Un plaidoyer pour la dialyse péritonéale
La dialyse péritonéale (DP) a la même valeur que l’hémodialyse. Il est dans l’intérêt
du patient, de l’assureur-maladie et de la santé publique que la funeste tendance
à la baisse des traitements de DP puisse être stoppée. L’augmentation généralisée
du nombre de centres de dialyse empêche l’accès à la DP pour de nombreux
patients.
En Suisse, selon le rapport d’activité de la Fédération
suisse pour ches communes des assureurs-maladie
(SVK) de l’année 2008, 422’165 traitements par hé-
modialyse (HD) ont été effectués dans 84 centres de
dialyse [1]. Le nombre des patients traités est d’envi-
ron 3’300. En revanche, seuls 283 patients ont été trai-
tés avec une thode de dialyse à domicile,
principalement avec la dialyse péritonéale continue
ambulatoire (DPCA) ou la dialyse péritonéale automa-
tisée (DPA) sur un appareil de nuit, tandis que quel-
ques-uns l’ont été avec une HD à domicile. Cela
correspond à une part inférieure à 9 % de tous les pa-
tients dialysés.
Le traitement annuel d’un patient en HD coûte au
système de santé environ 80’000 francs, comparés au
montant d’environ 50’000 francs pour un patient de
DPCA. Le besoin en personnel pour la HD est en outre
cinq fois supérieur à celui de la DP, c’est-à-dire que du
personnel en néphrologie à temps plein soigne 4 pa-
tients en HD ou bien 20 patients en DP.
Raisons du recul
de la dialyse péritonéale
La préoccupation actuelle est que, parallèlement au
nombre toujours croissant de centres de dialyse de pe-
tite taille (augmentation de 27 % depuis 2000), la DP
plus économique et favorisant l’autonomie des patients
est passée d’une part initiale d’environ 20 % à moins
de 10 %.
Le seau des centres de dialyse est de plus en plus
étendu, de plus en plus dense principalement par des
centres privés, déniant ouvertement la possibilité d’ac-
cès à la DP pour un grand nombre de patients.
La plupart des néphrologues sont en premier lieu
intéressés à occuper leurs places de HD ou leurs ma-
chines de dialyse installées à grand prix. Ils y gagnent
dans une large mesure, car la partdicale d’une séan -
ce de HD coûtant 498 francs et durant 4 heures est
actuel le ment indemnisée à raison de 79 francs. La DP
occa sion ne en revanche une charge pour le médecin
plus im por tante, du moins au début de la formation des
patients, et les examens de contrôle avec des visites
ambulatoires à un rythme de 4 à 8 semaines ne peuvent
être facturés qu’à un prix insuffisant. Cette situation a
conduit à ce que la DPCA/DPA ne soit encore proposée
presque que par des établissements hospitaliers de
grande taille, indépendants de toute incitation financière.
Nous devons constater aujourd’hui que dans de vastes
régions de Suisse, la seule option de traitement pour
les patients souffrant d’une insuffisance rénale au stade
terminal, outre la transplantation est la HD.
On pourrait à présent objecter que la HD est établie
depuis bientôt 50 ans comme bon traitement de sub-
stitution rénale, et qu’elle est sûre et commode. Les
patients apprécient plus de se faire épurer le sang trois
fois par semaine sur une machine par du personnel
formé que de se débrouiller chez eux avec un change-
ment de poche trois à quatre fois par jour. En d’autres
termes, il est suggéré par les opposants à la DP que la
plus grande partie des patients souffrant d’insuffisance
rénale préfèrent un soin effectué par un tiers qu’un trai-
Un plaidoyer
pour la dialyse péritonéale
Parmi les modalités des traitements de substi-
tution rénale, la dialyse péritonéale (DP) «fait ta-
pisserie» à côté de la transplantation rénale et
de l’hémodialyse. Moins de 10 % de tous les
patients de dialyse sont encore traités à ce jour
en Suisse par dialyse péritonéale. Les comparai-
sons de mortalité et de qualité de vie montrant
que la DP est parfaitement concurrentielle ne
justifient en aucune manière ce recul. Étant
donné qu’en outre, au plan économique, la DP
peut être offerte de façon notablement plus
économique que l’hémodialyse dans les centres
de dialyse, des mesures sont nécessaires pour
inverser la tendance.
