I. Bases pharmacologiques et cellulaires de la chimiothérapie

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CHIMIOTHERAPIE ANTICANCEREUSE
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La chimiothérapie anticancéreuse, l’hormonothérapie, l’immunothérapie et les traitements ciblés sont les
traitements médicaux spécifiques des cancers. Ils différent des traitements symptomatiques non
spécifiques (antiémétiques, antalgiques, corticothérapie …).
I. Bases pharmacologiques et cellulaires de la chimiothérapie
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La chimiothérapie utilise des médicaments interférant dans le métabolisme et la vie cellulaire et qui, de ce
fait, sont cytotoxiques: c'est par ce mécanisme que la chimiothérapie permet d'inhiber la croissance
tumorale. Le terme de chimiothérapie paraît en lui-même mal adapté (tout médicament chimique est une
chimiothérapie stricto sensu) : on devrait parler de médicaments anticancéreux.
Le plus souvent, la chimiothérapie est administrée par voie intraveineuse (systémique) mais les formes
orales se développent.
La chimiothérapie anticancéreuse est née après la seconde guerre mondiale; les premiers succès transitoires ont été
remportés dans les lymphomes et leucémies en utilisant des agents alkylants. Depuis de nouvelles molécules ont été
découvertes; ces molécules sont généralement associées dans le cadre de protocoles validés par des essais cliniques.
Les médicaments anticancéreux cherchent à éliminer les cellules tumorales ou du moins à freiner leur prolifération.
Ce sont des molécules cytotoxiques d’origine synthétique ou naturelle.
Les anticancéreux agissent essentiellement l’ADN et/ou les enzymes nécessaires à la réplication de l’ADN et sur la
tubuline, protéine impliquée dans la formation du fuseau mitotique.
La chimiothérapie est globalement plus active sur les cellules en réplication rapide (leucémies, lymphomes) mais elle
peut agir sur des cancers à croissance plus lente (cancer colique).
Les médicaments arrêtent ou freinent le cycle cellulaire et déclenche une mort cellulaire programmée (apoptose).
Cependant la cellule cancéreuse, comme la cellule normale, développent des mécanismes de résistance
(augmetnation de la réparation de l’ADN, mutation de la tubuline, diminution du seuil de déclenchement de
l’apoptose) à l’origine d’échecs thérapeutiques.
La sensibilité des cellules à la chimiothérapie dépend en grande partie de l’origine histologique de la tumeur :
o Les tumeurs germinales (cancer du testicule ou tumeur germinale de l’ovaire), les leucémies aigües, les
lymphomes sont très chimiosensibles et chimiocurables.
o Les cancers de l’ovaire, les cancers du poumon à petites cellules sont chimiosensibles mais rarement
chimiocurables en raison du développement rapide de clones résistants.
o Les cancers du sein, du colon, du poumon, des voies aérodigestives supérieures (VADS, ORL) ont une
chimiosensibilité variable selon les individus. Les bases de cette chimiosensibilité sont en cours de
décryptage grâce à la pharmacologie moléculaire qui détecte les cibles et les mécanismes de résistance.
o Exemple : résistance multidrogue liée aux transporteurs ABC qui expulsent les médicaments hors
des cellules.
o Exemple : présence de la protéine anti-apoptotique bcl2 qui est associée à la chimiorésistance des
lymphomes.
o Exemple : protéine ERCC1 associée à la réparation des adduits de cisplatine dans les cancers du
poumon.
o Certains cancers sont intrinsèquement chimiorésistants (cancer du rein, de la thyroïde) mais sont
accessibles à d’autres traitements (molécules ciblées, iode radioactif)
En 2011, la chimiothérapie :
o Guérit certaines tumeurs dans une proportion importante de cas: cancer du testicule, choriocarcinome
placentaire, maladie de Hodgkin et lymphomes de haut grade, leucémies et tumeurs de l’enfant
(chimiothérapie à visée curative).
o Prolonge la survie des patients porteurs de tumeurs évoluées : cancer de l’ovaire, du sein, du colon, cancer
du poumon à petites cellules (chimiothérapie à visée palliative), mais son efficacité s’épuise en raison de
résistances acquises.
o Elle reste peu efficace dans le cancer du rein, le cancer du poumon non petites cellules, le cancer du
pancréas, du foie ...où d’autres approches doivent être explorées.
II. Médicaments utilises en chimiothérapie
CE CHAPITRE 2 EST UNIQUEMENT POUR INFORMATION
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Ces médicaments ont pour cible l’ADN ou des protéines nécessaires à la mitose. Leur activité n’est pas spécifique des
cellules néoplasiques et ils ont aussi une toxicité notable sur les cellules normales de l’hôte, d’où l’étroitesse de leur
marge thérapeutique. Ils sont généralement plus efficaces sur les cellules en cycle que sur les cellules quiescentes,
d’où leur efficacité insuffisante dans de nombreuses tumeurs solides à évolution lente. On les classe selon leur cible
biochimique principale et leur famille chimique :
2. Alcaloïdes de la pervenche
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Incristine (Oncovin), vinblastine (Velbe), vindésine (Eldisine), vinorelbine (Navelbine), vinflunine (Javelor).
Ce sont des dérivés hémi-synthétiques d’une molécule extraite de la pervenche de Madagascar.
Ils inhibent la polymérisation de la tubuline qui joue un rôle essentiel dans la formation du fuseau
mitotique. Ils bloquent la cellule en une métaphase prolongée, ce qui déclenche l’apoptose. Ce sont les
seuls véritables “antimitotiques”.
Cependant la polymérisation de la tubuline est nécessaire au flux axonal qui assure la trophicité des nerfs
périphériques, d’où la neurotoxicité des vinca-alcaloïdes (polynévrites, constipation, iléus, etc.). Ils sont plus
ou moins hémato-toxiques.
Le mécanisme principal de résistance principal est la sélection de clones dont la tubuline est mutée et moins
affine pour les médicaments.
Ils s’emploient par voie intraveineuse stricte; leur extravasation provoque des nécroses cutanées.
Principales indications: leucémies lymphoïdes (vincristine + prednisone), lymphomes (CHOP:
cyclophosphamide + adriamycine + oncovin + prednisone), maladie de Hodgkin (ABVD: adriamycine +
bléomycine + vinblastine + déticène), cancer du poumon non à petites cellules (navelbine + platine), cancer
du sein (navelbine hebdomadaire).
2. Taxanes
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Paclitaxel (Taxol), docetaxel (Taxotère), cabazitaxel (Jevtana).
Ce sont des molécules extraites de l’if.
Ils empêchent la dépolymérisation de la tubuline. Ce sont aussi des antimitotiques vrais qui bloquent la cellule en
métaphase.
Ils sont neurotoxiques et hématotoxiques. Le Taxotère a une toxicité endothéliale (oedème par fuite protéique
interstitielle) et sur les phanères (alopécie, onychopathie).
Ils s’administrent par voie intraveineuse stricte.
Principales indications: cancer de l’ovaire (taxol + carboplatine), cancer du sein (taxol ou taxotère + anthracycline ou
fluorouracile), cancer du poumon (taxanes + platine).
3. Alkylants (ou alcoylants)
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Chlorambucil (Choraminophène), cyclophosphamide (Endoxan), ifosfamide (Holoxan), melphalan (Alkeran),
thiophosphoramide (Thiotepa), busulfan (Misulban), nitrosourées (Belustine, Carmustine, Muphoran), procarbazine
(Natulan), dacarbazine (Déticène), mitomycine C (Amétycine).
Ce sont des molécules de synthèse (sauf la mitomycine, extraite de culture de saccharomyces). Après activation
hépatique ou tissulaire, ces médicaments forment des molécules électrophiles qui se lient de manière covalente aux
bases de l’ADN (adduits); les réarrangements de ces adduits provoquent des cassures d’ADN, des ponts intra- ou
interbrins qui inhibent la progression de l’ADN polymérase.
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La toxicité des alkylants est à la fois non spécifique (hématologique) et dépendante de chaque molécule (cystite
chimique: Endoxan, Holoxan; insuffisance rénale : mitomycine; fibrose pulmonaire: nitrosourées). Les alkylants sont
mutagènes (protection du personnel +++) et cancérogènes (leucémies secondaires, cancer de la vessie).
Ils s’administrent par voie orale (Chloraminophène, Endoxan, Melphalan, Misulban, Bélustine, Témodal) ou par voie
intraveineuse (Endoxan, Holoxan, Melphalan, Thiotépa, Carmustine, Muphoran, Amétycine).
