Mémoire d`Histoire Militaire Brénod et la Seconde Guerre mondiale

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Mémoire d’Histoire Militaire
Brénod et la Seconde Guerre mondiale
Rédigé par l’aspirant Carrez
Promotion Général Brocard
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Droit de réserve
Ce document a été réalisé dans un but de transmission de mémoire. Il est le fruit de la
collecte de témoignages de personnes originaires du village encore en vie et ayant vécu la
Seconde Guerre mondiale à Brénod. Ce récit ne fait que traduire leurs paroles. J’ai, dans la
mesure du possible, recherché la cohérence dans les témoignages et essayé de les rapprocher,
quand cela était possible, avec des faits officiellement établis. J’ai volontairement omis
certains faits n’ayant pu vérifier leur véracité.
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Introduction
Le Seconde Guerre mondiale a été la guerre la plus meurtrière de l’histoire de
l’humanité. Ce conflit a laissé des traces profondes dans les mémoires car au-delà de la guerre
« conventionnelle », elle fut une période noire pour le genre humain. En effet, de nombreux
actes de barbarie ont été perpétrés contre les populations civiles. La folie nazie s’est déchaînée
et son idéologie l’a poussé à appliquer, comme tout le monde le sait, la solution finale ; la
logique d’extermination des juifs et de toutes les « races » qui n’étaient pas dignes de vivre
dans le Reich. Pour cela les camps d’extermination ont été créés et la machine infernale s’est
mise en route. Cependant, l’ampleur de cette tragédie et le nombre de victimes ont fait oublier
les autres camps : les camps de concentration, destinés à la détention des opposants politiques,
des résistants ou tout simplement d’innocents pris en otage. C’est de cette dernière catégorie
que nous allons traiter.
En effet, le village de Brénod de l’Ain dont est originaire ma famille maternelle a subi
des rafles de civils innocents en représailles de la présence de maquis dans la région. Trois
membres de ma famille ont été déportés et un seul est revenu marqué à tout jamais par cette
détention oh combien traumatisante. Mon grand père et d’autres membres du village
racontent, toujours, 65 ans après, l’histoire tragique de la rafle du 6 février 1944. 34 personnes
furent déportées, 15 ne revinrent jamais. Le village ne comptait alors que 500 habitants et
ceux qui partirent faisaient partie de la tranche active des 18-40 ans. Certes, devant le nombre
de morts dans certaines régions de la France, cela semble peu mais pour une commune rurale,
le choc psychologique fut énorme et il est encore perceptible 65 ans après dans les mémoires.
Ce récit raconte l’histoire de ces évènements du point de vue de mon grand père qui
l’a vécu alors qu’il n’était âgé que de 16 ans. Ce récit est très spontané et rempli d’anecdotes
sur la situation ce qui rend plus vivant ces témoignages et montre le choc engendré.
Localisation du village
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 Le contexte de la guerre
Pour comprendre pourquoi l’impact sur la population est si important, il nous faut
expliquer comment la Seconde Guerre mondiale est perçue avant la rafle du 6 février 1944.
Comme on le sait, la Seconde Guerre mondiale débute en septembre 1939. L’ordre de
mobilisation entraîne des bergnolands1 sous les drapeaux. Ainsi, le village de 500 habitants
perd déjà de sa population active.
En 1940, au mois de juin, c’est la débâcle pour les troupes françaises et c’est aussi les
premières incertitudes pour les familles des soldats. En effet quand la France signe l’armistice
les proches de soldat n’ont alors aucune nouvelle. Le village de Brénod se retrouve alors en
zone libre et les premiers soldats démobilisés rentrent dans leurs foyers. Peu de temps après,
les premières lettres des prisonniers de guerre parviennent et les familles sont ainsi fixées.
Quinze hommes resteront prisonniers en Allemagne durant le conflit, ils sont dans des zones
rurales semblables à Brénod, ils sont bien traités, peuvent recevoir et envoyer du courrier.