L’article traite des causes du défaut d’accepta-
tion de la DP et discute des approches de solu-
tions. Au premier plan des solutions est une
meilleure explication aux patients des choix de
la thode de dialyse et une motivation des
néphrologues pour un traitement autonome.
Traduction de l’article en allemand „Eine Lanze für die Peritonealdialyse“
paru au Bulletin des médecins suisses ; 2010 ; 91 :40, p. 1582-1584
Hans Jakob Gloor
Correspondance:
Dr méd. Hans Jakob Gloor
FMH Néphrologie
Fernsichtstrasse 35
CH-8200 Schaffhausen
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tement exigeant fait par eux-même. Nos patients sont-
ils vraiment tous si paresseux ou peut-être sont-ils in-
suffisamment informés sur les avantages de la DP?
Il ressort de certaines études qu’en fournissant des
informations neutres très taillées lors de la phase
préparatoire d’un traitement de substitution rénale,
presque 50 % des patients se décideraient pour la DP
comme premier choix [2]. Il ressort de même de cer-
taines enquêtes que la DP est qualifiée par 80 % des
néphrologues de bon premier choix. Qu’un écart aussi
important existe entre ces situations en faveur de la DP
et la alide son utilisation de seulement 10 pour
cent peut seulement être à des raisons irrationnelles
et non médicales.
Même si une étude comparative irréprochable
entre la HD et la DP n’a jamais été réalisée de manière
prospective et randomisée sur un grand nombre de ma-
lades, une multitude de données de registres en pro-
venance de plusieurs pays indique une équivalence en
matière de mortalité [3]. Au cours des deux premières
années après le début de la dialyse, il y a même cer-
tains bénéfices de survie de la DP qui sont justifiés par
le maintien plus long de la fonction résiduelle des
reins. Des études sur la qualité de vie ont également
montré que la DP avait une valeur équivalente à celle
de la HD.
Efficacité, utilité
et rentabilité
J’en conclus que, pour des raisons d’efficacité, d’utilité
et de rentabili répondant aux exigences légales
pour les thérapies dans la LAMal – la DP devrait être
recommandée en premier choix comme premier trai-
tement de substitution rénale à chaque nouveau candi-
dat à la dialyse. Le fait que cela ne se fasse pas a, de
mon point de vue, les principales causes suivantes que
j’accompagnerai de propositions de solutions.
- Le patient atteint d’insuffisance rénale au stade IV
de l’insuffisance rénale chronique (taux de filtra-
tion glomérulaire de 15 à 29 ml/min/1,73 m2) est
trop peu systématiquement informé des possibili-
tés de transplantation et de dialyse. De nombreux
médecins de famille laissent le soin, à juste titre,
aux spécialistes, à savoir aux phrologues, de
donner ces informations. Ceux-ci se trouvent pour
leur part en conflit entre une explication neutre et
leur propre intérêt d’occuper pleinement leurs pla-
ces de HD. Cet embarras complique une informa-
tion objective. Le patient devrait avoir droit à une
explication complète et suivie dans le temps. Cette
exigence serait à mettre en oeuvre par des rencon-
tres d’informations régulières et organisées au ni-
veau régional, à la réalisation desquelles les
assureurs-maladie devraient également participer.
Le formulaire actuel de garantie de prise en charge
des coûts pour justifier le remboursement de la thé-
rapie de dialyse n’a pas d’effet, car il ne doit être
fourni aucune preuve que le patient a été instruit
des thodes de dialyse à domicile. Les caisses
d’assurance-maladie devraient insister pour que
leurs assurés soient informés sur la DP et éventu-
ellement sur la HD à domicile. Les tentatives faites
jusqu’à présent se sont transformées en exercices
alibis. Tous les prestataires privés de traitements
de HD devraient aussi être obligés de proposer aux
patients en pré-dialyse l’option DP. Si les patients
ne peuvent recevoir la formation à la DP dans leur
centre, ils devraient adresser leurs patients à un
centre de DP.
- Dans le contexte de la révision en cours des tarifs
fédéraux de dialyse, il faut se demander si une po-
litique privilégiant la DP ne devrait être mise en
oeuvre, comme dans certains pays scandinaves. De
ce fait,un patient n’aurait droit à la HD que s’il
peut présenter des motifs valables, à savoir des
contre-indications vis-à-vis de la DP. Une autre
possibilité serait d’introduire des règles de quotas,
par exemple chaque centre de dialyse ne recevrait
le tarif total que s’il prenait en charge un nombre
déterminé de patients de DP (par exemple 15 % de
la population totale).
