Une publicit peut-elle engendrer des comportements rsistants

La couleur non-congruente d’un visuel publicitaire peut-elle engendrer des
manifestations de résistance ?
Dandouau Jean-Claude
Professeur
Université de Paris 12 – Val de Marne
CERMAB (LEG)
2 boulevard Gabriel
BP 26611
21066 DIJON cedex
Lichtlé Marie-Christine
Maître de Conférences
IAE de Dijon (Université de Bourgogne)
CERMAB (LEG)
2 boulevard Gabriel
BP 26611
21066 DIJON cedex
1
La couleur non-congruente d’un visuel publicitaire peut-elle engendrer des
manifestations de résistance ?
Résumé : Cet article étudie les effets d’un visuel publicitaire utilisant une couleur non-
congruente sur diverses variables du processus de persuasion publicitaire, ainsi que sur
l’expression de manifestations de résistance. Il montre que la non-congruence de la couleur
avec l’annonce ou le produit a bien une influence sur la surprise, la provocation perçue,
l’attitude envers le visuel publicitaire et les croyances positives. En ce qui concerne les
manifestations de résistance, il existe bien une proximité entre la non-congruence de la
couleur, les variables précédentes, les critiques exprimées et l’intention d’achat.
Mots clés : non-congruence, surprise, résistance du consommateur, provocation, attitude
envers la publicité
Can a non-congruent color of an Ad create resistance ?
Abstract : This paper analyses the effects of an ad using a non-congruent color on surprise,
attitude, beliefs and resistance. It shows that such a color has an influence on surprise,
perceived provocation, attitute toward the ad and positive beliefs. Regarding resistance
expression, there is a link between color non-congruence, previous variables, criticism made
and purchase intention.
Key-words : incongruency, surprise, consumer resistance, provocation, attitude toward the
Ad.
2
Le propos de ce papier, s’insérant dans un cadre de recherche vaste sur la résistance
des consommateurs, s’intéresse à la capacité de la publicité à déclencher des manifestations
de résistance. Il n’a pas pour ambition d’étudier l’impact de la publicité en général sur le
système de consommation. Modestement, il se circonscrit à l’effet produit par une publicité
particulière sur l’expression de manifestations de résistance. Nous utiliserons la définition de
la résistance donnée par Dandouau (2008, p.8), particulièrement adaptée au contexte micro-
individuel que nous retenons ici : « la résistance est une force d’adaptation issue d’un conflit
interne durable ou situationnel réactivé ou provoqué par une information non congruente,
susceptible de générer en opposition une réponse attitudinale et/ou comportementale ». En
accord avec ceci, nous nous proposons d’étudier, de manière expérimentale, un aspect de la
non-congruence : la couleur dans un visuel publicitaire. Nous examinons alors si les réactions
émotionnelles et attitudinales sont des indicateurs satisfaisants du conflit interne susceptible
de créer ou raviver les manifestations de résistance
Comme le rappelle Fleck-Dousteysier (2005), un niveau modéré « d’incongruence »
entre un schéma et un objet peut être bénéfique dès lors qu’il est perçu comme intéressant et
positif (Meyers-Levy et Tybout, 1989). Sur un plan managérial, les créatifs et les annonceurs
seront donc tentés d’exploiter cette possibilité déclinable sur de nombreux signes, mais au
risque de franchir la frontière du non-acceptable, notamment lors de l’utilisation de certaines
formes de provocation. Dans un tel cas, l’impact reste t-il circonscrit à la publicité ? Rejaillit-
il sur l’image de la marque ? Peut-il alors déclencher des manifestations de résistance ?
Sur un plan académique, comme l’atteste le livre de Knowles et Linn (2003),
nombreuses ont été les recherches sur la résistance à la persuasion, mais peu d’entre elles se
sont intéressées au lien entre l’exposition à une publicité et l’expression de manifestations de
résistance.
Notre propos ici est d’étudier de manière exploratoire le pouvoir intrusif d’une
publicité utilisant une couleur non-congruente. Quelle(s) réaction(s) émotionnelle(s) suscite-t-
elle ? Quel est son impact sur l’attitude envers l’annonce ? Si l’effet de la surprise dans le
processus de persuasion publicitaire a déjà été mis en évidence (Vanhamme, 2002),
l’influence de la non-congruence de la couleur sur la surprise et sur la provocation perçue n’a
pas encore été étudiée. L’analyse de ces relations est l’un des apports théoriques de cet article.
Ensuite, nous essaierons d’en déduire les conséquences sur des manifestations de
résistance. Les définitions de la résistance s’accordent sur la forme de pouvoir ou de pression
qui s’exerce sur l’individu et sur le conflit interne ressenti. Ainsi la force des croyances envers
3
le visuel publicitaire et la provocation perçue peuvent permettre la compréhension de
l’expression de manifestations de résistance circonscrites à l’objet qui les a créées (le visuel
publicitaire) ou élargies à la marque et à ses pratiques marketing.
