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HYGIENES - 1997 - VOLUME V - N°6
LE DÉPISTAGE DES PATIENTS À RISQUE D’INFECTION NOSOCOMIALE OU DE PORTAGE DE BACTÉRIES MULTIRÉSISTANTES
Quand dépister ?
◆L’identification d’un patient à risque d’infection
nosocomiale se fait dès l’entrée par l’histoire du
patient et l’examen clinique (5). Elle impose la prise
des mesures de prévention et l’application stricte
des règles d’hygiène de base.
◆L’identification d’un patient susceptible d’hé-
berger une bactérie multirésistante est plus com-
plexe. Dans une situation de prévalence élevée,
l’idéal pour la prévention de la dissémination des
BMR est le dépistage de chaque entrant et son iso-
lement en attendant les résultats. Les contraintes
de l’architecture hospitalière (absence ou nombre in-
suffisant de chambres seules) et les contraintes
économiques imposent de cibler les patients.
◆Si on se réfère aux données de la littérature, on
peut proposer un dépistage systématique à
l’entrée pour certains patients, tandis que le dé-
pistage se fera au cours du séjour pour les
autres selon les risques individuel ou collectif
(Tableau XV).
Le rythme de la réalisation des prélèvements
bactériologiques est très discuté et n’a pas fait
l’objet d’un consensus. Le portage* d’une BMR
peut être très long (plusieurs mois) ou intermittent.
Un malade dont les prélèvements se sont appa-
remment négativés, peut redevenir colonisé
quelques jours ou semaines plus tard. Il est donc pri-
mordial de maintenir l’information du personnel par
la signalisation des antécédents de BMR sur le
dossier du patient.
On peut proposer l’attitude suivante :
•pour un patient porteur d’une BMR, il est impératif
d’avoir deux prélèvements négatifs à 72 heures
d’intervalle avant de lever l’isolement. Le suivi ul-
térieur du statut bactériologique devra être réa-
lisé à un rythme à adapter au cas par cas, par
exemple hebdomadaire pendant un mois puis
mensuel afin de dépister précocement une reco-
lonisation.
•en cas de persistance d’une situation endémique
dans un service, un dépistage systématique plus
fréquent de tous les patients peut être justifié.
Comment dépister ?
Le dépistage des patients infectés, colonisés ou
porteurs se fait par des prélèvements bactériolo-
giques ciblés. Dans un souci de cohérence, d’éco-
nomie et d’efficacité, il est indispensable de
connaître les réservoirs naturels humains des BMR
(Tableau XVI) et d’organiser ce dépistage en colla-
boration avec le bactériologiste afin cibler les re-
cherches et d’adapter les milieux de culture utili-
sés au laboratoire. Dans tous les cas, il faut chercher
le portage au niveau du réservoir principal, recher-
cher des colonisations asymptomatiques au niveau
de réservoirs secondaires (urines, plaies) et éven-
tuellement rechercher des infections en fonction
des signes cliniques.
Dépistage du SARM
•le portage doit être es-
sentiellement recher-
ché au niveau nasal.
L’écouvillonnage nasal
permet l’identification
de 60 à 85 % des por-
teurs. Une amélioration
de la sensibilité peut se
faire en associant des
prélèvements au niveau
du périnée.
•des plaies (plaie opéra-
toire, escarres), peuvent
constituer un réservoir :
leur prélèvement doit
être systématique.
•une colonisation par du
SARM est éventuelle-
ment à rechercher au
niveau des urines (ban-
delettes urinaires posi-
tives, patient sondé) ou
dans les expectorations
(surinfection bronchique ou de trachéotomie).
•une infection par du SARM est à rechercher au ni-
veau des sites infectés en fonction de la clinique.
Dépistage des entérobactéries
roductrices de ßLSE
Le portage doit être recherché par une bacté-
riologie des selles et/ou un écouvillonnage rectal.
Une colonisation peut être recherchée au niveau
des urines (bandelette urinaire positive, patient
sondé), au niveau des crachats (en cas de surin-
fection bronchique ou de trachéotomie) ou au ni-
veau des plaies (escarres, plaie opératoire).
Une infection est à rechercher au niveau des
sites infectés en fonction de la clinique.
Bibliographie
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Tableau XVI -
Réservoirs de BMR :
SARM et entéro-
bactéries sécrétrices
de ßLSE.
Tableau XV -
Propositions de
dépistage des
patients susceptibles
d’être infectés,
colonisés ou porteurs
de BMR.
Dépistage dès l’entrée
•patient venant d’un service à risque, d’un service
endémique,
•patient antérieurement porteur, colonisé ou in-
fecté par une BMR,
•patient présentant un risque élevé : présence de
plaie, escarre, sonde urinaire, trachéotomie, mul-
tiples antibiothérapies antérieures,
•politique du service : dans le cas d’épidémie ou
de forte endémie.
Dépistage durant le séjour
•signes cliniques ou paracliniques d’infection,
•voisin de chambre d’un sujet infecté, colonisé ou
porteur,
•sujets de chambres adjacentes si deux cas sont
reconnus chez des patients proches sur le plan
géographique,
•ensemble de patients présents dans l’unité si plus
de deux cas sont identifiés ou si deux cas survien-
nent chez des patients hospitalisés dans des
chambres éloignées,
•patient ayant des antécédents de colonisation ou
portage de BMR.
SARM
•Muqueuses :
nez, périnée ++
•Peau : aisselles
++
•Plaies, escarres
++
•Urines
Entérobactéries
productrices de
ßLSE
•Tube digestif ++
•Urines ++
•Périnée ++
•Escarres, plaies