Mémoire d’Histoire Militaire Brénod et la Seconde Guerre mondiale Rédigé par l’aspirant Carrez Promotion Général Brocard 1 Droit de réserve Ce document a été réalisé dans un but de transmission de mémoire. Il est le fruit de la collecte de témoignages de personnes originaires du village encore en vie et ayant vécu la Seconde Guerre mondiale à Brénod. Ce récit ne fait que traduire leurs paroles. J’ai, dans la mesure du possible, recherché la cohérence dans les témoignages et essayé de les rapprocher, quand cela était possible, avec des faits officiellement établis. J’ai volontairement omis certains faits n’ayant pu vérifier leur véracité. 2 Introduction Le Seconde Guerre mondiale a été la guerre la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité. Ce conflit a laissé des traces profondes dans les mémoires car au-delà de la guerre « conventionnelle », elle fut une période noire pour le genre humain. En effet, de nombreux actes de barbarie ont été perpétrés contre les populations civiles. La folie nazie s’est déchaînée et son idéologie l’a poussé à appliquer, comme tout le monde le sait, la solution finale ; la logique d’extermination des juifs et de toutes les « races » qui n’étaient pas dignes de vivre dans le Reich. Pour cela les camps d’extermination ont été créés et la machine infernale s’est mise en route. Cependant, l’ampleur de cette tragédie et le nombre de victimes ont fait oublier les autres camps : les camps de concentration, destinés à la détention des opposants politiques, des résistants ou tout simplement d’innocents pris en otage. C’est de cette dernière catégorie que nous allons traiter. En effet, le village de Brénod de l’Ain dont est originaire ma famille maternelle a subi des rafles de civils innocents en représailles de la présence de maquis dans la région. Trois membres de ma famille ont été déportés et un seul est revenu marqué à tout jamais par cette détention oh combien traumatisante. Mon grand père et d’autres membres du village racontent, toujours, 65 ans après, l’histoire tragique de la rafle du 6 février 1944. 34 personnes furent déportées, 15 ne revinrent jamais. Le village ne comptait alors que 500 habitants et ceux qui partirent faisaient partie de la tranche active des 18-40 ans. Certes, devant le nombre de morts dans certaines régions de la France, cela semble peu mais pour une commune rurale, le choc psychologique fut énorme et il est encore perceptible 65 ans après dans les mémoires. Ce récit raconte l’histoire de ces évènements du point de vue de mon grand père qui l’a vécu alors qu’il n’était âgé que de 16 ans. Ce récit est très spontané et rempli d’anecdotes sur la situation ce qui rend plus vivant ces témoignages et montre le choc engendré. Localisation du village 3 Le contexte de la guerre Pour comprendre pourquoi l’impact sur la population est si important, il nous faut expliquer comment la Seconde Guerre mondiale est perçue avant la rafle du 6 février 1944. Comme on le sait, la Seconde Guerre mondiale débute en septembre 1939. L’ordre de mobilisation entraîne des bergnolands1 sous les drapeaux. Ainsi, le village de 500 habitants perd déjà de sa population active. En 1940, au mois de juin, c’est la débâcle pour les troupes françaises et c’est aussi les premières incertitudes pour les familles des soldats. En effet quand la France signe l’armistice les proches de soldat n’ont alors aucune nouvelle. Le village de Brénod se retrouve alors en zone libre et les premiers soldats démobilisés rentrent dans leurs foyers. Peu de temps après, les premières lettres des prisonniers de guerre parviennent et les familles sont ainsi fixées. Quinze hommes resteront prisonniers en Allemagne durant le conflit, ils sont dans des zones rurales semblables à Brénod, ils sont bien traités, peuvent recevoir et envoyer du courrier. Deux ne reviendront jamais. Cependant