UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE PHARMACIE ANNEE 2007 N°37 THESE pour le DIPLÔME D’ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE Par Béatrice DARD Présentée et soutenue publiquement le 17 octobre 2007 L’UTILISATION THERAPEUTIQUE DU CANNABIS ET DES CANNABINOÏDES POUR LEURS PROPRIETES ANTALGIQUES Président : - M. Alain PINEAU, Professeur de Toxicologie, Nantes Membres du jury : - Mr Jean-François BIARD, Professeur de Pharmacognosie, Nantes - Mlle Marie-Morgane MANCERON, Docteur en Pharmacie SOMMAIRE 5 6 LISTE DES ABREVIATIONS INTRODUCTION 1 PARTIE I : PRESENTATION GENERALE DE CANNABIS SATIVA L. 8 1.1 HISTOIRE DE L’UTILISATION MEDICALE DU CANNABIS : 9 1.2 DESCRIPTION BOTANIQUE DE CANNABIS SATIVA L. 12 1.2.1 CLASSIFICATION BOTANIQUE 12 1.2.2 DESCRIPTION DE CANNABIS SATIVA L. 12 1.2.3 SA BIODIVERSITE 15 1.3 CHIMIE DE CANNABIS SATIVA L. ET DES CANNABINOÏDES 17 1.3.1 LES PRINCIPES ACTIFS DE CANNABIS SATIVA L. 17 1.3.1.1 Les terpénoïdes 17 1.3.1.1.1 Les cannabinoïdes 17 1.3.1.1.2 Les terpènes 20 1.3.1.2 Les hydrocarbures 21 1.3.1.3 Les acides gras et autres constituants de l’huile essentielle 21 1.3.1.4 Les flavonoïdes 21 1.3.1.5 Les oses et les itols 21 1.3.1.6 Les substances azotées 21 1.3.1.7 Les stéroïdes 21 1.3.1.8 Autres constituants 22 1.3.2 LA CULTURE DE CANNABIS SATIVA L. 22 1.3.2.1 Localisation des cannabinoïdes dans la plante et évolution de leur concentration au cours de sa croissance 22 1.3.2.2 Conditions de culture du chanvre «à fibre » 23 1.3.2.3 Conditions de culture du chanvre «à résine ». 23 1.3.3 EVOLUTION DES CANNABINOÏDES DANS LA PLANTE : 24 1.3.3.1 Décarboxylation des acides cannabinoïdes : 24 1.3.3.2 Evolution du THC dans les préparations à base de cannabis : 24 2 PARTIE II : L’UTILISATION THERAPEUTIQUE DU CANNABIS ET DE SES DERIVES DANS LE MONDE. 26 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 2.9.1 2.9.2 2.9.3 2.9.4 AUX PAYS BAS AU CANADA AUX ETATS UNIS ESPAGNE AU ROYAUME UNI EN ITALIE EN ALLEMAGNE EN FRANCE LES SPECIALITES COMMERCIALISEES CONTENANT UN CANNABINOÏDE MARINOL® CESAMET® SATIVEX® A L’AVENIR 27 28 30 33 33 34 34 35 36 36 36 37 38 1 3 PARTIE III : PHARMACOLOGIE 3.1 PHARMACOCINETIQUE DU THC : 3.1.1 ABSORPTION SELON LES DIFFERENTS MODES D’ADMINISTRATION : 3.1.1.1 Inhalation : 3.1.1.2 Voie orale : 3.1.1.3 Voie sublinguale : 3.1.1.4 Voie intraveineuse : 3.1.1.5 Voie rectale : 3.1.2 DISTRIBUTION ET STOCKAGE TISSULAIRE : 3.1.3 METABOLISME : 3.1.4 ELIMINATION : 3.2 MECANISMES D’ACTION CELLULAIRES DES CANNABINOÏDES : 3.2.1 INTERACTIONS NON SPECIFIQUES : 3.2.2 INTERACTIONS SPECIFIQUES : 3.2.2.1 Les récepteurs cannabinoïques 3.2.2.1.1 Le récepteur CB1 a. Localisation b. Mécanismes de transduction des signaux 3.2.2.1.2 Le récepteur CB2 a. Localisation b. Mécanisme de transduction des signaux 3.2.2.1.3 Existe-t-il d’autres récepteurs aux cannabinoïdes ? 3.2.2.2 Les ligands des récepteurs aux cannabinoïdes : 3.2.2.2.1 Ligands de synthèse : a. Agonistes : b. Antagonistes : 3.2.2.3 Système endocannabinoïde 3.3 THC ET NEUROTRANSMETTEURS : 3.3.1 EFFETS SUR L’ACETYLCHOLINE : 3.3.2 EFFETS SUR LES CATECHOLAMINES : 3.3.3 EFFETS SUR LE SYSTEME GABAERGIQUE : 3.3.4 EFFETS SUR LE GLUTAMATE : 41 42 42 42 43 43 44 44 44 45 46 46 46 47 47 48 48 49 51 52 52 53 53 53 54 55 56 57 58 58 58 59 4 PARTIE IV : LES PROPRIETES ANTALGIQUES DE CANNABIS SATIVA L. DU THC ET DES CANNABINOIDES. 60 4.1 PHYSIOLOGIE DE LA PERCEPTION DOULOUREUSE : 61 4.1.1 ACTIVATION DES NOCICEPTEURS : 61 4.1.2 TRANSFERT DE L’INFORMATION DOULOUREUSE DES NOCICEPTEURS PERIPHERIQUES VERS LA MOELLE EPINIERE : 61 4.1.2.1 Les fibres afférentes : 61 4.1.2.2 Acides aminés excitateurs : 62 a. Glutamate : 62 b. Substance P : 63 4.1.2.3 Acides aminés inhibiteurs : 63 4.1.3 LES RECEPTEURS AUX OPIACES : 63 4.1.4 TRANSMISSION DE L’INFORMATION DOULOUREUSE VERS LES CENTRES SUPERIEURS : 64 4.1.5 SYSTEMES DE CONTROLE DE LA TRANSMISSION DU MESSAGE DOULOUREUX : 65 4.1.5.1 Contrôles segmentaires : 65 4.1.5.2 Contrôles d’origine supraspinale : 65 4.2 LES DIFFERENTS TYPES DE DOULEURS : 66 4.2.1 DOULEURS NOCICEPTIVES : 66 2 4.2.2 DOULEURS NEUROPATHIQUES : 66 4.3 CANNABINOÏDES ET ANTALGIE : 67 4.3.1 ETUDES CHEZ L’ANIMAL : 67 4.3.1.1 Définitions : 67 4.3.1.2 Sites d’action : 68 4.3.1.3 Effets sur le circuit de la douleur : 69 4.3.1.4 Potentialisation de l’action de la morphine : 70 4.3.1.5 Hyperalgésie et douleur neuropathique : 72 4.3.1.6 Effets anti-inflammatoires : 73 4.3.1.7 Cannabinoïdes endogènes : 73 4.3.1.8 Cannabinoïdes et neurotransmetteurs : 76 4.3.2 ETUDES CHEZ L’HOMME : 77 4.3.2.1 Action antalgique du THC, du cannabis et de ses dérivés synthétiques sur des douleurs chroniques 77 4.3.2.2 Comparaison des effets du THC et de ses dérivés à ceux de la codéine sur des douleurs chroniques : 83 a. Comparaison des effets du THC à ceux de la codéine : 83 b. Action antalgique des dérivés synthétiques du THC comparé à la codéine: 85 4.3.2.3 Action antalgique du cannabis du THC et de ses dérivés synthétiques sur des douleurs aiguës 88 5 EFFETS SECONDAIRES DU CANNABIS 5.1 EFFETS SECONDAIRES DU CANNABIS : 5.1.1 LORS D’UN USAGE OCCASIONNEL : 5.1.1.1 Manifestations psychiques : 5.1.1.2 Manifestations somatiques : 5.1.2 LORS D’UN USAGE FREQUENT ET PROLONGE : 5.1.2.1 Manifestations psychiques : 5.1.2.1.1 Syndrome amotivationnel : 5.1.2.1.2 Psychose cannabique aiguë : 5.1.2.1.3 Psychose cannabique chronique : 5.1.2.1.4 Action sur la mémoire : a. Mémoire à court terme : b. Mémoire à long terme : 5.1.2.2 Manifestations somatiques : 5.1.2.2.1 Système respiratoire : 5.1.2.2.2 Système cardiovasculaire : 5.1.2.2.3 Système digestif : 5.1.2.2.4 Système immunitaire : 5.2 EFFETS INDESIRABLES DU THC ET DES CANNABINOÏDES : 5.2.1 MANIFESTATIONS PSYCHIQUES : 5.2.2 ACTION SUR LE SYSTEME CARDIO-VASCULAIRE : 5.2.3 ACTION SUR LE SYSTEME ENDOCRINIEN : a. Corticoïdes : b. Hormones sexuelles : c. Hormones thyroïdiennes : d. Prolactine : 5.2.4 EFFETS SUR LA GROSSESSE : a. Effets tératogènes : b. Toxicité pré et post-natal chez le rat : c. Essai sur la fertilité et le développement embryonnaire : 5.2.5 SYSTEME DIGESTIF : 5.3 TOLERANCE, DEPENDANCE ET THEORIE DE L’ESCALADE : 96 97 97 97 99 100 100 100 100 101 101 101 101 101 101 103 104 104 105 105 106 106 106 106 106 107 107 107 108 108 109 111 3 5.3.1 TOLERANCE : 5.3.2 DEPENDANCE : 5.3.3 LA THEORIE DE L’ESCALADE : CONCLUSION TABLE DES ILLUSTRATIONS BIBLIOGRAPHIE 111 112 113 115 117 118 4 LISTE DES ABREVIATIONS AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé AMM : Autorisation de Mise sur le Marché ATU : Autorisation Temporaire d’Utilisation CBD : Cannabidiol SGPA : Substance Grise Périaqueducale SNC : Système Nerveux Central THC : Tétra-hydro-cannabinol VEMS : Volume Expiratoire Maximal par seconde 5 INTRODUCTION Le cannabis est connu depuis l’antiquité pour ses propriétés thérapeutiques diverses. Il a été très largement utilisé dans ce but avant d’être abandonné en raison de nombreux cas de toxicomanie. L’intérêt pour le cannabis est relancé avec l’isolement et l’identification du tétrahydro-cannabinol, le THC, responsable de la plupart de ses effets thérapeutiques. Cette découverte a permis le développement de médicaments à base de THC ou de ses dérivés, prescrits dans de nombreuses indications, dont le traitement de douleurs chroniques. Aujourd’hui, les idées divergent à travers le monde. Alors que certains pays autorisent son utilisation pour le traitement de pathologies lourdes, d’autres, comme la France, le considère toujours comme une drogue dangereuse et donc en proscrit son utilisation en thérapeutique. Il est important de différencier les produits utilisés en thérapeutique. En effet, il peut s’agir : - soit de spécialités à base de THC ; dans ce cas, elles doivent répondre aux contrôles de qualité de la chaîne de santé. Les risques de toxicomanie sont alors faibles. Son utilisation est ici comparable à l’administration de médicaments à base de morphine pour lesquels les problèmes de détournements sont quasi-inexistants. - soit le cannabis sous forme d’herbe ou d’extrait utilisé plus ou moins en automédication sans suivre les contrôles de la chaîne de santé. Dans ce cas les risques de toxicomanie sont effectivement plus élevés et le risque d’apparition d’effets indésirables graves et incontrôlables est bien réel. D’autre part, la dose de THC utilisée n’étant pas contrôlée, l’efficacité thérapeutique n’est pas reproductible d’un plant à un autre. Reste ensuite à mettre en évidence le rapport bénéfice / risque du THC lui-même, comme pour tous les médicaments nouveaux. Le but de ce travail est de faire le point sur les propriétés antalgiques du cannabis, du THC et de ses dérivés. Nous chercherons à connaître le mode d’action du 6 cannabis et à savoir pour quels types de douleur ils peuvent être utilisés. Enfin nous ferons le point sur la validité de son utilisation thérapeutique en étudiant le rapport bénéfice / risque des différents produits. 7 1 PARTIE I : PRESENTATION GENERALE DE CANNABIS SATIVA L. 8 1.1 HISTOIRE DE L’UTILISATION MEDICALE DU CANNABIS : La première mention de l’usage médical du cannabis remonte à l’an 2700 avant J.C., où la plante est citée dans le Grand Herbier, ouvrage de l’empereur-botaniste chinois Shen-Nung. Le chirurgien chinois Hua-Tao (141-208), prescrivait un mélange de vin et de résine de cannabis, le Mafo Sam, comme analgésique avant une intervention (90). En Inde, d’après les textes sacrés, les dieux donnèrent le chanvre aux hommes afin qu’ils connaissent l’extase, le courage et les désirs sexuels plus intenses. Il était également prescrit dans la médecine indienne pour stimuler l’appétit, combattre les insomnies et les douleurs, traiter la tuberculose, la dysenterie, la coqueluche et les maladies vénériennes (29). L’effet antalgique du cannabis est donc connu très tôt, puis disparaît des revendications thérapeutiques jusqu’au XXème siècle. Du Moyen-âge au XVIIIème siècle, les sociétés musulmanes répandirent l’emploi du cannabis auquel elles prêtaient de nombreuses vertus thérapeutiques, en particulier dans l’épilepsie (93). Durant cette période, des botanistes français recommandaient la plante contre « les nodosités goutteuses, les tumeurs et autres enflures dures » (29). Un pasteur anglais nommé Robert Burton publia en 1621 un recueil intitulé Anatomie et mélancolie dans lequel il recommandait le cannabis dans le traitement de la dépression (90). C’est le naturaliste suédois, Carl von Linné, qui le décrivit pour la première fois scientifiquement en 1759 et qui donna au cannabis son nom scientifique actuel : Cannabis sativa (9). Au XIXème siècle les médecins français partis avec Bonaparte en Egypte virent dans le haschich une véritable panacée et en firent l’éloge à leur retour en France. Parmi eux, le docteur Louis Aubert-Roche déclara le cannabis remède souverain contre la 9 peste et publia en 1835 un traité à ce sujet De la peste et du typhus d’Orient. Sur onze cas graves de peste, Aubert-Roche obtint la guérison de sept d’entre eux, qu’il attribua au haschich, mais ne put poursuivre son expérience car l’épidémie avait cessé en France (6). Willian B.O’shaughnessy, jeune professeur à la faculté de médecine de Calcutta, après avoir testé le cannabis sur des animaux, commença à le prescrire à ses patients atteint de rage, d’épilepsie, de tétanos et de rhumatismes. Il décrivit en 1839, la teinture de chanvre (une solution de cannabis dans de l’alcool, administrée par voie orale) comme un des meilleurs antispasmodiques qui puisse exister. De retour en Angleterre en 1842, il approvisionna les pharmacies en cannabis. Très rapidement, les succès obtenus incitèrent des médecins en Europe et aux Etats-Unis à prescrire des extraits de chanvre dans de nombreuses pathologies. Le cannabis qui apparut en 1854 dans la pharmacopée américaine, était indiqué dans le traitement de près d’une centaine de maladies, avec cependant une mise en garde stipulant que le produit était dangereux à hautes doses et qu’il s’agissait d’un narcotique puissant. En 1867, dans le Dictionnaire de Thérapeutique Médicale et Chirurgicale de Bouchut et Despres (12), on pouvait lire la définition suivante du chanvre indien : « Plante de la famille des urtacées, dont une espèce, le chanvre ou cannabis indica sert à la préparation d’un extrait appelé le haschich, qu’on emploie à la dose de 2 à 4 grammes, contre le rhumatisme, l’hydropisie, le tétanos, l’hydrophobie et une foule de névroses. Si l’on n’emploie pas le haschisch on peut employer une préparation dite lavamesh, à 20 ou 80 grammes, et qui n’est que du haschisch associé à du sucre, des pistaches et quelques aromates. On emploie aussi la teinture de haschisch, 10 à 28 gouttes, toutes les deux ou trois heures, dans les accès d’asthme, dans l’hystérie, dans l’irritabilité nerveuse, etc. » Au XIXème siècle la prise de cannabis était donc librement répandue, le nombre de toxicomane devint important. Malgré le grand enthousiasme que portaient de nombreux médecins à l’égard du chanvre indien, la fin du XIXème siècle marque le début du déclin de l’utilisation du cannabis. En effet, les différentes préparations à base de cannabis vendues en pharmacie n’étaient pas standardisées, les lots n’avaient donc pas tous la même puissance, ce qui 10 parfois était cause d’échec thérapeutique ; les réactions au cannabis pris par voie orale semblaient inégales et imprévisibles (26). De plus, les progrès de la chimie allaient permettre d’isoler à partir d’autres plantes de nombreux principes actifs, tels que la morphine et la codéine issues de l’opium ; mieux dosables et plus constants dans leurs effets que les simples extraits utilisés jusqu’alors (26). Des médicaments de synthèse, comme les barbituriques ou l’aspirine, firent aussi leur apparition sur le marché. Une innovation importante fut l’invention de la seringue hypodermique, facilitant l’usage des opiacés solubles dans l’eau et permettant d’obtenir le soulagement rapide de la douleur. Le cannabis quant à lui, en raison de sa liposolubilité, ne pouvait être utilisé par voie injectable à la différence de médicaments plus modernes (31). Le chanvre et ses dérivés furent interdits en France par la loi de la prohibition des psychotropes en 1916 (78). Puis le cannabis fut supprimé définitivement de la pharmacopée américaine en 1941 et de la pharmacopée française en 1953 (l’édition de 1949 mentionnait encore teinture et extrait, indiqués comme sédatifs dans les douleurs gastriques et dans certaines pathologies mentales) (78). En 1964, R. Mechoulam isola le delta-9-tetrahydrocannabinol ou THC, principal composé psychoactif du cannabis, relançant dès lors l’intérêt de la plante (9). Puis les chercheurs ont mis en évidence que le cannabis exerçait son action en mimant l’action d’une molécule naturellement présente dans le cerveau : l’anandamide. Avec celle-ci, c’est un nouveau système de communication nerveuse qui est découvert et que les chercheurs explorent encore aujourd’hui (106). Les études menées ont abouti, au milieu des années 80, à la mise au point par un laboratoire américain (Roxane Laboratories) d’un médicament à base de ∆-9-THC : le dronabinol. Il est indiqué dans le traitement des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie anticancéreuse. Aujourd’hui, plusieurs médicaments à base de THC sont mis sur le marché pour leurs propriétés anti-émétique, orexigène ou encore analgésique (cf. partie II). D’autres propriétés plus inattendues du cannabis sont actuellement à l’étude : il inhiberait la prolifération des cellules tumorales dans le cancer du sein, protégerait des accidents vasculaires cérébraux et serait un anesthésique local (106). 11 1.2 DESCRIPTION BOTANIQUE DE CANNABIS SATIVA L. Le chanvre est l’une des plus anciennes plantes connues et cultivées par l’homme. On connaît plus de 100 variétés différants par leur taille, leur rapidité de croissance et leur composition, toutes dérivant de l’unique espèce, Cannabis sativa, décrit scientifiquement pour la première fois par Carl von Linné en 1753 (6). 1.2.1 Classification botanique Embranchement : Spermatophytes (ou phanérogames) Sous-embranchement : Angiospermes Classe : Dicotylédones Série : Apétales Ordre : Urticale Famille : Cannabacées (9) 1.2.2 Description de Cannabis sativa L. Le chanvre est une plante herbacée annuelle apétale (la fleur ne possède pas de corolle) phylogénétiquement proche du Houblon. Elle est le plus souvent dioïque (les pieds mâles et femelles sont séparés). 12 Figure 1: Feuille de cannabis (102) Figure 2 : Plan de cannabis (102) La racine est longue, pivotante et divisée en plusieurs segments. Son système radiculaire est bien développé. La tige, creuse, carrée et cannelée est recouverte de poils minuscules, dirigés vers le haut. Les feuilles sont insérées de façon opposées sur la partie inférieure de la tige et de façon alterne sur la partie supérieure de la tige. Leur pétiole est long. Elles sont palmatiséquées, on compte 5 à 11 folioles de taille inégale disposées en rayon. Les folioles lancéolées ont des bords très découpés (en dents de scie). Notons qu’ils peuvent atteindre jusqu’à 25 cm de long. La face supérieure des feuilles a une coloration verte, plus intense que celle de la face inférieure. Elles portent sur l’épiderme des deux faces des poils tecteurs unicellulaires, recourbés, longs et étroits, et d’autres poils ayant une base renflée et renfermant des cristaux d’oxalate de calcium. Ces poils cystolithiques ont un intérêt particulier en diagnose. La répartition des feuilles varie en fonction du plant étudié : - sur les plants mâles, les feuilles se disposent de façon éparse - sur les plants femelles, il y a plus de feuilles au sommet de la tige que sur le reste de celle-ci (76). Les fleurs des plants mâles sont les premières à fleurir, disposées en cymes axillaires et terminales. Elles possèdent 5 sépales verdâtres et 5 étamines pendantes et forment des bouquets ramifiés (76). 13 Figure 3 : Plant mâle (102) Les fleurs des plants femelles sont en panicules terminales dressées, plus développées que les fleurs mâles. Les fleurs femelles ne se projettent pas au-delà des feuilles. Les sépales caliciformes sont au nombre de 4. Les fleurs se trouvent à l’aisselle d’une bractée foliacée. Sur les bractées sont présents des poils et des poils sécréteurs (sans tige) qui sécrètent de la résine claire, brillante, et collante ; elle est sécrétée dès les premières fleurs et jusqu’à maturation des graines. Cette sécrétion permet de protéger les fleurs et les graines contre la chaleur et la sécheresse. La résine est riche en delta-9-THC, molécule ayant des effets psychoactifs (93). Figure 4 : Plant femelle Son fruit est sec et indéhiscent, comme chez les autres cannabacées. L’akène de Cannabis sativa L. nommé chènevis est elliptique, lisse, dur, brun à gris luisant et ne contient qu’une seule graine. C’est cette graine de chènevis qui contient une huile siccative (30 à 35%) (93). 14 1.2.3 Sa biodiversité L’espèce est caractérisée par une forte diversité génétique et compte plus d’une centaine de variétés dans le monde. On distingue souvent deux espèces différentes, un chanvre «textile» et un chanvre «indien » : - Cannabis sativa sativa, aussi appelé «type fibre » ou chanvre commun dont les pieds peuvent atteindre 4 à 6 m de hauteur (croissance de 10 cm par jour), cultivé pour ses fibres et ses graines (les chènevis) dont on extrait l’huile. Ce type est cultivé en France depuis des siècles, et le demeure sous contrôle du ministère de l’agriculture. La résine du type fibre contient très peu de delta-9- tétrahydrocannabinol. - Cannabis sativa indica, appelé aussi «type drogue », aux pieds courts et touffus (moins de 4m de haut), a une résine plus riche en cannabinoïdes (plus de 1% de THC dans la résine). Il est surtout cultivé dans les régions chaudes. Mais en pratique il n’existe qu’un chanvre se présentant, selon les conditions de culture et de sélection, sous diverses formes adaptatives plus ou moins riche en fibres ou en résine. En effet, des expérimentations ont permis de prouver définitivement qu’il n’existe qu’une seule espèce de Cannabis sativa L. On a planté en Europe une graine d’une plante de Cannabis sativa L. tropicale utilisée pour sa résine. Après quelques générations de culture dans ce nouveau milieu, le plant ne fournissait plus que très peu de résine mais une très bonne qualité de textile. L’inverse a aussi été vérifié (93). Selon les latitudes, l’aspect de la plante, comme ses concentrations en principes actifs (les cannabinoïdes) varient fortement, au point que certains auteurs ont cru pouvoir distinguer deux sous-espèces , mais les expérimentations ont permis de conclure qu’il n’existe qu’une seule espèce de cannabis. Comme toutes les espèces végétales, le cannabis s’adapte par sélection naturelle aux conditions du sol et du climat qu’il rencontre et la main de l’homme peut modifier les taux de cannabinoïdes artificiellement. Ainsi la variété Sinsemilla qui est cultivée essentiellement au Mexique, aux Etats-Unis et Pays-Bas a été obtenue par hybridation, pour la production de marijuana. Sa teneur en delta9-THC est très supérieure à la moyenne. Alors que le «chanvre à 15 fibre » ne contient que 0,1% de THC dans les feuilles et les sommités fleuries de la plante, et que la marijuana des meilleures plantes «à résine » en possède aux alentours de 10%, la teneur en THC dans l’herbe de la Sinsemilla cultivée aux Etats-Unis dépasse couramment 20%, et son homologue hollandaise, la Nederwiet, atteint les 40% de THC dans la marijuana (93). 16 1.3 CHIMIE DE CANNABIS SATIVA L. ET DES CANNABINOÏDES On connaît aujourd’hui une soixantaine de composés, nommés cannabinoïdes pouvant être extraits. Parmi ceux-ci, on retiendra le delta-9 tétrahydrocannabinol (THC), la molécule la plus abondante qui est à l’origine des effets biologiques du cannabis en mimant des substances endogènes, les endocannabinoïdes, activant des récepteurs spécifiques. A ce jour deux récepteurs cannabinoïdes ont été clonés chez les mammifères (CB1 et CB2). 1.3.1 Les principes actifs de Cannabis sativa L. 1.3.1.1 Les terpénoïdes 1.3.1.1.1 Les cannabinoïdes a. Les cannabinoïdes psycho-actifs : Le delta9-tétrahydrocannabinol ou delta9-THC, isolé en 1964 par Raphael Mechoulam et Yechiel Gaoni de l’institut Weizmann à Rehovot (Israël) (23), est le principe actif le plus psycho-actif du cannabis. Il peut parfois représenter jusqu’à 90% des cannabinoïdes présents dans la plante. On le trouve surtout dans la résine des poils glandulaires des feuilles, des tiges et dans les sommités fleuries. Il a été le premier cannabinoïde identifié. Il possède une structure dibenzopyrane, avec une double liaison en position 9, un cycle C plan, un groupement alcool en C1, une chaîne aliphatique en C3 (n-pentyl). Le composé naturel que l’on retrouve dans la plante est l’isomère (-) delta-9-transtétrahydrocannabinol (104). 17 Figure 5 : Structure chimique du tétrahydrocannabinol Le THC a une hydrosolubilité très basse, mais une bonne solubilité dans la plupart des solvants organiques tels que l’éthanol ou l’hexane. Le THC est une molécule très lipophile, ce qui explique son passage rapide de la barrière hémato-encéphalique (23). Le delta8-THC, plus stable que le delta9-THC est préférentiellement formé lors de la synthèse chimique. Le delta8-THC et le delta9-THC sont des corps liquides huileux et visqueux, peu solubles dans l’eau. Ils sont facilement transformés en composés inactifs après exposition à la lumière ou à l’air ou à des changements de température (5, 106). b. Relation structure activité : La stéréochimie du THC joue un rôle primordial dans la reconnaissance et l’activation des récepteurs endogènes aux cannabinoïdes. Toute modification structurale sur le THC peut entraîner l’apparition d’une nouvelle activité thérapeutique ou un changement de l’activité psychotrope (9). 