Deux ne reviendront jamais. Cependant on voit la cruauté de l’Histoire dans une famille, une
mère (grande-tante de mon grand père) qui a déjà perdu son mari durant la Première Guerre
mondiale voit ses deux fils prisonniers de guerre et doit alors assumer seule sa ferme.
Passé le choc de la défaite et de l’instauration du régime de Vichy, le village ne subit
pas les stigmates de la guerre. Il va accueillir en 1941 les chantiers de jeunesse qui remplacent
sous le régime de Vichy l’année de conscription et sont appelés aussi l’armée de l’armistice.
Le camp de Brénod comptera près de 200 jeunes. Le camp dépend du centre de Jujurieux à
une vingtaine de kilomètres. Les jeunes sont « blanchis » et portent tous la même tenue. Ils
marchent au pas et montent les couleurs. A Brénod, ils font du bucheronnage et débitent du
bois pour faire du charbon de bois qui sera utilisé
dans les gazogènes.
En 1942, le débarquement des Alliés en
Afrique du Nord va déclencher l’occupation
complète de la France. Ainsi Brénod voit passer
des convois de blindés allemands dans ses rues.
C’est le premier contact avec les troupes du
Reich.
L’occupation complète de la France va provoquer la chute du régime de Vichy. Ainsi,
l’Allemagne prend le contrôle et va alors instaurer le STO2. Les jeunes Français de 20 ans
sont envoyés en Allemagne pour travailler dans des usines. Entrainant la fin des chantiers de
jeunesse.
Cependant l’instauration du STO va provoquer un refus des jeunes Français d’aller en
Allemagne. La seule solution pour eux est alors de prendre la fuite et de se cacher pour éviter
les arrestations par les gendarmes. A Brénod il existait déjà de petits foyers de résistants. Ces
hommes se cachaient et faisaient des « coups de mains » dans les chantiers de jeunesse pour
se ravitailler. Le STO va générer un afflux massif de jeunes volontaires. La Résistance est
alors composée de nombreux jeunes et d’anciens officiers de l’ancienne armée française. De
plus elle compte dans ses rangs des « locaux » et une grande majorité de personnes du
département. En effet, le plateau d’Hauteville-Brénod va accueillir des foyers de résistants car
la région est montagneuse et il existe de nombreuses fermes isolées pour se cacher. A Brénod
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Habitants de Brenod
Service du Travail Obligatoire
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et dans les environs, ils s’installent secrètement dans les fermes du Pré Guy, de Pré de Joux,
du Molard et de Retord.
La Résistance est mal équipée et manque cruellement de ravitaillement. Au départ, elle
prend pour cibles les camps de jeunesse puis après leur dissolution s’attaquent aux
commerces. Les maquis manquent de tout : armement, nourriture, carburant mais vont
toutefois s’organiser comme une armée ; ce n’est pas pour rien qu’ils s’appelleront l’armée
secrète. Des brigades et des groupes s’instaurent. Cependant il y a déjà des rivalités entre les
FTP : Francs Tireurs Partisans et l’armée secrète. Les maquis, une fois organisés, vont alors
commencer à recevoir le soutien des Alliés grâce aux parachutages et devenir de plus en plus
confiants. Ainsi, le 11 novembre 1943, ils défileront même en ordre dans la ville d’Oyonnax
où ils déposeront une gerbe à la mémoire des victimes de la Première Guerre mondiale.
Toutefois comme on l’a dit, la Résistance comporte des personnes de tous horizons et
inévitablement il y a des espions en son sein qui seront responsables de la mort de
nombreuses personnes comme nous allons le voir.
Le secteur de Brénod va devenir le lieu de rassemblement de nombreux maquis et va
aussi accueillir le PC départemental dans la ferme du Molard. Les habitants se doutent de
quelque chose mais leur seul contact avec la guerre sont les passages d’avions alliés qui
partent bombarder de nuit l’Italie et le bruit de ces avions restera longtemps dans les
mémoires.