on voit la cruauté de l’Histoire dans une famille, une mère (grande-tante de mon grand père) qui a déjà perdu son mari durant la Première Guerre mondiale voit ses deux fils prisonniers de guerre et doit alors assumer seule sa ferme. Passé le choc de la défaite et de l’instauration du régime de Vichy, le village ne subit pas les stigmates de la guerre. Il va accueillir en 1941 les chantiers de jeunesse qui remplacent sous le régime de Vichy l’année de conscription et sont appelés aussi l’armée de l’armistice. Le camp de Brénod comptera près de 200 jeunes. Le camp dépend du centre de Jujurieux à une vingtaine de kilomètres. Les jeunes sont « blanchis » et portent tous la même tenue. Ils marchent au pas et montent les couleurs. A Brénod, ils font du bucheronnage et débitent du bois pour faire du charbon de bois qui sera utilisé dans les gazogènes. En 1942, le débarquement des Alliés en Afrique du Nord va déclencher l’occupation complète de la France. Ainsi Brénod voit passer des convois de blindés allemands dans ses rues. C’est le premier contact avec les troupes du Reich. L’occupation complète de la France va provoquer la chute du régime de Vichy. Ainsi, l’Allemagne prend le contrôle et va alors instaurer le STO2. Les jeunes Français de 20 ans sont envoyés en Allemagne pour travailler dans des usines. Entrainant la fin des chantiers de jeunesse. Cependant l’instauration du STO va provoquer un refus des jeunes Français d’aller en Allemagne. La seule solution pour eux est alors de prendre la fuite et de se cacher pour éviter les arrestations par les gendarmes. A Brénod il existait déjà de petits foyers de résistants. Ces hommes se cachaient et faisaient des « coups de mains » dans les chantiers de jeunesse pour se ravitailler. Le STO va générer un afflux massif de jeunes volontaires. La Résistance est alors composée de nombreux jeunes et d’anciens officiers de l’ancienne armée française. De plus elle compte dans ses rangs des « locaux » et une grande majorité de personnes du département. En effet, le plateau d’Hauteville-Brénod va accueillir des foyers de résistants car la région est montagneuse et il existe de nombreuses fermes isolées pour se cacher. A Brénod 1 2 Habitants de Brenod Service du Travail Obligatoire 4 et dans les environs, ils s’installent secrètement dans les fermes du Pré Guy, de Pré de Joux, du Molard et de Retord. La Résistance est mal équipée et manque cruellement de ravitaillement. Au départ, elle prend pour cibles les camps de jeunesse puis après leur dissolution s’attaquent aux commerces. Les maquis manquent de tout : armement, nourriture, carburant mais vont toutefois s’organiser comme une armée ; ce n’est pas pour rien qu’ils s’appelleront l’armée secrète. Des brigades et des groupes s’instaurent. Cependant il y a déjà des rivalités entre les FTP : Francs Tireurs Partisans et l’armée secrète. Les maquis, une fois organisés, vont alors commencer à recevoir le soutien des Alliés grâce aux parachutages et devenir de plus en plus confiants. Ainsi, le 11 novembre 1943, ils défileront même en ordre dans la ville d’Oyonnax où ils déposeront une gerbe à la mémoire des victimes de la Première Guerre mondiale. Toutefois comme on l’a dit, la Résistance comporte des personnes de tous horizons et inévitablement il y a des espions en son sein qui seront responsables de la mort de nombreuses personnes comme nous allons le voir. Le secteur de Brénod va devenir le lieu de rassemblement de nombreux maquis et va aussi accueillir le PC départemental dans la ferme du Molard. Les habitants se doutent de quelque chose mais leur seul contact avec la guerre sont les passages d’avions alliés qui partent bombarder de nuit l’Italie et le bruit de ces avions restera longtemps dans les mémoires. Carte représentant les maquis dans le département de l’Ain 5 Les évènements du mois de février 1944 Les activités de la Résistance ne vont pas restées impunies très longtemps. En effet, le 14 décembre 1943 à Nantua3, à environ 25 kilomètres de Brénod, a lieu la première rafle de civils. 