Nina BIANCOLLI

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BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST
Année 2015 – N° Le délire inaugural tardif du sujet âgé :
influence de la personnalité et impact
des événements de vie.
A partir d’une étude cas/témoins.
THESE
Présentée à l’Université Claude Bernard Lyon 1
et soutenue publiquement le 27 mai 2015
pour obtenir le grade de Docteur en Médecine
par
Nina BIANCOLLI
Née le 14 juillet 1986 à Orléans (45)
BIANCOLLI
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Le Serment d'Hippocrate
Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de
la Médecine.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination.
J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité
ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances
contre les lois de l'humanité.
J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs
conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance.
Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au dessus de mon travail.
Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma
conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne
provoquerai délibérément la mort.
Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes
compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission.
Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois
couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque.
BIANCOLLI
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REMERCIEMENTS
Aux membres du jury
Monsieur le Professeur Thierry D’Amato, vous me faites l’honneur de présider mon jury de thèse.
Votre disponibilité pour les internes, ainsi que la qualité de votre enseignement sont des éléments
pour moi essentiels. Je vous remercie pour ce solide apprentissage que vous m’avez transmis et vous
adresse mon profond respect.
Monsieur le Professeur Emmanuel Poulet, merci d’avoir accepté de juger mon travail de thèse. Par
l’intermédiaire de vos cours et de vos interventions magistrales, j’ai pu bénéficier de vos qualités
pédagogiques et admirer votre vif intérêt clinique et vos considérables travaux de recherche. Soyez
assuré de ma gratitude.
Monsieur le Professeur Pierre Krolak-Salmon, je suis très honorée que vous acceptiez de juger mon
travail de thèse. Votre présence représente les pratiques médicales gériatriques et permet de tisser des
ponts avec la psychiatrie du sujet âgé. Merci d’apporter ce regard transversal nécessaire, soyez assuré
de ma profonde considération.
Monsieur le Docteur Jean-Michel Dorey, je te remercie d’avoir accepté de diriger ce travail de thèse
avec enthousiasme. Tes remarques et tes conseils pertinents, ton écoute attentive et tes
encouragements ont été déterminants. Lors de mon passage par le stage de la consultation-mémoire,
j’ai également eu le privilège de bénéficier de ton intérêt et de ta solide expérience dans ce vaste
domaine. Je t’adresse aujourd’hui mes remerciements et ma reconnaissance pour ta confiance pour les
projets passés ainsi que pour ceux à venir.
Madame le Docteur Florence Dibié-Racoupeau, je vous remercie d’avoir accepté de poser votre
indispensable regard clinique sur ce travail de thèse. Votre approche profondément riche et humaine
de la clinique du sujet âgé est pour moi un exemple. La formation de qualité dont j’ai pu bénéficier au
cours de mon internat m’a été permise par votre implication dynamique dans les différents
apprentissages théoriques. Soyez assurée de ma très profonde admiration. C’est aujourd’hui un
honneur et un plaisir de revenir exercer sur le pôle de psychiatrie du sujet âgé de l’hôpital Saint-Jeande-Dieu pour lequel vous avez tant fait. Je vous suis grée de la confiance et de la transmission que
vous m’avez accordée.
BIANCOLLI
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A tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ce travail,
A Catherine Padovan, Docteur en psychologie, pour ta collaboration à ce travail de recherche et ton
entière participation à l’analyse statistique. J’ai apprécié tes conseils et ta disponibilité de poids et te
remercie pour cette aide précieuse.
A tous les médecins et soignants des centres hospitaliers du Vinatier et de Saint-Jean de Dieu, merci
d’avoir participé aux recrutements préliminaires.
A toutes celles et ceux qui ont distribué les auto-questionnaires à travers la France, merci.
A Mesdames Agnès Belmer, Liliam Mirquez, Sylvana Moreau et Denise Siraud, bibliothécaires aux
centres de documentation des centres hospitaliers du Vinatier et de Saint-Jean de Dieu, pour votre
aide précieuse dans les recherches bibliographiques.
A mes relecteurs, merci pour vos avis et votre patience.
Enfin et surtout, à tous les patients qui ont accepté ces rencontres, pour la qualité et la richesse de nos
échanges. Et à toutes les personnes qui ont bien voulu prêter leurs réponses anonymes à ces autoquestionnaires, et sans qui ce travail n’aurait pu aboutir. Merci.
A mes collègues,
A Nicolas Janaud, pour ton accompagnement pendant ces derniers mois riches en émotions et pour
tout ce que je n’étais pas venue chercher à Renoir. Merci d’avoir suscité les réflexions, guidé les réponses et
amorti les déconvenues. Ta présence et ton regard éclairé m’ont été précieux durant cette transition
d’interne à homologue au milieu des écureuils. Tu as contribué à solidifier les bases de mon identité
professionnelle et je te dois beaucoup. Je te dédie la troisième partie de ce « petit livre rouge »,
compromis entre tout et rien composé à tes côtés. Et surtout ne jamais s’arrêter de penser, d’écrire…
et de compter.
A Délia Hidalgo, pour ton écoute attentive et chaleureuse, pour ta relecture avisée et la pertinence de
tes conseils (je te dois toujours un paquet !). A Marion Lyoen, pour notre duo de choc en période de
vacances et pour ta disponibili-thé, notamment celle du vendredi soir… En espérant faire perdurer
nos échanges hors-les-murs. A toute l’équipe infirmière de Renoir au grand complet, j’ai pu admirer
votre implication et votre capacité à vous mobiliser en toutes circonstances, même les plus difficiles,
pour vous mettre au service du sujet âgé. Ce stage aura permis de nourrir bon nombre de réflexions
pour la suite. J’emporte précieusement le téléphone rouge avec moi, pour que les liens humains et les
ponts entre institutions perdurent. Merci pour cet apprentissage et bonne route !
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Au Dr Blandine Perrin, j’ai pu apprécier vos qualités humaines, le dynamisme et l’implication
professionnelle que vous mettez au service du pôle de psychiatrie du sujet âgé et de l’institution
psychiatrique, soyez assurée de ma profonde considération.
A
toute
l’équipe
des
CMP
pour
personnes
âgées
de
Décines
et
de
Villeurbanne.
Merci à Françoise Guingand, pour ton accompagnement de poids dans cette découverte de la
gérontopsychiatrie ambulatoire. La pertinence de ton regard clinique, ta constance sage et protectrice
ont fait de ce terrain de stage une expérience aussi solide que fertile. Une pensée pour toutes les
infirmières, les secrétaires et assistantes sociales, pour ces bons moments parmi vous.
A toute l’équipe soignante de Clos Layat II pour le cadre de travail que vous m’avez fourni à deux
reprises, volontaire et professionnel, serein et accueillant, m’ayant permis d’acquérir autonomie et
initiative. Au plaisir de vous retrouver tous très bientôt ! A Véronique Chavane, merci pour ton
soutien et ta disponibilité souriante, pour ce solide apprentissage théorique que tu m’as légué pour la
suite, ainsi que pour tous les prémices d’une vocation germée à ton contact.
A toute l’équipe d’Ulysse, qui fait de l’accompagnement et du soin de ces adultes en devenir, sa
priorité. Merci à Dorothée Charvet, pour ton accueil bienveillant et ton envie de transmettre la
richesse de tes connaissances, même à des heures très tardives ! Ce stage à vos côtés m’a permis de
découvrir la passionnante mais mobilisante psychopathologie de l’adolescence, il a aiguisé ma
curiosité clinique et restera un souvenir remarquable de ma formation. Une pensée émue pour toute
l’équipe infirmière, aussi dynamique que chaleureuse.
A l’équipe médicale et infirmière du CMP/HDJ de Tassin, pour cet apport clinique considérable sur
la prise en charge groupale et la psychiatrie ambulatoire de crise. Et pour cette ambiance conviviale,
en souvenir de tous ces repas de midi parmi vous.
A l’équipe de périnatalité à l’HFME, m’ayant permis de prendre conscience de l’enjeu fondamental
des interactions précoces, et ce jusqu’à la fin de vie.
A toute l’équipe soignante de l’unité Bel-Air du Vinatier. Merci pour cette première découverte d’une
psychiatrie institutionnelle profondément humaniste et riche de sens.
A l’équipe médico-infirmière de l’UMA, pour cette plongée initiatique dans la psychiatrie d’urgence,
m’ayant permis de constituer des acquis solides pour après. Une pensée toute particulière pour
Claude-Aline Largeron, guide passionnant et soutien indéfectible de ces débuts d’interne.
Au Dr Gilles Gruel du CHS Daumezon à Fleury-les-Aubrais, pour avoir accueilli mes premiers pas
d’externe, décisifs pour la suite.
BIANCOLLI
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TABLE DES MATIERES
ABREVIATIONS
4
INTRODUCTION
5
PREMIERE PARTIE : LE DELIRE TARDIF DU SUJET AGE, ASPECTS HISTORIQUES,
CONCEPTUELS ET EPIDEMIOLOGIQUES
I.
8
LE DELIRE : EVOLUTION D’UN CONCEPT A TRAVERS LES EPOQUES ............................................. 9
A. DE L’ANTIQUITE AUX TEMPS MODERNES .................................................................................... 9
B. EPOQUE CONTEMPORAINE ...................................................................................................... 10
1.
L’aliénation mentale : naissance de la psychiatrie clinique ................................................... 10
2.
D’une à plusieurs maladies mentales : l’âge d’or de la sémiologie ....................................... 11
3.
L’ère des grandes structures psychopathologiques et de la psychiatrie moderne ................ 12
C. CONSIDERATIONS GENERALES MODERNES ............................................................................... 13
1.
Définitions actuelles .............................................................................................................. 13
2.
Approche descriptive et sémiologique .................................................................................. 14
3.
Analyse catégorielle .............................................................................................................. 15
II.
LE DELIRE INAUGURAL TARDIF : CONSIDERATIONS EPISTEMOLOGIQUES ET NOSOGRAPHIQUES . 16
A. CONTRAINTES DIAGNOSTIQUES ............................................................................................... 16
1.
Le concept d’adultomorphisme ............................................................................................. 16
2.
Imprécisions terminologiques ................................................................................................ 16
3.
Absence de considération des réalités psychopathologiques liées à l’âge ........................... 17
B. UNE ENTITE TRANSNOSOGRAPHIQUE ....................................................................................... 18
1.
Pathologies psychiatriques chroniques ................................................................................. 18
2.
Hors du champ des pathologies psychiatriques chroniques ................................................. 24
C. PLACE DE L’APPROCHE STRUCTURALE ..................................................................................... 25
III.
UN CONTEXTE CLINIQUE PARTICULIER : REVUE DE LA LITTERATURE ET EPIDEMIOLOGIE .......... 27
A. PREVALENCE ET CARACTERISTIQUES SOCIODEMOGRAPHIQUES ................................................ 28
B. SPECIFICITES GERIATRIQUES .................................................................................................. 30
1.
Rôle du déficit sensoriel ........................................................................................................ 30
2.
Impact de la désafférentation sociale .................................................................................... 31
C. ROLE DU TERRAIN ET DE L’HISTOIRE DE VIE .............................................................................. 32
1.
Antécédents psychiatriques familiaux ................................................................................... 32
2.
Influence de la personnalité .................................................................................................. 33
3.
Impact des événements de vie ............................................................................................. 35
IV.
PISTES DE REFLEXION ........................................................................................................... 37
1
BIANCOLLI
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DEUXIEME PARTIE : ETUDE DU ROLE DU TERRAIN ET DES FACTEURS DE STRESS
SUR LE DELIRE INAUGURAL TARDIF DU SUJET AGE
38
I.
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 39
II.
MATERIEL ET METHODES ........................................................................................................ 40
A. POPULATION PARTICIPANTE .................................................................................................... 40
B. OUTILS DIAGNOSTIQUES .......................................................................................................... 41
1.
Intérêt et détail des tests psychométriques ........................................................................... 41
2.
Etude de la personnalité ....................................................................................................... 42
III.
RESULTATS .......................................................................................................................... 44
A. CARACTERISTIQUES SOCIODEMOGRAPHIQUES ......................................................................... 44
B. ANALYSE DE LA PERSONNALITE ............................................................................................... 45
1.
Dimensions de personnalité BIG FIVE .................................................................................. 45
2.
Troubles de la personnalité pathologique ............................................................................. 46
C. ANALYSE LONGITUDINALE : RETOUR SUR L’HISTOIRE DE VIE ...................................................... 48
1.
Antécédents psychiatriques familiaux ................................................................................... 48
2.
Antécédents psychiatriques personnels ................................................................................ 48
3.
Evénements de vie ................................................................................................................ 49
D. FORMES CLINIQUES ET SEMIOLOGIE ........................................................................................ 50
1.
Symptomatologie délirante .................................................................................................... 50
2.
Corrélation avec les dimensions de l’échelle BFI .................................................................. 51
3.
Désafférentation sensorielle et sociale ................................................................................. 52
4.
Dimension dépressive ........................................................................................................... 52
IV.
LIMITES METHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES ..................................................................... 53
A. BIAIS DE L’ETUDE ET DIFFICULTES RENCONTREES .................................................................... 53
B. VERS UNE APPROCHE PLUS SPECIFIQUE DE L’AGE .................................................................... 54
V.
DISCUSSION GENERALE .......................................................................................................... 56
A. UN TERRAIN PREDISPOSANT .................................................................................................... 56
1.
Traits de personnalité ............................................................................................................ 57
2.
Troubles de la personnalité ................................................................................................... 57
B. LE ROLE DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX ......................................................................... 58
1.
Expériences négatives précoces et théorie de l’attachement ............................................... 58
2.
Evénements de vie tardifs et modèle du traumatisme .......................................................... 60
C. DEPRESSIVITE SOUS-JACENTE ................................................................................................. 60
D. QUESTIONS ET REPONSES OUVERTES SUR LA PERSONNALITE .................................................. 62
VI.
CONCLUSION DE L’ETUDE ...................................................................................................... 63
2
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TROISIEME PARTIE : LE DELIRE TARDIF DU SUJET AGE, CONSIDERATIONS
PSYCHOPATHOLOGIQUES ET PSYCHODYNAMIQUES
I.
65
LA VIEILLESSE : UN NAUFRAGE ? ............................................................................................. 66
A. DEFINITION DE LA VIEILLESSE .................................................................................................. 66
B. REPRESENTATIONS SUBJECTIVES DU VIEILLISSEMENT .............................................................. 68
C. DEUILS ET RENONCEMENTS : TOUT PERDRE SANS SE PERDRE .................................................. 70
D. DU VIEILLISSEMENT REUSSI… ................................................................................................. 71
1.
Stratégies adaptatives et facteurs protecteurs ...................................................................... 71
2.
Modalités défensives élaborées ............................................................................................ 72
3.
Le concept de résilience chez l’âgé ...................................................................................... 72
E. …AU VIEILLISSEMENT PATHOLOGIQUE ..................................................................................... 73
1.
Le narcissisme : fil conducteur du vieillissement .................................................................. 73
2.
Une période de crise existentielle ......................................................................................... 74
3.
Modalités défensives archaïques .......................................................................................... 75
II.
DELIRER : UNE TENTATIVE D’AUTOPROTECTION ? ................................................................... 76
A. ACCES A UNE REVALORISATION NARCISSIQUE .......................................................................... 76
B. APAISEMENT DE L’ANGOISSE DU PROCESSUS DEFICITAIRE ........................................................ 78
C. RELANCE DU COMMERCE OBJECTAL ........................................................................................ 78
D. MAINMISE SUR LA DEPRESSION ............................................................................................... 79
CONCLUSIONS
81
BIBLIOGRAPHIE
84
ANNEXE I : VIGNETTES CLINIQUES
95
ANNEXE II : QUESTIONNAIRE DU GROUPE DE CAS
100
ANNEXE III : AUTO-QUESTIONNAIRE DU GROUPE-TEMOIN
115
3
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ABREVIATIONS
BFI : Big Five Inventory
CIM : Classification Internationale des Maladies
DAT : Délire d’Apparition Tardive
DSM : Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders
EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
GDS : Geriatric Depression Scale
LOS : Late-Onset Schizophrenia
MADRS : Montgomery and Asberg Depression Rating Scale
MMSE : Mini Mental State Evaluation
PHC : Psychose Hallucinatoire Chronique
SCID-II : Structured Clinical Interview for DSM-IV (Axis II)
VLOS : Very-Late-Onset Schizophrenia
4
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INTRODUCTION
La psychiatrie du sujet âgé ne se limite pas au vieillissement des troubles psychiatriques préexistants et
préalables à la vieillesse. Une vaste part de son champ clinique comprend les troubles mentaux à
début tardif. Le contexte gériatrique assorti à ces décompensations psychiatriques apparaît souvent
assez spécifique, avec le vieillissement physiologique du système nerveux central, associé à
l’intervention d’autres facteurs de stress endogènes ou extérieurs.
La propension à délirer, toutes causes confondues, est relativement fréquente chez la personne âgée,
avec une prévalence pouvant atteindre 10 %. M. GROSCLAUDE constate d’ailleurs que tout sujet
vieillissant semble être à même de présenter un jour une décompensation délirante. Pour autant,
l’auteur considère que n’importe qui ne se met pas à délirer tardivement [1]. Comment rendre
compte, sur un plan théorique et scientifique, de telles contradictions ? Qu’est ce qui peut bien
amener un sujet jusque-là indemne d’antécédents psychiatriques à délirer sur le tard ? L’hypothèse de
l’intervention de facteurs de risque particuliers influençant le délire inaugural tardif se profile donc
naturellement face à ces questions. En prenant appui sur une revue de la littérature et par
l’intermédiaire d’une étude cas-témoin, nous avons tenté de mettre en évidence le rôle de la
personnalité dans le déclenchement du délire, ainsi que l’impact de certaines variables contextuelles.
Actuellement, le délire à l’âge avancé reste encore mal défini sur le plan de la nosographie
internationale, les classifications existantes s’enchevêtrent entre elles et ne font pas l’objet d’un réel
consensus sur ce sujet, ni l’unanimité selon les différentes écoles théoriques. Cette approche
transnosographique du délire tardif complexifie sa prise en charge en pratique, d’autant que ce
syndrome possède pourtant de nombreuses spécificités cliniques et psychopathologiques. Dans une
première partie, nous résumerons l’évolution historique du concept de délire à nos jours et
reprendrons des différents cadres nosographiques traitant du délire inaugural tardif. Une revue de la
littérature des différentes études épidémiologiques existant sur le sujet sera détaillée.
Au cours de la seconde partie de ce travail, nous exposerons les objectifs, méthodes, résultats et
discussion de notre étude cas-témoins effectuée entre juin 2014 et janvier 2015. Elle consistait en
l’analyse clinique et psychométrique de 25 patients âgés de plus de 60 ans ayant présenté un premier
épisode délirant inaugural tardif. Les résultats étaient comparés à ceux de 25 témoins appartenant à la
population générale. Nous tâcherons donc de démontrer s’il existe des facteurs de risque, tant
endogènes qu’environnementaux pouvant amener un sujet vierge de tout antécédent psychiatrique à
délirer tardivement. L’épidémiologie analytique se fonde sur l’étude de ces facteurs de risque et
5
BIANCOLLI
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permet en effet de répondre à des questions essentielles en terme de stratégies de soin et de
compréhension théorique. Une corrélation statistique n’impliquant pas obligatoirement un lien de
causalité, la logique statistique est une logique du risque, elle dégage le risque potentiel de l’événement
aléatoire. Elle ne permet pas de dresser un tableau des causes, mais de renseigner sur le rôle d’une
variable dans la survenue du délire.
La dimension psychopathologique liée à l’avancée en âge se doit également d’être considérée. La
sénescence représente une étape particulière, marquant une rupture irrémédiable avec l’état antérieur
du sujet, par la confrontation à la perte et au déclin de l’image de soi. Dans certains cas, elle peut alors
conduire à des réactions pathologiques décisives, telles que le trouble délirant tardif. Cette
manifestation clinique consiste en l’expression symptomatique d’une souffrance psychique dépassant
les capacités adaptatives du sujet. Elle vient souvent révéler un état de crise existentielle, voire un état
de crise familiale, face à un entourage souvent confronté aux limites de ses capacités d’étayage. Dans
la troisième partie de ce travail de thèse, nous tenterons donc de mettre en perspective ces éléments
psychopathologiques spécifiques, en resituant le délire tardif dans une réflexion psychodynamique
centrée sur l’épreuve existentielle de la vieillesse.
6
BIANCOLLI
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« Diminué, appauvri, en exil dans son temps, le vieillard demeure cependant cet homme qu’il
était.
Comment réussit-il au jour le jour à s’arranger d’une telle situation ?
Quelles chances lui laisse-t-elle ? Peut-il s’y adapter et à quel prix ? »
S. de Beauvoir [2]
7
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PREMIERE PARTIE :
Le délire tardif du sujet âgé, aspects historiques,
conceptuels et épidémiologiques
8
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I. LE DELIRE : EVOLUTION D’UN CONCEPT A TRAVERS LES EPOQUES
Interroger la spécificité de l’émergence délirante chez le sujet âgé amène naturellement à résumer
l’évolution des considérations à propos du délire jusqu’à maintenant, en posant un regard rétrospectif
sur le plan historique.
A. De l’Antiquité aux temps modernes
L’entité délire découle de l’étymologie latine delirare et signifie « dérailler » ou « s’écarter du sillon » (de :
hors de, lira : sillon). Au Ve siècle avant JC, le délire était le maitre-mot de la folie et l’est resté pendant
très longtemps. Pour PLATON, cette folie était pathologique si elle était causée par l’affection
concomitante du corps, ou bonne et respectable lorsqu’elle était inspirée par les divinités. Dans ce cas,
elle contenait une potentialité créatrice et était associée aux traits de génie. SOCRATE disait
d’ailleurs : « On ne peut être poète sans le délire que concèdent les muses, car la poésie d’un homme de sang-froid est
toujours éclipsée par celle d’un inspiré » [3]. Délirer consistait donc à sortir d’une norme établie, en
divaguant ou bien en prophétisant.
A cette époque gréco-romaine, le vieillissement et la vieillesse étaient déjà considérés comme
inéluctables et souvent rattachés à l’idée de maladie incurable, elle-même inséparable de la notion de
causalité. Mais malgré cette notion générale de déclin, les philosophes de l’époque prônaient une
véritable gérontocratie, considérant que le vieillard avait acquis sagesse et dignité au fil des années, ce
qui lui conférait une réelle position dans sa cité.
Au Moyen-Age, les croyances religieuses et le mysticisme dominèrent peu à peu, ayant rapidement
raison de cette place jusqu’alors laissée aux vieillards. Certains auteurs allèrent même jusqu’à suggérer
que la sénilité puisse être la conséquence du péché originel. Quant au terme de délire, il fut repris en
langue française sous la dénomination populaire deslere, mais son usage médical fut plus tardif, sous la
définition suivante : « modification radicale des rapports de l’individu avec la réalité » [3]. Dans la population, le
délire exerçait alors inquiétude et fascination, étant davantage assimilé à la magie et à la brutalité. Les
sujets délirants, déviants par rapport à la morale et la religion, étaient considérés comme des
hérétiques possédés par le diable et souvent condamnés au bûcher.
De l’époque antique à la Renaissance, l’intérêt des médecins pour la pathologie psychique du sujet
âgé resta assez restreint, celle-ci étant souvent directement assimilée à la démence et à la pathologie
organique. Ce n’est qu’au siècle des Lumières que l’on accéda à un remodelage théorique, d’un point
9
BIANCOLLI
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de vue médical, littéraire et philosophique. La naissance d’une vision philanthropique s’imposa
progressivement à toute l'Europe occidentale et permit une ouverture sur toute la question des
troubles psychiatriques, enfin assimilés à la notion de détresse psychique, y compris chez l’âgé.
B. Epoque contemporaine
Nous hiérarchiserons ici les apports historiques essentiels de ces deux derniers siècles concernant le
délire de l’âgé, en envisageant une périodisation s’inspirant des différents paradigmes décrits par G.
LANTERI-LAURA [4], sans chercher à aboutir à une énumération chronologique qui ne puisse être
exhaustive.
1. L’aliénation mentale : naissance de la psychiatrie clinique
Dès la fin du XVIIIe siècle, les praticiens de l’Europe occidentale envisagèrent le trouble mental
comme une seule maladie : l’aliénation mentale. Bien que considérée comme un processus unique, cette
pathologie pouvait toutefois prendre des aspects variés. P. PINEL distinguait alors quatre variantes ou
« espèces d’égarement » dans son Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale : la manie, la
mélancolie, l'idiotisme et enfin la démence, qui nous intéresse ici. Cette dernière était définie comme
« une débilité générale qui frappe les fonctions intellectuelles et affectives dans la vieillesse », dans un chapitre
résumant succinctement la pathologie psychiatrique du vieillard à cette notion déficitaire, alors
éloignée des considérations modernes [5].
JE. ESQUIROL, dans la lignée de son prédécesseur, approfondit à son tour la clinique en proposant
des descriptions symptomatiques très riches, ainsi que des définitions sémiologiques concernant
l’hallucination ou le délire. Il décrivit ainsi la démence sénile, constatant l’incurabilité de cette dernière
par rapport à d’autres formes de délires pour le moins curables [6].
C’est dans ce contexte que naquit la tradition psychiatrique française et qu’un début de clinique
mentale s’ébaucha progressivement, engendrant toute une entreprise nosographique et classificatoire.
Vers le milieu du XIXe siècle, après que les derniers disciples de P. PINEL aient appliqué ses
préceptes, ce paradigme de l'aliénation mentale et d’une folie unique céda progressivement sa place à
celui des maladies mentales.
10
BIANCOLLI
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2. D’une à plusieurs maladies mentales : l’âge d’or de la sémiologie
Vers le milieu du XIXe siècle, JP. FALRET, d’abord interne de JE. ESQUIROL puis médecin-chef à
l’hôpital de la Salpêtrière, publia un article virulent récusant l'unité de l'aliénation mentale au nom
des progrès de la médecine. Il fut alors le critique le plus engagé dans la remise en cause de cette
aliénation mentale et progressivement l’idée s’imposa que la psychiatrie était composée d'une diversité
d'espèces morbides, désignées sous le vocable maladies mentales [7]. Son fils Jules, légataire et
propagateur de l’œuvre son père, évoqua plus tard : « Abandonnons ce point de vue étroit et exclusif pour
envisager l’individu lui-même dans son ensemble, dans sa constitution physique et morale toute entière, dans son passé,
son présent et son avenir » [8].
La vision pluraliste des maladies mentales permit le développement de la sémiologie et exigea la
constitution d'une nosographie mieux organisée séparant les différentes entités morbides entre elles.
Concernant le délire, le dictionnaire Littré en donnait alors la définition suivante en 1874 : « Perversion
de l'entendement qui fait que le malade associe des idées incompatibles et prend ces idées ainsi alliées pour des choses
réelles ; désordre des facultés intellectuelles avec ou sans altération des facultés morales ; égarement d'esprit causé par une
maladie » [9] [10]. Le délire était alors ramené à la notion d’erreur, d’idée sans fondement, voire de
scandale intellectuel.
Figure 1 : Lithographie, Jardins de l’hôpital de la Salpêtrière.
1857, Armand GAUTIER
Les auteurs de l’époque s’initièrent ensuite à une approche explicative étiopathogénique, avec toutes
sortes de controverses sur cette recherche des causes morales de la folie. Ses promoteurs les plus
célèbres furent BA. MOREL et V. MAGNAN, avec leur théorie héréditaire de la dégénérescence,
s’instituant sur le socle génétique de la transmission de la folie, avec la notion de déclin irrémédiable à
travers les générations.
11
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Du côté germanique, il nous faut bien sûr aborder l’œuvre considérable d’E. KRAEPELIN dans le
domaine de la psychiatrie de l’âgé. Vers 1899, ce psychiatre allemand fondateur de la psychiatrie
scientifique moderne, s’intéressa plus précisément aux troubles délirants présentés par les sujets âgés.
Il décrivit le délire présénile de préjudice en observant des patients présentant insidieusement des idées
délirantes de préjudice, de vol et de jalousie, mais aussi des idées hypochondriaques, sur un psychisme
par ailleurs intact. Il décrivit également le délire sénile de persécution, globalement similaire au précédent.
Par la suite, certains auteurs reprirent ces entités sous d’autres variantes : K. KLEIST exposa la
paranoïa d’involution en 1913, M. DIDE et P. GIRAUD proposèrent le délire de récrimination devant
l’exagération de faits en 1922, et enfin bien plus tard, J. DE AJURIAGUERRA décrivit le délire tardif
d’intrusion du domicile ou de l’intime.
A partir de là, la psychopathologie au cours de la vieillesse, auparavant anecdotique, continua
d’intéresser de plus près les auteurs. JM. CHARCOT autonomisa la première catégorie des « troubles
mentaux à début tardif », attribuant des maladies spécifiques à un groupe de sujets ayant atteint un âge
avancé [11]. Puis en 1885, A. RITTI, aliéniste précurseur rapidement oublié, présenta un rapport au
6e congrès des Médecins Aliénistes, différenciant les troubles psychotiques évolutifs vieillissants des
troubles inauguraux tardifs : « On doit entendre par psychoses de la vieillesse, les affections mentales qui se
développent chez les vieillards arrivés au dernier âge de la vie, sous-entendu plus de 60 ans, et restés jusque-là indemnes
de tout trouble psychique » [12]. On note également un engouement des doctorants pour le sujet, avec J.
SEGLAS qui soutint sa thèse : « Contribution à l’étude de la folie chez les vieillards » en 1889. Ce champ
clinique particulier fut donc de plus en plus investi, laissant toutefois la pathologie démentielle en
première ligne.
C’est finalement grâce à A. ALZHEIMER qu’une réelle dichotomie des troubles démentiels et
troubles délirants du vieillard s’instaura par la suite. La maladie éponyme fut progressivement
conceptualisée et cet apport vint fixer de manière définitive le sens exclusif du terme de démence.
3. L’ère des grandes structures psychopathologiques et de la psychiatrie moderne
Cette période aurait débuté en 1926, lorsque E. BLEULER tint un congrès à Genève puis à
Lausanne, où il vint exposer en français sa conception psychopathologique de la schizophrénie.
Au cours de cette période, les psychiatres s’appuyèrent sur divers modèles psychopathologiques.
Les théories phénoménologiques abordèrent le délire comme un vécu subjectif, une manière
particulière d’être au monde. Les mouvements psychanalytiques considérèrent le délire comme ayant
une fonction dans l’économie du délirant, en proposant une approche théorique interprétative du
symptôme. Puis d’un point de vue neurobiologique, la maladie fut enfin considérée comme une
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réaction biologique d’un individu pouvant présenter une personnalité fragile, liée à des facteurs
héréditaires ou acquis.
La clinique psychanalytique du vieillissement ne se développa que vers les années 1970. Auparavant,
S. FREUD avait été conduit à ne pas choisir la vieillesse comme objet d’étude pour cause de
résistances personnelles et de réserves liées aux représentations de l’époque. Lui qui fixait l'entrée dans
la vieillesse à 50 ans, considérait qu’un sujet âgé ne pouvait ensuite plus bénéficier d’une cure
analytique pour deux raisons : d’une part pour cause d’excès de matériel à traiter, d’autre part du fait
que les vieilles gens ne seraient plus « éducables ». Au même moment, le Délire d’Apparition Tardive fit
l’objet de descriptions cliniques et psychopathologiques par l’équipe universitaire de Genève, en
s’intéressant de plus près et directement au rôle de la vieillesse dans cette décompensation. J. DIAS
CORDEIRO publia d’importants écrits axés sur ces questions et notamment son travail de thèse sur
« les états délirants tardifs » paru à Genève en 1972 et portant sur l’étude de 100 cas de délires tardifs
[13].
Le terme de ce paradigme se situe en 1977, date de la mort de H. EY. C’est cette même année que
GL. ENGEL pose les jalons de qu’il nommera plus tard le modèle biopsychosocial. Ce dernier propose de
prendre en compte les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux participant simultanément au
développement d’une maladie, le tout dans une réflexion se voulant globalisante, sans pour autant
qu’une de ces trois catégories ne se voit accorder une prépondérance, mais plutôt selon une variation
de chacune en fonction des situations [14].
