L a responsabilité est une donnée philosophique de l`être conscient

L
a responsabilité est une donnée philosophique de l'être conscient de ses actes. Sans
conscience, pas de responsabilité. Prendre ses responsabilités, c'est assumer ses actes et les
répercussions négatives qui pourraient en résulter tant d'un point de vue individuel que
collectif. La responsabilité est donc une question d'éthique et de droit pour tout chef d'entreprise,
avant même d'envisager l'impact c'conomique, médiatique et financier de certaines décisions.
L'exposé sur la responsabilité pourrait demeurer strictement philosopl-iique. Toutefois, dans un
cadre économique mondialisé le droit des affaires (international, pénal, social, etc.) se
développe, la notion de responsabilité juridique est omniprésente et en constante évolution. Du
remords, responsabilité morale,
à
la responsabilité juridique proprement dite (légale ou
conventionnelle), c'est le premier pas vers un mode de réparation possible, prévu dans chaque
civilisation.
Si morale, éthique et droit sont des champs de réflexion
souvent imbriqués, l'autonomie du domaine juridique est
bien réelle, quant aux objectifs visés et surtout quant aux
moyens mis en œuvre pour les réaliser.
Dans le domaine de la responsabilité sociale des
entreprises, la démarche est originellement liée
à
la morale
individuelle du ou des dirigeants
;
mais la contractualisation
voire la codification de la démarche est par essence
juridique et les conséquences des choix éthiques, des
activités organisationnelles, des pratiques d'entreprises
relèvent également de la responsabilité juridique.
La responsabilité juridique peut être
à
la fois individuelle et
collective. Elle change aussi de nature en fonction du
degré de gravité de la faute selon que les intérêts pris en
considération sont privés ou publics
;
responsabilité civile
délictuelle ou contractuelle coexiste ainsi avec une
responsabilité administrative voire pénale.
Responsabilité pour faute, responsabilité sans faute avec
le développement des assurances corrélatives, respon-
sabilité solidaire et mythe de I'Etat-providence, il faut
maintenant couvrir tous les risques ou encore mieux,
tendre vers le risque zéro, c'est-à-dire assurer la fatalité.
Cette évolution des mentalités n'est pas anodine dans le
cadre de la mondialisation. Chacun répond des actes
d'autrui ou devrait répondre des actes de son prochain,
chaque partie étant indissociable du tout et reliée. La RSE
est nécessairement holistique'.
Qualiiique no21
7
-
Juin
201
0
Chaque acteur n'est plus considéré dans son individualité
mais comme un partenaire au sein d'un monde en
interaction
;
l'impact de ses activités est examiné dans son
ensemble pour répondre d'une responsabilité sociétale.
Signe, symbole, discours sans idée, la question est
ouverte car la responsabilité sociale de I'entreprise au
sens juridique n'existe pas ou pas encore. N'est-ce que
l'application d'un principe
à
valeur constitutionnellez dont il
résulte que tout fait quelconque de l'homme qui cause
à
autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est
arrivé
a
le réparer
?
Droit fort, légitime et universellement
reconnu, son application au niveau des entreprises
s'avère paradoxalement délicate, voire impossible parfois,
mais incontournable.
C'est la traduction de l'expression américaine
Corporate
Social Responsability,
tout en notant que le terme
«
social
,,
anglo-saxon englobe non seulement les
relations employeurs/salariés, telles que nous les
entendons en droit du travail français, mais également
toute relation professionnelle ou tout lien avec un
partenaire de la société civile dans le cadre de l'activité
exercée. Nous retiendrons la traduction de
((
respon-
sabilité sociétale
,,
plus adaptée au contexte juridique
étudié même si le champ de recherche est alors vaste car
hétéroclite quant au domaine d'application selon les
parties prenantes. Cette conception rejoint la définition
donnée de la RSE3 dans le Livre Vert de la Commission
européenne qui s'inscrit dans le cadre plus global du
développement durable.
Seul le raisonnement en matiere de responsabilité devient
alors l'angle d'approche juridique exploré. Soit le droit de
la responsabilité classique absorbe cette nouvelle famille
de responsabilité, sans spécificité aucune, soit la RSE
emprunte
à
diverses branches du droit les éléments se
rapportant
a
un corpus de règles pour bâtir autour d'un
concept nouveau une théorie originale du droit de la
responsabilité en entreprise.