Principales indications :
o Endoxan : lymphomes (CHOP), cancer du sein (FAC: fluorouracile + adriamycine + cyclophosphamide; CMF:
cyclophosphamide + méthotrexate + fluorouracile), maladies auto-immunes sévères (+ corticoïdes).
o Holoxan : sarcomes (+ adriamycine), cancer du testicule (VIP: Vépéside + Ifosfamide + platine).
o Chloraminophène : leucémie lymphoïde chronique.
o Alkéran : myélome ( per os: melphalan + prednisone; ou à forte dose intraveineuse + autogreffe de cellules
souches sanguines).
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Misulban : leucémie myéloïde chronique.
Nitrosourées : tumeurs cérébrales, mélanomes (Muphoran).
Déticène : Hodgkin (ABVD), mélanome.
Amétycine : cancer du poumon (MIP: mitomycine + ifosfamide + platine), cancer du pancréas, de l’estomac;
traitement intravésical des tumeurs superficielles de vessie.
Témodal: (prodrogue du Déticène) actif sur les gliomes et oligodendrogliomes.
4. les dérivés du platine
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Cisplatine, carboplatine (Paraplatine), oxaliplatine (Eloxatine).
Ce sont des molécules de synthèse. Comme les alkylants, ils forment des intermédiaires électrophiles qui se lient par
covalence avec les bases nucléiques (atome N7 de la guanine) et créent des ponts intrabrins ou interbrins qui
perturbent la réplication de l’ADN. A la différence des alkylants, ils forment des adduits doubles (alkylants
bifonctionnels).
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Ils sont moins mutagènes et cancérogènes que les alkylants.
La toxicité est rénale (cisplatine: hyper-hydratation nécessaire ++), neurologique périphérique (cisplatine,
oxaliplatine), cochléaire (cisplatine), hématologique (carboplatine).
L’administration est intraveineuse.
Principales indications :
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Cisplatine : cancer du testicule (BEP: bléomycine + étoposide + cisplatine en première intention; VIP en
rattrapage), cancer de l’ovaire (carboplatine+ taxol), cancer du poumon non petites cellules (cisplatine +
vinorelbine ou taxanes) ou à petites cellules (cispaltine+ étoposide), cancers ORL et de l’oesophage
(cispaltine+ fluorouracile).
Carboplatine : moins toxique mais moins efficace que le cisplatine; utilisé dans le cancer de l’ovaire (+ taxol),
du poumon à petites cellules (+ étoposide).
Oxaliplatine : plus efficace dans le cancer du colon (+ fluorouracile + acide folinique: FolFOX -> environ 50 %
de réponses).
5. Les antimétabolites
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Méthotrexate, 5-fluorouracile, raltitrexed (Tomudex), cytosine arabinoside (ou cytarabine: Aracytine), gemcitabine
(Gemzar), cladribine (Leustatine), pentostatine (Nipent), fludarabine (Fludara), hydroxyurée (Hydréa), Alimta.
Mes médicaments perturbent la synthèse de l’ADN en inhibant des enzymes nécessaires à l’élaboration des
nucléotides :
o Mméthotrexate: analogue structural de l’acide folique. C’est un inhibiteur de la dihydrofolate réductase qui
convertit l’acide folique en acide folinique. L’acide folinique est le cofacteur de la thymidilate synthétase qui
fabrique la thymidine. La diminution du pool de thymidine est responsable de la cytotoxicité. L’effet
antinéoplasique est inhibé par l’acide folinique.
o 5-fluorouracile (5FU): il est métabolisé en 5-fluoro-déoxyuridine monophosphate (5-FdUMP) qui est un
inhibiteur de la thymidilate synthétase. L’activité cytotoxique est renforcée par l’acide folinique (d’où
l’utilisation de cette vitamine en association avec le 5-FU).
o La capécitabine (Xeloda) est une prodrogue du 5FU actif par voie orale.
o Raltitrexed: inhibiteur direct de la thymidilate synthétase.
o Cytarabine: il s’incorpore dans l’ADN, bloque l’élongation de l’ADN en inhibant l’ADN polymérase.
o Gemcitabine: il s’agit de la difluoridésoxycytidine qui s’incorpore frauduleusement dans l’ADN à la place de
la cytidine et perturbe sa réplication.
o Cladribine, pentostatine, fludarabine sont aussi des analogues de nucléotides.
o Hydroxyurée: inhibe la transformation des ribonucléotides en déoxyribonucléotides et diminue ainsi la
synthèse de l’ADN.
o Pemetrexed (Alimta) : antimétabolite à cibles enzymatiques multiples (mésothéliome, poumon)
La toxicité des antimétabolites à la fois non spécifique (hématologique, mucites) et dépendante de chaque molécule
(fibrose hépatique: méthotrexate; angor spastique : 5-fluorouracile; toxidermie: cytarabine).
Principales indications :
o Méthotrexate : cancer du sein (CMF), cancer de la vessie (MVAC: méthotrexate + vinblastine + adriamycine
+ cisplatine), choriocarcinome placentaire. Il est utilisé à forte dose par voie IV ( 2-10 g/m2) avec sauvetage
par l’acide folinique dans le traitement pré-opératoire des ostéosarcomes et dans les localisations
cérébrales des lymphomes et leucémies car il passe assez bien la barrière hémato-cérébrale (Brain Blood
Barrier). Il est utilisé par voie intrarachidienne en prophylaxie ou en traitement des méningites
lymphomateuses. Il est utilisé à faible dose par voie orale ou SC comme immunosuppresseur dans la
polyarthrite rhumatoïde.
o 5-fluorouracile : c’est la molécule pivot en cancérologie digestive utilisée dans les cancers colorectaux (FUFol: association de 5-fluorouracile et d’acide folinique; FolFOX : association d’acide folinique, de 5FU et
d’oxaliplatine ; FolFIRI : idem avec irinotécan), dans les cancers de l’estomac (FAM: fluorouracile +
Adriamycine + mitomycine), dans les cancers ORL (5-FU + cisplatine), dans le cancer du sein (FAC, CMF,
Taxotère ou Taxol + 5-FU). L’acide folinique accroit la liaison du 5FU sur l’enzyme cible qu’est la thymidilate
synthase.
o Cytarabine : leucémies aiguës myéloïdes (+ anthracyclines), lymphomes en rechute (DAP: déxaméthasone +
aracyctine + platine).
o Gemcitabine : cancers du pancréas, du poumon et de la vessie. Utilisée seule ou associée à un dérivé du
platine.
o Cladribine et pentostatine : uniquement dans le traitement des leucémies à tricholeucocytes.
o Fludarabine : leucose lymphoïde chronique et lymphomes de bas grade.
o Hydroxyurée : utilisée par voie orale pour le traitement myélofreinateur des syndromes myéloprolifératifs:
polyglobulie de Vaquez, leucémie myéloïde chronique, thrombocytémie essentielle.
6. Les inhibiteurs de topoisomérases
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Les topoisomérases I et II sont des enzymes qui relaxent les contraintes de torsion de l’ADN lors des processus de
réplication, de transcription ou de réparation. Pour ce faire, les topoisomérases rompent un (topoisomérase I) ou
deux brins (topoisomérase II) de la double hélice, les décroisent puis relient immédiatement les brins. Les inhibiteurs
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de topoisomérases se lient aux enzymes et empêchent la religation des brins d’ADN. Si les cassures monobrins ou
double brins sont trop nombreuses, la cellule ne peut les réparer et meurt par apoptose.
Les inhibiteurs de topoisomérase I sont une classe récente de médicaments anticancéreux. Ce sont des dérivés
hydrosolubles de la camptothécine, extraite d’une plante chinoise :
o Rinotécan (Campto): utilisé dans les cancers du colon (seul ou avec du 5-fluorouracile, FolFIRI). Il est
responsable de diarrhées cholériformes nécessitant de fortes doses de lopéramide (Imodium). Il peut
entraîner un syndrome cholinergique à traiter par l’atropine SC.
o Topotécan (Hycamtin): traitement de seconde ligne des cancers de l’ovaire et du cancer du poumon à
petites cellules. Hématotoxicité prononcée.
Les inhibiteurs de topoisomérase II sont représentés par les anthracyclines et l’étoposide :
o L’adriamycine ou doxorubicine (Adriblastine) est le chef de file de la famille des anthracyclines qui
comprend aussi l’épiadriamycine (Farmorubicine), la THP-adriamycine (Théprubicine), la daunorubicine
(Cérubidine), l’idarubicine (Zavedos) et la Rubidazone. Ce sont des antibiotiques intercalants extraits de
cultures de champignons microscopiques et modifiés chimiquement par hémi-synthèse. Les anthracyclines
ont une toxicité cardiaque prononcée provoquant une cardiomyopathie dilatée au delà d’une dose
cumulative à ne pas dépasser (cf prochain cours).
Certaines anthracyclines peuvent s’administrer sous forme liposomale (Caelyx, Myocet, Daunosome) ce qui
diminue leur cardiotoxicité.