Notre propos est structuré en trois points. Le premier analyse le processus d’influence
de la non-congruence de la couleur, qui nous a permis d’établir des hypothèses de recherche.
Le second présente la méthodologie de recueil des données et de validation des échelles de
mesure. Le troisième décrit les principaux résultats. Enfin, l’article se termine par les apports
et limites de la recherche et présente des voies de recherche futures.
DE LA NON-CONGRUENCE DE LA COULEUR A LEXPRESSION DE MANIFESTATIONS DE
RESISTANCE
La non-congruence
Comparativement à la littérature dédiée à la congruence, peu de recherches se sont
consacrées spécifiquement à la non-congruence. La congruence étant définie comme «le
caractère de ce qui convient » (Larousse), par antinomie, nous définissons ce concept comme
« le caractère de ce qui ne convient pas » car « non pertinent » ou « inattendu » (Heckler et
Childers, 1992). En marketing, on retrouve les concepts de congruence et de non-congruence
dans de nombreux domaines comme, par exemple, ceux de l’information (Heckler et Childers,
1992 ; Powell Mantel et Kellaris, 2003), du produit (Campbell et Goodstein, 2001), du
sponsoring (Fleck-Dousteyssier, 2005), de la marque (Salerno, 2002), du concept de soi
(Sirgy, 1982, Sirgy et al., 1997), des célébrités dans la publicité (Fleck-Dousteyssier et al.,
2006), du genre (Fisher et Dubé, 2005), des odeurs (Mitchell, Kahn et Knasko, 1995), de la
musique (Galan, 2004)…
Dans le domaine de la publicité plus particulièrement, la congruence est la capacité
d’un stimulus à renforcer le sens du message auquel il est associé. De manière plus précise,
Lichtlé (2002a) a défini la congruence de la couleur comme « la concordance entre ce
qu’évoque la couleur et ce que suggère le visuel publicitaire». Une non-congruence
signifierait donc une absence de concordance entre ces deux éléments.
L’intérêt du concept de non-congruence vient de son opposition au principe théorique
de la recherche d’harmonie et de cohérence, et d’absence de dissonance caractérisant les
équilibres homéostatiques de chaque individu. La non-congruence, opposée à la congruence,
caractérise en soi une propriété de l’objet en opposition à l’ordre naturel des choses. Mais
l’individu ayant toujours plus de pouvoir quant à la manipulation de cet ordre naturel, c’est
4
donc de non-congruence perçue dont il s’agit ici. La non-congruence, selon son degré, ne
génère pas nécessairement de conflit intérieur et n’est pas obligatoirement source de
dissonance, puisque aucun mécanisme de retour à l’homéostasie n’y est nécessairement
impliqué.
Notre propos est ici de vérifier l’influence de cette non-congruence de la couleur d’une part
sur l’évaluation du message et ses effets marketing (l’attitude et les croyances envers
l’annonce), d’autre part sur les réactions psychologiques suscitées chez le récepteur (la
surprise, la provocation perçue, les manifestations de résistance).
L’effet de la non-congruence sur l’attitude et les croyances envers l’annonce
L’attitude envers la publicité
Notre premier objectif s’intéresse à l’impact de la non-congruence sur les variables
dépendantes du processus de persuasion : l’attitude envers l’annonce et les croyances envers
l’annonce.
D’après des travaux anciens, la couleur doit être perçue comme appropriée à l’objet
étudié (Norman et Scott, 1952), lorsqu’on souhaite mesurer les réponses des individus face à
cette variable. C’est donc le cas dans le contexte de la publicité.
Il a, en particulier, été démontré que l’attitude envers l’annonce dépend des émotions
suscitées par l’annonce (Batra et Ray, 1986 ; Holbrook et Batra, 1987 ; Edell et Burke, 1987 ;
Burke et Edell, 1989). Elle est également influencée par la congruence entre la couleur et
l’annonce (Lichtlé, 2002a) : plus la couleur dominante d’une annonce est congruente, plus
l’attitude envers l’annonce est favorable. Nous pensons donc que la non-congruence de la
couleur avec le visuel publicitaire a l’effet inverse sur cette variable et pouvons en déduire
une hypothèse portant sur une relation négative entre la non-congruence et l’attitude envers
l’annonce (H1.1.)
Les croyances envers l’annonce et la provocation perçue
De nombreux travaux se sont intéressés à la congruence de la musique utilisée en
publicité (Galan, 2004). Si beaucoup d’entre eux ont montré un effet bénéfique de la
congruence, d’autres auteurs ont montré que cette influence de la congruence n’est pas
évidente : d’après Morris et Boone (1998) l’ajustement entre la musique et les émotions
évoquées par le thème publicitaire peut mener autant à des évaluations négatives que
positives.
5
1 / 35 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !