La robustesse d`une ville globale européenne

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La robustesse
d’une ville globale
européenne
Vers un nouveau regard sur l’économie de la métropole
TVK Trévelo & Viger-Kohler architectes urbanistes
Güller Güller architecture urbanism- ACADIE
Bas Smets- Franck Boutté- Simon Grand- Jordi Julia
Joachim Lepastier- Sébastien Marot- Pierre Musso
Soline Nivet- Michel Schuppisser- Ville Ouverte
Membres du Conseil scientifique de l’Atelier International du Grand Paris
Étude réalisée pour l’Atelier International du Grand Paris
Juin 2015
Cette note présente une synthèse de la recherche que le groupement mène
sur le sujet de la nouvelle économie métropolitaine et présente une première
territorialisation de la réflexion en cours.
La mise en perspective d’une commande centrée sur la « nouvelle économie »
nous a portés à interroger les approches dominantes du développement
métropolitain et à proposer un changement de regard.
Ce travail de problématisation méthodologique et de scénarisation s’appuie
sur les expériences et les recherches conduites par les différents protagonistes
du groupement, et sur un travail d’enquête et d’échange qui nous a porté à
collaborer avec l’équipe AIGP Leclercq - Lyon - Mimram, ainsi qu’à rencontrer et
interviewer une série d’experts que nous souhaitons ici remercier : Pierre Calame,
Président honoraire de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de
l’Homme, Ludovic Albert et Gilles Crague chercheurs et directeurs d’études
au LATTS, Isabelle Baraud-Serfaty directrice de IBS, Stephane Croxo et Magali
Marton de DTZ, Christophe Burckart directeur général de REGUS, Edwin Buitelaar
- Researcher Land- and Real estate development, Bert Uiterhoeve -Chairman
Program team at Plabeka, Rudy Stroink - Developer and real estate expert,
Faustine Le Bourg - Chargée d’études, Observatoire Régional de l’Immobilier
d’Entreprise (ORIE), Smaïn Aouadj - Directeur de l’Observatoire Régional de
l’Immobilier d’Entreprise (ORIE), Hervé Dupont - Ingénieur des ponts, des eaux
et forêts en charge de l’étude «Pôles tertiaires», Philippe Lemoine - Président
directeur général de la Société de la Tour Eiffel.
TVK architectes urbanistes
Pierre Alain Trévelo
Antoine Viger-Kohler
Alessandro delli Ponti
Clément Barbier
Güller Güller architecture urbanism
Mathis Güller
Michael Güller
Jacques Beljaars
Nicolas Segouin
Juan Marcos Rodríguez
ACADIE
Daniel Béhar
Philippe Estèbe
Martin Vanier
Manon Loisel
Nicolas Rio
Bas Smets
Pierre Calame
Isabelle Baraud-Serfaty
Franck Boutté
Simon Grand
Jordi Julia
Joachim Lepastier
Sébastien Marot
Pierre Musso
Soline Nivet
Michel Schupisser
Ville Ouverte
Sommaire
Prologue
La recherche de la robustesse 2
Temoignage
Pierre Calame : Les défis à relever pour la gestion de notre « maison commune »
Introduction L’économie, ressort de l’aménagement de la région capitale
- Un postulat constant : la région capitale moteur de la croissance nationale
5
5
- Des logiques contrastées entre les référentiels successifs
I. Trois fils d’une scénarisation de l’économie métropolitaine
- Les impasses du scénario tendanciel
7
1. La focalisation sur le neuf et le bureau :
vers un scénario à la néerlandaise ?
2. La focalisation sur la « nouvelle économie » (innovation/ mondialisation…) :
quelle consistance ? Une économie « hors sol » ?
3. Une politique publique aménageuse et facilitatrice :
jusqu’à quand ? Avec quels moyens ?
II. Une approche systémique : pour une économe métropolitaine en croissance et durable
12
1. Agir sur les 3 sphères de l’économie métropolitaine
2. Elargir les interventions à l’ensemble de l’offre, du neuf à l’existant
3. Interventions publiques et coproduction avec les acteurs privés
III. Une scénarisation territoriale
18
- Dynamiques Territoriales
- Scénariser - comprendre et orienter les dynamiques en cours
- L’intermédiaire - scène d’action des nouvelles dynamiques métropolitaines
- Dés archetypes économiques aux formes urbaines de la robustesse
- Trois episodes :
Massy - Saclay - Courtaboeuf
L’est, de Val de Fontenay à Torcy
La Défense - Seine Arche
18
Préambule
La recherche de la
robustesse
La ville c’est de l’économie. De l’économie au sens noble du terme, c’est-à-dire, ce
qui a amené des populations à se regrouper pour construire ensemble des villes.
Au-delà donc des performances énergétiques de nos bâtiments, ou des émissions de
nos véhicules, la robustesse du Grand Paris dépend de la durabilité de son système
économique complexe et intégré.
L’enjeu économique a toujours été le point névralgique de la planification en l’Île-deFrance. Le culte du siècle dernier étant celui de la croissance, différentes planifications
ont été partiellement réalisées en ce sens : les cités jardins des années 1930, les villes
nouvelles des années 1960, les clusters en 2008.
Cette progression de la planification pousse toujours plus vers la spécialisation
et une focalisation sur le bureau, le neuf, l’innovant, des lectures partielles du
système économique. Or, le Grand Paris est une économie complexe et diversifiée :
1ère destination touristique mondiale, ville de culture et de patrimoine, 1ère ville
universitaire mondiale… Sans oublier la production et la distribution de l’alimentation
qui recouvrent des champs économiques très variés. Le système existant, qui innerve
déjà le territoire, en fait le 1er PIB d’Europe devant Londres. Ce système doit selon
nous être reconnu, placé au centre des réflexions sur la planification économique.
Dans un contexte de mutations et d’incertitudes, nous souhaitons poser ici la question
de la condition de la robustesse du Grand Paris. Ce terme indique une spécificité de
certaines organisations, structures, ou de certains matériaux à s’adapter à l’aléa, aux
chocs et à l’avenir incertain. Alors que la résilience vise à retrouver l’état originel, la
robustesse permet de dépasser cet état originel et de retrouver un équilibre ainsi
qu’une capacité à se réinventer. Cette notion est au croisement d’enjeux multiples :
climat, inégalités socio-économiques croissantes, paramètres liés au vieillissement,
développement de l’industrie, crise du tertiaire et de l’immobilier, obsolescence,
friches et transformation.