150 personnes seront déportés : c’est l’une des premières répressions allemandes ce qui fait prendre conscience aux habitants de Brénod que la guerre est proche de chez eux et beaucoup de jeunes vont alors partir se cacher dans les fermes isolées. Le 2 février 1944, un important contingent d’Allemands se dirigeant vers la Haute Savoie se heurte à Ruffieu à un groupe de maquis qui va les contraindre à battre en retraite avec des morts et des blessés. Pendant que les habitants du village d’Hotonnes célèbrent les obsèques des hommes morts au combat, les Allemands préparent une opération d’envergure pour riposter. A l’aube du 5 février 1944, l’opération Caporal débute, déversant des troupes sur tout le plateau et dans le Valromey. Les Allemands établissent leur PC à Brénod, au Montoux mais la neige abondante ralentit leur avancée. Les fermes isolées sont évacuées par les résistants qui fuient pour échapper à la capture. Cependant trois résistants partis de la ferme de la Gouille font l’erreur de traverser la route départementale sur laquelle ils rencontrent un convoi allemand. Ils tentent de s’échapper mais sont immédiatement abattus. Un monument a été érigé sur les lieux de cet évènement tragique. Le 6 février commence le jour qui marquera à jamais l’histoire du village. Mon grand père ainsi que toutes les personnes présentes ce jour peuvent encore en témoigner de manière tellement spontanée et détaillée qu’il semble que c’était hier. A 8h00, la bourgade est encerclée par des soldats allemands et italiens sous la direction de la Gestapo et des SS. Il y a beaucoup de neige dans les rues et les soldats entrent dans les maisons en expliquant que c’est pour un contrôle. Au passage, ils se ravitaillent si le besoin s’en fait sentir. Ils obligent les hommes de 15 à 70 ans à se rendre à ce contrôle. Les soldats vont aussi piller la fromagerie mais aussi toutes les réserves de chocolat faites dans certains foyers. C’est un détail qui a marqué mon grand père : leur gourmandise pour le chocolat. Le rassemblement se fait sur la place du village ; les personnes comme mon grand père sortant de la messe sont aussi contraintes de rejoindre le contrôle. Le curé du village étant quasi bilingue tente d’obtenir sans succès plus d’informations. A 12h00 pour cause de tempête de neige, les hommes sont dirigés vers la salle des fêtes sans explication. L’attente commence avec son lot de questions. Les hommes sont autorisés à parler mais il reste des sentinelles à l’extérieur, de toute façon personne n’osait imaginer s’enfuir. La rafle de Nantua est dans toutes les têtes mais personne n’en parle. Il n’y a pas de WC ils doivent uriner par les fenêtres ; les jeunes tiennent les vieux pour ne pas qu’ils tombent... Vers 16H00, le contrôle des cartes d’identité est fait en bon ordre par un officier SS reconnaissable par sa casquette avec des têtes de mort. Deux colonnes parallèles sont faites. Mon grand père ayant 16 ans, il est dans celle des très jeunes et des anciens. 3 Chef lieu d’arrondissement 6 L’officier allemand monte sur la scène et dans un français impeccable annonce : « Le maquis est chez vous et vous ne voyez rien, vous avez voulu la guerre, vous l’avez. Votre village brûle aux quatre coins ». A l’extérieur des étincelles passent devant les fenêtres et l’odeur du feu envahit la pièce. « On pensait qu’on allait tous brûler dedans » explique mon grand père. Cependant ces flammes proviennent de l’incendie de la boulangerie où sont entreposées une importante quantité de bois et de farine. D’autres maisons subissent le même sort : la maison Massonnet, Tardy ou encore la fromagerie et chez Billémaz. Le garage