Si l’on prend la doctrine aliéniste comme point de départ du discours psychopathologique, nous
sommes passés en deux siècles de la notion de cause morale à celle de vulnérabilité-stress dans une
approche plus intégrative. La possibilité d’un quatrième paradigme est à ce jour non définie et semble
avoir clairement perdu de sa substance, mais la controverse reste entière. Quoi qu’il en soit, la
tendance théorique actuelle serait celle d’un continuum allant du normal au pathologique, via une
approche somme toute plus dimensionnelle.
C. Considérations générales modernes
1. Définitions actuelles
Pour nous approcher d’une définition générale du délire, utilisable dans le langage courant et par le
sens commun, nous nous sommes appuyés sur celle proposée par l’édition 2014 du dictionnaire
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LAROUSSE en tant que : « perte du sens de la réalité se traduisant par un ensemble de convictions fausses,
auxquelles le sujet adhère de façon inébranlable » [15]. Elle n’a donc que peu évolué à travers les époques
quant à la question du critère de réalité, en tant que norme sur laquelle s’accorder par rapport à un
consensus collectif.
La définition médicale du délire proposée par le dictionnaire GARNIER-DELAMARE des Termes
de Médecine est « un désordre des facultés intellectuelles caractérisé par une suite d’idées erronées, choquant l’évidence,
inaccessibles à la critique » [16]. Sur le plan psychiatrique, le délire est clairement caractérisé par la notion
fondamentale de modification radicale des rapports de l’individu avec la réalité. Pour H. EY, le moi
est forcément lié à son monde et cette liaison constitue la réalité de son être, en tant qu’elle est l’ordre
dans lequel se déroule son existence. Or, le délire viendrait à inverser les rapports de réalité du moi à
son monde et bouleverser cette liaison existentielle. Délirer, ce serait donc sortir du réel sans s’en
rendre compte, dans la mesure où le délire passerait, aux yeux du sujet délirant, pour le réel [17] [18].
2. Approche descriptive et sémiologique
L’approche clinique du délire proposée dans les manuels de psychiatrie découle des classifications
françaises traditionnelles dans une version plus codifiée. Le délire est considéré comme un syndrome,
soit une constellation de symptômes constituant une entité clinique mais non étiologique, avec les
caractéristiques sémiologiques suivantes :
•
Durée (aigu ou chronique)
•
Mécanismes (interprétation, imagination, intuition, hallucination)
•
Thèmes (persécution, jalousie, mégalomanie, etc.)
•
Structure (systématisation ou non)
•
Extension (secteur ou réseau)
•
Adhésion et conviction du patient, participation affective associée
Cette méthodologie permet donc de caractériser le délire afin de l’orienter ensuite vers différentes
étiologies.
Les classifications traditionnelles françaises héritières d’H.EY, ont proposé une typologie détaillée du
délire chronique, en distinguant le délire schizophrénique des délires non schizophréniques selon la présence ou
non d’un syndrome dissociatif [19] :
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DELIRES CHRONIQUES NON
SCHIZOPHRENIQUES :
SCHIZOPHRENIE
•
Psychose Hallucinatoire Chronique
•
Paraphrénie
•
Paranoïa :
o
Délire d’interprétation
o
Délire de relation des sensitifs
o
Délires passionnels
3. Analyse catégorielle
La nosographie psychiatrique contemporaine est actuellement régie par les systèmes classificatoires
descriptifs représentés par le DSM (Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux), édité
par l’Association Américaine de Psychiatrie, ainsi que la CIM-10 (10e édition de la Classification
Internationale des Maladies) publiée par l’Organisation Mondiale de la Santé. Ils proposent un
langage commun adapté pour la recherche scientifique et épidémiologique internationale, se voulant
athéorique, consensuel et objectif.
Les critères diagnostiques du trouble délirant proposés par les systèmes catégoriels DSM récents sont les
suivants [20] [21] :
A.
Idées délirantes non bizarres (c’est-à-dire impliquant des situations rencontrées dans la réalité
telles que : être poursuivi, empoisonné, contaminé, aimé à distance, ou trompé par le conjoint
ou le partenaire, ou être atteint d'une maladie), persistant au moins 1 mois.
B.
N'a jamais répondu au Critère A de la Schizophrénie. Des hallucinations tactiles et olfactives
peuvent être présentes dans le trouble délirant si elles sont en rapport avec le thème du délire.
C.
En dehors de l'impact de l'idée délirante ou de ses ramifications, il n'y a pas d'altération
marquée du fonctionnement ni de singularités ou de bizarreries manifestes du comportement.
D. En cas de survenue simultanée d'épisodes thymiques et d'idées délirantes, la durée totale des
épisodes thymiques a été brève par rapport à la durée des périodes de délire.
E.
La perturbation n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une substance ou d'une
affection médicale générale.
Tableau 1 : Définition du trouble délirant selon le DSM-IV-TR et le DSM-5
La CIM-10 individualise également l’entité trouble délirant (F22) au sein du groupe « troubles délirants
persistants », devant l’existence d’idées délirantes persistantes évoluant depuis plus de trois mois, en
l’absence de symptômes schizophréniques associés [22].
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II. LE
DELIRE INAUGURAL TARDIF
:
CONSIDERATIONS EPISTEMOLOGIQUES ET
NOSOGRAPHIQUES
A. Contraintes diagnostiques
1. Le concept d’adultomorphisme
Selon J. PELLETIER, « l’originalité du champ gérontopsychiatrique, bien qu’incontestable, souffre encore des
contraintes qui lui sont imposées par la psychiatrie de l’adulte » [23]. La psychiatrie du sujet âgé doit souvent se
fondre dans la psychiatrie du sujet adulte alors qu’elle possède de réelles spécificités cliniques, telles
que l’instabilité et l’hétérogénéité de la symptomatologie, le caractère flou des limites entre normal et
pathologique, l’intrication complexe entre facteurs endogènes et exogènes avec l’impact des
pathologies physiques et neurocognitives associées, ainsi que la particularité des risques évolutifs [24]
[25] [26] [27].
JM. LEGER et JP. CLEMENT ont donc élaboré le concept d’ « adultomorphisme » pour caractériser
cette perspective centrée sur l’efficience sociale et professionnelle de l’adulte jeune, très éloignée de la
réalité et de la clinique du sujet âgé [28]. Par exemple, les items de certaines échelles font presque
exclusivement référence à l’activité professionnelle avec des questions du type : « Est-ce que vous ou
des proches considérez que vous êtes tellement dévoué(e) à votre travail qu’il ne vous reste plus de
temps à consacrer à vos amis ou à vos loisirs ? ».
2. Imprécisions terminologiques
Il n’est pas simple de distinguer cliniquement un délire vieillissant d’un délire tardif inaugural. La
question qui se pose serait finalement de savoir si la décompensation tardive pourrait n’être que
l’expression tardive d’un trouble jusqu’ici infraclinique et passé inaperçu car bien compensé. En
pratique gérontopsychiatrique, il est fréquent de voir certaines formes de délire initialement
circonscrites à l’environnement familial, ne se révéler au grand jour que bien après leur survenue
initiale. Dans ces cas-là, la consultation spontanée est plutôt exceptionnelle et se fera à la faveur d’une
demande de la famille à un stade souvent avancé. Selon JJ. BURGERMEISTER, la famille serait
d’ailleurs parfois beaucoup plus tolérante aux écarts de comportement de l’âgé qu’elle ne le serait à
l’égard d’un autre membre du groupe [29]. C’est souvent le franchissement d’un seuil représentant la
limite des capacités d’étayage de la part du système groupal, qui amènera à une situation de crise,
nécessitant parfois une hospitalisation en urgence, pour le coup tardive [30].
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Dans son Manuel de Psychiatrie du Sujet Agé, JP. CLEMENT se demande donc si le début des troubles
doit être assimilé aux premières manifestations psychiatriques supposées ou à la première
hospitalisation du patient, entre lesquelles il s’écoulerait fréquemment cinq ans. Dans ce contexte,
l’auteur décide de fixer approximativement le début des troubles délirants tardifs en moyenne vers 67
ans [31]. Mais les critères d’âge de début du trouble délirant tardif évoluent régulièrement en fonction
des époques et de la durée de vie moyenne. Ils ne font pas consensus selon les pays et les différentes
approches théoriques et sont donc difficilement harmonisables en pratique.
Par ailleurs, l’enchevêtrement des entités utilisées, la disparité des courants théoriques et l’absence de
consensus international, entraînent de nombreux recoupements diagnostiques et une difficulté
évidente d’appréciation clinique.
3. Absence de considération des réalités psychopathologiques liées à l’âge
Selon J. PELLETIER, une limite notable est l’approche des formes pathologiques sans définir la
période de vie dans laquelle elles se produisent, en se conformant alors à un modèle médical excluant
les circonstances situationnelles de leur apparition, pourtant prises en compte à l’origine par des
auteurs comme E. KRAEPELIN ou K. KAHLBAUM. L’auteur rapporte que « cette surdétermination
situationnelle du symptôme délirant tardif paraît pourtant caractéristique. Il apparaît cependant difficile de l’intégrer dans
une des classifications existantes, celles-ci étant limitées aux aspects symptomatologiques » [23].
Plusieurs gérontopsychiatres regrettent l’absence d’un socle conceptuel psychopathologique spécifique
au sujet âgé, envisageant les changements biopsychosociaux inhérents à cette phase de la vie qu’est la
vieillesse. Pour A. CANUTO, l’influence des facteurs de stress relatifs à l’âge devraient être
reconsidérés, notamment la notion de confrontation à la perte [32] [26]. A ce sujet, C. HAZIFTHOMAS pose la question suivante : « Est-ce néanmoins si simple dans le domaine de la gérontopsychiatrie, où
l’on connaît le nombre d’occurrences où l’expression symptomatique des pathologies est infiltrée par l’angoisse de mort, la
peur de la solitude, l’ennui, la stigmatisation sociale non seulement commune à la maladie mentale, mais aussi et surtout
à la vieillesse, au mieux confondue avec la tristesse, au pire avec la déchéance et le naufrage de la sénilité ? » [28].
Il serait donc pertinent de s’appuyer parallèlement sur des approches expérientielles et situationnelles,
explorant le rapport au monde et aux domaines d’expérience anormale du sujet, et prenant en
compte ses modalités adaptatives.
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B. Une entité transnosographique
En France, jusqu’à récemment, la nosographie psychiatrique tendait à circonscrire le délire de l’âgé
au champ de la démence ou à l’étude du vieillissement des psychoses [33]. Cette tendance est devenue
progressivement obsolète au profit d’une approche clinique se voulant plus spécifique, mais ayant
parallèlement contribué à s’appuyer sur une diversité de cadres nosographiques que nous détaillerons
ci-dessous. Aux Etats-Unis, la taxinomie des pathologies tardives suscite assez peu d’intérêt, en
témoignent les classifications DSM, entraînant un « exercice d’acrobatie pour situer le tableau d’un patient âgé
dans l’enchevêtrement de ces classifications » selon M. KRASSOIEVITCH [34].
1. Pathologies psychiatriques chroniques
Schizophrénie vieillie / schizophrénie d’apparition vraiment tardive
Dès le départ, la notion d’un début précoce de la schizophrénie était communément admise, et ce
déjà du temps de la démence précoce d’E. KRAEPELIN. Au cours de l’avancée en âge, la
symptomatologie de la schizophrénie aurait progressivement tendance à être moins bruyante. On
note en effet l’évolution vers un tableau plus déficitaire et une symptomatologie négative
prédominante, avec une indifférence, un retrait affectif et un estompement des manifestations
délirantes.
Vers 1943, dans une étude portant sur 126 patients schizophrènes, Manfred BLEULER, le petit-fils
d’E. BLEULER, retrouva 15% de débuts des troubles après 40 ans et 3% après 60 ans. Se posèrent
alors plusieurs questions : La schizophrénie tardive pouvait-elle correspondre à une schizophrénie de
début précoce passée inaperçue ? S’agissait-il de la même pathologie pouvant débuter tardivement ou
de pathologies strictement différenciées sur un plan étiopathogénique ? [35]
M. BLEULER choisit de distinguer ces deux pathologies et adopta le concept de schizophrénie
d’apparition tardive ou Late-Onset Schizophrenia avec pour critères diagnostiques [36] [37]:
•
Un début des troubles après 40 ans
•
Une symptomatologie globalement similaire à celle de la schizophrénie de l’adulte jeune
•
Un meilleur pronostic et moins de détérioration ultérieure
Puis, dans les années 2000, un groupe de travail international de 17 psychiatres proposa un consensus
sur la distinction entre la schizophrénie d’apparition tardive (Late-Onset Schizophrenia) débutant après 40
ans et la schizophrénie d’apparition VRAIMENT tardive (Very-Late-Onset Schizophrenia)
18
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débutant après 60 ans [38]. Cette réflexion permit dès lors de progresser dans la délimitation de
critères diagnostiques valables et adaptés aux troubles du sujet âgé. Pour la schizophrénie d’apparition
vraiment tardive qui nous intéresse ici, la symptomatologie serait finalement très différente de celle du
tableau classique de schizophrénie de l’adulte jeune, avec :
•
Un début des troubles après 60 ans
•
Une surreprésentation chez le genre féminin
•
Un délire chronique aux symptômes positifs prédominants (hallucinations visuelles, tactiles et
olfactives), par rapport à la symptomatologie négative et dissociative
•
La présence fréquente d’un automatisme mental.
Mais cette définition reste toutefois imprécise et source de confusion du fait de son absence de critères
diagnostiques reconnus sur le plan international [39]. La schizophrénie d’apparition vraiment tardive est
actuellement englobée dans la vaste catégorie des troubles schizophréniques.
En France et en Europe, la discussion concernant la pertinence de ces concepts de schizophrénie
d’apparition tardive ou vraiment tardive n’est actuellement pas tranchée. Certains auteurs restent assez
réfractaires à l’usage de ce terme, comme N. BAZIN et JP. CLEMENT qui considèrent que « porter un
diagnostic de schizophrénie tardive après 60 ans n’a aucun sens pour le clinicien », avec le risque « d’amalgame
simplificateur de tous les patients dans la catégorie diagnostique de schizophrénie ». Pour eux, cette terminologie
anglo-saxonne n’a pas fait la preuve de sa valeur diagnostique et est insuffisamment spécifique d’une
clinique du sujet âgé. Ils proposent alors de la remplacer par le terme plus adapté de « psychose d’allure
schizophrénique d’apparition très tardive » [40] [41] [31].
En effet, les réticences françaises concernent les aspects sémiologiques, et en premier lieu l’absence
fréquente de syndrome dissociatif dans le délire tardif. Rappelons qu’en France, la base de la
nosographie traditionnelle est basée sur la présence ou l’absence de dissociation et que les délires
chroniques non dissociatifs s’opposent donc aux délires schizophréniques dissociatifs. Proposé initialement
comme le critère diagnostique spécifique et fondamental de la schizophrénie par E. BLEULER, le
syndrome dissociatif n’apparaît pas dans les critères de la schizophrénie d’apparition tardive et certains
auteurs français, tels que P. CHARAZAC ou JP. CLEMENT, s’étonnent donc que ce diagnostic de
schizophrénie puisse être porté chez le sujet âgé malgré l’absence de syndrome dissociatif
caractéristique [25] [31].
Ensuite, les thématiques délirantes sont considérées comme très variables selon l’âge de début. Le
délire schizophrénique de l’adulte jeune trouve souvent sa source dans des thématiques plutôt riches,
telles que la question originelle par exemple, avec le fantasme d’auto-engendrement décrit par PC.
RACAMIER. A l’inverse, les thématiques du délire tardif sont bien plus actuelles, restreintes à
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l’immédiat, circonscrites au présent, les hallucinations empruntant aux modalités sensorielles de la
proximité [42].
P. CHARAZAC et son équipe considèrent également que la schizophrénie d’apparition vraiment tardive
mériterait tout du moins d’être remplacée par le terme de « schizophrénie de révélation tardive », plus
adapté en pratique courante [25]. En effet, nous avons vu précédemment que la date de début est
réellement difficile à harmoniser, car certains patients présentant une personnalité prémorbide bien
équilibrée, exprimeraient leurs symptômes plus tardivement, grâce au bénéfice d’un étayage familial
bienveillant et d’une relative qualité de vie.
Au sein des classifications catégorielles maintenant :
•
Dans les années 1980, le DSM-III excluait tout diagnostic de schizophrénie après 40 ans,
restant dans la tradition kraepelinienne d’un début des troubles chez l’adulte jeune.
•
En 1987, la version révisée du DSM-III-TR distingua, au sein du groupe des schizophrénies,
une catégorie diagnostique de troubles schizophréniques débutant après 45 ans.
L’individualisation fugace des troubles schizophréniques tardifs dans la version révisée du
DSM-III, permettant de différencier un éventuel sous-groupe tardif plus homogène, aurait
cependant duré trop peu de temps pour tirer des conclusions intéressantes, selon plusieurs
auteurs français [40] [39] [43].
•
Par la suite, le DSM-IV, le DSM-IV-TR, et désormais le DSM-5, n’ont plus spécifié aucun
critère d’âge de début. La tendance actuelle tend en effet à réunir tout délire chronique, au
sein du concept extensif de spectre schizophrénique, avec la notion d’une origine
neurobiologique et étiopathogénique commune, rappelons le, sans précision sur un critère
d’âge [44].
La CIM-10 est d’ailleurs actuellement alignée sur ce modèle.
La Psychose Hallucinatoire Chronique
La Psychose Hallucinatoire Chronique (PHC) est une entité conceptualisée par G. BALLET en 1911
[43]. Elle appartient au registre des classifications françaises classiques, classée au sein des « délires
chroniques non dissociatifs ». Avec un début vers l’âge de 50 ans, plus fréquente chez la femme, son auteur
l’avait rapidement séparée de la schizophrénie de l’adulte jeune du fait de ce début tardif, de l’absence
de symptomatologie dissociative et d’une évolution non déficitaire. La PHC comprend des
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hallucinations auditives, un automatisme mental au premier plan et des idées délirantes contingentes,
souvent centrées sur les voisins et entraînant des troubles du comportement pour lutter contre ces
persécuteurs désignés. L’association à une composante affective est quasiment systématique.
Les auteurs français ne sont pas tous unanimes sur la pertinence de ce concept. Actuellement, le
Manuel de Psychiatrie de JD. GUELFI, propose tout au plus quelques lignes sur la PHC, dans un
chapitre bien différencié de la schizophrénie. L’auteur du chapitre, J. DALERY, lui concède pourtant
« une grande place dans l’histoire de la psychopathologie et de la nosologie française ». Il rapporte que cette entité
serait cependant considérée comme une schizophrénie d’apparition tardive outre Atlantique, ce que
constate également l’équipe de C. DUBERTRET, pour qui la PHC ne serait que « la version française de
la schizophrénie d’apparition vraiment tardive ». Ces auteurs s’accordent donc à dire que ces deux entités
présentent suffisamment de points communs de type cliniques, sociodémographiques et
étiopathogéniques pour « leur supposer l’existence de facteurs étiologiques communs » [45] [39]. Quant à H.
EY, il considérait déjà que le polymorphisme clinique de la PHC ne permettait que difficilement de la
différencier d’autres entités, « les parentés avec les autres espèces étant si évidentes qu’il est parfois bien difficile d’en
faire un diagnostic précis » [17].
A l’inverse, d’autres auteurs français réclament une autonomisation nosographique de la PHC du fait
de ses spécificités cliniques gérontopsychiatriques et de sa prise en charge spécifique [31] [40]. P.
CHARAZAC invoque la bien meilleure réponse au traitement dans la PHC, notamment
antidépresseur, que dans toute autre forme de délire. En outre, le regard porté sur la dynamique
familiale du patient permettrait, selon lui, de différencier la PHC d’un autre diagnostic. Il considère
qu’une décompensation schizophrénique tardive se révèle souvent chez un patient lors de la
confrontation à un décès ou à une perte du conjoint ou de l’enfant, entraînant la rupture de
l’homéostasie familiale et l’éclatement de la dyade symbiotique. Concernant la PHC, l’auteur
remarque que l’entourage est « bien plus extérieur aux troubles du patient », constituant alors une union de
deux personnes réellement différenciées. Il rapporte parallèlement que lors de la décompensation
d’une schizophrénie tardive, la prise en soin du patient représente souvent une menace de l’équilibre
familial, alors que pour la PHC la famille s’avère être un soutien et un étayage bien plus solide [25].
Au-delà de ces conflits d’écoles, il semble que sur le plan international la question de la validité de la
PHC soit tranchée. Le DSM restant la référence dans ce domaine, il ne reconnait tout simplement
plus cette entité. La CIM-10 propose quant à elle un item PHC au sein des « autres troubles
psychotiques non organiques », mais non individualisé de la schizophrénie classique. Il s’ensuit que la
PHC ne peut être considérée dans aucune étude scientifique internationale, très probablement
reléguée au sein des troubles schizophréniques dans le cadre de la recherche, mais qu’elle reste pour
autant encore utilisée en pratique courante en France, du fait de sa pertinence clinique notable.
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Le délire paranoïaque
Selon les classifications françaises traditionnelles, la description de ce délire par E. KRAEPELIN en
tant que « système restreint, durable et impossible à ébranler, avec une conservation complète de la clarté et de l’ordre
dans la pensée, le vouloir et l’action », met en évidence un délire rigide, structuré, systématisé et bien
construit, sans syndrome dissociatif associé, dans une forteresse de conviction interprétative et de
logique absolue, se développant souvent chez une personnalité pathologique ancienne [46] [17].
Dans les années 1990, B. CASTRO, s’appuyant sur le concept de paranoïa de préjudice d’E.
KRAEPELIN, proposait d’ouvrir la réflexion sur le délire paranoïaque de l’âgé ou la paranoïa sénile, dans
une extension de sa signification d’origine. Selon lui, cette symptomatologie délirante retrouvée dans
plusieurs configurations, surviendrait souvent dans un contexte réactionnel à l’épreuve de la vieillesse,
face à l’isolement social ou à la perte de l’intégrité corporelle. Il décrivait des personnes âgées accusant
leur entourage, se barricadant dans leur logement et refusant l’aide extérieure. L’auteur pensait alors
que cette symptomatologie paranoïaque non spécifique puisse être dépendante de facteurs acquis avec
le vieillissement, sans être rattachée à une organisation particulière comme chez le sujet jeune. Son
hypothèse était celle d’une « réaction paranoïaque avec dénégation projective » comme « défense activée par une
situation intolérable » [47]. P. FREMONT déplorait lui aussi l’oubli du terme paranoïa dans sa survenue
tardive et espérait qu’il puisse un jour resurgir différencié d’avec la schizophrénie [48].
Pour l’équipe de Marseille de l’hôpital Valvert dans les années 1993, le délire de relation des sensitifs leur
apparaissait selon leurs termes « d’une actualisation féconde ». Ce terme a été décrit en 1919 par E.
KRETSCHMER face à un épisode délirant de pronostic favorable chez une personnalité prémorbide
de type sensitif. Cette équipe considérait que des personnes âgées sans antécédent psychiatrique mais
avec une personnalité globalement vulnérable, pourraient alors décompenser sur ce mode dans les
suites d’un bilan de vie péjoratif et de la confrontation à un facteur déclenchant à haut retentissement
émotionnel. Ces considérations ont amené cette équipe à vouloir « dépoussiérer » et réactualiser ce
cadre diagnostique spécifiquement chez le sujet âgé [49].
La paraphrénie
Dans les années 1950, le concept de paraphrénie tardive fut réhabilité par la psychiatrie britannique et
notamment M. ROTH. Le tableau clinique se caractérisait par la présence d’un délire imaginatif chez
des patients âgés de plus de 70 ans, sans syndrome dissociatif et sans détérioration évolutive ultérieure.
La désafférentation sensorielle et sociale, fréquentes chez le sujet âgé, furent progressivement prises en
compte comme facteurs de risque de ce type de décompensation [50]. Ce concept fut provisoirement
adopté par la communauté psychiatrique internationale de l’époque, mais la distinction entre
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paraphrénie tardive et d’autres entités resta laborieuse jusqu’alors. DWK. KAY et M. ROTH
suggérèrent plus tard que la paraphrénie tardive n’était finalement qu’une variante de la
schizophrénie avec des critères cliniques moins restreints [51].
Les troubles de l’humeur
La maladie bipolaire recouvre des fluctuations thymiques, via des récurrences dépressives parfois
mélancoliques, ainsi que des accès maniaques. En pratique gérontopsychiatrique, la symptomatologie
maniaque est souvent atypique et moins spectaculaire que chez l’adulte jeune, plus proche de l’état
mixte, mais peut pour autant être associée à une symptomatologie délirante, parfois pseudoconfusionnelle. A l’inverse, la symptomatologie mélancolique peut s’avérer extrêmement
spectaculaire. Le syndrome de COTARD en est un exemple assez spécifique, décrit devant une forme de
mélancolie délirante dont la thématique hypocondriaque associe des idées de négation d’organe et du
corps, de damnation et d’immortalité.
Plusieurs résultats de recherche ont corrélé la présence de troubles délirants chez le sujet âgé à la
présence d’une dépression bipolaire ou unipolaire. Dans une étude australienne de AS.
HENDERSON portant sur des sujets présentant un délire tardif, 9,7% des cas répondaient aux
critères CIM-10 de dépression contre 2,9% des témoins [52]. Pour autant, il est dorénavant admis
qu’après 60 ans, même si la dépression présente souvent des caractéristiques délirantes par rapport au
sujet jeune, celles-ci ne constituent pas un critère de gravité [53].
La présentation délirante peut jusqu’à venir masquer un authentique épisode dépressif chez le sujet
âgé. Cette « dépression à masque délirant » ou « dépression masquée » est en effet difficilement
différenciable du délire de l’âgé, à cause de leur proximité sémiologique. Elle peut se présenter sous la
forme de symptômes délirants au premier plan, constitués souvent de plaintes somatiques, d’idées de
préjudice et de l’interprétation péjorative de faits banals, le tout congruent à l’humeur.
La frontière reste donc souvent très imprécise entre le délire et la dépression. Des auteurs comme J.
DIAS CORDEIRO ou JJ. BURGERMEISTER objectivent que le délire tardif est fréquemment
coloré et enrichi par « un élément thymique expansif ». Ils estiment que faire le diagnostic différentiel entre
ces deux entités reste primordial, du fait de leur indépendance relative et d’attitudes thérapeutiques
différentes. A l’inverse, d’autres auteurs considèrent leur intrication tellement fréquente que cette
distinction ne leur apparait pas pertinente. M. PANCRAZI juge que seule l’évolution des troubles
permet souvent de trancher à distance et pour F. MORGANT, il serait « illusoire de séparer pathologies en
dépression délirante ou non, car tous les degrés du délire seul à la dépression seule peuvent se voir » [29] [24] [35].
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2. Hors du champ des pathologies psychiatriques chroniques
Le Délire d’Apparition Tardive
L’analyse du contenu du Délire d’Apparition Tardive met en évidence certaines spécificités cliniques
liées à l’âge. Assez limité, plutôt pauvre et en boucle, de plus en plus concret et terre à terre, il fait
référence à la situation présente de la personne âgée, avec l’alimentation de thématiques délirantes de
persécution et de préjudice par les événements de vie récents, par le quotidien et l’environnement
immédiat du patient, de plus en plus restreints avec l’avancée en âge [54] [55].
Cliniquement, le Délire d’Apparition Tardive (DAT) est en général plutôt bien construit et
relativement systématisé, il possède des mécanismes interprétatifs et intuitifs, sans trouble dissociatif
associé. Ce concept descriptif ne présage d’aucune étiologie particulière, mais son continuum avec
l’humeur est en général très étroit.
Le Délire d’Apparition Tardive a pour autre caractéristique intéressante de disposer d’une approche
psychopathologique propre, centrée sur le stress que constitue l’épreuve de la sénescence chez le sujet
âgé. Longuement développée par l’équipe de psychiatrie de Genève et notamment par J. DIAS
CORDEIRO, cette perspective permet de « retrouver dans le symptôme un sens par rapport à l’histoire passée de
la personne » selon JP. CLEMENT [31].
Du fait de sa pertinence clinique et psychopathologique, l’usage de ce concept syndromique est
répandu dans la pratique des gérontopsychiatres français et européens. Cependant, à cause de son
absence d’identité spécifique, cette entité n’apparaît pas directement dans les études internationales et
ne possède donc pas d’échelle valide, ni de critères diagnostiques suffisamment précis permettant de
l’individualiser et de la caractériser [28].
Les troubles psychotiques au cours des démences
Les manifestations psychotiques peuvent dans certains cas être révélatrices d’un processus démentiel
en cours d’évolution. Cette symptomatologie psychotique est maintenant incluse dans la
dénomination des Symptômes Comportementaux et Psychologiques de la Démence au sein des
classifications catégorielles. Environ un tiers des patients présentant une Maladie d’Alzheimer et
jusqu’à 60% des sujets présentant une démence à Corps de Lewy seront à même de présenter ces
symptômes au cours de leur maladie.
Sur le plan clinique, les manifestations délirantes seront souvent moins structurées et plus simples,
organisées autour de thématiques souvent redondantes. Ces personnes pourront initialement
présenter des idées de jalousie, de vol ou de persécution et il sera fréquent de les voir attribuer à autrui
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des oublis d’actes ou des pertes d’objets. Avec l’évolution de la maladie, d’authentiques syndromes
hallucinatoires verront le jour, avec notamment des ecmnésies ou évocations hallucinatoires du passé,
consistant en l’émergence de souvenirs anciens vécus comme une expérience actuelle.
Les affections somatiques
La démarche diagnostique devant un trouble délirant chez une personne âgée nécessite initialement
une exploration clinique des hypothèses somatiques avant de pouvoir envisager une étiologie
psychiatrique [31].
Le syndrome confusionnel étant très fréquent dans ce contexte clinique, il est impératif de l’éliminer
en priorité, devant une perturbation de la conscience ou un trouble de la vigilance, ainsi que face à
une fluctuation de l’état général du patient. Les principales étiologies pouvant y être associées
consistent en un trouble métabolique ou hydro-électrolytique, une origine neurologique, un syndrome
infectieux, une douleur aigüe, un trouble de la continence vésicale ou anale, une iatrogénie
médicamenteuse ou un syndrome de sevrage.
C. Place de l’approche structurale
Le modèle structural a été emprunté à d’autres champs de connaissance que la psychiatrie, puis a été
décliné sous une approche analytique, selon les travaux de S. FREUD jusqu’à J. BERGERET. Ce
dernier proposait une distinction des différents modes d’organisation de la psyché selon les modalités
défensives, le type d’angoisse et les modes de relation à l’objet. En fonction de l’articulation de ces
trois axes, il différenciait trois grandes lignées structurales [56] :
•
Les structures psychotiques
•
Les structures névrotiques
•
Les a-structurations états-limites
La structure s’organiserait aux premiers temps infantiles de l’organisation du psychisme, prenant ses
racines dans le développement de la personnalité, influençant alors l’intégration de l’existence et du
monde et engageant les aspects fondamentaux de la vie psychique [57]. R. ROUSSILLON a
remodelé ultérieurement ce concept d’organisation structurale, considéré alors comme trop rigide
pour rendre compte des complexités de la vie psychique. Il proposait la notion plus mouvante et plus
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instable de pôle organisateur de la psyché, comme mode de fonctionnement psychique prévalant, variant
selon les aléas de l’existence et les circonstances événementielles [18]. Concernant le niveau de
structuration, il se fixerait toutefois rapidement au cours de l’existence et ne pourrait ensuite subir que
des modifications fonctionnelles et non pas structurales. Seule l’adolescence serait la période où le
passage d’une structure à l’autre serait encore possible. Lors de la vieillesse par contre, les
bouleversements psychiques spécifiques n’apporteraient alors pas de changement de la lignée
structurale. La célèbre formule de JJ. DE AJURIAGUERRA se rapproche de ces considérations :
« nous vieillissons comme nous avons vécu », reformulée ensuite par J. MESSY : « nous vieillissons comme nous
vivons ! » [29] [58]. Une exception toutefois, selon J.BERGERET, certaines a-structurations étatslimites peu stables pourraient évoluer tardivement vers la psychose dans des conditions bien
particulières. Ces sujets conserveraient des possibilités évolutives différentes du fait d’un aménagement
seulement provisoire et immature sur le plan affectif. C’est lors de traumatismes narcissiques, de
pertes successives avec rupture des liens anaclitiques, qu’ils pourraient alors décompenser sur le mode
délirant [59].
