Irdes Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé Dr Catherine Sermet Directrice adjointe IRDES 10, rue Vauvenargues 75018 PARIS LES CONSOMMATIONS MÉDICALES DES PERSONNES ÂGÉES Centre de documentation ouvert au public Téléphone : 01 53 93 43 00 E-mail :[email protected] Site internet : www.irdes.fr 1 Plan de l’exposé Le contexte Contexte Données générales sur les dépenses de santé Consommation et dépense en santé Situation de la France Consommations médicales des personnes âgées Concentration des dépenses médicales Consommations médicales selon l’âge Cas de la consommation pharmaceutique Un contexte de vieillissement démographique Des incertitudes sur l’évolution de la morbidité expansion ou compression de la morbidité : quel scénario pour l’avenir ? Conséquences du vieillissement sur les besoins de soins 2 La part des personnes âgées dans la population va augmenter sensiblement L’état de santé (1) Rappel des modèles théoriques La compression de la morbidité (Fries 1980) : L’âge moyen d’apparition des maladies est retardé, alors que l’espérance de vie est constante ; la morbidité est donc compressée dans une courte période de temps. L’augmentation de la morbidité (Gruenberg et Kramer 1980) : la date d’apparition des maladies est identique, la durée de survie avec maladie augmente. En repoussant le moment du décès, on fait de plus apparaître des états plus sévères. L’équilibre dynamique (Manton 1992) : Ralentissement de développement des maladies chroniques. La prévalence des maladies augmente, mais les affections sont en moyenne moins sévères 3 L’état de santé (2) L’état de santé (3) Que constate-t-on ? France, décennie 80 = incapacité diminue, morbidité déclarée augmente (Mormiche, Robine, Sermet 1998) - le déclin de l ’incapacité semble se poursuivre dans les années 90 (cohorte Paquid) Au plan international, la situation apparaît contrastée en termes d ’incapacité (Robine & Michel 2004, Cambois et al. 2005) L ’analyse des évolutions dites « d’état de santé » ont tendance à amalgamer morbidité et incapacité, or du point de vue de la question de l ’impact sur les dépenses la situation peut être très différente Même s’il y a des incertitudes sur son évolution, la morbidité ne semble pas être un facteur majeur : l ’ intensification des soins n’est pas nécessairement dirigée vers les patients qui sont en plus mauvaise santé (pas acharnement thérapeutique ; consommations augmentent pour les moins malades) sur données françaises (Dormont Huber 2004), la morbidité aurait plutôt un effet favorable en termes de profil de dépenses. La déformation du profil est donc entièrement attribuable à l’évolution des pratiques de soins à état de santé donné. 4 Définitions La comptabilité nationale reconnaît deux agrégats dans les comptes de la santé la consommation médicale totale (CMT) la dépense courante de santé (DCS) DONNÉES GÉNÉRALES SUR LES DÉPENSES DE SANTÉ 5 La consommation médicale totale Elle représente la valeur des biens et services médicaux acquis pour la satisfaction directe des besoins individuels. Elle est composée de deux éléments : la consommation de soins et biens médicaux (soins hospitaliers et en sections médicalisées, soins ambulatoires, transports sanitaires, biens médicaux) la consommation de services de médecine préventive Consommation médicale totale France 2008 : 173 650 millions d’euros CMT Consommation de Soins et de Biens Médicaux Soins hospitaliers Soins ambulatoires dont Soins de médecins Soins dentaires Soins d'auxil. médic. Analyses laboratoires Cures thermales Transports de malades Biens médicaux dont Pharmacie Autres biens médicaux Médecine Préventive 2008 France métropolitaine (en millions d'euros) 170488 75156 46801 21484 9651 11022 