Penser la transition métropolitaine demandera alors de s’intéresser aux qualités de
cette robustesse, à savoir : l’interaction entre les différents niveaux économiques ;
l’équilibre, au croisement avec les enjeux de massification et de démassification ;
l’adaptation, et la capacité à penser dans le temps ; le réemploi, en lien avec les
questions de ressource ; la diversité, multitude des éléments économiques ou à
portée économique qui animent le territoire.
Témoignage
Pierre Calame - Les défis à relever pour la gestion de
notre « maison commune »
Président honoraire de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH). Pierre Calame a été haut fonctionnaire
au ministère de l’équipement pendant 20 ans avant de développer la fondation internationale qu’il dirige depuis 30 ans.
Et si on se trompait profondément en réduisant un territoire à un plan géographique encadré par des
institutions ? Si c’était un nœud dans les systèmes de relations du local au mondial ? Alors que la période
du XVIIIe au milieu du XXe siècle, moment où les villes de l’ancien régime se sont effacées derrière un
état souverain, unificateur et organisateur, a été marquée par le « déclin du territoire », ces 50 dernières
années sont marquées par une inversion radicale du processus : tandis que des territoires, notamment
des métropoles, émergent en tant qu’acteurs fondamentaux, l’État dépérit. Pourtant les collectivités
territoriales ne prennent pas la mesure de leurs responsabilités face à cela. La question centrale de la
gouvernance n’est plus de répartir des compétences dans un jeu de chaises musicales entre différents
niveaux, mais de réussir à articuler les échelles de gouvernance.
L’œconomie
L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ne parlait pas d’économie mais d’œconomie : construction à partir
de « oikos », le foyer commun, à l’origine la famille, maintenant la planète, et de « nomos », les règles.
L’œconomie, ce sont donc les règles de gestion de notre maison commune.
Carl von Linné, grand botaniste du XVIIIe siècle, donne une définition parfaite pour l’œconomie du XXIe
siècle : « La capacité à créer le bien-être de tous dans le respect des limites de l’environnement actuel ».
En d’autres termes, l’économie correspond au moment où l’humanité s’empare du contrôle de la planète,
alors qu’en faisant appel aux ressources de l’énergie fossile, elle a un impact direct sur son équilibre et sur
sa probabilité de survie. Cette définition nécessite de penser à un pacte de coresponsabilité pour définir
la façon dont les différents acteurs se partagent les responsabilités, en fonction de leur pouvoir et de leur
savoir.
Trois débats autour de l’économie métropolitaine durable …
1. Qu’est-ce qu’une aire métropolitaine ? L’aire métropolitaine est un niveau intermédiaire qui
doit à la fois penser l’articulation des différentes unités locales et son articulation avec le
monde.
2. Que signifie la durabilité ? Ce n’est pas le mot « durable » qui est usé, mais le terme «
développement durable ». Cet oxymore vient d’une négociation politique consistant à dire
à la fois qu’il faut préserver la planète et reconnaître le droit au développement. Mais la
robustesse est également une notion dangereuse ; vue par les pays riches peut signifier «
comment être des îlots de survie dans un monde en désolation ? ».
3. Qu’est-ce qu’un système complexe et intégré, et comment se gère-t-il ? Cette gestion compte
trois composantes :
•
La première est de nous définir comme partie prenante de l’équilibre naturel. Dans notre
raisonnement quotidien, l’océan continue d’apparaître comme tellement immense que
notre activité ne peut être que marginale, alors qu’elle est décisive sur tous les aspects de
fonctionnement de l’atmosphère.
•
La deuxième est sociale et politique. Elle porte sur les différentes régulations humaines,
lesquelles ne sont pas automatiques, ni par le marché, ni par la nature. Ces régulations
posent la question de la gouvernance.
•
La troisième dimension est celle des systèmes techniques. Les dynamiques techniques
ont leur autonomie partielle, comme on le voit avec internet. La gouvernance territoriale
actuelle est incapable de penser la complexité du système dans sa globalité. Une ville
du XXIe siècle comme le Grand Paris ignore plus son métabolisme que le dernier village
chinois d’il y a 2 500 ans, simplement parce que la connaissance de ce métabolisme était
alors une question de survie. Tous les flux étaient observés minutieusement. Nous ne
connaissons pas notre système et la gouvernance que nous mettons en place ne prend
pas en considération les propres besoins de notre système. Nous n’avons pas d’outil de
gestion pour distinguer les flux internes et externes.
Quatre défis à relever dans la transition vers un système plus durable :
•
La construction d’une communauté mondiale, la conscience d’un destin commun et la
capacité à en tirer profit. Comment une société comme le Grand Paris peut-elle y contribuer ?
•
Parvenir à se mettre d’accord sur des valeurs et des règles communes pour gérer la planète. Se
posent alors les questions de l’éthique et du droit, profondément liées. La responsabilité étant
au cœur de l’éthique du XXIe siècle, chaque acteur dans une métropole doit se demander où
est sa responsabilité et comment gérer cette responsabilité par rapport au monde.
•
Apprendre à articuler les différents niveaux à l’intérieur même de la métropole. Notre système
de gouvernance cloisonné est inadapté à la gestion de la complexité.
•
Penser le retour de l’œconomie, à l’heure d’Internet. Construire le capital immatériel d’une
métropole est une question fondamentale. Que faire pour améliorer la durabilité interne,
tirer le meilleur parti des ressources internes au service du bien-être de tous ? Et comment
remplacer des biens par des services ? Le capital le plus précieux d’une communauté est
sa capacité à s’organiser pour aborder de nouveaux défis, elle-même résultat de très longs
apprentissages.
Une métropole européenne du XXIe siècle est une métropole capable de penser et de contribuer à la
question de la transition vers la société durable. C’est aussi une métropole qui participe à la mondialisation
horizontale par opposition à la mondialisation en poupées russes que nous offre aujourd’hui la communauté
mondiale. C’est en étant partie prenante de l’invention de nouvelles règles (règles du commerce
international, règles monétaires...) et en s’alliant à d’autres grandes métropoles pour porter ensemble l’idée
d’une citoyenneté mondiale et de la conduite d’une transition que nous mériterons le nom de métropole.
