PRÉLIMINAIRES PRÉLIMINAIRES Histoire dérangée d’un organe dérangeant Au commencement de l’histoire du clitoris, un homme. À l’instar d’un certain Cristoforo Colombo, qui « découvrit » l’Amérique, c’est un autre Colombo, Matteo Realdo de son prénom, qui, le premier, posa un petit drapeau sur l’organe du plaisir féminin. Nous sommes en 1559 quand ce professeur d’anatomie italien décrit la fonction du clitoris dans un texte enthousiaste et presque lyrique. Oui, au XVIe siècle, on reconnaît déjà que le clitoris est le déclencheur du plaisir féminin ! On sait aussi à quoi il ressemble, et pas seulement sa partie externe : le gland, le corps, les deux piliers, tout (ou presque) y est. C’est Gabriele Fallopio (Fallope en français), élève et successeur de Colombo, qui en décrit l’anatomie, et dès 1615 on a accès aux dessins d’anatomie de son collègue Giulio Casseri, qui le représente pratiquement en entier"1. « Quand Freud qualifie plus tard la sexualité féminine de “continent noir inexploré”, c’est de l’enfumage ! » lance Jean-Claude Piquard, sexologue et auteur de La Fabuleuse Histoire du clitoris""2. Et pour cause : l’organe du plaisir féminin était déjà connu et compris quatre siècles avant que le père de la psychanalyse sorte de l’utérus de sa mère ! Mais alors, comment a-t-on pu passer d’une connaissance quasi complète du bouton de rose au niveau zéro de l’information ? La science n’est-elle pas censée avancer dans le sens du progrès ? Ouh là là, non, madame. Pas quand il s’agit du clitoris. Là, tout va dans le mauvais sens, et surtout pas dans le sens de l’épanouissement des femmes. Le clitoris – uniquement dédié au plaisir féminin – fut longtemps nié, voire menacé, en Occident, et sa stimulation, un temps conseillée aux maris par l'Église, prohibée. Pourtant décrit dès 1559, et ayant fait l'objet d'études scientifiques au cours des siècles, il reste encore largement méconnu du grand public. Mais que s'est-il donc passé ? PAR CLARENCE EDGARD-ROSA 6 ƋťÅŻŻÅŸHORS-SÉRIE © G. CASSERI Dans le clip Clitopia, de Dorian Electra,on découvre tout ce qu’on nous a caché pendant notre scolarité. © D. ELECTRA/REFINERY29 Masturbation thérapeutique À partir du XVIe siècle et de la grande découverte de Colombo (comme si, jusque-là, les femmes n’avaient jamais découvert ce qui se tramait dans leur culotte), on s’intéresse sérieusement au clitoris. Et pour cause : les médecins sont persuadés qu’il joue un rôle essentiel dans la procréation. « La stimulation du clitoris est considérée comme une pratique importante dans le lit conjugal, explique Jean-Claude Piquard. Même l’Église la recommande aux maris. Certains médecins vont jusqu’à écrire que l’orgasme simultané est la condition sine qua non de la reproduction ! » C’est au XVIIIe siècle que ça se gâte pour le bouton de rose et ses détentrices… On considère toujours que le clitoris sert à la procréation, mais, quand une femme le stimule seule, il s’agit pour les médecins d’une véritable méthode de contraception. On estime que la masturbation pourrait provoquer la fin de l’humanité, rien que ça ! « L’axe de cette répression sexuelle, c’est la poussée nataliste », note Piquard, qui n’hésite pas, une fois sur deux, à parler de « conspiration nataliste » soutenue par l’Église. La masturbation en solo devient l’interdiction ultime. « C’est le cas en France, où j’ai retrouvé plusieurs cas d’excisions thérapeutiques, mais surtout en Allemagne, où elle était beaucoup pratiquée. Et comme les médecins connaissaient déjà très bien l’anatomie interne du clitoris, ils extirpaient tout, avec des conséquences mortelles dans de nombreux cas. » En Europe, le XIXe siècle est une période délirante pour le bouton de rose : alors que l’on invite l’homme à stimuler celui de sa femme, certains médecins pratiquent des ablations et des mutilations du clitoris pour empêcher la masturbation… tandis que d’autres masturbent leurs patientes jugées hystériques pour les « calmer »"3. Ce n’est pourtant pas faute d’avancées scientifiques : en 1848, en Allemagne, alors que la répression de la masturbation bat son plein, le Dr Georg Ludwig Kobelt, professeur d’anatomie, publie un ouvrage sur les sexualités