18 Les points importants de cette relation structure-activité sont : - Présence d’un hydroxyl phénolique (sa disparition ou sa substitution entraîne une perte complète de l’activité psychotrope). - Aire critique Présence d’un « aire critique », entre le C9 et le groupement hydroxyl phénolique, qui ne doit pas être bloqué (cette aire correspond à un haut site d’interaction avec le récepteur). - Respect de l’orientation des doublets libres de l’oxygène dans une conformation presque coplanaire des trois cycles (ces doublets sont impliqués dans la reconnaissance et l’activation des récepteurs aux cannabinoïdes) (3, 5). c. Les cannabinoïdes peu psycho-actifs : Le cannabidiol ou CBD a des effets sédatifs, analgésiques et antibiotiques. Son interaction avec le THC en potentialise les effets dépresseurs et en limite les effets euphoriques, tout en allongeant la durée d’action des effets psycho-actifs. Les plants Figure 6 : structure chimique du CBD 19 les plus résineux en possèdent un taux élevé. Il est le seul cannabinoïde qui cristallise à l’état pur. Le composé naturel est le (-) CBD. Par cyclisation, il donne le delta9-THC, ce qui expliquerait que lorsque la plante subit un fort ensoleillement, elle possède peu de CBD (celui-ci se cyclise en delta9-THC) (5, 106). Le cannabinol ou CBN provient de la dégradation du delta9-THC (oxydation du cycle C tétrahydrogéné). Les cannabinoïdes secondaires sont des molécules à configurations différentes. Elles ont un cycle A comme les principaux cannabinoïdes, ce qui leur confèrent certains effets biologiques des cannabinoïdes, comme l’action sur les lignées cellulaires lymphocytaires, macrophagiques… Les plus connus sont le cannabichromène, le cannabigérol, et le cannabicyclol. Le cannabichromène est le cannabinoïde représenté en plus grande quantité dans le type drogue (après le delta9-THC) lorsqu’il est fraîchement récolté. Il potentialise les effets du delta9-THC. La concentration en acides cannabinoïdes, qui peut représenter jusque 95% des cannabinoïdes lors de la récolte, diminue pendant la conservation. Ces acides se décarboxylent lors de la combustion et se transforment donc en delta9-THC ou en delta8-THC lorsque la plante est fumée, ce qui pourrait expliquer la préférence pour ce mode d'utilisation (93). 1.3.1.1.2 Les terpènes Cannabis sativa L. possède principalement des monoterpènes et des sesqui terpènes oxygénés ou non, qui constituent l’huile essentielle du chanvre. On leur doit son odeur caractéristique. Parmi les 119 constituants de cette huile essentielle on peut noter le mycène, le limonène, le p-cymène, les pinènes, l’alpha-terpinéol, le bornéol, le camphre, l’eugénol, le gaïacol… 20 1.3.1.2 Les hydrocarbures Ils constituent 0.7% de l’huile essentielle. Ce sont des alcanes des séries C9H20 à C39H80. 1.3.1.3 Les acides gras et autres constituants de l’huile essentielle Les glycérides d’acide gras représentent 30 à 35% de la composition du chènevis. Les plus abondants sont : - l’acide linoléique - l’acide oléique - l’acide palmitique. 1.3.1.4 Les flavonoïdes Ils sont surtout présents dans les feuilles. La plupart sont des O-hétérosides ou des C-hétérosides. 1.3.1.5 Les oses et les itols Ils représentent environ 15% du matériel végétal sec. Les oses sont principalement des monosaccharides et des disaccharides. 1.3.1.6 Les substances azotées Il y a principalement des substances que l’on retrouve dans de très nombreuses autres plantes, mais il y a aussi des traces de cannabisativine et d’anhydrocannabisativine qui sont spécifiques au Cannabis sativa L. 1.3.1.7 Les stéroïdes On en retrouve 12 à l’état de traces dans le chanvre, mais aucun n’est spécifique à cette plante. 21 1.3.1.8 Autres constituants La plupart sont non spécifiques, sauf cannabispirone, cannabispérinone, cannabispiranol, cannapinène…Ils permettent de compléter l’identification de Cannabis sativa L. lorsque celle-ci est nécessaire (93). 1.3.2 La culture de Cannabis sativa L. 1.3.2.1 Localisation des cannabinoïdes dans la plante et évolution de leur concentration au cours de sa croissance Les cannabinoïdes sont des composés en C21 isolés du cannabis sous forme neutre ou acide, ainsi que leurs acides carboxyliques, leurs analogues structuraux de synthèse, et leurs produits de transformation. Les cannabinoïdes sont absents des graines, des racines et des tiges. Ils sont présents dans les feuilles et très concentrés dans les bractées et la résine. Les deux cannabinoïdes les plus représentés chez Cannabis sativa L. sont le delta9THC et le CBD (cannabidiol). La teneur en THC dans la plante passe par un maximum avant la floraison, puis elle diminue progressivement pendant celle-ci, pour ensuite augmenter brusquement à la fin de la floraison, avant de décroître à nouveau. La teneur en CBD dans la plante atteint un maximum pendant la floraison, pour diminuer ensuite. Une récolte au printemps permet d’obtenir 2,5 fois plus de cannabinoïdes qu’une récolte au milieu de l’été. Les engrais organiques permettent d’améliorer la teneur en THC. 22 1.3.2.2 Conditions de culture du chanvre «à fibre » En France, seuls les plants de marijuana possédant moins de 0,3% de THC peuvent être cultivés et ceci sous le contrôle du ministère de l’agriculture. En France, on l’utilise peu dans l’industrie textile, mais principalement dans l’industrie papetière. Son emploi prend de l’essor dans les maisons «écologiques» car il est bon isolant. 1.3.2.3 Conditions de culture du chanvre «à résine ». Sa culture est interdite dans le monde entier. Elle est tolérée dans un but thérapeutique ou expérimental dans quelques pays occidentaux, où elle est alors très encadrée. Certains pays pauvres, eux, ferment les yeux sur cette source de revenu qui fait vivre une grande partie de la population… Le chanvre «à résine » est cultivé surtout dans les régions chaudes et sèches telles que les Indes, le Népal, l’Afghanistan, la Thaïlande, le Liban, l’Afrique du nord, et celle du sud, le Mexique… Les semis sont réalisés sur des sols meubles et humides. Une éclaircie des plants est effectuée dès qu’ils atteignent 20 cm. On élimine alors la majorité des plants mâles. La pollinisation est faite par secousse des inflorescences mâles au-dessus des panicules de fleurs femelles. Sans l’intervention de l’homme, la pollinisation a lieu grâce au vent (fleurs anémophiles). Les plants mâles meurent après avoir répandu leur pollen, tandis que les plants femelles vivent jusqu’à maturation de l’akène. NB : Cannabis sativa L. est dioïque, mais certains plants sont hermaphrodites. Cannabis sativa L. est donc une plante facilement reconnaissable malgré son polymorphisme très important qui lui permet d’être ubiquitaire. Elle peut être cultivée quasiment sur tout le globe, mais selon l’utilisation que le cultivateur voudra faire d’elle, il devra modifier les conditions de son exploitation. Elles devront être chaudes et sèches pour obtenir de bon taux de cannabinoïdes, alors qu’un climat tempéré sera parfaitement adapté pour faire des toiles, des vêtements, du papier, des isolants, des sacs biodégradables… 23 Sur le plan pratique, le cannabis se présente sous trois formes différentes aux usagers : - L’herbe (marijuana) : feuilles, tiges et sommités fleuries, simplement séchées. - Le haschich (shit) : résine de la plante obtenue en raclant les feuilles et en y ajoutant la poudre obtenue des plants séchés et secoués. Il se présente sous forme de plaques compressées, barrettes de couleur verte, brune ou jaune selon les régions de la production. - L’huile : préparation plus concentrée en principe actif, consommée généralement au moyen d’une pipe. 1.3.3 Evolution des cannabinoïdes dans la plante : 1.3.3.1 Décarboxylation des acides cannabinoïdes : Les cannabinoïdes sont présents dans les plantes fraîches sous forme d’acides carboxyliques, dont le principal est l’acide cannabinolique. Ils sont inactifs et dépourvus de psychoactivité. Un processus de transformation par phytosynthèse ou par l’action de la chaleur, va entraîner une décarboxylation de l’acide cannabidiolique qui va donner le cannabidiol (CBD), qui lui-même par une condensation intramoléculaire va donner le THC hautement psychoactif. 1.3.3.2 Evolution du THC dans les préparations à base de cannabis : Avec le temps (mal défini), le delta 9 THC s’isomérise en delta 8 THC beaucoup moins actif. La teneur du chanvre en delta 9 THC diminue également quand il est exposé à la lumière. En effet le delta 9 THC (ou le delta 8 THC) se transforme à son tour par déshydrogénation en un composé inactif : le cannabinol (CBN) (9). La surface des plaquettes de haschisch (exposée à la lumière solaire), est d’une couleur brun noir. L’intérieur de la plaquette, de consistance plus molle, est d’un brun tirant vers le jaune. Ce changement de couleur traduit une destruction partielle du delta 9 THC à la surface de la plaquette exposée à la lumière. L’intérieur protégé, est plus 24 riche en principe actif. Il est donc impératif de conserver le haschisch à l’abri de la lumière et de l’humidité (9). En pratique, le vieillissement des préparations de cannabis se traduit par la dégradation de leur principe actif qui entraîne une perte de ses effets hallucinogènes et peut expliquer les variations d’effet des préparations utilisées à des fins thérapeutiques. 25 2 PARTIE II : L’UTILISATION THERAPEUTIQUE DU CANNABIS ET DE SES DERIVES DANS LE MONDE. 26 2.1 Aux Pays Bas Depuis septembre 2003 la délivrance de cannabis est autorisée sur ordonnance dans les pharmacies de ville. Le gouvernement néerlandais a permis son utilisation comme traitement des douleurs chroniques, des nausées et de la perte d’appétit des personnes cancéreuses, malades du sida ; pour soulager les douleurs liées aux spasmes chez les personnes souffrant de sclérose en plaques ; pour réduire les tics physiques et verbaux des personnes souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette ; en cas d’échec des traitements conventionnels, ou en cas d’effets secondaires important nécessitant l’arrêt de ces traitements. Certains médecins et hôpitaux néerlandais ont l’autorisation de distribuer le SIMM 18® (poudre constituée de 15% de dronabinol (∆9-THC) et 0,7% de cannabidiol) et BEDROCAN® (poudre constituée de 15% de dronabinol et 0,8% de cannabidiol). Ces deux produits sont à prendre en inhalation ou en tisane. Au sein de l’UE, les Pays bas sont le seul état doté d’une agence spécialisée, le Bureau du Cannabis Médical (BCM), qui en distribue sous forme d’infusion ou de pulvérisations depuis 2003. Mais le BCM a un succès mitigé puisque, selon une récente étude, seul 10% des Néerlandais qui consomment du Haschich pour raisons médicales, se fournissent par ce biais. Les autres s’approvisionnent dans les « coffee shops ». Une modification de la loi néerlandaise sur les substances contrôlées (Opium Act) a pris effet le 17 mars 2003. Elle comprend des réglementations concernant les demandes pour la culture de cannabis. Elle autorise des demandes d’exemption à l’Opium Act concernant le cannabis. Elles seront gérées par le BMC, du Ministère de la Santé. Tout le cannabis cultivé par les demandeurs de ces exemptions doit être vendu au BMC. La tâche de ce dernier est de deux ordres : - il doit mener des recherches, ou faire le nécessaire pour que des recherches soient menées, pour savoir si le cannabis ou ses dérivés peuvent être utilisés comme médicaments ; - et il doit fournir du cannabis thérapeutique aux pharmacies. Les réglementations pour la culture du cannabis s’inspirent des règles générales de Bonne Pratique du Groupe de Travail sur les Produits de Phytothérapie de 27 l’Agence Européenne d’Evaluation des Médicaments (EMEA). Elles décrivent les exigences pour la culture, la récolte et la transformation primaire, pour garantir que le cannabis soit produit dans les conditions assurant des propriétés thérapeutiques du produit fini constantes et reproductibles. Après la légalisation de l’utilisation du chanvre thérapeutique aux Pays Bas, une étude a été réalisée sur un panel de 400 médecins généralistes : - 60 à 70% déclaraient qu’ils accepteraient de le prescrire si leur patient en avait besoin et en faisait la demande - 6% n’accepteront jamais de le prescrire - 15% considéraient le chanvre comme une drogue dangereuse - plus de 60% voulaient être informés des indications, des posologies, des effets secondaires… 2.2 Au Canada Depuis plusieurs années son utilisation est autorisée pour les patients en phase terminale. Depuis 2001, à la demande du ministre de la Santé Allan Rock, son utilisation a été étendue à la sclérose en plaques, aux lésions et maladies de la moelle épinière, aux cancers, au sida, aux formes graves d’arthrite et à l’épilepsie… Chaque demande doit être justifiée par un avis médical certifiant que les traitements conventionnels sont sans effet, et par deux avis s’il s’agit de symptômes n’appartenant pas à la liste. Les démarches à réaliser sont très encadrées, et les formulaires à remplir sont disponibles sur Internet où de nombreuses informations sont accessibles aux patients et aux médecins. Les patients ont le choix entre : - se fournir en chanvre thérapeutique grâce à SANTE Canada. Ils doivent alors évaluer leur consommation avec leur médecin. - ou décider de le cultiver chez eux dans des conditions très strictes et très encadrées, destinées à protéger les enfants et la collectivité. Ni le patient, ni le mandataire ne doivent avoir de casier judiciaire. Actuellement, 943 personnes sont autorisées à posséder de la marijuana pour se soigner. Sur ces 943 patients, 695 cultivent eux-mêmes leur plante. Santé Canada a aussi autorisé 77 producteurs à fournir de la marijuana à d’autres patients. Par ailleurs, 28 l’entreprise Prairie Plant Systems produit des bourgeons de marijuana contenant environ 14% de ∆9-THC et fournit la drogue à 237 Canadiens. En 2005, la spécialité Sativex® est mise sur le marché canadien. Il s’agit d’un spray buccal à base de THC et de CBD indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs neuropathiques chez des patients souffrant de sclérose en plaques. Au Canada, il existe aussi des associations qui fournissent du Chanvre thérapeutique à leurs adhérents. La plus connue est le CLUB COMPASSION de Vancouver qui, grâce à ses registres très détaillés référençant les modes de consommation de ses adhérents, a aidé SANTE Canada à mettre en place les grandes lignes de posologies qu’elle propose. Mme Hilary Black, directrice du Club Compassion de Vancouver, a déclaré devant le comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, Sénat du Canada, première session de la trente-septième législature, le 7 novembre 2001 (fascicule n°10, page 36) : « Nos membres présentent les symptômes et les états les plus divers : le VIH et le sida, le cancer, la sclérose en plaques, l’arthrite, la douleur chronique, la fibromyosite, l’épilepsie, le glaucome, l’hépatite C, l’anxiété, la dépression, l’insomnie, les troubles alimentaires et bien d’autres affections encore(…) Il importe que les consommateurs de cannabis à des fins médicales aient accès à différentes variétés du produit car l’effet du cannabis dépend de la variété employée et de la méthode d’ingestion. Nous expliquons les différences pertinentes à nos membres, qui peuvent alors choisir la variété de cannabis qui convient le mieux pour traiter efficacement les symptômes. L’indica et le sativa sont les deux principales variétés de cannabis utilisées à des fins médicinales. Nombre de ces souches et de ses croisements, il y a un nombre extraordinairement élevé de souches individuelles, dont chacun comporte des effets et des caractéristiques cannabinoïdes qui lui sont propres. Selon les données empiriques dont on dispose, les souches d’indica ont un effet calmant et sont efficaces pour contrer l’anxiété, la douleur, la nausée, pour stimuler l’appétit, pour susciter le sommeil, pour vaincre les spasmes musculaires et les tremblements entre autres symptômes. Les souches de sativa ont davantage un effet stimulant, efficace pour stimuler l’appétit, soulager la dépression, les migraines, les douleurs et les nausées. Nous sommes maintenant au courant de souches spécifiques qui 29 sont efficaces pour traiter des symptômes et des états particuliers. Les membres notent leur consommation afin de repérer la souche la plus efficace dans leur cas. Nous effectuons également un suivi serré des membres afin de pouvoir les aider à connaître leurs propres habitudes de consommation » (189). Ce mode de consommation pose un problème majeur en thérapeutique puisque les plants utilisés ne sont pas contrôlés. La composition qualitative et quantitative en principe actif n’est pas connue exactement et est fluctuante d’un plant à un autre, ce qui peut être responsable d’une diminution de l’efficacité du produit ou de l’augmentation de ses effets indésirables. De plus ces plants de cannabis n’étant pas purifiés, ils peuvent provoquer des effets indésirables tels que des diarrhées à salmonelle par exemple. Lors d’une prise de position, la société canadienne de la douleur a publié des directives relatives aux traitements pharmacologiques des douleurs neuropathiques chroniques. Selon ces dernières, les traitements de premier choix sont certains antidépresseurs et médicaments antispasmodiques (gabapentine et prégabaline). Les traitements de deuxième choix sont les inhibiteurs de recapture de la sérotoninenoradrénaline et la lidocaïne en application locale. Les opiacés sont recommandés comme traitement de troisième choix. Les substances de quatrième choix comprennent les cannabinoïdes, la méthadone et des substances antispasmodiques ayant un faible taux de preuve d’efficacité (115). 2.3 Aux Etats Unis La situation est complexe car plusieurs états autorisent l’utilisation du chanvre thérapeutique, mais le Congrès ne reconnaît pas cette spécificité. Les patients respectent la loi de leur état mais pas la loi fédérale. L’exemple d’Angel Raich, une californienne atteinte d’une tumeur neurologique inopérable illustre bien cette polémique entre la loi californienne et la loi fédérale. En effet, le 14 mars 2007, la cour d’appel fédérale a conclu en jurisprudence que cette femme ne devrait pas recourir à l’usage du cannabis pour soulager ses douleurs, malgré la loi californienne qui l’y autorise. Le juge a exprimé de la sympathie pour quelques arguments développés par Angel Raich, la plaignante. La décision de la cour reconnaît que l’usage de cette drogue à des fins 30 médicales est de plus en plus répandu bien que la loi fédérale l’interdise toujours. La cour a reconnu que : « la sagesse médicale et conventionnelle qui reconnaît l’usage de cannabis à des fins médicales crée de plus en plus de pression, y compris sur les lois. Pour l’instant, la loi fédérale est aveugle à cette sagesse d’un jour futur où le droit d’utiliser de la marijuana pour diminuer des douleurs atroces sera reconnu comme fondamental » (102). Le 21 février 2007, un groupe de militants Americans for Safe Access, se basant sur des résultats d’études avec du cannabis fumé dans le traitement des douleurs nerveuses associées au VIH, a déposé une plainte contre le gouvernement fédéral (5). L’objet de cette plainte est la déclaration du gouvernement selon laquelle le cannabis n’offrait pas d’utilité médicale suffisamment acceptable. L’étude menée à l’université de Californie de San Fransisco a été publiée en février 2007 (1). Les résultats ont démontré que l’utilisation du cannabis médical était bénéfique dans les cas cités cidessus. Les plaignants accusent le ministère fédéral de la santé de se comporter « de manière arbitraire et illégale » empêchant ainsi « l’accès à un médicament capable de procurer le soulagement nécessaire, voire sauver la vie de personnes gravement malades ou mourantes ». Le groupe de soutien, avec le siège en californie, veut qu’un juge oblige le ministère et la FDA (Food and Drug Administration) à arrêter la publication d’informations qui mettent en doute l’efficacité du cannabis dans le traitement de diverses maladies. « La position de la FDA sur le cannabis médical n’est pas correcte, ni honnête d’ailleurs, et, par-dessus tout, est une violation effrontée des lois qui exigent que le gouvernement doit fonder sa politique sur des connaissances scientifiques solides », a déclaré un porte-parole d’Américains for Safe Access (5). A ce jour, l’Alaska, l’Arizona, la Californie, le Colorado, Hawaï, le Maine, le Nevada, l’Oregon, Rhodes Island, le Vermont et l’état de Washington ont déjà légalisé l’utilisation médicale du cannabis (104). Seulement 1 à 3% des médecins de l’Alaska et de Hawaï (seuls états à garder des archives sur le sujet) ont recommandé le chanvre à leurs patients, et ce le plus souvent pour des douleurs intenses, ou des spasmes musculaires. La plupart de ces patients ont plus de 40 ans, ce qui irait à l’encontre de l’idée selon laquelle cette possibilité thérapeutique pourrait être utilisée pour des usagers récréatifs, pour obtenir une autorisation de consommation, en contournant la législation. 31 Contrairement aux attentes des prohibitionnistes, une étude réalisée dans dix états américains qui autorisent l’utilisation du cannabis thérapeutique, a montré que la consommation récréative des jeunes diminuait depuis la mise en place de celle-ci. Visiblement cela modifierait l’image du cannabis auprès des jeunes qui le verraient plus comme le traitement de pathologie lourde à utiliser avec prudence et ménagement (61). Le sénat de l’état du Nouveau Mexique a approuvé trois projets de loi distincts qui autoriseraient son utilisation thérapeutique. Elles permettraient, selon l’une de ces mesures, de cultiver le cannabis dans des installations agrées et protégées, et ensuite de le distribuer à des patients déclarés pour en détenir et en fumer ; selon une autre de produire la marijuana par une entreprise pharmaceutique ; et selon la troisième d’utiliser de la marijuana uniquement en application locale, tel qu’avec une pommade ou un collyre. Le 13 mars 2007, la chambre des représentants de l’état du Nouveau Mexique a adopté avec 36 voix contre 31 un projet de loi qui légalise l’usage du cannabis à des fins médicales. Le 14 mars, le Sénat a accepté une légère modification qui interdit la distribution de cannabis à moins de 100 mètres d’une église, d’une école ou d’un centre de soins. Ce projet de loi a été signé le 2 avril 2007 par le gouverneur Bill Richardson qui a déclaré que « cette loi offre un soulagement tant attendu aux Nouveaux Mexicains souffrant de maladies invalidantes tout en proposant des limites appropriées pour éviter les abus ». A l’entrée en vigueur définitive de la loi, à compter du 1er octobre 2007, le Département de la Santé de l’état sera tenu de mettre en place un système de distribution de cannabis médical pour les patients. Il devra attribuer des cartes d’identification aux patients et aux soignants, mais aussi des licences aux producteurs pour qu’ils puissent cultiver du cannabis (119, 120). Le sénateur actuel de l’état de CAROLINE du Sud souhaite que son état autorise l’utilisation de Cannabis médical (38). Le sénateur Bill Mescher a déclaré que cette idée le poursuivait depuis près de vingt ans, sa femme ayant énormément souffert à la suite d’un cancer du poumon. Un médecin lui avait alors déclaré que le cannabis aurait pu calmer les douleurs et les nausées provoquées par la chimiothérapie mais la loi de Caroline du Sud l’interdisait. Néanmoins, Bill Mescher n’est pas très optimiste en ce 32 qui concerne les chances de réussite pour un tel projet de loi, compte tenu de la réputation générale de cette drogue (38). 