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contenu éternel d’une nature humaine partout la même » (L’institution imaginaire
de la société, 1975, pp. 35-36 - page 38 dans la réédition de 1999, dans la collec-
tion Points).
Ces quelques citations nous semblent attester, sinon une parfaite identité de
vues, du moins un voisinage très proche dans la perception des problèmes, entre
Castoriadis et les chercheurs « Maussiens », qu’ils soient anthropologues, écono-
mistes ou sociologues. Cette proximité n’exclut pas l’existence de sérieux désac-
cords, qui s’expriment dans le texte que l’on va lire, transcription d’un débat entre
Castoriadis et les membres du MAUSS. Ces désaccords, d’ailleurs, traversent
aussi le MAUSS, dont Jean-Luc Boilleau rappelait, lors d’un autre débat, sur le-
quel je voudrais m’arrêter un moment, qu’il ne s’agit nullement d’un « groupe
monolithique ».
En mai 1991, l’association des amis de la librairie Sauramps, la grande librai-
rie universitaire de Montpellier, avait organisé dans cette ville un colloque autour
de trois grands thèmes : la démocratie comme violence ? la fin de l’histoire ? à
l’Est, une autre Europe ? Le choix de ces trois thèmes était bien sûr lié aux interro-
gations suscitées, depuis la chute du mur de Berlin, par l’avenir d’un régime - « le
plus dur et le plus fragile des régimes », disait Castoriadis en 1982 - celui que
Gorbatchev essayait encore de sauver, en procédant à des réformes, dont il ne
pouvait plus contrôler la dynamique. Ces interrogations s’étaient déjà traduites
dans la publication d’un texte de Francis Fukuyama, pour qui « les transforma-
tions qui s’accomplissent actuellement dans les pays de l’Est, cette apparente
évaporation des régimes communistes, ne signifieraient pas simplement la fin du
communisme, mais essentiellement la fin de l’histoire elle-même ; ces transforma-
tions impliqueraient la prise de conscience par l’humanité qu’il n’y a pas d’au-delà
de la société présente. La société présente, c’est la société industrielle, capitaliste et
marchande qui constitue notre modernité. » Je cite ici le résumé qu’en faisait Jean-
Claude Michéa lors du colloque de Montpellier, où il introduisait le débat sur « la
fin de l’histoire », auquel participaient Cornelius Castoriadis, Edgar Morin et
Jean-Luc Boilleau, dont les interventions sont reprises dans un ouvrage collectif,
De la fin de l’histoire, Editions du Félin, Paris, 1992.
Après avoir rappelé que, pour Fukuyama, « constater que nous sommes entrés
dans la fin de l’histoire, (...) c’est comprendre, qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en
attriste, que, les dernières illusions dissipées, fort de ce nouveau savoir, il n’y a plus
rien d’autre à faire qu’à gérer ce qui est », Jean-Claude Michéa entamait la dis-
cussion de cette thèse, et formulait trois questions :
1) « Premier problème : la société moderne, à la différence des sociétés dites
traditionnelles qui visent (quelle que soit la diversité de leurs formes) à main-
tenir un équilibre, a pour idéal et principe de poser son propre développement
porté à l’infini (...) Or ce désenchantement du monde - cette soumission crois-