Ces médicaments sont actifs dans le cancer du sein (FAC; FEC où l’adriamycine peut être remplacée par
l’épiadriamycine, moins cardiotoxique), dans les lymphomes (CHOP), la maladie de Hodgkin (ABVD), les
sarcomes (+ ifosfamide), les leucémies aiguës myéloïdes (idarubicine ou daunorubicine + cytarabine) ou
lymphoïdes ( + vincristine + prednisone).
o La mitoxantrone (Novantrone) et l’AMSA (Amsidine) sont des médicaments de synthèse intercalants
proches des anthracyclines par leur mécanisme et leur cardiotoxicité, utilisées en hématologie et pour la
mitoxantrone dans le cancer du sein et de la prostate.
o L’étoposide (VP16, Vépéside, Celltop) est un inhibiteur de topoisomérase II non intercalant et non
cardiotoxique. Il est utilisé dans le cancer du testicule (BEP), le cancer du poumon à petites cellules (+
cisplatine ou carboplatine), les leucémies aiguës.
7. Médicaments divers
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bléomycine : agent scindant l’ADN (radiomimétique). Indiqué dans la maladie de Hodgkin (ABVD) et les cancers du
testicule (BEP).
L-asparaginase (Kidrolase): enzyme qui détruit l’asparagine nécessaire à la multiplication des blastes lymphoïdes.
actinomycine D (Lyovac) : inhibiteur de la transcription de l’ADN en ARN. Utilisé dans les tumeurs de l’enfant et le
choriocarcinome placentaire.
streptozotocine (Zanosar): proche des alkylants. Traitement des tumeurs digestives neuro-endocrines ( +
adriamycine ou 5-fluorouracile).
III. Stratégies d’utilisation des traitements médicaux
A SAVOIR
1. Comment sont établis les schémas de chimiothérapie standards figurant dans les
référentiels ?
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Accéder par exemple au site de la FFCD (FFCD/recommandations/TNCD).
Les schémas (ou protocoles) de chimiothérapie considérés actuellement comme des standards sont le fruit
de longs tâtonnements et de nombreuses études cliniques contrôlées ou non. Il faut les appliquer
scrupuleusement (respect de la dose et du calendrier) sous peine de ne pouvoir profiter totalement de
leur bénéfice.
Un médicament ou un schéma de chimiothérapie sont sélectionnés après une longue phase d’études précliniques (cellules, animaux) et cliniques :
o L’essai de phase I permet de définir la dose maximale tolérable et le schéma optimum
d’administration du médicament ou de l’association.
o L’essai de phase II permet de déterminer l’efficacité du médicament ou de l’association dans une
situation clinique précise (exemple le cancer du colon métastatique). L’objectif principal est
souvent le taux de réponse (cf infra).
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L’essai de phase III compare le médicament ou l’association à un traitement de référence ou à un
placebo. Il s’agit toujours d’une étude randomisée, souvent publiée dans un journal à large
diffusion (Impact Factor > 10) : New England Journal of Medicine, Lancet, Journal of Clinical
Oncology…. L’objectif principal est souvent la recherche d’une augmentation de la Survie Globale
(Overall Survival). Cependant dans les maladies où il y a maintenant plusieurs lignes de
traitements efficaces (cancer du sein et cancer du colon au stade métastatique ) et une durée
d’évolution longue, la durée de survie sans progression (PFS : progression free survival) peut être
le critère principal.
Les monothérapies sont possibles (ex : chloraminophène dans la LLC, gemcitabine dans les cancers du
pancréas).
Mais on utilise le plus souvent des polychimiothérapies.
Plusieurs principes doivent être respectés pour la constitution d'un protocole (schéma) de
polychimiothérapie :
o Essayer d'associer des produits appartenant à des familles différentes : extraits de plantes,
antibiotiques, alcoylants plus un ou plusieurs antimétabolites.
o Associer des médicaments intervenant à des phases différentes du cycle cellulaire de façon à
pouvoir atteindre le maximum de cellules dans une tumeur. Certains médicaments sont actifs sur
toutes les cellules, à l'exception des cellules en phase G 0. L'efficacité de ces produits " cycledépendant " est directement liée au taux sérique (alcoylants dont les nitroso-urées et leurs
dérivés : la dacarbazine, le cisplatine ). D'autres produits ne sont efficaces qu'à une phase donnée
du cycle cellulaire. Plus la durée d'administration de ces produits est grande, plus grande est la
probabilité pour une cellule de traverser la phase sensible pendant le traitement. Aussi, à dose
égale, l'efficacité des produits " phase-dépendants " est-elle liée à la durée de leur administration
(intérêt des perfusions continues). Parmi les produits "phase S-dépendants " citons la cytosine
arabinoside (Aracytine), l'hydroxyurée (Hydréa ), le méthotrexate et parmi les " phase Mdépendants ", la vincristine, la vinblastine et les taxanes.
o L'application des connaissances pharmacologiques permettent de connaître le taux sérique. La
dose et la durée d'administration peuvent être adaptées pour chaque malade. On peut citer
l'exemple de l'application pratique de la pharmacocinétique à l'administration du méthotrexate.
Il est établi que la pharmacocinétique du méthotrexate est variable selon les patients, même
lorsque le protocole d'administration est strict et identique. La pharmacocinétique permet
d'ajuster un taux sérique identique chez des patients différents rendant les malades "égaux
devant le médicament ". Des prises de sang répétées, pendant 72 heures, permettent de
connaître la cinétique du méthotrexate par l'étude des variations de la concentration sérique
dans le temps.
La meilleur des réponses à la chimiothérapie est l’augmentation de la survie globale par rapport à un bras
témoin ou un schéma de référence antérieur. La qualité de vie est un objectif également important qui
doit être peu perturbée par le traitement. La toxicité doit être modérée, y compris la toxicité difficilement
mesurable (fatigue, anorexie, dépression, altération du lien social).
La réponse à la chimiothérapie est le moyen le plus rapide d’évaluer l’efficacité sur des arguments
objectifs. La réponse doit être évaluée périodiquement (examen clinique, dosages des marqueurs
tumoraux, imagerie). Il n’est pas éthique de poursuivre une chimiothérapie inefficace.
La toxicité (ou la tolérance) doit être évaluée à chaque cure en fonction de classifications validées
(classification OMS ou NCI). Il peut être logique d’arrêter une chimiothérapie palliative toxique même si
elle est efficace. Par contre, il faut respecter autant que faire se peut l’intensité de dose dans une
chimiothérapie à visée curative en utilisant des moyens de support pour améliorer la tolérance (nutrition
parentérale, antalgiques, facteurs de croissance granulocytaires, érythropoïetine, transfusions…).
Les critères de réponse doivent être objectifs, sans possibilité de différence d’appréciation d’un expert à
l’autre. Elle est basée sur l’imagerie :
o Une réponse complète est définie comme la disparition complète de la tumeur pendant une
durée au minimum égale à 4 semaines.
o Une réponse partielle est définie comme la diminution plus grand diamètre tumoral (ou de la
somme des plus grands diamètres en cas de tumeurs multiples) égale à 30 % ou plus (critères
RECIST).
o Une stabilisation est définie comme l’absence de progression ou de réponse. Une stabilisation
longue peut être intéressante dans une optique palliative.
o Une progression est définie par une augmentation de plus de 20 % du plus grand diamètre
tumorale (ou de la somme des plus grands diamètres en cas de tumeurs multiples) et/ou par
l’apparition de nouvelles localisations tumorales.
2. La chimiothérapie première (ou néo-adjuvante)
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Le but de la chimiothérapie première est de faire diminuer le volume tumoral ou les signes d'inflammation.
II s'agit de rendre curables, par un geste locorégional secondaire, des cancers qui se présentent
initialement comme dépassés ou dont l'espoir de contrôle local est minime. Deux à 3 cures de
chimiothérapie sont nécessaires pour juger de l'efficacité du traitement. On doit faire un nouveau bilan à
l'issue de ce délai pour apprécier les possibilités d'un traitement chirurgical et/ou une radiothérapie qui,
rendus possibles, donnent un nouvel espoir de curabilité.
Les avantages théoriques de cette chimiothérapie première sont :
o La destruction des cellules à croissance rapide
o Le retour d'une tumeur de l'état inopérable à un état d'opérabilité potentielle
o La chirurgie moins mutilante
o La diminution du risque de récidive locale
o La diminution du risque de chimiorésistance
La sélection d'une combinaison chimique efficace réalisant un test d'efficacité in vivo : une chimiothérapie
efficace peut inciter à la poursuite en traitement adjuvant, une chimiothérapie inefficace la modification
du traitement. La chimiothérapie première permet de tester efficacité de la chimiothérapie
(chimiogramme clinique), ce qui fait progresser l’évaluation des médicaments et de leurs associations.
