les garçons qui activaient déjà ce principe de vignettes, Massimo Furlan explore via le même principe
l’amour naissant sur fond d’angoisses d’enfant. Princesse, dragon, et monstres hideux : malgré son
titre léger, Sono qui per l’amore n’a rien d’un refrain chantant ».
Marie-Pierre Genecand, Le Temps, le 24 avril 2008
Plongeant dans l’univers du conte, avec force princes, princesses et dragon, le metteur en scène-
plasticien lausannois propose une création à l’univers oppressant où les héritiers couronnés doivent
résister aux assauts de petits êtres hydrocéphales et de démons rampants.
Des images arrêtées, avec autour des comédiens muets et immobiles fixant le public, un univers
visuel et sonore qui enfle et charge le plateau d’une redoutable intensité. Un théâtre souvent sans
parole, plein d’histoires nées de notre imaginaire collectif.
MPG, Le Temps Sortir, le 24 avril 2008
Thème
Fabrique du conte, fabrique du rêve
Partir d’un récit archaïque, d’une structure élémentaire, celle du conte de fée, qui constitue une
véritable fabrique de récits et d’actions. Revenir à une histoire qui est essentielle autant pour son
contenu que pour le territoire qu’elle dessine, et plus encore pour le lien qu’elle crée entre l’enfant
qui écoute, et la mère ou le père qui racontent. Partir de cette intimité-là.
Traverser la violence de ces histoires, affronter les affects éprouvants qui naissent des phrases,
au fil des pages, et qui parlent de la vie comme d’une initiation : supporter les épreuves
douloureuses de la séparation, de l’abandon, de la perte et de la mort.
Les images se suivent, presque sans paroles, presque sans actions, énigmatiques, elles
s’enchaînent selon la logique du rêve. Elles surgissent du noir, elles capturent le regard, elles
imposent leur durée.
Si on cherche un fil rouge, si on aime ramasser les cailloux blancs le long du chemin, si on a le
goût d’égrainer avec ses doigts des chapelets de signes, alors on peut repérer quelques
invariants du conte au sein de ces images. Il y a le jeu de l’échelle : un petit, un moyen et un
grand partagent un même espace ; il y a des personnages qui vont par deux et se jouent de leur
contraire, comme la fée bleue et la sorcière, la mère bienveillante et la marâtre, le père qui
abandonne et le père qui attend ; puis il y a les affects, qui s’opposent mais qui, dans le récit, se
jouent simultanément –la peur et le rire, la haine et la tendresse, la tristesse et la joie. Et surtout
il y a l’amour qui s’impose comme le moteur de tous ces récits : l’amour qui triomphe et terrasse
dragons et cauchemars, l’amour à la fin, enfin.
Un univers qui tient dans un livre, mais un univers qui déborde sans cesse sur la vie. Qui
interroge le processus temporel : autrefois, là-bas, il y a longtemps, qui deviennent, le temps de
l’histoire, un aujourd’hui, un ici et un maintenant. Les éléments du récit se mêlent aux
évènements de la vie, produisent en retour une action sur le réel, sur celui qui écoute : il fait froid,
il fait noir, il fait peur (tu me fais peur) et puis il fait clair, il fait jour, il y a de nouveau de la lumière.
Le conte impose un pouvoir fantastique d’inversion et de renversement : ce qui était sombre
devient lumineux, ce qui était mort s’anime à nouveau, le petit triomphe du grand, les enfants
terrassent leurs peurs, ils grandissent et dépassent leurs parents. Claire de Ribaupierre