2.4 Espagne Le parlement catalan a approuvé en avril 2001 un projet de loi favorable à l’usage du cannabis contre la douleur, et le collège des pharmacies de BARCELONE, a proposé en 2004 d’utiliser le cannabis thérapeutique pour combattre des douleurs chroniques ou des nausées dans des pathologies comme la sclérose en plaques ou le cancer ainsi que l’anorexie dont souffre les malades du SIDA ou les patients sous chimiothérapie. Concrètement, une soixantaine de pharmacies catalanes, six hôpitaux (dont Valle Hebron, Can Ruti, Bellvitge et Clinic) et 40 chercheurs ont commencé à proposer de la marijuana pour des usagers thérapeutiques, courant 2005. L’usage thérapeutique de la marijuana est réalisé sous strict contrôle médical et seulement dans le cas où les traitements conventionnels ont échoué. Selon un sondage réalisé sur le site Internet de l’Union des Pharmacies Espagnol (Club de la Farmacia), trois pharmacies espagnoles sur cinq soutiennent la distribution de cannabis médical par l’intermédiaire des pharmacies. Seulement 11% des 200 pharmacies implantées dans toute l’Espagne ayant rempli le questionnaire ne distribueraient en aucun cas ce produit. 2.5 Au Royaume Uni Le cannabis est légalisé à des fins thérapeutiques, depuis le début de l’année 2004, chez des patients en fin de vie ou atteints de pathologies très invalidantes (Sclérose en plaques par exemple). 33 2.6 En Italie Le Sénat italien devrait approuver « au plus tôt la nouvelle proposition de loi du gouvernement permettant de simplifier la prescription médicale des traitements analgésiques, et pas seulement ceux à base d’opiacés, mais aussi ceux contenant des dérivés de cannabis ». Cette sollicitation de Livia Turco, ministre de la Santé, a été exprimée lors de la manifestation « Activités de rééducation : hier, aujourd’hui, demain », qui s’est déroulée de 22 mars dernier à l’institut Leonarda Vacari à Rome. Suite à une question d’Andréa Pellicia, neuropsychiatre à l’hôpital Saint Andréa de Rome, sur l’usage thérapeutique des dérivés de cannabis en anti-douleur, la ministre a répondu : « nous n’employons pas les bons termes. Je pense que le traitement de la douleur sur certaines pathologies est une mesure de civilité pour notre pays. Je voudrais rappeler que l’usage des cannabinoïdes contre la douleur est justifié scientifiquement. Nous devrions pouvoir utiliser toutes les substances disponibles » (101). 2.7 En Allemagne La loi n’interdit pas la consommation de produits stupéfiants mais elle érige en infractions pénales toutes les opérations qui les concernent (fabrication, commerce, détention etc…). Plus de 90% des procédures engagées pour la détention ne dépassant pas dix grammes sont abandonnées. L’utilisation du cannabis est autorisée pour la recherche scientifique. Depuis juin 2007, l’institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, une institution sous l’autorité du ministère fédéral de la Santé, a accordé une autorisation exceptionnelle d’administration de cannabis médical pour certains patients. D’après les documents médicaux fournis, il a été décider de « plaider en faveur de l’utilisation médical de cannabis du point de vue clinique, d’une part parce que les traitements à base de médicaments disponibles sur le marché ne se sont pas montrés suffisamment efficaces, et d’autre part, parce qu’aucun traitement autorisé et disponible 34 à ce jour présente un effet au moins égal à celui du cannabis pour réduire les souffrances des malades. L’institut propose aux patients d’utiliser un extrait de cannabis préparé spécialement par une pharmacie allemande de leur choix. A ce jour, le prix de cet extrait n’est pas encore connu ni si les caisses d’assurance maladie prendront en charge les frais liés au traitement. L’Institut a demandé aux postulants d’abandonner l’idée d’importer du cannabis médical des Pays-Bas et d’accepter la solution qu’il propose, autrement il n’écarterait pas la possibilité d’un refus de l’autorisation attribuée à titre exceptionnel. Cependant, la société néerlandaise Bedrocan propose un médicament avec des teneurs en THC et CBD standardisé alors que l’Institut maintient sa proposition au risque d’administrer les principes actifs à un dosage « ignoré, voire fortement variable » (39). 2.8 En France Le chanvre thérapeutique n’est pas autorisé. La consommation de cannabis est réprimée par la loi du 31 décembre 1970 très répressive sur les stupéfiants. A la différence de l’Espagne, de l’Irlande et des Pays Bas, elle ne fait pas de distinction entre le cannabis et les autres drogues. Aucun médicament contenant un cannabinoïde n’a été mis sur le marché mais les médecins peuvent cependant recourir sous la forme d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nominative, à deux cannabinoïdes commercialisés dans d’autres pays (MARINOL® et CESAMET®), depuis 1999. Au total l’Afssaps déclare dans son « bilan 2001 : principaux faits marquants » qu’elle a accepté 10 ATU de MARINOL® ainsi qu’une ATU pour le delta9-THC en spray, entre juillet 2001 et janvier 2002. Aujourd’hui, aucune demande de mise sur le marché pour des spécialités contenant des cannabinoïdes n’a été déposée auprès de l’Afssaps. Mais GW Pharmaceuticals a fait savoir qu’il voulait réaliser des études de SATIVEX® en France, et trois équipes françaises ont proposé de les réaliser, une dans le traitement de la SEP, une autre dans le glaucome et la dernière dans la cachexie des séropositifs. Une association s’est créée, PRISMA . Son but est de mettre en contact des malades français qui ne sont pas suffisamment bien soignés avec les traitements classiques ou qui n’en supportent pas les effets secondaires, avec des médecins suisses, 35 belges, espagnols ou anglais. Ils pourront ainsi si cela s’avère nécessaire, avoir légalement accès à une thérapie peu connue par les médecins hospitaliers français. 2.9 Les spécialités commercialisées contenant un cannabinoïde 2.9.1 MARINOL® Le Marinol® a été mis sur le marché par les laboratoires Roxane-USA. Celuici possède comme principe actif le dronabinol, un agoniste cannabinoïde de synthèse très proche du delta-9 THC. Sa formule chimique est (6αR-trans)-6α,7,7,10α-tetrahydro-6,6,9-trimethyl-3pentyl-6Hdibenzo(b,d) pyran-1-ol. Il a été découvert par le National Cancer Institute en 1971. Ses indications sont : - les nausées associées à la chimiothérapie anti-cancéreuse. - La stimulation de l’appétit chez les sidéens - Le glaucome - Les troubles du comportement, de l’humeur et de l’anorexie liés à la maladie d’Alzeihmer. Il se présente sous la forme de capsules à 2,5 ; 5 ou 10mg. La dose quotidienne varie de 2,5 à 20 mg/jour. MARINOL® est délivré par les pharmaciens américains, canadiens et tout récemment allemands, sur prescription médicale justifiée. 2.9.2 CESAMET® La compagnie américaine, Eli Lilly, a breveté la nabilone, un hexahydrocannabinol, en 1971 et la commercialise sous le nom Cesamet®. 36 Figure 7 : Structure chimique de la nabilone Il s’agit d’un cannabinoïde de synthèse destiné à une administration orale. Cesamet® est utilisé pour le traitement des nausées et des vomissements liés à une chimiothérapie anticancéreuse. Il se présente sous forme de capsules de 1 mg. La posologie est de 1 à 2 mg par prise, 2 à 3 fois par jour. Le traitement peut être commencé la veille au soir de la chimiothérapie et continué jusque 48h après la cure de chimiothérapie. Il est utilisé en Grande Bretagne, au Canada, aux Etats-Unis, en Espagne… En août 1998, l’AFSSaPS a tranché : les études de Cambridge Laboratories sur les interactions avec les traitements VIH n’étaient pas suffisantes et ne permettaient donc pas la mise en place d’une ATU de cohorte. 2.9.3 SATIVEX® SATIVEX® est un spray sublingual composé de deux principes actifs extraits de Cannabis sativa L., le delta-9-tetrahydrocannabinol 27mg/ml et le cannabidiol 25 mg/ml. Il est commercialisé par la société britannique GW Pharmaceuticals, en partenariat avec la firme allemande Bayer. Le 3 décembre 2004, le comité de sécurité médicinale, un organisme consultatif de l’agence britannique de régulation des produits pharmaceutiques (Medecines and Healthcare products Regulatory Agency, MHRA) a refusé la mise sur le marché de ce médicament. Il a reconnu sa qualité et sa sécurité, mais il a mis en doute 37 son efficacité. Il a donc finalement demandé aux industriels des études complémentaires. Le 10 juin 2005, GW Pharmaceuticals montrait au MHRA les résultats d’une nouvelle étude sur la sclérose en plaques. Malgré l’avis enthousiaste de nombreux scientifiques, dont le professeur BARNES, président de la fédération mondiale de neuro-réabilitation, le comité maintient son exigence de preuves d’efficacité supplémentaires. Le 21 décembre 2004, l’agence SANTE Canada a délivré un avis de conformité pour l’utilisation de ce médicament dans le traitement symptomatique des douleurs neuropathiques des patients souffrant de sclérose en plaques. BAYER a lancé SATIVEX® sur le marché canadien le 20 juin 2005. Néanmoins l’avis de conformité a été délivré sous certaines conditions et des études supplémentaires sont demandées pour confirmer le bénéfice clinique. Les patients doivent être avisés de cette condition avant d’utiliser le Sativex®. Il est indiqué dans le traitement symptomatique, associé à un autre antalgique, des douleurs neuropathiques chez des patients souffrant de sclérose en plaques. Il se présente sous forme de fiole contenant 51 vaporisations de delta9THC/CBD à la dose de 2,7 mg/2,5 mg par vaporisation. Les vaporisations sont effectuées sous la langue ou à l’intérieur de la joue. 2.9.4 A l’avenir Suite aux avancées pharmacologiques, le mécanisme d’action des cannabinoïdes est aujourd’hui connu. Il est désormais possible de développer des molécules spécifiques des récepteurs cannabinoïques ou des molécules hydrophiles pouvant être administrées par voie parentérale. Le but est de développer des molécules plus séléctives de l’action recherchée afin de diminuer les doses administrées tout en gardant l’efficacité thérapeutique et en limitant les effets néfastes. Le CP-55,940 baptisé lévonantradol, mis au point par le laboratoire PFIZER au début des années 70, comme le MARINOL® et le CESAMET®, avait été laissé de côté car il est environ soixante fois plus puissant que le delta-9-THC et les essais avaient été réalisés à des doses beaucoup trop élevées. Il va sûrement ressortir de 38 l’ombre car il doit cette efficacité à son hydrophilie qui permet donc de l’utiliser par voie transdermique ou intramusculaire. Le JWH-133, un agoniste CB2, injecté à des souris victimes de tremblements et de spasticité (modèle animal de sclérose en plaques) par une équipe de chercheurs américains a montré une réduction des symptômes. Au contraire les antagonistes au CB2 ont fait empirer les tremblements et les spasmes. Ce potentiel pourrait être utilisé à des fins thérapeutiques (7). Le Dexanabinol est un cannabinoïde synthétique neuroprotecteur non psychotrope. L’entreprise israëlienne Pharmos Corporation a obtenu, le 10 Juin 2003, l’accord de l’office des brevets des Etats-Unis pour une demande de brevet au sujet du Dexanabinol. Les droits accordés concernent plusieurs dérivés de Dexanabinol et leur utilisation dans le traitement d’inflammations, de pathologies neurodégénératives, d’ischémies du cerveau, de maladie auto-immunes et de douleurs. Des tests cliniques avec le Dexanabinol sont entrepris en 2003 en relation avec le traitement de lésions traumatiques du cerveau et en tant que moyen de prévention d’atteintes de capacités cérébrales suite à des opérations au cœur (18). Les essais de phase III se terminent fin 2004. Pharmos Corporation annonce le 20 décembre 2004 que les résultats de son étude clinique en phase III sur le Dexanabinol pour le traitement de graves lésions traumatiques au cerveau ne démontrent pas l’efficacité attendue. Alors que l’efficacité n’a pas été établie, la campagne d’essai a mis en évidence un excellent profil d’innocuité. Aucun écart de mortalité n’a été constaté avec le groupe placebo (19). Le CT-3 est un dérivé synthétique du principal métabolite psychoactif (THCCOOH) du THC. Des études préliminaires sur les cellules et les animaux ont montré que le CT-3 possèdait des propriétés analgésiques et anti-inflammatoires à faibles doses sans effet secondaire sur le système nerveux central ou le système gastro-intestinal. Le docteur Joseph Rudick a déclaré que « la substance n’a entraîné aucun effet secondaire et les composants du sang sont restés constants. Ces résultats indiquent que cette substance pourra sans danger et efficacement soulager la douleur des patients » (81). En octobre 2003, le docteur Udo Schneider et son équipe de la faculté de médecine de Hanovre ont testé l’efficacité du CT-3 sur 21 patients souffrant de douleurs 39 neuropathiques chroniques. La douleur a été réduite de façon significative sans qu’il n’y ait d’effets indésirables importants (47). En 2005, il a été démontré dans d’autres études sur des modèles de neuropathies sur animaux, que le CT-3 réduisait la douleur sans réduction de la performance motrice (62). Le CANNADOR® (un extrait de cannabis en gélules) a été testé dans une étude multicentrique menée dans 12 centres britanniques pour traiter les douleurs postopératoires. Trois dosages ont été testé : - 11 patients ont reçu les gélules à 5 mg de THC - 30 patients ont reçu les gélules à 10 mg de THC - 24 patients ont reçu les gélules à 15 mg de THC. Les chercheurs ont conclu que « le cannador à une dose de 10 mg était le mieux adapté du fait qu’il a calmé de manière efficace les douleurs post-opératoires chez des patients adultes et en bonne condition physique sans provoquer d’effets secondaires sérieux ou graves » (36). Les premiers résultats concernant le Cannador® sont plutôt encourageant et d’autres études méritent d’être développées. Les cannabinoïdes pourraient être profitables aux patients atteints de maladies inflammatoires des intestins. Lorsque des personnes sont atteintes de maladies inflammatoires de l’intestin, leur système immunitaire produit des inflammations dans différentes régions de l’appareil digestif. Ceci se traduit en symptômes tels que des douleurs et des diarrhées. Des premiers essais cliniques avec des extraits de cannabis sur la maldie de Crohn sont en cours à l’université de Munich avec du Cannador® ainsi que dans les laboratoires de l’entreprise anglaise GW Pharmaceuticals avec le Sativex® (108). 40 3 PARTIE PHARMACOLOGIE III : 41 3.1 Pharmacocinétique du THC : 3.1.1 Absorption selon les différents modes d’administration : La biodisponibilité a été étudiée dans des études chez l’animal avec du THC marqué au tritium ou au carbone 14. Une fois absorbés, les cannabinoïdes sont redistribués et stockés dans le corps, vers les tissus des organes les plus irrigués par le sang (cerveau, poumons, foie, glandes surrénales, rein, ovaires et testicules) (3). Les taux plasmatiques du THC varient en fonction de : - la voie d’administration - le type de consommateur - le contenu des préparations utilisées. 3.1.1.1 Inhalation : Après inhalation, la biodisponibilité du THC est de 20%. Le pic plasmatique est obtenu en 7 à 8 minutes. Ceci est du à l’importante surface d’absorption que présentent les alvéoles pulmonaires, richement vascularisées. Les concentrations plasmatiques varient entre 8 à 10 ng/ml lors d’une consommation isolée et de 50 à 200 ng/ml chez un utilisateur régulier, pour une même quantité fumée. En effet, un fumeur expérimenté a une inhalation plus efficace et peut varier le volume inhalé à chaque bouffée pour obtenir les effets psychotropes désirés et éviter le surdosage et les effets indésirables (11). Les effets psychotropes sont maximaux au bout de 20 à 30 minutes après inhalation (le temps que le THC passe du compartiment plasmatique aux tissus cérébraux) (74). Les concentrations sanguines observées 15 minutes après le début d’une inhalation de 20 mg de THC, sont de l’ordre de 50 à 70 ng/ml. 42 3.1.1.2 Voie orale : Par voie orale le THC a une absorption lente et irrégulière (74). Il est assimilé par l’intestin puis métabolisé par le foie (3). Il subit un phénomène de premier passage hépatique, expliquant que la biodisponibilité ne soit qu’environ 6%. Cette biodisponibilité est augmentée par la présence de corps gras dans l’alimentation. Le pic plasmatique n’est atteint qu’après 1 à 3 heures et les concentrations plasmatiques sont de l’ordre de 6 ng/ml pour une ingestion de 20 mg de THC. Per os, les effets psychotropes sont maximaux au bout de 2 à 3 heures (74), le temps de la métabolisation par le foie d’une grande partie de THC. Les effets du cannabis ingéré durent de 4 à 8 heures, voire plus exceptionnellement. En effet, grâce à la digestion, les cannabinoïdes sont stockés dans les graisses puis rediffusent lentement dans le sang (3). L’ingestion de cannabis est plus lentement active, mais avec des effets plus durables que l’inhalation de fumée qui donne des effets d’apparition rapide. 3.1.1.3 Voie sublinguale : Les paramètres pharmacocinétiques de la spécialité Sativex® ont été étudiés par le laboratoire GW Pharmaceutical dans deux études menées sur des volontaires sains (GWPK0112 et GWPK0215). Elles ont montré une très grande variabilité individuelle. Néanmoins on en retiendra une apparition plasmatique simultanée de THC, CBD et 11OH-THC 30 minutes après l’administration sublinguale de quatre pulvérisations de Sativex® (soit 10,8 mg de THC + 10 mg de CBD). Les concentrations maximales apparaissent entre 2 et 4 heures ce qui s’explique par une première absorption buccale par la muqueuse orale richement vascularisée suivie d’une absorption intestinale plus tardive (94). 43 3.1.1.4 Voie intraveineuse : La voie intraveineuse est un mode d’administration qui est très rarement utilisé par les consommateurs de cannabis. Une étude réalisée en 1980 par Ohlsson et al.(74), chez 11 sujets sains, a montré que la cinétique plasmatique du THC par voie intraveineuse est identique à celle du THC inhalé. 3.1.1.5 Voie rectale : Elsohly et al. (27) ont étudié la biodisponibilité du THC à partir de suppositoires lipophiles contenant différents esters du THC. Ils ont constaté que la biodisponibilité du THC était de 13,5% lors de l’administration d’un suppositoire de delta-9-THC hemisuccinate chez le singe. La majorité des études cliniques utilisent la voie orale ou inhalé. Il serait toutefois intéressant de développer de nouvelles études en utilisant la voie rectale en raison de sa facilité d’administration et sa bonne biodisponibilité. 3.1.2 Distribution et stockage tissulaire : Après résorption, quelle que soit la voie d’administration, le THC se lie à 97% aux protéines plasmatiques, les 3% restant se lient aux érythrocytes. Mais le THC, très lipophile quitte rapidement le secteur vasculaire pour aller se fixer dans le cerveau et les tissus riches en lipides (68). Cette forte lipophilie se traduit par un large volume de distribution dans l’organisme. Pour le THC ce volume est d’environ 10L/kg de poids corporel (soit 500 à 2000 litres) (68). On peut détecter les cannabinoïdes dans les biopsies de tissus adipeux quatre semaines après la dernière consommation de cannabis (44). 44 3.1.3 Métabolisme : Le métabolisme du THC s’effectue essentiellement dans le foie par les cytochromes P450 (3) et pour une minime partie dans les poumons (4). A ce jour plus de 80 métabolites ont pu être identifiés. Certains de ces dérivés ne sont pas psychoactifs, ils s’accumulent dans les tissus avant d’être lentement éliminés. Mais sous l’action des systèmes microsomiaux hépatiques, le THC donne aussi des métabolites psychoactifs. Le principal d’entre eux est le 11-hydroxy delta 9 tétrahydrocannabinol (11-OH-THC). Ce dernier présente une activité pharmacologiquement supérieure (120%) à celle du THC lui-même, mais il est rapidement oxydé pour former l’acide 11nor-∆-9-tétrahydrocannabinol-carboxylique (THC-COOH) dénué de toute activité psychotrope (68). Cet acide apparaît dans les minutes qui suivent l’inhalation. Le THC est un inhibiteur enzymatique de cytochrome P450 (94). Ainsi l’association de cannabis avec de l’alcool ou certains médicaments (le fentanyl, l’amitriptyline, les anticoagulants oraux, les contraceptifs oraux, divers antibiotiques…) peut modifier la cinétique de ces produits, en augmentant notamment leur activité car ils sont alors insuffisamment dégradés (90). Le THC induit l’activité des enzymes responsables de son propre catabolisme. Avec le temps, un usage persistant augmente la destruction du THC et favorise l’apparition de 11-OH-THC (cf. tolérance page 110). En raison de sa forte lipophilie, le THC passe la barrière foeto placentaire. D’après l’étude de Fisher et al. (30) les concentrations dans le sang fœtal sont égales ou supérieures à celles observées chez la mère, et la concentration dans le sang fœtal est d’autant plus élevée que l’on est en début de grossesse. Le THC et ses métabolites se retrouvent aussi dans le lait maternel (111). 45 3.1.4 Elimination : L’élimination de THC et de ses métabolites est très lente et se fait à 80% par voie biliaire et 20% par voie urinaire. Le composé le plus abondant dans l’urine est le THCCOOH, le 11 OH THC sous forme inchangé n’est présent qu’à l’état de traces (68). Le THC et ses métabolites subissent un cycle entéro hépatique. Eliminés par voie biliaire, ils sont réabsorbés et repassent dans le sang pour agir à nouveau. De même, ils sont partiellement réabsorbés au niveau des tubules rénaux et regagnent la circulation sanguine (48). Ces découvertes, ainsi que le stockage dans les graisses, expliquent que l’élimination du THC soit très lente. Sa ½ vie d’élimination est de 7 jours et il faut plus d’un mois pour que l’excrétion soit totale (38). Ces réabsorptions expliquent l’activité prolongée de ces substances. Klintz et al. (48) rapportent qu’une seule cigarette peut modifier la vigilance d’un sujet pendant 24 heures. On peut aussi évoquer les phénomènes de « Flash back » qui apparaissent à distance de la dernière consommation. Selon un mécanisme encore inexpliqué (stress, libération d’adrénaline…), il y a une mobilisation soudaine de THC stocké dans les tissus adipeux, ce qui s’accompagne d’états de prostration ou de délire (20). 3.2 Mécanismes d’action cellulaires des cannabinoïdes : 3.2.1 Interactions non spécifiques : De part leur grande lipophilie, les cannabinoïdes perturbent le métabolisme cellulaire. Ces perturbations étant comparables à celles observées avec d’autres médicaments, comme les anesthésiques, on parle d’interactions non spécifiques. Les cannabinoïdes ont la propriété de diminuer la plasticité des membranes synaptiques en agissant sur l’équilibre entre le cholestérol et les phosphatidyl cholines. Le THC, par ses propriétés lipophiles, pénètre au sein de la membrane cellulaire où il va 46 créer ce déséquilibre en diminuant la quantité de cholestérol et en augmentant les phosphatidylcholines. Ce déséquilibre se traduit par une altération de la fluidité membranaire. Les cannabinoïdes agissent également au niveau des membranes neuronales en interférant avec les mécanismes de recaptage des neuromédiateurs (9). 