féminine et masculine, axé sur le plaisir. Il y établit une corrélation entre le gland du clito et celui du pénis, et est l’un des premiers à décrire avec précision les bulbes du clitoris, ainsi que la manière dont les sensations courent jusqu’au cerveau via le « nerf honteux »"4. Il conclut même que le plaisir féminin est plus intense que le plaisir masculin. « Durant le même siècle, ajoute Jean-Claude Piquard, les femmes considérées comme hystériques vont en effet chez le médecin pour se faire En 1615, les dessins d’anatomie de Giulio Casseri représentaient le clitoris presque en entier… avant qu’on en oublie la majeure partie. 2000 avant Colombo Avant leur description anatomique par Matteo Realdo Colombo au XVIe siècle, comment se représentait-on les organes sexuels féminins ? « De l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne, il y a cette idée très prégnante que les organes sexuels de la femme sont exactement comme ceux de l’homme, mais inversés – c’est-à-dire à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur, et tant qu’à faire un peu moins bien », explique Anne Fauvel, historienne spécialiste de la médecine et de la sexualité féminine. « Jusqu’au Moyen Âge, on pense qu’il y a une “semence féminine” produite durant l’orgasme, qu’on appelle alors la “décharge génésique”. Les deux semences sont indispensables puisque c’est en se mélangeant qu’elles aboutissent à la procréation. Beaucoup de médecins se demandent si la semence féminine est aussi importante que celle de l’homme. Certains acquiescent, d’autres disent que la semence féminine est froide et passive. À l’époque moderne, c’est le grand chambardement. Au lieu de dire “c’est pareil mais inversé”, on construit un modèle spécifique à chaque sexe et on insiste sur les différences. C’est là qu’on met en avant la spécificité du clitoris et des ovaires. » U C. E.-R. Voyage en Clitorie 7 PRÉLIMINAIRES Pionniers d’Amérique La série américaine Masters of Sex a raconté pendant quatre saisons l’histoire hallucinante de Virginia Johnson et William Masters, pionniers de la sexologie et couple mythique (photo ci-contre). Quand ils entament leurs recherches en observant leurs patientes, godemiché entre les cuisses, pour mesurer les effets physiologiques de l’orgasme, c’est un scandale ! Il faut dire que tout cela commence en 1957… On retient de 8 Effacement des manuels L'idéologie contre la science « Le premier à laisser l’idéologie l’emporter sur la science est le psychiatre Richard von Krafft-Ebing, note JeanClaude Piquard. En 1886, dans Psychopathia sexualis [un ouvrage qui sera réédité quatorze fois jusqu’en 1903], il décrit “un distinguo chronologique où deux zones érogènes se succèdent dans la maturation de l’individu : le clitoris chez la femme vierge ; le vagin et le col de l’utérus après la défloration”. » C’est ainsi qu’il jette trois cent cinquante ans de savoir médical avec l’eau du bain puisque, depuis 1559 et les travaux de Colombo, tous les médecins reconnaissaient le clitoris comme organe du plaisir féminin et les chercheurs ayant repris le flambeau étaient unanimes sur la très faible innervation sensitive du vagin. Aude Fauvel rappelle que l’histoire de la médecine n’est jamais unilatérale ni consensuelle. D’ailleurs, leurs recherches la découverte scientifique de l’orgasme multiple et la reconnaissance du clitoris. Mais l’exploit de ces deux experts, c’est d’avoir fait figurer le sexe parmi les sujets de discussion admissibles en société. Le divorce du couple en 1993, après vingt et un ans de mariage, est vécu par leurs nombreux admirateurs comme un véritable cataclysme. Dans une interview donnée au New York Times en 1994, Virginia Johnson, alors ƋťÅŻŻÅŸHORS-SÉRIE elle note que cette période est aussi celle des premiers discours féministes. « Il y a, au XIXe siècle, des femmes médecins qui estiment que le plaisir féminin est aussi important que le plaisir masculin. Elles soutiennent l’idée que, sauf si l’on veut faire du mariage une sorte de viol légal, il faut prendre en compte la satisfaction des femmes. Ce discours s’accompagne d’un débat sur la sexualité non reproductive, et donc d’un questionnement sur la