La seconde solution semble émerger avec la prolifération
de conventions internationales laissées
à
l'état de belles
déclarations de principe ou,
à
telle enseigne, que le
législateur français lui-même ordonne un certain nombre
de prescriptions qui ne sont plus assorties de sanctions.
Un OJNl (objet juridique non identifié) est né. Ainsi en est-
il de l'obligation d'établir dans le rapport annuel de gestion
un état des efforts entrepris et des résultats obtenus, en
fonction de critères fixés pas décret, sur le développement
durable, ou des futures lignes directrices sur la respon-
sabilité sociétale des organisations ISO
26000
dont le
statut
<c
hors normes
~3
suscite de nombreuses interro-
gations.
Mythe ou mystification juridique pour masquer un simple
avantage concurrentiel, une option marketing ou bien
encore un produit de luxe
?
La RSE pourrait-elle devenir
une nouvelle technique de gestion voire de commu-
nication
?
Ou ne serait-elle qu'une tentative de déculpa-
bilisation après avoir pollué, gaspillé, et utilisé des enfants
comme travailleurs clandestins
?
Parce que les entreprises occidentales ont le choix, un
espace de liberté, la RSE demeure une option, non une
véritable obligation. Qui (victime, personne morale, ONG,
tribunal, partie prenante,
...)
peut en effet sanctionner une
multinationale qui se contente de promettre de construire
une école au Togo contre l'exploitation de phosphates
dont on ignore oh se situe son siège social réel, et dont on
ne connaît pas la nationalité
?
Ou réside l'obligation
?
Dans quel contrat, code ou cadre s'est-elle inscrite
?
Qui
sont les tiers
à
qui l'on peut l'opposer, ou s'arrête l'effet
relatif de cet engagement unilatéral ou multilatéral?
Quelles sont les parties prenantes
?
Quelles sont les
personnes responsables
?
Et devant quel juge
?
En
définitive, quelle est la sanction éventuelle
?
Pour autant, face
à
ces nouveaux défis, certains ont choisi
d'anticiper pour protéger les générations futures, et pas
seulement pour esquiver un risque contentieux. La voie de
la recherche (investissements avec crédits d'impôt)
corroborée par la contractualisation est de loin la voie la
plus prisée même si le cadre juridique se développe
parallèlement, parfois plus contraignant que ses prédé-
cesseurs.
La prolifération de textes, internes, internationaux ou
communautaires sur les risques, les responsabilités, les
modes de réparation, les obligations d'assurance pour les
entreprises, laissent
à
penser que la RSE est maintenant
sur des rails. Elle n'en porte pas toujours le nom, le titre
mais l'idée est plus qu'en germe. La rhétorique est
dépassée. Les champs d'application de la responsabilité
se sont donc
à
la fois étendus et diversifiés au point de se
confondre. Cette extension sans précédent a dilué le
fondement même de chaque forme de responsabilité.
Le débat sur la RSE porte avant tout sur la notion de
responsabilité. Mais il renvoie également au débat sur la
nature de I'entreprise, institution sociale, société-contrat
ou personne morale. Que l'éthique individuelle ait été
transposée
à
I'entreprise n'est pas en soi un obstacle
à
une appréhension par le droit du concept de RSE, car
l'essor de la responsabilité du fait d'autrui, la collecti-
visation des risques et le développement parallèle des
systèmes d'indemnisation répondent
à
cette logique
globale des intérëts croisés rencontrés dans toute
entreprise.
Le système juridique du droit de la responsabilité sociale
des entreprises est-il pour autant différent dans son
fondement du droit de la responsabilité individuelle
?
Assiste-t-on
à
l'émergence d'un droit nouveau fondé sur la
légitimité des actes dont on doit répondre plus que d'une
responsabilité issue d'une violation de la légalité
?
La RSE
est-elle originale par sa subjectivité ou son objectivité
?
L'exercice d'un droit subjectif ou d'une liberté individuelle
reconnue par la loi est-il compatible avec la mise en cause
d'une responsabilité du fait de la mise en œuvre de ce
droit ou de cette liberté
?