Cette théorie s’avère donc intéressante car les symptômes restent globalement peu informatifs du
fonctionnement global de l’individu, en considérant que ce ne sont pas ceux-ci qui importent mais
l’état mental qui les conditionne. Selon E. MINKOWSKI et H. EY, les symptômes seraient
finalement interchangeables, plus ou moins inconstants, jamais pathognomoniques et c’est donc
l’expression du processus morbide sous-jacent qui resterait toujours la même [60].
La notion d’un terrain psychique sous-jacent tel que l’organisation psychotique, paraît généralement
admise comme déterminant la possibilité d’un processus délirant chez le sujet adulte : « pour faire un
délire psychotique, il faut être psychotique ». Rappelons que la psychose se caractérise par une
transformation radicale du rapport du sujet à la réalité, entraînant une modification profonde et
durable de l’identité et de la personnalité [18]. De manière consensuelle, il est donc considéré que
n’importe qui ne fait pas un délire. Toutefois, ces modalités ne se vérifient pas aussi facilement chez
l’âgé. Pour M. GROSCLAUDE, tout sujet âgé peut potentiellement produire un délire, en dehors de
toute perspective structurale [1].
C’est dans ce contexte que M. BLEULER et J. BERGERET invitaient à ne pas classer dans la
catégorie « psychose » les évolutions délirantes tardives n’ayant jamais présenté d’antécédents
psychiatriques. Pour eux, le délire n’apparaissait pas constitutif d’une structure psychotique chez l’âgé.
Il ne serait qu’à considérer comme un symptôme d’un état de décompensation chez un sujet, qui
montrant une adaptation normale durant toute son existence, pourra se mettre à délirer sur le tard
dans un contexte particulier. Les tableaux cliniques délirants de l’âgé, souvent transitoires et
26
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incomplets, peuvent apparaître dans une grande variété de situations cliniques mais ne viennent donc
pas forcément signer l’association à une organisation psychotique [61] [1]. Selon MB. DILIGENT et
M. GROSCLAUDE, le délire tardif se rapprocherait alors de la classique bouffée délirante aigüe de
l’adolescent ou du jeune adulte, du fait d’une « rupture aigüe dans le mode de fonctionnement psychique supposé
et les réaménagements introduits » [62] [1], ayant le mérite de ne pas présager d’un aménagement
particulier ni d’une évolution spécifique.
Dans une perspective plus dynamique, F. QUARTIER proposait alors le concept de plasticité psychique
pour contrebalancer cette notion d’irréversibilité structurale. Ce concept envisage la personnalité
comme une dimension oscillant entre normal et pathologique, et évite tout enfermement dans un
diagnostic structural statique et immuable. Il nous apparaît opérant chez l’âgé, et fait finalement écho
au concept de plasticité cérébrale des neurosciences, démontrant que quel que soit l’âge, l’appareil
cérébral est capable d’adaptation morphologique et fonctionnelle.
III. UN
CONTEXTE CLINIQUE PARTICULIER
:
REVUE DE LA LITTERATURE ET
EPIDEMIOLOGIE
A partir d’une revue de la littérature internationale existante, nous tenterons de situer la prévalence
des troubles délirants tardifs, ainsi que de relever les facteurs de risque pouvant précipiter ces
décompensations.
Notons tout d’abord que ces résultats sont à considérer avec quelques réserves, du fait de plusieurs
limites méthodologiques rendant difficile toute tentative de comparaison selon M. HARRIS et ME.
AGRONIN [63] [64] :
A. HOLT relevait que les patients âgés présentant un trouble délirant et inclus dans les études, sont
souvent regroupés dans le vaste groupe syndromique « delusion » très peu spécifique, malgré leurs
différentes réalités physiopathologiques et étiopathogéniques [65]. Les critères d’identification de la
production délirante de l’âgé ne sont pas réellement définis, face à « des hallucinations, des idées
délirantes, des symptômes psychotiques, des idéations paranoïdes, etc. ». La conférence de consensus
de 2000 définissant la Very-Late-Onset Schizophrenia avait permis de délimiter plus précisément les
contours cliniques, pour autant, cette terminologie diagnostique qui se veut consensuelle n’apparaît
pas exploitée à ce jour [38]. De plus, lorsque des entités diagnostiques sont employées, elles diffèrent
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radicalement en fonction des pays et des époques, avec l’usage de différentes terminologies telles que
paraphrénie, schizophrénie d’apparition vraiment tardive, trouble délirant tardif, etc.
Par ailleurs, l’âge de début des troubles peut varier considérablement d’une étude à l’autre. Des
patients ne dépassant pas la cinquantaine sont souvent inclus dans des études nord-américaines chez
le sujet âgé, alors qu’il existe une génération d’écart avec un patient octogénaire. On sait pourtant que
les contextes socio-culturels liés à leur histoire de vie sont très différents, ainsi que les réalités
psychopathologiques de leur vieillesse. Cette hétérogénéité a été critiquée par C. HAZIF-THOMAS
pour son aspect trop vaste avec des limites d’âge trop écartées, restreignant considérablement le
nombre d’études chez les patients les plus âgés [28].
A. Prévalence et caractéristiques sociodémographiques
La première étude de prévalence des troubles psychotiques tardifs date de 1984. R. CHRISTENSON
retrouvait alors 4% d’idées de persécution chez des sujets américains de plus de 65 ans vivant à
domicile et bien intégrés socialement [66].
En 1998, AS. HENDERSON retrouvait une prévalence de 6,3% d’idéations paranoïdes dans une
communauté australienne de plus de 65 ans, ainsi que de 5,7% chez des patients de plus de 70 ans
recrutés à partir de listes électorales. Cette prévalence pouvait attendre jusqu’à 24,2% pour les sujets
admis en institution [67] [52].
En France cette fois, à Montpellier, en 2004, une prévalence de 4% de premiers épisodes
psychotiques chez des patients de plus de 65 ans vivant à domicile était retrouvée dans l’étude
conduite par K. RITCHIE [68].
En Suède, en 2009, dans une étude prospective sur trois ans sur des sujets âgés non-déments de plus
de 70 ans, les auteurs retrouvaient une prévalence de 1% de symptômes psychotiques [69]. Ce résultat
était plutôt bas, en comparaison à une cohorte de patients plus âgés. En effet, dans une étude
similaire, ils avaient retrouvé 10,1% de troubles psychotiques chez des sujets non déments de plus de
85 ans, vivant à domicile ou en institution [70]. Les auteurs attribuaient cette différence à un biais de
sélection, au manque d’expérience à faire passer ce type d’examens psychométriques, ainsi qu’à
l’absence dommageable d’informateurs-clés qui auraient permis d’obtenir un relevé précis de tous les
antécédents.
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En 2007, S. OSTLING retrouvait une prévalence de 7,4% de symptômes psychotiques, cette fois
chez des sujets alors bien plus âgés, de plus de 95 ans et non-déments [71]. Puis, il retrouvait une
incidence cumulée de 4,8% pouvant aller jusqu’à 19,8% de symptômes psychotiques et d’idées
paranoïdes pour une population de patients non déments âgés de 70 à 90 ans. Il concluait donc
qu’une personne âgée sur cinq survivant après l’âge de 85 ans, serait à risque de présenter un premier
épisode délirant [72].
Concernant la schizophrénie tardive, sa prévalence a été estimée à environ 0,12% dans une étude
anglo-saxonne de J. COPELAND datant de 1992 et effectuée sur 5222 personnes de plus de 65 ans
sélectionnées à partir de dossiers médicaux. L’auteur notait une diminution de la prévalence entre les
années 1980 et 1990, et l’attribuait aux évolutions nosographiques ayant entraîné des modifications
des critères diagnostiques et des critères d’âge de début [73].
Pour conclure, les auteurs de la conférence de consensus de 2000 sur la Very-Late-Onset
Schizophrenia, en reprenant les différentes données et études à ce sujet, proposaient donc une
prévalence allant de 4 à 10% de symptômes psychotiques chez le sujet âgé et de 0,1 à 0,5% pour la
schizophrénie tardive [38] [65] [73]. Il en résulte que la décompensation inaugurale tardive est
relativement fréquente chez le sujet âgé, mais ne s’apparente que dans certains cas bien précis à une
schizophrénie d’apparition vraiment tardive.
La prépondérance féminine chez les individus âgés présentant des troubles délirants tardifs après 60
ans a largement été soulignée [74] [75] [67] [76]. DWK. KAY et M. ROTH comptaient alors 88%
de femmes chez leurs délirants tardifs et ME. HERBERT retrouvait un nombre majoritaire de
femmes, à savoir 45 sur 47 patients [51] [77].
A titre indicatif, ces mêmes résultats ont été retrouvés dans des études proposant des critères d’âge de
début des troubles plus précoces, vers 40 ans seulement [76] [78] [79] [80].
Une hypothèse biologique formule que l’état post-ménopausique et le déclin du niveau d’estrogènes
pourraient constituer des facteurs de risque de décompensation tardive chez la femme. Les estrogènes
mimeraient les propriétés des composants antipsychotiques et allongeraient le délai du début des
symptômes chez des femmes prédisposées à la schizophrénie. Toutefois des preuves définitives en
faveur de cette théorie manquent encore actuellement et les résultats récents ne convergent pas tous
vers cette hypothèse [78].
29
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B. Spécificités gériatriques
Le vieillissement physiologique du système nerveux central et l’involution cérébrale, associés à
l’intervention d’autres facteurs de stress endogènes tels que la désafférentation sensorielle, abaissent le
seuil de vulnérabilité du sujet âgé.
1. Rôle du déficit sensoriel
Troubles auditifs
E. KRAEPELIN définissait déjà à l’époque la paranoïa des sourds comme prenant racine dans « le
sentiment d’insécurité qui dérive de l’impossibilité de relations intellectuelles avec l’extérieur ». Il constatait déjà que la
surdité pouvait accentuer l’isolement, contribuant alors au développement progressif d’idées délirantes
dans un cercle auto-entretenu.
A partir de 1961, de nombreuses études mettaient en évidence la fréquence des troubles auditifs chez
les patients à délire tardif [51] [77] [79] [80] [81] [82]. Toutefois ces données sont à considérer avec
réserve, puisque obtenues chez des patients dont l’âge de début des troubles avoisinait souvent 40 ans
seulement.
En 1984, pour R. CHRISTENSON les troubles sensoriels apparaissaient à nouveau comme un
facteur de risque de développer des idées délirantes de persécution, avec 58% de patients délirants de
plus de 65 ans présentant des troubles de l’audition, contre 36,6% dans le groupe-témoin [66].
En 1995, O. ALMEIDA retrouvait un risque quatre fois plus important de perte auditive chez 47
patients diagnostiqués late-paraphrenia par rapport à 33 sujets-témoins présentant un trouble affectif
[74].
D’autres études ont aussi retrouvé des résultats évocateurs mais non significatifs concernant
l’association de l’hypoacousie avec le délire tardif [83] [75]. Les auteurs évoquaient la possibilité d’un
déficit auditif léger ignoré des patients, mais pouvant tout de même conduire à des interprétations
erronées.
L’intervention de l’hypoacousie dans la genèse des troubles tardifs n’est actuellement plus discutée en
pratique, car on sait que l’atteinte de l’ouïe peut prédisposer un individu à mal interpréter son
environnement. Cependant, il faut rester prudent avec ces résultats obtenus grâce à une évaluation
empirique du trouble sensoriel, souvent peu précise et non audiométrique, sauf dans quelques cas bien
précis [84]. De plus, d’autres études comparatives seraient nécessaires, puisque le rôle potentiel de la
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surdité comme facteur de risque spécifique de développer un délire tardif doit être considéré dans le
contexte de sa haute prévalence lors de la vieillesse [83].
Troubles visuels
C. LASEGUE décrivait quant à lui une forme de délire très particulière, le syndrome des persécutés visuels,
à propos de patients présentant des idées délirantes dans les suites de l’installation d’un déficit de la
vue. Le syndrome de Charles BONNET quant à lui, ou syndrome hallucinatoire visuel des ophtalmopathes, est un
phénomène bénin qui survient chez des personnes sans antécédent psychiatrique souffrant d’une
diminution bilatérale de l’acuité visuelle due à une pathologie oculaire et causant une privation
sensorielle du cortex visuel. Ces sujets développent de manière subaiguë un syndrome hallucinatoire
riche, très coloré, représentant des scènes complexes et animées.
Il existe moins d’études récentes à ce sujet, avec des résultats très disparates, 15% de cécité chez les
patients de DWK. KAY et M. ROTH [51], 47% chez ME. HERBERT [77], 48% chez G.
PEARLSON [79].
Sur un plan comparatif, O. ALMEIDA ne retrouvait pas de différence significative pour l’atteinte
visuelle entre des sujets atteints de paraphrénie tardive et un groupe-témoin de sujets âgés avec des
troubles de l’humeur [74]. Dans l’étude de R. CHRISTENSON, 78% des sujets présentant des idées
de persécution avaient des troubles de la vue, contre 51% des sujets considérés sains (p<0,001) [66].
En 2002, dans une population de patients délirants de plus de 85 ans, un déficit visuel avait été
identifié lors de l’entretien chez les patients présentant des hallucinations (OR=3,4), ou bien des
idéations paranoïdes (OR=3,6) [70].
Les résultats sont divergents concernant l’impact de la désafférentation visuelle sur le délire tardif et
d’autres études comparatives chez le sujet âgé seraient donc nécessaires.
2. Impact de la désafférentation sociale
De nombreuses études ont mis en évidence l’impact de la désafférentation sociale sur le délire
inaugural tardif [51] [75] [23] [74] [66]. Plusieurs auteurs avaient également abouti à cette
corrélation, mais chez des patients présentant un début des troubles plus précoce, vers l’âge de 40 ans
[79] [81] [82] [51].
Dans l’étude australienne d’AS. HENDERSON en 1998, sur 65 sujets âgés de plus de 70 ans
présentant des symptômes psychotiques de type idées de persécution et hallucinations auditives, les
facteurs de risque associés étaient l’isolement social et le fait de vivre seul (OR=2,53) [52].
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Plus récemment, en 1999, l’étude française d’A. HASSET retrouvait 76,1% d’isolement social dans
une cohorte de 46 sujets de plus de 60 ans présentant un premier épisode délirant et pris en charge
pour la moitié en ambulatoire, pour l’autre à l’hôpital [83].
Globalement, ces divers résultats mettaient en évidence une diminution des relations intimes, avec un
faible taux de mariages et de procréation chez les patients délirants [66] [77] [83] [75], par rapport
aux groupes-témoins [82] [51]. Les variables associées à l’isolement étaient le divorce, le célibat et les
situations d’immigration [67] [52] [70].
La désafférentation sociale pourrait donc être considérée comme un facteur de risque de développer
des idées délirantes chez le sujet âgé. Bien que les raisons de cet isolement ne soient pas tranchées,
elles peuvent être dues en partie à l’atteinte auditive, entraînant une distorsion subjective de
l’environnement qui renforcerait alors l'isolement social, dans un cercle vicieux auto-entretenu
limitant alors le rapport à l’extérieur [84]. Toutefois, le rapport de causalité reste à évaluer, cet
isolement pourrait être aussi la conséquence plutôt que la cause du délire. Pour ME. HERBERT par
exemple, des traits de personnalité méfiants et sensitifs entrainent souvent une diminution de la
socialisation. Par ailleurs, un concubinage souvent plus tardif diminuerait les chances de procréation,
avec moins de descendants et d’entourage ultérieur [77].
La détection précoce de l’hypoacousie est indispensable afin de proposer une prise en charge rapide
du déficit. L’amélioration des symptômes psychotiques après appareillage auditif a d’ailleurs pu être
constatée, même si les auteurs de la conférence de consensus de 2000 sur la schizophrénie tardive
soulignent la réticence globale des patients âgés délirants à être appareillés, ainsi que le faible niveau
d’accès aux soins de santé chez ces derniers [38].
C. Rôle du terrain et de l’histoire de vie
1. Antécédents psychiatriques familiaux
Malgré ses difficultés à obtenir des données biographiques fiables, ME. HERBERT concluait à une
incidence plus élevée de pathologies psychiatriques dans les familles de paraphrénies tardives, en
comparaison à un échantillon randomisé de la population générale [77]. Toutefois, les résultats à ce
sujet restent contradictoires et d’autres auteurs retrouvaient moins d’antécédents psychiatriques
familiaux chez les délirants tardifs que dans les groupes-témoins [75] [51], ou bien autant [74].
32
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Il faut d’ailleurs préciser qu’il existe un risque de biais diagnostique dans cette catégorie. Des proches
peuvent être décédés ou disparus sans que le diagnostic suspecté ait pu être réellement posé. De plus,
les informations recueillies dépendent beaucoup du bon-vouloir et de la capacité du sujet et de ses
proches à retracer les antécédents familiaux.
2. Influence de la personnalité
Définitions
Selon le Manuel de Psychiatrie de JD. GUELFI, la personnalité décrite par J. DELAY et P.
PICHOT constitue « l’organisation dynamique des aspects cognitifs, pulsionnels, intellectuels, volitionnels et affectifs
de l’individu ». A cette unité intégrative viennent s’ajouter deux caractéristiques supplémentaires : la
personnalité est à la fois stable en contribuant à la permanence de l’individu, et unique en rendant le
sujet reconnaissable et distinct de tous les autres [85]. Elle se construit dès le début de la vie et se fixe
progressivement à l’adolescence. L’agencement de ces différents éléments constitue les traits de
personnalité, à savoir les modalités relationnelles durables de la personne, sa façon de percevoir le
monde et de penser son environnement et soi-même, dans un large éventail de situations.
La personnalité normale est considérée comme souple et adaptable. Elle ne s’approche du trouble que
lorsqu'elle devient rigide et inadaptée et qu'elle cause une souffrance subjective ou une altération
significative du fonctionnement. Les troubles de la personnalité pathologique sont donc
envisagés comme des attitudes ou comportements pathologiques et déviants par rapport à la norme
retenue. Dans les classifications DSM-IV-TR et DSM-5 ils sont définis par la présence conjointe des
caractéristiques suivantes [21] [20] :
A.
Modalité durable des conduites et de l'expérience vécue, qui dévie de ce qui est attendu dans la
culture de l'individu et qui se manifeste dans deux des domaines suivants :
• la cognition
• l'affectivité
• le fonctionnement interpersonnel
• le contrôle des impulsions
B.
Caractère envahissant et rigide
C. Source de souffrance significative ou d’altération du fonctionnement socio-professionnel
D. Déviation stable et durable, début à l'adolescence ou à l’entrée dans l'âge adulte
E.
Pas d’explication possible par les manifestations ou les conséquences d'un autre trouble mental
Ce tableau n'est pas causé par les effets physiologiques directs d'une substance ou d'une
affection médicale générale
Tableau 2 : Définition du trouble de la personnalité pathologique selon le DSM–IV-TR et le DSM-5
F.
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La définition proposée par la CIM-10 est globalement similaire à celle-ci [22].
Spécificités chez le sujet âgé délirant
Plusieurs auteurs se sont déjà attachés à définir une personnalité-type qui favoriserait l’émergence de
troubles délirants chez le sujet âgé, pour appréhender au mieux les comorbidités et les facteurs de
risque de décompensation, avec un objectif préventif permettant une intervention thérapeutique
précoce.
Initialement, DWK. KAY et M. ROTH retrouvaient des traits de personnalité paranoïaque ou
schizoïde dans 45% des cas au sein de leur étude conduite sur les « psychoses paranoïdes tardives » de
plus de 60 ans. Ils concluaient à la présence fréquente d’un « trouble de personnalité ancien interférant avec les
modalités relationnelles » et en énuméraient les tendances les plus fréquentes : jalousie, suspicion,
arrogance, froideur émotionnelle, solitude, sectarisme, méfiance, voire sensitivité ou caractère explosif
[51].
Dans l’étude de ME. HERBERT, en 1967, seulement quatre cas de plus de 65 ans sur 47 ne
présentaient pas de trait de personnalité jugé anormal. Les autres étaient considérés comme montrant
des traits paranoïaques ou schizoïdes. Les auteurs concluaient que des traits de personnalité
prémorbides étaient quasiment systématiquement associés au délire tardif [77].
L’étude rétrospective de DWK. KAY et AF. COOPER en 1976 montrait chez des patients délirants
de plus de 50 ans seulement, une tendance à la réserve, au sentiment d’insécurité et à l’altération de
l’image de soi, s’apparentant à des traits sensitifs. Ces sujets, plus réticents et plus suspicieux,
apparaissaient moins en mesure d’afficher de l’émotion et de la sympathie, avec des difficultés à
établir et maintenir des relations sociales satisfaisantes. Les auteurs évoquaient alors un « facteur de
personnalité schizoïde prépsychotique » prédisposant aux troubles ultérieurs [81].
Bien plus récemment, en 2007, chez des individus très âgés de plus de 90 ans présentant des
hallucinations et des idées paranoïdes, S. OSTLING retrouvait la présence significative de troubles de
la personnalité paranoïaque, en comparaison à un groupe-témoin [71]. Cette dernière étude
comparative nous intéresse plus particulièrement, puisqu’elle utilise des critères diagnostiques se
rapprochant plus précisément de ceux que nous utilisons à l’heure actuelle.
Concernant les dimensions de personnalité maintenant, la seule étude descriptive existante à ce jour
chez l’âgé est celle d’A. HASSET [83]. Ses résultats montraient une augmentation de l’Agréabilité et
de la Conscience chez les sujets délirants par rapport à la moyenne adulte, ainsi qu’une diminution
des facteurs Névrosisme, Extraversion et Ouverture. Selon l’auteur, un bas niveau d’Ouverture
34
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
altérerait la flexibilité cognitive, le répertoire comportemental et les poursuites créatives. Cela pourrait
expliquer que ces patients présentent des difficultés dans la mise en œuvre d'interprétations
alternatives adéquates et de critique de leurs convictions délirantes.
D’autres études retrouvaient un faible du niveau de Conscience par rapport à un groupe contrôle
[86], un faible niveau d’Extraversion [87], ainsi qu’un faible niveau d’Agréabilité [88] [87] chez des
patients diagnostiqués schizophrènes, mais bien plus jeunes que notre population étudiée.
Globalement, ces différents résultats mettent donc en évidence la présence de troubles de la
personnalité paranoïaque et schizoïde chez les patients âgés délirant tardivement. Il existe par contre
assez peu de travaux antérieurs s’intéressant aux corrélations entre dimensions de personnalité et
délire du sujet âgé.
3. Impact des événements de vie
Au départ, DWK. KAY et M. ROTH concluaient à une faible fréquence d’événements de vie
négatifs chez les patients paraphrènes tardifs. Ils relevaient bien quelques événements antérieurs jugés
traumatiques comme le changement de milieu de vie et les ruptures de lien dans les familles unies,
tout en considérant que ces associations étaient fortuites [51].
Quelques auteurs ont évoqué ensuite la possibilité d’une association entre décompensation délirante
tardive et passé douloureux. Ces derniers notaient alors l’importance des expériences précoces
négatives de l’enfance, des changements de vie radicaux, ainsi que des situations de stress et de
traumatisme ultérieur, provoquant un sentiment d’insécurité et d’altération de l’image de soi [63] [89]
[90].
Sur la seule base de neuf patients paranoïdes âgés, B. GURIAN a proposé un modèle spéculatif sur le
rapport possible entre une expérience traumatisante dans l’enfance (ici chez des patients survivants de
l’holocauste), l'absence d’activité reproductrice ultérieure et le risque de trouble délirant dans la
dernière période de vie. L’auteur imaginait que l'effet de premier traumatisme puisse conduire à faire
le choix de ne pas avoir d’enfants, voire rendre biologiquement moins apte à concevoir ou mener à
bien une grossesse. Toutefois cette étude ne portait que sur neuf patients, soit un chiffre très restreint
réduisant considérablement sa puissance [89].
D’autres auteurs ont évoqué le possible impact des pertes tardives dans la paraphrénie tardive,
remarquant en pratique que celles-ci précédaient fréquemment la maladie d’un à trois ans dans la
majorité des cas [81] [90]. Enfin, l’étude de D. JESTE a mis en avant une différence significative sur
35
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
le plan des variables psychosociales chez des patients présentant une schizophrénie tardive, avec de
mauvais ajustements dans l’enfance, des troubles d’ordre psychosexuel et des relations
interpersonnelles [76].
Dans une étude allemande conduite sur 60 patients ayant présenté à plus de 50 ans une psychose
paranoïde de début tardif, T. FUCHS retrouvait deux fois plus de patients réfugiés de guerre et expulsés
de leur territoire durant la seconde Guerre Mondiale, en comparaison à la population bavaroise du
même âge. On sait à quel point un sentiment de détresse, d'anxiété ou de menace peut favoriser une
symptomatologie paranoïde réactionnelle en principe immédiate, apparaissant après le choc, dans les
jours ou mois à venir, mais pouvons-nous imaginer qu'un événement de vie traumatisant exerce un tel
effet après une durée bien plus importante ? T. FUCHS évoquait en effet la possibilité d’un impact
stressant « à long terme » chez ces patients délirant tardivement. Selon lui, l'intégration sociale, dans
la plupart des cas normale chez ces patients, pourrait expliquer que le stress émotionnel latent et
durable ait été amenuisé et jugulé par l'engagement professionnel et familial de la vie adulte. Cet
investissement se modifiant et diminuant dans la vieillesse, ce changement de vie pourrait alors mener
à la décompensation tardive. L’auteur finissait toutefois par conclure à l’absence de données
suffisantes en faveur de cette hypothèse [90].
Dans le même registre, W. BUSUTTIL a aussi évoqué la possibilité que ces patients délirants aient pu
subir un traumatisme antérieur, sans pouvoir recourir précocement à des soins médicaux du fait de
retrait social et d’hypervigilance. Ils auraient alors pu développer un état de stress post-traumatique
dans les suites, ou du moins quelques symptômes pouvant être confondus avec la symptomatologie
paranoïde [91].
On admet donc désormais que certains facteurs psychosociaux récents associés au vieillissement
puissent être considérés comme déstabilisants [38]. Toutefois leur rôle et notamment celui des
événements de vie plus précoces sur la décompensation tardive reste à déterminer. Pour autant, un
lien de causalité direct ne peut être clairement mis en avant du fait de leur implication multiple et de
leur intrication variable.
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BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
IV. PISTES DE REFLEXION
Le manque d’études scientifiques chez le sujet âgé est à ce jour manifeste. Jusqu’ici, la revue de la
littérature nous a permis de rendre compte du rôle de certains facteurs de risque dans la
décompensation délirante tardive, sans pour autant que tous puissent être clairement définis, du fait
de leur implication variable. Dans ce contexte, il est intéressant de s’appuyer sur le modèle
biopsychosocial, prenant en compte les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux participant
simultanément au développement d’un processus pathologique. Cette approche se veut globalisante,
sans pour autant qu’une de ces trois catégories ne se voit accorder une prépondérance, mais plutôt
selon la notion de variabilité situationnelle.
Comme nous l’avons souligné précédemment, ce qui détermine l’apparition d’un délire chez le sujet
âgé n’est pas à rechercher dans une organisation psychotique ou névrotique sous-jacente, à l’inverse
du sujet jeune chez qui celle-ci est souvent postulée en pratique. M. GROSCLAUDE propose donc
d’introduire un modèle opérant pouvant expliquer la propension délirante de l’âgé : la potentialité
délirante. Ce concept englobe la notion de contexte de franchissement d’un seuil, dans un moment de
convergence entre différents facteurs en jeu : événements internes et externes, trouble du jugement de
réalité (confusion, iatrogénie, etc.), fragilité physique liée à l’âge, etc. L’étiologie du délire, quelle
qu’elle soit, ne viendrait pour le coup en rien modifier ces différentes modalités, ni l’expérience
subjective qui en découle chez l’âgé.
Ce modèle théorique intégratif apparaît particulièrement opérant dans l’approche multifactorielle du
délire tardif. Ce sont précisément sur ces questions que nous tenterons donc de nous pencher dans la
suite de ce travail, en tentant de dégager plus clairement l’influence de certaines variables.
37
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(CC BY-NC-ND 2.0)
DEUXIEME PARTIE :
Etude du rôle du terrain et des facteurs de stress sur
le délire inaugural tardif du sujet âgé
38
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
I. INTRODUCTION
La décompensation délirante est relativement fréquente chez le sujet âgé, puisque la littérature
considère qu’une personne sur dix vivra une expérience délirante durant sa vieillesse [38]. Il apparaît
donc nécessaire de mettre en évidence les situations pouvant rendre les sujets vulnérables à
développer avec le vieillissement ce type de décompensations psychiatriques, afin de pouvoir les
appréhender au mieux en pratique. Actuellement, on connaît une partie des facteurs de risque
pouvant précipiter cette décompensation, notamment le rôle du vieillissement physiologique et des
modifications cérébrales, ainsi que l’impact de la désafférentation sociale et sensorielle. Cependant, la
physiopathologie et la psychopathologie du délire tardif restent globalement mal connues à ce jour.
L’étude de l’influence de facteurs de risque chez le sujet âgé délirant s’avère en effet complexe, du fait
de la disparité des modèles théoriques explicatifs et de l’enchevêtrement des cadres nosographiques,
ne facilitant pas la recherche scientifique chez l’âgé. Afin d’éviter de se retrouver confrontés à cet
écueil, nous avons donc choisi de considérer ici le délire tardif selon sa dimension clinique et non pas
en tant qu’entité pathologique individualisée par une approche nosographique.
Dans cette seconde partie, nous présenterons notre travail de recherche basé sur une étude castémoin. Nous faisions l’hypothèse que la personnalité puisse constituer un facteur de risque de
décompensation délirante tardive et l’objectif principal de cette étude a donc été de rechercher un lien
entre le délire et la variable personnalité. Les objectifs secondaires ont ensuite consisté à déterminer si la
confrontation à la variable événements de vie pouvait influencer la survenue inaugurale d’un délire chez
l’âgé.
La population d’étude était constituée par un groupe de cas ayant présenté un épisode délirant
inaugural à plus de 60 ans et par un groupe-témoin comprenant des sujets de plus de 60 ans recrutés
dans la population générale et ayant accepté de répondre à un auto-questionnaire de manière
anonyme.
39
BIANCOLLI
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II. MATERIEL ET METHODES
A. Population participante
D’août 2014 à janvier 2015, à partir des centres hospitaliers Le Vinatier et Saint-Jean-de-Dieu à
Lyon, nous avons recruté des patients admis dans les unités intrahospitalières des pôles de Psychiatrie
de la Personne Agée, ou bien suivis en ambulatoire sur les Centres Médico-Psychologiques
extrahospitaliers rattachés à ces mêmes secteurs géographiques.
Les critères d’inclusion étaient :
•
Sujets ayant présenté un premier épisode délirant révélé après 60 ans
•
Hommes ou femmes
•
De tous milieux socio-culturels confondus
•
Rencontrés à distance de l’épisode délirant aigu
Etaient exclus, les sujets présentant :
•
Des antécédents psychiatriques documentés, de type maladie bipolaire ou troubles
psychotiques
•
Un diagnostic de pathologie démentielle ou des troubles cognitifs évidents
•
Une impossibilité de répondre au questionnaire (aphasie, absence de maitrise de la langue
française, etc.).
Bien que nous n’ayons présagé d’aucune étiologie sous-jacente chez ces sujets, si l’on s’en tient aux
critères cliniques du Délire d’Apparition Tardive, ces derniers pourraient être inclus dans ce cadre
diagnostique.
Nous avions préalablement avisé les praticiens hospitaliers de notre démarche scientifique afin qu’ils
nous contactent dès qu’ils rencontraient des patients présentant le profil recherché. Ces personnes
étaient informés en amont et devaient donner un accord favorable. Une rencontre était programmée
par la suite sur leur lieu de soin ou à leur domicile, en fonction de leur degré d’autonomie physique.