3.2.2 Interactions spécifiques : Les cannabinoïdes entraînent la quasi-totalité de leurs effets en se fixant sur des récepteurs cannabinoïques. 3.2.2.1 Les récepteurs cannabinoïques C’est à la fin des années 1980 qu’il a été démontré à la suite d’un protocole d’évaluations multiples chez la souris in vivo, que certains effets des cannabinoïdes étaient liés à la stimulation de récepteurs spécifiques. C’est la synthèse d’un ligand moins lipophile que le THC, très sélectif et de haute affinité pour les sites au cannabis, le CP 55940, qui a permis la découverte de deux types de récepteurs, le CB1 et CB2. Ils appartiennent à la famille des récepteurs à 7 domaines transmembranaires et sont couplés à une protéine G. Qualitativement, toutes les espèces étudiées ont la même répartition des récepteurs cannabinoïques. La plupart des études concernent l’homme, le singe, le rat ou la souris… On note seulement quelques subtiles différences (39). 47 3.2.2.1.1 Le récepteur CB1 a. Localisation Le récepteur CB1 a été identifié et cloné pour la première fois en 1990, chez le rat. Il est exprimé surtout dans le cerveau et le tissu neuronal. Les zones de forte expression des récepteurs CB1 sont les ganglions de la base, le cervelet (effets réversibles sur les performances psychomotrices et la coordination motrice), l’hippocampe (effets réversibles sur la mémoire à court terme et les fonctions cognitives) et le cortex, surtout au niveau des fibres et des terminaisons présynaptiques, plus faiblement Figure 8: localisation du récepteur CB1 dans les dendrites et les soma des neurones principaux (104). On le retrouve aussi en petite quantité dans l’amygdale, le bulbe olfactif, le cortex cingulaire, et le noyau accumbens. Il est présent à un faible taux dans le thalamus, et l’aréa postrema (63) On le trouve aussi dans la moelle épinière, au niveau de zones reconnues pour leur importance dans la nociception (ensemble des fonctions de l’organisme qui permettent de détecter, percevoir et réagir à des stimulations potentiellement douloureuses), en particulier le faisceau dorsolatéral de la moelle, la couche superficielle de la moelle et la couche X de Rexed. Il est aussi présent dans le tronc cérébral mais en faible quantité, ce qui explique l’absence de mortalité suite à une intoxication aiguëe. Le récepteur CB1 est aussi exprimé en dehors du système nerveux central, par exemple dans les neurones, les leucocytes, les cellules endothéliales, quelques glandes endocrines, le cœur, une partie des appareils reproducteurs, urinaires, et digestifs, ainsi que dans les cellules du système immunitaire mais cette dernière localisation n’a pas une fonction très claire. La concentration en récepteurs CB1 est beaucoup moins importante dans le système nerveux périphérique que dans le SNC. Certains récepteurs CB1 sont présynaptiques et sont situés dans les terminaisons nerveuses. Ils s’opposent à la transmission synaptique, par inhibition des courants calciques rentrants de type N et P/Q et/ou par activation des courants potassiques sortants. 48 b. Mécanismes de transduction des signaux Welch et al. (67) ont constaté que la toxine pertussique (qui inactive la protéine Gi) bloquait les propriétés antalgiques du THC et du CP 55,940. Litchman et al. (51) ont également constaté que la toxine pertussique bloquait totalement les effets du CP 55,940, quand les deux agents étaient injectés dans la partie postérieure et ventrolatérale de la substance grise périaqueducale chez le rat. Ces études indiquent que la protéine G est impliquée dans les mécanismes de l’antalgie induite par les cannabinoïdes (51). En effet, les cannabinoïdes, comme les opiacés agissent par l’intermédiaire de leurs récepteurs couplés à une protéine Gi pour produire un effet antalgique. Une des actions de la protéine Gi est de diminuer le niveau intracellulaire d’AMPc en inhibant l’activité de l’adényl cyclase. Pour Cook et al. (21) bien que l’adényl cyclase puisse médier d’autres actions induites par les cannabinoïdes, il ne semble pas qu’elle soit impliquée dans les effets antalgiques des cannabinoïdes. D’autres effecteurs, comme les canaux calciques ou potassiques, couplés aux récepteurs aux cannabinoïdes, pourraient quant à eux médier les effets antalgiques induits par les cannabinoïdes. L’activation des récepteurs CB1 va agir principalement sur 3 voies de signalisation intracellulaire : la modulation de l’adénylate cyclase, la perméabilité de certains canaux ioniques et l’activation de la voie des protéines kinases activées par des agents mitogènes (MAP kinases) (cf. figure 9) (104). Les récepteurs CB1 inhibent l’activité de l’adénylate cylase via l’intervention d’une protéine G de type Gi/0 (2) ; qui conduit à une production d’AMPc. L’augmentation du taux d’AMPc aboutit à une diminution de la sensibilité au potentiel de membrane des canaux potassiques de type A (kA) (6) L’activation des CB1 augmente par ailleurs l’activité des canaux potassiques (Kir) de la rectification entrante par le biais d’une protéine G de type Gi/o, mais indépendamment de l’inhibition de l’adénylate cyclase (5). De plus les agonistes CB1 inhibent deux autres types de canaux potassiques : des canaux de fuite sensibles aux protons (TASK-1) et les canaux de type M (Km) (9). 49 Cela entraîne une réduction de la durée du potentiel d’action et de la fréquence de la décharge neuronale. D’autre part, l’activation du récepteur CB1 provoque également une inhibition indirecte, par le biais d’une protéine Gi/o mais indépendamment de l’activité cyclasique, des canaux Ca++ sensible au potentiel de type N, L et Q/P, et une inhibition directe des canaux de type T (4). Le blocage de ces canaux calciques entraîne une réduction de neurotransmetteurs : inhibition du relargage de l’ACh dans l’hippocampe, de la noradrénaline dans l’hippocampe, le cortex, le cervelet et au niveau des terminaisons nerveuses périphériques, l’inhibition de la transmission glutamatergique dans l’hippocampe (9). L’ensemble de ces réactions est à l’origine d’une mise sous silence transitoire des neurones exprimant les CB1. Si l’activation des récepteurs CB1 entraîne une inhibition de l’activité de certains neurones, cela ne signifie pas pour autant que les cannabinoïdes sont « inhibiteurs » des fonctions cérébrales. En effet en activant un circuit qui inhibe les voies inhibitrices, les cannabinoïdes ont également la capacité, in fine, de provoquer l’excitation de populations neuronales ou de noyaux cérébraux. Au final, cette cascade de réactions aboutit à l’augmentation ou à la diminution du fonctionnement de la population neuronale et des noyaux cérébraux. Enfin l’activation des MAP-Kinases conduit à l’activation de facteurs de transcription multiples afin de garantir la survie neuronale (11). 50 Figure 9 : Mécanismes de transduction stimulés par le récepteur CB1 (9) 3.2.2.1.2 Le récepteur CB2 Il a été cloné pour la première fois en 1993, à partir de cellules humaines, HL60. Sur les 360 acides aminés (AA) qui composent le récepteur CB2 humain, seuls 44% sont identiques avec ceux du récepteur CB1 du rat, mais le récepteur CB2 montre une excellente affinité aux cannabinoïdes. On note que la similarité entre les récepteurs CB1 et CB2 est plus importante à l’intérieur des domaines transmembranaires, car elle est alors de 69% (42.). Le récepteur CB2 de la souris est composé de 347 AA et possède 82% de similarité avec le récepteur CB1 de la 51 souris. Le récepteur CB2 du rat est composé de 361 AA et possède 81% de similarité avec le récepteur CB1 du rat. a. Localisation Le récepteur CB2 est exprimé dans l’ensemble du corps, hormis le cerveau. On dit qu’il a une représentation périphérique. On le trouve tout spécialement dans les organes de l’immunité. Plus précisément, il est localisé dans les monocytes et les macrophages mais pas dans le foie, ni dans le cerveau, ni les poumons, ni les reins. La distribution des deux types de récepteurs est donc très différente. Chez l’homme, on trouve les récepteurs CB2 en grande quantité dans la rate, les amygdales, et dans une moindre mesure, dans la moelle osseuse, le thymus, et le pancréas. La majorité des récepteurs CB2 se situent dans les cellules B matures et les macrophages. On en trouve également dans les monocytes, et très peu dans les leucocytes polynucléaires, les cellules T4, et T8. b. Mécanisme de transduction des signaux A la différence des CB1, les CB2 ne modulent pas l’activité des ions calciques de type P/Q ni celle des canaux potassiques rectificateurs entrants. CB1 CB2 Activation d'une protéine Gi/o oui oui Inhibition de l'adénylate cyclase oui oui Blocage des canaux Ca++ type N, P/Q oui non Activation des canaux K+ oui non Activation des MAPK oui non MAPK= protéines kinases activées par les mitogènes Tableau 1 : Mécanismes de transduction des récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2. 52 3.2.2.1.3 Existe-t-il d’autres récepteurs aux cannabinoïdes ? A ce jour, deux types de récepteurs cannabinoïdes ont été identifiés et clonés mais il est possible que d’autres récepteurs encore ignorés existent. La question principale est de savoir si tous les effets du THC et des autres cannabinoïdes sur le SNC sont transmis par le récepteur CB1. Deux approches expérimentales ont été utilisées pour répondre à cette interrogation : l’utilisation d’antagonistes cannabinoïdes sélectifs du récepteur CB1 et le développement de lignées de souris génétiquement modifiées chez lesquelles l’expression du récepteur CB1 a été éliminée. Cette approche d’invalidation du gène du récepteur a été mise en pratique dans deux études. Leurs conclusions ont permis de reconnaître le rôle clef du récepteur CB1 dans la médiation de beaucoup, sinon de tous les effets centraux induits par le THC et les dérivés cannabinoïdes, y compris l’analgésie. L’action immunomodulatrice des cannabinoïdes aurait le récepteur CB2 pour médiateur. Afin de vérifier cette hypothèse, une première souche de souris présentant une mutation ciblée du gène du récepteur cannabinoïde CB2 a été créée. Les auteurs ont confirmé que les ligands spécifiques des récepteurs cannabinoïdes CB2 pouvaient être utiles en pratique clinique dans la régulation de la fonction immunitaire des macrophages sans qu’ils aient une activité centrale parallèle. A l’avenir, il sera également envisageable de séparer les effets périphériques des effets centraux des cannabinoïdes par le biais de nouveaux agonistes spécifiques de ces récepteurs. 3.2.2.2 Les ligands des récepteurs aux cannabinoïdes : 3.2.2.2.1 Ligands de synthèse : Des ligands de synthèse ont été mis au point afin d’identifier et de localiser les récepteurs des cannabinoïdes, soit en les activant (agonistes), soit en les inhibant (antagonistes) 53 a. Agonistes : Certains agonistes sont mis sur le marché dans des spécialités commercialisées : Le CP 55,940 : cannabinoïde de synthèse 4 à 25 fois plus puissant in vivo que le delta9-THC (4). Il a été utilisé pour caractériser et localiser un récepteur spécifique aux cannabinoïdes dans le cerveau. Son affinité pour ce récepteur est supérieure à celle des autres cannabinoïdes. Cet analogue de synthèse possèderait de puissantes propriétés analgésiques (56). Le DRONABINOL : agoniste cannabinoïde de synthèse très proche du ∆-9-THC, ayant des propriétés anti-émétiques, orexigène et anti-glaucomateuse. LY-109514 ou nabilone : cannabinoïde de synthèse connu pour ses propriétés antiémétique. D’autres sont à l’étude dans le but d’une éventuelle mise sur le marché : HU 210 : agoniste synthétique du ∆-9-THC découvert en 1988. JWH-133 : agoniste des récepteurs CB2. Son administration est étudiée pour réduire les symptômes de la sclérose en plaques. Dexanabinol : cannabinoïde synthétique neuroprotecteur non psychotrope étudié pour ses propriétés thérapeutiques dans le traitement des inflammations, de pathologies neurodégénératives, d’ischémies au cerveau, de maladies auto-immunes et de douleurs. Lévonantradol : agoniste hydrophile non sélectif des récepteurs CB1 et CB2. Ses propriétés hydrosolubles et sa puissante activité agoniste facilite les perspectives d’utilisation parentérale dans le traitement de la douleur. Enfin, certains agonistes sont des réactifs pharmacologiques uniquement : 54 Le WIN 55,212-2 : connu aussi sous le nom de pravadoline, est décrit comme ayant une activité antalgique sur les douleurs post-opératoires chez l’homme. L-759,633 : agoniste sélectif des récepteurs CB2. b. Antagonistes : Le SR 141716A : antagoniste sélectif des CB1. Ce produit, qui n’a pas d’effet par luimême, antagonise tous les effets biochimiques, électrophysiologiques et comportementaux induits par les agonistes CB1. Son affinité pour les récepteurs CB1est nanomolaire tandis que celle pour les récepteurs CB2 est au moins 1 000 fois inférieure (2). Cet antagoniste présente également une efficacité plus marquée au niveau spinal (106). Le SR 144528 : antagoniste sélectif des CB2 (77). LY-320135 : antagoniste sélectif des récepteurs CB1. AM630 : antagoniste compétitif des récepteurs cannabinoïde, ayant des propriétés agonistes inverses. CB1 CB2 delta9-THC (dronabinol) ++ ++ LY-109514 (nabilone) ++ ++ HU 210 ++ ++ WIN 55212-2 + ++ CP 55940 ++ ++ L-759,633 + +++ Lévonantradol + + Anandamide + +- 2-arachidonylglycérol + + palmitoyléthanolamide 0 +- SR 141716A ++ 0 SR 144528 0 ++ LY-320135 ++ 0 AM630 ++ ++ Agonistes Cannabinoïdes Endocannabinoïdes Antagonistes Tableau 2 : Principaux agonistes et antagonistes des récepteurs CB1 et CB2 (9). 55 3.2.2.3 Système endocannabinoïde La découverte de récepteurs spécifiques à un ligand exogène d’origine végétale, le delta-9-THC a ouvert la voie à la recherche d’un système endocannabinoïde. Le clonage des récepteurs CB1 et CB2 laisse penser qu’il existe probablement une ou plusieurs molécules endogènes agonistes de ces récepteurs, de manière similaire au trio opiacés / peptides opioïdes endogènes / récepteurs opioïdes. Les chercheurs identifièrent le 1er ligand endogène en 1992. Il s’agissait, contre toute attente, d’un acide gras. Cet endocannabinoïde, l’arachidonyléthanolamide fut dénommé anandamide (93). Cinq endocannabinoïdes furent identifiés : - 3 anandamides comprenant la « vraie » anadamide (20 :4, n-6, arachidonyléthanolamide) mais aussi le 22 :4, n-6, docosatétraénoyléthanolamide et le 20 :3, n-6, homo-linolényléthanolamide. - le 2 arachidonyl-Glycérol (2 AG) - et le 2 AG éther. Les études, qui sont principalement portées sur la « vraie » anandamide et le 2 AG montrent qu’ils possèdent toutes les caractéristiques des neurotransmetteurs « classiques », à une exception près : leur mode de stockage et de libération. Alors que les neurotransmetteurs sont habituellement stockés dans des vésicules présynaptiques et libérés dans la fente synaptique après stimulation, les endocannabinoïdes sont, eux, synthétisés « à la demande » après stimulation des différents récepteurs et diffusent librement après leur production sans être stockés (9). L’anandamide est retrouvée en grande quantité dans le cerveau, le testicule et la rate. Bien que faiblement affine pour les récepteurs, il mime les effets du delta-9-THC : hypothermie, analgésie, hypomotricité et catalepsie. Le 2 AG est identifié dans le cerveau. Egalement peu affine pour le CB1, mais en concentration 200 fois plus importante que l’anandamide. (cf. figure 9) 56 Phosphatidyléthanolamide (PEA) PRE- POST- SYNAPTIQUE SYNAPTIQUE N-acyltransférase - étape limitante N-arachidonyl-PEA - sensible au Ca - associée à la membrane ++ RECEPTEUR CB1 Phospholipase D Recapture (sensible à l’AM404) Acide phosphatidique N-arachidonyléthanolamide ANANDAMIDE (anandamide) Amidohydralase acides gras libres + éthanolamide Figure 10 : Synthèse, libération et dégradation de l’anandamide (9). Les endocannabinoïdes sont capables, du fait de leur mode de production « à la demande » et de leurs propriétés chimiques particulières, d’intervenir « à contre courant » de la transmission synaptique pour moduler de manière durable la libération de neurotransmetteurs (104). La dépolarisation post-synaptique entraîne l’émission d’endocannabinoïdes qui vont activer les récepteurs CB1 pré-synaptique, ce qui aboutira, in fine, à la diminution de la libération des neuromédiateurs présynaptiques (104). 3.3 THC et neurotransmetteurs : Le THC interfère avec la plupart des systèmes de neurotransmission en agissant à la fois sur la synthèse et la capture des neurotransmetteurs. 57 3.3.1 Effets sur l’acétylcholine : Chez l’homme, de nombreux effets secondaires des cannabinoïdes (sécheresse de bouche, tachycardie et bradycardie, sédation…) suggéraient depuis longtemps, une interaction avec l’acétylcholine (ACH). Des études cliniques ont montré une action du THC dans la diminution de l’activité cholinergique centrale (25). Les différentes actions du THC sur le métabolisme de l’ACH sont : - Au niveau de la synthèse, le THC inhibe de façon spécifique l’acyltransférase. - Le turn-over de l’ACH est diminué de façon dose dépendante par le THC (104). 3.3.2 Effets sur les catécholamines : Certains auteurs (1, 89) étudiant la dépendance psychologique au cannabis, se sont intéressés aux interactions éventuelles du cannabis et des systèmes de « récompense » au niveau méso cortico limbique (système dopaminergique en particulier). Il semblerait que l’effet du THC sur les catécholamines varie en fonction des doses : - A forte dose : le THC inhibe la recapture de la dopamine et de la noradrénaline et augmente leur libération (4). - A faible dose : le THC stimule la recapture de la dopamine et inhibe sa libération dans l’espace synaptique. Il augmente aussi la synthèse de noradrénaline (4). 3.3.3 Effets sur le système gabaergique : Comme les opioïdes, les cannabinoïdes peuvent induire une antinociception en réduisant les influences inhibitrices Gabaergique sur la sortie des neurones qui se 58 projettent de la substance grise périaqueducale. Cette hypothèse est fondée sur le fait que les cannabinoïdes agissent sur les récepteurs CB1 présynaptiques de cette aire cérébrale pour inhiber la libération de GABA (54, 57). 3.3.4 Effets sur le glutamate : Les cannabinoïdes diminuent le relargage présynaptique de glutamate au niveau de l’hippocampe et au niveau de la moelle épinière (104). Ce phénomène explique en partie l’action antalgique des cannabinoïdes. On retiendra essentiellement que l’interaction du THC : - sur le système gabaergique et sur le glutamate explique en partie son action antalgique. - Sur les catécholamines (en particulier sur la dopamine) explique les effets psychologiques - Sur le système cholinergique explique une partie de ses effets secondaires. 59 4 PARTIE IV : LES PROPRIETES ANTALGIQUES DE CANNABIS SATIVA L. DU THC ET DES CANNABINOIDES. 60 4.1 Physiologie de la perception douloureuse : 4.1.1 Activation des nocicepteurs : La première étape de la perception de la douleur est l’activation dans les tissus périphériques de récepteurs spécifiques de la douleur, appelés nocicepteurs. Les substances qui peuvent, soit activer, soit sensibiliser ces nocicepteurs sont des médiateurs inflammatoires qui proviennent des tissus lésés (cellules, vaisseaux, nerfs). Ces médiateurs sont entre autre l’histamine, la bradykinine, la sérotonine, l’adrénaline, des cytokines, des neurokines (dont la substance P) et des prostaglandines (22). La sensibilisation des nocicepteurs par ces substances est responsable, au site de lésion, de l’hyperalgésie primaire qui correspond à une sensation douloureuse accrue en réponse à une stimulation normalement douloureuse. Cette hyperalgésie disparaît avec la guérison de la lésion. 4.1.2 Transfert de l’information douloureuse périphériques vers la moelle épinière : des nocicepteurs 4.1.2.1 Les fibres afférentes : Le transfert de l’information douloureuse se fait par : Les fibres A δ : - fibres myélinisées de faible diamètre. - Vitesse de conduction de 4-20 m/s. (22) - Leur activation entraîne une douleur rapide et bien localisée. Les fibres C : - Fibres amyélinisées - Vitesse de conduction de 0,2-4 m/s (22) - Leur activation entraîne une douleur lente et diffuse. 61 Les fibres afférentes rejoignent la moelle épinière par les racines rachidiennes postérieures ou leurs équivalents au niveau des nerfs crâniens. Ces fibres se terminent au niveau des couches superficielles de la corne dorsale de la moelle (couche I et couche II, qui correspond à la substance gélatineuse) où elles font synapses avec les neurones spinaux nociceptifs (22). 4.1.2.2 Acides aminés excitateurs : Des acides aminés excitateurs, comme le glutamate et des neurokines telle la substance P, jouent un rôle de transmetteur entre les terminaisons nerveuses afférentes et les neurones nociceptifs de la moelle épinière. a. Glutamate : Le glutamate va se fixer sur des récepteurs (AMPA, NMDA, métabotropiques) localisés sur les neurones nociceptifs spinaux, et induire, essentiellement via les récepteurs NMDA, un processus appelé « facilitation cumulative de la réponse » (wind up). Ce processus aboutit à une situation où des stimuli normalement non pénibles, comme un léger effleurement, autour et à distance du site de lésion périphérique, peuvent entraîner une douleur. Cette hyperalgésie est dite secondaire. Les mécanismes cellulaires de cette facilitation comportent les étapes suivantes (75) : - activation des récepteurs AMPA, puis des récepteurs NMDA par le glutamate, soit sur le neurone de projection lui-même, soit sur des neurones adjacents ; - ouverture dans ces neurones de canaux Ca2+ liés au NMDA ; - activation de la synthétase de l’oxyde nitrique (NOS) Ca2+-calmoduline dépendante, pour produire de l’oxyde nitrique (NO) 62 Le NO est un médiateur très liposoluble, facilement diffusible, qui passe de façon rétrograde dans la terminaison nerveuse afférente primaire et augmente l’afflux de glutamate. Ainsi, la libération initiale d’une quantité, même très faible, de glutamate par les terminaisons des fibres C, est capable de déclencher l’afflux de quantité de plus en plus grande de glutamate, augmentant, en conjonction avec les neurokinines, la dépolarisation du neurone nociceptif et finalement accomplissant le processus de « facilitation cumulative ». b. Substance P : La substance P joue un rôle important non seulement dans la transmission spinale de l’information douloureuse mais aussi dans l’entretien en périphérie de la cascade inflammatoire. La substance P active par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques la libération par les mastocytes, d’histamine et d’autres médiateurs de l’inflammation (22). 4.1.2.3 Acides aminés inhibiteurs : Le principal est le GABA, qui par son action sur les récepteurs GABAA localisés présynaptiquement sur les fibres afférentes primaires, réduit la libération de glutamate et de substance P (75). L’action sur les GABAB post-synaptiques stabilise les neurones nociceptifs. 4.1.3 Les récepteurs aux opiacés : Dans la corne postérieure de la moelle on trouve des enképhalines (Metenképhaline et Leu-enképhaline) et des dynorphines, qui font partie des opioïdes endogènes. Ces peptides provoquent une analgésie en interagissant avec des récepteurs 63 spécifiques aux opioïdes, les récepteurs µ et δ, localisés sur les fibres afférentes et les faisceaux ascendants (75). Les récepteurs aux opiacés appartiennent à la famille des récepteurs couplés à la protéine G. L’activation de ces récepteurs a pour conséquence à court terme : - une diminution de la concentration intracellulaire d’AMPc. - Une ouverture des canaux K+ entraînant l’hyperpolarisation des neurones nociceptifs diminuant ainsi leur excitabilité - Un blocage de l’ouverture des canaux Ca2+ voltage-dépendants, ce qui inhibe la libération du glutamate et de la substance P par les terminaisons afférentes primaires et empêche ainsi l’activation des voies ascendantes. La sollicitation à long terme de ces récepteurs par des opioïdes endogènes entraîne des mécanismes compensateurs, d’où la tolérance et le sevrage à l’arrêt du traitement. 