Carte représentant les maquis dans le département de l’Ain
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 Les évènements du mois de février 1944
Les activités de la Résistance ne vont pas restées impunies très longtemps. En effet, le
14 décembre 1943 à Nantua3, à environ 25 kilomètres de Brénod, a lieu la première rafle de
civils. 150 personnes seront déportés : c’est l’une des premières répressions allemandes ce qui
fait prendre conscience aux habitants de Brénod que la guerre est proche de chez eux et
beaucoup de jeunes vont alors partir se cacher dans les fermes isolées.
Le 2 février 1944, un important contingent d’Allemands se dirigeant vers la Haute
Savoie se heurte à Ruffieu à un groupe de maquis qui va les contraindre à battre en retraite
avec des morts et des blessés. Pendant que les habitants du village d’Hotonnes célèbrent les
obsèques des hommes morts au combat, les Allemands préparent une opération d’envergure
pour riposter. A l’aube du 5 février 1944, l’opération Caporal débute, déversant des troupes
sur tout le plateau et dans le Valromey. Les
Allemands établissent leur PC à Brénod, au
Montoux mais la neige abondante ralentit leur
avancée. Les fermes isolées sont évacuées par
les résistants qui fuient pour échapper à la
capture. Cependant trois résistants partis de la
ferme de la Gouille font l’erreur de traverser la
route départementale sur laquelle ils
rencontrent un convoi allemand. Ils tentent de
s’échapper mais sont immédiatement abattus.
Un monument a été érigé sur les lieux de cet
évènement tragique.
Le 6 février commence le jour qui marquera à jamais l’histoire du village. Mon grand
père ainsi que toutes les personnes présentes ce jour peuvent encore en témoigner de manière
tellement spontanée et détaillée qu’il semble que c’était hier.
A 8h00, la bourgade est encerclée par des soldats allemands et italiens sous la
direction de la Gestapo et des SS. Il y a beaucoup de neige dans les rues et les soldats entrent
dans les maisons en expliquant que c’est pour un contrôle. Au passage, ils se ravitaillent si le
besoin s’en fait sentir. Ils obligent les hommes de 15 à 70 ans à se rendre à ce contrôle. Les
soldats vont aussi piller la fromagerie mais aussi toutes les réserves de chocolat faites dans
certains foyers. C’est un détail qui a marqué mon grand père : leur gourmandise pour le
chocolat. Le rassemblement se fait sur la place du village ; les personnes comme mon grand
père sortant de la messe sont aussi contraintes de rejoindre le contrôle. Le curé du village
étant quasi bilingue tente d’obtenir sans succès plus d’informations. A 12h00 pour cause de
tempête de neige, les hommes sont dirigés vers la salle des fêtes sans explication. L’attente
commence avec son lot de questions.
Les hommes sont autorisés à parler mais il reste des sentinelles à l’extérieur, de toute
façon personne n’osait imaginer s’enfuir. La rafle de Nantua est dans toutes les têtes mais
personne n’en parle. Il n’y a pas de WC ils doivent uriner par les fenêtres ; les jeunes tiennent
les vieux pour ne pas qu’ils tombent... Vers 16H00, le contrôle des cartes d’identité est fait en
bon ordre par un officier SS reconnaissable par sa casquette avec des têtes de mort. Deux
colonnes parallèles sont faites. Mon grand père ayant 16 ans, il est dans celle des très jeunes et
des anciens.
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Chef lieu d’arrondissement
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L’officier allemand monte sur la scène et dans un français impeccable annonce : « Le
maquis est chez vous et vous ne voyez rien, vous avez voulu la guerre, vous l’avez. Votre
village brûle aux quatre coins ». A l’extérieur des étincelles passent devant les fenêtres et
l’odeur du feu envahit la pièce. « On pensait qu’on allait tous brûler dedans » explique mon
grand père. Cependant ces flammes proviennent de l’incendie de la boulangerie où sont
entreposées une importante quantité de bois et de farine. D’autres maisons subissent le même
sort : la maison Massonnet, Tardy ou encore la fromagerie et chez Billémaz. Le garage Follet
est quant à lui dynamité.