Afin de pouvoir comparer nos données, nous avons constitué un groupe-témoin en recrutant des
sujets âgés de plus de 60 ans dans la population générale. Ils étaient inclus en l’absence d’antécédents
psychiatriques antérieurs, notamment de maladies bipolaires et troubles psychotiques, ainsi que de
pathologies démentielles.
40
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
B. Outils diagnostiques
L’objectif principal de cette étude a donc consisté à rechercher un lien entre délire tardif et
personnalité, ainsi qu’entre délire et confrontation à des événements de vie.
Pour y répondre, nous disposions des outils psychométriques suivants avec lesquels nous avons évalué
les cas :
•
Une échelle d’événements de vie (EVE)
•
Une évaluation neurocognitive sommaire (MMSE)
•
Deux échelles de dépression (GDS et MADRS)
•
Une échelle d’anxiété (HAMILTON)
•
Deux échelles catégorielle et dimensionnelle de personnalité (SCID-II et BFI)
Par l’évaluation clinique permise dans l’espace de l’entretien et par l’intermédiaire des éléments
rapportés par leurs médecins respectifs, nous avons obtenu un recueil descriptif des éléments
sémiologiques, à savoir les mécanismes et thèmes du délire des cas. Enfin, nous avons procédé à une
analyse d’aspect plus qualitatif, en posant des questions ouvertes aux patients sur leur représentation
de leurs traits personnalité et de leur vieillesse.
Les témoins devaient quant à eux répondre de manière anonyme à un auto-questionnaire
comprenant le recueil d’événements de vie et l’échelle BFI. Cette échelle est réalisable en autoquestionnaire grâce à son langage simple et usuel. Des rapports de MCCRAE et COSTA ont montré
l’obtention de résultats superposables dans les évaluations par un tiers, les classifications d’experts et
les auto-évaluations [92]. Nous avons choisi de ne pas utiliser la SCID-II chez les témoins du fait de
son caractère fastidieux et complexe en auto-questionnaire. Nous n’avons pas non plus effectué de
MMSE car ils étaient interrogés de manière anonyme, sans faire appel à un interrogateur.
1. Intérêt et détail des tests psychométriques
Le Mini Mental State Evaluation (MMSE) et l’appréciation clinique au cours de l’épreuve ont permis
d’être attentif à toute altération cognitive, mnésique ou praxique.
L’échelle de dépression gériatrique à 15 items, ou Geriatric Depression Scale (GDS), a été choisie pour sa
spécificité tenant compte des difficultés propres à la personne âgée (fatigabilité, faible concentration,
compréhension parfois difficile), avec une passation simple et de courte durée. Elle est considérée
41
BIANCOLLI
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comme un outil de dépistage de la dépression mais reste insuffisante pour établir un diagnostic précis.
Dans ce cadre, elle a été associée à l’échelle MADRS ou Montgomery et Asberg Depression Rating Scale.
L’échelle de Hamilton ou Hamilton Anxiety Rating Scale (HARS) a été utilisée pour évaluer la sévérité de
l’anxiété, malgré l’absence d’existence d’échelle spécifique validée chez le sujet âgé.
La personnalité était évaluée via des échelles catégorielles (SCID-II) et dimensionnelles (BFI) dont
nous reprenons les modalités ci-dessous.
2. Etude de la personnalité
L’étude de la personnalité cherche à mesurer quelles sont les différentes manières qu’ont les individus
de traverser différemment des expériences émotionnelles, interpersonnelles, expérimentales,
motivationnelles, dans des styles propres à chacun.
Approche catégorielle
L’approche catégorielle constitue une approche descriptive, statique et athéorique. Elle permet
d’étudier la personnalité dite pathologique et s’inscrit dans une démarche médicale nosologique,
classant l’individu dans des catégories sensées représenter des diagnostics qualitativement distincts
[27].
Le diagnostic de trouble de la personnalité pathologique est posé lorsqu’un certain nombre de critères
diagnostiques et d’éléments fonctionnels sont présents et qu’ils dépassent un seuil préétabli dans le
DSM ou dans la CIM par exemple.
L’échelle SCID-II (Structured Clinical Interview for DSM Axis II Personality Disorders) s’appuie sur
les critères diagnostiques de l’axe II de la quatrième version du DSM et permet d’orienter vers un
diagnostic de trouble de la personnalité. Selon le résultat obtenu à des réponses binaires aux questions
sur le fonctionnement et les réactions comportementales du sujet, le diagnostic posé appartiendra à
l’une des catégories suivantes : évitant, dépendant, obsessionnel-compulsif, passif-agressif, dépressif, paranoïaque,
schizotypique, schizoïde, histrionique, narcissique, borderline ou antisocial.
Approche dimensionnelle
La perspective dimensionnelle représente une alternative à cette approche catégorielle. Selon celle-ci,
les troubles de la personnalité représentent des variables inadaptées de traits de personnalité, avec la
notion d’un continuum entre le normal et le pathologique, sans transition nette.
42
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Dans l’étude de la personnalité, l’approche dimensionnelle s’attache à la description quantitative des
dimensions constituant la personnalité, chez le sujet malade comme chez le sujet sain.
Plusieurs modèles dimensionnels existent et découlent initialement d’une approche psychologique. Cidessous, nous reprenons le modèle des « BIG FIVE » développé par PT. COSTA et RR. MCCRAE,
proposant une description des cinq dimensions fondamentales de base constituant la personnalité,
indépendantes entre elles [93] :
Ouverture
Capacité à vivre des expériences nouvelles ou inhabituelles. Diversité des intérêts,
créativité, originalité et complexité de la vie mentale.
Conscience
(ou « conscienciosité », selon le néologisme repris par JP. CLEMENT).
Contrôle des impulsions facilitant le comportement vers un but sérieux et la
planification. Persévérance et engagement à long-terme.
Extraversion Tendance et enthousiasme à rechercher à se confronter à l’environnement social et
matériel, dans une recherche de stimulation.
Agréabilité
Nature des relations interpersonnelles, sensibilité au bien-être d’autrui. Désir de
coopération, de cohésion et de conciliation.
Névrosisme
Propension à la détresse psychologique et à l’instabilité émotionnelle. Prédisposition à
ressentir la réalité comme menaçante, problématique et pénible.
Tableau 3 : Définition des cinq dimensions de personnalité OCEAN
L’échelle NEO-PI-R (NEO-Personality Inventory-Revised) est un modèle dimensionnel de référence
qui offre une évaluation approfondie de la variation de ces cinq dimensions dans la population
générale. Cet inventaire américain est composé de 240 items et a été créé dans les années 1990 par
PT. COSTA et RR. MCCRAE. Il est considéré comme universel et généralisable à différentes
cultures.
L’échelle BFI-Fr (BIG FIVE INVENTORY) est la version française simplifiée de la précédente. Avec
seulement 44 items, il s’agit d’un outil permettant un inventaire simple, économique et d’une durée de
passation courte [94] [27]. O. PLAISANT a mis en avant ses aspects robustes et fiables, et montré
une validation convergente et discriminante de ce modèle français par rapport à la NEO-PI-R [95].
Nous avons donc choisi de nous appuyer sur ces deux modèles catégoriels et dimensionnels qui
apparaissent complémentaires, tout en nous attardant sur l’approche dimensionnelle, dont la
pertinence et l’intérêt n’est plus à démontrer à ce jour.
43
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(CC BY-NC-ND 2.0)
III. RESULTATS
Au total, nous avons rencontré 25 patients et recueilli 30 auto-questionnaires anonymes. Le nombre
de femmes était au départ plus important chez les cas que chez les témoins, mais nous avons apparié
ces groupes sur le genre et l’âge. Après appariement, nous ne retrouvions pas de différence
significative concernant ces deux facteurs entre les deux groupes (p<0,05) et nous disposions alors de
25 cas pour 25 témoins.
Le résultat moyen au MMSE était de 27,16/30 (+/- 1,80) chez les cas. Ceux-ci ne présentaient par
ailleurs aucune perte d’autonomie au quotidien. Les observations et résultats psychométriques
permettent d’écarter cliniquement un processus neurodégénératif sous-jacent, sans pour autant
permettre d’exclure la potentialité d’une évolution démentielle ultérieure. En outre, nous ne notions
aucune corrélation statistique entre les résultats au MMSE et aux échelles psychométriques GDS,
HAMILTON, MADRS.
A. Caractéristiques sociodémographiques
Dans
ce
chapitre
nous
proposerons
une
analyse
descriptive
des
différents
résultats
sociodémographiques.
CARACTERISTIQUES
CAS
TEMOINS
SOCIODEMOGRAPHIQUES
n (%)
n (%)
Marié(e)
8 (32)
16 (64)
>0,05
Célibataire
5 (20)
1 (4)
>0,05
Divorcé(e)
6 (24)
5 (20)
>0,05
Veuf (ve)
5 (20)
3 (12)
>0,05
Avec enfants
18 (72)
22 (88)
>0,05
Vit à domicile
23 (92)
24 (96)
>0,05
Vit seul(e)
13 (52)
7 (28)
>0,05
Pas d’études
6 (24)
0
CEP ou CAP
13 (52)
8 (32)
Lycée et baccalauréat
2 (8)
6 (24)
Etudes supérieures
4 (16)
11 (44)
p
0,0002
Tableau 4 : Comparaison des caractéristiques sociodémographiques entre cas et témoins
44
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Concernant l’état civil, les patients délirants étaient globalement moins mariés que les témoins, plus
souvent célibataires, veufs ou divorcés. Ils avaient eu souvent moins d’enfants au cours de leur
existence et la tendance à vivre seuls était surreprésentée. Pour autant, sur le plan statistique, aucune
différence significative n’était retrouvée entre le groupe de cas et le groupe-témoin (p>0,05).
A l’inverse, la différence de niveau d’études entre le groupe de cas et le groupe-témoin était
significative. Malgré notre volonté de contrôler les deux populations en les appariant sur le sexe et
l’âge, le niveau d’étude s’est avéré plus élevé chez les témoins (U = 127,5 ; Z = 3.8 ; p= 0,0002). Les
sujets avec une plus grande fragilité ont probablement présenté plus de difficultés à s’investir dans un
long cursus scolaire demandant des capacités intellectuelles élevées.
B. Analyse de la personnalité
1. Dimensions de personnalité BIG FIVE
Le schéma ci-dessous compare les moyennes des résultats obtenus à l’échelle BFI chez les cas et chez
les témoins.
Extraversion
4
3
Ouverture
Agréabilité
CAS
2
TEMOIN
Névrosisme
Conscience
Figure 2 : Graphique en étoile comparant les moyennes des cinq dimensions de personnalité entre
cas et témoins
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BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
DIMENSIONS DE
CAS
TEMOINS
PERSONNALITE
Moyenne BFI (ET)
Moyenne BFI (ET)
Ouverture
2,99 (+/- 0,86)
3,17 (+/- 0,92)
>0,05
Conscience
3,89 (+/- 0,77)
3,78 (+/- 0,59)
>0,05
Extraversion
2,72 (+/- 0,99)
3,04 (+/- 0,62)
>0,05
Agréabilité
3,82 (+/- 0,64)
3,88 (+/- 0,67)
>0,05
3,51 (+/- 0,72)
2,74 (+/- 0,76)
0,0003
Névrosisme
p
Tableau 5 : Comparaison des moyennes des cinq dimensions de personnalité entre cas et témoins.
(Interaction BFI*sujet significative à F (4,192) = 3.22 ; p=0,01)
La différence était significative pour la dimension de personnalité Névrosisme entre le groupe de cas
et le groupe-témoin. Cette propension à la détresse psychologique était en effet plus marquée chez les
patients ayant présenté un délire inaugural et pourrait donc être considérée comme un facteur de
vulnérabilité pouvant favoriser la décompensation tardive, en association à d’autres variables.
Il n’y avait pas de différence significative pour la dimension Extraversion, mais le résultat retrouvé
chez les cas était plus bas que chez les témoins.
2. Troubles de la personnalité pathologique
Les données suivantes ont uniquement une vocation descriptive car elles n’ont pas pu être comparées
statistiquement à celles du groupe-témoin auquel nous avions choisi de ne pas faire passer la SCID-II
du fait de son caractère fastidieux et complexe en auto-questionnaire.
Nous avons relevé l’absence de trouble de la personnalité chez 32% des cas. Chez les 67% restants,
nous retrouvions une cooccurrence importante, un patient pouvant présenter jusqu’à trois diagnostics
de troubles de la personnalité différents.
La prévalence des troubles de la personnalité chez les sujets de plus de 50 ans a été estimée à environ
10% selon la méta-analyse de R. ABRAMS et S. HOROWITZ, résultat globalement similaire à celui
de la population plus jeune. Ces personnes âgées délirantes présentaient donc plus souvent un profil
de personnalité pathologique que la population standard [96].
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BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Le tableau suivant résume la prévalence des troubles de la personnalité pathologique obtenue chez les
patients délirants, et confronte ces résultats aux prévalences de la population générale et de la
population psychiatrique retrouvées dans les données de la littérature [20] [21] [85] [97] :
excentrique
dramatique
CLUSTER B
CLUSTER C
n (%)
PREVALENCE
POPULATION
GENERALE
PREVALENCE
POPULATION
PSYCHIATRIQUE
(%)
(%)
AUCUN
8 (32)
85 à 95
40 à 70
Paranoïaque
5 (20)
0,5 à 2,5
2 à 30
Schizotypique
1 (4)
3
?
0
Rare
Rare
Narcissique
1 (4)
<1
2 à 16
Histrionique
1 (4)
2à3
10 à 15
Borderline
1 (4)
2
10 à 50
Antisocial
0
1à3
3 à 30
Obsessionnel Compulsif
11 (44)
1
3 à 10
Evitant
7 (28)
0,5 à 1
10
Dépendant
3 (12)
2,5 à 7,5
4 à 20
0
0,4 à 3
?
4 (16)
?
?
Schizoïde
anxieux
CLUSTER A
TROUBLE DE LA PERSONNALITE
PREVALENCE
CAS
Passif-Agressif
Dépressif
Tableau 6 : Type de trouble de la personnalité chez les cas selon l’axe II du DSM-IV, en
comparaison aux prévalences retrouvées dans la littérature
Au sein du CLUSTER A, le trouble de la personnalité paranoïaque était surreprésenté, vérifiant les
conclusions de l’étude de S. OSTLING [71]. Par ailleurs, nous n’avons diagnostiqué que très peu de
troubles de la personnalité schizoïde et schizotypique, appartenant au spectre de la schizophrénie et
pouvant en constituer des états prémorbides.
Les troubles de la personnalité obsessionnel-compulsif et évitant du CLUSTER C, s’apparentant à un
profil anxieux, étaient quant à eux surreprésentés chez nos sujets.
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BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
C. Analyse longitudinale : retour sur l’histoire de vie
1. Antécédents psychiatriques familiaux
CAS
n (%)
TEMOINS
n (%)
AUCUN ANTECEDENT
13 (52)
18 (72)
ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES
12 (48)
7 (28)
Trouble délirant, schizophrénie
1 (4)
1 (4)
Maladie bipolaire
3 (12)
2 (8)
> 0,05
p
> 0,05
Episode dépressif
9 (36)
3 (12)
X2 (1) = 3,94 p=0,04
rho = +0,28 p=0,004
TOC, trouble anxieux
4 (16)
4 (16)
> 0,05
Tentative de suicide, suicide
2 (8)
1 (4)
> 0,05
Addictions
4 (16)
2 (8)
> 0,05
Troubles indéterminés
1 (4)
1 (4)
> 0,05
Tableau 7 : Comparaison des antécédents psychiatriques familiaux entre cas et témoins.
Concernant l’histoire psychiatrique familiale, la seule différence significative entre les cas et les
témoins concernait la présence d’antécédents d’épisodes dépressifs chez les apparentés de premier
degré. Il n’y avait par contre aucune différence significative concernant les antécédents de
schizophrénie. Les études familiales d’agrégation montrent que le risque de schizophrénie est plus
élevé chez les apparentés du sujet schizophrène adulte, ce qui ne se vérifie pas ici pour le délire tardif.
Toutefois, les informations recueillies dépendaient de la capacité du sujet à retracer son histoire.
2. Antécédents psychiatriques personnels
CAS
n (%)
TEMOINS
n (%)
AUCUN ANTECEDENT
6 (24)
22 (88)
ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES
19 (76)
3 (12)
Episode dépressif
18 (72)
1 (4)
TOC, trouble anxieux
14 (56)
2 (8)
Tentative de suicide
6 (24)
0
X2 (1) = 24.5 p<0,000001
rho = +0,70 p=0,0001
X2 (1) = 13.23 p=0,0002
rho = +0,51 p=0,0001
X2 (1) = 6.81 p=0,009
rho = +0,36 p=0,008
Addictions
3 (12)
0
0,07
p
Tableau 8 : Comparaison des antécédents psychiatriques personnels entre cas et témoins.
Nous avons retrouvé une différence significative concernant la présence d’antécédents psychiatriques,
avec une prépondérance d’épisodes anxio-dépressifs et de tentatives de suicide chez les cas.
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3. Evénements de vie
Dans les tableaux ci-dessous, nous avons répertorié les différents événements de vie auxquels ont été
confrontées nos deux populations, précocement pendant l’enfance, à l’âge adulte et enfin tardivement
durant la vieillesse.
CAS
n (%)
TEMOINS
n (%)
Séparation avec les parents
17 (68)
7 (28)
Maltraitance
7 (28)
1 (4)
X2 (1) = 9.74 p=0,001
rho = +0,44 p=0,001
X2 (1) = 5.35 p=0,02
rho = +0,32 p=0,02
Décès d’un parent
6 (24)
3 (12)
>0,05
Dépression maternelle
3 (12)
1 (4)
> 0,05
Confrontation à la guerre
18 (72)
11 (44)
> 0,05
Divorce ou séparation des parents
5 (20)
2 (8)
> 0,05
Maladie grave
3 (12)
3 (12)
> 0,05
EVENEMENTS DE VIE PRECOCES
p
Tableau 9 : Comparaison des événements de vie précoces entre cas et témoins.
EVENEMENTS DE MILIEU DE VIE
Pertes périnatales
(parmi les femmes)
Difficultés professionnelles
Précarité sociale
CAS
n (%)
TEMOINS
n (%)
p
15 (83)
7 (39)
X2 (1) = 7.53 p=0,006
rho = +0,47 p=0,004
10 (40)
4 (16)
> 0,05
6 (24)
4 (16)
> 0,05
Tableau 10 : Comparaison des événements de milieu de vie entre cas et témoins.
CAS
n (%)
TEMOINS
n (%)
Retraite difficile
13 (52)
0
Conjugopathie, divorce, séparation
11 (44)
1 (4)
Handicap, incapacité
13 (52)
2 (8)
Deuil, décès des proches
16 (64)
3 (12)
X2 (1) = 16.98 p=0,00004
rho = +0,60 p<0.0001
X2 (1) = 10.96 p=0,0009
rho = +0,46 p=0,0006
X2 (1) = 11.52 p=0,0006
rho = +0,48 p=0,0004
X2 (1) = 12.00 p=0,0005
rho = +0,47 p=0,0003
Perte matérielle, entrée en institution
3 (12)
0
0,07
Conflit avec les enfants
4 (16)
1 (4)
> 0,05
Maladie des proches
4 (16)
4 (16)
> 0,05
EVENEMENTS DE VIE TARDIFS
p
Tableau 11 : Comparaison des événements de vie tardifs entre cas et témoins.
49
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Les cas avaient tendance à avoir été confrontés à un nombre plus élevé d’événements de vie par
rapport aux témoins, sans pour autant que les corrélations soient toutes statistiquement significatives.
Les résultats ont par contre mis en évidence une présence significative de la confrontation à des
événements de vie précoces dans l’enfance chez les cas, avec une augmentation des situations de
maltraitance et des séparations répétées.
Les résultats ont ensuite montré une corrélation significative des événements de vie à l’âge adulte et
tardif chez les cas. Ces événements de vie associés à la notion de perte et de deuil, en apparence assez
ordinaires et communs, pourraient finalement comporter un caractère traumatisant en fonction du
vécu subjectif du patient et de ses expériences infantiles et adultes passées.
La conjonction de certains facteurs de stress événementiels et environnementaux pourrait donc être
considérée comme un des facteurs de risque de délire tardif.
D. Formes cliniques et sémiologie
1. Symptomatologie délirante
MECANISME
n (%)
Interprétation/intuition
22 (88)
Hallucination
8 (32)
Imagination
5 (20)
THEMATIQUE
n (%)
Persécution
20 (80)
Mélancolie
6 (24)
Hypochondrie
5 (20)
Mégalomanie
2 (8)
Mysticisme
2 (8)
Erotomanie
1 (4)
Jalousie
1 (4)
Tableau 12 : Typologie du délire chez les cas
50
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Les mécanismes du délire étaient très majoritairement interprétatifs et la thématique la plus
représentée était la persécution, en tête devant les thématiques mélancoliques et les préoccupations
hypocondriaques centrées sur le corps, fréquemment retrouvées en pratique gérontopsychiatrique.
Les résultats obtenus s’accordent donc avec les descriptions cliniques du délire tardif retrouvées dans
la littérature et décrites dans la première partie de ce travail.
2. Corrélation avec les dimensions de l’échelle BFI
Nous détaillerons ci-dessous les associations significatives retrouvées entre la symptomatologie
délirante et certaines dimensions de personnalité.
•
Plus le niveau de Conscience est bas, plus il y a de risque de dissociation (rho=-0.51 ;
p=0,008), et moins il y a de risque de mécanismes interprétatifs/intuitifs (rho=0.52 ; p=0,006).
La Conscience est liée aux fonctions exécutives et l’abaissement de son score entraîne une
diminution de la rigidité des processus mentaux ainsi qu’une certaine désinhibition et une
impulsivité.
•
Plus le niveau d’Ouverture est haut, plus il y a de risque de mécanismes hallucinatoires visuels
(rho=0.43 ; p=0,02), et de tendance aux mécanismes imaginatifs (rho=0.36 ; p=0,06).
L’Ouverture étant liée à la flexibilité cognitive, elle s’apparente à la créativité, l’originalité
intellectuelle, avec une complexité de la vie mentale.
Plus le niveau d’Ouverture est bas, plus il y a de risque de thématiques de persécution
(rho=-0.4 ; p=0,02) et moins il y a de risque de thématiques mégalomaniaques (rho=0,4 ;
p=0,04). Les individus présentant une diminution de l’Ouverture ont tendance à être plus
conventionnels et conservateurs, limités dans leurs réponses émotionnelles et dans leurs
capacités introspectives et de remise en question.
•
Plus le niveau de Névrosisme est bas, moins il y a de risque de thématiques de ruine
(rho=0,38 ; p=0,05).
Ces résultats apparaissent relativement cohérents avec la clinique. Ils permettent de souligner que la
typologie du délire est modulée selon le profil personnalité, en rappelant que la singularité du sujet
entre en jeu lors de l’expression délirante aigüe.
51
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
3. Désafférentation sensorielle et sociale
Surdité, hypoacousie
CAS
n (%)
9 (36)
TEMOINS
n (%)
0
0,01
Sentiment d’isolement
12 (48)
1 (4)
0,003
DESAFFERENTATIONS
p
Tableau 13 : Comparaison de la désafférentation sensorielle et sociale entre cas et témoins.
Les déprivations sensorielles et sociales pourraient être considérées comme des possibles facteurs de
risque de délire tardif.
En effet, nous avons retrouvé une différence significative concernant la présence de troubles auditifs
chez les patients délirants par rapport au groupe-témoin (X2(2)=8.10 ; p=0,01). La corrélation de
Spearman étant également significative (rho=0.40 ; p=0,003), on peut envisager que le risque de
présenter un délire tardif puisse être majoré chez des patients isolés sur le plan sensoriel et alors plus à
même d’interpréter différemment leur environnement.
A la question « vous sentez-vous actuellement isolé ? », les résultats étaient significativement différents
entre les patients et les témoins (X2(1)=9.92 ; p=0,001). Selon la corrélation de Spearman, on peut
considérer que plus le sentiment subjectif d’isolement est élevé, plus il y aurait un risque de développer
un délire tardif (rho=0,44 ; p=0,001). Pour autant, il faut rester vigilant à ce que l’isolement soit bien
la cause et non pas la conséquence du délire. Ces résultats diffèrent de nos résultats concernant la
réalité objective de l’isolement, qui ne retrouvaient aucune différence significative entre les cas et les
témoins, selon leur lieu de vie et leur mode de vie. L’intérêt est de mettre ici en évidence le rôle
primordial de la dimension subjective chez ces sujets.
4. Dimension dépressive
Chez les cas, la moyenne des résultats obtenus à l’échelle de dépression gériatrique (GDS) était de
5,8/15 (+/- 3,2), alors qu’il existe un risque de dépression pour des valeurs supérieures à 5.
La moyenne des résultats à l’échelle de dépression MADRS était de 14,3 (+/- 8,83), pour un seuil de
dépression à 15. Concernant l’évaluation de l’anxiété pour l’échelle HAMILTON, la moyenne était
de 12,2 (+/- 7,49), correspondant à une anxiété légère sous le seuil de 17. L’exploitation de ces
derniers résultats est plus complexe du fait de l’absence de réponse chez deux des cas. En outre, ces
données n’ont pu être comparées à celles de la population-témoin. Quoi qu’il en soit, la possibilité de
l’association d’une symptomatologie dépressive à la propension à délirer de l’âgé est à prendre en
compte. Nous développerons cette hypothèse plus loin.
52
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
IV. LIMITES METHODOLOGIQUES ET PERSPECTIVES
A. Biais de l’étude et difficultés rencontrées
Cette étude comportait certaines limites et biais méthodologiques que nous nous efforcerons de
détailler dans ce chapitre.
•
Parmi les patients considérés comme remplissant les critères d’inclusion, nous avons eu à faire
à des situations de non-répondants. Trois femmes ont refusé dans l’après-coup de se prêter à
l’entretien, visiblement méfiantes et réticentes à cette rencontre.
•
La taille réduite de l’échantillon entraîne probablement un manque de puissance de l’étude.
En effet, le recrutement était dépendant du bon-vouloir et de la sensibilisation des
professionnels à ce type de recherche, ceux-ci étant par ailleurs souvent contraints à un
manque de temps pour y répondre.
•
Nous avons rencontré des patients à des stades différents de la maladie. Cette configuration a
pu avoir une influence sur la qualité de leurs réponses et entraîner une réduction de la
standardisation du processus d’évaluation. Selon JP. CLEMENT, le trouble de la personnalité
ne peut être diagnostiqué avec affirmation qu’en dehors d’un épisode pathologique [98].
Toutefois, même si les patients n’étaient pas totalement stabilisés cliniquement, nous les avons
reçus en dehors d’une période de crise et de décompensation aigüe, la symptomatologie
délirante étant suffisamment circonscrite pour permettre une évaluation suffisamment précise
de leur fonctionnement global.
•
Le recueil longitudinal de données anamnestiques rétrospectives s’est avéré complexe du fait
de l’âge. Au cours de ce questionnaire, plusieurs personnes âgées ont évoqué leurs difficultés à
se remémorer certains événements de vie anciens et à se représenter leur fonctionnement
global sur l’ensemble de leur existence. Il est souvent admis que l’histoire longitudinale de la
personnalité finit par être basée sur l’histoire de vie des cinq voire dix dernières années, avec
plus de fuites mnésiques concernant les précédentes décades.
•
Les outils psychométriques se sont parfois révélés insuffisamment adaptés aux réalités du sujet
âgé et à la prise en compte des changements liés à l’âge. A la question « Etes-vous inquiet
d’être abandonné à vous-même ? », beaucoup de sujets répondaient que oui, tout en
considérant qu’ils auraient démenti s’ils avaient été plus jeunes. Le besoin de considération et
d’aide augmente avec la vieillesse et la perte d’autonomie, mais n’est pas forcément lié à des
traits de personnalité particuliers. Ensuite, la durée de passation de l’échelle SCID-II était
relativement longue pour des sujets rapidement fatigables.
53
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
•
Le MMSE à visée discriminante n’a pas été effectué chez les témoins car ils étaient interrogés
par auto-questionnaire anonyme. Même si nous avons fait en sorte d’exclure les patients
présentant visiblement des troubles cognitifs, nous n’avons donc pas pu les tester sur ce plan.
Chez les cas, le résultat moyen au MMSE était de 27,16/30 (ET=1,80). Ce résultat ainsi que
l’absence de perte d’autonomie associée, permettent actuellement d’écarter une étiologie
neurodégénérative sous-jacente, sans pour autant exclure une telle potentialité évolutive
ultérieure.
•
Nous ne pouvons pas écarter totalement le risque d’avoir inclus des patients finalement
atteints d’un trouble bipolaire ancien jusqu’alors non diagnostiqué et ayant présenté un
épisode délirant tardif révélateur de la maladie.
•
Nous avons recueilli des données subjectives et l’évalué était alors considéré comme à même
de porter un regard sur lui-même. Dans ces cas-là, il nous faut partir du postulat que la
perception spontanée de soi fournit des données scientifiquement acceptables, alors qu’elle est
également dépendante des capacités d’insight et d’introspection, ainsi que de la réserve
cognitive. Malgré tout, définir ce qui est de la réalité et ce qui appartient au vécu du sujet n’est
pas une mince affaire dans un tel contexte. Le risque pourrait être celui d’une amplification
pessimiste rétrospective chez des patients potentiellement déprimés. En outre, un biais de
désirabilité sociale pourrait survenir, consistant pour le patient à se présenter sous son meilleur
jour. Car même sans enjeu précisément défini, les items peuvent comporter une composante
évaluative. Par exemple, malgré l’assurance de l’anonymat, toutes les personnes interrogées à
l’échelle de personnalité BFI ont systématiquement et catégoriquement désapprouvé l’item :
« Cherchez vous des histoires aux autres ? ».
B. Vers une approche plus spécifique de l’âgé
Les limites méthodologiques relevées ci-dessus nous conduisent à une réflexion plus générale
concernant les difficultés diagnostiques de la personnalité dans cette population âgée. Une grande
partie des auteurs l’ayant étudiée s’est accordée à en souligner la complexité. ME. AGRONIN et G.
MALETTA ont répertorié plusieurs éléments pouvant expliquer les erreurs et les distorsions
diagnostiques les plus fréquentes [64]. Ces éléments permettent d’envisager quelques perspectives
pour un abord plus spécifique chez le sujet âgé.
54
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Le système catégoriel proposé par le DSM est un outil fondamental pour la recherche, permettant
d’apparier des populations dans les études scientifiques et d’aborder les malades avec le même langage
international compréhensible par tous. Il est indispensable pour toute étude scientifique ou
épidémiologique, par sa portée universelle permettant d’améliorer la fidélité inter-juges. Toutefois,
l’utilisation préférentielle de modèles catégoriels comme instruments diagnostiques peut comporter
certaines limites. A. SKODOL et SPJ. VAN ALPHEN ont rapporté une cooccurrence excessive
parmi les troubles, l’absence d’informations sur la sévérité de la pathologie et le risque de sous et de
sur-diagnostics, avec des seuils diagnostiques jugés parfois arbitraires [99] [100]. L’approche
catégorielle, critériologique et décontextualisée, mériterait désormais être couplée à des approches
dimensionnelles, afin de pouvoir poser un regard exhaustif sur la personnalité. Selon cet angle, les
dimensions exprimées rendraient alors compte de la diversité des tableaux existants, soulignant la
notion d’un continuum entre normal et pathologique. Un nombre croissant d’auteurs, dont JD.
GUELFI, considère que privilégier cette approche permettrait une meilleure conceptualisation dans le
domaine de la psychopathologie et serait plus utile sur le plan clinique [101].
Les instruments psychométriques et les entretiens structurés s’avèrent parfois insuffisamment adaptés
aux réalités cliniques du sujet âgé. En effet, les auteurs rencontrent souvent des patients qui ne
remplissent pas les critères cliniques suffisants en faveur d’un diagnostic, pourtant posé par
l’évaluation clinique ou inversement. Pour SPJ. VAN ALPHEN, les sujets âgés présentent des
difficultés à répondre à des questions qui ne tiennent pas compte des changements psychosociaux,
cognitifs ou physiques inhérents à la vieillesse [99]. De plus, l’entretien peut représenter un dilemme
entre une mémorisation récente ne représentant pas une histoire de vie longitudinale et un historique
spéculatif basé sur des faits trop anciens. Obtenir des éléments biographiques et anamnestiques précis
chez le sujet âgé peut s’avérer laborieux, surtout lorsqu’il est rencontré seul, sans appui sur un
informateur-clé tel un aidant familial. Cette configuration limite l’accès à des informations suffisantes
et fiables à propos de son passé.