Les inconvénients théoriques de la chimiothérapie première sont :
o Le retard à la chirurgie ou à la radiothérapie et le risque de progression tumorale
o L'augmentation du risque des complications per et postopératoires et des réactions radiques
o Les difficultés anatomopathologiques post-chimiothérapiques
o L'immunodépression.
Exemples d’utilisation de la chimiothérapie première :
o Cancers inflammatoires du sein pour permettre ensuite un traitement local par chirurgie et
radiothérapie
o Volumineux cancers du sein (t3) pour les patients qui souhaitent éviter la mastectomie
o Cancers du poumon non à petites cellules, non opérables d’emblée, qui peuvnet bénéficier d’une
chirurgie à visée curative en cas de bonne réponse.
o Sarcomes des parties molles, ostéosarcomes et tumeur d’ewing des membres: le but est d’éviter
une intervention mutilante (amputation).
o Cancer de l’ovaire non accessible à une chirurgie radicale initiale. La laparotomie est reprise après
4 à 6 cures de chimiothérapie (second look) pour réaliser une exérèse maximale.
o Cancer du larynx avec l’objectif d’éviter la laryngectomie
o Volumineuse(s) métastase(s) hépatique(s) d’un cancer colorectal
3. La chimiothérapie adjuvante ou complémentaire est prescrite après le geste locorégional
(chirurgical le plus souvent) d'exérèse de la tumeur primitive et après l’obtention d'un
contrôle local satisfaisant.
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Elle est donnée lorsque le risque de récidive local et/ou métastatique est élevé du fait de la diffusion
précoce de micrométastases, alors même que l'ensemble des examens cliniques et paracliniques fait
penser à une maladie encore localisée (bilan métastatique négatif).
Le risque de métastases ultérieures peut être lié à la tumeur elle-même, en fonction de critères
cytologiques ou architecturaux, de critères biologiques, ou à l'extension locorégionale de la maladie. Par
exemple le risque pour un cancer du sein de donner des métastases est lié au caractère indifférencié de
l'histologie, à l'absence de récepteurs hormonaux, à la taille tumorale, au caractère multifocal de la lésion,
et au degré d'envahissement ganglionnaire (envahissement massif avec ou sans rupture capsulaire).
Les nouvelles données biologiques prennent de plus en plus d'importance pour définir les facteurs
pronostiques. Ainsi, le pourcentage de cellules en phase S et le caractère aneuploïde des cellules
cancéreuses, sont autant d'éléments pronostiques qui ont pris une importance grandissante ces dernières
années. Le génotype de la tumeur avec la présence d'anomalies telles que des amplifications géniques ou
la présence d'oncogènes (Her 2/neu dans le cancer du sein par exemple, mutation de la protéine p53) sont
des éléments péjoratifs. La présence d’une expression de HER2 impose l’adjonction d’un anticorps
monoclonal humanisé (Hercpetin) en asscoaition avec la chimiothérapie classique en situation adjuvante
ou métastatique (cf cours du Dr Piprot)
Les progrès de la génomique (micro-arrays) et de la protéomique font espérer une meilleure prédiction de
la nécessité d'une chimiothérapie adjuvante (exemple protocole MINDACT).
On déduit de l'ensemble de ces paramètres, un index pronostique. Ainsi, après une stratification clinique,
radiographique, histologique biologique complète, on définit deux types de malades :
o Des malades à faible risque métastatique pour lesquels le traitement locorégional chirurgical avec
ou sans radiothérapie est le seul traitement. Une hormonothérapie (tamoxifène) est prescrite en
cas de positivité de la recherche des récepteurs hormonaux.
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Des malades à risque métastatique élevé : ces patients doivent recevoir une chimiothérapie
adjuvante, complémentaire du traitement loco-régional, si on possède une chimiothérapie
efficace pour le type de tumeur considéré. Ils reçoivent aussi une hormonothérapie.
Le traitement adjuvant a pour but d'éradiquer les micrométastases. Son efficacité ne peut être jugée à
l’échelon individuel. Seuls les essais randomisés peuvent démontrer son utilité. Une chimiothérapie
adjuvante est établie sur plusieurs principes :
o Elle est d'autant plus efficace que le nombre de cellules tumorales à détruire est faible.
o Elle a d'autant plus de chances d'être éradicatrice que son intensité est élevée.
o Le nombre de cellules ou de clones résistants à une chimiothérapie est proportionnel au volume
tumoral.
Il en découle des règles d'utilisation :
o Une chimiothérapie adjuvante doit commencer le plus tôt possible après le contrôle loco-régional
(dés la cicatrisation chirurgicale).
o Une chimiothérapie adjuvante doit être administrée d'emblée à dose efficace en évitant les
réductions de doses
o Une polychimiothérapie adjuvante est préférable à une monochimiothérapie. Le but de la
polychiothérapie est de détruire les clones dont les profils de résistance sont différents (idem que
dans la tuberculose).
o La durée et le type de traitement adjuvant sont établis en fonction de l'index pronostique initial et
sont donc déterminés au début du traitement pour chaque malade : la durée habituelle d'un
traitement adjuvant est de l'ordre de 4 à 6 mois.
o Le but du traitement adjuvant est de guérir un pourcentage plus élevé de malades : on est donc
moins amené à diminuer ce traitement en cas d'intolérance mineure ce qui est d'autant plus
accepté par les malades, prévenus de la durée limitée du traitement.
Tumeurs pour lesquelles l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante est démontrée :
o Cancers du sein avec des facteurs pronostiques défavorables : protocoles FAC ou FEC (6 cures),
AC (4 cures), ou 3 FEC puis 3 taxotère. Adjonction d’Herceptin si expression HER2 à + + + (environ
20 % des patientes).
o Cancer du colon (stade III) : FolFox = 5FU/acide folinique/oxaliplatine (12 cures en 6 mois).
o Cancer du testicule : 3 BEP (+/- curage ganglionnaire lombo-aortique).
o Cancers de l’ovaire : 6 cures de taxol/carboplatine.
o Ostéosarcomes, sarcome d’Ewing.
Tumeurs pour lesquelles l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante est probable :
o Cancers de la vessie N+.
o Cancers de l’estomac N+ :
o 5FU + radiothérapie (schéma de Mc Donald).
o Ou schéma MAGIC : 3 cures d'un schéma basé sur le cisplatine et le fluorouracile, avant
la chirurgie et 3 cures adjuvantes post-opératoires.
4. La chimiothérapie des formes métastatiques
-
-
-
Encore exceptionnelle il y a quelques années, la mise en rémission complète de très longue durée ou la
guérison des formes avancées, récidivantes ou métastatiques, est de plus en plus fréquente.
On peut définir ainsi deux types de cancers conduisant à deux stratégies thérapeutiques différentes.
Cancers pour lesquels la chimiothérapie est administrée à visée curative.
Les cancers potentiellement chimiocurables se définissent comme ceux qui peuvent être guéris par
chimiothérapie seule, quel que soit le stade, métastatique ou non, auquel le malade est traité.
Le but est d'obtenir une réponse clinique, paraclinique et biologique complète, condition absolue de la
guérison. En cas de réponse partielle de bonne qualité, une exérèse chirurgicale complémentaire peut
permettre d’atteindre la guérison :
o Tumeurs germinales du testicule ou de l’ovaire. La chimiothérapie, complétée par la chirurgie,
permet régulièrement de guérir des patients métastatiques (+curage ganglionnaire lomboaortique, métastasectomie pulmonaire ou cérébrale).
o Une minorité (15-20 %) des cancers de l’ovaire de stade III ou IV (importance d’une exérèse
chirurgicale maximale).
o Une majorité des lymphomes malins hodgkiniens ou non (80 % de guérisons dans la maladie de
Hodgkin; 50-60 % dans les lymphomes non hodgkiniens).
o Un pourcentage significatif des leucémies aiguës lymphoïdes (80 % chez l’enfant) ou myéloïdes
(40 % chez l’adulte), possiblement complétée par une chimiothérapie aplasiante avec autogreffe
ou allogrefe de moëlle.
o Choriocarcinome placentaire (très chimiosensible).
Pour certaines tumeurs (lymphomes de mauvais pronostic ou en rechute), une réponse partielle ou
complète peut être confortée par une chimiothérapie intensive avec autogreffe de cellules souches
circulantes qui a pour but de transformer les réponses en guérison). En pratique, une chimiothérapie
classique est administrée pendant 3 à 4 cures pour tester la chimiosensibilité. S’il y a réponse, au moins
partielle, les cellules souches circulantes sont recueillies par cytaphérèse lors de la phase de récupération
de la cytopénie et sous stimulation par des facteurs de croissance des polynucléaires (G-CSF). Les cellules
souches sont congelées et réinjectées après une chimiothérapie à dose massive. Ce traitement est suivi
d’une période d’aplasie de 7 à 15 jours pendant laquelle du G-CSF est administré. La période d’aplasie doit
être surveillée très attentivement (isolement infectieux, décontamination digestive, antibiothérapie à large
spectre si fièvre, transfusions plaquettaires). Les résultats de cette stratégie ne sont par contre pas
convaincants pour les tumeurs solides.