- Une opinion répandue, mais inexacte, consiste à
dire que la DP ne convient qu’à des patients auto-
nomes, en bonne condition mentale et physique et
par conséquent plus jeunes. De nouvelles études
ont au contraire montré que les patients âgés et peu
stables sur le plan cardio-vasculaire pouvaient être
traités avec succès avec une DP. De plus en plus
souvent, la DPCA est employée de manière assis-
tée chez les pensionnaires de maisons de retraite,
épargnant aux personnes concernées les transports
pénibles jusqu’au centre de HD. Les patients souf-
frant d’insuffisance cardiaque tirent profit de la
Des études sur la qualité de vie ont également montré
que la DP était de même valeur que la HD
Mode de fonctionnement de la dialyse péritonéale
continue ambulatoire. (Toutes les figures sont fournies
avec l’aimable autorisation de la société Baxter SA
Suisse.)
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dialyse à «faible rendement» ménageant la circu-
lation sanguine par laquelle ils bénéficient d’une
stabilisation plus aisée de leur volume sanguin.
Bilan
Il est dans l’intérêt du patient, de l’assureur-maladie et
de la santé publique de pouvoir stopper la funeste ten-
dance à la diminution de la DP dans notre pays. L’ob-
jectif devrait être que la DP retrouve à l’avenir une part
supérieure à 20 % de l’activité de dialyse. Nous serions
encore à des valeurs plus basses que celles des pays
nordiques, sans parler de celles de la Nouvelle-Zélande
(39 %) et de Hong Kong (81 %) [4]. Les arguments
présentés contre la DP sont construits en grande partie
sur des préjugés. La Suisse ne devrait pas se permettre
de développer toujours plus la méthode la plus chère.
Tous les responsables doivent s’engager.
Premièrement, les prestataires, des médecins de
premier recours aux néphrologues, en passant par les
fabricants de solutions de dialyse, qui pourraient
baisser encore un peu le prix actuel d’environ 20 francs
par poche de 2 litres pour favoriser la diffusion accrue
de la méthode.
Deuxièmement, les assureurs-maladie, représentés
par la SVK, dont le rôle ne devrait pas être compris
comme jusqu’à présent tel un pur contrôle des traite-
ments de dialyse, mais qui devraient intervenir active-
ment dans le processus du choix des modalités. Il faut
en outre mettre sur pied un nouveau contrat de dialyse,
facile à utiliser, jusqu’à fin 2011, qui induise une inci-
tation certaine pour les soins de dialyse à domicile.
Troisièmement, il est également demandé aux
établissements de santé, représentés par H+, qu’ils fa-
vorisent, en tant que partie contractante, la dialyse à
domicile au lieu d’équiper leurs propres postes de dia-
lyse en milieu hospitalier. Les services Spitex devrai-
ent par ailleurs pouvoir proposer partout la DP assistée
à domicile dans leurs prestations. Il faudrait donner la
possibilité aux maisons de retraite de proposer la DP
au sein de leurs institutions.
Quatrièmement, au niveau cantonal, il faut enfin
veiller à ce qu’aucun nouveau satellite de dialyse ne
se crée dans chaque localide grande envergure ni
qu’aucune autorisation correspondante ne soit donnée.
La question concernant le traitement de substitution
rénale a depuis longtemps dépasla relation privée
néphrologue - patient et est devenue le problème d’un
plus large public. Cette contribution doit servir à la
transparence et à la discussion. Il faut prendre la dé-
fense de la dialyse péritonéale en tant que méthode de
substitution rénale marginalisée, presque tombée dans
l’oubli.
Littérature
1 SVK. Geschäftsbericht 2008; S. 10–11.
2 Jager KJ et al. NECOSAD study. Am J Kidney Dis.
2004;43:891–9.
3 Korevaar JC et al. Effect of starting with hemodia-
lysis compared with peritoneal dialysis in patients
new on dialysis treatment: a randomized controlled
trial. Kidney Int. 2003;64:2222–8.
4 Lameire N, Van Biesen W. Epidemiology of perito-
neal dialysis: a story of believers and nonbelievers.
Nat. Rev. Nephrol. 2010;6:75–82.
Les caisses d’assurance-maladie
doivent insister sur le fait que leurs
assurés soient informés sur la DP
Des études ont montré que presque 50 % des
patients se décideraient en premier choix pour
la DP s’ils étaient informés au préalable de façon
complète et neutre.
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