dossier 2020 L’exposition universelle de , un amplificateur de croissance pour l’Émirat de Dubaï, une opportunité pour la France Par Michel Miraillet Michel de Montaigne 1988 Ambassadeur de France aux Émirats arabes unis Accueillir l’exposition universelle de 2020 (« l’expo twenty-twenty ») relevait aux yeux des Dubaïotes comme la reconnaissance légitime du dynamisme de l’Émirat, et c’est tout naturellement que la France a apporté son soutien à sa candidature L a crise de 2008 a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel de l’Émirat de Dubaï, « Métropolis des sables », cité État des superlatifs. Là où avait été construit l’hôtel le plus luxueux du monde, le Burj al Arab (la Tour des Arabes), là où l’on s’apprêtait à inaugurer la tour la plus haute du monde, la Burj Dubaï et l’île artificielle la plus vaste jamais envisagée, en forme de feuille de palmier, les projets furent mis à l’arrêt brutalement devant l’éclatement de la bulle immobilière. Le projet de Palm Island fut reporté, des dizaines d’autres furent ajournés sine die, telle la construction d’une mappemonde faite d’îles artificielles ou la reproduction – qui s’en souvient encore – d’un quartier de Lyon dans une ville nouvelle, qui devait s’appeler Lyon-Dubaï city. L’Émirat voisin d’Abou Dhabi dut venir au secours de Dubaï. Les 50 milliards de dollars versés pour prévenir la banqueroute par le grand frère de la Fédération, eurent un prix lourd et plus que symbolique : Burj Dubai fut rebaptisée dans l’urgence « Burj Khalifa », du nom de l’émir d’Abou Dhabi et président de la Fédération des Émirats arabes unis… À Dubaï, le modèle économique spectaculaire mis sur pied depuis les années 1980 ne repose plus que très marginalement, à hauteur de 5 % du produit intérieur brut environ, sur les revenus pétroliers. À la différence de l’Émirat d’Abou Dhabi, les ressources sont quasiment épuisées. À Dubaï, s’est développé un modèle économique fondé sur la création de valeur ajoutée sur les services, portuaires, aéroportuaires, de transformation de produits (devenir le premier marché de production de viande halal est un objectif affiché), d’accueil massif de touristes ou encore financiers. Et le succès est au rendez-vous. Les exemples sont nombreux. Créée avec quatre avions en 1985, Emirates Airlines est devenue l’une des toutes premières compagnies mondiales, un des premiers clients d’Airbus aussi (le premier et de loin pour les A380) et, en 2014, l’aéroport de Dubaï a été le plus fréquenté au monde pour le trafic international. Dubaï Port Authority est, pour sa part, devenue une compagnie tentaculaire, gérant des ports stratégiques de par le monde. Grâce à ce modèle économique, la croissance est revenue en peu d’année. Elle est maintenant d’environ 4,5 % et les chantiers pharaoniques ont été remis au goût du jour. Comme le clame une banderole déployée sur un gratte-ciel à l’entrée de la ville, « la bulle immobilière n’existe pas ». La population est d’environ 2 millions d’habitants, elle croît sans cesse et onze millions de touristes ont été reçus l’année passée dans les quelque 350 hôtels que compte la ville. Accueillir l’exposition universelle de 2020 (« l’expo twenty-twenty ») relevait donc aux yeux des Dubaïotes comme la reconnaissance légitime du dynamisme de l’Émirat, une quasi-évidence et c’est tout naturellement que la France a apporté son soutien à sa candidature. La victoire dubaïote a été synonyme du lancement de nouveaux grands projets : un opéra, le plus grand centre commercial du monde / mai 2015 / n°451 19 dossier Les expositions universelles (surpassant en superficie Dubaï mall qui est déjà le plus vaste de la planète), un aéroport capable d’accueillir à terme 120 millions de passagers par an (deux fois la capacité de Paris-Charles de Gaulle). 