II existe deux écoles. L'une traditionnelle qui considère le
Code du travail, les conventions et accords collectifs
comme la source de toute prescription en matiere
d'obligations ou de droit dans I'entreprise salariée, l'autre,
plus récente, qui privilégie une conception plus large
:
le
droit ne serait qu'une conséquence d'une volonté
politique, d'une philosophie des Droits de l'Homme
Qualitique
n021
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2010
partagée. Ces modes d'expression seraient divers
:
déclarations, conventions internationales, contrats de droit
privé, codes de conduite ou de déontologie, incitations,
...
On débouche sur un paradoxe lié
à
l'opposition classique
entre le savant et le politique4. La science imposerait la
RSE comme indispensable
à
la survie de l'humanité. Le
politique, déchiré entre l'éthique de la conviction et de la
responsabilité ne se situe plus dans un cadre scientifique,
mais indispensable dans cette volonté anticipatrice de
créer de nouveaux chefs de responsabilité au nom des
Droits de l'Homme. Le droit qui en résulte est aussi flou,
complexe, contradictoire, souple ou excessif selon l'éthique
à
laquelle il répondrait. Sa rigueur n'est pour l'instant guère
scientifique tant il est embryonnaire. Longtemps, la
recherche du bien commun absorbait la notion d'intérêt
général. Aujourd'hui, on subodore que I'intérêt général
n'est pas uniquement la somme des intérêts particuliers5.
Mais on a acquis la certitude également,
A
travers le Pacte
Mondial de 1999, que I'intérêt général ou la répartition plus
juste des biens communs mondiaux (nouvelle théorie des
Nations Unies) ne pouvait être atteint sans l'implication des
entreprises privées.
La RSE prend corps dès lors que I'entreprise répond
personnellement de ses actes
0.
A tout le moins, sans devenir une discipline juridique
nouvelle, la RSE étend considérablement le champ de la
responsabilité collective
O.
@
L'entreprise est une personne responsable
de nouvelles missions sociétales
tes entreprises ont, pour beaucoup, la personnalité
morale. Elles sont considérées parfois comme des
citoyens ou des ressortissants de la communauté
européenne (art. 17-1 du traité de Rome) tributaires de
droits et de devoirs et la Cour européenne des Droits de
I'Homme les considèrent même titulaires de droits de
l'Homme. Fiction ou réalité, le débat sur la notion de
<<
société personne morale
P
est ancien
:
il n'est pas clos.
Selon la conception retenue, les nouveaux rôles assignés
à
I'entreprise prennent tout leur sens. Mais quelle force
contraignante ont les nouvelles responsabilités qui pèsent
sur elle
?
0-1
La
personnalité
cr
morale
,,
de I'entreprise
:
fiction ou réalité
?
Depuis une jurisprudence célèbre de 1954, la théorie de la
réalité s'imposerait
:
la personne morale s'effacerait alors
derrière la personne des dirigeants, le contrat étant la
seule source de droit donc de responsabilité. Pour autant,
la réforme sur les sociétés commerciales de 1966 et la loi
NRE (nouvelles régulations économiques) de 2001
consacrent ou renforcent la thèse de la fiction
:
I'entreprise
personne morale par I'immatriculation au RCS doit
répondre de ses actes personnellement.
La réalité n'a de sens que dès lors que l'abstraction de la
personne morale est compatible avec l'existence de ses
droits ou ses devoirs. Or, I'entreprise est soumise
à
la loi,
elle a une forme d'autonomie
;
si elle n'est pas porteuse
d'une dignité comme l'être humain, elle n'en demeure pas
moins soumise au principe d'égalité, d'obligations
(nationalité, siège social,
...)
et, en particuIier, environ-
nementales. Elle a souvent, notamment pour les
multinationales, un rôle politique via le lobbying. Est-ce un
intérêt social
?
0-1-1
Personne morale et réalité de I'intérêt social
Avec sa propre personnalité, I'entreprise peut avoir une
conception de sa responsabilité sociale et des missions
que la société au sens large lui confère. Ce n'est donc
plus une simple coalition d'acteurs (actionnaires ou
dirigeants) ayant leurs objectifs propres, selon l'approche
behavioriste ou le rapprochement d'intérêts antagonistes
ou communs (théorie du contrat social de Rousseau,
patrimoine d'affectation de Champaud) qui ne repré-
sentent que la somme d'intérêts individuels sans faire
naître l'expression d'une volonté générale transcendante.