4340 305 3389 45142 34902 10240 3162 Copyright : Eco-Santé France 2009, Source : Drees, Comptes de la santé 6 Structure de la consommation médicale en 2008 : 2708 € / pers La dépense courante de santé Dépenses pour les malades : 190 140 Elle mesure l'effort consacré par l'ensemble des financeurs du système au titre de la santé. Elle regroupe l'ensemble des paiements intervenus au cours d'une année. Son champ est plus étendu que celui de la Consommation médicale totale car elle intègre les indemnités journalières, la prévention collective, les subventions reçues par le système de santé, le fonctionnement de la recherche, de l'enseignement et de l'administration sanitaire. Prévention : 5505 Dépense courante de santé 215041 millions d’euros Dépenses en faveur du système de soins : 8678 Cout de gestion de la santé : 14878 Double compte : -4162.75 Copyright : Eco-Santé France 2009, Source : Drees, Comptes de la santé 7 En tête, les maladies cardiovasculaires et les troubles mentaux 12,6 % de la CSBM sont associés aux maladies cardiovasculaires 10,6 % aux troubles mentaux 9 % aux affections ostéo-articulaires 7,7 % aux maladies de l’appareil respiratoire 7,6 % aux affections de la bouche et des dents 7,5 % aux tumeurs 6,9 % aux traumatismes et empoisonnements 5,7 % aux maladie des yeux et annexes 5,6 % aux maladies des organes génitaux-urinaires 5,2 % aux maladies de l’appareil digestif Source : Comptes de la santé par pathologie 2002, Drees-Irdes Evolution de la part de la Consommation médicale totale dans le PIB 10 9 8 7 Part CMT/PIB Part CMT/PIB 6 5 4 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 Copyright : Eco-Santé France 2008, Source : Drees, Comptes de la santé 8 Le financement de la consommation médicale en 2008 100% 90% 80% 70% 60% % Part des dépenses de santé dans le PIB OCDE 2007 50% 40% 30% 20% 10% 0% 2,83% Soins ambulatoires 12,46% Pharmacie Ménages Hopital OCAM 5,31% 20,91% 16,51% Etat et CMUC Assurance maladie 17,46% 1,25% 1,65% 1,24% 90,60% 64,98% 64,78% Copyright : Eco-Santé France 2009, Source : Drees, Comptes de la santé 9 Structure de la consommation des ménages en 2008 Habillement chaussures; 4,38% Alcool tabac; 2,85% Communications; 2,68% education; 0,81% Santé; 3,58% Meubles, matériel ménager; 5,86% Hôtels, café, restau rants; 6,21% Logement, chauffa ge, éclairage; 25,20% Loisirs, culture; 8,95% Autres; 11,52% Transports; 14,54% Alimentation et Boissons; 13,43% LA CONSOMMATION MÉDICALE DES PERSONNES AGÉES Copyright : Eco-Santé France 2009, Source : Drees, Comptes de la santé 10 Les dépenses de santé augmentent avec l’âge Concentration des dépenses pour l’ensemble des soins médicaux 100% 9,3% 100% 90% 80% 90,7% 70% 94% 74% 60% 59% 50% 70% 40% 30% 47% 20% 10% 0% 20% 10% 5% % des personnes % des dépenses Source : EPAS-ESPS, 1995 11 10 % des personnes réalisent : 59 % de l’ensemble des dépenses 97% des dépenses de soins hospitaliers 43% des dépenses de soins ambulatoires 91 % des dépenses d’optique médicale 89% des dépenses d’auxiliaires 80% des dépenses de dentiste 62% des dépenses de biologie médicale 55% des dépenses de spécialistes 50% des dépenses de pharmacie 38% des dépenses de généraliste Taux Taux d'hospitalisé en 3 mois (%) Concentration des dépenses médicales 9 8 d’hospitalisés en 3 mois 65 ans et plus : 7,6 % 8,5 7 7 6,2 6 5 4,4 5,1 4 4,9 4 3 2,3 2 1 0 <2 ans 2-9 ans 1019 ans 2029 ans 3039 ans 4049 ans 5059 ans 6069 ans 7079 ans 80 ans et plus Irdes ESPS 2002 12 Taux de consommateurs de soins de médecins selon l’âge Les soins de médecin aux personnes âgées 40 Visites Généralistes 35 Taux de consommateurs en un mois Consultations Généralistes Spécialistes 30 25 Généralistes 60 à 69 ans 70 à 79 ans 80 ans et plus 20 15 10 5 20,3% 17,3% 