Sinon, nous serons des gens qui cherchons à créer un îlot de prospérité dans un océan de désolation. Introduction
L’économie, ressort
de l’aménagement de
la région capitale
Un postulat constant : faire de la région capitale le moteur de la
croissance nationale
L’histoire contemporaine montre que la question première de l’aménagement de la région Île-de-France
n’est pas l’aménagement, mais le développement économique. Depuis 60 ans, il s’agit, au travers de
l’aménagement, de faire de la région capitale le moteur du développement national.
Les différents projets, combinaison d’intentions, de stratégies, de programmes et de dispositifs
d’intervention, initiés par l’Etat visant « le développement de la région capitale ». Le projet du Grand Paris
a pour finalité première l’affirmation de la place de la France dans le monde. Et parce que le renforcement
de celle-ci est déterminé par la performance de sa ville-monde, il s’agit d’y concentrer les excellences et les
grands investissements publics, Saclay et les autres clusters notamment.
Le Grand Paris est ainsi un projet « anti-graviériste », par référence au dogme du rééquilibrage Paris/
province énoncé par JF Gravier « Paris et le désert français » (1947) avant de situer dans le sillage de Paul
Delouvrier et de ses villes nouvelles (Veltz 2012).
Des logiques contrastées entre les référentiels successifs
Le postulat économique de base a donné lieu à la création de deux référentiels successifs très contrastés :
•
Le premier, celui de Paul Delouvrier, dans le contexte des Trente Glorieuses et d’une forte
croissance économique et démographique, renvoie au modèle économique fordiste.
•
Le second, le référentiel proposé par Christian Blanc, dans le contexte d’une croissance
économique ralentie et d’interdépendances renforcées entre les pôles de la région
métropolitaine, renvoie au modèle post-fordiste.
La logique fordiste : logique de la massivité du marché du travail
Paul Delouvrier imagine un schéma d’aménagement
polycentrique autour de « centres urbains secondaires »
intégrés à une seule unité urbaine et desservis par un
RER qui, selon sa formule devra « être rempli dans
les deux sens ». L’enjeu est de déconcentrer activité
et habitat, de faire en sorte que les gens, vivent,
travaillent et se déplacent à l’échelle de la région. Les
villes nouvellement créées ne sont ni autonomes, ni
spécialisées ; elles sont des relais secondaires dans un
modèle intégré de régulation de la massivité du marché
du travail.
Le modèle Blanc: un référentiel tourné vers l’efficacité d’un des marchés
métropolitain
Dans le référentiel esquissé par Christian Blanc, le marché
du travail est considéré non pas comme un ensemble
ROISSY
Nouveau Grand Paris
2030
unitaire, mais comme des marchés pluriels, articulés
entre des marchés locaux, plutôt par faisceaux radiaux, et
un marché métropolitain plus global, plus intégré, d’une
économie de l’innovation tournée vers l’exportation à
l’international.
La question portée par Christian Blanc via les clusters
n’est plus celle de l’efficacité globale des marchés
5 km
ORLY
du travail, mais de l’un des marchés, tourné vers
l’économie mondiale d’excellence. Dans ce modèle, les
pôles d’économie et d’innovation s’organisent dans le
rapport aux« gateways » : Roissy et Orly. Ce système de
polarisation et d’ouverture au monde est l’enjeu central
d’aménagement et le métro ne vient que l’incarner.
Référentiel DELOUVRIER
Villes nouvelles
Référentiel BLANC
Clusters du Grand Paris
Enjeux
Favoriser l’expansion de la région
capitale tout en évitant le risque de sa
saturation.
Organiser l’unité du marché du travail à
l’échelle de l’agglomération
Favoriser l’innovation et la croissance
par la mise en système des acteurs du
territoire.
Organiser l’efficacité d’un des marchés
du travail : tourné vers l’exportation
Principes
Massivité
Desserrement radial
Mixité fonctionnelle (principe « 1 pour
1 »)
Excellence
Polarisation
Spécialisation
Résultante
territoriale
Polyvalence hiérarchisée
Schéma en étoile à partir de Paris
Polarisation spécialisée
Schéma concentrique autour de Paris
Ces deux modèles s’opposent. On passe d’un polycentrisme hiérarchisé polyvalent à un polycentrisme de la
spécialisation qui vient fabriquer une couche mondialisée dans l’organisation métropolitaine.
En conséquence, le rapport entre économie et aménagement est centré sur la question de la mondialisation.
Mais la question de l’économie métropolitaine contemporaine et durable est-elle réductible à cette approche de
l’ouverture et de la mondialisation ?
Vision des acteurs publics
Vision des acteurs de l’immobilier d’entreprise
Strategies d’implantation mouvantes
Monocentrisme dilaté
Polycentrisme
Strategies d’implantation tigées
Paris impensé
Paris place central
Vision du marché en croissance
Vision du marché a maturité
Nouveau Grand Paris
2030
5 km
Concentration de la production tertiaire en Ile-de-France, 2013 IAU
Programmation Tertiaire liée aux CDT
I. Les impasses
du scénario
tendanciel
Trois fils d’une scénarisation de l’économie métropolitaine
Aujourd’hui, la question du rapport entre économie et aménagement sur le Grand Paris se résume en trois
permanences de la doxa :
•
la focalisation sur le neuf et le bureau ;
•
la focalisation sur l’économie d’excellence et l’innovation ;
•
la posture facilitatrice de la puissance publique.
1. La focalisation sur le neuf et le bureau : un scénario à la néerlandaise ?
Aujourd’hui, la lecture de l’offre d’immobilier d’entreprise sur le Grand Paris se focalise sur le tertiaire, la
logistique, le neuf, les grandes surfaces, plutôt en direction des grands comptes et du standard. Pour s’en
convaincre, il suffit de voir l’abondance de la littérature technique produite sur les bureaux en Île-de-France
depuis 2000.
Deux logiques abondent cette focalisation : une logique publique et une logique privée. La logique
polycentrique des CDT raisonne sur une vision de croissance qui ignore Paris. Le marché est quant-à-lui
d’abord sur fixé Paris, sur un marché dilaté autour de Paris.