4.1.4 Transmission de l’information douloureuse vers les centres supérieurs : Les axones des neurones nociceptifs forment des faisceaux ascendants qui conduisent l’information vers les centres supérieurs. Les deux principaux faisceaux ascendants sont les faisceaux spinoréticulothamique. Ces faisceaux croisent la ligne médiane et cheminent dans le quadrant antérolatéral controlatéral de la moelle jusqu’au cerveau (31, 80). Les principales structures centrales impliquées dans le traitement du message douloureux sont le thalamus, la substance réticulée, le cortex sensoriel et le lobe frontal. 64 4.1.5 Systèmes de contrôle de la transmission du message douloureux : Le message nociceptif n’est pas transmis de façon linéaire de la périphérie au cerveau. Il existe différents systèmes de contrôle. 4.1.5.1 Contrôles segmentaires : Les fibres cutanées de gros diamètre (A α et β), responsables des sensations tactiles légères, pénètrent dans la corne postérieure. A ce niveau, leur activité non nociceptive contribue, par l’intermédiaire des interneurones de la substance gélatineuse, à freiner l’activité des fibres A δ et C qui transportent les influx douloureux. La transmission de la douleur à ce niveau est donc le résultat d’un déséquilibre entre la somme des influx parcourant les grosses fibres (inhibitrices) et celle des petites fibres (excitatrices). Lorsque la balance penche en faveur des grosses fibres, la douleur ne peut franchir la première synapse qui lui permet de pénétrer dans les voies ascendantes. En revanche, si un déséquilibre s’inscrit en fibres, la douleur force le barrage exercé par les grosses fibres et gagne les centres cérébraux supérieurs. L’effet antalgique du massage d’une zone douloureuse relève de cet effet. Cette théorie est appelée « théorie de la porte ». 4.1.5.2 Contrôles d’origine supraspinale : Ils s’exercent principalement à partir de certaines régions du tronc cérébral dont les neurones sont à l’origine des voies descendantes inhibitrices et excitatrices qui se projettent dans la corne dorsale. Il a été mis en évidence chez le rat, que la stimulation de la substance grise périaqueducale (SGPA) qui entoure l’aqueduc de Sylvius entraîne des effets analgésiques importants. Il a été précisé que ces effets ont principalement pour origine la région ventrale de la SGPA qui correspond au noyau du raphé (22). 65 Le fait que ces stimulations profondes bloquent certains réflexes nociceptifs suggère que l’analgésie résulte, au moins en partie, de l’implication des voies descendantes inhibitrices (22). Sur un plan biochimique, les neurotransmetteurs impliqués dans ces contrôles inhibiteurs sont principalement ceux des systèmes sérotoninergiques, noradrénergiques et opioïdergiques. 4.2 Les différents types de douleurs : 4.2.1 Douleurs nociceptives : Elles résultent de la sollicitation des voies nociceptives par une stimulation des nocicepteurs. On distingue deux types de stimulations nociceptives susceptibles de provoquer ces douleurs : - La stimulation brève, phasique, sans lésion tissulaire associée (correspondant à un pincement ou à une décharge électrique), n’induisant qu’un réflexe de retrait. - La stimulation tonique, plus durable, due à un dégât tissulaire (brûlure, fracture…) qui induit des altérations complexes des voies nociceptives allant dans le sens d’une hyperesthésie avec hyperalgésie (67). Ces douleurs sont le plus souvent bien localisées, lancinantes, sans signes neurologiques déficitaires. 4.2.2 Douleurs neuropathiques : Elles résultent d’un dysfonctionnement des voies nociceptives consécutif à une lésion et/ou une irritation du système nerveux central ou périphérique (section iatrogène ou non de nerf, infiltration tumorale, zona,…) (67). 66 L’examen clinique peut retrouver dans le territoire douloureux un ou plusieurs signes neurologiques suivants : - une allodynie : douleur provoquée par une stimulation normalement non douloureuse, - une hyperpathie : douleur excessive explosive disproportionnée en durée et en intensité par rapport à une stimulation causale répétitive, - une hyperalgésie : perception excessive des stimulations nocives, - une hypoesthésie, - une anesthésie. 4.3 Cannabinoïdes et antalgie : 4.3.1 Etudes chez l’animal : 4.3.1.1 Définitions : Trois tests, parmi une longue liste, sont couramment employés pour tester les propriétés antalgiques d’un nouveau composé dans les études chez l’animal : Test de la plaque chauffante : on place un animal sur une plaque chauffante à 55°C et on mesure le temps avant qu’il ne se lèche une patte ou qu’il ne saute. Test du clip sur la queue : un clip artériel avec une pression est placé à un pouce (environ 2,5 cm) de la base de la queue d’un rongeur. On mesure le temps de latence avant qu’il ne tourne sur lui-même ou qu’il ne se morde la queue. Test du retrait de la queue : un stimulus est appliqué sur la queue d’un rongeur. On mesure le temps de latence avant le retrait de la queue. 67 4.3.1.2 Sites d’action : L’injection de faibles doses de cannabinoïdes sélectifs de synthèse, comme le WIN 55,212-2 et le CP 55,940, au niveau des ventricules latéraux chez le rat, produit une réduction durable de la sensibilité à un stimulus thermique nocif (17). Afin de savoir qu’elles étaient les structures cérébrales impliquées dans l’antalgie produite par les cannabinoïdes, des micro-injections de WIN 55,212-2 marqué ont été effectuées au niveau ventriculaire chez le rat (54). Au moment du pic des effets antalgiques obtenus lors du test de retrait de la queue, le WIN 55,212-2 marqué était confiné au niveau des sites périventriculaires. Des canules ont été implantées dans les différentes structures périventriculaires. Grâce à ces canules, des micro-injections de WIN 55,212-2 au niveau de la substance grise périaqueducale (SGPA) et du noyau dorsal du raphé ont permis d’obtenir une élévation significative des temps de latence dans le test de retrait de la queue (17), alors que les injections faites en dehors des zones de régulation de la douleur n’ont aucun effet (9). De plus, l’inactivation du RVM (rostral ventromedial medula, région ventromédiale de la partie antérieure du tronc cérébral) supprime l’analgésie (mais non les effets moteurs) produite par l’injection systémique de WIN 55,212-2. Ces résultats suggèrent que ces deux structures périventriculaires pourraient être impliquées dans les effets antalgiques des cannabinoïdes. L’effet antalgique produit après administration intrathécale de CP 55,940 chez le rat est diminué après une section de moelle (17). La persistance d’un effet antalgique après l’injection de THC ou de CP 55,940 au niveau intrathécal, et ce malgré une section de moelle, indique que le contrôle descendant des sites supra spinaux ne peut pas complètement rendre compte de l’effet antalgique médié par les cannabinoïdes et qu’une partie des effets antalgiques des cannabinoïdes est médiée par l’intermédiaire de récepteurs spinaux (17). Plusieurs études ont démontré que les cannabinoïdes administrés directement dans l’espace subarachnoïdien de la moelle épinière produisaient une antinociception (9). 68 Herkenham et al. (34) ont mis en évidence la présence de récepteurs au cannabinoïdes dans une zone impliquée dans la transmission du message douloureux et située dans la corne dorsale de la moelle épinière : la substance gélatineuse. Après injection intrathécale, les cannabinoïdes diffuseraient de la moelle épinière vers les centres de la douleur au niveau du cerveau. Ainsi Smith et Martin (99) ont détecté un niveau significatif de radioactivité dans les cerveaux de souris à qui on a injecté du THC marqué au niveau intrathécale. D’après ces études, les cannabinoïdes auraient un effet antalgique par l’intermédiaire de sites d’action au niveau spinal et supraspinal. 4.3.1.3 Effets sur le circuit de la douleur : Meng et al. (59) ont étudié les effets de l’injection de WIN 55,212,2 sur l’activité des neurones issus du RVM du rat. Trois types de neurones issus de ce RVM ont été décrits : - cellule « off » : inhibe la transmission spinale nociceptive et montre une pause dans l’activité juste avant le réflexe de retrait de la queue. - cellule « on » : montre un pic de l’activité avant le réflexe de retrait et facilite la transmission de la douleur. - Cellule « neutre » : n’est pas corrélée avec le réflexe de retrait. La neurotransmission du message douloureux au niveau de la moelle est facilitée par les cellules « on » et inhibée par les cellules « off », qui se projettent dans la corne dorsale. La pause des cellules « off » et le regain d’activité des cellules « on » sont supprimés par l’administration de WIN 55,212-2 chez le rat anesthésié, et cet effet peut être reversé par l’administration intraveineuse de SR 141716A. Ces résultats suggèrent que le WIN 55,212-2 puisse induire un effet antalgique en agissant par l’intermédiaire des récepteurs CB1 pour moduler le contrôle descendant exercé sur les neurones nociceptifs de la moelle par le RVM. 69 L’effet antinociceptif qui résulte de l’activation des récepteurs CB1 est dû en partie à l’inhibition de la libération de GABA à l’intérieur de la SGPA et du RVM et de celle de glutamate à l’intérieur de la moelle épinière (77). 4.3.1.4 Potentialisation de l’action de la morphine : L’effet antalgique, obtenu après l’administration intraveineuse ou intrathécale de THC dans le test de la plaque chauffante et le test de retrait de la queue chez la souris, peut être atténué par l’injection intrathécale de norbinaltorphimine (norBNI), antagoniste sélectif des récepteurs κ, en bloquant l’action de la dynorphine A(117) (67). En revanche, aucune atténuation n’a été détectée après l’injection d’un antagoniste sélectif des récepteurs δ ou celle de naloxone qui a une sélectivité pour les récepteurs µ (67). L’effet antalgique de la morphine est potentialisé par l’administration intrathécale ou intraventriculaire de THC. Le CP 55,940 ne possède cet effet potentialisateur qu’administré par voie intraventriculaire (67). L’antalgie induite par le THC et le CP 55,940 est bloquée par l’agoniste κ opioïde norbinaltrophine. Les deux cannabinoïdes ont une tolérance croisée avec les agonistes κ, mais n’agissent pas directement sur les récepteurs κ (82). Mason et al. (55) ont constaté qu’après une administration intrathécale de THC induisant une antalgie, lors des tests de retrait de la queue et de la plaque chauffante chez le rat, le taux de dynorphine A était augmenté dans le liquide céphalorachidien de ces animaux. L’effet antalgique et l’augmentation du taux de dynorphine A semblent médiés par les récepteurs CB1, car l’administration de SR 141716A diminue ces deux effets. Mason et al. (55) n’ont pas retrouvé d’augmentation du taux de dynorphine A après l’administration intrathécale d’anandamide et de CP 55,940. 70 Pugh et al. (82) ont constaté que chez la souris, l’administration intrathécale de CP 55,940 induisait une libération de dynorphine A au niveau spinal, ce qui contribuerait au moins en partie aux effets antalgiques du CP 55,940 à ce niveau. L’administration de THC associée à la morphine potentialise l’effet antalgique de la morphine quelle que soit la voie d’administration (intraveineuse, intrathécale, intraventriculaire, sous cutanée ou per os). Dans l’étude de Smith et al. (98) chez des souris, l’administration sous cutanée de THC (4 et 25 mg/kg) augmenta la puissance de la morphine administrée par voie sous cutanée, respectivement de 8,5 et 22,3 fois, tandis que 25 mg/kg de THC en sous cutanée augmentèrent la puissance de la morphine par voie orale de 3,1 fois. L’administration per os de THC (10 et 20 mg/kg) augmenta la puissance de la morphine sous cutanée et per os, respectivement de 11,4 et 7,6 fois. Toutes ces données suggèrent qu’il existe un effet synergique entre le THC et la morphine chez des rongeurs. Welch et al. (106) ont émis l’hypothèse que le couplage fonctionnel des récepteurs µ / κ conduisait à une augmentation des effets antalgiques de la morphine par les cannabinoïdes. Le THC potentialise l’activité antalgique de la morphine, qui est médiée principalement par les récepteurs µ, en augmentant la libération de dynorphine A, qui va activer les récepteurs κ. Pugh et al. (83) ont émis l’hypothèse que des modifications dans la concentration intracellulaire de calcium pouvaient également faire partie des mécanismes qui contribuent à l’augmentation de l’effet antalgique de la morphine par les cannabinoïdes. 71 4.3.1.5 Hyperalgésie et douleur neuropathique : Pour Richardson et al. (91) un des mécanismes pouvant expliquer l’effet antalgique des cannabinoïdes est l’inhibition du relargage de neurotransmetteurs impliqués dans la douleur, comme le glutamate. L’inhibition de l’activité des cannabinoïdes entraînerait une augmentation du relargage du glutamate et une potentialisation des récepteurs au NMDA à l’origine d’une hyperalgésie. Une diminution du nombre de récepteurs aux cannabinoïdes dans la moelle est corrélée avec une hyperalgésie. L’inhibition de l’activité des cannabinoïdes par l’administration d’un antagoniste des récepteurs aux cannabinoïdes, comme le SR 141716A, entraîne une hyperalgésie NMDA dépendante ce qui participe à certains états douloureux chroniques. Cette hyperalgésie peut être atténuée par la coadministration intrathécale d’antagonistes aux récepteurs NMDA. Ces découvertes sont compatibles avec l’hypothèse que l’augmentation des seuils nociceptifs induit par l’administration de cannabinoïdes est due au moins en partie à un effet suppresseur, médié par les récepteurs CB1, sur libération de glutamate à l’intérieur de la moelle épinière ; l’hyperalgésie induite par le SR 141716A résulte de la désinhibition de cette libération. L’administration d’un antagoniste des récepteurs au NMDA, le MK-801, atténue chez la souris, les effets antalgiques mais pas les effets hypothermiques du THC (103). Afin d’obtenir un modèle animal de douleur neuropathique, Herzberg et al. (9) ont pris des rats et leur ont ligaturé un nerf sciatique. L’injection intrapéritonéale de WIN 55,212-2 chez ces rats a entraîné un soulagement de la douleur de manière dose dépendante. Dans ce modèle de douleur, l’administration de SR 141716A produit une exacerbation de l’hyperalgésie et une allodynie. Il est possible que les effets antalgiques du WIN 55,212-2 soient médiés par une inhibition du relargage pré synaptiques du glutamate, empêchant ainsi l’action du glutamate sur les récepteurs NMDA post synaptique. 72 Hohmann et Herkenham (35) ont montré la présence des récepteurs CB1 dans les fibres Aβ et Aδ des neurones afférents. Cette découverte permettait d’expliquer l’efficacité des agonistes des récepteurs aux cannabinoïdes contre les douleurs neuropathiques induites chez le rat par une ligature du nerf sciatique, car ce type de douleur est provoquée en partie par des décharges spontanées des fibres Aβ et Aδ. 4.3.1.6 Effets anti-inflammatoires : L’activation des récepteurs périphériques CB1 par le THC peut atténuer la douleur nociceptive inflammatoire induite par la capsaïcine chez le singe (42). Dans une autre étude (43), le WIN 55,212-2 a montré une capacité à bloquer, de façon dose dépendante, le développement d’une hyperalgésie induite par l’administration de capsaïcine. Une partie des effets anti-inflammatoires du THC semblerait provenir, au moins en partie, de sa capacité à stimuler la libération de glucocorticoïdes (77). 4.3.1.7 Cannabinoïdes endogènes : Les différents auteurs ne sont pas d’accord sur l’existence ou non d’un tonus cannabinoïde endogène contre l’hyperalgie. Cette hypothèse a été avancée suite à l’observation d’une augmentation du comportement douloureux chez l’animal après l’administration de SR 141716A (9). De par sa rapide dégradation dans les cellules, l’anandamide a une durée d’action plus courte que les autres cannabinoïdes. Les mécanismes à l’origine des effets antalgiques de l’anandamide semblent différents de ceux produits par les autres cannabinoïdes. 73 L’administration intraventriculaire d’anandamide n’entraîne pas d’effet antalgique (9) à la différence de son administration intrathécale ou périphérique. Pour le moment, il n’a pas pu être déterminé si cette apparente perte d’effet par voie intraventriculaire était liée à sa dégradation rapide ou à une incapacité à diffuser au niveau des sites d’actions cérébraux à partir des ventricules. La norbinaltorphimine, par voie intrathécale, atténue les effets antalgiques d’une administration intrathécale de THC, mais pas ceux de l’anandamide (77). De même, des modulateurs de l’AMPc et des canaux potassiques comme la forskoline, qui bloquent les effets antinociceptifs du THC, mais pas ceux de l’anandamide. Pour Welch et al. (106) comme pour Houser et al. (37) l’anandamide n’induit pas d’antinociception via la libération de dynorphine. Zygmunt et al. (112) ont constaté que l’anandamide avait une action vasodilatatrice chez le rat. Il semblerait que cette vasodilatation ne soit pas médiée par les récepteurs CB1 et CB2, car le WIN 55,212-2 et le PEA n’arrivent pas à reproduire cette action, mais par des récepteurs vanilloids. Ces récepteurs vanilloids, localisés au niveau cérébral, auraient un rôle dans l’intégration des stimuli douloureux. Il serait intéressant de déterminer si l’anandamide est également capable de moduler la nociception en agissant par l’intermédiaire de ces récepteurs vanilloids. Walker et al. (105) ont montré qu’il était possible de déclencher la libération d’anandamide dans la SGPA en appliquant un stimulus électrique à ce niveau ou en injectant du formol en sous-cutanée dans la patte arrière des rats. L’anandamide libérée entraîne alors un effet antalgique. Cet effet antinociceptif peut être atténué par l’administration intraventriculaire de SR 141716A. Ceci signifie que l’effet antalgique de l’anandamide est médié par les récepteurs CB1. Les résultats présentés dans l’étude de Walker et al. (105) indiquent que l’anandamide produit un effet antalgique après sa libération dans la SGPA, à partir des neurones qui sont dépolarisés, soit électriquement, soit par des entrées neuronales activées par des stimuli douloureux. 74 Les cannabinoïdes endogènes, en plus de leur site d’action spinal et supraspinal, agissent au niveau tissulaire. Calignano et al.(14) ont injecté de l’anandamide et du PEA au niveau des pattes arrière de souris, afin de tester le pouvoir antalgique de ces deux composés, après l’injection de formol. Les deux composés administrés ensemble, agissent de façon synergique pour réduire la douleur. La réponse antalgique est 100 fois plus puissante que si les composés étaient donnés séparément. L’injection locale d’anandamide n’a pas provoqué de réaction centrale liée aux cannabinoïdes, ce qui indique une action périphérique. L’antalgie induite par l’anandamide fut reversée par le SR 141716A. Ces résultats indiquent que l’anandamide agirait au niveau de récepteurs CB1-like. L’effet antalgique induit par le PEA est reversée par le SR 144528, antagoniste sélectif des récepteurs CB2. Comme l’antalgie produite par le PEA est atténuée par le SR 144528 , et que le PEA a une très faible activité pour les récepteurs CB2, Calignano et al. ont émis l’hypothèse que le PEA agissait au niveau de récepteurs CB2-like. L’anandamide inhibe la nociception après l’injection de formol en activant les CB1-like, qui peuvent être localisés sur les terminaisons périphériques des neurones sensitifs impliqués dans la transmission de la douleur. Le PEA inhibe l’activation des mastocytes et réduit la réponse inflammatoire par un mécanisme qui implique la liaison à des récepteurs CB2-like. Les résultats de l’expérience menée par Calignano et al.(14) montrent que l’administration périphérique d’agonistes CB1 et CB2 peut avoir un effet antalgique sans provoquer d’effets dysphoriques liés à l’action centrale des cannabinoïdes et que l’anandamide est 100 fois plus efficace injectée localement plutôt que par voie intraveineuse. D’autres études comme celle de Jaggar et al. (41) tendent à prouver qu’il serait possible de séparer les effets centraux indésirables des cannabinoïdes de leurs effets analgésiques pendant l’inflammation. 75 L’exploitation des agonistes des récepteurs CB2 pourrait conduire au développement de nouveaux cannabinoïdes possédant une activité antalgique et antiinflammatoire mais dépourvus d’effets psychotropes. 4.3.1.8 Cannabinoïdes et neurotransmetteurs : Carta et al. (16) ont constaté que l’effet antalgique induit par le THC serait médié chez le rat par de la dopamine qui agit sur des récepteurs D2 à la dopamine. Ils ont trouvé que l’effet antalgique du THC, dans le test de la plaque chauffante et le test de retrait de la queue, pouvait être potentialisé par des agonistes sélectifs des récepteurs D2 et atténué par des antagonistes sélectifs des récepteurs D2. Litchmann et al.(6) ont constaté que l’antinociception induite par les cannabinoïdes est due en partie à l’activation d’un mécanisme spinal noradrénergique descendant. L’administration intrathécal lombaire basse de yohimbine (inhibiteur α2) bloque les effets antalgiques du ∆9 THC administré en IV mais pas les effets cataleptique ni l’hypothermie induite par le ∆9 THC. Ces résultats valident l’hypothèse selon laquelle la composante supra spinale impliquée dans l’analgésie induite par les cannabinoïdes fait intervenir un système spinal noradrénergique descendant. Au total de ces études animales, on retient comme principaux éléments utiles en pratique clinique que : - Les cannabinoïdes stimulent la libération d’opioïdes endogènes, les dynorphines. Ces dernières vont se fixer sur les récepteurs κ couplés fonctionnellement aux récepteurs µ au niveau de la substance gélatineuse de la moelle épinière. Par cette action, les cannabinoïdes vont potentialiser l’action antalgique de la morphine. - Les cannabinoïdes entraînent une diminution de la dégranulation des mastocytes et de l’extravasation plasmatique à l’origine d’une diminution de l’inflammation 76 et de l’œdème. Ces mécanismes participent à l’action antalgique des cannabinoïdes. - En inhibant le relargage présynaptique de glutamate, les cannabinoïdes diminuent la stimulation des récepteurs NMDA. Ce phénomène diminue l’hyperalgésie. 