Pendant ce temps, les fermes sont perquisitionnées : les Allemands traquent les maquis
qui ont heureusement évacués les lieux. Les fermes du Molard, du Pré Guy, du Fort et deux
fermes de Pré de Joux seront incendiées. Ces dernières le seront à l’aide de bombes
incendiaires depuis un avion. Les Allemands projetaient aussi d’utiliser un canon pour viser
les fermes. Dans l’après midi du 6 février 1944, mon arrière grand père et son cheval ont été
réquisitionnés par les Allemands pour mettre en position un canon dans un champ enneigé
afin de tirer sur les positions des maquisards. En effet du fait des dénonciations, les
Allemands connaissent parfaitement leurs cibles. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce
point. La rafle n’a pas été faite qu’au village, les Allemands sont aussi allés dans les fermes.
La ferme du Cernay marquée d’une croix rouge sur les cartes des Allemands a subi ce sort.
Mon arrière-arrière grand-mère et ses deux fils sont placés les mains sur la tête dans la cour
sous la neige pendant la fouille de la ferme et le pillage de certains biens. Malgré l’arrestation
de ses deux fils et leur départ, mon arrière-arrière grand-mère aura tout de même le courage
de se plaindre à l’officier en charge de la fouille pour se faire restituer les bijoux dérobés par
un soldat durant « le contrôle »… Elle se retrouve alors seule, dans une ferme isolée avec de
nombreux animaux à s’occuper.
Revenons maintenant à Brénod où l’attente et l’incertitude se font pesantes dans la
salle des fêtes. Aux alentours de 19H30, des véhicules arrivent et la première colonne sort en
rang de la salle des fêtes. L’officier précise aux autres : « vous ne bougez pas avant 20H00
montre en main ». Le convoi démarre vers l’inconnu dont certains ne reviendront jamais.
A 20H00, le groupe sort constatant l’étendue des dégâts et étouffant les derniers
incendies. Les Allemands sont partis mais maintiennent toujours leur PC au Montoux.
Le lendemain, ils vont revenir pour occuper la Poste car c’est là que se trouve les
moyens de communication. Dans la semaine suivante, les Allemands reviendront encore le
mardi avec la Gestapo : « manteau de cuir et traction avant »4. Ils investissent la gendarmerie
et reprochent aux gendarmes ne pas avoir faire leur travail d’arrestation des résistants malgré
les soupçons sur plusieurs personnes. 5 gendarmes seront ainsi emmenés à leur tour. Les
Allemands et la Gestapo ne sont pas venus seuls, ils sont accompagnés d’un SS en tenue. Cet
homme connu de tous était quelque jours auparavant un « simple » habitant du village. Il était
venu s’y installer et fréquentait beaucoup les cafés et les lieux publics du village, en fait à la
recherche d’informations. Peu de temps avant l’arrivée des Allemands, il fut appréhender par
la Résistance et emmener dans une ferme pour être interrogé. Les maquisards voulaient le tuer
mais un officier de la Résistance a dit qu’il méritait d’être jugé et il resta emprisonné dans la
ferme. Cependant, au début de l’opération allemande, les résistants se sont sauvés et l’ont
laissé. Les soldats allemands l’ont délivré et ont pu se servir de ses informations. Cela
explique pourquoi les incendies étaient ciblés et pourquoi les Allemands savaient où chercher.
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Citation de mon grand père
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Cela explique aussi la rafle des 5 gendarmes. Les maisons Raymond et Pélisson sont brûlées
ce jour là.
Le mercredi comme il neigeait toujours et que nombre de paysans étaient recrutés pour
dégager les routes avec les chasse neige. Une voiture allemande s’arrête devant la maison
familiale de mon grand père pour demander un cheval pour tirer l’automobile. Difficilement
mon grand père, seulement âgé de 16 ans, explique qu’il faut des bœufs pour tirer un tel
véhicule et appelle un cousin âgé de 14 ans ,ils vont donc avec leur attelage tirer sur 2
kilomètres la voiture en se disant qu’ils ne reviendraient jamais, leurs familles étaient mortes
d’inquiétude compte tenu des évènements des jours précédents. Comme les bœufs fatiguent,
les occupants de la voiture descendent tous, mon grand père reconnait à peine l’un d’entre
eux : le notaire du village le visage tuméfié. Il apprendra plus tard qu’il était en fait un chef de
l’Armée Secrète et il ne le reverra jamais. Une fois la voiture dégagée, les deux adolescents
rejoignent aussi vite que possible leurs foyers.