Follet est quant à lui dynamité. Pendant ce temps, les fermes sont perquisitionnées : les Allemands traquent les maquis qui ont heureusement évacués les lieux. Les fermes du Molard, du Pré Guy, du Fort et deux fermes de Pré de Joux seront incendiées. Ces dernières le seront à l’aide de bombes incendiaires depuis un avion. Les Allemands projetaient aussi d’utiliser un canon pour viser les fermes. Dans l’après midi du 6 février 1944, mon arrière grand père et son cheval ont été réquisitionnés par les Allemands pour mettre en position un canon dans un champ enneigé afin de tirer sur les positions des maquisards. En effet du fait des dénonciations, les Allemands connaissent parfaitement leurs cibles. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. La rafle n’a pas été faite qu’au village, les Allemands sont aussi allés dans les fermes. La ferme du Cernay marquée d’une croix rouge sur les cartes des Allemands a subi ce sort. Mon arrière-arrière grand-mère et ses deux fils sont placés les mains sur la tête dans la cour sous la neige pendant la fouille de la ferme et le pillage de certains biens. Malgré l’arrestation de ses deux fils et leur départ, mon arrière-arrière grand-mère aura tout de même le courage de se plaindre à l’officier en charge de la fouille pour se faire restituer les bijoux dérobés par un soldat durant « le contrôle »… Elle se retrouve alors seule, dans une ferme isolée avec de nombreux animaux à s’occuper. Revenons maintenant à Brénod où l’attente et l’incertitude se font pesantes dans la salle des fêtes. Aux alentours de 19H30, des véhicules arrivent et la première colonne sort en rang de la salle des fêtes. L’officier précise aux autres : « vous ne bougez pas avant 20H00 montre en main ». Le convoi démarre vers l’inconnu dont certains ne reviendront jamais. A 20H00, le groupe sort constatant l’étendue des dégâts et étouffant les derniers incendies. Les Allemands sont partis mais maintiennent toujours leur PC au Montoux. Le lendemain, ils vont revenir pour occuper la Poste car c’est là que se trouve les moyens de communication. Dans la semaine suivante, les Allemands reviendront encore le mardi avec la Gestapo : « manteau de cuir et traction avant »4. Ils investissent la gendarmerie et reprochent aux gendarmes ne pas avoir faire leur travail d’arrestation des résistants malgré les soupçons sur plusieurs personnes. 5 gendarmes seront ainsi emmenés à leur tour. Les Allemands et la Gestapo ne sont pas venus seuls, ils sont accompagnés d’un SS en tenue. Cet homme connu de tous était quelque jours auparavant un « simple » habitant du village. Il était venu s’y installer et fréquentait beaucoup les cafés et les lieux publics du village, en fait à la recherche d’informations. Peu de temps avant l’arrivée des Allemands, il fut appréhender par la Résistance et emmener dans une ferme pour être interrogé. Les maquisards voulaient le tuer mais un officier de la Résistance a dit qu’il méritait d’être jugé et il resta emprisonné dans la ferme. Cependant, au début de l’opération allemande, les résistants se sont sauvés et l’ont laissé. Les soldats allemands l’ont délivré et ont pu se servir de ses informations. Cela explique pourquoi les incendies étaient ciblés et pourquoi les Allemands savaient où chercher. 