4.3.2 Etudes chez l’homme : 4.3.2.1 Action antalgique du THC, du cannabis et de ses dérivés synthétiques sur des douleurs chroniques a. Action antalgique du THC : En 1975 Noyes et al. (71) ont réalisé une étude afin d’analyser l’efficacité antalgique du THC. Dix volontaires (8 femmes et 2 hommes) présentant un cancer à un stade avancé (l’article ne précise pas le stade) ont participé à une étude en double aveugle, chaque patient étant son propre témoin. Ces patients avaient une moyenne d’âge de 51 ans et un poids moyen de 62 kg. Tous présentaient des douleurs continues d’intensité modérée attribuées à leur maladie (type et localisation des douleurs non précisés). Cinq patients souffraient d’un cancer du sein, 1 d’un carcinome du col de l’utérus, 2 d’un lymphome malin, 1 d’un carcinome du colon et 1 d’un lymphoépithélioma. Les patients qui prenaient de grande quantité de narcotiques ont été exclus de cette étude. Un seul de ces volontaires avait déjà consommé de la marijuana. Le jour du début de l’étude, les traitements antalgiques habituels ont été arrêtés à quatre heures du matin. Chaque jour des préparations, de placebo et de THC (5, 10, 15 et 20 mg), ont été administrées per os (9) de façon randomisée une heure après le petit déjeuner. Chaque heure, une infirmière a interrogé les patients sur la sévérité de leur douleur et sur l’importance de son soulagement. L’intensité douloureuse a été cotée (0 = 77 absente ; 1 = légère ; 2 = modérée ; 3 = sévère), ce qui permit de définir des scores de réduction de la douleur (pain reduction scores). Ces scores ont été obtenus en soustrayant les cotations horaires de la douleur à celles mesurées avant l’administration de la préparation. Si par exemple une douleur sévère était notée avant la prise de la préparation et que trois heures après le patient présentait une douleur légère, le score de réduction était de deux. Les scores de soulagement de la douleur (pain relief scores) ont également été cotés (0 = aucune ; 1 = légère ; 2 = modérée ; 3 = beaucoup ; 4 = complète). Toutes les heures, l’infirmière posait également aux patients une série de 11 items portant sur des effets subjectifs (comme par exemple l’apparition d’une sensation de fatigue ou d’une anxiété, une modification de l’humeur) qu’ils pouvaient ressentir après la prise de la préparation testée. Dose Réduction de la douleur Soulagement de la douleur Placebo 0,9±30 2,6±0,61 THC, 5 mg 2,6±0,53 4,7±0,95 THC, 10 mg 1,4±0,42 4,4±0,98 THC, 15 mg 3,6±0,65 5,8±0,84 THC, 20 mg 4,6±0,66 10,8±1,19 Tableau 3 : Scores de réduction et de soulagement de la douleur après prise de THC Les résultats montrent une différence significative (p<0,001) de la douleur lors de l’augmentation des doses de THC. Après la prise de 10 et de 15 mg de THC, un effet antalgique maximal est apparu au bout de trois heures. Un deuxième pic antalgique a été observé à la cinquième heure, qui pourrait être lié à la mobilisation du THC de la vésicule biliaire et de la réabsorption après prise de nourriture. Pour une dose de 20 mg l’effet antalgique augmente de façon constante jusqu’à cinq heures après l’administration. Le patient porteur d’un lymphoépithélioma, pour lequel aucun antalgique n’avait été efficace jusqu’alors, n’a présenté aucun soulagement de ses douleurs avec les différentes doses de THC. Cinq patients ont présenté un soulagement important avec des doses de 15 mg et sept avec des doses de 20 mg. 78 Les patients qui ont reçu 20 mg de THC ont été fortement sédatés. Ceux sous 15 mg ont présenté une somnolence importante. Une altération du cours de la pensée a commencé à apparaître aux doses de 5 mg et est devenue marquée à 20 mg. Une euphorie a été rarement notée et a été vraiment marquée seulement pour deux patients à des doses de 15 et 20 mg. Noyes et al. ont montré que dans cette étude le THC, administré à des patients cancéreux présentant des douleurs d’intensité modérée, possédait un effet antalgique supérieur au placebo. A la dose de 10 mg, le THC est bien toléré, malgré un léger effet sédatif, et entraîne un effet antalgique. En revanche, à la dose de 20 mg, le THC provoque des effets secondaires à type de somnolence et de sédation qui contre indiquent son utilisation en thérapeutique. b. Action antalgique du cannabis : Une étude clinique menée à l’hôpital général de San Fransisco montre que le cannabis, comparé au placebo, a permis de réduire significativement l’intensité des douleurs neurologiques chez 50 patients VIH (1). Cette étude a été menée entre mai 2003 et mai 2005 avec 50 patients adultes souffrant de douleurs neuropathiques (douleurs provoquées par une lésion nerveuse), qui étaient due à l’infection du VIH, aux médicaments, voire les deux. Les patients ont été divisés au hasard en deux groupes. Ceux du premier groupe ont fumé 3 cigarettes de cannabis (3,56% de THC ce qui équivaut à peu près à 25 mg de THC) par jour pendant cinq jours. Les participants du deuxième groupe ont fumé la même quantité de cigarettes mais à base de placebo. Tous les participants ont déclaré avoir déjà consommé du cannabis. 31 participants ont été traités au préalable avec d’autres antalgiques, dont les opiacés et la gabapentine, qu’ils ont continué de prendre à des doses égales au cours de l’étude. Le cannabis a réduit les douleurs au quotidien de 34% des participants du premier groupe, comparé aux 17% des participants du groupe placebo (p=0,03). Une réduction des douleurs de plus de 30% a été observée par 52% des patients du premier groupe et par 24% des patients du deuxième groupe (p=0,04). La première cigarette a 79 réduit la douleur de 72% des patients pour le premier groupe versus 15% avec le groupe placebo (p<0,001). Des effets secondaires indésirables ont davantage été décrits dans le premier groupe mais aucun patient n’a indiqué d’effets secondaires graves et personne n’a arrêté l’étude à cause de ceux-ci. Les chercheurs ont conclu que le « cannabis a été bien toléré et a calmé efficacement les douleurs neurologiques dans la neuropathie sensorielle associée au VIH. Les résultats sont comparables à ceux obtenus avec des médicaments administrés par voie orale pour traiter les douleurs neuropathiques. » Une étude réalisée par l’université de Washington a été menée dans le but de déterminer le niveau et la durée de soulagement par des traitements spécifiques chez des patients atteints d’une blessure de la moelle épinière et souffrant de douleurs chroniques (15). L’étude comprend 117 patients âgés de 18 ans et plus, ayant eu un traumatisme de la moelle épinière et souffrant de douleurs chroniques. Les patients ont été interrogés sur leurs traitements en cours ou passés. Le questionnaire reposait sur 26 traitements antalgiques différents. Il a été recherché le bénéfice obtenu par ces traitements quant à leur efficacité sur le soulagement immédiat des douleurs et son action dans le temps. Les résultats obtenus sont les suivants : - Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont efficaces pour 71% des patients - L’acétaminophen l’a été pour 70% des patients interrogés. Ces deux traitements ont été poursuivis par 100 patients qui les ont jugés efficaces. - Les opioïdes ont produit un soulagement plus important (6,27±3,05 sur un échelle de 0 à 10 ; 0 pour aucun soulagement, 10 pour un soulagement total). Mais le traitement n’a pas toujours été poursuivi à cause d’effets indésirables importants. - Sur les 38% de patients qui ont reçu la gabapentine, seul 17% continuent à l’utiliser. De plus le soulagement semble modeste (3,32±3,03 sur l’échelle de 0 à 10). 80 - 73% des patients ont eu recours à une thérapeutique alternative avec les plus fréquemment cité les massages, la marijuana ou l’accupuncture. - Le soulagement le plus intéressant a été obtenu avec le massage (6,05±2,47 sur l’échelle de 0 à 10) et la marijuana (6,62±2,54 sur l’échelle de 0 à 10). On peut en conclure que la majorité des patients interrogés n’ont pas été suffisamment soulagés par les traitements conventionnels prescrits par leur médecin. Les thérapies alternatives devraient être considérées comme une option supplémentaire à ajouter à l’arsenal thérapeutique. c. Action antalgique du Sativex® : Une étude sur l’efficacité de Sativex® (94), un spray buccal contenant le ∆9- THC à 27mg/ml et cannabidiol 25mg/ml, comme adjuvant au traitement des douleurs neuropathiques a été menée chez des patients atteints de sclérose en plaques. Cette étude a été réalisée en double aveugle contre un groupe placebo pendant quatre semaines. Elle inclue 66 patients (14 hommes et 52 femmes) âgés de 27 à 51 ans souffrant de sclérose en plaques et de douleurs neuropathiques (Study GWM 90107). Les patients ont eu un score douloureux supérieur à 4 sur l’échelle de la douleur de 0 à 10 (0=aucune douleur ; 10= la pire des douleurs) à au moins quatre occasions au cours des 10 jours précédant l’étude. Ils reçoivent tous un traitement régulier pour ces douleurs neuropathiques. Ce traitement reste inchangé les deux semaines précédant l’étude et durant toute l’étude. La dose de Sativex® administrée est déterminée par le patient lui-même afin d’atteindre le soulagement des symptômes ou la dose maximale tolérée. Cette étude évalue l’intensité de la douleur et son degré de soulagement. Au début de l’étude, la moyenne des scores douloureux est de 6,5 dans le groupe Sativex® et de 6,4 dans le groupe placebo. L’étude a montré une différence significative de l’intensité de la douleur de -1,25 en faveur du groupe Sativex® (p=0,005). 81 Une réduction de la douleur de plus de 50% a été décrite par 48% des patients sous Sativex® et 12% des patients sous placebo, ce qui montre une efficacité significative de Sativex® (p=0,003). Pendant cette étude, Sativex® a été bien toléré. Aucun effet secondaire sérieux n’a été décrit et seulement un patient a arrêté l’étude à cause d’un effet indésirable. Soixante trois des soixante six patients ont décidé d’entrer dans une étude à long terme de l’utilisation de Sativex®. Le 15 janvier 2007, lors d’un communiqué de presse, la société britannique GW Pharmaceuticals a présenté les résultats issus de deux études cliniques de phase III avec l’extrait de cannabis Sativex® (86). La première étude a été conduite sur 246 patients souffrant de douleurs neuropathiques associées à une allodynie. Elle a été réalisée en double aveugle versus placebo. L’utilisation de Sativex® dans cette étude a conduit –du point de vue cliniqueà un meilleur contrôle de la douleur par les patients (p=0,003) et à une amélioration de la qualité du sommeil de ces derniers (p<0,01). La deuxième étude sur la neuropathie diabétique a inclus 297 patients. Elle est réalisée en double aveugle versus placebo. Tous les patients reçoivent un traitement antalgique connu qui sera maintenu toute la durée de l’étude. Dans cette étude, les patients à qui on a administré le Sativex® ont observé une baisse de l’intensité des douleurs de 30% en moyenne, voire jusqu’à 50% pour un tiers des participants. Toutefois, les résultats de cette étude ont été difficiles à interpréter à cause d’une forte réactivité de la part des patients du groupe placebo, ce qui est un phénomène plutôt rare. Bien que tous les paramètres relatifs aux résultats, comparés au placebo, parlent en faveur du Sativex®, une réelle signification statistique n’a pas été obtenue. Les effets indésirables sont identiques à ceux observés lors des autres études avec Sativex® et n’ont pas nécessité l’arrêt du traitement. Le 19 octobre 2006, les laboratoires britanniques GW Pharmaceuticals ont terminé avec succès une étude en phase III avec 177 patients souffrant de douleurs liées au cancer (19). 82 Cette étude multicentrique, contrôlée par placebo, a été conduite en Europe. Les participants souffraient d’un cancer avancé et de douleurs liées au cancer, au traitement tel que la chirurgie, la radiothérapie ou la chimiothérapie, ou aux effets indésirables de ces traitements. Une douleur sévère est décrite par plus des 2/3 des patients ; entre 14% et 47% de ces patients n’ont pas pu être suffisamment soulagés avec des médicaments à base d’opiacés. Les patients, en plus des médicaments étudiés, ont continué à prendre les médicaments à base d’opiacés et d’autres analgésiques pendant tout le temps de l’étude. Statistiquement, le Sativex® a réduit significativement l’intensité des douleurs, comparé au placebo (p=0,014). Ainsi, au moyen d’une échelle numérique, 43% des patients traités avec Sativex® ont indiqué une réduction des douleurs de plus de 30% (p=0,024). 4.3.2.2 Comparaison des effets du THC et de ses dérivés à ceux de la codéine sur des douleurs chroniques : a. Comparaison des effets du THC à ceux de la codéine : En 1975 Noyes et al. (72) ont comparé les effets du THC à ceux de la codéine. Trente six sujets volontaires (26 femmes et 10 hommes) présentant un cancer à un stade avancé (l’article ne précise pas le stade) ont participé à cette étude randomisée en double aveugle, chaque patient étant son propre témoin. Ces patients avaient une moyenne d’âge de 51 ans et un poids moyen de 63,9 kg. Tous présentaient des douleurs continues d’intensité modérée attribuées à leur pathologie (type et localisation des douleurs non précisés). Treize présentaient un cancer du sein, 7 un lymphome malin non hodgkinien, 3 un cancer de la prostate, 1 un cancer de la parotide, 2 un leiomyosarcome et 1 un carcinome anaplasique d’origine inconnue. Un seul de ces volontaires avait déjà fumé de la marijuana. Le jour du début de l’étude, les traitements antalgiques habituels ont été arrêtés à quatre heure du matin. Chaque jour des préparations de placebo, de 10 et 83 20 mg de THC et de 60 et 120 mg de codéine, ont été distribuées per os (9) de façon randomisée, une heure après le petit déjeuner. Chaque heure, une infirmière a interrogé les patients sur la sévérité de leur douleur et sur l’importance de son soulagement. L’intensité douloureuse a été cotée (0 = absente ; 1 = légère ; 2 = modérée ; 3 = sévère), ce qui permit de définir des scores de réduction de la douleur (pain reduction scores). Les scores de soulagement de la douleur (pain relief scores) ont également été cotés (0 = aucune ; 1 = légère ; 2 = modérée ; 3 = beaucoup ; 4 = complète). Utilisant la même méthode d’observation, une étude préliminaire des effets antalgiques de l’aspirine, du THC et des deux combinés fut réalisée chez 9 des patients qui participent à l’étude principale. Chaque patient reçu un placebo, 600 mg d’aspirine, 10 mg de THC, 600 mg d’aspirine avec 10 mg de THC et 600 mg d’aspirine avec 65 mg de propoxyphène. Doses Réduction de la douleur Soulagement de la douleur Placebo 2,1±1,3 25,1±6,5 Aspirine 600 mg 3,8±1,67 10±3,21 THC 10 mg 3,4±1,09 10,8±2,44 Aspirine 600 mg + 5,1±1,39 11,7±2,62 6,6±1,94 15,1±2,85 propoxyphène 65 mg Aspirine 60 mg + THC 10 mg Tableau 4 : Score de réduction et de soulagement de la douleur après prise de placebo, de THC, d’aspirine et de propoxyphène Doses Réduction de la douleur Soulagement de la douleur Placebo 1,9±0,44 6,8±0,95 Codeine 60 mg 3,6±0,75 9,4±1,38 THC 10 mg 2,9±0,62 9,8±1,4 Codéine 120 mg 4,3±0,78 12,2±1,57 THC 20 mg 4,7±0,65 12,9±1,46 Tableau 5 : Score de réduction et de soulagement de la douleur après la prise de placebo, de codéine et de THC 84 Une différence statistiquement significative (p<0,05) dans l’effet antalgique fut observée entre le placebo et 20 mg de THC et entre le placebo et 120 mg de codéine. Six patients ont présenté un important soulagement de leur douleur après le placebo, 8 après 60 mg de codéine, 13 après 10 mg de THC, 16 après 120 mg de codéine et 16 après 20 mg de THC. La moyenne des scores de réduction de la douleur à chaque heure est en faveur d’un effet antalgique dose dépendant et prolongé (environ 6 heures) du THC. Les scores de réduction de la douleur pour le THC combinée à l’aspirine sont meilleurs que ceux obtenus lors de l’administration de chacun des produits seuls, mais ces résultats ne sont pas statistiquement significatifs. Les patients qui ont reçu 20 mg de THC ont été fortement sédatés. Une importante somnolence a été observée pour des doses de 120 mg de codéine et de 10 mg de THC. Une altération du cours de la pensée a été induite avec toutes les doses de THC. La codéine n’a induit aucun des troubles de la pensée induits par le THC, seulement un léger état stuporeux. Cette deuxième étude confirmerait l’effet antalgique du THC chez des patients présentant des douleurs d’origine cancéreuse d’intensité modérée. Mais le THC ne semble pas avoir d’efficacité supérieure à celle de la codéine. Par ailleurs, ses effets secondaires à type de somnolence semblent importants à forte dose. Il serait intéressant de mener d’autres travaux, mais plutôt pour étudier l’effet co-antalgique du THC. b. Action antalgique des dérivés synthétiques du THC comparé à la codéine: En 1978, deux essais consécutifs (100), randomisés, en double aveugle, ont été réalisés pour tester les propriétés antalgiques d’un dérivé synthétique nitrogèné du THC, le NIB. Les patients inclus dans ces études avaient entre 21 et 75 ans. Tous présentaient un cancer à un stade avancé à l’origine de douleurs d’intensité modérée à sévère. Dans le premier essai, 4 mg de NIB ont été comparés à la codéine, à 50 mg de secobarbital et à un placebo, chez 15 patients. 85 Dans les deux études, chaque patient reçut les trois préparations à raison d’une par jour pendant trois jours (chaque patient était son propre témoin). Les antalgiques habituels ont été arrêtés trois heures avant le début des études. Toutes les heures pendant six heures, après chaque prise d’une des trois préparations, les auteurs ont demandé aux patients d’estimer l’intensité de leur douleur et de son soulagement (douleur sévère=3 ; modérée=2 ; légère=1; aucune=0). Dans la première étude, la codéine et le NIB ont été de façon significative (p<0,05) plus efficaces que le placebo. L’activité du NIB et de la codéine n’ont pas présenté de différence statistiquement significative. L’efficacité antalgique de la codéine, aux doses de 50 et 60 mg, est comparable respectivement à des doses de 4mg et de 10 mg de THC. Dans la deuxième étude, le NIB fut significativement plus efficace (p<0,01) que le placebo pour soulager la douleur. Il n’y eut aucune différence entre le sécobarbital et le placebo. Les effets néfastes ont été minimes dans les deux études. Une somnolence fut observée dans 40% des cas sous codéine, dans 33% sous secobarbital et dans 21% sous placebo. Le secobarbital fut utilisé dans la deuxième étude afin de déterminer si la somnolence, induite par la codéine et le NIB, était une des composantes du soulagement de la douleur entraîné par ces produits. Le fait que le secobarbital n’entraîne pas plus de soulagement que le placebo suggère que les propriétés hypnotiques ne sont pas impliquées dans l’antalgie induite par le NIB et la codéine. Jochimen et al.(43) ont testé, lors d’une étude en double aveugle, les capacités antalgiques d’un dérivé du THC, le benzopyranoperidine (BPP), chez 35 patients (29 femmes et 6 hommes), âgés de 38 à 77 ans. Ces patients prenaient tous des antalgiques pour des douleurs chroniques liées à un cancer. L’étude se déroula sur une période de cinq jours consécutifs. Chaque patient reçut per os une dose unique de 2 et 4 mg de BPP, de 60 et 120 mg de codéine, et un placebo. Les préparations, présentées sous forme de gélules d’aspect identique, furent distribuées une heure après le petit déjeuner et au moins quatre heures après la dernière prise d’antalgique. Si aucun soulagement de la douleur n’apparaissait dans un délai de 86 quatre heures, un antalgique connu était administré à la demande du sujet. Dans cette étude chaque patient fut son propre témoin. Une infirmière évaluait toutes les heures, pendant les six heures qui suivaient l’administration d’une préparation, l’intensité de la douleur (absente=0 ; moyenne=1 ; modérée=2 ; sévère=3) et le degré de soulagement de cette douleur (aucune=0 ; légère=1 ; modérée=2 ; beaucoup=3 ; complète=4). Toutes les heures les patients devaient répondre à un questionnaire portant sur 11 effets subjectifs éventuellement ressentis afin d’étudier les manifestations psychiques liées aux différentes préparations. Le soulagement de la douleur fut important avec 120 mg de codéine pour 54% des patients, avec 60 mg de codéine pour 40 % des patients, avec le placebo pour 40% des patients, avec 4 mg de BPP pour 26% des patients et avec 2 mg de BPP pour 20% des patients. Le soulagement de la douleur fut le plus faible avec 120 mg de codéine pour 26% des patients, avec 60 mg de codéine pour 46% des patients, avec le placebo pour 54% des patients, avec 4 mg de BPP pour 40% des patients, et avec 2 mg de BPP pour 46% des patients. Une mesure indirecte de l’efficacité antalgique des différentes préparations fut également fournie par le nombre de patients qui ont réclamé un antalgique supplémentaire au cours de la période d’évaluation. Au bout de quatre heures après avoir reçu 120 mg de codéine 7 patients ont réclamé un antalgique, 11 après 60 mg de codéine, 12 après le placebo, 15 après 4 mg de BPP et 19 après 2 mg de BPP. Dans cette étude, le BPP (2 ou 4 mg) n’a pas été aussi efficace que la codéine (60 ou 120 mg) et pas plus efficace que le placebo pour soulager des douleurs d’origine cancéreuse. Aucune modification de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque ou de la biologie sanguine et urinaire, ne fut observée après la prise des différentes préparations. 87 Substance sujets / type de douleur Etude THC per os à 5, 10, 15 et 20 mg 10 volontaires souffrant de douleurs cancéreuses versus placebo THC per os comparé 36 volontaires souffrants de à la codéine douleurs cancéreuses NIB ( dérivé synthétique nitrogéné du THC) à 4 mg per os Benzopyranopéridine (BPP), dérivé du THC, per os double aveugle versus placebo Résultats Effet antalgique à 10 mg, A 20 mg, somnolence et confusion qui contre indiquent une utilisation thérapeutique, effet antalgique du THC comparable à celui de la codéine, Effets indésirables importants (somnolence) à forte dose 15 patients souffrant de douleurs cancéreuses double aveugle comparé à 50 mg de codéine et à un placebo NIB et la codéine ont une action antalgique comparable 35 patients souffrant de douleurs cancéreuses comparaison du BPP, de la codéine (60 et 120 mg) et d'un placebo BPP est moins efficace que la codéine double aveugle versus placebo Meilleur contrôle de la douleur et amélioration de la qualité du sommeil 297 patients souffrant de neuropathie diabétique versus placebo Pas de réponse statistiquement significative du Sativex Sativex (THC et CBN) 66 patients atteints de sclérose en plaques et de douleurs neuropathiques versus placebo Réduction de la douleur, Bonne tolérance Sativex (THC et CBN) 177 patients souffrant de douleurs cancéreuses versus placebo Réduction significative de l'intensité des douleurs. Sativex (THC et CBN) 246 patients souffrant de douleurs neuropathiques et d'une allodynie Cannabis fumé 177 patients souffrant de douleurs chroniques liées à un traumatisme de la moelle épinière Cannabis fumé 50 patients VIH souffrant de douleurs neurologiques questionnaire concernant 26 Soulagement interressant obtenu avec le traitements antalgiques cannabis quand les traitements conventionnels différents ont échoué versus placebo Bonne tolérance, Réduit efficacement les douleurs neurologiques dans la neuropathie sensorielle associée au VIH. Tableau 6: récapitulatif des essais chez l'homme sur des douleurs chroniques 4.3.2.3 Action antalgique du cannabis du THC et de ses dérivés synthétiques sur des douleurs aiguës a. Action antalgique du cannabis : Milstein et al. (60) ont comparé, chez 16 sujets consommateurs de cannabis et chez 16 sujets non-consommateurs, l’effet du cannabis sur la tolérance à la douleur. Chaque groupe de volontaires contenait 8 hommes et 8 femmes. La semaine 88 avant l’étude les participants ont du s’abstenir de consommer de la marijuana ou des médicaments. L’alcool a été interdit 24 heures avant le début des essais. Afin de contrôler précisément la quantité de marijuana ou de placebo administrée et pour estimer la quantité de THC absorbée par les patients, un dispositif délivrant une dose standardisée de fumée fut mis au point. Par l’intermédiaire de ce dispositif, les sujets ont reçu en double aveugle, soit un placebo soit une dose de 7,5 mg de marijuana lors de deux journées espacées d’une semaine. La tolérance à la douleur fut mesurée à l’aide d’un algomètre de pression. Ce dispositif appliquait sur un des pouces des patients une pression continue et d’intensité croissante. Lorsque la douleur à la pression devenait insupportable, les patients devaient appuyer sur un bouton pour stopper l’appareil. Les données de l’étude ont montré une augmentation de la tolérance à la douleur après avoir fumé de la marijuana. Cette augmentation fut de 16% pour les sujets qui avaient consommé de la marijuana, et de 8% pour ceux qui n’en avaient jamais pris auparavant. Aucun effet néfaste n’est apparu sous marijuana. L’augmentation de la tolérance à la douleur dans les groupes des fumeurs expérimentés pourrait provenir du fait qu’un usage prolongé augmente la destruction de THC et favorise l’apparition de 11-OH-THC, métabolite plus actif (cf. tolérance p.110). b. Action antalgique du THC : Karniol et al. (46) ont étudié l’interaction du THC et du cannabinol (CBN) chez l’homme. Cinq hommes volontaires, âgés de 25 à 29 ans ont été inclus dans cette étude. Chaque sujet reçu per os un placebo, 50 mg de CBN, 25 mg de THC, 25 mg de THC + 12,5 mg de CBN, 25 mg de THC + 25 mg de CBN, 25 mg de THC + 50 mg de CBN. Ces six préparations furent distribuées en double aveugle. Chaque préparation ne fut administrée qu’une seule fois, avec un intervalle d’une semaine entre les prises. Le pouvoir antalgique de ces différentes préparations fut testé 45 minutes avant chaque administration, puis 1 heure et 2 heures après. Les sujets devaient tremper leur main dans un bain à 37°C pendant 2 minutes puis la mettre dans un bain d’eau froide remplie de glace pilée. Le sujet devait dire « maintenant » quand une douleur commençait à apparaître (seuil douloureux) et enlever sa main du bain gelé quand il ne pouvait plus tolérer la douleur (seuil de tolérance douloureuse). 