Cette focalisation du discours public et des prévisions du Grand Paris sur la production de bureaux pose la
question de la robustesse du modèle économique.
Un changement profond: vers un scénario à la
Néerlandaise ?
En 2005, bien avant la crise, les acteurs publics de la région
métropolitaine d’Amsterdam se réunissent, en pleine croissance
de l’emploi, car le taux de vacance dans le parc tertiaire passe de 7
% (taux actuel en Île-de-France) à 10 %. Ils découvrent alors que s’ils
exécutent tous les programmes de construction prévus, il faudrait que
chaque emploi créé jusqu’en 2030 soit un emplo tertiaire et occupe
«des recomposition geographiques importantes dans l’aire métropolitaine»
Plan vision 2014
Kantorenmonitor Metropolitan Region Amsterdam 2013
Villes Nouvelles, Gémofis, conférence CCI 2014
BNP Paribas Real Estate 2011
Les taux de vacance des principaux sites tertiaries europééns
un bureau de 24m2. Ils décident donc d’exécuter seulement 25 % de
projets prévus, en acceptant alors des pertes énormes dans leur bilan
hypothétique : la ville d’Amsterdam « passe à côté de » 800 millions
d’euros. Haarlemmermeer, la commune de l’aéroport, « rate », elle, 100
millions d’euros.
Malgré cette action forte, les taux de vacance continuent de monter
pour atteindre 19 % du parc. En 2011, un deuxième programme
supprime 2 millions de m2 des plans tertiaire en cours. Aujourd’hui,
selon les investisseurs il faudrait sortir 30 % du parc existant du marché,
afin que le reste redevienne stable ou réponde à la demande.
Les taux de vacance sont les témoins de
l’attractivité d’un site
Région métropolitaine d’Amsterdam
Grand Paris
Ces risques peuvent-ils se produire dans le contexte parisien ? Quelles
en seraient les conséquences ? La question de la reproduction du
scénario néerlandais à Paris se pose, même si les taux de vacance ne
sont pas identiques : le taux de vacance moyen de 19% aux Pays-Bas
cache de grandes disparités, certains sites étant à 5%. Dans le Grand
Paris aussi certains sites affichent un taux de vacance de 12%- 13%.
Plus généralement, à Paris comme dans la région métropolitaine
d’Amsterdam, l’économie immobilière ne répond plus à la demande, mais
plutôt à une recherche du profit, à une possibilité d’investissement, ce
... et ils indiquent des recompositions
géographiques importantes
qui traduit une certaine déconnexion entre la dynamique économique
et la robustesse du marché tertiaire.
Quelques tendances qui impliqueront un boulversement des modes de la fabrication de la ville :
L’enjeu de l’obsolescence du parc : L’Orie (Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise en Île-deFrance) estime que 22 millions de m2 ont été construits depuis 1981 et qu’il faudra restructurer ce parc
d’ici 10 à 15 ans. 8 millions de m2 devraient être rénovés, 10 millions de m2 restructurés et certains sites
représentant 5 millions de m2 sont tellement mal implantés qu’ils deviendront obsolètes. De plus, la fuite
vers le neuf, par un investissement déconecté de la demande tertiaire, provoque l’abandon de lexistant
pour le neuf. Le scénario suivant pourrait ansi se dessiner. À effort de restructuration constant, et sans
soustraction structurelle des parcs tertiaires du marché, le taux de vacance en Île-de-France pourrait passer
de 7,3 % à 14 % et pour atteindre 21 % à l’horizon 2030.
De plus, l’enjeu environnemental n’est pas la performance du neuf, mais la consommation énergétique de
l’existant. La consomation globale du parc d’après-guerre est 4 à 5 fois plus importante que tout ce que l’on
peut imaginer produire dans le futur.
La réduction des besoins de surface est une réalité. Il n’est pas
Soustraction et construction nouvelles sur le
marché tertiaire
certain que la croissance des emplois se traduise par une demande
supplémentaire sur le marché des bureaux. La croissance du PIB peut
très bien reprendre, tout en étant accompagnée d’une demande
de bureaux en baisse. Selon des statistiques néerlandaises et
américaines, un poste de travail occupait 28 m2 en 1985, 24 m2 en
1995, 20 m2 en 2005 et 13 m2 en 2013. Cette diminution s’explique
par plusieurs facteurs : moins de besoin de stockage, un recours plus
grand au télétravail, la réorganisation des bureaux, en lien avec les
nouveaux modes de travail. La réduction du poste de travail individuel
est compensée par l’agrandissement des espaces communs. De
plus, les relocalisations entraînent des réductions de surface. En se
La soustraction d’immobilier de bureau est au
moins égal sinon plus impotante que la production --- effet «0»
relocalisant, Cap Gemini a diminué sa surface de 50 % pour le même
nombre de salariés. La tendance s’observe dans tous les secteurs. Une
accélération de ce mouvement se produit parce que les contrats de
Les évolutions des usages et du cadre de travail
Tendance observée du dévelopment de la surface globale par poste de travail (neuf)
loyer, d’une durée de 10 ou 15 ans, qui ont été signés fin 1990 - début
2000 se terminent. Les nouveaux contrats sont plus courts, sur des
surfaces moindres.
Le recyclage de ces friches tertiaires est un enjeu économique : il
faut s’attendre à des mutations structurelles du parc tertiaire sans
précédent et à des recompositions géographiques importantes, avec
des lieux « à fortes opportunités » et des lieux « faibles ». Le recyclage
des parcs tertiaires obsolètes est un enjeu économique, dans un
contexte de ressources publiques qui seront très probablement
L’évolution des usages et du cadre de travaille entraine une
diminution structurelle du besoin de m² de bureau/ posye de
travail (neuf)
insuffisantes pour éviter une dépréciation inévitable des sites
où l’obsolescence sera importante. Les métropoles découvrent
aujourd’hui la notion de «friches tertiaires». Des choses intéressantes
en émergent à Amsterdam, comme la revalorisation d’une friche
tertiaire de 100.000 m2 reprise pour un projet de 3.000 logements.