L'intérêt social voire I'intérêt collectif selon la RSE implique
une vision différente de I'entreprise, une volonté et des
actes en conséquence personnels
à
I'entreprise dont elle
doit répondre en tant que telle. Au nom de la RSE, la
fermeture d'un établissement cause des licenciements ce
qui est antisocial par définition. Le droit du travail en
France est d'ordre public
:
il prévaut sur bien d'autres
branches du droit. te nombre d'incriminations en droit
social n'a fait que croître ces dernières années. Ce sont
Qualilique n02
17
-
Juin
2010
les principales infractions que les chefs d'entreprises
redoutent.
Mais la sensibilité est différente en France et aux Etats-
Unis sur cette notion de responsabilité sociale voire
sociétale. L'équilibre est subtil
:
l'intérêt général
(règlementation pénale) supplante les intérêts privés
(législation civile ou liberté contractuelle). Parfois ils se
confondent. La loi Sarbanne-Oxley de 2002 est l'exemple
topique de la difficulté de placer le curseur pour protéger
les intérêts les plus fondamentaux au nom de la RSE.
L'actionnariat retrouve ainsi sa place originelle de décideur
ou de pourfendeur des illicéités dans les rapports de
gestion parce que seuls les fonds de pension assurent aux
Etats-Unis les retraites. Tricher avec l'actionnariat, c'est
faire prendre le risque
à
toute la population qui n'est plus
en activité de perdre toute source de revenus. Mais qui
certifiera les comptes
?
Qui acceptera d'être responsable
de fautes commises par le client
à
l'insu du commissaire
aux comptes
?
Utopie ou réaction saine après les
nombreux scandales financiers de grands groupes
mondiaux
?
La loi
cc
sécurité financière
,>
en France soulève les
mêmes problématiques. Toutefois le cœur de la RSE est
différent
:
la SOX recherche une plus grande
transparence, empreinte du réalisme de la Common Law,
le droit français vise de recouvrer la confiance, préalable
nécessaire, mais ô combien difficile
à
mettre en œuvre
juridiquement.
0-1-2
Personne morale et réalité de la peine
C'est l'esprit qui a présidé
à
la naissance de la
personnalité morale et surtout
à
la responsabilité pénale
des personnes morales dont le champ a été étendu
à
toutes les infractions en mars 2004 par la loi Perben II, qui
permet de comprendre cette tendance
à
l'accroissement
des revendications sociales en matière de sanction.
Les résistances ont été nombreuses car la personne
morale ne peut subir ni interrogatoire ni peine d'empri-
sonnement. Le droit américain, plus pragmatique, préfère
adopter une responsabilité de type civil avec un montant
des amendes dissuasif pour la personne morale et une
responsabilité pénale individuelle pour le chef d'entre-
prise
;
les dirigeants collectivement plient de ce fait. Les
solutions procédurales sont souvent hybrides. Le
justiciable français a en outre l'opportunité de porter
plainte contre la personne morale et les dirigeants ou bien
soit l'un, soit l'autre. Ses chances de succès sont plus
importantes, selon la pérennité de I'entreprise ou le risque
d'instabilité managériale. Mais l'assurance est admise
pour les managers en matière pénale aux Etats-Unis
:
cette solution choque moralement en France.
Le développement des responsabilités pénales est
manifeste dans le but de réhabiliter l'idée de châtiment.
L'unité de la faute civile et pénale laisse place
à
une
dichotomie quant aux moyens et
à
la fonction de la
responsabilité. La punition a vocation
à
l'exemplarité
:
elle
est en soi porteuse d'un message moralisateur. C'est ainsi
que sont perçues les infractions environnementales et la
notion de dommage écologique.
A
défaut de sujet
personnifié (la nature n'étant pas une personne victime), le
coupable est désigné. Dans l'affaire Erika récente,
I'entreprise Total s'est défendue sur le thème
CC
je suis
solvable, mais pas coupable
t>
variante du tristement
célèbre plaidoyer des politiques dans l'affaire du sang
contaminé
:
.je suis responsable mais pas coupable
M..