Les Allemands reviendront une ultime fois le dimanche suivant pour brûler l’Hôtel
Guy et la maison du notaire. C’est alors la fin de l’opération allemande qui aura eu comme
conséquence le départ de 34 personnes du village et la destruction de nombreuses habitations.
Tout comme Brénod, d’autres villages du plateau ont subi un sort similaire. 5 personnes
furent fusillés et des maisons brulées à Corlier, d’autres furent aussi fusillés à Evosges,
Montgriffon et au Petit Abergement. Il y a aussi des rafles dans la ville d’Hauteville mais du
fait de la présence des sanatoriums et de nombreux malades de la tuberculose, les arrestations
furent ciblées.
4 km
Villages ayant subis des
représailles allemandes
Premier accrochage entre
maquis et convoi allemand
Carte du secteur de Brénod
Les Allemands mèneront encore une opération dans la région quelques jours après un
parachutage important de matériels à Corcelles en juillet 1944 même s’il ne semble pas qu’il y
ait de lien entre ce parachutage et l’attaque. Ils viendront aussi incendier une ancienne ferme
des camps de jeunesse à la Batonnière. C’est aussi à cette époque que le drame de Dortan a eu
lieu. L’ensemble du village est brulé sauf le château que l’officier allemand trouvait
« beau »…
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 Les déportés
Partis de Brénod, les déportés subissent un interrogatoire de la Gestapo à l’école de
santé des armées à Lyon, ils rejoignent alors la prison de Montluc. Ils sont alors transférés au
camp de Royallieu à Compiègne. De là les déportés ont pu envoyer des cartes postales et c’est
le dernier lien qu’ils auront avec Brénod. A ce moment là, ils savent qu’ils iront en Allemagne
pour travailler, comme pour le STO pensent-ils. Ils retrouvent de nombreuses personnes de la
région. Le 22 mars 1944, tous ces hommes reçoivent une boule de pain et un morceau de
saucisson. Ils embarquent alors dans des trains pour bétail où ils s’entasseront à près de cent
par wagon. C’est le début du changement d’univers. Ce voyage inhumain durera trois jours et
engendrera déjà la mort de déportés. Le 25 mars 1944, le train arrive à Mauthausen, le
funestement célèbre camp de concentration classé catégorie 3 (la plus dure). Les déportés sont
regroupés en colonne par 5 et une marche commence pour passer le célèbre portail du camp.
Ils arrivent dans un univers où l’homme n’est plus
qu’un numéro, une chose insignifiante où son
espérance de vie ne doit pas dépasser 6 mois. Les
bergnolands sont alors tondus, lavés et reçoivent
une chemise, un caleçon et une paire de claquette.
Une période de quarantaine débute alors pour
« assouplir » les esprits avec son lot de sévices et
de mauvais traitements. Ils sont alors répartis dans
les kommandos de travail : Melk, Loibl-Pass,
Linz, Neustadt, Wiener Neustadt, Wiener Neudorf,
Gusen 1 et 2 et à Mauthausen. Nous ne nous
étendrons pas sur les conditions de vie dans ces
camps,elles ont fait l’objet de nombreux documents. On peut toutefois recommander trois
écrits qui sont en bibliographie : Un nom entré dans l’histoire Mauthausen (HEIMDAL),
Chemin de croix en 50 stations (BERNARD ALDEBERT) et Häftling Guy Niogret ; la
deuxième publication a été tirée à 15 exemplaires et raconte la vie de déportés de Brénod, le
dernier écrit est un petit livret écrit par Guy Niogret, dernier déporté encore en vie qui a
encore refait récemment un voyage commémoratif avec des habitants du plateau sur les lieux.