14,9% 44,6% 51,7% 60,5% 65 ans et plus 12,9% 44,0% Nombre de séances par personne et par an 52,1% 60 à 69 ans 70 à 79 ans 80 ans et plus Généralistes 5,2 6,4 7,9 Spécialistes 3,8 3,7 2,8 Ensemble médecins 9,0 10,1 10,7 65 ans et plus 6,6 3,6 10,1 0 <2 ans Irdes ESPS 2002 2-9 ans 10-19 ans 20-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-69 ans 70-79 80 ans ans et plus 33,4% 44,0% 53,6% Ensemble médecins Spécialistes 13 Taux de consommateurs de soins de dentistes selon l’âge Taux de consommateurs de pharmacie en un jour selon l’âge Irdes , ESPS 2002 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 8,6 8 7,9 6,6 6,8 3,2 Taux de consommateurs en un jour Taux d'hospitalisé en 3 mois (%) 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 3,3 0 <2 2-9 ans ans 10- 20- 30- 40- 50- 60- 70- 80 19 29 39 49 59 69 79 ans ans ans ans ans ans ans ans et plus moins de 2 ans 2-9 ans 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 ans ans ans ans ans ans ans 80 ans et plus Ensemble 39,1 16,7 19 32,8 34,5 42,7 59,5 73,3 87,1 90,3 Prescrite 34,8 14,1 16,1 29,5 30,7 38,3 56,5 71,4 85 87 Non prescrite 5,3 3,1 3,4 5,4 5,6 5,9 5,1 3,5 2,6 2 Irdes ESPS 2006 14 La consommation quotidienne de médicament Nombre de boîtes de médicaments acquises en un mois selon le nombre de maladies Age 60-69 ans 70-79 ans 80 ans et plus Nombre moyen par jour 3 3,9 4,4 65 ans et plus 3,9 Nb. moyen de boîtes acquises 20 Pers. âgées de moins de 65 ans 18 Pers. âgées de 65 ans et plus 16 14 12 10 8 6 4 2 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 et plus Nb. de maladies déclarées Source : ESPS, 2004 Irdes ESPS 2000 15 Cohorte PAQUID âge moyen 77 ans Caractéristiques de la consommation pharmaceutique des personnes âgées A domicile : en moyenne 4,5 médicaments par jour 43 % prennent entre 5 et 10 médicaments 2,3 % en prennent plus de 10 par jour En institution : en moyenne 5,2 médicaments par jour plus de 50 % prennent entre 5 et 10 médicaments Enquête permanente sur la prescription médicale ESPS Appariement EPASESPS Personnes âgées de 65 Personnes âgées de ans et plus moins de 65 ans Nb. de boîtes par ordonnance 8 5 Nb. de conditionnements par ligne 2,4 2,0 Nb. de lignes par ordonnance 3,4 2,6 Coût par ordonnance 71 € 37 € % de séances suivi d'une ordonnance 83 % 77 % Coût par conditionnement 9€ 8€ Durée de traitement 41 J 29 J Taux de consommateurs 67 % 35 % Dépense pharmaceutique annuelle 848 € 229 € Ensemble de la population 6 2,1 2,8 45 € 78 % 8€ 32 J 39 % 314 € 4 % en prennent plus de 10 par jour Source :IRDES, Données IMS Health, EPPM 2000 16 A chaque âge son médicament.. Taux de consommateurs de médicaments en un jour par classe thérapeutique en un jour 1,1 Anti-infectieux voie générale Dermatologie Divers Antinéoplasiques, immunomodulateurs Organes des sens Appareil respiratoire Hormones Antidiabétique Appareil génito-urinaire Vitamines, minéraux, métabolisme Appareil digestif métabolisme Appareil Locomoteur Psycholeptiques Système nerveux central Sang Organes hématopoïétique Appareil cardiovasculaire 65 ans et plus 1,5 1,7 1,8 3,3 7,2 7,3 8,4 9,4 10,3 16,3 16,9 18,5 21,5 39,3 58,1 0 10 20 30 40 50 60 Irdes ESPS 2006 17 Des opinions contrastées Les médias et les acteurs du système de santé « les enjeux considérables » liés à l’évolution de la pyramide des âges « ont de quoi faire peur », le Monde, mars 2004 Les scientifiques : « Le vieillissement démographique n’a qu’un rôle mineur dans la VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION ET DÉPENSES DE SANTÉ hausse des dépenses de santé », Hélène Huber, thèse d’économie de la santé, 2006 « Apocalypse No » Robert Evans, économiste de la santé canadien, 2001 « Les vieux ne coûteront pas si cher » Simone