-
-
-
La chimiothérapie à visée palliative s’adresse aux cancers métastatiques
chimio-sensibles mais non chimio-curables.
Le traitement entraîne régulièrement des réponses tumorales pouvant aller jusqu'à des réponses cliniques
complètes. Cependant, il ne s'agit que de rémissions temporaires qui se termineront toujours par une
reprise évolutive et une résistance au traitement. La chimiothérapie permet une prolongation de la durée
de survie en phase métastatique. Il faut trouver un compromis entre l’efficacité du traitement et la qualité
de vie.
Exemples :
o Cancers du sein métastatiques. Il convient de débuter le traitement par une hormonothérapie et
de ne débuter la chimiothérapie que lorsque la tumeur devient hormono-résistante (50-60 % de
réponses en première ligne de chimiothérapie comprenant une anthracycline ou un taxane).
Utiliser de l’Herceptin ou du lapatinib 5tyverb) en cas d’expression forte de HER2.
o Cancers du poumon à petites cellules (70 % de réponses à l’association étoposide/cisplatine) ou
non à petites cellules (20-30 % de réponses à des associations comportant du cisplatine et un
taxane, ou de la navelbine ou de la gemcitabine).
o Cancers ORL (50-60 % de réponses sous 5FU-cisplatine).
o Cancers de la vessie (50-60% de réponses au protocole M-VAC ou gemcitabine/cisplatine).
o Cancers digestifs : 50 % de réponses des cancers colorectaux aux protocoles FolFOX ou FolFIRI, 40
% de réponses des cancers gastriques au protocole épirubicine/cisplatine/5FU continu, 10 % de
réponses des cancers du pancréas à la gemcitabine.
o La chimiothérapie est maintenant couplée à une biothérapie utilisant des anticorps humanisés
monoclonaux (cf cours Dr Piprot) :
o Bévacizumab (Avastin) dirigé contre le VEGF (vascular endothelial growth factor) qui
internvient dans la néo-angiogénèse.
o Cétuximab (Erbitux) ou panitumumab (Vectibix) dirigés contre l’EGF (epithelial growth factor)
s’il n’y a pas de mutation de l’oncogène Ki-ras.
o Mélanome : 15 % de réponses à un traitement combinant par déticène.
o Sarcomes : 30-40 % de réponses à des schémas comportant de la doxorubicine et de l’ifosfamide.
Il y a encore de nombreuses tumeurs chimiorésistantes pour lesquelles un traitement n’est licite que dans
le cadre d’essais thérapeutiques : cancers du rein, hépatocarcinome, gliomes
5. La radio-chimiothérapie
-
Cette modalité thérapeutique combine une radiothérapie et une chimiothérapie concomitante (à la différence des
traitements séquentiels où une modalité succède à l’autre).
La radiochimiothérapie vise une augmentation du contrôle local et une diminution des métastases. Elle est basée sur
la potentialisation de la radiothérapie par certains médicaments (5-fluorouracile, dérivés du platine).
Un gain thérapeutique est acquis :
o Pour les cancers ORL localement évolués (RTH + platine)
o Pour les cancers de l’anus ( RTH + mitomycine + 5FU)
o Pour les cancers de l’œsophage localement évolués (RTH + 5FU + cisplatine)
o Pour les tumeurs de vessie permettant parfois d’éviter la cystectomie (RTH + cisplatine)
o Pour les cancers du col utérin (RTH + cisplatine) :
o Pour les cancers poumons (platine + navelbine ou taxane + RTH)
o Pour les cancers du rectum (RTH + 5FU ou capécitabine
6. Les chimiothérapies loco-régionales
-
Ces techniques (chimiothérapie intra-péritonéale, intra-artérielle, intrathécale ou intratumorale) sont
intéressantes pour les tumeurs confinées dans un volume restreint. Elles augmentent la concentration et la
durée d’action des médicaments. Elles permettent de franchir certaines barrière fonctionnelles (barrière
hémato-méningée, barrière de diffusion dans les tumeurs solides). Elles doivent encore être évaluées au
sein d’études cliniques.
-
Administration artérielle hépatique d'une anthracycline émulsionée dans le Lipiodol (chimio-embolisation)
pour les cancers hépato-cellulaires inopérables.
Chimiothérapie intra-artérielle des métastases hépatiques des cancers coliques.
CHIP : chimiothérapie avec hyperthermie intrapéritonéale pour les carcinoses péritonéales d’origine
colique ou ovarienne.
7. Quelques protocoles standards de chimiothérapie
CE PARAGRAPHE EST DONNE POUR INFORMATION UNIQUEMENT
FAC:
FEC:
Cancer du sein
un cycle tous les 21 jours
- 5-Fluorouracile: 500 mg/m2
- Adriamycine : 50 mg/m2
Cyclophosphamide: 500 mg/m2
J1
J1
J1
un cycle tous les 21 jours
- 5-Fluorouracile: 500 mg/m2
- Epiadriamycine : 50- 100 mg/m2
Cyclophosphamide: 500 mg/m2
J1
J1
J1
CMF:
un cycle tous les 28 jours
- Cyclophosphamide (per os)
100 mg/m2/j
- Methotrexate IV
30 mg/m2/j
- Fluorouracile IV
500 mg/m2
de J 1 à J 14
à J 1 et J 8
à J 1 et J 8
Taxotére: 75 -100 mg/m2 un cycle tous les 21 jours
Taxol : - soit 80 mg/m2 , 1 fois par semaine
- soit 175 mg/m2 sur 3 heures , une fois tous les 21 jours
Navelbine-5 FU: Un cycle tous les 15 jours.
Navelbine
30 mg/m2
Fluorouracile perfusion continue: 800 mg/m2/j
J1
de J1 à J4
Herceptin : anticorps monoclonal humanisé si expression +++ du récepteur ERB2.
2 mg/kg/semaine en IV ou 6 mg/kg toutes les 3 semaines .
De préférence en association avec une chimiothérapie (taxanes, vinorelbine, platine). A éviter avec les
anthracyclines (potentialisation de la cardiotoxicité).
Cancers de l'ovaire
* Taxol-paraplatine
BEP :
un cycle tous les 21 jours
- Taxol:
- Paraplatine
175 mg/m2
350 mg/m2
Cancer du testicule
un cycle tous les 21 jours
- Bléomycine: 30 mg/m2/j
- Etoposide : 100 mg/m2/j
- Cisplatine : 20 mg/m2/j
J 1, J 7, J 14 .(-> dose totale 300 mg)
J 1, 2, 3, 4, 5
J 1, 2, 3, 4, 5
Cancers ORL
FU-platine
un cycle tous les 21 jours
- 5-Fluorouracile perfusion continue 1000 mg/m2/j
- Cisplatine : 80- 100 mg/m2/j
Cancers du colon
FU-FOL un cycle tous les 28 jours
- 5-Fluorouracile bolus
400 mg/m2/j
- Acide folinique 20 ou 200 mg/m2/j
J1
J1
de J1 à J5
J1
J 1, 2, 3, 4, 5
J 1, 2, 3, 4, 5
LV5FU2
un cycle tous les 15 jours
- 5-fluorouracile 1200 - 1800 mg/m2/j (perfusion continue)
- Acide folinique 350 mg
FolFOX
Fol FIRI
un cycle tous les 15 jours
- 5-fluorouracile 1200 - 1800 mg/m2/j (perfusion continue)
- Acide folinique 350 mg
- Oxaliplatine: 100 mg/m2
un cycle tous les 15 jours
- 5-fluorouracile 1200-1800 mg/m2/j (perfusion continue)
- Acide folinique 350 mg
- Irinotecan:
180 mg/m2
J 1 et J2
J1
J 1 et J2
J1
J1
J 1 et J2
J1
J1
Irinotécan + Erbitux (anticorps anti-EGF)
* EP
Cancers du poumon à petites cellules
un cycle tous les 21 jours
- Etoposide: 100 mg/m2/j
- Cisplatine (100 mg/m2) ou Paraplatine : 350 mg/m2
J 1, J 2, J 3
J1
Cancers du poumon non à petites cellules
* Navelbine - platine
un cycle tous les 21 jours
- Navelbine
30 mg/m2/j
- Cisplatine
100 mg/m2
J 1, J 8, J 15
J1
* Gemcitabine- platine
- Gemcitabine
- Cisplatine
J 1, J 8, J 15
J1
un cycle tous les 21 jours
1000 mg/m2/j
100 mg/m2
Cancers du pancréas
- Gemcitabine
1000 mg/m2/j
un cycle tous les 28 jours
* MVAC
Cancers urothéliaux
un cycle tous les 28 jours
- Méthotrexate
30 mg/m2
- Vinblastine
3 mg/m2
- Adriamycine
40 mg/m2
- Cisplatine
80 mg/m2
* Gemcitabine- platine
- Gemcitabine
- Cisplatine
J 1, J 8, J 15
J1
un cycle tous les 14 ou 21 jours
- Cyclophosphamide
- Adriamycine
(H pour Hydroxydaunorubicine)
- Oncovin
- Prednisone
- Rituximab (anticorps anti-CD20)
* ABVD
J 1, J15
J 1, J15
J2
J2
un cycle tous les 21 jours
1000 mg/m2/j
100 mg/m2
Lymphomes
* CHOP-Rituximab
J1, J8, J15
750 mg/m2
50 mg/m2
J1
J1
1,5 mg/m2
80 mg/m2
375 mg/m2
J1
J 1, 2, 3, 4, 5
J1
25 mg/m2/j
10 mg/m2/j
6 mg/m2/j
375 mg/m2/j
J 1 et J 15
J 1 et J 15
J 1 et J 15
J 1 et J 15
Maladie de Hodgkin
un cycle tous les 28 jours
- Adriblastine
- Bléomycine
- Vinblastine
- Déticéne
IV. Toxicité immédiate et retardée des médicaments anticancéreux
A SAVOIR
-
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La cytotoxicité des médicaments anticancéreux s’exerce aussi sur les tissus et organes du patients. On distingue des
toxicités de classe (ex: cardiotoxicité des anthracyclines) et des toxicités non spécifiques communes à de nombreux
médicaments (ex: hémato-toxicité, toxicité digestive). La toxicité peut être précoce, survenant pendant ou
immédiatement après le traitement, retardée de quelques jours ou lointaine, s’exerçant parfois plusieurs années
après la chimiothérapie.