contraception. Derrière la répression visant le clitoris, je soupçonne qu’il y a eu un combat d’une partie des médecins hommes, qui voyaient les femmes entrer dans la profession et, avec elles, des patientes leur échapper. Ils essayaient ainsi de prouver de toutes les manières possibles que les femmes étaient des individus faibles dont les hommes devaient absolument contrôler le corps. » âgée de 69 ans, raconte son étonnement en découvrant les « tonnes de lettres » reçues à l’annonce de la séparation. « C’est comme si mes parents divorçaient », confie l’une d’elles. « Comment pouvez-vous aider les autres si vous ne pouvez pas vous aider vous-mêmes ? » pleurniche une autre. Et la chercheuse d’ironiser : « C’est drôle, les gens supposent que nous avions forcément un problème d’ordre sexuel ! » U C. E.-R. © HAUT ET COURT – UNIVERSAL HISTORY ARCHIVE/GETTY IMAGES masturber""5. On considère que cela permet d’évacuer leurs pulsions. Cette pratique représente environ 30 % du chiffre d’affaires des praticiens, c’est une activité plus que rentable. L’hystérie étant une maladie imaginaire, les patientes ne peuvent pas en mourir… Mais techniquement, elles ne peuvent pas en guérir non plus. » Jackpot. Le XIXe siècle n’étant pas à un paradoxe près, une nouvelle pratique médicale apparaît aux États-Unis : on veut empêcher les femmes de se masturber parce que cela les éloignerait de la procréation, alors on leur fait subir une ablation… des ovaires. Ovaires sans lesquels, rappelons-le, on ne peut pas faire de bébés. Mais c’est là que se niche la testostérone. Les médecins moralistes en concluent que sans ovaires la libido s’en va, et la masturbation avec elle. Puis ce qui devait arriver arriva. Les médecins pigent enfin que le plaisir féminin ne joue aucun rôle dans la tambouille reproductive. Le clito est évacué purement et simplement de leurs travaux. Le mot sort même de certains dictionnaires ! « La médecine n’aimant pas ce qui est superflu, le XIXe siècle voit apparaître des théories darwinistes selon lesquelles le clitoris est un organe voué à disparaître avec l’évolution de l’espèce, ajoute l’historienne Aude Fauvel, spécialiste de la sexualité féminine à l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique de Lausanne. Certaines de ces théories stipulent même que le clitoris est un vestige de la préhistoire et que si les femmes noires en ont un (elles qui sont “peu évoluées” !), il s’agit chez les femmes blanches d’une anomalie. Quoi qu’il en soit, l’idée d’une pénétration érigée comme seule source “normale” de plaisir féminin se développe, et la psychanalyse vient en rajouter une couche. » C’est Freud qui prend le relais dès 1905 : il écrit que le plaisir clitoridien est infantile et que la pénétration vaginale est la seule forme de sexualité adulte. Il considère que la masturbation est une activité masculine et écrit d’ailleurs que « l’élimination de la sexualité clitoridienne est une condition du développement de la féminité »… Autrement dit, celle qui se tripoterait le clitoris ne serait pas une vraie femme. Ses théories deviennent très populaires dès 1925, et infusent tranquillement, y compris dans la médecine. © JOSSE/LEEMAGE – ART SHAY/GETTY IMAGES À l’époque du Dr Charcot, représenté ici par le peintre Pierre-André Brouillet à la Salpêtrière en 1887, on hésitait entre masturbation et ablation du clitoris pour apaiser les hystériques. PRÉLIMINAIRES Mais ces femmes médecins sont à l’époque des voix dissidentes (d’affreuses féministes, n’est-ce pas), et l’obscurantisme qui entoure le clitoris se poursuit dans la littérature scientifique. « Quand on regarde les manuels Gray’s Anatomy"6, l’édition de 1901 montrait un clitoris, plutôt proéminent même, qui disparaît complètement dans l’édition de 1948, note Alessandra Cencin, chercheuse en histoire de la médecine, spécialiste du plaisir féminin et de ses représentations. C’est l’exemple le plus flagrant d’effacement de la représentation anatomique du clitoris au XXe siècle. » En 1953, à contre-courant du discours anticlitoris dominant, le Dr Alfred Kinsey publie aux États-Unis Le Comportement sexuel des femmes, dans lequel il démontre l’importance