L’absence de prise en compte des modifications comportementales et existentielles liées à l’âge peut
altérer profondément l’analyse sémiologique. Par exemple, considérer l’isolement et la diminution des
interactions sociales, ainsi que la perte d’autonomie et la dépendance due à l’âge comme un trait
pathologique, pourrait mener à des diagnostics abusifs de trouble de la personnalité schizoïde ou
évitant [64] [96] [99]. A l’inverse, selon JP. CLEMENT et AL. MAGOTEAUX, des habitudes
excentriques adaptatives chez l’âgé pourraient être considérées à tort comme des traits schizotypiques
[98] [102]. E. ROSOWSKY et J. STEVENSON ont également remarqué que certains aspects
cliniques caractéristiques de la personnalité borderline chez des patients plus jeunes ne sont plus les
mêmes à un âge plus avancé. En effet, les troubles affectifs, relationnels, identitaires perdurent, mais
c’est leur expression comportementale habituelle qui se modifie au cours du temps. Plutôt que d’être
55
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
confrontés à une impulsivité, des automutilations, des prise de risques ou abus de substances, on aura
notamment à faire à des présentations moins démonstratives, plus axées sur la recherche d’étayage et
de réassurance, dans des attitudes parfois plus régressives et moins marquées par les passages à l’acte
[103] [104].
Concernant l’étude de la personnalité, ME. AGRONIN milite alors en faveur d’une sousclassification gériatrique des troubles de la personnalité pathologique. Il serait également nécessaire de
promouvoir des échelles psychométriques mieux adaptées aux contraintes de cette population âgée
[105] [39] [32] [48]. SPJ. VAN ALPHEN envisage à ce propos d’ajouter aux résultats des coefficients
de pondération différents selon les phases de vie. En attendant, C. HAZIF-THOMAS considère que
« lire entre les lignes » des items des tests psychométriques permettrait d’adapter la tournure des
questions posées en fonction de son propre ressenti clinique [28]. Cette méthode comporterait pour
autant un caractère très subjectif dépendant de l’observateur, à l’encontre de l’objectivité visée par ces
méthodes psychométriques et risquant d’altérer le processus de standardisation.
V. DISCUSSION GENERALE
L’objectif principal de cette étude cas-témoin a été de rechercher un lien entre le délire et la variable
personnalité. Les objectifs secondaires ont ensuite consisté à déterminer si la confrontation à la variable
événements de vie pouvait influencer la survenue inaugurale d’un délire chez l’âgé. Nous discuterons cidessous le détail de nos résultats.
A. Un terrain prédisposant
Selon les résultats obtenus durant cette étude, la décompensation délirante tardive pourrait être
considérée comme influençable par la personnalité. Ces personnes âgées développant un délire
inaugural présentent en effet un profil de personnalité particulier.
56
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
1. Traits de personnalité
Le haut niveau de Névrosisme, en tant que détresse émotionnelle et propension à l’inquiétude,
pourrait être identifié comme un marqueur de vulnérabilité et un des facteurs de risque de délire chez
le sujet âgé.
Il existe assez peu de travaux antérieurs s’intéressant aux corrélations entre personnalité et délire du
sujet âgé. Quelques études avaient déjà montré des hauts niveaux de Névrosisme chez des patients
jeunes développant des symptômes psychotiques [86] [106] [88] [87]. Dans l’étude de L.
KRABBENDAM, le Névrosisme était le plus fort facteur indépendant prédictif et cette dimension
était associée à certaines distorsions cognitives, telles que la croyance de non contrôlabilité de certains
événements, rendant vulnérable à percevoir certaines expériences comme stressantes.
Chez les patients âgés, la seule étude descriptive existante à ce jour est celle d’A. HASSET conduite à
Melbourne entre 1994 et 1997 [83]. Ses résultats montraient un haut niveau d’Agréabilité et de
Conscience chez les sujets délirants par rapport à la moyenne adulte, ainsi qu’un faible niveau de
Névrosisme, d’Extraversion et d’Ouverture. Il s’agit cependant d’une approche descriptive à
considérer prudemment, effectuée chez des patients présentant des troubles cognitifs et avec l’absence
de comparaison à une population témoin. Ces résultats se rapprochaient de ceux d’études ayant
étudié les changements graduels de la personnalité avec l’avancée en âge chez des sujets sans trouble
psychiatrique [107] [108] [109]. Toutefois, ils s’éloignaient des résultats de notre étude, notamment
pour la dimension Névrosisme.
2. Troubles de la personnalité
Concernant le CLUSTER A, le trouble de la personnalité paranoïaque était surreprésenté chez nos
sujets malades. Nous n’avons par contre diagnostiqué que très peu de troubles de la personnalité
schizoïde et schizotypique, appartenant pourtant au spectre de la schizophrénie et pouvant en
constituer des états prémorbides.
Les personnalités du CLUSTER C apparentées aux personnalités anxieuses dans le DSM-IV-TR,
étaient globalement surreprésentées dans notre population. L’étude qui nous intéresse ici est celle d’O.
PLAISANT qui retrouvait pour le CLUSTER C un profil reproductible de corrélation positive avec
la dimension Névrosisme [94].
57
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
On peut donc considérer que les sujets développant un délire tardif présentent un terrain vulnérable
prédisposant, favorisant la décompensation tardive mais n’étant pour autant pas un facteur explicatif
suffisant à lui-seul. Le mécanisme interne qui explique le déterminisme du trouble est à prendre en
compte en termes de probabilité, parallèlement à l’étude des facteurs de risque externes. C. BALIER
rappelait à ce titre que la considération du terrain dans la production du symptôme ne doit pas faire
négliger l’impact du milieu environnant, « on ne peut considérer que les réactions pathologiques du vieillissement
sont le fait de personnalités inadaptées à un milieu, sans remettre ce dernier en cause » [110].
B. Le rôle des facteurs environnementaux
« Ce qui garantit l’homme sain contre le délire ou l’hallucination, ce n’est pas sa critique mais la structure de son
espace »
M. Merleau-Ponty [111]
Les résultats de notre étude démontrent à l’évidence l’importance des facteurs environnementaux
dans le déterminisme du délire tardif. Ils sont donc en faveur de l’impact de certains événements de
vie tout au long de l’existence, que nous détaillerons et discuterons ci-dessous.
1. Expériences négatives précoces et théorie de l’attachement
Les résultats de notre étude ont permis de montrer une augmentation significative d’événements de
vie dans l’enfance des cas par rapport aux témoins. Nous avons retrouvé une surreprésentation de
carences affectives et de maltraitances, ainsi que de séparations récurrentes et désordonnées.
Concernant les événements de vie précoces, il est désormais admis que certains d’entre eux peuvent
jouer un rôle défavorable dans le processus développemental ultérieur et impacter durablement le
fonctionnement du sujet. Selon PA. GARETY, l’absence initiale d’accès à un sentiment de sécurité
pérenne peut contribuer à un vécu de méfiance vis à un vis d’un environnement alors perçu comme
plus menaçant, caractérisé alors par des schémas cognitifs négatifs de soi et du monde qui facilitent la
mauvaise estime de soi, les attributions externes et les décompensations pathologiques [112]. Ces
expériences infantiles peuvent donc avoir eu un impact vulnérabilisant chez nos sujets délirants.
58
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
La théorie de l’attachement a été abordée jusqu’alors via plusieurs perspectives et points de vue théoriques.
Cette conception découle de disciplines éthologiques, tout en incluant une part de la pensée
psychanalytique et en établissant des liens avec la psychologie cognitive. Nous reprendrons le modèle
développé spécifiquement par J. BOWLBY sur les comportements d’attachement en tant que
« propension des êtres humains à établir des liens affectifs tout au long de la vie » [113].
Dès la naissance, le bébé, alors dépendant et immature, s’attachera préférentiellement à l’adulte qui
répondra de manière adéquate à ses besoins en lui procurant un sentiment de sécurité interne. Son
développement s’appuiera sur une réponse parentale adaptée, faite d’une présence disponible et d’une
constance des réactions à son égard. Cette relation primaire d’attachement viendra teinter les
modalités relationnelles ultérieures et l’accès aux formes d’attachement suivantes. La possibilité de
remplacer un lien par un autre tout au long de la vie sera constituée par la substitution répétée des
formes d’attachement primaire. Lorsqu’un individu sera « attaché » de manière adaptée, il éprouvera
un sentiment de sécurité et de bien-être en présence de l’autre personne, qui lui servira de base de
sécurité interne à partir de laquelle il pourra explorer le monde extérieur. La variable sera finalement
la qualité de cet attachement, avec le risque de développer durablement une relation d’attachement
insécure ou désorganisée, dans un contexte d’interactions précoces inadaptées.
M. SPERLING et W. BERMAN ont défini l’attachement adulte comme « la tendance stable d’un individu
à faire des efforts substantiels pour rechercher et maintenir la proximité et le contact avec un ou quelques individus
particuliers qui apportent la possibilité subjective d’une sécurité physique ou psychologique » [114]. Cette tendance est
régulée par les modèles internes d’attachement que nous avons décrits ci-dessus, construits à partir de
l’expérience précoce de l’individu dans son monde interpersonnel. L’attachement n’est donc pas
seulement une théorie des liens premiers, mais plus généralement, des relations dyadiques et de leurs
implications dans des domaines variés. Autrement dit, l’attachement n’est pas un besoin qui se limite à
la petite enfance : il perdurera tout au long de l’existence, à l’âge adulte, puis lors de la vieillesse.
Selon J. BOWLBY, bien que les comportements d’attachement soient moins manifestes chez les
individus plus âgés, l’impératif d’attachement et son style ne varient pas au cours de la vie. La
tendance à contrôler l’accessibilité́ des figures d’attachement et à les rechercher en cas de détresse
persistera donc jusqu’à la fin. Pour autant, on est en droit de se demander ce qu’il en sera quand ces
figures d’attachement et substitutions d’objets viendront inévitablement à se raréfier, ne garantissant
plus ni leur permanence ni celle du sujet sur « l’horizon temporel réaliste » [115]. Comment investir
ce qui a une fin et va cesser, ayant pourtant fait un temps le sens relatif de la vie, mais confrontant
dorénavant davantage à la question de sa propre finitude ?
59
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
2. Evénements de vie tardifs et modèle du traumatisme
Nos résultats ont mis en évidence une corrélation significative chez les cas concernant la confrontation
à des événements de vie tardifs. La décompensation délirante dans les suites d’un événement de vie
tardif, induit la notion d’un lien de causalité que l’on aurait tendance à entrevoir dans une perspective
réactionnelle, voire traumatique, donnant à l’événement son pouvoir pathogène « révélateur tardif ».
L’événement vital, théorisé par D. WIDLÖCHER, ne serait pas seulement une réalité extérieure mais
une réalité datée, survenant dans un temps déterminé et comportant un avant et un après [116]. Cette
épreuve affectant douloureusement l’individu l’obligerait à une adaptation difficile, voire parfois
impossible, pouvant alors mener à des décompensations pathologiques tardives.
M. GROSCLAUDE s’appuie sur le modèle traumatique pour éclairer sa réflexion sur le rapport entre la
personnalité et le délire, mettant en avant la notion de prédisposition chez ces sujets. Comme nous
avons pu le souligner auparavant, ce n’est bien souvent pas cet événement seul qui entre en jeu, mais
aussi le terrain sur lequel il apparaît. Il est admis que le vécu du traumatisme est purement subjectif et
que deux personnes peuvent réagir totalement différemment à un événement globalement similaire,
indépendamment de la réalité et de la gravité des faits. Cet événement prendra toute sa signification
traumatique de sa connotation subjective et son impact sera modulé par les capacités d’adaptation du
sujet au stress et à l’épreuve, en fonction de ses propres représentations psychiques et schémas internes
[1].
En outre, les théories psychanalytiques stipulent que toute situation peut potentiellement engendrer
un traumatisme, mais que celui-ci est souvent lié à la conjonction de deux événements, l’actuel venant
réactiver le précédent. Les événements de vie tardifs, souvent rattachés à la notion de perte, comme
nous avons pu le souligner dans cette étude, entreront alors en résonance avec les événements passés,
via la réactivation de blessures non élaborées auparavant, amenant inévitablement le sujet à affronter
la question du deuil. Selon D. WIDLÖCHER, il faudra alors bien différencier l’expérience vécue de
la réalité subjective et des opérations mentales qui la construisent.
C. Dépressivité sous-jacente
Au cours de cette étude, la présence d’une dimension dépressive en toile de fond du délire tardif s’est
rapidement précisée, venant alors re-questionner les aspects psychopathologiques. Tout d’abord, nous
retrouvions une augmentation significative d’antécédents personnels et familiaux d’épisodes dépressifs
60
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
chez les patients délirants, ainsi qu’une fréquente symptomatologie dépressive objectivée par les tests
psychométriques et l’évaluation clinique. Nos résultats montraient également une surreprésentation
des troubles de la personnalité du CLUSTER C à tendance anxieuse, ainsi qu’un haut niveau de
Névrosisme, alors qu’il est maintenant admis que cette dimension Névrosisme est associée à une
tendance anxio-dépressive. Une étude d’O. PLAISANT retrouvait un plus haut niveau de
Névrosisme, bien que statistiquement non significatif, chez les sujets aux troubles anxio-dépressifs ou
addictifs, en comparaison à un groupe-témoin constitué par du personnel hospitalier [94]. Ces
différents points permettent d’évoquer l’hypothèse d’une prédisposition héréditaire, via un probable
déterminisme génétique, ainsi que d’une vulnérabilité acquise sur le plan affectif.
L’approche théorique de la dépression apparaît bien souvent multiforme et hétérogène, faisant écho
aux nombreuses écoles ayant tenté de l’appréhender. La dépression est actuellement incluse dans
divers cadres nosographiques et est notamment répertoriée sous le terme d’Episode Dépressif Majeur
au sein des classifications catégorielles. Quant aux nosographies européennes, elles organisaient
jusqu’alors la dépression selon un modèle binaire. D’un côté, la dépression endogène, considérée comme
produite par un état interne en relation avec des facteurs biologiques. De l’autre, la dépression exogène,
envisagée comme réactionnelle à des facteurs environnementaux. H. EY estimait que dans les
dépressions endogènes on traite le processus dépressif et que dans les dépressions exogènes, c’est la
personne du déprimé que l’on tendrait à soigner [17].
La propension délirante du sujet âgé pourrait donc s’inscrire dans le prolongement d’un continuum
dépressif ou dysthymique ancien avec une potentialité héréditaire d’aspect endogène, ou être associée
à un épisode dépressif plus aigu d’allure réactionnelle et exogène.
En pratique gérontopsychiatrique, une prise en charge médicamenteuse avec un traitement
antidépresseur de type Inhibiteur de la Recapture de la Sérotonine (IRS) a montré de réels effets
bénéfiques sur la symptomatologie délirante initiale. Dans certains cas, l’adjonction d’un traitement
neuroleptique à faible dose peut s’avérer également efficace. Malgré tout, un écueil à ne pas négliger
est le rapport de cause à effet. Serions-nous face à la cause ou la conséquence du délire ? Il est bien
connu que le délire une fois amendé, peut laisser place à une dépression post-psychotique, tel un état
dépressif consécutif à l’épisode délirant pouvant être également exacerbé par l’action dépressogène
des traitements neuroleptiques antiproductifs.
Le modèle de la dépression réactionnelle mérite d’être développé ici. Il est communément admis que tout
événement de vie majeur, et d’autant plus la succession de plusieurs d’entre eux, peut entraîner un
bouleversement à l’origine de mouvements psychiques dynamiques plus ou moins dépressogènes.
« L’étude des circonstances d’une dépression réactionnelle montre constamment que le traumatisme psychologique n’est pas
unique, mais que la cause déclenchante apparente à laquelle il semble que l’on puisse attribuer l’état dépressif, est assortie
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de conditions de vie et d’un mode d’existence, au moment où cet événement survient, qui jouent généralement aussi un rôle
essentiel. L’appréciation de l’intensité de l’événement est toute relative et dépend essentiellement de la façon dont il a été
vécu par le malade » [17]. En la décrivant ainsi, H. EY mettait donc l’accent sur l’importance de la
réaction subjective de l’individu et du contexte, comme condition nécessaire à la réaction dépressive.
Selon J. BOWLBY, la tonalité particulière que prend l’état dépressif serait fonction de la tonalité
également particulière des expériences infantiles, reliée à la nature des circonstances de l’événement
défavorable entrant en jeu au moment précis. Les neurosciences ont aussi postulé que la dépression
pouvait être une modalité de fonctionnement du système cognitif, avec la mise en place de schémas à
visée adaptative dans l’enfance, du fait de la confrontation à des événements de vie négatifs. Ces
schémas se réactiveraient ensuite lors de l’exposition à des situations analogues avec l’avancée en âge.
Cependant, ce modèle dichotomique biologique /psychologique apparaît progressivement délaissé en
pratique, considéré comme ramenant l’individu à une position passive et de soumission indépendante
et aléatoire, soit à son fonctionnement biologique, soit à son environnement. L’avènement des
modèles épigénétiques permettra progressivement d’approfondir la question sous une nouvelle
dimension, en tentant de déterminer l’intrication bien plus forte, voire l’interdépendance, entre gène
et environnement.
D. Questions et réponses ouvertes sur la personnalité
Afin d’obtenir une vision globale de la personnalité de notre population, nous nous sommes
également appuyés sur des aspects plus qualitatifs et subjectifs. Durant les entretiens, les questions
posées de manière ouverte demandaient aux sujets de décrire spontanément leurs traits de
personnalité principaux, leur caractère et leur tempérament.
La majorité des patients a employé les qualificatifs suivants : « calme, réservé, introverti, timide, solitaire,
sédentaire, renfermé, ayant peu de sens du lien social ». Quelques-uns se considéraient comme « excessivement
prudents », parfois jusqu’à être « méfiants » et en arrivant même à « s’auto-exclure des situations sociales ».
Cette présentation pourrait s’apparenter à des traits de personnalité en faveur d’un faible niveau
d’Extraversion ou bien encore d’un trouble de la personnalité de type évitant.
Deux femmes se sont attribuées les qualificatifs suivants « simplette, naïve ». Une autre s’est exprimée à
ce propos : « De la personnalité ? C’est bien cela qui me manque… ». Beaucoup de sujets se présentaient
comme « sensibles, fragiles, émotifs, inquiets », manquant de confiance en eux. Plusieurs ont consenti « un
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mauvais caractère, une personnalité nerveuse, en proie au pessimisme ou au stress », en faveur d’un haut niveau de
Névrosisme.
La description de traits de personnalité obsessionnels revenait fréquemment, face à « un tempérament
rigoureux et ordonné, des traits scrupuleux », une forte exigence morale, ainsi que l’aspiration à « une vie bien
réglée », afin d’éviter tout imprévu ou toute confrontation à un changement brutal.
Et enfin, une minorité des sujets a tout de même rapporté « un caractère serein, posé », avec des
dispositions altruistes et oblatives.
Ces auto-descriptions subjectives et spontanées des personnalités des patients s’apparentaient de près
aux résultats retrouvés via les échelles psychométriques.
VI. CONCLUSION DE L’ETUDE
A partir d’une étude cas-témoins effectuée chez des patients de plus de 60 ans, nous avons tenté de
mettre en évidence les différents facteurs de risque pouvant précipiter la décompensation délirante
tardive du sujet âgé.
Nos résultats au test MMSE ont d’abord objectivé que le délire tardif ne pouvait être expliqué ici par
une étiologie neurodégénérative.
Puis, la notion d’un terrain prédisposant a pu être établie comme l’un des facteurs de risque potentiel
de développer tardivement un délire. Les résultats ont permis de mettre en évidence des traits de
personnalité particuliers chez les patients délirants, tels que l’augmentation significative de la
dimension Névrosisme et la surreprésentation de certains troubles de la personnalité pathologiques.
La personnalité détermine les réactions subjectives du sujet en s’appuyant sur ses expériences
antérieurement vécues. Elle viendrait alors colorer la réaction délirante, entrant en jeu dans un moment
de convergence entre différents facteurs de stress.
L’hypothèse d’une prédisposition héréditaire et d’une vulnérabilité acquise sur le plan affectif a
également été postulée chez les cas, face à la fréquence d’antécédents anxio-dépressifs, tant personnels
que familiaux, ainsi que devant l’objectivation une symptomatologie dépressive.
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Ces considérations sur la dépressivité associée nous amènent naturellement à formuler des hypothèses
thérapeutiques concernant l’intérêt de l’adjonction d’un traitement antidépresseur. Clairement
adoptée en pratique courante, cette méthode mériterait d’être vérifiée scientifiquement. En 2004, un
consensus d’experts s’intéressant à l’usage des psychotropes en pratique gériatrique, recommandait de
traiter le trouble délirant par un antipsychotique seul, et la dépression avec signes psychotiques grâce
à un neuroleptique et un antidépresseur [117]. Les quelques études thérapeutiques sur le sujet ne
furent ensuite que des recherches à court-terme conduites chez des patients bien plus jeunes d’environ
40 ans, diagnostiqués Late-Onset Schizophrenia [118].
Nous avons également étudié l’impact de l’environnement chez l’âgé. Premièrement, la confrontation
à des événements de vie dans l’enfance pourrait être considérée comme un facteur vulnérabilisant. Il
est admis qu’éprouver précocement des carences affectives et des situations de maltraitance, ainsi que
des séparations imprévisibles, peut contribuer à des comportements d’attachement insécures et
désorganisés perdurant pendant l’existence. Ensuite, les événements de vie tardifs d’allure
traumatique pourraient être envisagés comme des facteurs de stress révélateurs chez ces personnalités
prédisposées. L’expérience de la perte peut venir réactualiser des deuils antérieurs non élaborés et
précipiter la décompensation pathologique. Considérons toutefois que cette conjonction
multifactorielle entre en jeu de manière variable et selon l’interférence de ces différents facteurs de
risque.
Enfin, M. GROSCLAUDE vient à porter un regard plus global sur cette situation spécifique,
l’envisageant dans le cadre du fonctionnement général et universel humain. Ce contexte déclenchant
pourrait en effet être acutisé par la réalité existentielle propre à toute personne âgée, lors d’un vécu de
perte, réel ou symbolique, et lors de la confrontation à la menace de mort [1]. Ce sont ces questions
que nous développerons dans la troisième partie de ce travail, afin de mettre en perspective la
symptomatologie délirante de l’âgée en la resituant dans l’épreuve existentielle de la vieillesse.
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TROISIEME PARTIE :
Le délire tardif du sujet âgé, considérations
psychopathologiques et psychodynamiques
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I. LA VIEILLESSE : UN NAUFRAGE ?
Dans cette troisième partie, nous chercherons à aborder la symptomatologie délirante inaugurale du
sujet âgé dans une perspective centrée sur les difficultés constituées par l’épreuve de la vieillesse. Nous
tenterons de proposer une élaboration explicative opérante mais non suffisante, en prenant appui sur
des approches théoriques existentielles, phénoménologiques et psychodynamiques. Elles sont
existentielles dans la mesure où elles partent d’une expérience individuelle considérée comme unique
et restituent le symptôme dans le continuum de l’histoire personnelle. Elles sont phénoménologiques
car elles dégagent de cette expérience vécue particulière, un mode général de rapport d’être au
monde, en rétablissant une logique du sens dans la compréhension du symptôme.
Plusieurs modèles théoriques coexistent et il apparaît nécessaire de préciser que ceux que nous
développerons dans ce chapitre ne constituent pas à eux seuls une grille de lecture du délire du sujet
âgé. La gérontopsychiatrie ne pourrait en effet se passer d’une approche intégrative et G. LE GOUES
disait à ce propos : « S’il y a un deuil à faire pour le gérontopsychiatre, c’est celui du monisme de la pensée. Autant
admettre que chaque modèle conceptuel ne porte en lui que la vertu d’une lecture parmi d’autres » [119].
A. Définition de la vieillesse
La spécificité des troubles psychiques observables au cours de la vieillesse demande en premier lieu de
définir cette dernière, en tant que période distincte de la vie de l’être humain. Différant selon les pays
et les civilisations, cette notion a largement été remaniée au fil du temps, variant selon les approches
médicales, culturelles, sociologiques ou politiques.
Selon le dictionnaire LAROUSSE, la vieillesse constitue la « dernière période de la vie normale, succédant à
l’enfance et à l’âge adulte » [15]. Cette définition jusque là assez consensuelle et élémentaire, s’adressant
au sens commun, ne répond pourtant pas à la question suivante : quand passe-t-on de l’âge adulte à la
vieillesse ? Plus clairement : quand devient-on vieux ? Malgré l’imprécision concernant ce début
potentiel, une évidence émerge, la limite supérieure ou date de fin se rapporte inéluctablement à celle
du décès.
Sur le plan sociétal, l’âge socio-administratif est sectionné en différentes classes d'âge : la catégorie des
retraités de plus de 60 ans, la catégorie du troisième-âge entre 75 et 84 ans, la catégorie du quatrième-
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âge au-delà de 85 ans. Selon ces critères, le début de la vieillesse apparaît donc lié à l’âge de mise à la
retraite, lors de la cessation d’activité professionnelle. Jusqu’en 2010, cela revenait alors à entrer dans
la vieillesse autour de 55 à 60 ans. Puis l’âge légal de départ à la retraite a été porté à 62 ans après la
réforme politique des retraites et cette limite devrait aller en s’accroissant dans les années à venir, en
fonction des avancées politiques et selon l’augmentation de l’espérance de vie.
L’âge moyen d’entrée en EHPAD en 2013 était quant à lui d’environ 85,1 ans selon l’observatoire
national des EHPAD du KPMG1. Rappelons que les conditions d’admission dans ces institutions
nécessitent un âge minimum de 60 ans, mais que ce critère n’est ici pas suffisant et doit être associé à
une perte d’autonomie entraînant une dépendance humaine, matérielle ou psychologique.
Selon une définition médicale maintenant, l’Organisation Mondiale de la Santé retient le critère d’âge
de 65 ans et plus pour considérer une personne comme âgée. Sur le plan organique, la vieillesse est
marquée par un processus irréversible de vieillissement. Celui-ci est par contre bien plus insidieux et
débutera très tôt au cours de l’existence avant d’évoluer au long cours. Ce continuum entrainera des
modifications corporelles et biologiques très précoces, et exposera progressivement à l’accroissement
d’une vulnérabilité et du risque d’affections avec le temps. La vieillesse est donc marquée par ce
processus évolutif de vieillissement, que l’on est à même de définir physiologiquement, à l’inverse de
cette dernière qui reste difficilement caractérisable en tant que telle.
Une perspective s’esquisse à travers l’énoncé des définitions précédentes, celle de la multiplicité des
pertes pour accéder à ce statut d’âgé. La définition de la vieillesse de J. MESSY serait à reconsidérer
ici, car pour lui peut importe l’âge de début puisque l’entrée dans la vieillesse se ferait « à l’occasion
d’une rupture brutale de l’équilibre entre pertes et acquisitions ». Celle-ci serait précipitée du fait d’une rencontre
avec le vieillissement forcément traumatique, assimilable à un deuil impossible. L’intérêt de cette
approche dynamique est donc d’envisager la vieillesse non pas comme un état atteint une bonne fois
pour toutes, mais de la resituer dans une temporalité, comme une étape faite de crises et de stabilités
évoluant jusqu’à la mort. En effet, retenir une définition précise de la vieillesse selon un âge de début
apparaît impossible tant ses limites sont impossibles à établir, celle-ci ne pouvant se résumer en une
somme d’années définie, lui octroyant un aspect trop normatif, réducteur et stigmatisant. J.
BOUISSON insistait à ce propos sur « l’infinie diversité des vieillesses, en une époque où l’on a tendance à
confondre tout un chacun dans le nébuleux amalgame du troisième âge » [120].
Pour conclure, d’un point de vue plus anecdotique, J. MESSY s’était penché sur ces définitions dans
son livre au titre provocateur, La personne âgée n’existe pas, où il désavouait la terminologie « personne
âgée », considérant qu’il n’est pas nécessaire de rappeler que l’âgé est bien une personne… L’auteur
rapportait alors que « nous sommes finalement toujours le vieux de quelqu’un d’autre » et MB. DILIGENT
1
KPMG : groupe français d’audit, de conseil et d’expertise comptable.
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envisageait quant à lui qu’il est classique de dire que le vieux est celui qui a quinze ans de plus. Cette
modalité défensive consistant à penser que l’âgé est nécessairement un autre que soi, permettrait de se
tenir à distance et de se protéger d’une prise de conscience de notre propre vieillissement. Par ces
propos, les deux auteurs soulignaient l’aspect subjectif de notre propre représentation de la vieillesse,
évolutive au cours de notre existence et selon notre âge [58] [62].
Les chapitres suivants nous permettront maintenant d’appréhender l’épreuve de la vieillesse selon ces
modalités et selon le sens que l’on peut donner aux enjeux et renoncements qu’elle viendra susciter.
B. Représentations subjectives du vieillissement
Afin d’introduire notre propos, nous reprendrons dans ce chapitre quelques éléments évoqués au
cours de nos entretiens avec les patients, concernant leur représentation subjective du vieillissement et
de ses contraintes. La manière dont ils ont pu aborder ces questions apparaissait liée à leurs propres
représentations internes, à leur réalité subjective et à leurs expériences vécues tant dans le passé que
dans la réalité présente.
Plusieurs patients consentirent avec leurs mots que le vieillissement entrainait une atteinte narcissique
profonde, profondément déstabilisatrice, « C’est dur de vieillir, j’ai l’impression de ne pas me reconnaître »
confiait l’une d’entre eux.
Ils furent beaucoup à considérer que « le temps passe trop vite », décrivant de réels regrets existentiels,
comme le fait de n’avoir pas pu faire d’études, n’avoir pas eu d’enfants ou encore avoir raté un
mariage. L’une d’entre eux se culpabilisait d’avoir quitté un premier amour, se raccrochant à cette
représentation plutôt flatteuse de sa jeunesse, dans une idéalisation massive et probablement excessive
du passé, à l’encontre d’un quotidien plutôt morose, terni par une conjugopathie déjà ancienne. Cette
modalité défensive qu’est l’idéalisation du passé, revenait souvent chez ces sujets âgés. Dans une
glorification des valeurs anciennes, le souvenir de l’enfance devenait alors un refuge en tant que
modalité connue et rassurante, « on ne croit plus en rien maintenant, tout se perd, c’était mieux avant ». Pourtant,
on peut penser que la vie quotidienne à cette époque, pour beaucoup d’entre eux en temps de guerre,
a pu également comporter son lot de désillusions et de frustrations.
Concernant leur représentation de la mort, certains patients avaient des propos assez fatalistes, dans
une certaine rationalisation, « de toute façon il n’y a pas de solution, on ne choisit pas l’heure de sa mort ».
L’angoisse de la finitude arrivait bien souvent en arrière-plan de l’appréhension d’être atteint d’une
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maladie. Le cancer, le handicap, le vieillissement pathologique ou les chutes comportaient un
caractère plus imprévisible et anxiogène, venant symboliser la déchéance progressive et l’incertitude
de l’avenir. Certains patients confièrent à ce propos : « Je ne voudrais pas trop que ça traîne », « je voudrais être
sûr de partir intègre et en paix », « je n’ai peur que de mourir seule ou malade ».
Globalement, à distance de l’épisode psychiatrique aigu, la mort apparaissait pour la plupart des sujets
relativement intériorisée et singularisée. Quelques patients relativisaient et s’autorisaient à positiver,
considérant qu’avoir pu atteindre le stade du grand-âge n’est pas donné à tout le monde. Certains se
montraient rassurés par des croyances religieuses, avec l’idée de pouvoir rejoindre leurs proches
perdus dans la mort. D’autres se rattachaient à l’idée d’une continuité générationnelle en exprimant
« il faut bien laisser la place à nos générations futures », faisant alors preuve de générativité (intérêt pour la
génération suivante, conceptualisé par E. ERIKSON). Enfin, les derniers s’autorisaient à investir un
ultime projet de vie, bien qu’il apparaisse dans certains cas quelque peu illusoire, « je ferai le tour du
monde avant de mourir » rapporta une patiente.