.
II en est de même sur le plan civil lorsque le montant des
dommages et intérêts fixés peut n'être supporté que par
I'entreprise personne morale, compte tenu de ses
ressources propres, la réparation par le responsable
personne physique étant de fait illusoire dans bon nombre
de circonstances.
La
société civile réclamait un payeur. La
jurisprudence française est de ce fait très stricte dans les
conditions d'admission de l'abus de fonction (droit privé)
ou de la faute purement personnelle, dénuée de tout lien
avec le service (droit administratif).
La logique se comprend alors aisément. L'objectif est alors
l'indemnisation des victimes par I'entreprise ou I'Etat (et
ses démembrements) considérés comme plus solvables
que le salarié ou le fonctionnaire responsable. L'efficience
de la réparation pour les parties victimes dépend de cette
conception large de la responsabilité sans faute de la
personne morale.
Un florilège de textes a alors obligé les entreprises
à
s'assurer pour couvrir tout risque d'exploitation, même le
plus improbable. Ce système
<<
assurantiel
).
lié
à
une
véritable idéologie de réparationG, éloigne cependant de la
RSE car il secrète plus de méthodes de compensation que
de réelle prévention. Le calcul stratégique s'arrête parfois
aux moyens d'éluder les frais de procès, alors que le
risque contentieux ne constitue pas l'essentiel de la RSE
dans sa dimension positive, constructive pour les
générations futures. Une véritable dérive s'est instaurée
:
le judiciaire a pris le pas sur le juridique, la légalité sur la
légitimité, la précaution sur la prévention.
De plus, des limites certaines
à
ces nouvelles respon-
sabilités apparaissent dès lors que le contour de la
mission de I'entreprise est mal défini.
0-2
Les nouvelles missions sociétales de I'entreprise
génératrices de responsabilité limitée ou illimitée
?
Quelle que soit sa liberté, sa volonté de maîtrise ou sa soif
d'enrichissement, l'être humain doit répondre de ses
actions dans une société donnée
:
c'est le respect d'autrui.
Les personnes morales
à
l'instar des personnes
physiques ont une mission citoyenne7. Mais la question
reste ouverte de savoir si la RSE crée
à
proprement parler
de nouvelles responsabilités d'ordre juridique et quel
serait le périmètre de ces responsabilités
?
0-2-1
Textes très contraignants
:
responsabilité illimitée ou irresponsabilité de fait
?
La force contraignante des textes est posée ouvertement.
Parfois I'entreprise personne morale dans le cadre de la
RSE est soumise
a
de nouvelles obligations encore non
assorties de sanctions. L'article
11
6
de la NRE fixe ainsi
Qualilique
n02
17
-
Juin
2070
un cadre législatif pour des entreprises cotées sans
prévoir les responsabilités en cas d'atteinte au
développement durable ou tout simplement les moyens de
vérifier les promesses faites par les entreprises en la
matière. La responsabilité est alors tout
à
fait limitée pour
ne pas dire absente
:
ce sont encore les exigences
actionnariales qui servent de baromètre.
Les agences de notation sociétale qui donnent, sur
demande des investisseurs voire des émetteurs de
valeurs mobilières, ou
à
leur propre initiative, une analyse
c(
extra-financière
,'
de I'entreprise prennent le relais sans
relever expressément d'un systeme totalement indé-
pendant ou pour le moins concurrentiel.
La performance globale est mesurée dans une parfaite
subjectivité. Soumises
à
l'obligation de rendre un rapport
à
I'AMF (Autorité des Marchés Financiers), leur respon-
sabilité est loin d'être aussi lourde que celle des analystes
financiersa
:
la profession n'est pas réglementée et
l'éthique propre
à
chaque agence de rating n'est pas
toujours une garantie. II est moins risqué, de nos jours,
d'être déontologue que commissaire aux comptes
...
l'un
ne relève que d'une responsabilité délictuelle classique,
avec lien de causalité
à.
démontrer, l'autre d'une
responsabilité d'ordre public économique.
A l'inverse, les textes existent parfois avec des sanctions
bien définies mais inapplicables dans les faits ou
inappliquées. Les réglementations sur la protection de
l'environnement ou la contrefaçon restent souvent lettres
mortes faute de preuve ou de pouvoir dénoncer
précisément le coupable dans un délai proche de la
forclusion plus que de la prescription.