Une redéfinition des critères de robustesse et de performance d’un
lieu : le marché du Grand Paris va se resserrer sur des « valeurs
sûres » en matière de qualité de lieu, de critères de performance et
de robustesse. Des déséquilibres majeurs vont très certainement se
produire dans la métropole parce qu’on a produit au mauvais endroit.
Aux Pays-Bas, même les critères classiques comme la présence d’une
Cette diminution du ration m² de burau/ poste de travail se traduira par un besoin global
équivalent au niveau de 2003 (scénario de forte croissance) or de 1900 (scénario bas)
gare, d’une densité, d’un accès autoroutier, ne sont pas suffisants.
Le choix n’est pas que la ville adopte de nouvelle ‘fonctionnalités’ dans
Du neuf au produits: «La robustesse du modèle
économique tertiaire»
une nouvelle éconolie, tout simplement parce qu’il est impossible de
prévoir quelles seront les application technologique qie l’emporteront
demain. Bien plus robuste, Il s’agira alors de trouver des lieux qui
portent les qualités urbaines aptes à être productives et à permettre
une dynamique pour les nouvelles économies, qu’on ne sait pas
encore appréhender.
La nouvelle économie?
2. La focalisation sur la «nouvelle économie » (innovation/ mondialisation…) :
quelle consistance ? Une économie « hors sol » ?
Alors que le projet de Christian Blanc était totalement centré sur le registre de l’économie métropolitaine
d’excellence, tournée vers l’exportation, aujourd’hui, le radar de l’action publique est plutôt focalisé sur
l’innovation, le co-working, les tiers lieux et les nouveaux usages.
L’abondance de la littérature produite sur ces sujets en Île-de-France depuis quelques années en témoigne
(Région IDF : 13 / APUR : 4 / ORIE : 3 ...).
Il nous semble que l’intérêt souligné des acteurs publics pour les « nouveaux usages » est disproportionné :
•
Fin 2012, on comptait une trentaine de télé-centres et d’espaces de co-working dans la région …
(source CR IDF).
o 24 incubateurs / 4 couveuses
o 50 tiers lieux de télétravail
•
L’implantation de ces lieux d’innovation est très parisienne ; centrée sur le quart nord-est parisien :
Infographie - l’essor du « coworking » en Île-de-France / site du Conseil Régional IDF
•
La performance de l’économie métropolitaine n’est pas réductible à cette économie de l’innovation.
Résumer les défis de l’économie de la région capitale à la dimension de l’innovation nous semble
hasardeux et réducteur. Nous tenterons, plus bas, de proposer une grille de lecture élargie des
économies métropolitaines.
3. Une politique publique aménageuse et facilitatrice :
jusqu’à quand ? Avec quels moyens ?
Dans son rapport entre aménagement et développement économique métropolitain, l’action publique
est jusqu’à présent éminemment aménageuse et facilitatrice. La pensée publique vive dans l’inertie de
l’expérience des villes nouvelles, sans pouvoir compter sur les mêmes leviers d’action. Pour s’en rendre
compte il suffit de parcourir rapidement cette histoire récente ...
Villes nouvelles : le moment de l’agrément
Il y a 50 ans, au début des villes nouvelles, l’action
publique orientée vers la création des « pôles urbains
secondaires », dont nous avons parlé plus haut,
repose sur une série d’instruments :
•
l’exception de la redevance,
•
l’investissement dans l’offre (construction
d’équipements, investissements sur les infrastructures
de transport (A4et RER A)
•
l’implantation d’institutions publiques
•
et surtout la procédure d’agrément.
Fixant l’impossibilité de construire des bureaux en Île-de-France en dehors des villes nouvelles, cette
procédure a notamment permis d’implanter une profusion de bureaux, notamment en deuxième couronne.
La posture facilitatrice de la politique publique a alors eu des effets visibles : à Cergy-Pontoise, entre 1969 et
1985, plus de 256 000 m2 de bureaux ont été construits dont 16 opérations de bureaux réalisées en blanc
par des promoteurs (Nappi-Choulet, I. 2003).
Mais ces effets n’ont pas duré dans le temps : aujourd’hui une demande placée à Cergy-Pontoise est faible :
7 % du stock disponible à moins d’un an Cergy-Pontoise. Le graphique ci-dessous illustre la faible dynamique
de ce marché.
Permis de construire de bureaux en m² SHON à Cergy Pontoise (source : SITADEL)
Grand Paris : le foncier autour des gares
Dans le cadre du Grand Paris, les intentions s’articulent autour du foncier et de l’aménagement autour des
gares. La loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris a créé le Contrat de Développement Territorial : conclus entre
l’État et les collectivités locales, en particulier les communes, les CDT s’articulent autour du futur réseau de
transport GPE, avec pour objectif de développer de nouvelles centralités, de participer à améliorer l’offre de
logements en Ile-de-France et de tirer vers le haut les dynamiques économiques de ces territoires.
Au départ, logique d’exception et registre de l’aménagement urbain : Sur le plan géopolitique, il s’agissait
de faire fructifier les convergences établies avec les élus locaux, en contournant les collectivités de rang
intermédiaire (départements et région). Sur le plan opérationnel, le CDT avait pour objectif premier la
contribution des territoires traversés par le GPE à la réalisation de l’infrastructure du métro automatique
(objectif financier lié à la maîtrise des opérations d’aménagement) La double finalité -politique et
opérationnelle- dévolue aux CDT induisait une forte logique de ciblage territorial à deux échelles : celle du
périmètre concerné par chaque CDT – un rayon de l’ordre de 500 m autour des gares – et celle du nombre
de CDT potentiels, implicitement limité à la dizaine de pôles principaux de la rocade.
De l’instrument opérationnel à un processus global d’élaboration d’accords : la loi et les décrets passés, les
CDT ont tout de suite basculé sur une intention nouvelle. Le protocole d’accord entre l’État et la Région
en janvier 2011 marque le changement de fonction allouée au CDT. Sur le plan politique, une logique
partenariale vient remplacer le régime d’exception. En même temps, la perspective d’un financement de
l’infrastructure GPE par des opérations d’aménagement sur des territoires dont la valeur reste à produire,
s’avère insuffisante. L’intérêt de l’État pour les territoires concernés se déplace : le réseau de transports doit
devenir un levier d’intensification urbaine et un support privilégié pour la réduction du déficit de logements
de la région capitale. Le périmètre de chaque CDT va alors s’élargir dans une logique d’intercommunalité.