Concernant le ressenti des entretiens médicaux et l’éprouvé général face à ces rencontres, quelques
patients ont bien consenti une inquiétude et montré une certaine méfiance, mais globalement, la
plupart d’entre eux ce sont dit satisfaits de cette expérience. Certains considéraient que cet échange
leur avait permis de se représenter en tant qu’individu et d’initier un bilan de vie. Quelques femmes
adoptèrent un discours prolixe mais chuchoté durant l’entretien, dans une atmosphère confidentielle
et secrète, au sein de laquelle elles se dévoilèrent sur leurs ratés, leurs complexes et leurs regrets de
jeunesse. Cet échange comportait alors un caractère presque intangible et inaltérable, retraçant une
partie de leur histoire dont je devenais alors dépositaire à travers la transmission orale qu’elles en
faisaient.
Enfin, certains me firent visiter intégralement leur appartement et me montrèrent la place
qu’occupaient leurs objets personnels avant d’être « volés ». D’autres insistèrent pour présenter leurs
proches dans les albums-photos, s’inscrivant de ce fait au sein d’une unité familiale. Au décours d’un
entretien, une patiente me rappela pour repréciser certains éléments de son histoire, inquiète qu’un
détail important ait pu échapper à sa remémoration et à la passation qui m’en était faite. Enfin, une
dernière m’adressa une carte de vœux quelques semaines plus tard, cherchant visiblement à maintenir
une correspondance en exprimant sa satisfaction d’une rencontre venue égayer un quotidien décrit
comme morne et solitaire.
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C. Deuils et renoncements : tout perdre sans se perdre
La vieillesse s’illustre par la notion de pertes, réelles ou craintes. Pour autant, ces pertes sont possibles
à tout âge et ne sont pas propres à cette période. Ce qui fait leur spécificité durant le grand-âge, ce
sont leur multipicité et leur répétitivité, celles-ci étant d’autant plus difficiles à surmonter qu’elles se
succèdent inévitablement. Du fait de cette accumulation successive de pertes, tant physiques,
matérielles, qu’humaines, le sujet âgé passe donc progressivement de l’individualisation à la
dépendance, de la liberté à la raréfaction de choix, du privé au public lors de l’instauration d’aides à
domicile ou d’une entrée en institution.
Pour G. LE GOUES, le deuil est défini non moins par la perte elle-même que par l’investissement
préalable et antérieur qui y était associé. Le travail de deuil, marqué par les pertes qui l’ont précédé,
concerne « l’ensemble des efforts que le sujet doit fournir pour se détacher psychiquement d’un objet perdu » [121].
L’illusion que l’objet demeure, doit alors céder progressivement la place à la réalité, jusqu’à ce que la
conscience permanente de la perte soit pleinement acquise et que le sujet se trouve disponible pour
d’autres attachements ultérieurs. J. BOUISSON considère que ce processus de séparation qui se
produit dans le travail de deuil serait à l’œuvre dès l’enfance et se poursuivrait avec des
réaménagements nécessaires à différentes étapes de la vie, et notamment celle de la vieillesse [120]. Le
travail de deuil se trouverait parfois facilité par un désinvestissement antérieur à bas bruit, protégeant
partiellement de ces étapes inéluctables. A l’opposé, il pourrait s’avérer plus difficile lorsque
l’investissement est très ancien et profond, pouvant même être compromis lorsque l’objet est investi
comme un prolongement de soi-même et non comme un objet différencié. Dans ce cas, pour G. LE
GOUES, la douleur du deuil pourrait apparaître comme une blessure narcissique et personnelle, dans
une identification massive à cet objet perdu [121]. Certaines pertes possèderaient donc une
potentialité traumatique à la mesure de l’investissement sous-tendu.
Enfin, pour J. SUTTER, selon son concept d’anticipation, face à la situation de perte, le sujet jeune
aurait la possibilité d’aménager des mécanismes substitutifs [122]. Or, la perspective de la mort
comme limite, empêcherait la personne âgée d’anticiper et de se projeter. La notion de sa propre
finitude apparaîtrait désormais comme une évidence incontournable et la mort ne comporterait plus
ce caractère inimaginable, irreprésentable propre au « fantasme d’immortalité », cette modalité défensive
de l’adulte jeune décrite par S. FREUD [123]. Le sujet âgé devra alors faire le deuil de soi, dans une
perspective de détachement et de renonciation, sachant que ce n’est pas cette connaissance préalable
de la menace de mort qui rendrait plus facile l’affrontement à cette expérience. D’autant qu’il
pourrait bien s’agir d’une certaine injonction paradoxale, exigeant un désinvestissement de soi tout en
continuant à investir la vie restante, dont la durée ne pourrait être prédite.
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D. Du vieillissement réussi…
La question de se trouver face à un vieillissement réussi d’allure normale ou de se situer dans le cadre
du pathologique se pose fréquemment en gérontopsychiatrie et la frontière entre ces deux états
apparaît souvent infime. En effet, la vieillesse peut être l’occasion de nombreux changements et
remises en question, tant bénéfiques que pathogènes. Comme nous l’avons vu précédemment, il n’y a
pas un stade de la vieillesse mais des voies diverses par lesquelles le sujet pourra aborder cette
problématique.
« Il n’y a pas de manière de bien ou de mal vieillir mais une manière plus ou moins économique et adaptée de
vivre »
J. Messy [58]
1. Stratégies adaptatives et facteurs protecteurs
Le concept de vieillissement réussi, relativement novateur, est apparu dans les années 1990 pour décrire
une « forme de résilience à l’âge avancé » [124]. Il ne prenait pas uniquement en compte des
indicateurs objectifs de bien-être, tels que les caractéristiques physiologiques et physiques, mais tentait
d’analyser les indicateurs subjectifs et la participation de facteurs psychologiques individuels, comme
le sentiment de bien-être et de satisfaction.
D’autres facteurs coexistent selon les différentes approches et ont été résumés par C.AGUERRE dans
un article de synthèse : Les partisans de la théorie du désengagement caractérisent le vieillissement réussi en
se focalisant sur les désinvestissements que l’individu est amené à opérer positivement au cours de la
vieillesse, via une acceptation de soi et de sa progressive impuissance, dans une expectative plutôt
passive. A l’inverse, pour les défenseurs de la théorie de l’activité, le renoncement ne va pas de soi et ils
supposent le maintien d’une activité personnelle ou professionnelle, l’endossement de nouveaux rôles
sociaux et familiaux, l’établissement de relations interpersonnelles dans la balance pour un
vieillissement réussi. Enfin, la théorie de la continuité part du postulat que la vieillesse est conditionnée par
sa propre trajectoire de vie et que les expériences passées représentent un enseignement pour le sujet
vieillissant [124].
L’auteur énumère ensuite l’ensemble des traits de personnalité « salutogènes » en lien avec un
vieillissement réussi. L’Extraversion, l’Ouverture aux expériences, l’optimisme, le sens aigu des
responsabilités, la confiance dans la capacité à faire face à un engagement actif dans la vie sont des
facteurs reliés, autant que possible, à une mise à distance des incapacités à l’âge avancé. Elle cite C.
RYFF qui proposait dans les années 1990, un modèle intégratif et multifactoriel de vieillissement
réussi, dépendant de six facteurs de fonctionnement optimal : acceptation de soi, bonnes relations
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avec autrui, maintien de l’autonomie, maitrise de l’environnement, poursuite d’objectif et recherche
d’épanouissement personnel.
La sénescence demande donc au sujet un niveau de réorganisation suffisant pour lui permettre
d’accéder à un état d’équilibre et de compromis acceptable. Cette démarche requiert la mobilisation
des ressources antérieures et dépend de la mise en œuvre de certaines défenses ou de stratégies
d’ajustement pour faire face, tout en demandant l’élaboration de nouvelles réponses adaptatives. Nous
détaillerons ci-dessous ces différentes modalités efficaces et protectrices contre le vieillissement [125].
2. Modalités défensives élaborées
La restriction effective des échanges avec l’environnement peut amener la personne âgée à désinvestir
celui-ci au profit du ressassement du passé et de l’idéalisation de l’enfance. Le retour aux
représentations idéalisées et la ré-identification aux images maternelles ou paternelles, dont la
mémoire aurait justement survécu jusqu’à soi, préserveraient le sentiment de continuité.
L’idéalisation, via l’idée que « c’était mieux avant », parerait le passé de satisfaction en contrepoint de
la dévalorisation narcissique actuelle.
Les défenses opérantes face à la vieillesse consisteraient donc au recentrage sur soi et à un certain
désinvestissement du monde extérieur lointain, avec l’inscription du sujet dans un rapport à
l’environnement proche auquel il est lié. Le sujet garderait l’espoir de survivre à la mort grâce à la
chaîne générationnelle, forme de continuité symbolique lui permettant d’accepter sa moindre importance.
Il se réfèrerait aux générations suivantes, avec la notion d’une continuation de lui-même ou du moins
de son souvenir à travers ses descendants, et ce même après sa mort.
La sublimation intellectuelle ou artistique permettrait quant à elle, grâce à l’accès à la créativité, de
continuer à développer les capacités de symbolisation, ainsi que de mettre en œuvre les capacités de
séduction par déplacement interposé et sur un mode acceptable [126]. Le détachement et l’humour,
l’ouverture et l’altruisme, l’anticipation et le pragmatisme seraient également des stratégies pour faire
face (coping) à cette épreuve, garantes d’un bon état de santé mentale, selon N. HAAN et GE.
VAILLANT [124].
3. Le concept de résilience chez l’âgé
On parle de résilience lorsqu’à la suite d’un traumatisme grave ou d’une période suffisamment
traumatique, il y a reprise d’une forme de développement fécond sur les plans psychologique,
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comportemental et social. Relativiser, continuer de vivre et de se sentir exister en dépit des affres de la
vieillesse, de ses cascades de traumatismes et de l’inéluctabilité de la mort serait l’enjeu de la résilience
du grand-âge. L’accès à une résilience suffisante pourrait donc être considéré comme un facteur
protecteur, s’agissant alors de « vivre à souffrance réduite et dignité préservée » selon G. LE GOUES [119].
Ce processus dynamique basé sur ses propres ressources psychiques, permettrait au sujet âgé de
développer des modalités élaboratives et stratégies personnelles pour faire face à l’adversité. L’idée
que chaque homme dispose d’une liberté d’action sans être soumis au conditionnement, permet
d’entrevoir une alternative et une possibilité de changement, favorisées par une prise en charge
thérapeutique adéquate. Ce concept n’anticipant pas l’avenir en fonction du seul passé, tendrait alors
à s’écarter de toute notion d’irréversibilité.
La réalité actuelle de la personne âgée, ne pouvant souvent subir aucun changement et évoluant vers
la fin, l’obligera à un « aménagement acceptable avec le passé » [127]. Elle aura alors à composer avec une
histoire figée et désormais derrière elle dont elle devra proposer une lecture acceptable, si tant est
qu’elle soit envisageable. Soit la personne âgée parviendra à faire face, participant à élaborer ses
difficultés et à trouver de nouvelles solutions, grâce à différentes capacités adaptatives et modalités
défensives, soit elle échouera et risquera d’entrer dans le cadre du vieillissement pathologique décrit
ci-dessous.
E. …Au vieillissement pathologique
« Il en est de la vieillesse comme de la mort, quelques-uns l’affrontent avec indifférence, non parce qu’ils ont plus
de courage que les autres, mais parce qu’ils ont moins d’imagination »
M. Proust [128]
1. Le narcissisme : fil conducteur du vieillissement
Dans un article historique datant de 1979, C. BALIER cherchait l’explication des décompensations
pathologiques à l’âge tardif dans les aléas du narcissisme [110]. Le narcissisme découle du Mythe de
Narcisse en tant qu’amour porté à l’image de soi. Sa construction s’origine dans l’enfance, permettant
par la suite d’établir le sentiment d’identité et d’intégrité du sujet.
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Selon C. BALIER, pour que l’équilibre narcissique perdure au fil du temps, l’investissement de soi
doit s’équilibrer avec l’investissement de l’environnement. Mais lors de la vieillesse, l’investissement de
soi-même peut diminuer, du fait d’une remise en question de son image et de sa représentation
propre, pouvant menacer le sentiment d’identité et d’estime de soi. Pour contrebalancer, le sujet
pourrait se recentrer sur l’environnement extérieur mais bien souvent, les objets externes substitutifs se
raréfient au fil du temps. Il risque alors de se retrouver pris dans un mouvement de retrait progressif
de la relance des investissements possibles, avec un déséquilibre de la balance investissement de soi /
investissement d’objet. Ce double déséquilibre peut alors ouvrir la voie à des décompensations
psychiatriques, notamment chez ces sujets âgés dont la personnalité s’est construite sur une assise
narcissique plus fragile, davantage exposés à une mauvaise tolérance aux pertes [13] [129].
2. Une période de crise existentielle
La crise qualifiée de « la pleine maturité » par E. JACQUES, ou de « la sénescence » selon J. BERGERET,
viendrait signer le moment de l’entrée dans la vieillesse pour les sujets y étant confrontés [120] [130].
La crise est considérée comme une période critique dans l’existence d’un individu, un moment
charnière, « un changement brut et décisif dans le cours d’un processus, […] associé à une menace mortifère, une
attaque vitale » selon R. KAËS [131]. Envisagée comme une rupture avec un état de stabilité initial, un
ébranlement d’un équilibre précédemment acquis, la crise dépasse les possibilités d’adaptation du
sujet et marque l’échec de son fonctionnement antérieur. Soit ce niveau de stabilité antérieur
parviendra tout de même à contenir la crise, participant à l’élaborer et à trouver de nouvelles
solutions, soit il échouera et le niveau supérieur sera sollicité. Sauf à s’installer, cette crise pourrait
donc déboucher sur des processus de transformation participant au « travail du vieillir », mais son
issue restera incertaine jusqu’à sa résolution pour les sujets les plus fragiles, selon I. SIMEONE [132]
[133].
E. ERIKSON avait proposé un modèle développemental par lequel il théorisait toutes les étapes de la
vie mentale. Il concevait la traversée de la vie selon huit stades, dont l’entrée dans chacun d’eux se
ferait selon une crise, dans la tension entre deux polarités. Soit cette tension tendrait à se résoudre
avec l’accès à un nouvel équilibre, soit elle perdurerait dans une exagération d’un des pôles qui ne
serait plus pondéré par l’autre, pouvant alors conduire à la pathologie. Le dernier stade de la vie serait
donc le huitième, en tant que période de la sénescence demandant à l’individu de revisiter son passé et
d’en tirer le bilan. Cette dernière étape cruciale de la vie pourrait alors être considérée comme un
temps nécessaire où l’individu est amené à faire le constat de ce qui a été vécu et de ce qui reste à
vivre, en « acceptant la vie qu’il a vécue, en admettant que le passé soit passé et que la mort soit l’inévitable conclusion
de la vie ». La juste tension entre les deux pôles intégrité/désespoir de ce huitième stade, permettrait
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dans le meilleur des cas d’accéder à un sentiment suffisant d’identité et de stabilité psychique. Dans le
cas contraire, le risque serait le développement d’une forme inadaptée de détresse ou de désespoir
[120] [134].
Dans ses travaux, J. BERGERET comparait cette crise de la sénescence à la crise d’adolescence, en
tant que rejet du mode relationnel antérieur et apparition de nouvelles remises en question
concernant l’autonomie, les idéaux, les identifications, etc. L’adolescence est une période de pertes et
de renoncements, tant sur le plan narcissique ou identitaire que sur le plan objectal, menant à
l’abandon progressif des premières figures d’attachement au profit d’autres. Le sujet âgé, lui, devra
également renoncer aux pertes subies sur les plans narcissique et objectal. Chez l’adolescent comme
chez le sujet âgé, un remaniement psychique et une remise en question des solutions antérieures
seront alors nécessaires, pour parvenir à une potentielle issue réorganisatrice, dont la mise en œuvre
déterminera d’ailleurs en partie la symptomatologie aigüe [35]. L’adolescent ou le sujet âgé devront
pouvoir « penser » cette crise, mais à condition qu’ils en aient les ressources psychiques suffisantes.
Celle-ci pourrait en effet comporter un risque pour les sujets dont le degré de maturation est tel qu’il
limiterait les moyens d’élaboration.
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3. Modalités défensives archaïques
Dans certains cas, la tentative d’accéder à une réorganisation nouvelle peut échouer, et amener à
l’inefficacité des mécanismes de défense élaborés, au profit de mécanismes moins structurés et plus
immatures [57]. L’équipe universitaire de Genève a proposé une base de réflexion sur la fonction
défensive des idées délirantes chez le sujet âgé. Selon J. DIAS CORDEIRO, dans certains cas, la
réalité du sujet âgé peut être acceptée sans trop de difficultés. Dans d’autres, elle s’avère insupportable
et inélaborable, pouvant alors mener à la construction délirante et à des mécanismes défensifs de type
psychotique.
Dans ce cas, le sujet âgé aura recours à la projection, qui consiste à « expulser de lui et localiser dans l’autre,
personne ou chose, tout contenu qu’il méconnaît ou refuse en lui », permettant alors de « situer hors de lui-même le
centre de ses préoccupations en projetant sa propre responsabilité sur autrui » [135] [13] [29]. Pour M.
PERUCHON et H. LEBOUCHER, la projection serait le « pivot central » de l’activité délirante du
sujet âgé, permettant d’éjecter les aspects déplaisants et les idées intolérables [136] [137] [129]. Le
sujet y recourrait alors dans la mesure où il est moins délicat de faire face à un danger extérieur
qu’intérieur, avec l’idée que « ce n’est pas soi qui change, c’est le monde alentour » [57].
Selon H. BIANCHI, dans les cas où le travail de deuil s’avère inaccessible, le déni s’offre comme source
pour affronter la perte, quelle qu’elle soit. L’auteur considère que l’attitude du vieillard face à la
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vieillesse et parallèlement à la mort peut s’inscrire dans le déni de la réalité. Cette modalité adaptative
prendra alors la place du travail de ce deuil impossible [138]. Le « déni du décès d’un proche » ou
même le « déni de la réalité de la mort » retrouvé dans les idées délirantes de longévité en sont des
exemples cliniques.
Enfin, le recours au clivage bloquerait le fonctionnement mental pour permettre au sujet de se sentir
encore suffisamment bon, en le mettant à l’abri de la douleur morale et de l’angoisse de mort. En
effet, le clivage d’une partie de soi permettrait au sujet âgé d’accepter la mort, pendant que la part la
refusant et l’ignorant lui permettrait de se projeter dans le futur et de continuer à vivre. Sur un plan
clinique notamment, les paraphrénies seraient organisées sur ce mode, avec une partie du moi
adaptée à la réalité externe et l’autre entretenant une activité délirante bien contenue [139].
Pour S. NACHT et PC. RACAMIER, le délire pourrait finalement constituer un essai de résolution
d’un conflit, mais rien ne garantirait alors qu’il soit la bonne solution [57].
Après cette revue des mécanismes défensifs mis en place pour affronter les conséquences de la
vieillesse, nous dégagerons ci-dessous leurs issues concomitantes, en nous appuyant sur les travaux de
l’équipe de psychiatrie de Genève.
II. DELIRER : UNE TENTATIVE D’AUTOPROTECTION ?
« Le délire n’est pas une manière d’ignorer le monde de la réalité, mais une façon autre de le voir et de le vivre »
S. Nacht et PC. Racamier [57]
A. Accès à une revalorisation narcissique
La vieillesse pourrait être assimilable à une phase de déclin du fait d’un profond remaniement
physique. Le sujet serait alors confronté à la diminution de l’efficience cognitive, l’altération
sensorielle, la modification de l’apparence corporelle, ainsi qu’à la réduction de la puissance sexuelle
chez l’homme et de la capacité reproductrice et de séduction chez la femme. G. LE GOUES rappelait
à ce propos que le désir sexuel reste présent jusqu’à la mort et que ce n’est que l’écart entre ce dernier
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et les moyens de sa réalisation qui s’accroît [121]. La vieillesse viendrait aussi signifier l’abandon du
rôle sociétal d’actif, mais également le renoncement au rôle de parent, la modification du rôle
conjugal, etc. Ce retour progressif forcé de la personne âgée sur ces pertes risque d’entraîner une
atteinte narcissique profonde et de constituer une brusque confrontation à ses limitations et aux
moyens d’y faire face. Le délire pourrait alors avoir une fonction réparatrice et protectrice, autorisant
« une mise à distance de ce qui risque de perturber l’équilibre narcissique du sujet » selon G. LE GOUES [121]
[129] [13].
Pour JJ. BURGERMEISTER, la conviction de subir la pénétration d’un tiers dans son logement,
l’irruption d’une femme dans son propre couple ou l’évolution d’une maladie dans son corps, auraient
alors pour but de contrecarrer ces vécus de perte en les attribuant à autrui. Les idées délirantes
s’articulent souvent autour de la notion d’intrusion ou encore de destitution, car se sentir envahi ou
volé permettrait de contrebalancer cette sensation de fuite inexorable [29]. Quant à M.
PERUCHON, elle considère que les idées de préjudice sont souvent à rattacher directement à
certaines valeurs et acquisitions pouvant être perdues avec l’âge, telles que la propriété, la réputation
ou la santé. JP BARANGER résumait simplement cette situation : « le délire tardif s’alimente de ce dont le
sujet se défait » [137] [127].
Pour J. DIAS CORDEIRO, le délire de spoliation ou de persécution permettrait au sujet de se
considérer comme quelqu’un qui aurait encore le mérite d’être volé ou persécuté, en restant digne de
l’attention d’autrui [140]. Selon N. BAZIN, la personne à présent envahie par son persécuteur,
tendrait à se sentir « reconnue et identifiée au regard d’autrui et de ses proches, pour retrouver l’assurance d’exister
encore » [55]. La conviction d’être victime d’un vol autoriserait une revalorisation des affaires
personnelles du sujet âgé et, par déplacement, de lui-même. Ses affaires seraient alors suffisamment
désirables et intéressantes pour faire l’objet des mouvements envieux des autres selon JM. TALPIN
[61]. Face à d’innombrables pertes dues au vieillissement, cette modalité défensive permettrait donc à
la personne âgée de reconsidérer ce qu’elle possède toujours et ce qu’il lui reste, soit-il sur un plan au
départ matériel.
Lors d’un entretien, une patiente expliqua que son fils s’introduisait la nuit dans l’EHPAD où elle vivait,
afin de se cacher sous son lit et lui dérober durant son sommeil les cinq millions d’euros qu’en réalité
elle ne détenait pas. Elle rapportait alors son sentiment que cette situation de ruine entachait toute sa
réputation auprès des autres résidents. Ce fils, célibataire depuis toujours, aurait divorcé pour la
quatrième fois selon la patiente, lui laissant de nombreux petits-enfants dont elle fantasmait alors
l’existence dans l’idée d’une continuation de la sienne.
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Une autre patiente fit part de sa conviction délirante d’être envahie par des dizaines d’enfants et de
sans-papiers que son voisin lui adressait à son domicile afin qu’elle les loge et s’en occupe
constamment, jour comme nuit, « comme une mère ». Ce délire comportait un caractère valorisant et
gratifiant, sans caractère anxiogène, chez une femme alors considérable comme encore suffisamment
robuste pour prendre soin d’autrui.
B. Apaisement de l’angoisse du processus déficitaire
Dans une société où l’avancée en âge est souvent perçue dans le sens du déficit, l’écart entre les
performances individuelles et l’idéal du sujet se creuse, accentué par le sentiment de complexification
d’un monde toujours plus rapide, plus instantané, plus immédiat et plus pointu en technologies. Le
processus de vieillissement peut entraîner une fragilisation de l’estime de soi et de ses capacités
personnelles, une atteinte du sentiment identitaire et de sa propre représentation dans cette société en
mouvement. Le sujet âgé peut être d’autant plus mis à mal lors de la participation d’un processus
neurodégénératif à la désintégration progressive de la conscience de soi.
Le délire pourrait alors témoigner d’une construction mentale autour d’une défaillance chez un sujet
âgé fragilisé par la perte. Dans un double renversement, « je perds » deviendrait « je détiens mais on
me vole », et le vide se transformerait en plein. Au lieu de subir, le sujet imputerait, passant d’une
position passive à une posture active. JP CLEMENT et de nombreux autres auteurs jugent en effet
qu’il est souvent plus acceptable d’attribuer à autrui les conséquences de ses propres pertes et oublis,
plutôt que de reconnaître les répercussions d’un déficit qui s’installe [141] [129] [119] [137]. La
propension à délirer pourrait donc être considérée comme une production, témoin d’une richesse et
d’une potentialité chez le sujet âgé, évitant de réduire uniquement le vieillissement à la notion de
déficit.
C. Relance du commerce objectal
La diminution des capacités physiques, le handicap, les troubles cognitifs ainsi que la raréfaction
progressive de l’entourage peuvent entraîner une diminution des interactions sociales et engendrer un
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sentiment de solitude. Cette situation peut alors s’aggraver dans un cercle vicieux de type « isolement
forcé-méfiance-isolement désiré » décrit par J. DIAS CORDEIRO [13]. La production délirante pourrait
alors s’apparenter à une modalité de lutte contre cet isolement, permettant le remplissage d’un vide
réel [24] [55] [141].
Selon H. LEBOUCHER, le délire aurait également une fonction de reconquête de l’objet. Toutefois
cette notion théorique reste secondaire pour M. PERUCHON, hormis dans certains cas bien
particuliers. Dans le délire de persécution par exemple, accuser quelqu’un permettrait de le faire exister,
en lui accordant une valeur objectale et en recréant une présence avec laquelle le sujet pourrait
encore avoir commerce. Citons à ce propos le discours d’E. KAHN au congrès international de
psychiatrie en 1950 : « plutôt combattre ou souffrir du monde entier que d’être seul » [57]. Dans le délire
érotomaniaque tardif maintenant, par la jubilation, le jeu fantasmatique, la relance des positions de
rivalité, tout un échange avec autrui serait de nouveau lancé. En effet, la quête d’interactions
relationnelles exerce une forte attraction jusqu’aux âges les plus avancés [129] [1] [62]. Enfin, dans le
délire du compagnon tardif, le sujet dément ferait revivre un proche, disparu ou du moins à distance, tout
en reconstituant une partie du passé [137].
J. DIAS CORDEIRO décrivait ces épisodes délirants comme une réalisation délirante ou magique du désir
offrant au sujet une fonction de protection et de réassurance [140]. Dans ce cas, pour M.
KRASSOIEVITCH, « le sujet se comporte comme s’il suffisait de surinvestir le connu pour faire face à l’inconnu, à
l’irruption de l’inattendu » [34].
Enfin, le délire possèderait cette tonalité protestataire face à l’épreuve de la sénescence, permettant
l’envoi d’un signal de détresse, ayant valeur d’appel et de demande impérative d’aide et de présence
d’autrui.
D. Mainmise sur la dépression
Face à une réalité actuelle potentiellement anxiogène et dépressiogène, face à l’effraction d’éléments
traumatiques et à la représentation de sa propre finitude, le délire pourrait être considéré comme une
« dimension de fuite » selon MP.PANCRAZI, pour s’épargner cette prise de conscience autrement plus
douloureuse [24].
La propension au délire pourrait donc avoir une fonction antidépressiogène en évitant au sujet âgé de
se laisser rattraper par l’effondrement et l’abyme dépressif. L’issue de la dépression serait
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effectivement plus incertaine dans le grand âge, au vu de l’importance notable des taux de suicide
dans cette population, mais également des spécificités évolutives telles que le syndrome de glissement.
Cette fonction protectrice du délire a pu être décrite dans la littérature comme une « modalité
antidépressive partiellement réussie » ou une « prothèse antidépressive » [13] [35].
C’est à E. MINKOWSKI que l’on doit l’analyse la plus complète du trouble de la temporalité propre
à l’état dépressif. Alors que nos actes sont habituellement toujours inscrits dans un rapport au temps,
son écoulement apparaît différent dans la dépression. Il place le malade à contre-courant, celui-ci
n’entrevoyant plus d’avenir, avec un présent figé et un passé envahissant tout l’espace [142].
H. EY fait d’ailleurs une description très riche de ce trouble de la temporalité dans ses études
psychiatriques, avec pour seules formes d’action « la stagnation, l’attente, la rétrogradation, la réitération »,
dans une immobilité et une suspension de l’existence [143]. Cette approche phénoménologique nous
apparaît intéressante dans ce contexte de la sénescence, chez des sujets pour qui la perspective
d’avenir est réellement amoindrie et resserrée, confrontés à accepter les aléas d’un passé révolu et les
contraintes d’un présent souvent insatisfaisant. La production délirante comme « rempart contre la
dépression » pourrait alors constituer un mécanisme adaptatif, recréant une « néo-réalité » plus acceptable,
permettant à la personne âgée de réorganiser de manière cohérente pour elle le milieu environnant
dans lequel elle vit [24] [54]. Le délire offrirait une restructuration du monde interne et externe et
apporterait un sentiment illusoire de maîtrise de la réalité, en réinstaurant un ordre arbitraire, en
rétablissant une continuité rassurante et en restituant un sens acceptable à l’existence. JP.
BARANGER décrivait alors le délire tardif comme « une tentative reconstructrice, un processus de sauvegarde
pour reprendre la succession de la trame et le cours de l’histoire » [127].
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CONCLUSIONS
La décompensation délirante est fréquente chez le sujet âgé, puisque l’on considère qu’une personne
sur dix vivra une expérience délirante durant sa vieillesse. Cependant, la physiopathologie et la
psychopathologie du délire tardif restent globalement mal connues à ce jour, du fait de la multitude et
de l’enchevêtrement des modèles théoriques explicatifs. En outre, la complexité des cadres
nosographiques actuels ne cesse de remettre en question leur validité. Leur absence d’unanimité sur le
plan international ne permet pas de disposer de critères diagnostiques valides dans le cadre de la
recherche scientifique et adaptés au sujet âgé. Afin d’éviter de se retrouver confrontés à cet écueil,
nous avons donc choisi de considérer ici le délire tardif selon sa dimension clinique et non pas en tant
qu’entité pathologique individualisable.
Dans la littérature actuelle, il existe à ce jour peu de publications sur l’épidémiologie et les facteurs de
risque de décompensation délirante tardive, avec des résultats souvent contradictoires, chez une
population finalement très hétérogène. Dans ce contexte, le concept original de potentialité délirante de
M. GROSCLAUDE apparaît particulièrement intéressant [1]. Il englobe la notion d’abaissement du
seuil de vulnérabilité sous l’effet de facteurs de stress liés au vieillissement, tels que la désafférentation
sensorielle et sociale et le vieillissement physiologique du système nerveux central. Toutefois, leur rôle
étiopathogénique respectif dans le déclenchement des troubles délirants chez la personne âgée ne
saurait y être circonscrit. Cette conception repose sur la notion de vulnérabilité variable selon le sujet
et d’un ensemble requis pour évoluer vers la décompensation délirante tardive, nécessaire sans pour
autant être suffisant.
L’objectif de ce travail de recherche a donc consisté à démontrer un lien éventuel entre la personnalité
et le délire tardif, ainsi qu’à mettre en évidence l’impact potentiel d’événements de vie précoces et
tardifs. A partir d’une étude cas-témoins, grâce à une évaluation dimensionnelle et catégorielle de la
personnalité et un recueil exhaustif des événements de vie, nous avons comparé les résultats de 25
sujets à ceux de 25 témoins. Les cas étaient rencontrés au décours d’un épisode délirant inaugural à
plus de 60 ans et les témoins étaient recrutés dans la population générale du même âge.
