Géographie des impacts de l`euro : le cas des pays ACP

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Médiathèque centrale/Commission européenne
_point de mire
Géographie des impacts de l’euro :
le cas des pays ACP
Depuis le 1er janvier 2002, les pièces et billets euros ont été mis en circulation dans la
zone euro, constituée le 1er janvier 1999. Celle-ci comprend douze des quinze Etats
membres de l’UE (tous à l’exception du Royaume-Uni, du Danemark et de la Suède).
Cette ultime étape de l’intégration monétaire européenne entraîne la disparition
physique de douze monnaies nationales européennes. Les campagnes de sensibilisation
à l'euro fiduciaire se poursuivent au sein de l’UE, mais également et c’est moins connu,
dans des pays tiers. Au nombre de ceux-ci, figurent 77 Etats ACP, partenaires
économiques privilégiés de l’UE. Ces pays en voie de développement sont concernés à
des degrés divers par les impacts liés à la création de la monnaie unique européenne.
En effet, un tiers des pays africains a déjà sa monnaie arrimée à l’euro.
A. Laure Gnassou*
La zone franc
Parmi les Etats de l’UE, la France et le Portugal sont partenaires
de deux accords spéciaux de change, conclus avec seize ACP.
Devenus membres de la zone euro, ces deux Etats européens ont
ainsi maintenu leurs accords de change avec des pays tiers. Ce
maintien a été rendu possible par des décisions du Conseil de l’UE
de 1998. En vigueur depuis le 1er janvier 1999, ces décisions définissent par ailleurs le statut juridique de chaque accord vis-à-vis de
la zone euro.
Créée en 1945, la ZFA est un espace monétaire sans équivalent.
Excepté l’archipel des Comores, les quatorze Etats appartiennent à
deux intégrations sous-régionales :
– l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) réunit
le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali,
le Niger, le Sénégal et le Togo. Ces pays disposent d’une monnaie
commune, le franc de la Communauté financière africaine (FCFA)
émis par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(BCEAO).
janvier-février 2002 le Courrier ACP-UE
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_point de mire
– La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
(CEMAC) rassemble le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée
équatoriale, la république de Centrafrique et le Tchad. Dans ces Etats,
une monnaie commune circule : le franc de la Coopération financière en Afrique (FCFA) émis par la Banque centrale des Etats de
l’Afrique centrale (BEAC).
Concernant l’archipel des Comores, la monnaie ayant cours légal
est le franc comorien (FC) émis par la Banque centrale des Comores
(BCC).
En 2002, la zone franc regroupe autour de la France, les départements et territoires d’outre mer, la principauté de Monaco et quinze
pays africains. Ces derniers constituent la Zone franc africaine (ZFA).
En 2001, la population de la ZFA était de près de 100 millions d’habitants et son PIB n’a représenté que 3 % du PIB de la France.
Le fonctionnement de la ZFA est organisé autour de règles monétaires précises. A ce titre, les monnaies africaines associées (les francs
CFA et le franc comorien) sont fixes par rapport à l’euro [1 EUR =
655,957 FCFA] & [1 EUR = 419,967 FC]. Ces monnaies sont librement
transférables, d’où la possibilité de régler sans restriction des transactions dans la zone franc comme à l'extérieur. De plus, la convertibilité de ces monnaies africaines en euros est garantie par le Trésor français, ce qui signifie que tout avoir libellé en francs CFA ou francs
comoriens peut être changé en euro au taux fixe de la parité sans
limitation de montant. En contrepartie de cette garantie illimitée de
change, chaque banque centrale de la ZFA dépose au moins 65 % de
ses réserves extérieures sur un compte d’opérations ouvert auprès du
Trésor français. En cas de découvert de ces comptes d’opérations,
seul cet organisme français agit en tant que prêteur en dernier ressort
en fournissant son soutien financier.
Outre la zone franc en Afrique, un second accord de change lie le
Cap-Vert au Portugal depuis le 13 mars 1998. Au moyen de cet
accord quadriennal, ce petit Etat bénéficie d’un escudo cap-verdien,
dont la parité est fixe par rapport à l’euro [1 EUR = 110,252 CVE]. Cette
monnaie africaine est transférable et convertible du fait de la garantie
accordée par le Portugal qui a aussi octroyé une ligne de crédit de 50
millions de dollars, à laquelle le Cap-Vert recourt en cas de déséquilibre jugé transitoire de sa balance des paiements.
Médiathèque centrale/Commission européenne
L’euro : d’ores et déjà monnaie de référence pour
seize pays africains
Ces seize Etats ACP constituent ce que l’on peut appeler le
Cercle africain de la zone euro (CAZE), bénéficient d’effets positifs
liés à l’introduction de l’euro, depuis le 1er janvier 1999. La stabilité monétaire est accrue pour les monnaies africaines de ce cercle
et ce en dépit de la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. Cette
stabilité monétaire contribue au développement des échanges
commerciaux de ces pays avec leurs partenaires européens.