La toxicité de la chimiothérapie peut être en partie prévenue par des mesures adaptées (adaptation des doses,
chimioprotecteurs, chimiocorrecteurs). Elle doit être consignée dans le dossier clinique selon la classification OMS et
sa survenue doit faire discuter l’adaptation de la posologie ou l’arrêt du traitement.
1. Toxicité hématologique
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-
-
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Elle est commune à de très nombreux médicaments sauf vincristine, bléomycine, asparaginase.
Elle est plus ou moins importante selon le médicament et l’état clinique du patient. Les personnes âgées, les patients
ayant déjà reçu une chimiothérapie ou une irradiation, les patients ayant une hypo-albuminémie et/ou une
dénutrition sont très sensibles à la chimiothérapie.
Elle porte sur les 3 lignées: érythrocytaire, myéloïde et plaquettaire. Elle est généralement réversible en 2 à 4
semaines après un nadir de survenue variable (7-20 jours). Pour certains médicaments la réparation médullaire est
totale, pour d’autres il y a une toxicité médullaire cumulative avec réduction progressive du nombre de cellules
souches capables de repeupler la moelle osseuse (melphalan, cyclophosphamide, nitroso-urées, mitomycine) et
aggravation progressive des cytopénies obligeant à l’arrêt du traitement.
Neutropénie : le nadir se situe souvent entre le 8ème et le 14ème jour suivant la cure, alors que le patient est
souvent à son domicile. Le risque majeur est le choc septique (germes Gram négatif) ou la pneumopathie extensive
(poumon blanc). Ce risque impose un traitement immédiat des complications infectieuses. Une hospitalisation
d’urgence doit toujours être discutée avec l’oncologue référent.
Le risque d’infection est faible si le nombre des polynucléaires reste > à 500/mm3; l’infection est pratiquement
constante si le nombre des PN est < à 100/mm3. L’infection est due le plus souvent à des bactéries endogènes qui
prolifèrent en cas de neutropénie (bactéries digestives qui subissent une translocation au travers de la muqueuse
digestive altérée par une mucite, bactéries commensales des voies aéro-digestives supérieures ou cutanées).
L’intérêt de l’isolement infectieux est donc modeste sauf en cas d’aplasie de longue durée (hématologie). Les
infections mycotiques (candidoses systémiques, aspergillose) ne surviennent qu’au cours des aplasies longues ou
répétées, ou chez les patients recevant aussi une corticothérapie ou des immuno-suppresseurs.
Conduite à tenir :
o Discuter l’intérêt de la numération formule d’intercure (14ème jour) qui sert surtout à adapter la posologie
de la cure suivante.
o Si neutropénie > à 500/mm3 et absence de fièvre ou de signes infectieux: surveillance simple à domicile par
le médecin traitant.
o Si neutropénie < 500/mm3, sans fièvre ou infection mais chez un patient fragile (personne âgée,
bronchiteux chronique...), discuter un facteur de croissance granulocytaires en sous-cutané à domicile (GCSF :GranocytR, NeupogenR, NeulastaR) sous surveillance du médecin traitant.
o
-
Attention aux patients sous corticothérapie ou anti-inflammatoires, aux cirrhotiques, aux vieillards qui
peuvent développer un tableau septique grave sans fièvre.
o Quelque soit l’importance de la neutropénie, si la fièvre est > 38 °C pendant plus de deux heures, avec ou
sans frissons, avec ou sans signes infectieux focaux (toux, expectorations, douleurs thoraciques, cellulite
cutanée...): hospitalisation immédiate en milieu spécialisé où seront pratiqués : 2 hémocultures à 15
minutes d’intervalle, un examen cyto-bactériologique des urines et un cliché pulmonaire avant le
démarrage immédiat d’une antibiothérapie probabiliste par voie intra-veineuse. En cas de choc, débuter
l’antibiothérapie après un seule hémoculture associée aux mesures de réanimation (remplissage vasculaire,
amines pressives). L’adjonction de facteurs de croissance hématopoïétiques est habituelle mais d’efficacité
incertaine à ce stade. L’antibiothérapie sera arrêtée après 5 jours d’apyrexie si les polynucléaires sont de
nouveau > à 1000/mm3.
o Exemples d’antibiothérapie probabiliste à adapter en fonction de l’écologie bactérienne du service :
céfotaxime/amikacine (+ vancomycine si forte probabilité de germe Gram + par infection de la voie
centrale), céfopérazone/ fluoroquinolone etc...Adapter l’antibiothérapie après 48 heures en fonction de
l’efficacité clinique, des résultats des prélèvements. Ajouter au besoin un antimycotique IV probabiliste
(amphotéricine B, fluconazole) en cas de résistance aux antibiotiques antibactériens.
Thrombopénie : fréquente mais souvent asymptomatique :
o > 50 000/mm3 : pas de risque. S’il y a une hémorragie, rechercher une autre cause (temps de prothrombine,
temps de céphaline activé, fibrinogène, causes locales).
o
-
-
< 10 000 : risque majeur d’hémorragie. Rechercher des signes de risque grave immédiat: flammèches
hémorragiques rétiniennes, ou plus simplement bulles hémorragiques de la muqueuse jugale ou du voile du
palais; rechercher une hémorragie digestive (toucher rectal --> méléna).
o Discuter transfusion plaquettaire (1 concentré/10 kg) si plaquettes < 20 000/mm3 surtout si thrombopénie
transitoire en rapport avec la chimiothérapie ou traitement à visée curative ou hémorragie extériorisée. En
cas de fièvre, le seuil de décision d’une transfusion plaquettaire est plus élevé (30 000). Le rythme des
transfusions plaquettaires est adapté en fonction d’une numération plaquettaire quotidienne permettant
de connaître le rendement transfusionnel.
Anémie : elle est fréquente mais ne pose pas de problème clinique majeur. Elle survient souvent après plusieurs
cures. On la corrige si l’hémoglobinémie est < 8,5 gr/100 ml. Avant toute transfusion, demander un groupage avec
phénotypage en considérant le patient comme un polytransfusé potentiel. On réalisera les sérologies hépatite B et C,
HIV 1 et 2, HTLV (obligation médico-légale). Avant chaque transfusion: recherche d’agglutinines irrégulières.
Intérêt de l’érythropoïétine (Eprex, Néorecormon, Aranesp) par voie sous cutané (1 à 3 / semaine), efficace
(diminution des besoins transfusionnels, meilleure qualité de vie) mais chère. Diminution de l'asthénie et
amélioration de la qualité de vie.
Toxicité tardive:
o Les mutations induites par les médicaments anticancéreux dans les cellules souches hématopoïétiques
peuvent provoquer des dysmyélopoïèses et des leucémies myéloïdes incurables: il y a 5 % de leucémies
chez les patients guéris d’une maladie de Hodgkin par MOPP et radiothérapie ; on note des leucémies
induites par le cyclophosphamide chez les patients traités pour une maladie immune ou le melphalan pour
un myélome. Il y a des leucémies secondaires chez l’enfant ayant reçu de l’étoposide.
o En pratique : limiter les indications de chimiothérapie aux maladies pour lesquelles elle est indispensable
(attention à l’utilisation des médicaments anticancéreux comme immunosuppresseur dans les pathologies
non cancéreuses). Limiter les temps et les doses cumulées de chimiothérapie en respectant les protocoles
validés.