Des 500 mètres au 5km autour des gares : le nombre de CDT s’est multiplié, couvrant une large partie de la
zone agglomérée de la métropole. 21 CDT sont en cours d’élaboration, dont certains, comme Achères ou
Sénart, ne seront pas traversés par le métro automatique du Grand Paris Express (GPE).
Dans le cas de l’agrément comme dans la configuration du Grand Paris, l’action publique intervient en amont
pour faciliter le développement économique en mettant en place les conditions de mise en marché d’un
certain nombre de territoires. Mais cette posture est insuffisante. L’intervention publique sur la question du
développement économique ne peut être qu’hybride, coproduite avec le privé, non dans le séquencèrent
de conditions mais bien au sein d’une action régulatrice.
II. Une approche
systémique
Pour une économie
métropolitaine en
croissance et durable
Comment mettre en rapport économie métropolitaine et aménagement dans une perspective de durabilité ?
Pour répondre à cette question, nous proposons de trois fils à tisser, trois fils de renversement de perspective.
Raisonner à la fois en termes de développement et de développement durable de l’économie métropolitaine,
passe par trois conditions :
I. l’action sur les 3 sphères de l’économie et leurs interactions,
II. la diversification de l’offre économique,
III. passer à une logique de coproduction entre acteurs privés et publics.
I. Agir sur les 3 sphères de l’économie métropolitaine
Premier renversement : Passer de la focalisation sur l’économie de l’excellence et de l’innovation à la mise
en système de la compréhension de l’économie métropolitaine. Le projet de Christian Blanc était centré sur
le registre de l’excellence alors que l’économie métropolitaine ne se limite pas à cette dimension.
L’économie métropolitaine ordinaire
Les travaux sur la nouvelle économie géographique (Krugman, Porter) portent sur les changements de
donne dans la production de valeur dans les entreprises. Ils font le constat que le mode de production
de valeur se déplace de l’entreprise en interne aux l’entreprise associée aux externalités. Les synergies
avec la métropole sont donc un facteur de production de valeur. Mais ces travaux ne disent pas ce qu’est
l’économie métropolitaine. L’analyse produite par l’Insee autour du taux de CFM (cadres des fonctions
métropolitaines) visait à comprendre les fonctions et les qualifications qui distingueraient la métropole
des autres territoires. Mais réduire l’économie métropolitaine à la concentration de qualifications et de
secteurs d’activité relevant des CFM est hasardeux et réducteur.
La question reste entière : comment qualifier dans son intégralité ce qui fait l’économie métropolitaine ?
Notre parti-pris est de considérer qu’une économie métropolitaine intègre trois dimensions :
•
l’économique (qualifier la nature des activités concernées et leur place dans l’économie
globale),
•
la géographie (qualifier le rapport au territoire des activités)
•
et le social (qualifier le profil des emplois et le mettre en regard de celui des actifs présents
sur le territoire).
Ces trois dimensions ont par ailleurs été intégrées selon trois échelles territoriales :
•
une économie d’excellence exportatrice et mondialisée,
•
une économie présentielle au service du local (alimentation, transferts sociaux, retraites...)
•
et entre les deux, une économie métropolitaine « ordinaire » au service de la métropole.
On classe donc d’un côté l’économie mondialisée avec une forte intensité cognitive et technologique, une
forte valeur ajoutée dans les emplois ; de l’autre côté l’économie présentielle, diffuse, faiblement dotée en
capital humain et en investissements technologiques, avec une faible valeur ajoutée par emploi ; et entre
les deux, l’économie métropolitaine ordinaire qui, en Île-de-France compterait 46 secteurs d’activité pour
2,5 millions d’emplois salariés privés (soit 40 à 45 % du secteur) dont 19 % occupés par des cadres.
Zoom sur les trois économies
D’un point de vue géographique, l’économie
exportatrice est très localisée, l’économie
domestique
maille
bien
l’ensemble
du territoire francilien et l’économie
métropolitaine ordinaire produit un effet
de plaques.
En termes de flux, l’économie exportatrice
est une économie de flux de biens et
de personnes ; l’économie présentielle
domestique se caractérise par des flux de
clients ; l’économie de métropole ordinaire
se caractérise par les flux de salariés.
Les actifs de la Seine-Saint-Denis, qui se
déplacent partout en Île-de-France, sont les
grands bataillons de l’économie ordinaire.
Concernant l’organisation du marché du
travail, l’économie exportatrice raisonne en
termes de compétences, de qualifications,
de
savoir-faire
l’innovation ;
dans
l’économie
l’économie
de
présentielle,
est liée à la question du savoir-être, dans
le face à face avec le client ; l’économie
métropolitaine
ordinaire
(maintenance,
restauration, logistique…), accorde une
place importante à la disponibilité.
Economie d’excellence
exportatrice
Economie métropolitaine
ordinaire
Economie présentielle
Production
Intermédiation
Consommation
Filières mondialisées
Fonction support
Hybridation argent public
Polarisée
Eclatée / Multi-scalaire
Diffuse
Flux de biens et
d’informations
Flux de salariés
Flux de clients
Savoir-faire
Disponibilité
Savoir-être
Distance
Anonymat
Face à face
Sécurité
Sas
Stabilité
Economie
Géographie
Social
Ces trois sphères économiques interagissent.
•
A Saclay, le développement de l’économie d’excellence se fait au détriment des deux autres,
en particulier de l’économie présentielle de proximité.
•
A l’inverse, sur le Grand Roissy, l’économie métropolitaine ordinaire domine, en total décalage
avec les acteurs publics qui pensent que le Grand Roissy serait par essence un secteur tourné
vers l’économie d’excellence.
•
Comment combiner les trois secteurs d’économie ? Au-delà des stratégies d’ajustement territorial entre ces
trois sphères, se pose aussi la question d’une stratégie dont les grandes hypothèses prospectives exogènes
viendraient percuter le modèle économique métropolitain.
Un système d’interdépendances à géométrie variable Le scénario de la ré-industrialisation :
Le scénario du développement de l’économie
d’excellence mondialisée :
Quels impacts sur l’économie présentielle ?
Quels impacts sur l’économie présentielle ?
L’économie d’excellence ?
Sur l’économie métropolitaine ?
II. Élargir les interventions à l’ensemble de l’offre, du neuf à
l’existant
Deuxième renversement : aujourd’hui, l’offre se focalise sur le tertiaire, la logistique, le neuf, les grands
nombres, plutôt en direction des grands comptes et du standard.
Le défi d’une action publique métropolitaine sur la question de l’offre est celle de l’articulation entre les
segments d’intervention que sont l’existant, les projets de l’action publique et les tendances du marché.
III. Inscrire les interventions publiques dans une coproduction
avec les acteurs privés
Isabelle Baraud Serfaty montre que la fabrique urbaine est en pleine mutation : à l’inscription de la ville
dans une nouvelle économie radicalement modifiée du fait de la révolution numérique s’ajoutent d’autres
facteurs de mutation comme les changements de mentalité et de réalités économiques (liées aux contraintes
financières et aux pressions environnementales). Elle souligne que les chaînes de valeurs sont désormais
poreuses et fragmentées, avec un jeu de recomposition des acteurs : aujourd’hui un groupe comme Vinci,
leader mondial de la construction, s’associe avec Blablacar, start-up de moins de 10 ans, pour conserver ses
automobilistes.
•
La chaîne de l’immobilier et de l’aménagement urbain est en profonde évolution. Les modèles
économiques urbains classiques sont aujourd’hui largement fragilisés.
•
La ville intelligente et la révolution numérique favorisent l’entrée de nouveaux entrants dans le jeu
de production urbaine, ce qui renvoie aux questions de coproduction public/privé et privé/privé.
•
Les usages se modifient de manière accélérée et de nouveaux acteurs apparaissent, notamment
autour de l’économie du partage (Airbnb, Blablacar...) et l’usager-habitant-consommateur joue un
rôle de plus en plus actif.
Isabelle Baraud Serfaty explique l’enjeu central est de réinventer un modèle économique de l’aménagement
avec moins de subventions publiques. A la menace de la raréfaction des subventions publiques s’ajoutent les
incertitudes des projets. L’aménagement, qui finançait la ville via la plus-value, est aujourd’hui plus coûteux
tout en créant « moins de valeur » : urbaniser une ville déjà construite coûte plus cher qu’aménager des
champs de betteraves.
Cela modifie le paysage des payeurs traditionnels de la ville :
•
principalement le contribuable,
•
un peu le propriétaire,
•
et très faiblement l’usager.
•
Le risque, selon elle, est de se retrouver avec « une ville qui serait principalement payée par ses usagers »
ou avec une « ville low-cost » dont l’offre de services serait réduite à l’essentiel, avec des services annexes
payants. La gratuité des espaces publics est elle aussi mise en danger.
En même temps, de nouveaux modèles mettant en avant la gratuité apparaissent sous l’effet du numérique :
le modèle freemium (des produits sophistiqués paient les produits de base) ; le modèle biface (comme le
Vélib avec deux sources de clients qui se potentialisent, les usagers des vélos et les annonceurs) ; le modèle
de l’effacement (comme dans l’énergie, avec l’idée pour diminuer les pics de consommation de donner de
l’énergie gratuite pendant les heures creuses).
Aux payeurs initiaux de la ville, devrait s’ajouter un éventail beaucoup plus large de payeurs :
•
utilisateurs et vendeurs de données,
•
usagers des heures embouteillées,
•
annonceurs,
•
propriétaires de logement trop gros,
•
usagers d’un autre service, d’une offre enrichie...
Les modes de production qui étaient séquentiels sont désormais intégrés, les acteurs qui étaient plutôt
publics sont maintenant publics/privés. Comment chaque acteur va-t-il s’organiser pour garder la maîtrise
de sa création de valeur ? Quel positionnement de la collectivité sur la chaîne de valeur pour garder la
maîtrise de la fabrication de la ville ? Comment les acteurs publics peuvent-ils renouveler leurs modes
d’action pour maîtriser une fabrique de projets urbains devenue beaucoup plus complexe ? Pouvoir garder
la maitrise du projet, sans forcément être à toutes les étapes, qui plus est dans un contexte financier tendu ?
Tout cela appelle une nouvelle gouvernance, une nouvelle fabrique des projets urbains et de nouveaux
modèles économiques.
3. Une
scénarisation
territoriale
Dynamiques territoriales
Une lecture rapide de la carte de produits urbains et des activités économiques de l’Ilede-France permet de reconnaître des figures urbaines et des activités économiques
récurrentes et archétypales (ZAE, Secteurs logistiques, Commerces de masse,
polarités touristiques, grands et petits quartiers d’affaires, Campus ...). L’héritage
du développement urbain «de secteur» nous livre ces formes urbaines enfermées
dans leur périmètre, dans une illusoire autonomie, et distribuées avec optimisme
fonctionnaliste, sur des territoires très variés. Aujourd’hui on continue de penser
les produits, et les activités qui les arbitrent, comme des entités autonomes, alors
que chaque polarité économique prend son sens dans une constellation de relations
avec d’autres lieux économiques (concurrents ou complémentaires), dont il s’agira
d’éclaircir et d’orienter la dynamique.
Faisceau nord
Faisceau Est
Faisceau Sud
Scénariser - comprendre et orienter les dynamiques en cours
Pour imaginer le futur des dynamiques en cours il faudra dépasser la notion de
périmètre et regarder comment la métropolisation re-configure les relations
proches et lointaines des archétypes urbains de l’économie grand Parisienne.
Changer de regard, pour passer de l’addition de poches autonomes à la
valorisation des dynamiques collaboratives qui les lient les uns les autres.
Cette mise en relation pourra s’enrichir dans le temps. Elle sera portée par
les phénomènes émergents du milieu économique et par les innovations
progressives sur le plan des mobilités.
Le GPE jouera un rôle différent selon les territoires, les temporalités et les
échelles que l’on prendra en considération. Par endroit il arrivera très vite, et
changera radicalement la donne, ailleurs il se fera attendre, et restera un but à
atteindre, qui ne manquera pas de stimuler une préparation des territoires ...
Il est à nous d’imaginer comment l’orienter pour permettre l’émergence de
systèmes métropolitains plus robustes.