L’accroissement de ces échanges, effectué à plus de 50 % avec l’UE,
est aussi favorisé par la réduction des coûts de transactions, ce qui
profite aux opérateurs économiques africains. Ceux-ci disposent d’autres nouvelles opportunités, tel l’accès aux marchés
financiers de la zone euro.
Parallèlement les opérateurs
économiques
européens
peuvent avec plus de sécurité investir sur les marchés
financiers émergents de ces
pays africains, telle la bourse
régionale de valeurs mobilières de l’UEMOA. S’agissant de
l’endettement extérieur de ces Etats
africains, ils procèdent désormais à
une meilleure gestion de leurs
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le Courrier ACP-UE janvier-février 2002
dettes, dont une partie est libellée en euros, en raison de faibles
risques de change.
En contrepartie, ces Etats africains sont astreints à davantage de
rigueur financière. Ils doivent d’une part maintenir la compétitivité
de leurs économies dans le but de favoriser leur insertion progressive dans le commerce mondial et d’autre part respecter une stricte discipline budgétaire. Celle-ci implique le respect de critères de
convergence dans le cadre des mécanismes de surveillance multilatérale que l’UEMOA et la CEMAC ont instauré en application de
leurs traités respectifs.
C’est notamment à ces conditions que ces Etats africains parviendront à préserver, voire à renforcer leurs ancrages monétaires
à l’euro, dont le maintien constitue désormais un facteur déterminant pour les opérateurs économiques.
L’euro : une monnaie de référence potentielle
pour soixante et un autres pays ACP
Depuis le 1er janvier 1999, l’aide communautaire et l’aide bilatérale des pays de la zone euro destinées aux pays ACP est en euros.
Hormis ce dernier aspect, les avantages liés à l’introduction de l’euro sont plus complexes à distinguer pour les soixante et un autres
pays ACP.
En matière commerciale, ces pays ACP ont réalisé un tiers de leurs
échanges avec leurs partenaires européens en 2000. C’est dans ce
contexte que l’euro devra à terme s’imposer en tant que monnaie
internationale de cotation, de facturation et de paiement notamment
pour les produits de base, dont dépendent les économies ACP.
En outre, certains autres pays ACP préféreront conserver leurs
avoirs liquides à l'étranger en euro plutôt qu’en dollar, (dans la mesure où ils préfèrent proportionner la structure de l'actif de leurs bilans
avec leurs endettements externes).
Quant à l’euro monnaie de référence, excepté trois arrangements
monétaires régionaux (la ZFA, l’accord de change portugo-cap-verdien et la common monetary area, anciennement la zone rand),
l’essentiel des pays ACP appartient à une diversité de régimes de
change. Bien que l’Accord ACP-UE de Cotonou ne comporte pas de
volet sur la coopération monétaire, certains pays ACP pourraient
opter pour leur appartenance à la zone d’influence de l’euro en
Afrique. Tel pourrait être le cas des pays limitrophes de la ZFA à
condition que cette zone monétaire exerce un réel effet d’attraction
sur les pays concernés. Cependant toute adhésion à la ZFA requiert
aussi au préalable l’aval du Conseil de l’UE, conformément au nouveau statut juridique de la ZFA . Par contre, d’autres pays africains
pourraient envisager l’ancrage de leurs monnaies à l’euro, suivant
des modalités restant à être définies. En effet, la globalisation financière tend à favoriser les régimes de taux de change soit radicalement
fixes soit totalement flexibles. En cas de choix de la première option,
l´euro constitue un ancrage monétaire qui permet simultanément un
rapprochement des groupes d´économies appartenant au Cercle
africain de la zone euro, ce qui pourrait favoriser la recomposition
d´espaces régionaux d’intégration.
L’éventuel développement de l’euro comme monnaie de référence impliquerait d’indispensables efforts de rigueur pour les pays ACP
concernés. En outre, la dimension internationale de l’euro s’en trouverait consolidée.
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Appo Laure Gnassou est expert, courriel : [email protected]
1 Voir la décision du Conseil de l’UE concernant la question de change relative au FCFA et
au FC (98/683/CE) du 23 novembre 1998 et la décision du Conseil de l'UE concernant les
questions de change relatives à l’escudo cap-verdien du 21 décembre 1998 (98/744/CE)
2 Voir le reportage sur le Cap-Vert par Dorothy Morrissey, Le Courrier ACP-UE, n°183, oct.nov. 2000, p. 23-40.
3 Voir « L’euro et sa signification pour les pays ACP » par Francisco Granell, Le Courrier
ACP-UE, n° 175, mai-juin 1999, p. 10-13
4 Voir les dispositions de l’article 5 de la décision du Conseil de l’UE concernant la question de change relative au FCFA et au FC (98/683/CE) du 23 novembre 1998.
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