On peut seulement dire que l’une des caractéristiques de Mauthausen était sa carrière et ses
186 marches. Ces marches ont marqué à jamais tous ceux qui les ont empruntées.
Plaques décrivant des lieux du camp de nos jours
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Four crématoire entouré de bracelets et sculpture représentant un déportés nu dans le
froid qui fut arrosé d’eau pour qu’il gèle
Les déportés seront libérés le 5 mai 1945 par les Américains après la fuite des SS.
Certains diront que si la guerre avait duré 2 mois de plus aucun ne serait revenu. Quelques
déportés malgré les soins mourront avant leur retour au pays, pour certains, l’abondance de
nourriture provoquera leur mort. Ils sont transférés vers des aérodromes où ils rencontreront
des prisonniers de guerre qui, voyant leur état, leur laisseront la priorité pour le retour en
France. A Paris, ils passeront par le célèbre hôtel Lutetia, centre de rapatriement. Ils sont alors
douchés, désinfectés et retrouveront des vêtements propres. Après les formalités, ils reçoivent
un bon de transport qu’ils utilisent immédiatement pour rejoindre Bourg en Bresse puis
Brénod.
 La fin de la guerre à Brénod
Durant la période de la déportation, les familles n’auront aucune nouvelle de leur
proche en Allemagne, cependant l’espoir renaît en août 1944 quand un mois après l’opération
allemande de juillet, l’armée de Delattre entre dans Brénod. Cette armée composée de pièces
d’artillerie, de matériel et de nourriture logera une nuit à la salle des fêtes du village. Les
habitants auront alors du ravitaillement et de l’essence pour quelques temps. Toutefois les
armées reparties, Brénod est libre mais la guerre est encore loin d’être finie. Il faut attendre le
12 mai 1945 pour voir le retour des squelettiques déportés en habit rouge. Ils purent alors
donner des nouvelles aux familles et énoncer la liste des victimes. Les retours s’échelonnent
jusqu’au 9 juin 1944 avec ceux des prisonniers de guerre. Certaines familles sans nouvelles
ont alors encore de l’espoir, il faut le garder car un prisonnier de guerre n’est revenu que le 15
août 1945 après un passage en URSS. Des déportés repassèrent par la Yougoslavie et Naples
avant de rentrer. « Eux, ils étaient tout ronds » explique mon grand père, ils avaient été bien
nourris dans ces pays. Quelques uns repartiront en revanche rapidement dans des hôpitaux car
vivre dans des conditions précaires laisse des traces physiques.
Les déportés ne parlaient pas de ce qu’ils avaient vécus, il fallait leur demander. Tous
reprennent rapidement leur vie normale, certains participant même aux courses de ski de fond
l’hiver suivant. Ils ont été marqués à jamais par ces événements et ils recevront, tout comme
les prisonniers de guerre, la reconnaissance des habitants. Par exemple, aux élections
municipales tous ceux qui se sont présentés furent élus.
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Au final, 16 personnes trouvèrent la mort dans les camps et la population, tout comme
le village, furent marqués à vie par ces évènements. De manière générale, c’est toute la région
qui fut touchée et de nombreux monuments ont été érigés en mémoire de ces hommes
Carte de déporté de mon grand oncle décédé à Mauthausen
Livret de famille
 Anecdotes
Ce qui est intéressant quand on écoute les récits de ces évènements par une personne qui
les a vécus est le caractère spontané. Nous sommes replongés à cette époque avec tous les
détails marquants. Mon grand père insista souvent sur le fait que la neige était abondante. Il
fut marqué par les têtes de mort sur la casquette de l’officier SS ou encore par l’intonation
sèche de la langue allemande, le visage marque par les coups du notaire capturé par les
Allemands ou encore le goût des Allemands pour le chocolat. Il m’a raconté aussi quelques
petites histoires.
