACTEUR EN CHEF
Thierry Discepolo
S
ECRÉTARIAT ÉDITORIAL
Frédéric Cotton & Cristel Portes
C
OMITÉ ÉDITORIAL
Michel Barrillon, Frédéric Cotton,
Thierry Discepolo, Jacques Luzi, Cristel Portes,
Jacques Vialle, Béatrice Vincent.
Les auteurs qui publient dans AGONEdéveloppent
librement une opinion qui nengage queux-mêmes.
© AGONE Éditeur, Domaine du Terras - BP 2326
F-13213 Marseille cedex 02
Coédition C
OMEAU
& N
ADEAU
É
DITEURS
, 788, rue
Laurier Est, Montréal Québec, H2J 1G1
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Maquette Marcus & Faber
AGONE
Philosophie, Critique & Littérature
numéro 21, 1999
Utopies économiques
L’utopiste ne travestit pas la réalité, il la fuit, tant elle lui pa-
raît odieuse, pour aller se réfugier dans un « nulle part » ima-
ginaire où la vie apparaît réglée selon des principes opposés à
ceux régissant le monde de l’« ici et maintenant ». Envers et
contre un mouvement profond du temps qui ne semble bénéfi-
cier qu’aux puissants, l’utopiste imagine une providentielle
rupture de l’histoire qui donnerait enfin leur revanche aux
éternels laissés pour compte du progrès et du pouvoir.
9. Utopie économique vs idéologie économique. Éditorial.
Michel Barrillon & Jacques Luzi
15. La fin de lutopie, Herbert Marcuse
Traduit de lallemand par Liliane Roskopf & Luc Weibel
Toutes les forces matérielles et intellectuelles qui peuvent contribuer à
réaliser une société libre sont en effet présentes. Si elles nagissent pas,
cest à cause de la mobilisation totale de la société établie contre la pos-
sibilité de sa propre libération [] Ce qui est en jeu, cest lidée dune
nouvelle anthropologie, non seulement comme théorie mais comme
mode de vie : cest lapparition et le développement dun besoin vital
de liberté et des besoins vitaux attachés à la liberté. Dune liberté qui ne
soit plus fondée sur (ni limitée par) le travail aliéné dans la médiocrité
et la nécessité. Il est nécessaire de développer des besoins humains qua-
litativement nouveaux.
25. LURSS, un capitalisme d’État réellement existant.
Dun mensonge «déconcertant » à lautre (I), Michel Barrillon
Nous vivons à présent dans un monde désenchanté parce quil nest dé-
sormais plus permis de rêver une société où le «libre développement
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de tous serait la condition du libre développement de chacun ». Si lon
en croit les esprits avisés «cest-à-dire tout le monde » , il ny aurait
en effet plus dalternative au capitalisme trop réel depuis leffondrement
de ce qui était présumé symboliser son antithèse. Lhumanité serait
condamnée à se soumettre à lordre capitaliste et à communier dans le
culte de la «démocratie-marché» stade de développement des socié-
tés qui signifierait à la fois la fin de lhistoire et celle des idéologies.
45. Libéralisme & nihilisme, Jacques Luzi
Il nest pas suffisant de contrôler et de discipliner la population afin
doptimiser la croissance de la production (et des profits) ; encore faut-
il développer une «science de la demande », cest-à-dire les règles
propres à l’éducation de son désir, de ses envies et de son attachement
au superflu. Aujourdhui, lobsolescence des produits est programmée
et la création volontaire des besoins est consacrée comme un «art »:
celui de la publicité, ou de la mode. [] Quon ne sy trompe donc
pas : nous sommes les héritiers de ce dressage du corps et de lesprit
dans les dimensions de la production et de la consommation, de la
consommation pour la production, de la production pour le profit. Et
rien ne mérite notre considération qui naille pas résolument à len-
contre de ce dressage, et des mœurs desclave qui en découlent.
59. Réponse aux producteurs. Sur lindustrie criminelle.
Armand Farrachi
Au royaume du tout-économique, cest-à-dire absolument partout,
lobscène petite fée rentabilité a transformé la réalité en marchandise.
On croyait naïvement trouver encore des livres dans les librairies, des
aliments dans nos assiettes, des conseils et des timbres aux guichets de
la poste, et voilà quil ny a plus que des «produits ». [] Le diction-
naire, qui définissait dabord lindustrie comme «lensemble des opéra-
tions qui concourent à la production et à la circulation des richesses »,
a jugé utile de préciser que ce sens est «vieilli », et il complète, «mo-
derne : ensemble des activités économiques ayant pour objet lexploita-
tion des richesses. » Sans changer de mot, on passe de la production à
lexploitation, de la création à la prédation, au pillage, ou au parasitage.
75. ATTAC contre la dictature des marchés financiers.
Jérôme Almendro
La première action quATTAC entend mener à bien vise la spéculation
financière internationale. Elle repose sur lidée de la taxe Tobin, du nom
de l’économiste américain James Tobin, professeur à luniversité de Yale
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et prix Nobel d’économie 1981. Telle quelle était initialement conçue,
la taxe visait essentiellement à stabiliser les marchés financiers dont les
pratiques apparaissaient déjà à certains observateurs comme conduisant
inévitablement à des crises. Le projet den reverser le montant au FMI
témoigne de ce premier stade. Lidée poursuit ensuite son chemin
91. Utopie pour le Temps présent, Philippe Van Parijs
Nous avons aujourdhui encore le droit et même le devoir de rêver,
dimaginer des mondes meilleurs, de donner un contour concret à la
conviction que notre monde, notre société ne sont pas les meilleurs que
nous puissions construire. Nous avons certes aussi et dans le Temps
présent plus que jamais auparavant le devoir de garder les pieds sur
terre, d’être réalistes. [] Mais trêve de généralités ! Il importe de dire
quil peut, quil doit encore y avoir des utopies. Mais ce ne sont là que
paroles insignifiantes si lon ne prend pas la peine et le risque de faire
des propositions, d’élaborer des projets, de les soumettre à la discus-
sion et à la critique. Alors, donc, quelle utopie pour le temps présent ?
105. Le revenu universel. Un antidote à lapartheid global.
Myron J. Frankman
À ne sattacher quaux droits de ceux qui restent chez eux, les diffé-
rentes déclarations des droits de lhomme restent incomplètes et mar-
quées par une certaine étroitesse de vue. La mondialisation
«par-le-bas » pour le citoyen lambda nécessite la proclamation des
droits de voyager, de résider et dobtenir la citoyenneté sans être sou-
mis à des restrictions et des délais exorbitants. Et la mondialisation
«par-le-haut » avec ses effets générateurs dinégalités et dexclusion
impose denvisager un système planétaire de répartition des services et
du revenu (sous forme, par exemple, dun revenu citoyen garanti), si
nous voulons respecter notre engagement collectif envers les droits de
lhomme dont la liberté de mouvement au sens le plus large, cest-à-
dire, aussi, la liberté de ne pas émigrer.
119. L’économie distributive, Marie-Louise Duboin
Par la mise en place de conseils économiques et sociaux décentralisés,
l’économie distributive instaure une démocratie participative dans la
vie économique, en conciliant individualisme et responsabilité de cha-
cun avec la prospérité de lensemble de la société. L’économie distribu-
tive ne supprime pas le marché. Par la discussion publique des contrats,
elle le remet à sa place : l’échelle humaine. Elle rend au marché son rôle
essentiel : confronter les besoins des uns avec ceux des autres, compa-
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