2. Toxicité digestive
-
Nausées et vomissements : c’est une toxicité fréquente et redoutée qui peut être très atténuée par une bonne prise
en charge thérapeutique et psychologique.
On distingue les nausées précoces (dés le début et dans les heures suivants la perfusion), les nausées retardées (dans
les jours suivants) et les nausées anticipatoires (nausées “du parking”) de mécanisme psychologique.
Certains médicaments sont très émétisants et les nausées doivent être combattues préventivement et
systématiquement (cisplatine, carboplatine, cyclophosphamide, doxorubicine):
o Les nausées précoces sont très atténuées par les sétrons (Zophren R, KytrilR, NavobanR...) donnés par voie
o
veineuse ou orale avant puis après la cure.
Aprepitant (EmendR) est un antiémétique d’une autre classe (anti substance P neurokinine) qui est très
efficace et peut être associé aux sétrons.
o
o
-
-
Les corticoïdes à forte dose (exemple SolumédrolR , 100 mg IV) renforcent l’activité anti-émétisantes des
sétrons et/ou de l’aprepitant.
Les nausées tardives sont moins constamment sensibles aux sétrons qui doivent être cependant essayés
avec l’aprépitant. En cas d’échec, essayer PrimpéranR , VogalèneR, MotiliumR, voir LargactilR ou HaldolR en
cas de vomissements incoercibles. Une hydratation par voie IV, voire une alimentation parentérale sont
nécessaires en cas d’intolérance digestive sévère et prolongée.
o Les vomissements anticipatoires sont traités préventivement par les benzodiazépines données la veille de
l’hospitalisation et par un soutien psychologique.
Mucite : c’est une ulcération de la muqueuse oropharyngée (aphtes multiples) qui dépend de la dose et de la nature
des médicaments utilisés (méthotrexate, fluorouracile, aracytine, anthracyclines, irradiation corporelle totale). Elle
est favorisée par la neutropénie et constitue une porte d’entrée pour des septicémies à streptocoques, germes
anaérobies ou candida. Il n’y a pas de traitement préventif efficace. Elle guérit avec le retour à la normale du chiffre
des polynucléaires. Une bonne hygiène dentaire (extraction des dents cariées, brossage régulier) limite leur
survenue.
Conduite à tenir :
o Forme modérée: bains de bouche avec de l’amphotéricine en suspension (Mycostatine, Fungizone) à
avaler. Lidocaïne gel au moment des repas. Alimentation lactée et hachée, sans irritants.
o Forme sévère: alimentation et hydratation parentérale. Antibiothérapie ayant une activité sur les germes
anaérobies: pénicillines + métronidazole. Antimycotiques à activité systémique (amphotéricine IV,
fluconazole) si fièvre. Antalgiques majeurs (morphiniques). Acyclovir par voie veineuse si surinfection
herpétiques (cheïlite et bulles nécrotiques).
Epigastralgies et diarrhée : sont l’expression de l’atteinte toxique de la muqueuse gastro-intestinale qui favorise les
ulcérations, les hémorragies digestives (surtout si thrombopénie) ainsi que les translocations bactériennes d’origine
digestive. Les inhibiteurs de pompe à proton peuvent être largement prescrits avec les chimiothérapies gastrotoxiques (fluorouracil, irinotécan).
Les diarrhées sont fréquentes avec le 5-fluorouracile. Elles peuvent être cholériformes après Irinotecan (Campto R).
Conduite à tenir :
o Diarrhée de forme modérée: Lopéramide (ImodiumR : 1 ou 2 gélule après chaque selle liquide ; jusqu’à 10
gélules par jour). Alimentation sans résidus et sans lait (riz, bouillon salé).
Forme sévère: hydratation parentérale, Imodium : 1 gélule toutes les 2 heures. Rechercher par
coproculture une infection digestive à salmonelles, shigelles, clostridium difficile (+++: coproculture et
recherche de la toxine spécifique) et la traiter (Flagyl per os pour Clostridium difficile).
Constipation, iléus : se voit surtout après traitement par les alcaloïdes de la pervenche (Vincristine +++). Peuvent
simuler un tableau pseudo-chirurgical.
Conduite à tenir: laxatifs (lactulose). Prostigmine et alimentation parentérale si iléus. Eviter l’intervention
chirurgicale (+++)
o
-
3. Toxicité sur les phanères
-
-
Alopécie : Se voit surtout avec les anthracyclines, les taxanes, le cyclophosphamide à forte dose. Retentissement
psychologique important : avertir les patients, prescrire une perruque (remboursée par la Sécurité Sociale) avant la
chute des cheveux qui survient dans les 3 semaines suivant la première cure. Assurer que la récupération sera
complète à l’arrêt du traitement.
Prévention possible par l’utilisation d’un casque réfrigérant qui provoque une vasoconstriction au niveau des bulbes
pileux. Cette prévention est inefficace en cas de radiothérapie sur le cuir chevelu, si utilisation de fortes doses
(leucémies) ou si perfusions prolongées. L’utilisation du casque est déconseillée en cas de chimiothérapie à visée
curative avec cellules malignes circulantes (lymphomes) pour éviter de créer un sanctuaire, source possible de
rechute ou de localisations néoplasiques du cuir chevelu.
L’achat d’une perruque (remboursement partielle par la SS) est conseillé avant la chute complète des cheveux.
Erythrodermie, onychopathie : en règle réversibles. L’onychopathie due au Taxotère peut être prévenue par
immersion des ongles dans l’eau glacée pendant la perfusion ou des gants réfrigérés.
Syndrome de lyse : Il survient pour certaines tumeurs très sensibles à la chimiothérapie (leucémies, lymphomes,
tumeurs germinales ou à neuroendocrines à petites cellules). Les acides nucléiques libérés par les cellules
apoptotiques sont métabolisés en acide urique (hyperuricémie) avec risque de goutte et surtout d'insuffisance
rénale ou de lithiase par précipitation de cristaux d'acide urique. Le syndrome de lyse est prévenu systématiquement
par une hyper-hydratation ( 2l/m2) alcaline intraveineuse (contenant du bicarbonate à 14 g/l) , la surveillance du pH
urinaire (un pH < 7 facilite la précipitation) et l'administration d'urate oxydase (Fasturtec) qui métabolise l'acide
urique en allantoine plus soluble.
4. Toxicités spécifiques à certains médicaments:
-
-
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Cardiotoxicité
Les anthracyclines (doxorubicine, épirubicine) et apparentés (mitoxantrone) sont responsable d’une
myocardiopathie dégénérative dépendant de la dose cumulée. La toxicité est due à la formation de radicaux libres
qui altèrent les lipides membranaires et provoquent une dégénerescence des cellules musculaires.
En pratique :
o Ne pas dépasser la dose cumulée de 450 mg/m2 pour la doxorubicine ou de 900 mg/m2 pour l’épirubicine.
o Eviter l’utilisation des anthracyclines chez les patients ayant une atteinte myocardique préalable.
Surveillance cardiaque par échographie ou mesure isotopique de la fraction d’éjection ventriculaire (valeur
normale > 50 %).
o Prévention par le dexrasoxane (CardioxaneR), un piégeur des radicaux libres, à administrer en perfusion IV
avant les anthracyclines.
o Association déconseillée des anthracyclines et de l’Herceptin car toxicité cardiaque redondante.
Le 5-fluorouracile en perfusion continue est responsable d’angor ou d’infarctus liés à un spasme coronarien. Cette
toxicité est rare (1 % des patients), elle ne dépend pas de la dose. Sa survenue doit entraîner l’arrêt immédiat et
définitif du médicament.
Nephrotoxicité
Le cisplatine : est responsable d’une atteinte du tubule pouvant aller jusqu’à la nécrose entraînant une insuffisance
rénale partiellement irréversible. A minima, l’atteinte tubulaire provoque une hypokaliémie et une
hypomagnésémie.
En pratique :
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Hyper-hydratation avant, pendant et 24 h après le cisplatine (diurèse minimale 100 ml/h ; utiliser de
préférence le NaCl à 9 g/l). Administrer du magnésium.
Eviter la co-administration de médicaments néphrotoxiques (aminosides, amphotéricine).
L’amifostine (EthyolR) diminue la toxicité rénale et neurologique du cisplatine.
La toxicité rénale des autres dérivés du platine (carboplatine, oxaliplatine) est faible. Ils peuvent être utilisés
à la place du cisplatine dans certaines indications (cancer de l’ovaire).