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 Un hasard parfois troublant
Dans la nuit du 5 au 6 février 1944, c'est-à-dire la veille
de la rafle, un avion anglais Sterling avec 7 membres d’équipage
s’écrase entre Hauteville et Champdor. Il devait parachuter du
matériel mais il fut pris dans une tempête de neige et ne vit pas
les signaux des maquis qui étaient déjà en fuite. Il s’écrasa sur la
montagne et les corps des aviateurs furent retrouvés au
printemps. Le maire avertit les autorités allemandes qui
emmenèrent les corps à Lyon pour les enterrer.
 La vie ne tient parfois qu’à un fil
Le 6 février 1944 au matin, un camion de l’armée
italienne arrive dans Brénod et s’arrête devant une écurie où se
tient un jeune commis de ferme. Le soldat lui demande un
arrosoir d’eau pour le radiateur qui a surchauffé. Le jeune homme obtempère et le soldat
l’avertit qu’il faut qu’il se cache, qu’il va y avoir une rafle dans peu de temps. Le jeune se met
à l’abri dans la maison mais, par curiosité, ressortira 20 minutes plus tard et sera rassemblé
dans la salle des fêtes alors qu’aucun soldat ne devait rentrer dans cette maison. Il ne
reviendra pas des camps.
Dans l’après midi du 6 févier 1944, les hommes sont dans la salle des fêtes mais les
gendarmes sont gardés dans leur gendarmerie. Un soldat demande à un gendarme d’aller
chercher au premier étage l’arme du chef de poste. Le gendarme prend la bonne direction
mais tout à coup il s’enfuit dans les près avoisinants, il restera caché dans les bois jusqu’au
départ des Allemands. Les soldats tirent sur lui sans succès. Quelques jours plus tard, la
Gestapo reviendra et déportera les gendarmes restants.
Dans la salle des fêtes, lorsque les deux colonnes furent constituées, une sentinelle se
mis à patrouiller entre elles. Profitant d’un instant inattention de la sentinelle, un des hommes
en âge de partir changea furtivement de colonne ; il avait compris le système. Les Allemands
ne remarqueront rien et il restera au village pendant la durée de la guerre.
 L’inconscience de la jeunesse
Certains jeunes de plus de 18 ans du village avaient décider d’habiter dans des fermes
isolées par peur des Allemands (ferme du Molard). Toutefois le 5 février 1944 au soir, les
maquis ayant quitté les fermes, ils décidèrent de regagner leur domicile alors que les
Allemands se trouvaient à peine à 2 kilomètres. Au matin, l’un d’eux, habitant l’hôtel Guy,
entend les Allemands dans l’escalier, il court se refugier au grenier avec sa couronne de pain.
Il s’installe sur une poutre avec la couronne de pain. Son petit gabarit lui permit de ne pas se
faire remarquer par les Allemands qui fouillaient la maison. Il restera perché toute la journée.
Ce n’est que lorsque les étincelles provenant de la boulangerie attenante jaillissent devant les
fenêtres qu’il décide bouger par peur d’un embrasement de sa propre maison. Il pousse alors
avec ses pieds la lucarne pleine de neige. Il se sauve alors dans la montagne et dormira dehors
quelques nuits avant de retrouver d’autres maquisards des secteurs environnants.
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Conclusion
Ce travail m’aura permis de transcrire la mémoire des personnes qui ont vécu ces
événements tragiques. J’espère qu’il traduira la tragédie qui s’est déroulée à Brénod et le choc
psychologique que cela a engendré sur les personnes encore très jeunes qui ont subi ces
événements.
De plus, il montre aussi le déchainement de la barbarie des nazis ainsi que leurs
méthodes expéditives: qu’il s’agisse des représailles envers les populations civiles, de la
déportation d’innocents ou des conditions de vie inhumaine des camps de concentration.
Enfin j’espère que cela fera prendre conscience de la gravité de ces actes pour qu’à
l’avenir cela ne puisse plus arriver.
Bibliographie
Un nom entré dans l’histoire Mauthausen, HEIMDAL
Chemin de croix en 50 stations, BERNARD ALDEBERT
Häftling, Guy Niogret
Témoignages d’anciens du village de Brénod
www.maquisdelain.org
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