4 Citation de mon grand père 7 Cela explique aussi la rafle des 5 gendarmes. Les maisons Raymond et Pélisson sont brûlées ce jour là. Le mercredi comme il neigeait toujours et que nombre de paysans étaient recrutés pour dégager les routes avec les chasse neige. Une voiture allemande s’arrête devant la maison familiale de mon grand père pour demander un cheval pour tirer l’automobile. Difficilement mon grand père, seulement âgé de 16 ans, explique qu’il faut des bœufs pour tirer un tel véhicule et appelle un cousin âgé de 14 ans ,ils vont donc avec leur attelage tirer sur 2 kilomètres la voiture en se disant qu’ils ne reviendraient jamais, leurs familles étaient mortes d’inquiétude compte tenu des évènements des jours précédents. Comme les bœufs fatiguent, les occupants de la voiture descendent tous, mon grand père reconnait à peine l’un d’entre eux : le notaire du village le visage tuméfié. Il apprendra plus tard qu’il était en fait un chef de l’Armée Secrète et il ne le reverra jamais. Une fois la voiture dégagée, les deux adolescents rejoignent aussi vite que possible leurs foyers. Les Allemands reviendront une ultime fois le dimanche suivant pour brûler l’Hôtel Guy et la maison du notaire. C’est alors la fin de l’opération allemande qui aura eu comme conséquence le départ de 34 personnes du village et la destruction de nombreuses habitations. Tout comme Brénod, d’autres villages du plateau ont subi un sort similaire. 5 personnes furent fusillés et des maisons brulées à Corlier, d’autres furent aussi fusillés à Evosges, Montgriffon et au Petit Abergement. Il y a aussi des rafles dans la ville d’Hauteville mais du fait de la présence des sanatoriums et de nombreux malades de la tuberculose, les arrestations furent ciblées. 4 km Villages ayant subis des représailles allemandes Premier accrochage entre maquis et convoi allemand Carte du secteur de Brénod Les Allemands mèneront encore une opération dans la région quelques jours après un parachutage important de matériels à Corcelles en juillet 1944 même s’il ne semble pas qu’il y ait de lien entre ce parachutage et l’attaque. Ils viendront aussi incendier une ancienne ferme des camps de jeunesse à la Batonnière. C’est aussi à cette époque que le drame de Dortan a eu lieu. L’ensemble du village est brulé sauf le château que l’officier allemand trouvait « beau »… 8 Les déportés Partis de Brénod, les déportés subissent un interrogatoire de la Gestapo à l’école de santé des armées à Lyon, ils rejoignent alors la prison de Montluc. Ils sont alors transférés au camp de Royallieu à Compiègne. De là les déportés ont pu envoyer des cartes postales et c’est le dernier lien qu’ils auront avec Brénod. A ce moment là, ils savent qu’ils iront en Allemagne pour travailler, comme pour le STO pensent-ils. Ils retrouvent de nombreuses personnes de la région. Le 22 mars 1944, tous ces hommes reçoivent une boule de pain et un morceau de saucisson. Ils embarquent alors dans des trains pour bétail où ils s’entasseront à près de cent par wagon. C’est le début du changement d’univers. Ce voyage inhumain durera trois jours et engendrera déjà la mort de déportés. Le 25 mars 1944, le train arrive à Mauthausen, le funestement célèbre camp de concentration classé catégorie 3 (la plus dure). Les déportés sont regroupés en colonne par 5 et une marche commence pour passer le célèbre portail du camp. Ils arrivent dans un univers où l’homme n’est plus qu’un numéro, une chose insignifiante où son espérance de vie ne doit pas dépasser 6 mois. Les bergnolands sont alors tondus, lavés et reçoivent une chemise, un caleçon et une paire de claquette. Une période de quarantaine débute alors pour « assouplir » les esprits avec son lot de sévices et de mauvais traitements. Ils sont alors répartis dans les kommandos de travail : Melk, Loibl-Pass, Linz, Neustadt, Wiener Neustadt, Wiener Neudorf, Gusen 1 et 2 et à Mauthausen. Nous ne nous étendrons pas sur les conditions de vie dans ces camps,elles ont fait l’objet de nombreux documents. On peut toutefois recommander trois écrits qui sont en bibliographie : Un nom entré dans l’histoire Mauthausen (HEIMDAL), Chemin de croix en 50 stations (BERNARD ALDEBERT) et Häftling Guy Niogret ; la deuxième publication a été tirée à 15 exemplaires et raconte la vie de déportés de Brénod, le dernier écrit est un petit livret écrit par Guy Niogret, dernier déporté encore en vie qui a encore refait récemment