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Les résultats ont alors permis de mettre en évidence les effets de la personnalité sur l’émergence du
délire tardif, avec un haut niveau de Névrosisme (propension à la détresse psychologique) chez les cas
par rapport aux témoins. Nous avons également pu souligner l’importance de l’antériorité dépressive
personnelle, la surreprésentation des antécédents anxio-dépressifs familiaux et la fréquence d’une
symptomatologie dépressive chez les cas. La présence d’un terrain prédisposant a donc pu être établie
comme l’un des facteurs de risque potentiel de développer tardivement un trouble psychotique, avec
l’hypothèse d’une prédisposition héréditaire et génétique sous-jacente et d’une vulnérabilité acquise
sur le plan affectif.
Cependant, plutôt que de constituer un facteur causal unique, le poids du terrain dans le
fonctionnement ultérieur doit être envisagé comme un facteur de prédisposition dont la seule
influence ne serait pas suffisante à déclencher l’apparition du trouble. Les résultats de ce travail ont
mis en évidence l’importance de l’impact environnemental, avec une augmentation de la
confrontation à des événements de vie chez les cas durant leur existence. Nous avons retrouvé une
surreprésentation d’expériences infantiles, telles que la maltraitance et les séparations répétées. Du fait
d’expériences de carences affectives et d’attachement insécure, ces événements précoces ont pu avoir
un impact vulnérabilisant, amenant à des schémas cognitifs adaptatifs négatifs portés sur
l’environnement. Nous avons ensuite pu mettre en évidence une augmentation des événements de vie
tardifs chez les cas, avec un probable rôle stressant « révélateur » de la décompensation délirante de
personnalités déjà prédisposées. Ces événements étaient essentiellement rattachés à la notion de pertes
et de deuil.
Dans cette perspective d’un déterminisme multifactoriel hétérogène du trouble délirant tardif, l’appui
sur le modèle biopsychosocial apparaît pertinent. Il repose sur la notion d’interaction entre facteurs de
stress sociaux et vulnérabilité biologique et psychologique.
L’intervention de la personnalité sur le délire tardif est donc à considérer sur plusieurs niveaux :
D’une part, la personnalité influe selon ses dimensions spécifiques, en fonction d’une situation
événementielle à risque. Ce n’est pas seulement l’événement de vie en lui-même qui entre en jeu, mais
aussi la manière qu’aura le sujet selon ses propres traits de personnalité, de développer des stratégies
adaptatives plus ou moins efficaces pour faire face à cette épreuve au caractère traumatique. D’autre
part, la personnalité imprègne également l’expression sémiologique du délire et son contenu. Enfin, la
personnalité est convoquée à un lieu commun de l’Humain, interpellée dans ce qui la caractérise de
plus général et universel, ici l’épreuve de la vieillesse. Cette « réponse fondamentale délirante » de l’âgé
possèderait les mêmes facteurs déclenchants en lien à la perte et les problématiques de vécu
d’abandon se rejouant tardivement.
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Cette perspective débouche finalement sur l’idée de ne pas envisager le délire de l’âgé comme fortuit
et de le resituer dans le contexte de l’épreuve existentielle de la vieillesse grâce à une approche
psychodynamique. La propension à délirer tardivement pourrait alors être considérée comme une
production mentale autour d’une défaillance, permettant au sujet âgé d’accéder à une « néo-réalité »
souvent plus tolérable. Elle posséderait donc une fonction adaptative et pourrait dans certains cas être
envisagée comme une « tentative auto-thérapique » face au risque d’effondrement dépressif [24] [141]. Il
est maintenant acquis en pratique courante que les traitements antidépresseurs offrent dans certains
cas une réponse favorable à la symptomatologie délirante de l’âgé. Dans ces circonstances, le délire
tardif apparaît également accessible à un abord psychothérapique permettant au sujet d’accéder à une
relative acceptation des difficultés liées au vieillissement, ainsi qu’à une élaboration des moyens d’ y
faire face. Plutôt que d’être uniquement considérée en termes de déficit, cette étape de la vieillesse
mérite d’être envisagée comme l’émergence de nouvelles capacités adaptatives, voire même d’une
certaine créativité pour faire face aux contraintes d’un passé révolu, d’un présent souvent insatisfaisant
et d’un avenir nécessairement incertain.
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(CC BY-NC-ND 2.0)
ANNEXE I : Vignettes cliniques
Madame M.
Madame M. est une femme de 80 ans, à la présentation bien mise et apprêtée. Elle est sortie
d’hospitalisation depuis plusieurs mois maintenant. Elle y a été accueillie pour trois séjours au total, en
vue de « se reposer », selon ses dires. Madame M. présente actuellement un délire très riche,
relativement systématisé, avec des mécanismes interprétatifs, intuitifs et hallucinatoires, ainsi qu’un
automatisme mental. Elle est convaincue de manière inébranlable d’être depuis quelques années la
cible d’un réseau de trafiquants de drogue qui opérerait au-dessus de chez elle. Elle a bien tenté de
déménager pour éviter ces malfrats, venant alors s’installer dans l’immeuble d’à côté, mais selon elle
cela n’aurait rien changé, ceux-ci ayant déplacé leur local simultanément et continuant à
l’incommoder jour et nuit. Elle attribue à ces agissements la cause de ses douleurs gastriques, de ses
varices et de l’hémopathie qui vient de lui être diagnostiquée récemment. Les acides et les gaz
émanant des tuyaux procureraient des dégâts irréversibles sur un corps surtout usé par le
vieillissement, mais tentant malgré tout de garder le panache d’autrefois. Cette dernière rapporte
donc de manière enjouée, dans un discours fluent, limpide et circonstancié, ce qu’elle décrit comme
« le mal de sa vie », qui apparaît clairement encombrer, pour ne pas dire remplir, son quotidien de
femme âgée et très isolée. Cette présentation clivée nous laisse accès à un discours totalement délirant
à propos de ce présumé trafic, associé à un discours sain et adapté, nous détaillant l’histoire de son
quartier lyonnais, critiquant l’actualité géopolitique et rebondissant ensuite de manière extrêmement
lucide sur les conditions d’hospitalisation en psychiatrie. Le contact se veut cordial, chaleureux,
accueillant et attaché aux conventions sociales.
Lors de sa première hospitalisation sur l’unité Clos Layat II à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu il y a
maintenant trois ans, la patiente y a été admise sur une modalité sans consentement. Elle rapporte
s’être sentie trahie par son médecin traitant qui avait alors posé l’indication et dont elle a depuis
changé. De ce premier séjour, Madame M. garde un mauvais souvenir, « on m’y a volé mon intégrité
psychique » rapportera-t-elle de manière projective. La patiente y a bénéficié de soins psychiatriques
actifs, avec une amélioration légère de la symptomatologie délirante et notamment de la production
hallucinatoire. Mais au décours, cette dernière s’est rapidement mise en rupture de soins, arrêtant
brutalement son traitement, puisque ne se considérant pas malade. Les dégradations successives de
son état psychique l’ont amenée à deux nouvelles hospitalisations, plus acceptables narcissiquement
car vécues comme un séjour hôtelier de rupture pour se remettre de la fatigue infligée par ses
persécuteurs désignés. De là, une légère alliance thérapeutique s’est instaurée mais est restée en réalité
bien superficielle et non pérenne.
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Depuis son retour au domicile, Madame M. a repris le cours et le contrôle de son existence, elle se
rend chaque midi dans le restaurant en bas de chez elle et organise son prochain déménagement.
Pour le relai de ses soins psychiatriques, elle n’a toléré et investi que son nouveau médecin traitant,
qui s’assure mensuellement que le délire reste bien circonscrit et n’est pas trop envahissant.
Concernant son histoire de vie, la patiente vivait dans son premier appartement depuis de
nombreuses années, avec son époux avec qui elle n’a pu avoir d’enfants, le « deuxième regret » de sa
vie. Ce dernier l’a quittée sans prévenir, successivement à une retraite professionnelle déjà vécue
difficilement. Au même moment, elle perdait également une amie et son unique frère, décédés
brutalement. Madame M. s’est donc retrouvée seule du jour au lendemain dans cet appartement et
explique que peu de temps après, les fabricants de drogue se sont installés au-dessus de chez elle et ne
l’ont plus lâchée. Elle a choisi de quitter le lit conjugal pour le canapé du salon car « les acides brûlaient
trop », puis elle a multiplié les dépôts de plainte et les recours sans aucun succès, désormais très
occupée par ces nouveaux événements. Madame M. est bien connue dans son quartier et se considère
appréciée. Au sein des relations de courtoisie avec qui les échanges sont plutôt formels, la patiente se
montre discrète sur les éléments qu’elle considère subir au quotidien, car « on n’est jamais trop prudent ».
De son enfance, elle reste également très évasive, rapportant tout au plus un climat non serein.
Actuellement, elle se dit plus apaisée face à sa situation et apparaît plus résignée. Elle continue à
présenter des hallucinations acousticoverbales et cénesthésiques, à percevoir les dommages physiques
collatéraux de ce trafic et entendre les menaces à son encontre, mais qui ne semblent pas l’intimider.
Ces persécuteurs font en quelque sorte partie intégrante de son quotidien, ils la surveillent jusque dans
sa sphère intime et elle imagine en jubilant l’importance que sa lutte pourrait constituer à leurs yeux.
« Je ne céderai pas » finira-t-elle par lâcher, laissant apparaître cet objectif comme l’enjeu vital des
jours à venir.
Concernant sa personnalité, Madame M. se dit vouée d’une grande sensibilité, elle aime le
raffinement et la distinction. Elle concède avoir été très réservée au début de sa vie, presque
renfermée, mais ce tempérament semble s’être un peu amélioré au fil des années. Les résultats
psychométriques mettent en évidence une discrète augmentation du Névrosisme ainsi que de la
Conscience, chez cette patiente sensible et hyper-réactive au monde qui l’entoure. Les résultats des
échelles de dépression ne retrouvent pas de symptomatologie dépressive, pour autant le discours, bien
qu’enjoué, est connoté de lourds regrets existentiels dont elle paraît se défendre autrement que par
l’effondrement dépressif. Au vu du tableau clinique, Mme M. paraît présenter des traits de
personnalité sensitifs sur une assise narcissique fragile.
A la fin de notre rencontre, la patiente se dit satisfaite d’avoir pu livrer l’actuel mal de son existence en
toute confiance, tout en ayant finalement tu stratégiquement les éléments biographiques
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incommodants. Madame M. apparaît enchantée de cette entrevue, qui aura en effet permis de venir
remplir et modifier un quotidien dont les perspectives semblent figées depuis des années.
Monsieur G.
Monsieur G. a 68 ans, il a perdu sa première épouse d’un cancer, puis s’est remarié avec la femme
avec qui il vit à présent. De sa première union il a deux enfants qu’il voit régulièrement. Il n’a aucun
antécédent psychiatrique connu. Monsieur G. a exercé comme expert-comptable avant une mise à la
retraite difficile, chez un homme se retrouvant brusquement confronté au vide d’un quotidien
jusqu’ici bien organisé. Le reste de son existence aurait été traversé selon lui « sans encombre ». Pour
autant, il se décrit très stressé et émotif, plutôt introverti et inhibé dans les situations sociales. Il n’a pas
de problèmes physiques particuliers et est autonome au quotidien.
Il a été hospitalisé sur l’unité Renoir de l’hôpital du Vinatier en juillet 2014 en Soins Psychiatriques à
la Demande d’un Tiers pour une primo-décompensation délirante. L’anamnèse rapporte que le
patient se trouvait dans la région du Gard, dans l’appartement hérité de sa défunte mère, qu’il tentait
de restaurer afin de le léguer à ses enfants. De là, la conviction délirante d’avoir été piraté par un
réseau informatique pour l’empêcher de mener à bien ses travaux s’est rapidement imposée à lui,
avant de s’élargir en secteur dans une théorie d’un vaste complot mené contre sa personne. A partir
de mécanismes intuitifs et interprétatifs, les thématiques persécutoires se sont progressivement
déplacées sur le corps. Les interprétations externes laissaient place à des préoccupations internes
envahissantes, d’allure hypocondriaque, associées à une participation affective importante.
Initialement, lors de son arrivée dans le service, la présentation de Monsieur G. était très ralentie, le
faciès était figé, presque amimique, avec des yeux fixes, amenant une sensation étrange de vide. Cette
présentation quasi-stuporeuse laissait transparaître un envahissement anxieux au premier plan, pour
autant non verbalisable par le patient, dont le discours s’en tenait à des propos minimalistes, somme
toute très factuels et opératoires. Les éléments l’ayant amené à être hospitalisé ne pouvaient alors pas
être repris avec le patient.
Durant l’hospitalisation, c’est au cours d’un entretien familial que nous avons pu verbaliser et accéder
à ces éléments anamnestiques. L’épouse de Mr G. a pu objectiver que le projet de restauration de
l’appartement s’était avéré profondément mobilisant et déstabilisant pour ce dernier, qui s’était
brusquement retrouvé confronté aux incapacités physiques dues à son âge, alors qu’il était jusqu’alors
très indépendant. La projection des conséquences de cette perte d’autonomie vers un extérieur
persécuteur a pu avoir une vertu défensive pour ce dernier.
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(CC BY-NC-ND 2.0)
Au cours des entretiens médico-infirmiers, des examens neurocognitifs et psychométriques, nous
avons pu éliminer des troubles cognitifs associés et étayer notre analyse clinique. Les résultats
psychométriques aux dimensions de personnalité ont retrouvé un haut niveau de Névrosisme, de
l’ordre de 4. Les échelles catégorielles ont également mis en avant un trouble de la personnalité
obsessionnel-compulsif et un trouble de la personnalité évitant. La ritualisation massive du quotidien
lui permettait de garder une certaine illusion de maîtrise d’une réalité de plus en plus anxiogène. Ces
traits semblaient d’ailleurs s’être progressivement rigidifiés avec l’âge.
La symptomatologie délirante et anxieuse s’est ensuite améliorée lentement grâce à la prise en charge
institutionnelle et thérapeutique. Au décours, le patient a présenté un contact encore distant et un
discours plutôt pauvre et provoqué, dans des considérations essentiellement factuelles et ritualisées
concernant les horaires et le déroulement de la journée.
Malgré la présentation initiale désaffectivée nous ayant initialement amenés à envisager un pôle
d’organisation psychotique, il nous a semblé plus juste de reconsidérer le diagnostic pour celui de
Délire d’Apparition Tardive dans une approche dynamique chez ce patient indemne de toute
décompensation antérieure. Ce concept n’exclut pas l’association à un épisode dépressif majeur
masqué par la symptomatologie délirante. Il a également le mérite de ne pas présager de l’évolution
ultérieure des troubles, qui à ce jour, plusieurs mois après l’épisode aigu, apparaissent totalement
amendés. Au décours de sa prise en charge, Monsieur G. a alors pu rapporter à propos de sa
décompensation délirante : « j’ai subitement pris conscience que j’étais vieux et ça a été insupportable ».
Madame V.
Madame V. a 74 ans et a été hospitalisée durant plusieurs mois sur l’unité Clos Layat II à l’hôpital
Saint-Jean de Dieu, dans un contexte de passage à l’acte hétéro-agressif à l’encontre de sa voisine. Elle
présentait un délire interprétatif relativement systématisé, avec la conviction d’être victime d’un
préjudice de la part de cette dernière. Elle attribuait à sa voisine la responsabilité d’objets perdus
qu’elle ne retrouvait plus, pensant que celle-ci s’introduisait à son domicile en son absence pour les lui
voler. Progressivement, la patiente s’était alors repliée chez elle, excluant toute sortie pour éviter toute
intrusion potentielle.
Madame V. a un fils qui est très pris par son travail et reste assez peu présent, deux petits-enfants
éloignés sur le plan géographique. Son mari est alcoolique et un diagnostic de pathologie néoplasique
au pronostic péjoratif lui a été posé récemment. La situation semble très conflictuelle à ce sujet,
Madame V., inquiète pour l’état de santé de son mari, tente de lui imposer une diminution de sa
consommation d’alcool, sans résultat. Dans le même temps, cette patiente a perdu sa sœur d’un
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cancer et a subi des opérations chirurgicales itératives, vécues comme éprouvantes tant sur le plan
physique que psychique. La chirurgie de prothèse de hanche et l’opération de cystocèle venaient
douloureusement symboliser l’avancée en âge, rapportées à la notion de perte d’autonomie et à
l’inquiétude de la dépendance.
Son enfance est décrite comme « plutôt morose », Madame V. a émigré d’Italie lorsqu’elle était
enfant et ce départ a été vécu comme traumatisant, avec le sentiment d’y avoir abandonné une partie
de sa famille. Dans les suites, la patiente a été accueillie en pension et ne rentrait chez ses parents que
lors des vacances d’été.
Au cours de l’entretien, le contact est adapté, se voulant relationnel et cordial. Le discours est
cohérent, bien que laissant entrevoir un discret manque du mot. La patiente se montre plus prolixe et
se désorganise dès lors que nous reprenons les éléments l’ayant conduite à être hospitalisée. Elle
consent toutefois avoir « perdu les pédales » et regrette son geste à l’encontre de sa voisine, mais peine
encore à critiquer sa conviction d’avoir été volée.
Madame V. a présenté plusieurs épisodes dépressifs au cours de son existence, souvent réactionnels
aux événements douloureux, tels que les deuils et la maladie. Elle montre cependant de bonnes
capacités d’adaptation et de résilience malgré ses difficultés actuelles et son tempérament anxieux. Sur
le plan de la personnalité, elle se voit plutôt réservée et accorde manquer d’estime et de confiance en
elle, « ce qui n’aide pas à avoir confiance en l’autre », lâchera-t-elle. Elle apprécie également la perfection et
l’ordre, et tiendra à me faire visiter un appartement très bien ordonné.
Les résultats psychométriques catégoriels et l’analyse clinique retrouvent des éléments en faveur d’un
trouble de la personnalité de type obsessionnel-compulsif et paranoïaque, que l’on pourrait qualifier
de sensitif au vu des éléments cliniques. L’échelle dimensionnelle de personnalité met en évidence un
haut niveau de Névrosisme chez cette patiente. Les résultats de l’IRM cérébrale effectuée durant son
hospitalisation retrouvaient une discrète atrophie cortico-sous-corticale. Le MMSE cote à 27 durant
notre rencontre. L’évaluation des troubles cognitifs serait à envisager à distance de l’épisode aigu, afin
d’éliminer une évolution ultérieure vers une étiologie démentielle en lien avec ces idées de vol.
Au décours de la prise en charge hospitalière, un travail d’accompagnement familial a été envisagé.
Afin d’améliorer le support social et de s’assurer de la prise du traitement neuroleptique et
antidépresseur, un passage par des infirmiers libéraux a été instauré. La patiente a pu bénéficier dans
les suites de la mise en place d’un appareillage auditif permettant d’améliorer une récente
hypoacousie.
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ANNEXE II : Questionnaire du groupe de cas
DATE DE NAISSANCE
SEXE
ETES-VOUS ACTUELLEMENT :
-­‐
Veuf (ve) / Célibataire / Marié(e) / En concubinage /Séparé(e) ou divorcé(e) ?
AVEZ-VOUS DES ENFANTS ?
-­‐
-­‐
-­‐
Si oui, les rencontrez vous régulièrement ou non ?
Si vous les rencontrez peu ou jamais, y a-t-il un échange avec eux ou non ?
Considérez-vous que vous soyez actuellement bien entouré ?
VIVEZ-VOUS :
-­‐
-­‐
En institution / A domicile ?
Seul / accompagné ?
NIVEAU D’ETUDES :
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Vous n’avez jamais fait d’études
Vous avez le certificat d’études
Vous avez arrêté avant le BAC
Vous avez arrêté après le BAC
Vous avez fait des études après le BAC, si oui, lesquelles ?
STATUT PROFESSIONNEL :
-­‐
-­‐
-­‐
Quels ont été vos exercices professionnels ?
Quel a été votre durée totale d’exercice professionnel ?
Quelle est la cause de votre cessation d’activité professionnelle ?
à Chômage ? Maladie ? Raison personnelle ? Retraite ?
ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES PERSONNELS :
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Dépression ?
Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive ?
Trouble anxieux ?
Tentative de suicide ? (Si oui, combien ?)
Addiction à l’alcool, à des drogues ?
Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie ?
Hospitalisations en psychiatrie ? (Si oui, combien ?)
ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES FAMILIAUX :
-­‐
-­‐
-­‐
Dépression ?
Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive ?
Trouble anxieux ?
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-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Schizophrénie ou état délirant ?
Tentatives de suicide ? Suicides ?
Démence ou maladie d’Alzheimer ?
Troubles psychiatriques non déterminés ?
Addictions à l’alcool, à des drogues ?
Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie ?
Hospitalisations en psychiatrie ?
PRESENCE D’UN HANDICAP SENSORIEL ?
-­‐ Surdité
-­‐ Cécité
PRESENCE D’UN HANDICAP PHYSIQUE OU D’UNE ATTEINTE DE LA MOBILITE ?
-­‐ Marche sans difficulté / Aide nécessaire / Ne marche plus
SUR LE PLAN PROFESSIONNEL ET SOCIAL, AVEZ-VOUS CONNU :
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Une période de chômage ?
Un licenciement ?
Des conflits professionnels ?
Des problèmes financiers ?
Une mise à la retraite difficile ?
De graves conflits avec l’entourage ou le voisinage ?
SUR LE PLAN PERSONNEL, AVEZ-VOUS CONNU :
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Un temps de séparation avec les parents dans l’enfance ?
Divorce des parents ou relation de discorde ?
Des maltraitances physiques, psychologiques ou sexuelles ?
Une maladie grave ?
Le décès d’un de vos parents dans l’enfance ?
Une guerre ?
Un accident ?
Pour les femmes, des fausses-couches, des morts in utero, des avortements ?
Un traumatisme autre ?
ACTUELLEMENT :
-­‐
-­‐
Y a-t-il des évènements qui vous paraissent importants, auxquels vous avez été confronté au cours de ces
dernières années ?
Comment pourriez-vous décrire votre tempérament et votre personnalité ?
SEMIOLOGIE DU DELIRE :
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Mécanismes
Thématiques
Systématisation
Participation affective
Tonalité du discours, préoccupations personnelles, vécu de la vieillesse, avis sur le questionnaire, etc.
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MINI-MENTAL STATE EXAMINATION
Orientation 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 En quelle année sommes-­‐nous ? En quelle saison ? En quel mois ? Quel jour du mois ? Quel jour de la semaine ? Quel est le nom de l'hôpital où nous sommes ? Dans quelle ville se trouve-­‐t-­‐il ? Quel est le nom du département dans lequel est située cette ville ? Dans quelle région est situé ce département ? À quel étage sommes-­‐nous ici ? Apprentissage Je vais vous dire 3 mots. Je voudrais que vous me les répétiez et que vous essayiez de les retenir car je vous les redemanderai tout à l'heure. 11 12 13 Cigare Fleur Porte Attention et calcul Voulez-­‐vous compter à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois ? 14 15 16 17 18 93 86 79 72 65 Rappel Quels étaient les 3 mots que je vous ai demandé de répéter et de retenir tout à l'heure ? 19 20 21 Cigare Fleur Porte Langage 22 23 24 25 26 27 28 29 Montrer un crayon. Quel est le nom de cet objet ? Montrer votre montre. Quel est le nom de cet objet ? Ecoutez bien et répétez après moi : "Pas de mais, de si, ni de et" Poser une feuille de papier sur le bureau, la montrer au sujet en lui disant : Écoutez bien et faites ce que je vais vous dire : Prenez cette feuille de papier avec la main droite Pliez-­‐la en deux Et jetez-­‐la par terre Tendre au sujet une feuille de papier sur laquelle est écrit en gros caractères : "Fermez les yeux" et dire au sujet : Faites ce qui est écrit Tendre au sujet une feuille de papier et un stylo, en disant : Voulez-­‐vous m'écrire une phrase, ce que vous voulez, mais une phrase entière. Praxies constructives 30 Tendre au sujet une feuille de papier et lui demander : "Voulez-­‐vous recopier ce dessin ?" SCORE GLOBAL : /30 102
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MADRS : EVALUATION DE LA DEPRESSION
1) Tristesse apparente
Correspond au découragement, à la dépression et au désespoir (plus qu'un simple cafard passager) reflétés par la parole, la mimique et la
posture. Coter selon la profondeur et l'incapacité à se dérider.
0
1
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3
4
5
6
Pas de tristesse.
Semble découragé mais peut se dérider sans difficulté.
Parait triste et malheureux la plupart du temps.
Semble malheureux tout le temps. Extrêmement découragé.
2) Tristesse exprimée
Correspond à l'expression d'une humeur dépressive, que celle-ci soit apparente ou non. Inclut le cafard, le découragement ou le sentiment de
détresse sans espoir. Coter selon l'intensité, la durée et le degré auquel l'humeur est dite être influencée par les événements.
0
1
2
3
4
5
6
Tristesse occasionnelle en rapport avec les circonstances.
Triste ou cafardeux, mais se déride sans difficulté.
Sentiment envahissant de tristesse ou de dépression.
Tristesse, désespoir ou découragement permanents ou sans fluctuation.
3) Tension intérieure
Correspond aux sentiments de malaise mal défini, d'irritabilité, d'agitation intérieure, de tension nerveuse allant jusqu'à la panique, l'effroi
ou l'angoisse. Coter selon l'intensité, la fréquence, la durée, le degré de réassurance nécessaire.
0
1
2
3
4
5
6
Calme. Tension intérieure seulement passagère.
Sentiments occasionnels d’irritabilité et de malaise mal défini.
Sentiments continuels de tension intérieure ou panique intermittente que le malade ne peut maîtriser qu’avec difficulté.
Effroi ou angoisse sans relâche. Panique envahissante.
4) Réduction du sommeil
Correspond à une réduction de la durée ou de la profondeur du sommeil par comparaison avec le sommeil du patient lorsqu'il n'est pas
malade.
0
1
2
3
4
5
6
Dort comme d’habitude.
Légère difficulté à s’endormir ou sommeil légèrement réduit, léger ou agité.
Sommeil réduit ou interrompu au moins deux heures.
Moins de deux ou trois heures de sommeil.
5) Réduction de l'appétit
Correspond au sentiment d'une perte de l'appétit comparé à l'appétit habituel. Coter l'absence de désir de nourriture ou le besoin de se forcer
pour manger.
0
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3
Appétit normal ou augmenté.
Appétit légèrement réduit.
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4
5
6
Pas d’appétit. Nourriture sans goût.
Ne mange que si on le persuade.
6) Difficultés de concentration
Correspond aux difficultés à rassembler ses pensées allant jusqu'à l'incapacité à se concentrer. Coter l'intensité, la fréquence et le degré
d'incapacité.
0
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4
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6
Pas de difficulté de concentration.
Difficultés occasionnelles à rassembler ses pensées.
Difficultés à se concentrer et à maintenir son attention, ce qui réduit la capacité à lire ou à soutenir une conversation.
Incapacité de lire ou de converser sans grande difficulté.
7) Lassitude
Correspond à une difficulté à se mettre en train ou une lenteur à commencer et à accomplir les activités quotidiennes.
0
1
2
3
4
5
6
Guère de difficultés à se mettre en route ; pas de lenteur.
Difficultés à commencer des activités.
Difficultés à commencer des activités routinières qui sont poursuivies avec effort.
Grande lassitude. Incapable de faire quoi que ce soit sans aide.
8) Incapacité à ressentir
Correspond à l'expérience subjective d'une réduction d'intérêt pour le monde environnant, ou les activités qui donnent normalement du plaisir.
La capacité à réagir avec une émotion appropriée aux circonstances ou aux gens est réduite.
0
1
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3
4
5
6
Intérêt normal pour le monde environnant et pour les gens.
Capacité réduite à prendre plaisir à ses intérêts habituels.
Perte d’intérêt pour le monde environnant. Perte de sentiment pour les amis et les connaissances.
Sentiment d’être paralysé émotionnellement, incapacité à ressentir de la colère, du chagrin ou du plaisir, et impossibilité
complète ou même douloureuse de ressentir quelque chose pour les proches, parents et amis.
9) Pensées pessimistes
Correspond aux idées de culpabilité, d'infériorité, d'auto-accusation, de péché ou de ruine.
0
1
2
3
4
5
6
Pas de pensées pessimistes.
Idées intermittentes d’échec, d’auto-accusation et d’autodépreciation.
Auto-accusations persistantes ou idées de culpabilité ou péché précises, mais encore rationnelles. Pessimisme croissant à
propos du futur.
Idées délirantes de ruine, de remords ou péché inexpiable. Auto-accusations absurdes et inébranlables.
10) Idées de suicide
Correspond au sentiment que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, qu'une mort naturelle serait la bienvenue, idées de suicide et préparatifs
au suicide. Les tentatives de suicide ne doivent pas, en elles-mêmes, influencer la cotation.
0
Jouit de la vie ou la prend comme elle vient.
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1
2
3
4
5
6
Fatigué de la vie, idées de suicide seulement passagères.
Il vaudrait mieux être mort. Les idées de suicide sont courantes et le suicide est considéré comme une solution possible,
mais sans projet ou intention précis.
Projets explicites de suicide si l’occasion se présente. Préparatifs de suicide.
RÉSULTATS :
/ 60
Chaque item est coté de 0 à 6, seules les valeurs paires sont définies. Le médecin doit décider si l’évaluation doit
reposer sur les points de l’échelle bien définis (0, 2, 4, 6) ou sur des points intermédiaires (1, 3, 5).
Score maximal de 60. Seuil de dépression est fixé à 15.
ECHELLE DE DEPRESSION GERIATRIQUE : GDS 15 ITEMS
1. Êtes-vous satisfait(e) de votre vie ?
2. Avez-vous renoncé à un grand nombre de vos activités ?
3. Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ?
4. Vous ennuyez-vous souvent ?
5. Êtes-vous de bonne humeur la plupart du temps ?
6. Avez-vous peur que quelque chose de mauvais vous arrive ?
7. Êtes-vous heureux (se) la plupart du temps ?
8. Avez-vous le sentiment d’être désormais faible ?
9. Préférez-vous rester seul(e) dans votre chambre plutôt que de sortir ?
10. Pensez-vous que votre mémoire est plus mauvaise que celle de la plupart des gens ?
11. Pensez-vous qu’il est merveilleux de vivre à notre époque ?
12. Vous sentez-vous une personne sans valeur actuellement ?
13. Avez-vous beaucoup d’énergie ?
14. Pensez-vous que votre situation actuelle est désespérée ?
15. Pensez-vous que la situation des autres est meilleure que la votre ?
Compter 1 si la réponse est non aux questions: 1, 5, 7, 11, 13, et oui aux autres.
Score global : __ /15
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HAMILTON : EVALUATION DE L'ANXIETE
1) Humeur anxieuse
Cet item couvre la condition émotionnelle d'incertitude devant le futur, allant de l'inquiétude, l'irritabilité, de l'appréhension à un effroi.
0
1
2
3
4
Le patient ne se sent ni plus ni moins sûr de lui et n'est ni plus ni moins irritable que d'habitude.
Que le patient soit plus irritable ou se sente moins sûr de lui que d'habitude est peu clair.
Le patient exprime plus clairement qu'il est dans un état d'anxiété, d’appréhension ou d’irritabilité difficile à contrôler. Néanmoins,
l'inquiétude touche des préoccupations mineures et ceci reste sans influence sur la vie quotidienne du patient.
Quelques fois, l'anxiété ou le sentiment d’insécurité sont plus difficiles à contrôler car l'inquiétude porte sur des blessures graves ou des
menaces qui pourraient arriver dans le futur. Il est arrivé que cela interfère avec la vie quotidienne du patient
Le sentiment d'effroi est présent si souvent qu'il interfère de manière marquée avec la vie quotidienne du patient.
2) Tension nerveuse
Cet item inclut l'incapacité à se détendre, la nervosité, la tension physique, les tremblements et la fatigue agitée
0
1
2
3
4
Le patient n'est ni plus ni moins tendu que d'habitude.
Le patient semble quelque peu plus nerveux et tendu que d'habitude.
Le patient dit clairement être incapable de se détendre et est empli d'agitation intérieure, qu'il trouve difficile à contrôler, mais c'est
toujours sans influence sur sa vie quotidienne.
L'agitation intérieure et la nervosité sont si intenses ou si fréquentes qu'elles interfèrent occasionnellement avec le travail et la vie
quotidienne du patient.
Les tensions et l'agitation interfèrent constamment avec la vie et le travail du patient.