89 Aucun changement dans les seuils douloureux et les seuils de tolérance douloureuse ne fut observé. Cinquante minutes après l’ingestion, le THC entraîna une augmentation significative de la fréquence cardiaque, mais pas le CBN. Sous l’effet des deux produits administrés ensemble, la fréquence cardiaque resta élevée. Aucune modification significative de la pression artérielle ne fut enregistrée. Sous THC seul ou combiné au CBN, mais pas sous CBN seul, les sujets présentèrent un étourdissement et une somnolence. Dans cette étude le THC n’a pas montré d’effet antalgique. Pourtant la même année Noyes et al. ont constaté que le THC, à des doses inférieures à celles utilisées par Karniol et al., avait un effet antalgique pour des douleurs d’intensité modérée. Ce qui différencient ces deux études, c’est que Noyes et al. ont testé le THC chez des patients cancéreux présentant des douleurs chroniques, tandis que Karinol et al. l’ont testé sur des sujets sains à qui ils ont appliqué de façon aiguëe un stimulus douloureux. La voie intra veineuse (IV) fut utilisée seulement une fois (85) lors des études cliniques réalisées chez l’homme afin de déterminer le pouvoir antalgique des cannabinoïdes. Deux doses IV de THC ont été comparées à une dose IV de diazépam et une de placebo (ringer lactate), chez 10 volontaires sains âgés de 18 à 28 ans. Chaque sujet participa à quatre essais séparés. Lors de chacun de ces essais une molaire fut enlevée à chaque patient 5 minutes après une prémédication administrée de façon randomisée, en double aveugle : placebo, diazépam (0,157 mg/kg), THC (0,022 mg/kg) ou THC (0,044 mg/kg). Une anesthésie locale à base de lidocaïne et d’épinéphrine a été utilisée dans tous les cas pour un contrôle partiel de la douleur. Les patients devaient signaler l’apparition de deux seuils douloureux : un niveau pour lequel le stimulus commençait à devenir douloureux (seuil douloureux) et un niveau à partir duquel le sujet ne pouvait plus supporter le stimulus douloureux (seuil de tolérance douloureuse). L’analyse des résultats de cette étude montra une augmentation significative des seuils de détection avec le diazépam et les deux doses de THC. Mais il n’y eut pas d’effet analgésique évident sur les seuils de tolérance à la douleur avec les différentes 90 préparations testées. Ce qui veut dire que les patients ont mis plus longtemps avant de ressentir la douleur mais qu’ils ne l’ont pas mieux tolérée pour autant. Pour tous les patients, l’expérience avec le THC à la dose de 0,044 mg/kg fut la plus douloureuse. Tandis que celle sous diazépam fut à l’inverse la moins douloureuse. Trois sujets ont décrit l’expérience avec la plus faible dose de THC comme bonne ou excellente et ont nettement préféré cette prémédication à celle par placebo. Un patient présenta une anxiété après l’injection de THC à la dose de 0,022 mg/kg. Six autres sujets ont préféré le placebo notamment en raison d’une légère augmentation de leur état d’anxiété après l’injection de THC. La dose de 0,022 mg/kg de THC serait approximativement comparable aux quantités moyennes de marijuana donnée sous forme de cigarettes dans d’autres études. c. Action antalgique des dérivés synthétiques : Jain et al.(42) ont évalué l’effet antalgique d’une injection intramusculaire de levonantradol, cannabinoide de synthèse. Cinquante six patients hospitalisés, avec des douleurs aiguës post opératoires d’intensité moyenne à sévère, ont participé à cette étude. Chaque patient reçut une injection intramusculaire en double aveugle, soit de placebo, soit de 1,5 ; 2 ; 2,5 ou 3 mg de levonantradol. Les patients ont été interrogés toutes les heures pendant six heures après l’injection, afin de déterminer l’intensité de leur douleur (aucune, légère, modérée, sévère), l’importance du soulagement (aucun, insignifiant, un peu, beaucoup, complet) et l’apparition d’effets indésirables. L’effet antalgique du levonantradol a été rapide, avec un pic, correspondant à une disparition de la douleur, au bout de deux à trois heures et s’est prolongé jusqu’à la sixième heure après l’injection. Chaque dose de levonantradol permit d’obtenir une analgésie significativement plus importante que le placebo (p<0,05). L’effet antalgique a été le plus important pour une dose de 2,5 mg de levonantradol. Deux des 16 patients qui ont reçu le placebo et 23 des 40 qui ont reçu le levonantradol, ont rapporté un ou plusieurs effets néfastes. La somnolence fut l’effet le plus souvent décrit, suivi par une bouche sèche et un étourdissement. Les effets secondaires du levonantradol à doses antalgiques apparaissent plus modérés et moins fréquents que ceux rapportés avec des doses de 10 à 20 mg de THC. 91 d. Comparaison aux morphiniques : Il a été prouvé sur un modèle animal que les récepteurs cannabinoïdes et les agonistes des récepteurs µ opioïdes ont une action synergique dans l’antinociception. Afin de démontrer ces effets dans des conditions cliniques, Seeling et al.(97) ont conduit une étude randomisée, en double aveugle chez 100 patients à la suite d’une prostatectomie. Depuis la veille au soir de l’opération jusqu’à deux jours après l’opération (soit 3 jours au total), chaque patient reçoit chaque jour par voie orale un placebo ou 5 mg de dronabinol. En post-opératoire, les patients ont accès à un agoniste opioïde des récepteurs µ, le piritamide pendant 48 heures. Les résultats obtenus sont les suivants : les patients du groupe placebo ont consommé 74 mg en moyenne de piritramide (44 à 90 mg). Les patients qui ont reçu le dronabinol en ont utilisé en moyenne 54 mg (46-88 mg). Les patients qui ont reçu le dronabinol requièrent moins de piritramide mais la différence n’est pas statistiquement significative. Les concentrations plasmatiques de THC obtenus dans le groupe qui a reçu le dronabinol sont de 1,5 ng/ml, 1,3 ng/ml et 1,9 ng/ml le jour de l’opération, le 1 er et le 2nd jour post-opératoire. Cette étude ne montre aucune synergie ni addition des effets antinociceptifs obtenue par l’interaction entre le ∆-9-THC et un agoniste µ dans une douleur postopératoire. Les cannabinoïdes ont montré leur propriété analgésique dans les essais sur l’animal, mais leur efficacité potentielle sur les douleurs aiguës n’a pas été prouvée. L’hypothèse testée dans cette étude est que la nabilone, un cannabinoïde de synthèse administré par voie orale, diminuerait la consommation de morphine, réduirait la douleur, les nausées et les vomissements après une chirurgie (9). 92 L’essai inclue 41 patients, de moyenne d’âge 52 ans (± 2 ans).qui ont subi une intervention chirurgicale gynécologique (46%), orthopédique (44%) ou autre (10%). L’étude est menée en double aveugle versus placebo avec 41 patients répartis en 4 groupes : - deux groupes parallèles comparent les effets de 2 doses de nabilone : 1 mg (n=11) et 2 mg(n=9). - Un autre groupe reçoit du kétoprofène à 50 mg (n=11) - Le dernier groupe (n=10) reçoit un placebo. Les doses sont administrées toutes les 8 heures pendant 24 heures. Les patients doivent répondre à différents items incluant la consommation de morphine, l’intensité de la douleur et l’effet émétique après une chirurgie majeure. L’étude évalue également la tolérance du patient face aux différents médicaments. La consommation de morphine pendant 24 heures n’est pas différente dans les 4 groupes, mais le score douloureux était significativement plus élevé à 2 mg de nabilone. Il n’a pas été noté de différence significative entre les 4 groupes quant aux épisodes de nausées et de vomissement, la qualité du sommeil, la sédation, l’euphorie, le prurit ou le nombre et la sévérité des effets indésirables liés à la morphine. Aucun effet sérieux n’a été rapporté. On en conclut que contrairement à l’hypothèse de départ, l’utilisation de la nabilone à forte dose et en présence de morphine augmente la douleur ressentie par les patients après une chirurgie majeure. 93 Substance sujets / type de douleur 16 sujets consommateurs Cannabis fumé à de cannabis et 16 sujets 7,5 mg non fumeurs Etude Résultats versus placebo augmentation de la tolérance à la douleur de 16% chez les fumeurs et de 8% chez les non-fumeurs. THC et cannabinol 5 volontaires sains à qui ont applique un stimulus douloureux double aveugle versus placebo Pas d'effet antalgique du THC, Augmentation de la fréquence cardiaque, étourdissement et somnolence fréquents. THC en IV 0,022mg/kg 0,044 mg/kg 10 volontaires sains, extraction d'une molaire versus diazepam IV versus placebo Pas d'effet antalgique évident sur les seuils de tolérance à la douleur. Augmentation de l'anxiété dès 0,022 mg/kg Lévonantradol IM 56 patients souffrants de douleurs aiguëes postopératoires double aveugle versus placebo Effet antalgique du Lévonantradol rapide et prolongé, effet indésirable type somnolence, bouche sèche, étourdissement. 100 patients souffrant de douleurs post-opératoires suite à une prostatectomie double aveugle versus placebo Aucune synergie ni addition des effets antinociceptifs par l'interaction entre le THC et l'agoniste µ. 41 patients souffrant de douleurs post-opératoires double aveugle versus placebo La nabilone à forte dose et en présence de morphine augmente la douleur ressentie par les patients. Dronabinol per os à 5 mg + piritamide (agoniste opioïde µ) Nabilone per os 1 mg et 2 mg Kétoprofène 50 mg Tableau 7: récapitulatifs des essais sur l'homme sur des douleurs aigües 94 Au total de ces essais chez l’homme on retiendra que : - le THC semble plus efficace sur des douleurs chroniques que sur des douleurs aiguëes. Néanmoins les effets indésirables sont fréquents et non négligeables tel que tachycardie, somnolence ou euphorie. - La potentialisation de l’effet antalgique de la morphine par le THC n’a pas été vérifié chez l’homme et semble même avoir l’effet inverse en augmentant le potentiel anxiogène. - Le lévonantradol montre des effets prometteurs pour une utilisation intramusculaire qui semblerait limiter les effets indésirables par rapport au THC ingéré ou au cannabis fumé. 95 5 Effets secondaires du cannabis 96 Afin d’exploiter au mieux les éventuelles propriétés thérapeutiques du cannabis et d’évaluer au mieux la balance bénéfice / risque, il convient de connaître ses possibles effets secondaires. Il convient ici de distinguer les risques liés à l’utilisation du THC dans les spécialités pharmaceutiques, notamment dans le Sativex® (THC +CBD), seule spécialité commercialisée à ce jour pour le traitement de douleurs. 5.1 Effets secondaires du cannabis : Les termes d’usage régulier et d’usage occasionnel sont couramment utilisés lors de la description des effets secondaires du cannabis. On décrit trois types d’usage régulier : - Usage régulier et périodique (une fois par semaine) - Usage régulier et quasi quotidien (tous les soirs) - Usage régulier pluriquotidien D’après Quester-Séméon et al. (84) un consommateur occasionnel peut consommer une à plusieurs fois dans le même mois puis plus rien pendant une longue période. Sa consommation se fait sans excès et en fonction de ses « réserves ». Dans le rapport de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie publié en décembre 2000 (73), le terme d’usage répété est utilisé à partir de 10 fois au cours des 12 derniers mois. 5.1.1 Lors d’un usage occasionnel : 5.1.1.1 Manifestations psychiques : Les effets psychiques du cannabis varient en fonction de plusieurs paramètres : - la dose - la sensibilité individuelle, la prédisposition aux maladies mentales, sa métabolisation, son âge… - le développement de la tolérance 97 - l’association à d’autres substances telles que l’alcool ou des médicaments - le contexte de la consommation. Moreau de Tours en 1848 (64) fit une description, non contestée à ce jour, des différentes phases successives lors de l’intoxication cannabique aiguëe encore appelée ivresse cannabique : La première phase : est celle du bien être euphorique, avec désinhibition (constituant en fait la forme mineure de l’ivresse cannabique). L’excitabilité psychique est habituelle, et les modifications dues à l’ivresse cannabique apparaissent au sujet sous une apparente stimulation des facultés intellectuelles. La deuxième phase : est caractérisée par une hyperesthésie sensorielle (intensification subjective des perceptions) portant principalement sur l’ouïe, mais pouvant toucher tous les sens, avec une désorientation spatio-temporelle, accompagnés parfois d’un dédoublement psychologique laissant au sujet la faculté de critiquer les phénomènes auxquels il a l’impression d’assister. La troisième phase : est celle du repos extatique avec apragmatisme. La quatrième phase : correspond à une phase de sommeil profond après lequel le sujet retrouve la situation qui était la sienne avant la consommation. Le sujet conserve le souvenir des impressions ressenties pendant l’intoxication. Au cours de l’intoxication cannabique aiguë, la mémoire du fumeur est perturbée. Des études ont confirmé que le cannabis, dès les premières prises, altère la mémoire à court terme et les fonctions cognitives : troubles de la concentration, diminution des réflexes, incoordination motrice (40). Les résultats montrent un effet amnésiant à court terme, le fumeur doit faire un effort considérable pour se souvenir d’un moment à l’autre du fil logique de sa pensée. Les modifications de l’humeur s’expriment le plus souvent par un sens aiguë du comique, du bizarre ou du fantastique s’associant à une impression de lucidité intellectuelle et de joie indéfinissable (66). De plus il permet de diminuer l’anxiété ou les symptômes dépressifs. En effet, en stimulant les récepteurs CB1, il inhibe la libération de neuromédiateurs impliqués dans l’anxiété. Mais l’abus conduirait à une désensibilisation des récepteurs et le cannabis perd alors ses effets anxiolytiques (20). C’est pourquoi, chez certains individus, une composante anxieuse peut prédominer allant jusqu’à des attaques de panique. Ces effets sont le plus souvent rapportés par les nouveaux consommateurs ou par ceux qui prennent une dose plus importante qu’à 98 l’accoutumée. (66). Dans différentes publications, on retrouve chez les utilisateurs réguliers de cannabis une prévalence des troubles anxieux variant de 18 à 22% (40). Une exacerbation de la libido peut exister pendant les deux premières phases de l’intoxication. Ce phénomène pourrait être lié à une diminution de l’activité cholinergique centrale par le THC. Le cannabis aurait également la capacité de favoriser l’introspection (66). Lors d’un usage occasionnel, l’intoxication aiguëe au cannabis est d’évolution brève et sans séquelle. Ces effets apparaissent en 15 minutes à une heure et durent trois à huit heures. Ils se font ressentir dès les premières prises et même à faible dose (26, 27). 5.1.1.2 Manifestations somatiques : L’intoxication cannabique est également responsable de tout un ensemble de manifestations somatiques essentiellement neurovégétatives d’intensité variable, à type de : - Hyperhémie conjonctivale sans modification du diamètre pupillaire - Ptosis bilatéral modéré (lié à son action myorelaxante) - Hypotension avec parfois lipothymie - Vasoconstriction périphérique - Tachycardie - Sécheresse buccale avec sensation de soif - Sensation de faim impérieuse - Augmentation de la fréquence mictionnelle - Parfois trouble de la coordination motrice, atonie, tremblement, diminution de la force musculaire. Tous ces signes sont bénins, d’intensité généralement modérée et régressent totalement au bout de 3 à 4 heures (30). 99 5.1.2 Lors d’un usage fréquent et prolongé : 5.1.2.1 Manifestations psychiques : 5.1.2.1.1 Syndrome amotivationnel : Ce syndrome concerne essentiellement l’adolescent et les usagers chroniques et intensifs. Il associe en proportion variable : - Un déficit de l’activité - Une indifférence affective entraînant une désocialisation progressive - Une altération du fonctionnement intellectuel avec inhibition psychique - Une pauvreté intellectuelle et un ralentissement de la pensée - Un manque d’ambition et un appauvrissement des centres d’intérêts. Ces troubles régressent après quelques semaines d’abstinence (23). 5.1.2.1.2 Psychose cannabique aiguë : Lors d’une consommation importante et prolongée, des complications psychotiques aiguës peuvent survenir, déclenchées par des excès massifs. Le tableau clinique comporte des altérations sensorielles (distorsions visuelles ou cénesthésiques, hallucination), des troubles de la mémoire des faits récents, des idées délirantes à type de persécution ou de dépersonnalisation douloureuse (possession démoniaque, transformations corporelles…) (33). Tandis que l’ivresse cannabique est suivie d’une remémoration du vécu oniroïde, les psychoses aiguës demeurent le plus souvent amnésiques. L’évolution spontanée est favorable en quelques jours à un mois (33). 100 5.1.2.1.3 Psychose cannabique chronique : Le rôle joué par le cannabis dans la genèse d’évènements psychiatriques semble mineur ; en fait, le produit révèle souvent des troubles préexistants, l’accès aigu décrit chez le toxicomane n’étant probablement que le prodrome d’une psychose schizophrénique débutante. Le cannabis est alors un simple facteur favorisant, modifiant l’expression d’une schizophrénie (33). C’est pourquoi l’utilisation des cannabinoïdes à visée thérapeutique est contre indiquée pour les patients ayant des antécédents psychiatriques (94). 5.1.2.1.4 Action sur la mémoire : a. Mémoire à court terme : Un usage régulier du cannabis, même sur une courte période, affaiblit momentanément la mémoire à court terme et la faculté d’apprentissage. Ces altérations mnésiques sont réversibles, leur persistance étant le reflet de la cinétique d’élimination du THC et de ses métabolites (27, 112). b. Mémoire à long terme : Des études ont été menées pour mesurer les risques de détérioration de la mémoire à long terme causés par une consommation chronique de cannabis. Les résultats de ces travaux montrent qu’il n’y a pas de différences significatives, pour les fonctions cognitives à long terme, entre les gros consommateurs, les usagers occasionnels et les non usagers de cannabis (110). 5.1.2.2 Manifestations somatiques : 5.1.2.2.1 Système respiratoire : Wu et al. (109) ont étudié les conséquences de l’utilisation prolongée de cannabis sur les voies respiratoires, chez 15 hommes ayant fumé du tabac et de la 101 marijuana de façon habituelle depuis plus de cinq ans. Ils ont constaté, qu’une consommation quotidienne de 3 à 4 cigarettes de marijuana serait comparable à un tabagisme de plus de 20 cigarettes par jour, en ce qui concerne la fréquence des symptômes bronchiques aigus ou chroniques, ainsi que le type et l’extension des dommages épithéliaux des voies aériennes qui leur sont associés. Lors de la consommation de cannabis, trois fois plus de particules insolubles sont inhalées, que lors de la consommation de tabac, et un tiers de plus est déposé dans les poumons. De même, le taux de carboxyhémoglobine est cinq fois plus élevé après avoir fumé une cigarette de marijuana qu’il ne l’est après avoir fumé une cigarette ne contenant que du tabac. Ces résultats peuvent être expliqués par une cinétique d’inhalation différente lors de la consommation d’une même quantité de tabac et de marijuana. En effet, lors de la prise de marijuana, le volume de chaque bouffée est augmenté de deux tiers, la profondeur d’inhalation d’un tiers et le temps de rétention respiratoire est multiplié par quatre (109). La consommation régulière de tabac entraînerait une baisse significative du VEMS mais pas celle de marijuana (101). Le THC fumé ou ingéré posséderait un effet broncho-dilatateur, tant chez des sujets sains qu’asthmatiques. Cet effet est dose dépendant. Par voie orale, il semble apparaître à partir de 10 mg (109). Malheureusement l’effet bronchodilatateur peut être contrarié par un bronchospasme lié à une irritation des voies aériennes. La dose de 10 mg nécessaire pour provoquer cette bronchodilatation entraîne des effets psychotropes et cardiaques (104). La fumée de marijuana contient de nombreuses substances toxiques. De plus le pourcentage de goudron déposé après la consommation de cannabis est de 80% alors qu’il n’est que de 63% avec le tabac (57), en raison de leur plus grande concentration et de leur mode d’inhalation (58). Dans les goudrons de cannabis, la concentration en benzopyrane et en autres hydrocarbures (aldéhydes, nitrosamine, benzanthracène…) est plus élevée que celle 102 mesurée dans le tabac fumé. Ces hydrocarbures sont des substances favorisant tous les stades de la cancérogenèse : initiateurs, modificateurs de génome, promoteur… A l’heure actuelle, le delta-9-THC n’est pas considéré comme cancérigène, mais la fumée de cannabis est, elle, mutagène et cancérigène. Des données épidémiologiques suggèrent que la fumée de cannabis pourrait exposer les consommateurs à un risque de cancer bronchique et des voies aériennes supérieures ainsi qu’à un risque de cancer digestif (40). 5.1.2.2.2 Système cardiovasculaire : Le THC entraîne une augmentation de la fréquence cardiaque de 20 à 50% en quelques minutes après le début de l’inhalation. Cet effet dure en moyenne 2 à 3 heures (33). Une hypertension en position couchée est constatée dans de rares cas (40). Dans un premier temps, l’effet hypotenseur orthostatique du cannabis fut mis en relation avec une inhibition du tonus sympathique. Plus récemment des sites d’actions périphériques, comme des récepteurs sur les tissus vasculaires, ont été incriminés comme responsables de l’action hypotensive. Une autre étude menée avec des agonistes aux cannabinoïdes incluant l’anandamide, a montré une forte corrélation entre la liaison de ces ligands avec les récepteurs CB1 cérébraux, le SR 141716A, inhibe les effets hypotenseurs des cannabinoïdes avec le même potentiel. Cela suggère que l’action hypotensive des cannabinoïdes soit médiée par des récepteurs CB1. Les effets cardiovasculaires de la marijuana sont cliniquement négligeables chez des sujets jeunes et en bonne santé, d’autant qu’une tolérance à ces effets apparaît très rapidement. En revanche, la tachycardie, l’hypotension orthostatique et l’augmentation du taux sanguin de carboxy hémoglobine rendent ce produit dangereux chez des sujets insuffisants cardiaques ou coronariens. L’utilisation des cannabinoïdes dans un but thérapeutique sera donc contre indiquée chez les patients ayant une maladie cardiaque préexistante (94). Mittelman M.