un voyage commémoratif avec des habitants du plateau sur les lieux. On peut seulement dire que l’une des caractéristiques de Mauthausen était sa carrière et ses 186 marches. Ces marches ont marqué à jamais tous ceux qui les ont empruntées. Plaques décrivant des lieux du camp de nos jours 9 Four crématoire entouré de bracelets et sculpture représentant un déportés nu dans le froid qui fut arrosé d’eau pour qu’il gèle Les déportés seront libérés le 5 mai 1945 par les Américains après la fuite des SS. Certains diront que si la guerre avait duré 2 mois de plus aucun ne serait revenu. Quelques déportés malgré les soins mourront avant leur retour au pays, pour certains, l’abondance de nourriture provoquera leur mort. Ils sont transférés vers des aérodromes où ils rencontreront des prisonniers de guerre qui, voyant leur état, leur laisseront la priorité pour le retour en France. A Paris, ils passeront par le célèbre hôtel Lutetia, centre de rapatriement. Ils sont alors douchés, désinfectés et retrouveront des vêtements propres. Après les formalités, ils reçoivent un bon de transport qu’ils utilisent immédiatement pour rejoindre Bourg en Bresse puis Brénod. La fin de la guerre à Brénod Durant la période de la déportation, les familles n’auront aucune nouvelle de leur proche en Allemagne, cependant l’espoir renaît en août 1944 quand un mois après l’opération allemande de juillet, l’armée de Delattre entre dans Brénod. Cette armée composée de pièces d’artillerie, de matériel et de nourriture logera une nuit à la salle des fêtes du village. Les habitants auront alors du ravitaillement et de l’essence pour quelques temps. Toutefois les armées reparties, Brénod est libre mais la guerre est encore loin d’être finie. Il faut attendre le 12 mai 1945 pour voir le retour des squelettiques déportés en habit rouge. Ils purent alors donner des nouvelles aux familles et énoncer la liste des victimes. Les retours s’échelonnent jusqu’au 9 juin 1944 avec ceux des prisonniers de guerre. Certaines familles sans nouvelles ont alors encore de l’espoir, il faut le garder car un prisonnier de guerre n’est revenu que le 15 août 1945 après un passage en URSS. Des déportés repassèrent par la Yougoslavie et Naples avant de rentrer. « Eux, ils étaient tout ronds » explique mon grand père, ils avaient été bien nourris dans ces pays. Quelques uns repartiront en revanche rapidement dans des hôpitaux car vivre dans des conditions précaires laisse des traces physiques. Les déportés ne parlaient pas de ce qu’ils avaient vécus, il fallait leur demander. Tous reprennent rapidement leur vie normale, certains participant même aux courses de ski de fond l’hiver suivant. Ils ont été marqués à jamais par ces événements et ils recevront, tout comme les prisonniers de guerre, la reconnaissance des habitants. Par exemple, aux élections municipales tous ceux qui se sont présentés furent élus. 10 Au final, 16 personnes trouvèrent la mort dans les camps et la population, tout comme le village, furent marqués à vie par ces évènements. De manière générale, c’est toute la région qui fut touchée et de nombreux monuments ont été érigés en mémoire de ces hommes Carte de déporté de mon grand oncle décédé à Mauthausen Livret de famille Anecdotes Ce qui est intéressant quand on écoute les récits de ces évènements par une personne qui les a vécus est le caractère spontané. Nous sommes replongés à cette époque avec tous les détails marquants. Mon grand père insista souvent sur le fait que la neige était abondante. Il fut marqué par les têtes de mort sur la casquette de l’officier SS ou encore par l’intonation sèche de la langue allemande, le visage marque par les coups du notaire capturé par les Allemands ou encore le goût des Allemands pour le chocolat. Il m’a raconté aussi quelques petites histoires. 