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théorique. Les mesures de la tension artérielle ne sont pas
associées à aucune maladie.
Le point tournant
C’est d’abord en Allemagne que le laboratoire se rapprocha
du patient avec la création de l’Institut Carl Ludwig qui pro-
posait aux médecins des accès à des tests physiologiques,
par exemple le dosage de l’albumine dans les urines pour
corroborer une atteinte rénale. L’union entre les analyses et
les cliniciens débutaient.
En France, le cardiologue Pierre Édouard Charles Potain
amorcera ce changement à l’opposé de l’opinion générale-
ment admise à l’époque. Le docteur H. Vaquez écrivait : «En
1862, alors que jeune agrégé, il remplaçait à l’Hôtel-Dieu, il
(Potain) demande la création d’un laboratoire dans le service
de la clinique. C’était une innovation, disons plus, une révo-
lution, et personne n’y avait encore songé. L’administration
en fut toute émue. Accéder à la prière de Potain, quel fâ-
cheux précédent ! » [1]. N’empêche que le docteur Potain
était convaincu de l’importance de noter les tensions arté-
rielles lors de l’examen des patients. Ainsi de 1883 à 1889,
il ne nota pas moins de 1 550 fois les chiffres de tension
artérielle dans le cadre de 680 observations. Il publia chez
Masson en 1902 un ouvrage demeuré célèbre : La Pression
Artérielle de l’homme à l’état normal et pathologique [2].
Mais pour Potain, la pression était la résultante d’une maladie
et nullement impliquée dans la cause. Pour lui, l’athérome et
la néphrite sont des maladies qui engendrent des pressions
artérielles élevées tandis que la fièvre typhoïde provoquait
une basse pression.
L'arrivée
du sphygmomanomètre
Hales, au milieu des années 1700 et Poiseuille, beaucoup
plus tard, avaient inventé des appareils qui, par introduction
de tubes dans le circuit sanguin, permettait des mesures de
la pression. En 1881, fera l’apparition du premier sphygmo-
manomètre non invasif créé par le docteur allemand Samuel
von Basch. Mais c’est réellement en 1896 qu’arrivera le pre-
mier sphygmomanomètre semblable à ceux encore utilisés
de nos jours. On en doit la paternité au pédiatre italien Sci-
pione Riva Rocci, un expert aussi reconnu pour son œuvre
sur la tuberculose. En 1905, le chirurgien russe Nicolaï Ko-
rotkov eut l’idée d’ajouter le stéthoscope à l’utilisation de
l’appareil de Riva Rocci. Il obtenait ainsi des mesures beau-
coup plus précises. D’où les termes : les bruits de Korotkoff.
De l'effet à la cause :
les assureurs à la rescousse
Il faudra attendre plus de cinquante ans avant qu’on ne
commence à élucider le rôle de l’hypertension dans la mala-
die. Mais ce ne sera pas du milieu médical qu’arrivera l’étin-
celle. La fameuse étude de Framingham faisait suite à des
constats réalisés par les actuaires de compagnies d’assuran-
ces. J’ai eu le privilège de signer avec le docteur Christian
Fortin un livre : L’hypertension –La tueuse silencieuse paru
en novembre 2004 aux éditions Publistar. On peut y lire :
« En 1947, commença à Framingham, une petite localité près
de Boston, l’enquête épidémiologique (l’étude des causes)
qui fait référence encore de nos jours en matière d’hyper-
tension et qui sensibilisa l’ensemble de la communauté
scientifique internationale à cette nouvelle maladie. Ses ré-
sultats démontrent que le niveau de pression artérielle, le
taux de cholestérol sanguin, des modes de vie pernicieux
comme le tabagisme, la consommation exagérée de calo-
ries, de graisses, de sel et d’alcool, la sédentarité ainsi que
l’obésité, le diabète et certains facteurs héréditaires sont cou-
pables de favoriser les maladies cardiovasculaires comme
l’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires céré-
braux (AVC). »
Évolution ou révolution ?
En somme, la tension artérielle aura marqué au moins trois
grands tournants dans l’histoire médicale. À partir de l’étude
de la tension, et le patient et le médecin ont changé. D’une
part, la consultation ne surviendrait plus uniquement lors de
142 MÉDECINE mars 2015
VIE PROFESSIONNELLE
Histoire de la médecine
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