(40) a constaté sur une population de 3882 patients hospitalisés pour infarctus du myocarde, que le risque de présenter une telle pathologie était 4,8 fois 103 plus élevé au cours de la première heure qui suit l’utilisation de marijuana que durant les périodes de non utilisation. Au cours de la deuxième heure, le risque relatif passe à 1,7. L’infarctus du myocarde surviendrait chez des patients prédisposés ayant préalablement un angor stable chronique, et serait lié à l’effet tachycardisant du cannabis (40). 5.1.2.2.3 Système digestif : Suite à une administration de 5 à 10 mg de THC contenu dans des cigarettes de marijuana pendant 28 jours, une augmentation des taux sanguins de phosphatases alcalines, des LDH et des transaminases a pu être constatée (9). Après de fortes expositions, et surtout lorsque le cannabis est ingéré, des diarrhées et des douleurs abdominales peuvent être notées. Ces diarrhées seraient dues à une augmentation de la motilité colique (69). Aux Etats-Unis des cas de salmonellose après consommation de marijuana ont été rapportés. La colonisation de la marijuana par des salmonelles se ferait au moment du séchage et du stockage. La marijuana infectée contaminerait les doigts pendant la préparation de la cigarette ou les lèvres au moment de fumer. Le nombre de salmonelles ingérées à ce moment suffirait à causer l’infection. (69). Les consommateurs de chanvre VIH+ ont présenté des cas d’infection par la Salmonelle et Aspergillus qui n’ont pas été retrouvés avec l’utilisation du dronabinol. En effet le dronabinol, produit de synthèse, est un produit pur conditionné sous forme de capsule alors que le chanvre fumé contient des impuretés (22). 5.1.2.2.4 Système immunitaire : Déterminer si les cannabinoïdes entraînent une altération du système immunitaire est difficile en raison de nombreux facteurs. Premièrement, la majorité des études ont été conduites in vitro avec des cultures cellulaires humaines ou animales ou in vivo chez l’animal. Extrapoler ces résultats chez l’homme est d’autant plus difficile que ces études ont été réalisées avec des doses de THC très élevées, dépassant 104 nettement celles habituellement utilisées par les consommateurs de cannabis. Deuxièmement, les quelques études menées in vivo chez l’homme, apportent des résultats contradictoires. Les cannabinoïdes interfèrent sur le système immunitaire par deux mécanismes différents : - d’une part, leur grande liposolubilité, leur permet d’agir directement sur les membranes cellulaires. - D’autre part, ils agissent par l’intermédiaire de leurs récepteurs et principalement les récepteurs périphériques CB2 présents dans les macrophages et la rate (14). En 2003, un rapport d’Abrams n’a pas montré d’effets biologiques, ni cliniques en faveur d’une majoration du risque infectieux chez des patients sidéens usagers de cannabis. Une autre étude de Clough en 2003 montre un risque augmenté de pneumonie dans la population aborigène de fumeurs chroniques en Australie. Aujourd’hui, on ne peut donc toujours pas affirmer ou infirmer l’association du cannabis dans la survenue de complications infectieuses (40). 5.2 Effets indésirables du THC et des cannabinoïdes : 5.2.1 Manifestations psychiques : Une extension des études sur la spécialité Sativex® (un spray buccal à base de THC et de cannabidiol) a été réalisée sur 644 patients atteints de sclérose en plaques. Ils ont reçu ce traitement sur une période minimale de 6 mois pendant laquelle les effets indésirables ont été rapportés. Il a été observé une euphorie dans 4,2% des cas, une désorientation (3,7%), une confusion (2,3%), une dissociation d’idée (2%), une dépression (2%) ou l’apparition d’une paranoïa (1,1%) (94). Les effets indésirables sur la mémoire à court terme a été rapporté par 1% des patients du groupe Sativex® dans les essais thérapeutique de phase III (94). 105 5.2.2 Action sur le système cardio-vasculaire : Une tachycardie a été observée chez 1,4% des patients participants aux essais de phase III dans le groupe testant le Sativex® (94). Le THC étant responsable d’une tachycardie et d’une hypotension orthostatique, son utilisation thérapeutique est contre indiquée chez les sujets insuffisants cardiaques ou coronariens. 5.2.3 Action sur le système endocrinien : a. Corticoïdes : Des études ont montré que chez l’animal, le THC augmente les taux sériques d’ACTH (adreno cortico trophique hormone) et de corticostérone (4). b. Hormones sexuelles : Chez l’animal le THC est responsable d’une diminution de la sécrétion de FSH (Hormone Folliculo Stimulante) et de LH (Hormone Luteinisante) (3, 106) L’administration de LH-RH (Luteinzing Hormone Releasing Hormone) rétablit les sécrétions de FSH et LH, ce qui est en faveur d’une action haute du THC, au moins sur la production hypothalamique de LH-RH (104). Une étude chez le rat a mis en évidence une diminution des taux de testostérone et de LH, induite par le THC. Mais lors d’un traitement chronique par le THC, les taux reviennent à la normale, ce qui indique que les modifications provoquées par le THC sur ces hormones sont temporaires (3, 106). c. Hormones thyroïdiennes : Le THC diminue la sécrétion d’hormones thyroïdiennes T3-T4 (triodothyronine et thyroxine) et de TSH (3, 106). 106 d. Prolactine : Aucune modification du taux de prolactine n’a été constatée après l’administration de THC chez la femme (58). 5.2.4 Effets sur la grossesse : a. Effets tératogènes : Une étude a été réalisée pour rechercher un possible effet tératogène d’un mélange de THC et de CBD chez le rat. Trois groupes de 24 rats femelles sexuellement matures ont reçu quotidiennement par voie orale (gavage) une dose d’un mélange équimolaire de THC/CBD à 1, 5 et 25 mg/kg/J du 6ème au 17ème jour de gestation. Aux doses de 5 et 25 mg/kg/J on observe une prise de poids inférieure par rapport au groupe témoin et une diminution de la consommation de nourriture. Ces observations persistent après l’arrêt du traitement. A la dose de 1mg/kg/J les anomalies observées chez les fœtus sont comparables à celles observées dans le groupe témoin et ne sont pas jugées anormales chez le rat. Les anomalies observées chez les fœtus des groupes à 5 et 25 mg/kg/J sont essentiellement un déficit d’ossification du squelette. Mais cet effet indésirable n’est pas considéré comme néfaste sur le développement fœtal (94). Une étude comparable a été menée sur des lapins. Trois groupes de 30 femelles sexuellement matures ont reçu quotidiennement un mélange équimolaire de THC/CBD du 6ème au 18ème jour de gestation (13 jours au total) aux doses de 5, 10 et 25 mg/kg/J. Deux femelles du groupe à 10mg/kg/j ont avorté au 25 et 28ème jour de gestation. Deux femelles du groupe à 25mg/kg/j ont avorté les 24 et 27ème jour de gestation. Des troubles de l’équilibre et une modification de l’activité spontanée ont été observés à 10 et 25mg/kg/j. Une réduction du poids moyen a été notée à 10 et 107 25mg/kg/j. Une reprise de poids est observée à l’arrêt du traitement mais le poids moyen du groupe restera néanmoins inférieur à celui des témoins. Le jour de la mise bas on a 18 (90%), 17 (85%), 16 (80%) et 14 (70%) fœtus vivants pour les groupes 0, 5, 10 et 25mg/kg/j. On note donc un nombre inférieur de fœtus viables dans les groupes traités dès 5mg/kg/j. Les fœtus des groupes 10 et 25 mg/kg/j ont un poids inférieur à la normale. De plus dans ces deux groupes on notera une ossification du squelette incomplète. b. Toxicité pré et post-natal chez le rat : Un mélange équimolaire de THC/CBD est administré quotidiennement par voie orale (gavage) à trois groupes de 25 rats femelles à 1, 2 ou 4 mg/kg/j du 6ème jour de gestation jusqu’au 20ème jour de lactation. Le traitement à 2 et 4 mg/kg/j pendant la gestation et à 4 mg/kg/j durant la lactation a entraîné une diminution de la prise alimentaire ainsi qu’une réduction de la prise de poids moyen par rapport au groupe témoin. A 4 mg/kg/j on a une diminution de l’index de lactation, qui se traduit par une croissance plus lente des ratons, avec une prise de poids inférieure par rapport aux rats témoins et un plus faible pourcentage de ratons présentent un réflexe de redressement. De plus la mobilité de ces ratons est réduite par rapport au groupe témoin. Les molécules de THC et CBD étant très lipophiles, se retrouvent dans le lait maternel en concentrations 20 à 40 fois supérieures aux concentrations plasmatiques. c. Essai sur la fertilité et le développement embryonnaire : Trois groupes de 50 rats (25 mâles et 25 femelles) ont reçu quotidiennement un mélange équimolaire de THC/CBD par voie orale (gavage) à 1, 5 et 25 mg/kg/j. Les mâles ont reçu ce traitement 28 jours avant l’accouplement, pendant et 3 semaines après la fin de l’accouplement. Les femelles ont commencé le traitement 14 jours avant l’accouplement et l’ont poursuivi jusqu’au 6ème jour de gestation. 108 Les signes cliniques observés sont une réduction de la prise de poids et une diminution de l’appétit. Aucun effet sur la fertilité n’est observé. A 25 mg/kg/j on a en plus une réduction de l’activité motrice. Le traitement a un effet sur le développement du corps jaune qui se traduit par une diminution statistiquement significative du nombre d’implantations et d’embryons viables par femelle par rapport au groupe contrôle. L’utilisation des cannabinoïdes chez la femme enceinte ou allaitante est donc contre indiquée. De plus, les femmes en âge de procréer qui reçoivent l’extrait de cannabis Sativex® devront avoir une contraception efficace pendant le traitement et qui sera poursuivi pendant trois mois après l’arrêt du traitement (96). 5.2.5 Système digestif : Les effets indésirables rapportés avec l’extrait de cannabis Sativex® sont essentiellement des nausées (11,3%) et des diarrhées (5,9%) mais aussi des douleurs abdominales (1,1%) ou une constipation. 109 Au total il est important de retenir les points suivants : Les principaux effets secondaires liés à l’administration du THC sont : - Des nausées et des diarrhées liées à une augmentation de la motilité colique en début de traitement, - Une tachycardie et une hypotension orthostatique qui contre indiquent l’utilisation du THC en cas de maladie cardiaque préexistante, - Des troubles anxieux et psychiques qui favoriseraient l’expression d’une schizophrénie. Son utilisation thérapeutique sera donc contre indiquée s’il existe des antécédents psychiatriques. - Enfin il a été fréquemment rapporté des troubles de l’attention, de la mémoire à court terme et une somnolence qui nécessite certaines précautions d’emploi notamment en cas de conduite automobile. L’utilisation de la marijuana inhalée comporte, en plus des effets précédemment cités d’autres effets indésirables dont les plus importants sont : - Risque de cancer bronchique et des voies aériennes supérieures et risque de cancer digestif. Ces risques ne sont pas liés au THC mais à la fumée de cannabis, mutagène et cancérigène. - Des cas de salmonellose ont été décrits, les salmonelles contamineraient la marijuana lors du séchage et du stockage. - De plus, cette forme d’utilisation ne permet pas un titrage précis du principe actif, d’où des effets fluctuants concernant l’efficacité thérapeutique ou les effets indésirables. En raison du nombre d’effets indésirables graves et du manque de reproductibilité dans les résultats lors de l’utilisation du cannabis inhalé, ce mode d’administration devrait être exclu d’une utilisation thérapeutique. 110 5.3 Tolérance, dépendance et théorie de l’escalade : Comme pour la plupart des médicaments psychoactifs existants, la consommation chronique de cannabis serait susceptible d’entraîner une tolérance et une dépendance. Les détracteurs de l’utilisation thérapeutique du cannabis parlent également d’un risque d’escalade dans la consommation des drogues chez les utilisateurs de chanvre indien. Il convient donc de faire le point sur les possibles risques de tolérance, qui peut impacter l’usage thérapeutique et de dépendance, et sur la théorie de l’escalade lors de la consommation de cannabis. 5.3.1 Tolérance : Définition : La tolérance (ou accoutumance) est la diminution des effets sur l’organisme d’une dose fixe d’une substance au fur et à mesure de son utilisation. Elle se traduit par la tendance à l’augmentation des doses à chaque prise et au rapprochement des prises pour obtenir un effet identique (31). Actuellement, il est admis que le cannabis n’engendre chez l’homme qu’une tolérance modérée. En général un usager occasionnel n’augmente pas ou peu sa consommation. De plus cette tolérance au cannabis est en partie compensée chez l’homme par un phénomène appelé « tolérance inverse » : les mêmes effets psychiques peuvent être retrouvés tout en diminuant la quantité consommée (90). Le THC induit l’action des enzymes qui le dégradent. Un usage persistant induit cette induction enzymatique ce qui favorise l’apparition de 11-OH-THC, métabolite pharmacologiquement plus actif (68). Ce mécanisme pourrait expliquer le retard observé dans l’apparition des premières manifestations d’intoxication par le cannabis. En effet, chez certains sujets, on observe peu d’effets quand la drogue est ingérée ou fumée pour la première fois. Ces effets n’apparaissent que pour la 2ème ou 111 3ème absorption. Le consommateur aura donc tendance à diminuer la quantité de marijuana dans ses cigarettes lors de ses consommations ultérieures. D’autre part, l’efficacité de l’inhalation augmente avec l’habitude, et le fumeur va apprendre à discriminer les effets positifs des effets négatifs. Il retrouve plus vite les sensations qu’il recherche, au détriment des effets déplaisants qu’il tente de négliger. L’exposition chronique des récepteurs au THC va entraîner une modification de leur structure à l’origine d’une diminution de la liaison des cannabinoïdes. Un autre mécanisme pouvant expliquer la tolérance est l’internalisation des récepteurs à l’intérieur du cytoplasme, où ils vont être dégradés et recyclés. Ce phénomène a pour conséquence une diminution du nombre de récepteurs au niveau de la surface cellulaire, responsable d’une baisse de la sensibilité aux cannabinoïdes (4). L’apparition de la tolérance au THC varie entre 10 et 30 jours selon les effets. Pour exemple, sur le plan cardiovasculaire, l’hypotension disparaît en 14 jours environ. 5.3.2 Dépendance : Définition : - Dépendance physique : état adaptatif de l’organisme caractérisé par l’apparition de troubles physiques parfois intenses lorsque l’administration du produit est suspendue brusquement. Leur ensemble constitue le syndrome de sevrage, d’abstinence ou de manque (31). - Dépendance psychique (ou assuétude) : désir, souvent irrépressible de répéter les prises afin de retrouver les sensations agréables (31). D’après le rapport Reybaud-Parquet-Lagrue (89), sur les pratiques addictives, les cas de dépendance survenant chez les usagers de cannabis sont peu fréquents et avant tout d’origine psychologique. Ils concerneraient, selon les auteurs, environ 10% des consommateurs réguliers (90). 112 Bien qu’une certaine dépendance psychologique au cannabis soit reconnue, la question d’une dépendance physique reste sujet à controverse. La dépendance psychique au cannabis a été établie et mise en évidence par des études sur l’animal. Elle est caractérisée par un usage quotidien, ou presque, de la drogue et survient au cours d’une utilisation prolongée du produit, jamais lors d’un usage ponctuel ou épisodique (40). On considère qu’il existe moins de 10% de très gros consommateurs qui éprouvent des difficultés à abandonner la consommation de cannabis bien qu’ils le souhaitent. La faible dépendance physique s’explique par le fait que le delta-9-THC possède une longue rémanence, une décroissance en pente douce et un important stockage dans les lipides. Ces caractéristiques permettent d’éviter une disparition trop rapide du produit de l’organisme et minimisent donc les symptômes du « manque ». Néanmoins des manifestations de sevrage à l’arrêt ont été détectées chez certains fumeurs : anxiété, irritabilité, anorexie, gastralgie (20). Récemment, une interruption brutale de deux semaines après un an de traitement basé sur l’extrait de cannabis Sativex® n’a pas provoqué d’importants syndrome de manque chez 25 patients bien que 11 participants (46%) aient indiqué au moins un symptôme de manque (fatigue, sommeil perturbé, alternance de bouffées de chaleur et de frissons, modification de l’humeur, réduction de l’appétit, instabilité émotionnelle, sensation d’ivresse ou rêves intenses) (28). La dépendance au cannabis semble donc modeste en comparaison de celle observée pour les opiacés. 5.3.3 La théorie de l’escalade : La théorie de l’escalade implique le passage de la consommation de cannabis à celle de substances comme l’héroïne. Néanmoins elle ne concerne pas une population qui utiliserait le cannabis à des fins thérapeutiques. L’effet inverse aurait même tendance à se développer dans les pays qui ont légalisé la consommation de cannabis à 113 des fins thérapeutiques. En effet, les jeunes voient alors le cannabis comme une drogue permettant de soulager des pathologies graves et non plus comme pour un usage récréatif (cf. page 28). C’est pourquoi nous ne ferons que la citer ici. 114 CONCLUSION Les principes actifs du cannabis et les dérivés synthétiques responsables des effets antalgiques et leur mode d’action sont aujourd’hui connus. Ceci a permis le développement de médicaments dont la composition qualitative et quantitative est connue. Ils permettent d’obtenir un effet thérapeutique reproductible et de mieux contrôler les effets néfastes. A l’avenir, les avancées pharmacologiques nous font penser qu’il serait possible d’envisager le développement de molécules synthétiques afin de potentialiser l’effet antalgique en obtenant une action plus spécifique, ou de développer d’autres voies d’administration, dont la voie parentérale. Compte tenu de ces avancées scientifiques et des effets indésirables particulièrement néfastes et imprévisibles rencontrés lors de l’utilisation du cannabis fumé, ce mode d’administration devrait être exclu d’une utilisation thérapeutique. Les cannabinoïdes semblent posséder un potentiel analgésique, prouvé au moins expérimentalement, médié par un mécanisme d’action différent de celui des traitements analgésiques conventionnels. Il semblerait qu’ils soient plus indiqués pour des douleurs chroniques que pour les douleurs aiguës. De plus son utilisation en prémédication avant une douleur aiguë n’a pas d’intérêt et augmente au contraire son pouvoir anxiolytique. De même, les cannabinoïdes ne semblent pas avoir un grand intérêt pour des douleurs d’intensité modérée car nous avons déjà à notre disposition des thérapies efficaces entraînant peu d’effets secondaires. Les études chez l’animal ont montré que le cannabis potentialisait l’action analgésique de la morphine, mais cette propriété n’a pas été vérifiée chez l’homme. L’effet antalgique des cannabinoïdes sur des douleurs chroniques paraît comparable à celui obtenu avec l’utilisation de la codéine. Néanmoins, son efficacité lors d’une utilisation chronique mérite d’être testée plus amplement en développant des études cliniques sur des périodes plus longues et 115 avec un nombre de volontaires plus important, ce qui permettrait de juger des effets de l’utilisation au long cours de ces composés. Enfin, il semblerait que les cannabinoïdes aient un intérêt dans le traitement des douleurs chroniques rebelles, notamment dans le soulagement des douleurs spastiques de la sclérose en plaques, en association avec les traitements conventionnels. Les effets indésirables et la dépendance restent modestes pour ces patients. Mais là encore, on attend les résultats des études cliniques menées à plus grande échelle (sur de longues périodes, avec un nombre de volontaires importants), indispensable pour conclure. Il est à noter que l’importance du « ressenti » chez les patients, sans être totalement scientifique, n’est pas à négliger dans la prise en charge de la douleur. Si un malade en fin de vie se sent soulagé grâce au cannabis, pourquoi le lui interdire ? 116 TABLE DES ILLUSTRATIONS Tableau 1 : Mécanismes de transduction des récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2. ... 52 Tableau 2 : Principaux agonistes et antagonistes des récepteurs CB1 et CB2 (9).......... 55 Tableau 3 : Scores de réduction et de soulagement de la douleur après prise de THC .. 78 Tableau 4 : Score de réduction et de soulagement de la douleur après prise de placebo, de THC, d’aspirine et de propoxyphène ......................................................................... 84 Tableau 5 : Score de réduction et de soulagement de la douleur après la prise de placebo, de codéine et de THC ....................................................................................... 84 Tableau 6: récapitulatif des essais chez l'homme sur des douleurs chroniques .............. 88 Tableau 7: récapitulatifs des essais sur l'homme sur des douleurs aigües ...................... 94 Figure 1: Feuille de cannabis (102) ................................................................................ 13 Figure 2 : Plan de cannabis (102) ................................................................................... 13 Figure 3 : Plant mâle (102) ............................................................................................. 14 Figure 4 : Plant femelle ................................................................................................... 14 Figure 5 : Structure chimique du tétrahydrocannabinol ................................................. 18 Figure 7 : Structure chimique de la nabilone .................................................................. 37 Figure 10 : Synthèse, libération et dégradation de l’anandamide (9). ............................ 57 117 BIBLIOGRAPHIE 1. 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C’est pourquoi certains pays tels que les pays bas ou le canada en autorisent son utilisation thérapeutique. Mais celle-ci reste encore sujet à controverse dans de nombreux pays, comme en France. C’est pourquoi il est important de différencier l’utilisation thérapeutique du cannabis de celui de ses principes actifs commercialisés sous forme de spécialités, tant sur l’efficacité que sur ses effets indésirables Les études réalisées avec les spécialités déjà mises sur le marché sont encourageantes et il serait intéressant de voire se développer d’autres études afin d’étudier plus amplement le potentiel antalgique voire co-antalgique des cannabinoïdes. MOTS CLES : CANNABIS, PHARMACOLOGIE, USAGE THERAPEUTIQUE, ANTALGIE, DELTA-9-THC JURY PRESIDENT : M. Alain PINEAU, Professeur de Toxicologie Faculté de Pharmacie de Nantes Membres du jury : M. Jean-François BIARD, Professeur de Pharmacognosie Faculté de Pharmacie de Nantes Mlle Marie-Morgane MANCERON, Docteur en Pharmacie Adresse de l’auteur :DARD Bétarice Le Huellou 29910 TREGUNC 126