3) Craintes
Cet item inclut la crainte d'être dans une foule, des animaux, d'être dans des lieux publics, d'être seul, de la circulation, des inconnus, du noir etc. Il est
important de noter s'il y a eu davantage d'anxiété phobique que d'habitude pendant et épisode.
0
1
2
3
Absentes.
Il n'est pas clair si ces craintes sont présentes ou pas.
Le patient vit de l'anxiété, mais est capable de lutter contre
Surmonter ou combattre l'anxiété́ physique est difficile, ce qui fait qu'elle interfère avec la vie quotidienne et le travail du patient d'une
certaine manière.
4) Insomnie
Cet item couvre l'expérience subjective du patient concernant la durée et la profondeur de son sommeil pendant les trois nuits précédentes. A noter que
l'administration de calmants ou de sédatifs n'est pas prise en considération.
0
1
2
3
4
Durée et profondeur du sommeil habituelles.
La durée est peu ou pas réduite (par exemple par de légères difficultés d'endormissement), mais il n'y a pas d'altération de la
profondeur du sommeil.
La profondeur du sommeil est également diminuée, le sommeil étant plus superficiel. L'entièreté du sommeil est quelque peu
perturbée.
La durée du sommeil et sa profondeur sont altérés de manière marquée. Le total du sommeil n'est que de quelques heures sur 24.
Le sommeil est si peu profond que le patient parle de courtes périodes de somnolence mais sans vrai sommeil.
5) Troubles de la concentration et de la mémoire
Cet item couvre les difficultés de concentration, ainsi que celles à prendre des décisions dans des domaines quotidiens, et les problèmes de mémoire.
0
1
Le patient n'a ni plus ni moins de difficultés à se concentrer que d'habitude.
Il n'est pas clair si le patient a des difficultés de concentration et/ou de mémoire.
2
Même en faisant un gros effort, le patient éprouve des difficultés à se concentrer sur son travail quotidien de routine.
3
Le patient éprouve des difficultés prononcées de concentration, de mémoire, de prise de décisions; par exemple, pour lire un article
dans le journal ou regarder une émission télévisée jusqu'à sa fin.
Pendant l'entretien, le patient montre des difficultés de concentration, de mémoire, ou à la prise de décisions.
4
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6) Humeur dépressive
Cet item couvre à la fois la communication non-verbale de la tristesse, de la déprime, de l'abattement, de la sensation d'impuissance, et de la perte d'espoir.
0
1
2
3
4
Absente.
Il n'est pas clair si le patient est plus abattue ou triste que d'habitude, ou seulement vaguement.
Le patient est plus clairement concerné par des vécus déplaisants, bien qu'il ne se sente ni impuissant ni sans espoir.
Le patient montre des signes non-verbaux clairs de dépression ou de perte d'espoir.
Le patient fait des observations sur son abattement ou son sentiment d'impuissance ou les signes non- verbaux sont prépondérants
pendant l'entretien, de plus, le patient ne peut pas être distrait de son état.
7) Symptômes somatiques généraux : musculaires
Faiblesse, raideur, allodynie ou douleurs, situées de manière plus ou moins diffuse dans les muscles, comme de la douleur à la mâchoire ou à la nuque.
0
1
2
3
4
Le patient n'est ni plus ni moins douloureux ni n'éprouve plus de raideurs dans les muscles que d'habitude.
Le patient semble éprouver un peu plus de douleurs ou de raideurs musculaires qu'habituellement.
Les symptômes sont caractéristiques de la douleur.
Les douleurs musculaires interfèrent jusqu'à un certain point avec la vie et le travail quotidiens du patient.
Les douleurs musculaires sont présentes la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail du patient.
8) Symptômes somatiques généraux : sensoriels
Cet item inclut une fatigabilité accrue ainsi que de la faiblesse ou des perturbations réelles des sens, incluant l'acouphène, la vision floue, des bouffées de
chaleur ou de froid, et des sensations de fourmillements.
0
1
2
3
4
Absents.
Il n'est pas clair si les indications du patient indiquent des symptômes plus prononcés qu'habituellement.
Les sensations de pression sont fortes au point que les oreilles bourdonnent, la vision est perturbée et il existe des sensations de
démangeaisons ou de fourmillements de la peau.
Les symptômes sensoriels en général interfèrent jusqu'à un certain point avec la vie quotidienne et le travail du patient.
Les symptômes sensoriels en général sont présents la plupart du temps et interfèrent avec la vie quotidienne et le travail du patient.
9) Symptômes cardio-vasculaires
Cet item inclut la tachycardie, les palpitations, l'oppression, la douleur dans la poitrine, la sensation de pulsations, de « cognement » dans les vaisseaux
sanguins, ainsi que la sensation de devoir s'évanouir.
0
1
2
3
4
Absents.
Leur présence n'est pas claire
Les symptômes cardio-vasculaires sont présents, mais le patient peut les contrôler.
Le patient a des difficultés occasionnelles à contrôler les symptômes cardio-vasculaires, qui interfèrent donc jusqu'à un certain point
avec sa vie quotidienne et son travail.
Les symptômes cardio-vasculaires sont présents la plupart du temps et interfèrent avec la vie quotidienne et le travail du patient.
10) Symptômes respiratoires
Sensations de constriction ou de contraction dans la gorge ou la poitrine et respiration soupirante.
0
1
2
3
4
Absents.
Présence peu claire.
Les symptômes respiratoires sont présents, mais le patient est toujours capable de les contrôler.
Le patient a des difficultés occasionnelles pour contrôler les symptômes respiratoires, qui interfèrent donc jusqu'à un certain point avec
sa vie quotidienne et son travail.
Les symptômes respiratoires sont présents la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail du patient.
107
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
11) Symptômes gastro-intestinaux
Cet item couvre les difficultés à avaler, la sensation de « descente » brusque de l'estomac, la dyspepsie (sensation de brûlant dans l'œsophage ou l'estomac),
les douleurs abdominales mises en relation avec les repas, la sensation d'être « rempli », la nausée, les vomissements, les gargouillements abdominaux et la
diarrhée.
0
1
2
3
4
Absents.
Il n'est pas clair s'il existe une différence avec le vécu habituel.
Un ou plusieurs symptômes gastro-intestinaux sont présents mais le patient peut encore les contrôler.
Le patient a des difficultés occasionnelles à contrôler les symptômes gastro-intestinaux, qui interfèrent donc jusqu'à un certain point
avec sa vie quotidienne et son travail.
Les symptômes gastro-intestinaux sont présents la plupart du temps et interfèrent avec la vie quotidienne et le travail du patient.
12) Symptômes urinaires et génitaux
Cet item inclut des symptômes non lésionnels ou psychiques comme un besoin d'uriner plus fréquent ou plus urgent, des irrégularités du rythme menstruel,
l'anorgasmie, douleurs pendant les rapports (dyspareunie), éjaculation précoce, perte de l'érection.
0
1
2
3
4
Absents.
Il n'est pas clair si présents ou non (ou s'il existe une différence avec le vécu habituel).
Un ou plusieurs symptômes urinaires ou génitaux sont présents mais n'interfèrent pas avec le travail et la vie quotidienne du patient.
Occasionnellement, un ou plusieurs symptômes urinaires ou génitaux sont présents au point d'interférer à un certain degré avec la vie
quotidienne et le travail du patient.
Les symptômes génitaux ou urinaires sont présents la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail
du patient.
13) Autres symptômes du SNA
Cet item inclut la sècheresse buccale, les rougeurs ou la pâleur, les bouffées de transpiration et les vertiges.
0
1
2
3
4
Absents.
Présence peu claire.
Un ou plusieurs symptômes autonomes sont présents, mais n'interfèrent pas avec la vie quotidienne et le travail du patient.
Occasionnellement, un ou plusieurs symptômes autonomes sont présents à un degré tel qu'ils interfèrent jusqu'à un certain point avec
la vie quotidienne et le travail du patient.
Les symptômes sont présents la plupart du temps et interfèrent clairement avec la vie quotidienne et le travail du patient.
14) Comportement pendant l'entretien
Le patient peut paraître tendu, nerveux, agité, inquiet, tremblant, pâle, en hyperventilation ou en sueur, pendant l'entretien. Une estimation globale est faite
sur base de ces observations.
0
1
2
3
4
Le patient n'apparaît pas anxieux.
Il n'est pas clair si le patient est anxieux.
Le patient est modérément anxieux.
Le patient est anxieux de façon marquée.
Le patient est submergé par l'anxiété; par exemple : il tremble de tout son corps
RESULTATS : < 17 : légère
18 – 24 : légère à modérée
25 – 30 : moderée à grave
108
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
BIG FIVE INVENTORY
Vous vous voyez comme quelqu’un qui :
1)
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
2)
3)
Est bavard
A tendance à critiquer les autres
Travaille consciencieusement
Est déprimé, cafardeux
Est créatif, plein d’idées originales
Est réservé
Est serviable et n’est pas égoiste avec les autres
Peut être parfois négligent
Est « relaxe », détendu, gère bien le stress
S’interesse à de nombreux sujets
Est plein d’énergie
Commence facilement à se disputer avec les autres
Est fiable dans son travail
Peut être angoissé
Est ingénieux, une grosse tête
Communique avec beaucoup d’enthousiasme
Est indulgent de nature
A tendance à être désorganisé
Se tourmente beaucoup
A une grande imagination
A tendance à être silencieux
Fait généralement confiance aux autres
A tendance à être paresseux
Est quelqu’un de tempéré, pas facilement troublé
Est inventif
A une forte personnalité, s’exprime avec assurance
Est parfois dédaigneux, méprisant
Persévère jusqu’à ce que sa tache soit finie
Peut être lunatique, d’humeur changeante
Apprécie les activités artistiques et esthétiques
Est quelque fois timide, inhibé
Est prévenant, gentil avec tout le monde
Est efficace dans son travail
Reste calme dans les situations angoissantes
Préfère un travail simple et routinier
Est social, extraverti
Est parfois impoli avec les autres
Fait des projets et les poursuit
Est facilement anxieux
Aime réfléchir et jouer avec des idées
Est peu interessé par tout ce qui est artistique
Aime coopérer avec les autres
Est facilement distrait
A de bonnes connaissances en art, en musique ou en littérature
Cherche des histoires aux autres
1)
2)
3)
4)
5)
Désapprouve fortement
Désapprouve un peu
N’approuve ni ne désapprouve
Approuve un peu
Approuve fortement
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BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
4)
5)
SCID II - EVALUATION DE LA PERSONNALITE
EVITANT
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Avez-vous déjà évité des emplois ou tâches qui impliqueraient d’être en contact avec beaucoup de personnes ?
Evitez-vous de vous impliquer avec d’autres personnes à moins d’être certain(e) qu’elles vous apprécieront ?
Êtes-vous réservé(e) même avec des personnes dont vous êtes proche ?
Craignez-vous souvent d’être critiqué(e) ou rejeté(e) dans des situations sociales ?
Êtes-vous généralement silencieux(se) quand vous rencontrez de nouvelles personnes ?
Vous percevez-vous comme moins bon(ne), moins intelligent(e) ou moins attirant(e) que la plupart des gens ?
Avez-vous peur d’essayer de nouvelles choses ?
DEPENDANT
Avez-vous besoin de recevoir beaucoup de conseils ou d’être rassuré(e) par les autres avant de pouvoir prendre
des décisions concernant la vie quotidienne telles que : comment vous habiller, que demander au restaurant ?
Avez-vous besoin que d’autres personnes assument à votre place les responsabilités dans des domaines
importants de votre vie, tels que les finances, le soin aux enfants, le logement ?
Avez-vous du mal à exprimer votre désaccord avec autrui même lorsque vous pensez qu’ils ont tort ?
Trouvez-vous difficile de commencer des tâches ou de vous y atteler lorsqu’il n’y a personne pour vous aider ?
Vous êtes-vous souvent porté(e) volontaire pour faire des choses désagréables ?
Vous sentez vous habituellement mal à l’aise lorsque vous êtes seul(e) ?
Lorsqu’une relation proche se termine, ressentez-vous que vous avez immédiatement besoin de trouver
quelqu’un qui prenne soin de vous ?
Êtes-vous très préoccupé(e) par la crainte d’être abandonné(e) à vous-même ?
OBSESSIONEL-COMPULSIF
Êtes-vous le genre de personne à être préoccupé(e) par les détails, les règles, l’organisation, à faire des listes et
des plans ?
Avez-vous de la difficulté à terminer un travail tant vous passez de temps à essayer de faire en sorte que les
choses soient parfaites ?
Est-ce que vous ou des proches considérez que vous êtes tellement dévoué(e) à votre travail qu’il ne vous reste
plus de temps à consacrer à vos amis ou vos loisirs ?
Avez-vous des standards très élevés concernant ce qui est bien ou mal ?
Avez-vous du mal à jeter des choses parce qu’elles pourraient être utile ?
Vous est-il difficile de laisser les autres vous donner un coup de main ?
Vous est-il difficile de faire des dépenses pour vous-même et pour les autres même lorsque vous avez assez
d’argent ?
Etes-vous tellement sûr(e) d’avoir raison que ce peuvent dire les autres n’a pas d’importance ?
Vous a-t-on déjà dit que vous étiez têtu(e) ou rigide ?
110
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
PASSIF-AGRESSIF
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Lorsque quelqu’un vous demande de faire quelque chose que vous ne voulez pas faire, dîtes-vous « oui » pour
ensuite travailler lentement ou faire du mauvais travail ?
Souvent, si vous ne voulez pas faire quelque chose, « oubliez-vous » simplement de le faire ?
Avez-vous souvent le sentiment que les autres ne vous comprennent pas, ou n’apprécient pas ce que vous
faites à sa juste valeur ?
Êtes-vous souvent renfrogné(e) ou susceptible de vous disputer ?
Considérez-vous que la plupart de vos patrons, professeurs, superviseurs, médecins ou autres, qui sont censés
savoir ce qu’ils font, ne le savent pas en réalité ?
Pensez-vous souvent qu’il n’est pas juste que les autres aient plus que vous ?
Vous plaignez-vous souvent qu’il vous arrive plus que votre part des choses désagréables ?
Vous arrive-t’il souvent de refuser avec colère de faire ce que les autres veulent et plus tard ne pas vous sentir
bien et vous excuser ?
DEPRESSIF
Avez-vous habituellement le sentiment d’être malheureux(se) ou que la vie n’est pas gaie ?
Avez-vous une mauvaise opinion de vous-même, pensant qu’au fond, vous n’êtes pas à la hauteur ?
Vous dépréciez-vous souvent ?
Pensez-vous continuellement aux mauvaises choses qui vous sont arrivées dans le passé, ou vous inquiétez-vous
des mauvaises choses qui pourraient arriver dans le futur ?
Jugez-vous souvent les autres sévèrement et leur trouvez-vous facilement des défauts ?
Pensez-vous que la plupart des gens sont fondamentalement mauvais ?
Vous attendez-vous presque toujours au pire ?
Vous sentez-vous souvent coupable de choses que vous avez ou n’avez pas faites ?
PARANOÏQUE
Avez-vous souvent besoin d’être vigilant(e) pour empêcher les gens de vous exploiter ou de vous faire du mal ?
Passez-vous beaucoup de temps à vous demander si vous pouuvez faire confiance à vos amis ou aux personnes
avec qui vous travaillez ?
Trouvez-vous qu’il est préférable de ne pas laisser les autres en savoir trop long sur vous du fait qu’ils
pourraient le retourner contre vous ?
Détectez-vous souvent des menaces ou des insultes cachées dans ce que les autres disent ou font ?
Êtes-vous le genre de personne qui garde rancune ou qui met longtemps à pardonner aux personnes qui vous
ont insulté(e) ou dédaigné(e) ?
Y-a-t’il beaucoup de personnes à qui vous pouvez pardonner de vous avoir dit ou fait quelque chose il y a
longtemps ?
Vous mettez-vous souvent en colère ou vous fachez-vous lorsque quelqu’un vous critique ou vous insulte d’une
façon ou d’une autre ?
Avez-vous souvent mis en doute la fidélité de votre conjoint(e) ou de votre partenaire ?
SCHIZOTYPIQUE
Lorsque vous êtes en public et que vous voyez des gens discuter, avez-vous l’impression qu’ils parlent de vous ?
111
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Avez-vous souvent l’impression que des choses qui n’ont pas de signification spéciale pour la plupart des gens
sont en réalité destinées à vous transmettre un message ?
Quand vous êtes entouré(e) de personne, avez-vous souvent l’impression d’être observé(e) ou dévisagé(e) ?
Avez-vous déjà eu l’impression que vous pouviez faire arriver les choses simplement en faisant un vœu ou en
passant à elles ?
Avez-vous déjà vécu des expériences surnaturelles ?
Croyez-vous posséder un sixième sens qui vous permez de savoir et de prédire les choses alors que les autres en
sont incapables ?
Avez-vous souvent l’impression que des objets ou des ombres sont des personnes ou des animaux réels ou que
des bruits sont réellement des voix humaines ?
Avez-vous le sentiment qu’une personne ou une force quelconque vous entourrait , même si vous ne pouviez
voir personne ?
Voyez-vous des auras ou des champs d’énergie autour des gens ?
Y-a-t’il très peu de personnes dont vous vous sentiez vraiment proche en dehors de famille directe ?
Vous sentez-vous souvent tendu(e) lorsque vous êtes avec d’autres personnes ?
SCHIZOÏDE
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Cela n’est-il vraiment pas important pour vous d’avoir des rélations intimes avec les autres ?
Préféreriez-vous, presque toujours, faire les choses seul(e) plutôt qu’avec d’autres personnes ?
Pourriez-vous être satisfait(e) sans jamais vivre une relation sexuelle avec quelqu’un ?
N’y-a-t’il vraiment que très peu de choses qui peuvent vous faire plaisir ?
Êtes-vous totalement indifférent(e) à ce que les autres pensent de vous ?
Trouvez-vous que rien ne vous rend ni vraiment heureux(se) ni vraiment triste ?
HISTRIONIQUE
Aimez-vous être le centre de l’attention ?
Avez-vous de nombreux flirts ?
Vous trouvez-vous souvent provocant(e) envers les autres ?
Essayez-vous d’attirer l’attention sur vous par la façon dont vous vous habillez ou par votre apparence ?
Vous faites vous souvent un devoir d’être théatral(e) et original(e) ?
Changez-vous souvent d’opinion en fonction des personnes avec qui vous êtes ou de ce que vous venez juste de
lire ou de voir à la télévision ?
Avez-vous beaucoup d’amis dont vous êtes très proche ?
NARCISSIQUE
Est-ce que les autres négligent souvent d’apprécier vos dons très particuliers ou vos réalisations ?
Vous a-t’on déjà dit que vous avez une trop haute opinion de vous-même ?
Pensez-vous beaucoup au pouvoir, à la renommée ou à la reconnaissance qui seront vôtres un jour ?
Pensez-vous beaucoup à la parfait histoire d’amour que vous vivrez un jour ?
Lorsque vous avez un problème, insistez vouspresque toujours pour voir la personne la plus haut placée ?
Considérez-vous qu’il est important de consacrer du temps à des personnes qui se distinguent par leur
particularité ou qui sont influentes ?
112
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Est-il très important pour vous que les gens vous prêtent attention ou vous admirent, d’une façon ou d’une
autre ?
Pensez-vous qu’il est inutile de suivre certaines règles ou conventions sociales lorsqu’elles se mettent en travers
de votre chemin ?
Avez-vous le sentiment que vous êtes le genre de personne qui mérite un traitement de faveur ?
Trouvez-vous souvent nécessaire d’utiliser les autres pour obtenir ce que vous voulez ?
Devez-vous souvent placer vos désirs au dessus de ceux des autres ?
Attendez-vous souvent des autres qu’ils fassent ce que vous demandez sans poser de questions, parce que c’est
vous ?
N’avez-vous réellement aucun intérêt pour les problèmes des autres ou leurs sentiments ?
Les autres se sont-ils plaints à vous que vous ne faites pas attention à leurs sentiments ?
Enviez-vous souvent les autres ?
Avez-vous souvent le sentiment que les autres vous envient ?
Trouvez-vous qu’il y a très peu de gens qui méritent votre temps et votre attention ?
BORDERLINE
Oui
Non
NA
Oui
Non
NA
Vous-êtes vous souvent mis hors de vous à l’idée qu’une personne que vous appréciez réellement était sur le
point de vous quitter ?
Est-ce que vos relations avec les personnes que vous aimez vraiment connaissent beaucoup de hauts et de bas ?
Avez-vous brutalement changé votre façon de vous considérer et vos objectofs de vie ?
Est-ce que l’image de vous-même change souvent radicalement ?
Variez-vous en fonction des personnes différentes ou dans des situations différentes à tel point que parfois, vous
ne savez plus qui vous êtes vraiment ?
Y a-t’il eu beaucoup de changements soudains dans vos objectifs, projets de carrière, vos convictions
religieuses, etc. ?
Avez-vous souvent fait des choses de manière impulsive ?
Avez-vous tenté de vous faire du mal ou de vous suicider ou avez-vous menacé de le faire ?
Vous êtes-vous déjà intentionnellement coupé(e), brûlé(e) ou écorché(e) ?
Avez-vous de nombreux et brusques changements d’humeur ?
Vous sentez-vous souvent vide de l’intérieur ?
Avez-vous souvent des accès de colère ou vous mettez-vous tellement en colère que vous en perdez le contrôle
de vous-même ?
Frappez-vous les gens ou jetez-vous des objets lorsque vous vous metez en colère ?
Est-ce que même de petites choses peuvent vous mettre très en colère ?
Lorsque vous êtes très stressé(e), devenez-vous suspicieux(se) à l’égard des autres ou vous sentez-vous
particulièrement déconnecté(e) ?
ANTISOCIAL
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous brutalisé ou menacé d’autres enfants ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous déclenché des bagarres ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous blessé ou menacé quelqu’un avec une arme telle qu’une batte, une brique,
une bouteille cassée, un couteau ou une arme à feu ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous délibérément torturé quelqu’un ou infligé une douleur physique ou de la
souffrance à quelqu’un ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous intentionnellement torturé ou blessé un animal ?
113
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous volé, agressé quelqu’un ou obtenu quelque chose de force en menaçant la
personne ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous obligé quelqu’un à avoir des rapports sexuels avec vous, à se déshabiller
devant vous ou à vous toucher sexuellement ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous déclenché des incendies ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous délibérément endommagé des choses qui n’étaient pas à vous ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous cambriolé des maisons, d’autres bâtiments ou des voitures ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous beaucoup menti ou escroqué les autres ?
Avant l’âge de 15 ans, avez-vous parfois volé des choses ou volé à l’étalage ou imité la signature de quelqu’un ?
Avant l’âge de 15 ans, vous êtes-vous enfui(e) de chez vous et absenté(e) pendant la nuit ?
Avant l’âge de 13 ans, restiez-vous souvent très tard dehors, bien après l’heure à laquelle vous étiez censé(e)
être rentré(e) ?
Avant l’âge de 13 ans, avez-vous souvent fait l’école buissonnière ?
Et maintenant, à partir de l’âge de 15 ans
Avez-vous fait des choses, qui étaient contre la loi – même si vous n’avez pas été attrapé -, comme voler,
consommer ou vendre de la drogue, signer de faux chèques, etc. ?
Trouvez-vous que vous êtes souvent obligé(e) de mentir pour avoir ce que vous voulez ?
Faites-vous souvent les choses sur un coup de tête sans vous soucier des conséquences pour vous ou les autres ?
Y a-t’il eu une période où vous n’aviez pas de domicile fixe ?
Après l’âge de 15 ans, avez-vous participé à des bagarres ?
Avez-vous déjà conduit une voiture en état d’ivresse ou sous l’emprise d’une drogue ?
Durant ces 5 dernières années, pendant combien de temps avez-vous été sans travail ?
Si a reconnu des actions antisociales comme un adulte : que ressentez-vous à propos de (LISTE DES
ACTIONS ANTISOCIALES) ?
SCORE GLOBAL DE LA SCID II :
Les numéros grisés indiquent le seuil nécessaire au diagnostic.
Evitant
Dépendant
Obsessif-compulsif
Passif-agressif
Dépressif
Paranoïque
Schizotypique
Schizoïde
Histrionique
Narcissique
Borderline
Antisocial
Non spécifié autrement
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
2
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
3
4
4
4
4
4
4
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4
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4
4
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
5
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
6
7
7
7
7
7
7
7
7
7
7
7
7
8
8
8
9
8
8
8
9
9
9
DIAGNOSTIC PRINCIPAL AXE II :
(c’est-à-dire, le Trouble de la Personnalité qui est ou qui devrait être le principal centre d’intérêt clinique).
114
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
ANNEXE III : Auto-questionnaire du groupe-témoin
Ce questionnaire est anonyme. Veuillez-le remplir lisiblement et le plus précisément possible,
puis le rapporter en main propre au médecin qui vous l’a confié.
Nous vous remercions par avance pour votre aimable participation.
DATE DE NAISSANCE : ____/____/________
SEXE : féminin / masculin
ETES-VOUS ? :
Veuf (ve)
Célibataire
Marié(e)
En concubinage
Séparé(e) /divorcé(e)
OUI
NON
OUI
NON
VIVEZ-VOUS ? :
En institution
A domicile
Seul
Accompagné(e)
OUI
NON
QUEL EST VOTRE NIVEAU D’ETUDES ?
Vous n’avez jamais fait d’études
Vous avez le certificat d’études
Vous avez arrêté avant le BAC
Vous avez arrêté après le BAC
Vous avez fait des études après le BAC
OUI
NON
Avez-vous des enfants ?
Si oui, les rencontrez-vous régulièrement ?
êtes-vous en conflit ?
STATUT PROFESSIONNEL :
Quels ont été vos exercices professionnels ?........................................................................................................
Quelle a été la durée totale de votre exercice professionnel ? …………………………………………………
Quelle est la cause de votre cessation d’activité professionnelle ? (Entourez la bonne réponse ci-dessous)
Chômage / Maladie ou invalidité / Raison personnelle / Retraite
AVEZ-VOUS LES ANTECEDENTS PSYCHIATRIQUES SUIVANTS ?
Dépression
Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive
Trouble anxieux
Tentative de suicide
Addiction à l’alcool, à des drogues
Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie
Hospitalisations en psychiatrie
OUI
NON
ETES-VOUS ? :
Sourd ou malentendant
Aveugle ou malvoyant
Atteint d’un handicap physique
OUI
NON
115
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Atteint de douleurs physiques
MARCHEZ-VOUS ? :
Sans difficulté
Avec une aide, de type canne ou déambulateur
Pas du tout
OUI
NON
OUI
NON
SUR LE PLAN PROFESSIONNEL ET SOCIAL, AVEZ-VOUS ETE
CONFRONTE A ?
Une période de chômage
Un licenciement
Des conflits professionnels
Des problèmes financiers
Une mise à la retraite difficile
De graves conflits avec l’entourage ou le voisinage
OUI
NON
SUR LE PLAN PERSONNEL, AVEZ-VOUS ETE CONFRONTE A ?
Un temps de séparation avec vos parents dans l’enfance, de type foyer, pension…
Le divorce de vos parents ou une relation de discorde
Le décès d’un de vos parents durant votre enfance
Une maladie grave dans l’enfance
Une guerre
Un accident
Pour les femmes : des fausses-couches, des morts in utero, des avortements
Des maltraitances physiques, psychologiques ou sexuelles
OUI
NON
DANS VOTRE FAMILLE, Y’A-T-IL DES ANTECEDENTS DE ?
Dépression
Maladie bipolaire ou psychose maniaco-dépressive
Trouble anxieux
Tentative de suicide
Addiction à l’alcool, à des drogues
Troubles du comportement alimentaire de type anorexie mentale ou boulimie
Hospitalisations en psychiatrie
Schizophrénie ou état délirant
Suicides
Démence ou maladie d’Alzheimer
Troubles psychiatriques non déterminés
Y A-T-IL DES EVENEMENTS QUI VOUS PARAISSENT IMPORTANTS, AUXQUELS VOUS
AVEZ ETE CONFRONTE CES DERNIERES ANNEES ? :
1
3
CONSIDEREZ-VOUS QUE VOUS ETES-ACTUELLEMENT BIEN ENTOURE ?
1
3
DECRIVEZ SIMPLEMENT VOS TRAITS DE CARACTERE, VOTRE PERSONNALITE
1
3
RECOPIEZ LES TRAITEMENTS DE VOTRE ORDONNANCE ACTUELLE :
1
3
116
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
BIG FIVE INVENTORY
Vous vous voyez comme quelqu’un qui :
(cochez la case correspondante)
Absolument
pas
d’accord
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
Pas
d’accord
Ne sait
pas
Un peu
d’accord
Totalement
d’accord
Est bavard
A tendance à critiquer les autres
Travaille consciencieusement
Est déprimé, cafardeux
Est créatif, plein d’idées originales
Est réservé
Est serviable et n’est pas égoiste avec les autres
Peut être parfois négligent
Est « relaxe », détendu, gère bien le stress
S’interesse à de nombreux sujets
Est plein d’énergie
Commence facilement à se disputer avec les
autres
Est fiable dans son travail
Peut être angoissé
Est ingénieux, une grosse tête
Communique avec beaucoup d’enthousiasme
Est indulgent de nature
A tendance à être désorganisé
Se tourmente beaucoup
A une grande imagination
A tendance à être silencieux
Fait généralement confiance aux autres
A tendance à être paresseux
Est quelqu’un de tempéré, pas facilement
troublé
Est inventif
A une forte personnalité, s’exprime avec
assurance
Est parfois dédaigneux, méprisant
Persévère jusqu’à ce que sa tache soit finie
Peut être lunatique, d’humeur changeante
Apprécie les activités artistiques et esthétiques
Est quelque fois timide, inhibé
Est prévenant, gentil avec tout le monde
Est efficace dans son travail
Reste calme dans les situations angoissantes
Préfère un travail simple et routinier
Est social, extraverti
Est parfois impoli avec les autres
Fait des projets et les poursuit
Est facilement anxieux
Aime réfléchir et jouer avec des idées
Est peu interessé par tout ce qui est artistique
Aime coopérer avec les autres
Est facilement distrait
A de bonnes connaissances en art, en musique
ou en littérature
Cherche des histoires aux autres
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BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Biancolli Nina : La décompensation délirante inaugurale du sujet âgé :
influence de la personnalité et impact des événements de vie.
A partir d’une étude cas/témoins.
131 pages, 2 illustrations, 13 tableaux
Th. Méd : Lyon 2015 n°
RESUME : Le délire de l’âgé est relativement fréquent, puisque l’on considère qu’un sujet sur
dix vivra une expérience délirante tardive. A travers une revue de la littérature, puis à partir
d’une étude cas-témoins, nous avons donc tenté de mettre en évidence les différents facteurs de
risque pouvant précipiter cette potentialité délirante. Nos résultats ont permis d’objectiver la présence
d’un terrain prédisposant et d’un contexte gériatrique spécifique. Ces sujets présentaient des traits
de personnalité particuliers venant colorer la réaction délirante, et notamment un haut niveau de
Névrosisme. La conjonction de facteurs de stress environnementaux entrait également en jeu. En
effet, les événements de vie dans l’enfance, tels que les carences affectives ou les séparations
précoces, pourraient représenter un impact vulnérabilisant à long terme. Les événements de vie
traumatiques tardifs, réactivant des deuils antérieurs non élaborés, viendraient alors révéler l’état
de crise. Enfin, une réflexion psychopathologique a permis de resituer le délire de l’âgé dans la
perspective existentielle de la vieillesse, de ses contraintes et de ses enjeux, en tant que modalité
adaptative, voire antidépressive.
MOTS CLES : délire, sujet âgé, facteurs de risque, personnalité, Névrosisme,
environnement, psychopathologie, vieillesse, adaptation.
JURY :
Président : Monsieur le Professeur D’AMATO
Membres : Monsieur le Professeur POULET
Monsieur le Professeur KROLAK-SALMON
Madame le Docteur DIBIE-RACOUPEAU
Monsieur le Docteur DOREY
DATE DE SOUTENANCE : 27 mai 2015
Adresse de l’auteur : 30 rue Servient, 69003 LYON
Email : [email protected]
BIANCOLLI
(CC BY-NC-ND 2.0)
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