11 Un hasard parfois troublant Dans la nuit du 5 au 6 février 1944, c'est-à-dire la veille de la rafle, un avion anglais Sterling avec 7 membres d’équipage s’écrase entre Hauteville et Champdor. Il devait parachuter du matériel mais il fut pris dans une tempête de neige et ne vit pas les signaux des maquis qui étaient déjà en fuite. Il s’écrasa sur la montagne et les corps des aviateurs furent retrouvés au printemps. Le maire avertit les autorités allemandes qui emmenèrent les corps à Lyon pour les enterrer. La vie ne tient parfois qu’à un fil Le 6 février 1944 au matin, un camion de l’armée italienne arrive dans Brénod et s’arrête devant une écurie où se tient un jeune commis de ferme. Le soldat lui demande un arrosoir d’eau pour le radiateur qui a surchauffé. Le jeune homme obtempère et le soldat l’avertit qu’il faut qu’il se cache, qu’il va y avoir une rafle dans peu de temps. Le jeune se met à l’abri dans la maison mais, par curiosité, ressortira 20 minutes plus tard et sera rassemblé dans la salle des fêtes alors qu’aucun soldat ne devait rentrer dans cette maison. Il ne reviendra pas des camps. Dans l’après midi du 6 févier 1944, les hommes sont dans la salle des fêtes mais les gendarmes sont gardés dans leur gendarmerie. Un soldat demande à un gendarme d’aller chercher au premier étage l’arme du chef de poste. Le gendarme prend la bonne direction mais tout à coup il s’enfuit dans les près avoisinants, il restera caché dans les bois jusqu’au départ des Allemands. Les soldats tirent sur lui sans succès. Quelques jours plus tard, la Gestapo reviendra et déportera les gendarmes restants. Dans la salle des fêtes, lorsque les deux colonnes furent constituées, une sentinelle se mis à patrouiller entre elles. Profitant d’un instant inattention de la sentinelle, un des hommes en âge de partir changea furtivement de colonne ; il avait compris le système. Les Allemands ne remarqueront rien et il restera au village pendant la durée de la guerre. L’inconscience de la jeunesse Certains jeunes de plus de 18 ans du village avaient décider d’habiter dans des fermes isolées par peur des Allemands (ferme du Molard). Toutefois le 5 février 1944 au soir, les maquis ayant quitté les fermes, ils décidèrent de regagner leur domicile alors que les Allemands se trouvaient à peine à 2 kilomètres. Au matin, l’un d’eux, habitant l’hôtel Guy, entend les Allemands dans l’escalier, il court se refugier au grenier avec sa couronne de pain. Il s’installe sur une poutre avec la couronne de pain. Son petit gabarit lui permit de ne pas se faire remarquer par les Allemands qui fouillaient la maison. Il restera perché toute la journée. Ce n’est que lorsque les étincelles provenant de la boulangerie attenante jaillissent devant les fenêtres qu’il décide bouger par peur d’un embrasement de sa propre maison. Il pousse alors avec ses pieds la lucarne pleine de neige. Il se sauve alors dans la montagne et dormira dehors quelques nuits avant de retrouver d’autres maquisards des secteurs environnants. 12 Conclusion Ce travail m’aura permis de transcrire la mémoire des personnes qui ont vécu ces événements tragiques. J’espère qu’il traduira la tragédie qui s’est déroulée à Brénod et le choc psychologique que cela a engendré sur les personnes encore très jeunes qui ont subi ces événements. De plus, il montre aussi le déchainement de la barbarie des nazis ainsi que leurs méthodes expéditives: qu’il s’agisse des représailles envers les populations civiles, de la déportation d’innocents ou des conditions de vie inhumaine des camps de concentration. Enfin j’espère que cela fera prendre conscience de la gravité de ces actes pour qu’à l’avenir cela ne puisse plus arriver. Bibliographie Un nom entré dans l’histoire Mauthausen, HEIMDAL Chemin de croix en 50 stations, BERNARD ALDEBERT Häftling, Guy Niogret Témoignages d’anciens du village de Brénod www.maquisdelain.org 13