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Mensuel 103
Du capao
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travail préalable. Il faut pouvoir supporter l’absence de réponse pouvant
colmater la béance du manque à être, et s’ouvrir à un certain savoir qui
permet de se dégager des différentes identifications aliénantes. L’analysant
passe d’une position où il se croit le pantin malheureux de son destin, se
plaignant des autres, à la possibilité de jouer avec ce qu’il découvre être
ses cartes, créées par l’extraction de signifiants résonnant de manière sin-
gulière puis remaniées au fil de sa vie en fonction de leurs émergences et
des affects associés. Il se voit offrir la possibilité d’assumer sa part de res-
ponsabilité dans cette marge étroite que son inconscient lui forge. La dif-
férence peut paraître maigre pour l’individu marqué par la philosophie des
Lumières dont nous avons hérité, puisque le sujet intentionnel et conscient
ne pourra se dégager d’une altérité toujours énigmatique ; mais elle com-
porte ses effets, dont chaque analysant garde la trace, pouvant rejouer à
l’envi les dés qui font sa chaîne.
… aux préliminaires nécessaires au CAPAO
Cette expérience de notre traitement analytique nous donne une
boussole pour, à notre tour, ouvrir un champ de savoirs différent de celui
auquel le patient en quête d’un mieux-être s’attend. Cela est d’autant plus
opportun au CAPAO que beaucoup d’adultes ont un parcours dans la précarité,
et que les prises en charge sociales et médicales compensent alors par la
gratuité, ce qui devient un préjudice implicite. Il faut pouvoir en accueillir
l’énoncé avant de le mettre en question. Par exemple, le constat amer d’une
patiente sur le hiatus entre la réponse sociale adéquate à ses difficultés et
une soif de reconnaissance inextinguible, dont elle accuse au départ son
destin et une société jugée hypocrite, peut déboucher avec le temps sur
une exploration de ses affects et la mise en question de ceux-ci, à condi-
tion que l’offre d’interprétation fasse mouche, et qu’elle puisse entrer dans
l’association libre en son nom. Or, les nombreux bénéfices secondaires de
son statut, les ressources financières, médicales, culturelles, ainsi que son
temps libre seraient perdus lors d’une entrée dans le monde du travail. De
même, le travail d’association libre implique de perdre certains bénéfices
de son fantasme. Il n’est pas sûr que son désir soit assez assuré pour s’y
engager. Ainsi, toute rencontre au CAPAO ne conduit pas à la possibilité d’une
psychanalyse.
Pour certains, peut aussi apparaître la difficulté de « se raconter », le
patient attendant que l’analyste parle, oriente l’entretien. On se situe alors
du côté de la psychothérapie, qui peut parfois être préalablement nécessaire
pour étayer la mise en place d’une parole transférentielle et éviter un arrêt
anticipé de la rencontre clinique, dont les patients font la demande au nom