poursuite ». Le champ de l’inviolabilité présidentielle est donc très large. La protection
s’étend à toutes les formes de responsabilité (civile, pénale, administrato-répressive). Mais le
texte va plus loin. En interdisant toute « action », il empêche le Président de la République
d’être attrait devant un juge pour quelque cause que ce soit. Un créancier du chef de l’Etat ne
pourra obtenir paiement de sa créance. L’épouse battue ou trompée du Président ne pourra
obtenir ni le divorce, ni même une ordonnance de non-conciliation pendant la durée du ou des
mandat(s) (cf. M.-L. Rassat, De la responsabilité pénale du Président de la République,
propos d’un pénaliste, Mélanges Dupichot, Bruylant, 2004, p. 437). Le titulaire d’un droit de
passage sur la propriété privée du chef de l’Etat devra attendre la fin de la charge
présidentielle pour demander l’exécution de la servitude. On mesure, avec ces quelques
exemples de la vie quotidienne l’incohérence d’un mécanisme d’inviolabilité totale, qui
prétend protéger la fonction présidentielle en niant les droits les plus élémentaires des autres
citoyens. On aurait pu imaginer au contraire, s’agissant d’action portant sur des droits civils,
que la représentation du Président de la République puisse être assurée par un mandataire
contre lequel les actions seraient dirigées. Le chef de l’Etat n’aurait pas été inquiété et les
droits des tiers auraient été préservés. Par ailleurs, l’inviolabilité aurait dû tout simplement
être écartée pour les actions d’Etat (divorce, filiation…). La commission Avril et le pouvoir
constituant qui a repris ses propositions, ont confondu la mise en œuvre de la responsabilité
pénale du Président de la République avec l’exercice d’actions en justice qui ne remettent en
cause ni la fonction présidentielle ni la continuité de l’Etat. La portée de cette inviolabilité est
d’autant plus grande qu’elle couvre tous les actes détachables de la fonction commis pendant
la durée du mandat, mais encore tous les actes accomplis avant l’entrée en fonction du
Président.
Plusieurs atténuations ont été proposées pour palier les effets de l’inviolabilité
présidentielle. La première réside dans la suspension des délais de prescription ou de
forclusion des actions susceptibles d’être exercées contre le chef de l’Etat. L’article 67 al. 3 de
la Constitution énonce que « les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle
peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la
cessation des fonctions ». Le délai d’un mois correspond à une période de transition entre la
fin des fonctions présidentielles et le retour à la qualité de citoyen ordinaire.
Par ailleurs, la commission Avril a proposé la mise en place, dans une loi organique,
d’un mécanisme assurantiel qui permettrait de garantir l’indemnisation des dommages causés
aux tiers durant l’exercice du mandat présidentiel. Il a encore été suggéré de transférer à un
tiers les contrats de travail que le Président aurait pu conclure, en tant qu’employeur,
antérieurement à son entrée en fonction. On pourrait enfin imaginer, pour les actes les plus
graves, de mettre en œuvre la procédure de destitution (cf. infra sur cette procédure)
permettant au Président de retrouver sa qualité de citoyen ordinaire.
Le problème essentiel réside dans le fait que la preuve d’un acte susceptible d’entrainer
la destitution sera, en pratique, impossible à rapporter. Aucun acte coercitif de recherche de la
preuve (civile ou pénale) ne pourra être engagé contre le chef de l’Etat. Le mécanisme
d’inviolabilité bloque ainsi, non seulement les actions en justice, mais encore le mécanisme de
responsabilité politique qui a été mis en place par la loi constitutionnelle du 23 février 2007.
II) La responsabilité politique du chef de l’Etat
L’étude de cette responsabilité déborde le cadre d’une chronique législative de droit
pénal, mais il est difficile de scinder artificiellement deux mécanismes qui sont, en réalité,
complémentaires. Notre commentaire sera toutefois plus retreint et, à l’évidence, moins averti.
La commission Avril écrivait dans son rapport : « il a donc paru plus sain, à la fois
pour la justice et pour la politique, de distinguer les deux registres et de situer d’abord la
responsabilité du chef de l’Etat dans le registre politique ». Les propositions ont été reprises