Sur quelles bases puisque les concepts de RSE divergent
suivant les systèmes juridiques voire les régimes
politiques
?
Les sanctions voire la responsabilité ne sont pas
prononcées car jugées excessives ou non crédibles dans
un monde où les valeurs identiques partagées n'existent
pas.
Conflit de valeurs ou absence d'un petit dénominateur
commun de valeurs, le résultat est sensiblement le même.
Sont-ce les balbutiements d'un systeme en émergence
à
construire plus rigoureux
?
Ou bien faut-il se contenter de
mesures plus souples
?
0-2-2
Dispositions incitatives ou con tractuelles
:
une responsabilité élastique
?
La parade est parfois trouvée dans l'élaboration de codes
de conduite ou de déontologie pour combler de maniere
unilatérale, négociée ou contractuelle les vides juridiques.
*
Pour l'OCDE, le code de conduite consiste en un
(i
engagement pris volontairement par une société
-01
'
e
ou une organisation d'appliquer certains principes
et normes de comportement
a
la conduite de ses
aux
activités ou operations
,>.
Mais quelle valeur
:
i
.
a
:
'
,
'
.
juridique leur attribuer sachant dans quel carcan
est enfermé le règlement intérieur quant
à
la liste
'
exhaustive des pouvoirs reconnus
à
l'employeur
pour en fixer unilatéralement le contenu (article LI321 -1
S.
du Code du travail)
?
Quel code de conduite élaboré n'engagerait que ceux qui
y
sont soumis sans leur consentement, sans que leurs
rédacteurs ne se sentent concernés
?
Quelle valeur
juridique accorder
à
une nouvelle déontologie dans
I'entreprise, qui ne relève ni du contrat, ni du règlement
intérieur
?
Nouvelle norme ou principe sans valeur sinon
éthique. Deux décisions de justice françaises ont invalidé
des dispositions d'un code de conduite fixant des
sanctions disciplinaires hors cadre du règlement intérieur
qui n'avaient pas été accepté par les partenaires sociaux.
La position de la Cour de cassation est attendue.
D'autres risques sont liés
à
la valeur juridique accordée
à
ces codes éthiques. Acte unilatéral, contrat moral ou
juridique, pouvoir réglementaire ou disciplinaire du chef
d'entreprise
?
La question a été quelquefois tranchée par
les tribunaux français, dans le sens d'une obligation
juridique contractuelle renforcée. Ainsi la charte éthique de
La Centrale des particuliers concernant les annonces
parues et leur contenu énonce très clairement la
responsabilité de cet éditeur au-delà de la simple
formulation
:
il en résulte qu'un véhicule automobile acheté
grâce
à
ce journal doit répondre aux caractéristiques
inscrites dans l'annonce
;
à
défaut, le dommage causé doit
être réparé au regard des documents contractuels insérés
dans le Journal, autrement dit conformément aux
engagements de contrôle pris dans la charte de celui-cig.
La normalisation technique reçoit des critiques analogues
sans que l'aspect juridique soit totalement absent. De
facultatif, les normes deviennent obligatoires par
prescription légale selon les domaines (sécurité,
électricité, marchés publics,
...)
ou communautaires (les
normes CE sont toutes impératives dans I'UE). Les
référentiels de qualité deviennent alors une véritable
source de législation privée institutionnalisée. II est
symptomatique de noter que depuis le décret de 2009, le
délégué interministériel est désormais appelé Rapporteur
public auprès de I'AFNOR. Pourquoi I'entreprise devrait-
elle alors acheter le contenu des normes de référence
a
I'AFNOR
?
II en résulte le schéma suivant
:
plus les missions confiées
à
I'entreprise personne morale (ou non) sont nombreuses,
énumérées de maniere large et souple, avec un rappel
universel des Droits de l'Homme en filigrane, plus les
responsabilités qui vont en découler seront floues voire
indéfinies, autrement dit limitées. La démarche est avant
tout éthique.
En revanche, d'un point de vue juridique, la conception de
la responsabilité pour autrui s'est considérablement
étendue du fait du développement de la RSE.
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