Homélie du jeudi 27 octobre 2016 Ordination diaconale du frère Jean Berchmans (Le style oral a été conservé) Par Mgr Jean-Pierre Cattenoz C’est par une image toute simple que Jésus nous aide à entrer ce matin dans la profondeur de notre vocation à tous : La vigne, le vigneron et les sarments. La vigne, c’est le Christ Jésus. Le vigneron, c’est notre Père du ciel. Et les sarments c’est chacun de nous. Et nous sommes faits pour porter des fruits et les sarments qui ne porteront pas de fruits, ils seront coupés et jetés au feu. Et en même temps le vigneron, Il va tailler les sarments pour qu’ils puissent porter davantage de fruits, Il va émonder la vigne ; et le Seigneur, lui-même nous dit que nous avons été émondés par la Parole qu’Il nous a donnée. La Parole de Dieu a une fonction de purification. Tout simplement, parce que si nous accueillons la Parole en nous, alors elle va prendre vie, elle va prendre chair en nous, et elle nous permettra de nous laisser progressivement transfigurer -pour reprendre le verbe de Paul- en Christ, transfigurer dans le Christ, telle est notre vocation à tous. Ensuite l’évangéliste va jouer, comme pour nous donner une symphonie autour du verbe « demeurer ». Car tout son évangile nous fait passer d’un « demeurer auprès de Lui », à un « demeurer en Lui » ; c’est toute la mission de notre pèlerinage ici-bas, c’est de nous permettre vraiment d’apprendre à vivre en Christ, à demeurer en Lui. Et nous devons véritablement demeurer en Lui, comme Lui en nous. Quel mystère d’unité, quel mystère nuptial est celui auquel nous invite le Seigneur. Et en même temps St Jean revient immédiatement à l’image du sarment, car il ne peut pas porter de fruit par lui-même, s’il ne demeure pas sur la vigne ; et Jésus va aller très loin car il va nous dire : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » Quelle phrase terrible de Jésus… Si nous voulons vraiment agir pour porter du fruit et du fruit en surabondance, nous devons vivre en Christ, nous devons demeurer en Lui ; car si nous ne demeurons pas en Lui, alors nous serons jetés dehors et brulés avec tous les sarments secs. Et en même temps : « La gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruits » Et en même temps par cette phrase à double sens, le Seigneur veut nous rappeler que cette gloire de notre Père du ciel, ce n’est rien d’autre le Christ élevé en croix. Et il nous faudra à notre tour nous laisser identifier à la croix de Jésus, il nous faudra -et c’est une grâce qu’il nous fait- partager le mystère de sa Pâques pour porter du fruit en surabondance. Et dans la première lecture -que la providence a fait, que c’est la lecture prévue pour aujourd’hui dans la liturgie de l’Église- voilà que Paul, à la fin de sa lettre aux éphésiens, dans laquelle il nous a rappelé notre vocation à devenir les enfants bien aimés du Père dans l’unique Bien aimé, nous invite d’abord à puiser notre énergie dans le Seigneur, et dans la vigueur de sa force… Comment ne pas penser à l’Esprit Saint, pour puiser cette énergie qui seule nous permettra de réaliser cette vocation qui est la nôtre à tous ? Mais voilà que Paul -alors même que dans une autre lettre, il nous dit que : « vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtus le Christ »- mais voilà que pour notre cheminement ici-bas, le Seigneur nous invite à revêtir une nouvelle tenue, une nouvelle tenue qui va s’ajouter à cette tenue baptismale, et il nous dit qu’il s’agit d’un « équipement de combat » donné par Dieu, car ici-bas nous avons à vivre un véritable combat spirituel -et nous le connaissons bien, plus on entre dans l’intimité avec Dieu, plus on découvre la profondeur de ce combat qui se joue au cœur de notre monde- mais quelle est donc cette tenue nouvelle que nous devons tous revêtir ? « Prenez l’équipement de combat donné par Dieu » Alors c’est vraiment un don de Dieu, un cadeau de Dieu, qui nous donne tout ce qui nous est nécessaire pour ce cheminement ici-bas, pour ce temps de combat spirituel que nous avons à vivre. Et ainsi nous pourrons résister à toutes les tentations, à tout ce qui essaiera de nous faire tomber, à toutes les manœuvres du démon qui cherche comment nous faire tomber. Pour tenir bon, il faut que nous ayons les reins ceints de « la ceinture de la vérité »… Quelle est donc cette ceinture de la vérité ? Comment ne pas penser au Christ lui-même qui nous a dit : « Je suis la Vérité » Et si nous voulons mener le bon combat spirituel, alors il nous faut vraiment vivre en Christ. Et ensuite « portant la cuirasse de la justice » et cette cuirasse de la justice, de quoi s’agit-il ? Il s’agit bien évidemment d’entrer dans la volonté de Dieu, de nous unir davantage chaque jour à la volonté de Dieu, c’est l’union de volonté qui est vraiment au cœur même de toute la vie spirituelle. Vouloir se laisser saisir et conduire par l’Esprit Saint tout au long de notre vie, à chaque instant ; entrer dans le projet de Dieu et trouver notre place au cœur de l’Église d’aujourd’hui. Ensuite nous devons avoir les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’évangile de la paix ; alors on peut se demander comment les moines vont pouvoir revêtir ces chaussures pour annoncer l’évangile de la paix… Mais quel est donc cet évangile de la paix ? Car ce mot de paix, c’est le premier mot que les anges vont prononcer dans la nuit de Noël, et c’est le premier mot que Jésus ressuscité prononcera devant ses apôtres au soir de Pâques : « La paix soit avec vous » Et cette paix, elle n’est rien d’autre que l’unité retrouvée, car le péché des origines avait désarticulé l’homme, l’avait complètement défiguré, il n’avait plus visage de l’image de Dieu, et voilà que grâce à cette paix que le Seigneur vient nous rendre, chacune des parties de notre être va pouvoir retrouver sa place au service de la réalisation du projet créateur, devenir dans le Fils, les enfants bien aimés de notre Père du ciel. Ensuite nous avons à ne jamais quitter « le bouclier de la foi »… et de quel bouclier s’agit-il ? Et lorsqu’on est familier de l’évangile de St Jean, on s’aperçoit que Jean a voulu ne pas utiliser le mot de ‘foi’, mais utiliser en permanence le verbe ‘croire’, car pour lui l’essentiel pour un chrétien, c’est de vivre, de croire c’est-à-dire de vivre dans le Christ ; si vous relisez l’évangile de Jean, vous verrez que chaque fois que l’évangéliste met le verbe ‘croire’, il sait bien que nous aurons du mal à le comprendre ; alors il met une périphrase à côté pour nous expliquer ce que ‘croire’ veut dire et ‘croire’, c’est tout simplement vivre dans l’intimité de Jésus, c’est l’accueillir, c’est écouter sa Parole, c’est se nourrir de son corps, c’est demeurer en sa Présence et ainsi « le bouclier de la foi », c’est de vivre en Christ à chaque instant de notre vie. Ensuite nous avons à revêtir « le casque du salut », le casque du Salut c’est vraiment notre union au Christ dans sa Pâques car nous aussi nous avons à passer de ce monde au Père et nous ne pouvons y passer qu’en nous en remettant totalement au Christ, pour que par sa mort sur la croix, Il fasse mourir en nous le péché et que par sa résurrection d’entre les morts, Il nous donne vraiment de vivre dès maintenant, pleinement dans cette vie en Lui, cette vie divine. Et enfin nous devons avoir en main « le glaive de l’Esprit », la Parole de Dieu, et là nous avons tous à nous interroger quelle place a véritablement la Parole de Dieu dans chacune de nos vies. Nos pères dans la foi, lorsqu’ils cherchaient à se former, ils allaient près d’un ancien et l’ancien les envoyait ruminer la Parole de Dieu, la ruminer jusqu’à la connaitre par cœur ; ils passaient 3, 4, 5 ans à se laisser habiter par la Parole, au point que cette Parole prenait véritablement vie en eux ; car je vous avoue que chaque fois que j’ouvre mon Évangile, j’ai l’impression de vivre la fête de Noël ; car la Parole, le Verbe s’incarne en moi sitôt que je l’accueille véritablement et ainsi si nous avons en main le « glaive de l’Esprit », alors la Parole de Dieu prendra vie en nous et l’Esprit Saint pourra faire de nous des Saints, c’est-à-dire nous habiter et nous conduire jusqu’à la réalisation du projet de sainteté que le Père a pour chacun de nous et en même temps nous donner notre place au cœur de l’Église. Et je voudrais à la fin rappeler que Paul nous dit qu’il est « l’ambassadeur du Christ », or dans le monde juif l’ambassadeur c’est celui qui rend présent le Christ là où il est. Alors, frère Jean Berchmans, vous aurez à rendre présent le Christ partout où vous serez, vous aurez à être vraiment à l’image du Christ serviteur de tous -et je me permets une petite anecdote : Le jour de mon ordination diaconale, il y a déjà de nombreuses années, j’ai un neveu qui à la sortie de la célébration est venu me dire : « Mais y’a quelque chose que j’ai pas compris : Le vieux Monsieur avec le chapeau, il n’a pas arrêté de dire qu’il fallait servir les autres et lui il n’arrêtait pas de se faire servir… » Alors il me semble, que l’on soit Père abbé, que l’on soit évêque, nous avons vraiment à être au service de nos frères, à nous rappeler que nous sommes également diacres et que ce diaconat, nous avons à le vivre quel que soit notre état de vie dans l’Église. Et je finirai, frère Jean Berchmans, en vous rappelant par avance la prière ou la Parole que je vous dirai en vous remettant l’Évangile du Christ. Je vous dirai que vous avez la mission de l’annoncer, d’annoncer le Christ mais que pour cela vous devrez être attentif à croire à la Parole que vous lirez, c’est-à-dire à ce que cette Parole, elle vous donne vraiment de vivre en Christ à travers toute votre vie. A enseigner ce que vous aurez cru, l’enseignement de la Parole, ce n’est pas un enseignement magistral, c’est tout simplement la transmission de cette Parole qui nous fait vivre et enfin à vivre ce que vous aurez enseigné, et là Dieu sait si nous avons tous du mal à vivre vraiment cette Parole que nous enseignons. Et je me souviens aussi qu’un jour, j’avais fait une belle homélie, j’étais content de moi et à la sortie de l’Église -c’était un mariage, et j’avais bien prêché sur l’Amour de Dieu qui allait aider les époux à vivre en Christ- et à la sortie, y’avait quelqu’un qui m’empêchait de prendre ma voiture et j’ai commencé à me mettre en colère… Je me suis dit après : « Y’a 5 minutes tu faisais une belle homélie et immédiatement après, la Parole, elle s’est envolée » Alors attention de nous rappeler en permanence que nous avons à vivre ce que nous aurons enseigné. Amen.