du clitoris. Il sera la cible de nombreuses attaques. Plus tard, à partir des années 1960, c’est le duo William Masters et Virginia Johnson (voir encadré « Pionniers d’Amérique ») qui tentera de nouveau de ramener la sexologie à la raison… sans être soutenus par leurs collègues médecins. La plupart de ceux-ci décrient en effet leur travail et les considèrent comme des pervers dégénérés. Et, en 1976, quand la chercheuse en sciences sociales Shere Hite publie son rapport sur la sexualité féminine"7, elle est attaquée si violemment par la société civile et les médias qu’elle finira par s’exiler et renoncer à la nationalité américaine (voir encadré « Le rapport qui fait peur »). Cachez ce clitoris dont personne ne veut entendre parler ! C’est dans un contexte militant que ressurgit alors le clitoris. « L’éviction culturelle est telle qu’il faut revendiquer une subjectivité féministe pour parvenir à ramener ces savoirs sur la scène publique, explique Alessandra Cencin. Pendant une dizaine d’années, une équipe de femmes [de la Federation of Feminist Women’s Health Centers, ndlr] conduit des études sur le clitoris et propose des planches anatomiques en 1981. Elles établissent, par auto-examen de leurs sensations, des notions anatomiques assez précises, notamment ce qu’elles nomment “l’éponge périnéale”, qui se trouve entre le vagin et l’anus. Ce sont les conclusions auxquelles arrivera O’Connell en 1998. » Helen O’Connell est l’urologue australienne qui a réalisé la première imagerie médicale du clitoris in vivo"8… « Non seulement la connaissance anatomique du Marie Bonaparte vs le reste du monde Il était une fois une princesse, Marie Bonaparte (photo ci-contre), obsédée par son « accomplissement orgasmique ». Elle pense souffrir de frigidité car elle ne parvient pas à atteindre l’orgasme vaginal, dont Freud dit qu’il est le seul plaisir féminin qui vaille. En contradiction totale avec ses théories, elle estime que le psychanalyste présente un « complexe viril » et veut le confronter. Elle échafaude alors un stratagème pour le rencontrer : elle invente un panel de deux cents femmes * sur lequel elle s’appuie dans un rapport concluant que la frigidité féminine est causée par une trop grande distance entre le gland du clitoris et l’orifice vaginal. La rencontre a enfin lieu en 1925. Marie Bonaparte tient tête à Freud et poursuit sa quête tout en devenant l’une de ses plus proches disciples. Deux ans plus tard, elle se rend en Suisse pour libérer son clitoris : elle subira trois opérations Voyage en Clitorie Dans Oh My God !, de la réalisatrice Tanya Wexler, le premier vibromasseur de l’Histoire est l’objet de toutes les convoitises… pour tenter de le repositionner **. « Les hommes se sentent menacés par ce qui aurait une apparence phallique chez la femme, c’est pourquoi ils insistent pour que le clitoris soit enlevé », écrirat-elle. U C. E.-R. * La Revanche du clitoris, de Maïa Mazaurette et Damien Mascret. Éd. La Musardine, 2008, réédité en 2016. ** Les 200 Clitoris de Marie Bonaparte, d’Alix Lemel. Éd. Mille et une Nuits, 2010. 9 PRÉLIMINAIRES clitoris ne date pas de Helen O’Connell, mais en plus elle ne l’a jamais revendiqué, corrige Alessandra Cencin. De même, il est faux de dire qu’il a fallu attendre les technologies qu’elle a utilisées pour percevoir les dimensions internes du clitoris. En revanche, c’est grâce à l’usage qu’elle a fait de ces technologies que ces connaissances ont été médiatisées. La croyance selon laquelle on n’y avait pas accès jusqu’en 1998 alimente une vision de la science qui serait linéaire et irait forcément dans le sens du progrès. » D’ailleurs, en matière de progrès, il ne faudrait pas trop s’emballer. Car, depuis 1998, on pourrait supposer que ce savoir se serait largement diffusé. Pourtant, aucun manuel scolaire ne représente le clitoris correctement (mais Causette a tenté de relever le défi en page 14), et pendant ce temps la recherche scientifique sur le plaisir féminin progresse très, très lentement, reposant toujours sur l’obstination d’une poignée de chercheurs militants. Comme la gynécologue Odile Buisson et le chirurgien urologue Pierre Foldes, qui ont eu tout le mal du monde à trouver des subventions quand ils ont voulu réaliser la première échographie in vivo du clitoris en 2007. Oui, aujourd’hui encore, puisque le clitoris ne sert qu’à la sexualité récréative des femmes, tout le monde s’en fiche. Il serait dommage de rejouer le XIXe siècle. De feindre d’oublier l’Histoire. U 1. De humani corporis fabrica libri decem, par Giulio Casseri, 1615. 