Sandier, économiste de la santé, 1988 18 Comment expliquer la croissance des dépenses de santé ? Le vieillissement de la population ? L’augmentation du recours aux soins ? L’état de santé Les pratiques de soins La partie émergée de l’iceberg LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION 19 Les dépenses de santé augmentent avec l’âge La part des personnes âgées dans la population va augmenter sensiblement 20 Un effet mécanique de l’âge somme toute modéré Cet effet, même s’il augmente, reste malgré tout modéré : 0.5% par an entre 1990-2000 0.7% par an entre 2000-2020 Soit 1.5 point de PIB en 20 ans et 3 points à l’horizon 2050 Une pression qui s’accentue, mais ne représente qu’une fraction de la croissance effective Le débat sur le coût de la mort 1980 à 2000 : croissance de 3,9% en volume AGE OU FIN DE VIE ? 21 L’augmentation des dépenses par âge s’explique en partie par le coût de la dernière année de vie Pourcentage des dépenses consacrés aux patients dans leur dernière année de vie Medicare : 27 % en moyenne [1993-1998] (Hogan, 2001) Pays Bas : 11% des dépenses totales, 26% des dépenses des personnes âgées [1999] (Polder et al., 2006) France : 10-11% des dépenses totales [1994-1997,2001] (Hauet, 1998 ; HCCAM, 2004) Les coûts de fin de vie sont concentrés dans les derniers mois, mais les écarts existent déjà plusieurs années avant le décès Le coût de la dernière année diminue avec l’âge En France, ce coût s’élève jusqu’à 55-64 ans et diminue ensuite Les écarts s’effacent à âge et pathologie identique Le recul de la mortalité minore les dépenses de santé Sous l’hypothèse que le recul de la mortalité s’accompagne d’un report des soins La prise en compte du recul de la mortalité entraine : UK : hausse des dépenses hospitalières passe de +0.8% à +0.4% par an [2002-2026] USA : diminue les dépenses de Medicare à l’horizon 2020 : de 9% à 15% de baisse France : baisse de l’impact du vieillissement de 0.7 point de PIB à 0.45 22 Dépenses de santé moyennes par groupe d’âge, 1992-2000 Le recours aux soins des personnes âgées s’accroît plus vite que celui du reste de la population La proximité du décès explique une grande partie de l’effet de l’âge mais elle ne rend pas compte de la totalité de l’effet de l’âge En effet, les dépenses de soins des personnes âgées ne diminuent pas, bien au contraire ETAT DE SANTÉ OU PRATIQUES DE SOINS ? Dormont, Grignon, Huber, 2006 23 Mauvaise santé de pratiques? V a r ia t io n 1 9 9 2 -2 0 0 0 (% ) ou modifications M é d e c in s P h a r m a c ie Impact vieillissement H ô p it a l T o ta l d é p e n se s 5,1 7,6 6,4 6,4 structure par âge 2,1 4,6 3,4 3,4 effectifs de la population 3,0 3,0 3,0 3,0 P ratiques à morbidité égale -15,1 52,2 7,1 12,9 -1,2 -9,2 -14,6 -9,7 28,6 14,1 -26,3 -1,6 -2,8 2,5 95,5 46,0 14,6 67,3 68,1 53,9 Morbidité Age Autres modifications Variation totale A l’heure des choix CONCLUSIONS Dormont, Grignon, Huber, 2006 24 Une conjugaison de facteurs Des enjeux importants en termes de politiques publiques La déformation de la pyramide des âges fera mécaniquement augmenter les dépenses de santé (1.5 pt de PIB en 20 ans) Il n’y a pas de fatalité démographique ou Le recul de la mortalité minore cet impact L’évolution de la morbidité a également un impact négatif L’accroissement des consommations médicales relève bien de l’évolution des pratiques de soins et des coûts des soins épidémiologique qui conduirait à des besoins croissants et donc à une dépense inéluctablement de plus en plus élevée. La croissance provient de l’évolution des pratiques. Quels choix pour notre avenir ? Quels progrès techniques accepter de financer ? Quelle est l’utilité des soins fournis ? Des questions qui n’ont rien à voir avec le vieillissement ! 25