25 millions de visiteurs sont attendus en 2020, dont 70 % venant de l’étranger. Une grande visibilité internationale Le thème fondamental de l’exposition, l’innovation, est également en résonance avec l’identité qu’entendent construire Dubaï et au-delà, les Émirats arabes unis : « connecter les esprits, construire le futur » autour de trois thèmes : la « mobilité » pour mettre l’accent sur la logistique et les transports en invitant à penser de nouveaux modes de mobilité, la « durabilité » pour inventer une économie verte facilitant l’accès à l’eau et l’énergie, les « opportunités » pour œuvrer à un développement durable et à la stabilité financière en régulant les flux des ressources financières et intellectuelles. C’est presque un autoportrait du Dubaï rêvé par ses dirigeants que les concepteurs de l’exposition brossent avec ces thèmes. À l’évidence, cette exposition offre des opportunités de premier plan pour la France et ses entreprises, dans sa préparation préalable comme en 2020. Les Émirats arabes unis, Dubaï en premier lieu, accueillent déjà plus de 600 délégations d’entreprises françaises, à vocation régionale ou nationale et, en quelques années, la communauté française a crû dans des proportions exponentielles. Depuis 2012, ce sont en moyenne trois à cinq familles françaises qui s’installent quotidiennement dans le pays, dans une proportion des deux tiers à Dubaï, attirées par le dynamisme de l’économie locale. Quelques-uns déchantent et repartent mais, pour beaucoup, la prospérité est au rendez-vous. L’exposition universelle offrira une vitrine sans pareille pour notre pays, le deuxième pays au monde par les brevets déposés. D’ores et déjà, ce sont des entreprises françaises qui ont construit le métro et le tramway comme l’aéroport de Dubaï, et nos chefs d’entreprises se positionnent pour être en bonne place dans la compétition pour construire le futur aéroport Al Makhtoum 20 / mai 2015 / n°451 et l’équiper dans toutes ses composantes. D’un point de vue économique, l’organisation de l’Expo 2020 devrait générer 23 Mds USD de revenus pour Dubaï (25 % de l’actuel Pib de l’Émirat) et favoriser la création de près de 277 000 emplois. L e s p r o j e t s d’infrastructures incluent notamment le site de l’exposition qui s’étendra sur 438 ha entre la ville de Dubaï et la zone franche entourant le port de Djebel Ali sur un terrain actuellement vierge, la création d’une ville nouvelle, « Aérotropolis » autour du site, dont le modèle d’ingénierie pourrait s’exporter aux pays en voie de développement et l’extension des deux lignes de métro. Il est également question de prolonger sur une dizaine de kilomètres la ligne du tramway qui a été récemment livré par Alstom. La capacité du site doit atteindre 300 000 visiteurs, tandis que le nombre de personnes attendues en moyenne en cours de semaine est de 153 000, dont près de la moitié acheminée par le métro de Dubaï. Ces travaux, tout comme l’organisation de la manifestation, la coordination des différentes entités publiques ou la définition des événements dans le cadre ou en marge de l’Expo sont désormais supervisés par un Haut comité de préparation mis en place par l’Émir de Dubaï en janvier 2014. Il est présidé par Cheikh Ahmed bin Saeed Al Maktoum, homme clé de l’Émirat, président et fondateur d’Emirates, vice-président du Conseil exécutif de l’Émirat. L’année 2015 sera celle du lancement des travaux alors que Milan ouvrira ses portes. Tant le contrat de plan directeur et de design que celui de la gestion du projet ont été attribués à des JV américano-britaniques, confirmant l’emprise et l’influence des entreprises d’ingénierie anglo-saxonnes aux Émirats. Les entreprises françaises suivent toutefois avec attention l’avancement du projet et pourraient, lorsque le découpage des différents lots d’appels d’offres sera affiné, avancer de manière groupée, comme elles le font déjà, avec l’appui de l’ambassade, sur le projet d’expansion de l’aéroport international Al Maktoum de Dubaï. La concurrence s’annonce donc rude sur cet événement, qui jouira à l’évidence d’une grande visibilité internationale, la capacité de Dubaï à communiquer et à assurer le marketing de ses exploits n’étant plus à prouver. L’événement consolidera le statut de hub et de pont entre les continents de la « Metropolis des sables », désormais la première ville de la région MoyenOrient, Afrique du Nord et Asie du Sud à accueillir une exposition universelle. La date correspondra d’ailleurs avec le Jubilé d’or des Émirats arabes unis, autant d’occasions pour Dubaï d’afficher une nouvelle fois, et de manière retentissante, son insolente ■ réussite aux yeux du monde.