Chaque saison de la métropolisation portera en soit des conditions urbaines
et des perspectives de mutation nouvelles.
SAISON 01 // Aujourd’hui, anticiper le GPE - tourisme intermédiaire - zones d’activité - Vaires-Torcy / Torcy
Exemple de
Scénarisation
sur l’Est Parisien
Saison 1 - Aujourd’hui
Anticiper le GPE
SAISON 02 // 2020 L 11 + GPE (15) - Pôles Tertiaires - commerces - économie de la connaissance
Saison 2 - 2020 - GPE
Nouvelles connexités
Saison 2 - 2030 M + GPE
Organiser l’interface
SAISON 03 // 2030 L 11 + GPE (15-16) - Entre RER et A4 - Entre «urbain en réseau» et système lineaire
L’intermédiaire - scène d’action des nouvelles dynamiques métropolitaines
On a longtemps parlé de Paris centre comme moteur économique de la nation. Si
aujourd’hui on se demande quel sera le terrain de jeu de la métropolisation à l’âge
de ladite «nouvelle économie» on sera à nouveau obligés de changer de regard.
Le statut quo nous parle d’un intérieur métropolitain, caractérisé par un réseau
de mobilités au maillage très serré et diversifié (bien connecté avec les multiples
synapses proches et lointaines de la métropole) et un extérieur, étendu et fluide,
organisé par les lignes de mobilité et par les vides paysagers et agricoles qui à la fois
séparent et structurent le grand territoire. L’intérieur mixte présente une palette
diversifiée d’activités économiques juxtaposées. L’extérieur se présente comme le
lieu de l’éloignement perpétuel des fonctions économiques les moins nobles. Le cas
de la logistique et des activités qui passent progressivement des portes de Paris aux
marges de la zone dense est emblématique.
Aujourd’hui il s’agit de penser une recomposition du rapport entre intérieur
et extérieur, qui parte de la compréhension des potentiels latents du secteur
intermédiaire et qui le met en relation. Ce secteur de basculement est le terrain de jeu dans lequel les effets induits de la métropolisation et ses nouvelles
économies vont être le plus évident. Là où le GPE va recharger les RER, là où
les produits oubliés de la productivité métropolitaine s’affolent et où commence le système de rayons qui connectent Paris au reste de l’Europe, il y a
de multiples interfaces à réinventer.
C’est dans ce terrain d’enquête que nous sommes partis à la recherche des
épisodes d’une scénarisation possible.
intermédiaire - discret
SAISON 03 // 2030 L 11 + GPE (15-16) - Entre RER et A4 - Entre «urbain en réseau» et système lineaire
«en réseau»
étendue régionale
Des archétypes économiques aux formes urbaines de la robustesse
L’épaisseur intermédiaire de la métropole a longtemps été
la frontière d’accumulation de l’urbanisme de secteur, où à
chaque activité économique correspondît un archétype formel et foncier.
L’urbanisme de secteur, souvent critiqué et négligé, pré-
Secteur d’affaires «prime»
sente une série de potentiels que notre scénarisation révèle
et valorise. Ces potentiels constituent la base «déjà-là» des
nouvelles formes urbaines de la robustesse.
L’hybridation, l’ouverture, l’intégration, des archétypes «de
secteur» actualisent notre référentiel de la qualité urbaine.
La générosité des espaces ouverts qui accompagnent les
Secteur d’affaires «secondaire»
grandes zones commerciales donne une nouvelle échelle à
notre idée d’espace public. Les relations que les zones d’activités entretiennent avec l’infrastructure et les secteurs habités parlent davantage de proximité, que des référentiels
de la centralité classique; ces secteurs servent également de
réserves foncières, prêtes à une évolution agile, qui passe
par la re-configuration des secteurs productifs, comme par
la restructuration progressive des friches tertiaires.
Secteur d’activité
Les protagonistes discrets de notre scénarisation sont issus
de cet univers «de secteur». On imagine ici l’évolution de
leurs faiblesses et potentiels vers des organisations spatiales
et économiques plus robustes.
Elles sont respectivement associables à trois différentes
caractérisations économiques, à trois différentes relations
Secteur commercial
avec le futur du Grand Paris Express et à trois échelles de
compréhension des enjeux urbains.
Secteur Universitaire
Protagonistes de nos épisodes
La Défense - Seine Arche
Mont d’est
Val de Fontenay
Courtaboeuf
Aérodrome de Lognes
Rosny 2
Torcy
Campus Descartes
...trois
Episodes
d’une
Scénarisation
1. au sud : le triangle Massy-SaclayCourtaboeuf
L’incertitude économique dans ses multiples déclinaisons, et un GPE qui n’arrivera peut-être pas, portent à repenser la
durée dans le temps de l’attractivité Tertiaire de Massy, la tenue du rêve scientifique de Saclay et dévoilent le potentiel
productif de Courtaboeuf.
2. à l’est : de la zone dense (Val-de-Fontenay
- Rosny) à Marne-la-Vallée (Campus Descartes,
Mont d’Est, Torcy)
Ici on regardera les enjeux de démassification et
de recyclage urbain, associés à une arrivée du
Grand Paris progressive dès la Saison 2.
3. au ouest : l’ouverture de La Défense
L’attractivité assurée par le couplage
unique entre accessibilité et masse critique de niveau métropolitain de La Défense a produit une condition d’isolation
fragilisante. Ici on s’attachera à imaginer
comment faire atterrir cette polarité hors
sol pour la mettre en système avec les
multiples ressources de son territoire.
TVK architectes urbanistes
Pierre Alain Trévelo
Antoine Viger-Kohler
Alessandro delli Ponti
Clément Barbier
Güller Güller architecture urbanism
Mathis Güller
Michael Güller
Jacques Beljaars
Nicolas Segouin
Juan Marcos Rodríguez
ACADIE
Daniel Béhar
Philippe Estèbe
Martin Vanier
Manon Loisel
Nicolas Rio
Bas Smets
Pierre Calame
Isabelle Baraud-Serfaty
Franck Boutté
Simon Grand
Jordi Julia
Joachim Lepastier
Sébastien Marot
Pierre Musso
Soline Nivet
Michel Schupisser
Ville Ouverte
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