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im pact du traitement immunosuppresseur sur la cicatrisation bronchique
pour une série de 229 greffes réalisées entre 1988 et 1994 [3].
Dans une série de 232 transplantations pulmonaires réalisées
entre 1991 et 2004, le taux de complications symptomatiques
atteignait 19 % des patients transplantés. La mortalité liée à
ces complications était de 2,4 % [1]. Dans une série de 235
patients transplantés entre 1991 et 2007, Weder et al. ont dé-
crit un taux de complication de 4,9 % beaucoup plus bas que
les autres séries [11]. Cette disparité s’explique notamment par
le critère utilisé pour définir l’existence d’une complication
bronchique.
Nous avons choisi d’étudier les complications bronchiques
en fonction de leurs conséquences cliniques et symptoma-
tiques plutôt que sur l’aspect endoscopique des anastomoses
bronchiques. En effet, les premières publications ont porté
sur l’aspect endoscopique des anastomoses en s’appuyant
sur la classification de Couraud. Deux défauts peuvent être
retenus dans cette méthode : (i) l’aspect endoscopique peut
être très variable en fonction du moment où l’anastomose
est observée, (ii) l’aspect endoscopique ne laisse pas présager
du mode de cicatrisation, un aspect nécrotique peut évoluer
vers la fistule ou vers la déhiscence ou vers la sténose ou vers
la cicatrisation normale. L’aspect endoscopique amène à
considérer chaque anastomose comme une unité d’étude :
une greffe bi-pulmonaire fournit alors deux unités à étudier.
Cependant, la complication bronchique peut évoluer vers la
déhiscence complète et l’hémoptysie entraînant alors le décès
du patient. De ce fait, nous avons décidé d’étudier les com-
plications bronchiques en ne considérant que les patients.
Nous n’avons pas voulu dédoubler le nombre d’anastomoses
lors des greffes bipulmonaires. De ce fait nos chiffres d’inci-
dence et de mortalité semblent plus élevés puisque rapportés
au nombre de patients et non pas au nombre d’anastomoses.
Il nous a semblé plus licite de ne considérer que le patient et
les événements symptomatiques liés aux complications bron-
chiques notamment en cas de décès. En effet, on considère
alors l’ensemble du patient décédé d’une complication sur
l’une des anastomoses bronchiques et non pas une anasto-
mose compliquée de décès et l’autre indemne dans le même
patient.
Dans notre étude, seul le protocole immunosuppresseur
apparaissait comme un facteur significatif dans la survenue
de complication bronchique en analyse uni et multivariée.
L’apparition d’un épisode de dysfonction primaire du greffon
apparaissait comme un facteur significatif en analyse univa-
riée mais pas comme un facteur indépendant de survenue
de complication bronchique en analyse multivariée. Les
épisodes de pneumopathie n’apparaissaient plus comme un
facteur indépendant en analyse multivariée probablement du
fait de leur relation significative avec le traitement compor-
tant basiliximab/tacrolimus/MMF.
Jusqu’à maintenant, seule une étude clinique a montré un
lien entre complications bronchiques et traitement immu-
nosuppresseur comportant du tacrolimus [12]. Ruttmann et
al ont montré une meilleure cicatrisation bronchique pour
les patients initialement traités par ciclosporine en comparai-
son avec ceux traités initialement par tacrolimus (p = 0,003).
L’analyse multivariée ne permettait pas de confirmer ce fac-
teur comme un facteur indépendant (OR = 4,38 ; p = 0,08).
Dans cette étude, il est possible que l’analyse ait manqué de
puissance sur des effectifs réduits à 81 transplantations consé-
cutives. Les auteurs ont aussi comparé l’azathioprine au my-
cophénolate mofétil sans trouver de différence significative.
Les combinaisons d’immunosuppression n’ont pas été testées
dans cette étude.
Dans d’autres études, le traitement immunosuppresseur
n’apparaissait pas comme un facteur de risque. Date et al. ont
montré une évolution favorable du nombre de complications
bronchiques dans l’activité de leur centre au cours du temps
en comparant trois périodes historiques consécutives de leur
activité. L’explication principale fournie par les auteurs repo-
sait sur l’expérience croissante de l’équipe de transplantation
avec une amélioration de l’expérience des équipes chirurgi-
cales et médicales (anesthésie réanimation et pneumologique)
avec le temps et de prise en charge immédiate des patients [3].
L’étude de Weder et al. est également une étude rétrospective
et historique qui a montré l’amélioration de la cicatrisation
bronchique après transplantation pulmonaire avec le temps.
Les auteurs faisaient reposer leurs bons résultats sur une tech-
nique modifiée de rectification du moignon bronchique chez
le donneur de façon à le raccourcir un maximum par une
coupe oblique notamment du côté droit [11]. Cependant,
ces deux études ont été effectuées à traitement immunosup-
presseur constant. En effet, dans l’étude de Date, la série de
transplantation rapportée a été étudiée entre 1988 et 1994 ;
au cours de cette période, le traitement immunosuppresseur
restait inchangé basé sur une induction par immunoglobu-
line antilymphocytaire, ciclosporine, azathioprine et cortico-
stéroïdes [3]. De même, l’étude menée par Weder, même si
elle est plus récente, précise que tous les patients transplantés
ont reçu un traitement immunosuppresseur qui comportait
de la ciclosporine associée à de l’azathiorpine, du MMF, du
basiliximab ou des immunoglobulines antilymphocytaires
mais pas de tacrolimus [11].
Dans des études expérimentales sur modèle canin de trans-
plantation pulmonaire, le tacrolimus utilisé seul n’induisait
pas de troubles de la cicatrisation bronchique en comparaison
avec la ciclosporine ou l’absence de traitement [13]. Cepen-
dant, les effets de l’association tacrolimus/MMF/prednisone
ont été étudiés sur l’épithélium ciliaire du rat et comparés aux
effets de l’association ciclosporine/azathioprine/prednisone.
Les deux combinaisons provoquaient un ralentissement de la
clairance ciliaire, mais plus marqué dans le protocole com-
prenant tacrolimus et MMF [14]. Le ralentissement plus mar-
qué de la clairance ciliaire avec cette combinaison pourrait
expliquer les épisodes plus fréquents d’infections et ensuite de
défaut de cicatrisation bronchique. Ces pistes expérimentales
restent à confirmer mais montrent la nécessité d’étudier les
combinaisons de protocoles plutôt que les drogues seules.
Les limites de notre étude reposent sur son caractère histo-
rique, mais rejoint en cela la plupart des études réalisées sur
le même sujet. Une étude prospective et randomisée pourrait
être réalisable. Mais le dosage des taux sériques et la surveil-
lance médicale imposée par les différentes drogues immuno-
suppressives sont trop différents pour permettre une étude
en aveugle. L’autre limite de notre étude est l’absence de
données sur la durée de ventilation mécanique des donneurs