Le méthotrexate : est éliminé par voie rénale. En milieu urinaire acide, il précipite et peut provoquer une
insuffisance rénale.
En pratique :
o Hydratation alcaline (bicarbonate à 14 g/l) pour maintenir un pH urinaire > 7.
o Ne pas utiliser si insuffisance rénale.
o Ne pas associer à l’aspirine, aux anti-inflammatoires non stéroidiens, diurétiques qui diminuent
l’élimination rénale tubulaire du méthotrexate.
o Utilisation systématique (“sauvetage”) d’acide folinique après les fortes doses de méthotrexate (> 50
mg/m2).
Toxicité pulmonaire
La bléomycine : est responsable d’une toxicité pulmonaire cumulative pouvant aboutir à une fibrose. Ne pas
dépasser une dose cumulée de 300 mg. Limiter l’irradiation pulmonaire ou l’oxygénothérapie qui augmente le risque
de fibrose.
Toxicité vésicale
Le cyclophosphamide et l’ifosfamide: sont métabolisés en dérivés toxiques pour les voies urinaires: risque de cystite
hémorragique, voire de cancer urothélial à long terme.
En pratique :
o Hydratation suffisante.
o Utilisation systématique de Mesna (UromitexanR) qui inactive les dérivés urotoxiques dans les voies
urinaires.
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Toxicité sur les nerfs périphériques
La vincristine et à moindre degré les autres vinca-alcaloïdes, le taxol, le cisplatine, l’oxaliplatine sont responsables de
polynévrites (parésthésies, crampes, parésies).
En pratique: arrêter le médicament si paresthésies invalidantes avant la survenue de paralysie.
Toxicité gonadique
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La chimiothérapie peut être curative chez des patients en âge de procréer. Elle peut entraîner une stérilité transitoire
ou définitive surtout si des alkylants sont utilisés.
La plupart des médicaments anticancéreux sont mutagènes et ne doivent pas être utilisés dans le premier trimestre
de la grossesse. Si nécessaire un avortement thérapeutique doit être discuté. La chimiothérapie est possible, en cas
d'urgence au cours du troisième semestre car l'enfant est relativement protégé par le placenta.
En pratique :
o Chez l’homme: conservation de sperme (CECOS) avant chimiothérapie ou radiothérapie pelvienne. Le retour
d'une fertilité est possible (spermogramme de contrôle, contraception).
o Chez la femme: transposition ovarienne si radiothérapie pelvienne. Les analogues de la LH-RH pendant la
chimiothérapie auraient une action préventive. Il y a maintenant possibilité de conservation ovarienne avec
réimplantation et grossesse.
En cas de ménopause précoce induite par la chimiothérapie, utilisation possible d'un traitement hormonal substitutif
par oestrogènes/progestatifs sauf en cas de cancer hormono-dépendant (sein)
Toxicités accidentelles
Les anticancéreux sont des médicaments toxiques à marge thérapeutique étroite. Les erreurs de posologie ou
d’administration peuvent être catastrophiques :
o Insuffisance thérapeutique pour des tumeurs chimio-curables.
o Toxicité excessive : ex 20 mg au lieu de 2 mg de vincristine.
o Syndrome du « homard » (érythrodermie, insuffisance rénale, aplasie) si oubli de l’acide folinique après
méthotrexate à haute dose.
o Extravasation d’anthracyclines ou de vinca-alcaloïdes --> ulcération
Les réactions individuelles sont mal prévisibles : ex toxicité majeure du 5-fluorouracile chez les sujets déficients en
dihydropyridine-déshydrogénase. Les anticancéreux (sels de platine, gemcitabine, taxanes...) peuvent provoquer des
allergies de degré variable (rash urticarien, hypotension, choc grave). Les cures de chimiothérapie doivent être bien
surveillées par un personnel averti et formé. Tout symptôme anormal doit faire interrompre la perfusion avec
utilisation des traitements symptomatiques adaptés (nécessité de pouvoir assurer un remplissage vasculaire rapide
avec utilisation d'adrénaline).
V. Prescription pratique d’une cure de chimiothérapie
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A SAVOIR
Les deux plans cancers successifs (2003-2007 et 2009-2013) précisent que le choix d’un protocole de
chimiothérapie pour une situation clinique donnée doit être fait lors d’une réunion de concertation multidisciplinaire (RCP). La chimiothérapie doit être intégrée dans un plan thérapeutique combinant chirurgie,
radiothérapie et chimiothérapie dans un ordre prédéterminé. Ce plan de traitement doit être expliqué au
patient et un document (PPS = plan personnalisé de soin) qui doit lui être remis à la suite d’une
consultation d’annonce.
Compte tenu de la toxicité potentielle de la chimiothérapie, sa prescription doit être assurée par des
médecins compétents : oncologues médicaux ou spécialistes compétents en cancérologie. La prescription
d’un médecin “junior” doit être supervisée par un “senior” pour éviter les erreurs de dosage ou de voie
d’administration. L’intérêt de poursuivre ou non une chimiothérapie (rapport coût toxique/efficacité) doit
être rediscutée à chaque cure. Il est inutile, coûteux et dangereux de poursuivre une chimiothérapie
inefficace.
Il faut s’assurer par un examen clinique et biologique avant chaque cure de l’état physiologique du
patient :
o Poids et indice de performance (annexe 2).
o Leucocytes > 3000 /mm3, polynucléaires > 1500 /mm3, plaquettes > 100 000/mm3.
o Absence d’altération des émonctoires (rein et foie). Dosage de la créatinine.
o Etat général satisfaisant : contre-indication relative de la chimiothérapie si indice de performance
OMS > 2 (sauf tumeur très chimiosensibles : lymphomes, ovaire).
o Acceptation psychologique du traitement.
o Absence d’infection évolutive
o Apprécier les risques inhérents à chaque type de médicament :
o Anthracyclines  coeur (ECG, échographie ou fraction d’éjection isotopique initialement
puis si signes d’appel, respecter la dose maximale admissible).
o Cisplatine  rein (clairance de la créatinine), nerf (EMG au besoin).
o Bléomycine  poumon (RP, EFR, respecter la dose maximale admissible).
Il faut utiliser des protocoles standards validés en respectant les doses et le rythme.
Il faut employer des formulaires de pré-prescription imprimés indiquant les doses théoriques des
médicaments par m2 ou par kg. La prescription peut se faire directement par un logiciel informatique avec
une vérification des doses par un pharmacien Une infirmière doit refuser de réaliser une prescription orale
ou une prescription mal écrite ou non signée.
Il faut s’assurer d’un abord veineux correct: voie périphérique saine, ou beaucoup mieux chambre
implantable ou voie veineuse centrale.
Il faut utiliser les médications de confort permettant une meilleure tolérance de la chimiothérapie :
o Antiémétiques (sétrons, émend, métoclopramide, corticoïdes).
o Anxiolytiques si besoin.
o Antiallergiques (anti-histaminiques, corticoïdes) pour les taxanes.
La préparation centralisée des anticancéreux sous hotte à flux laminaire avec protection du personnel
avec contrôle par un pharmacien spécialisé est hautement souhaitable (Unité de Préparation Centralisée
pour l’Oncologie). La pharmacie hospitalière s’assurera d’autre part l’inactivation et de l’élimination des
déchets toxiques.
L’administration des chimiothérapies doit être faite par un personnel paramédical formé à la manipulation
des médicaments et à l’utilisation des chambres implantables (formation nécessaire pour les infirmières
libérales et hospitalières).
Les effets secondaires attendus, les risques et précautions à prendre doivent être expliqués au patient.
o Alopécie.
o Risque sur la fertilité (conservation de sperme).
o Risque infectieux ou hémorragique liés à l’aplasie.
o Diarrhée, mucite.
Le patient et son médecin traitant doivent pouvoir joindre en urgence un médecin spécialiste responsable qui
appréciera le besoin éventuel d’hospitalisation. A cet effet une fiche ou un livret d’information sont remis aux
patients sous chimiothérapie avec le N° d’appel du service.
QUESTIONS D'EXAMEN POSSIBLES SUR CE COURS
1.
2.
3.
4.
Comment informez-vous une patiente qui va recevoir une première cure de chimiothérapie adjuvante pour
un cancer du sein opéré ?
Vous êtes interne et vous devez renouveler une cure de chimiothérapie pour un patient atteint d'un cancer
du colon métastatique. Décrivez votre action.
Vous prescrivez une première cure de chimiothérapie pour un patient atteint d'un lymphome B avec de
volumineuses masses ganglionnaires. Quelle complication immédiate est à prévenir et comment ?
Un patient de 62 ans vous appelle à son domicile 7 jours après sa 2ème cure de chimiothérapie pour un
cancer du poumon à petites cellules (cisplatine/étoposide). Sa température est à 39°5 et il est confiné dans
son lit. Que faites vous ?
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