2. La Fabuleuse Histoire du clitoris, de Jean-Claude Piquard. Éd. Blanche, 2012. 3. Technologies de l’orgasme : le vibromasseur, l’« hystérie » et la satisfaction sexuelle des femmes, de Rachel P. Maines. Éd. Payot, 2009. 4. À l’époque, c’était son vrai nom ! On l’appelle aujourd’hui nerf « pudendal », ce qui signifie « honteux » en latin… 5. Voir à ce sujet le film Oh My God !, réalisé par Tanya Wexler, sorti en 2011 (voir page 95). 6. Non, il ne s’agit pas de Grey’s Anatomy, la célèbre série hospitalière sur fond d’histoires de fesses. Gray’s Anatomy, c’est avant tout une encyclopédie d’anatomie de référence, éditée pour la première fois en 1858 et la dernière en 2008. 7. Le Rapport Hite : une étude nationale sur la sexualité féminine, de Shere Hite, publié en 1976, puis dans une nouvelle édition augmentée en 2004. 8. « Anatomical Relationship Between Urethra and Clitoris », par H. O’Connell, J. M. Hutson, C. R. Anderson, R. J. Plenter. The Journal of Urology, vol. 159, n° 6, juin 1998. Le rapport qui fait peur « Avez-vous régulièrement un orgasme pendant la pénétration ? » En 1976, quand la chercheuse Shere Hite, alors âgée de 34 ans, publie son Rapport Hite, une étude nationale sur la sexualité des Américaines, seules 30 % des répondantes, dont toutes connaissent l’orgasme, acquiescent. Et précisent : « J’aimerais que mes rapports avec mon mari m’apportent les mêmes orgasmes que la masturbation », ou encore « J’ai eu de nombreux orgasmes, mais je ne suis pas sûre de savoir ce que peut être l’orgasme “vaginal” ». Aux questions techniques et impudiques, 3 000 femmes répondent sans détour. Le Rapport Hite est à la fois un immense succès commercial et un pavé dans la mare des certitudes phallocrates. Ses conclusions effraient : quoi, le pénis n’est pas l’acteur principal du plaisir des femmes ? On reproche aussi à la chercheuse sa méthodologie peu scientifique. Car c’est en inondant le pays de questionnaires (via des magazines féminins, des associations féministes et même… des paroisses) qu’elle recueille ses données. Las ! Après avoir reçu des lettres de menaces, elle s’exile en Allemagne à la fin des années 1980 et en prend la nationalité. Shere Hite ne se contente pas de parler de la sexualité des autres, elle exprime aussi la sienne. Façon Greta Garbo, mais en beaucoup plus vamp, elle pose pour une multitude de revues européennes tout en continuant de publier des ouvrages sur la sexualité, l’amour et le patriarcat. En 1998, elle sort le rapport Hite sur… Hite. Une autobiographie sur la couverture de laquelle elle pose nue, arborant un rouge à lèvres rubis, à peine couverte par un bouquet de roses. Encore un majeur tendu à l’Amérique puritaine. U C. E.-R. Ode à l’organe La chanteuse et performeuse américaine Dorian Electra entonne une ode Dorian Electra donne une leçon au Dr Freud dans Clitopia. 10 joyeuse à l’organe le plus réprimé de l’anatomie humaine dans Clitopia. C’est bien simple : avec le clip, produit par le site américain Refinery29, on en apprend plus sur le clitoris en moins de quatre minutes que pendant l’intégralité de sa scolarité. Sur un son pop et catchy à souhait, elle propose une version romancée de son histoire, depuis la chasse aux sorcières (qui sacrifiait les femmes coupables de masturbation) jusqu’au cabinet de Freud en passant par le labo de Masters et Johnson (voir encadré « Pionniers d’Amérique »). « Le clitoris est bien plus que ce que l’on peut voir », chante-t-elle, vêtue d’un flamboyant costume qui le représente à taille humaine… avant d’attraper le dossier « Patriarcat » sur le bureau de son ordinateur et de le glisser dans la corbeille. Echec et mat. U C. E.-R. ƋťÅŻŻÅŸHORS-SÉRIE © J. STODDART/GETTY IMAGES – D. ELECTRA/REFINERY29 Shere Hite posant avec son livre Women and Love.