le couple risque et impact en dehors d’une prise en compte explicite de leur territorialisation ne permet
pas d’expliquer les dynamiques en jeu : les impacts peuvent en effet varier aussi bien en fonction de la
nature du risque que des caractéristiques du territoire exposé et selon une échelle temporelle peu
prévisible. A l’heure où nos sociétés se définissent à la suite d’ Ulrich Beck en tant que « sociétés du
risque », nous proposospns donc d’étudier le couple « risque et impact » en privilégiant l’échelle
métropolitaine, comme un élément constitutif de la compréhension du risque.
Du risque et de l’impact : les limites d’une vision a-spatiale
Contrairement à la phase industrielle d’un capitalisme bien encadré par l’Etat où -dans la
lignée des travaux de l’influent économiste de l’Ecole de Chicago, Franck Knight-, la notion de risque
avait été clairement définie et théorisée comme ce qui est mesurable et donc maîtrisable, les risques
relèvent aujourd'hui de plus en plus de l'incertitude. Les conséquences des processus dommageables
sont de plus en plus difficiles à appréhender. Du fait des effets domino et de la complexité des
systèmes affectés, les impacts échappent en partie à l'évaluation et à la spatialisation. Dans le même
temps, nos représentations du risque ne sont plus les mêmes1. A l’heure de la globalisation de
l’économie (la nouvelle étape du capitalisme), de la mondialisation des flux migratoires, des flux
d’informations et de connaissances, de la croissance de menaces terroristes (catastrophes
intentionnelles) ainsi que de l’avènement d’une ère de changement climatique (propice donc à des
catastrophes naturelles), de nombreux experts sont d’accord pour qualifier nos sociétés
contemporaines de « sociétés du risque ». L’expression « société du risque » ne signifie pas qu’il y a
forcément un accroissement des dangers mais indique combien les risques ne se limitent plus
seulement à des menaces extérieures et participent du fonctionnement des sociétés. D’où une
demande sociale accrue en faveur d’une prise en compte des risques dans la sphère politique. Afin de
dépasser le décalage entre les représentations scientifiques du risque et les attentes des citoyens, nous
proposons une démarche visant à territorialiser le risque et ses impacts. En privilégiant l’échelle
métropolitaine, nous nous donnons pour objectif d’analyser autrement la complexité des relations
entre le risque et son impact.
L’analyse des risques et de leurs impacts dans un cadre urbain a été initiée par les Nations
unies à l’occasion de la Conférence Internationale sur les Megacities et les Désastres en 1994 à
Tokyo2. Comme l’indique clairement James K. Mitchell (Université de Rutgers, USA) –en charge de
la direction de l’ouvrage collectif faisant suite à la conférence et publié en 1999-, associer risque et
megacities s’avère pertinent parce que ces dernières concentrent une vaste population susceptible
d’être vulnérable. Leur analyse prenant comme terrain d’étude les megacities des Amériques
(Amérique latine et Amérique du Nord), d’Asie et d’Australie a privilégié les risques naturels
(tremblement de terre, inondation ainsi que tornades et cyclones) et a mis en avant la croissance
démographique et urbaine, c'est-à-dire l'augmentation de l'exposition directe aux aléas, comme facteur
explicatif de l'augmentation des dommages. Nous nous proposons d’aller plus loin que Mitchell et ses
collègues en abordant la notion de risques et d’impacts dans leur diversité et leur hétérogénéité tout en
1 . La recherche sur le risque s’est inspirée, tout au long du XXème siècle, des travaux pionniers de
l’économiste de l’Ecole de Chicago et notamment de son ouvrage Risk, uncertainty & profit. Toutefois le souci
d’un repositionnement épistémologique de la notion de risque dans nos sociétés contemporaines a été notamment
étudié dans le cadre des thèses de Magali Reghezza (2006) et de Stephanie Beucher (2008), deux chercheurs de
l’équipe VAAM.
2 . Megacities est un terme utilisé à la suite des chercheurs des Nations unies pour faire référence à toute ville
dont le chiffre de population dépasse 5 millions d’habitants indépendamment de ses performances économiques.