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La vie plozévétienne
pendant la guerre 39-45
Sylviane Lety
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Avant propos
Avant de commencer ce récit de témoignages, je transcris, mot à mot, un récapitulatif retrouvé dans mes dossiers,
j’en ignore la provenance, ainsi que le nom de la personne qui en est l’auteur, si elle se reconnaît, espérons qu’elle
se fera connaître…
Les Batailles navales de la Baie d’Audierne d’Août 1944.
Après le débarquement allié sur les plages de Normandie, se formèrent sur les cites bretonnes (et ailleurs), des
poches de résistance organisées par les occupants et que les allemands qui n’avaient pas quitté la région, tentaient
de rejoindre. La plus importante était Lorient qui réussit à se maintenir longtemps et ne devait capituler qu’après
la mort d’Hitler. Mais, fallait-il encore pouvoir y parvenir…
A Brest, cernée par les troupes américaines, les marins de la 7ème flottille de patrouilleurs, après avoir sabordé
la plus grosse partie des bâtiments de la Kriegsmarine,tentent de sauver ce qui peut l’être encore, hommes ou
matériels de valeur, en essayant de forcer le blocus. Les allemands, peu ou mal informés ou tout simplement
tentant le tout pour le tout, vont organiser deux sorties. Mal leur en prit.
Le 12 Août, ce sont 3 patrouilleurs qui ont pour mission de regagner Lorient c’est vraisemblablement pour se
dissimuler autant que possible, qu’ils décidèrent de naviguer au plus près de la côte. Ils doivent donc longer la
baie d’Audierne. Mais, dans la nuit du 11 au 12 Août, 5 destroyers alliés croisent dans les parages, avertis d’un
mouvement en cours, convergèrent vers la baie et coupèrent ainsi la route aux 3 bâtiments allemands qui se
trouvèrent piégés. L’un d’eux, bien qu’endommagé, réussit tout de même à faire demi-tour, après avoir abandonné
une partie de son équipage à Plozévet. Le second, en rasant littéralement la côte, réussit à doubler la pointe de
Penmarch, mais le troisième, touché par un obus et en feu, vint s’échouer du côté de Tréguennec. Des morts, bien
entendu et, parmi les rescapés, beaucoup furent faits prisonniers. Un commando allemand, venu de Brest, tentera
bien de récupérer ceux qui avaient été débarqués à Plozévet, mais en vain.
Au cours de la nuit du 22 au 23 Août, ce sont 7 autres patrouilleurs qui vont tenter, de la même façon, en deux
convois de nuit également, de regagner Lorient mais, un croiseur et 2 destroyers alliés les bloquent dans la baie.
Face à d’authentiques bateaux de guerre, ce qui n’étaient là encore que des chalutiers armés, ne firent pas le poids.
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Pierre RIOU chez lui, à l’Hôtel des Bruyères, capteur amateur des messages
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« La buvette de l’Espérance »
Cette charmante maison est située non loin du menhir érigé à la mémoire du vaisseau « Les Droits de l’Homme »,
plage de Canté ; on la devine à la forme de son toit à 4 pans, au fond à droite de la photo. Nous remontons le
temps, plus de 70 ans en arrière, Alice raconte :
« … Nous vivions là, mes parents, mon frère, ma sœur et moi sans nous douter que cette guerre allait ainsi
bouleverser notre vie…Au tout début de la déclaration de guerre, fin Août - début Septembre 1939,nous vîmes
partir les hommes en âge d’être mobilisés, c’était encore l’été, devant la maison, il y avait la plage, ses grandes
marées et ses tas de goémon prêts à être brûlés.
En mai 1940, l’exode jeta sur les routes tous ceux qui fuyaient une région trop exposée aux désordres, nous vîmes
arriver une famille entière de la Somme, 14 personnes, dont un enfant, qui cherchaient un bateau pour gagner
l’Angleterre. Sur nos conseils, ils repartirent vers Poulhan, dans ce petit port, il y avait des embarcations plus
grandes que la modeste barque de pêche de notre père…
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Billet de banque en vigueur en 1940
Une autre fois, à la nuit tombante, ce furent onze Juifs, tous de noir vêtus, qui frappèrent à notre porte. L’un d’eux,
une valise à la main, l’ouvrit pour nous montrer l’argent qui, selon l’occasion, allait servir à monnayer, là aussi,
un éventuel voyage loin de France…
Nous les logeâmes dans « la chambre des Députés » un grenier au-dessus de l’étable, où passaient parfois la nuit
des clients un peu trop imbibés… Dès l’aube, le lendemain, ils partirent en longeant le bord de mer, ils voulaient
d’abord rejoindre Audierne et peut-être une solution à leur détresse…
Après le départ des Juifs, deux chalutiers de Vendée s’échouèrent sur les rochers de Kerrest ; sur l’un d’eux,
un disparu, sur l’autre, l’équipage sain et sauf. Une épaisse couche de goémon à cet endroit rendait les secours
difficiles.
Localisation de la pointe de Kerrest
L’année 1941 vit l’arrivée des premiers occupants de la Buvette de l’Espérance, des Allemands plus très jeunes,
réformés sans doute ; ils étaient 4, portaient une tenue militaire, étaient armés. On les disait Russes. L’entente
était bonne, ils achetaient leur nourriture sur place, dans les commerces des villages alentour, nous dépannaient
à l’occasion. A cette époque, déjà, le pain était noir, l’approvisionnement devenait difficile.
La maison fut séparée en deux parties, la porte de communication entre la buvette et l’habitation familiale fut
murée de moellons, chacun chez soi. Tout semblait aller bien…
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A partir de l’été 1941 commencèrent les travaux de construction des bunkers st du Mur de l’Atlantique,- mis
en place par l’organisation Toda-du nom du ministre allemand du Reich, pour l’armement et les munitions,
Fritz TODT.
D’abord ce furent l’extraction et le concassage des galets de Tréguennec qui débutèrent ces vastes travaux
(à Kerrest, sur le chemin qui contourne la pointe, les traces d’un bunker sont encore visibles ; en ce qui concerne
ceux de Pellan et Penhors, ils se retrouvent à présent loin du rivage).
A cette époque le ton de commandement change, les nouveaux arrivants sont de vrais soldats, jeunes, de très bons
cavaliers aussi. Un jour, par jeu ou par mépris du danger, l’un d’eux fit prendre de l’élan à son cheval et tenta de
le faire entrer dans la maison par la fenêtre ouverte… Plus tard, la maison se trouvant encerclée de barbelés, nous
dûmes nous exiler à la boulangerie Le Goff.
Nous sommes arrivés à Croc’h Crenn les mains vides, sans meubles, sans vaisselle, sans literie, avec juste un peu
de linge de rechange. Ce n’était pas dramatique pour autant, nous nous sommes adaptés, la solidarité de la famille
Le Goff et la débrouille nous ont permis de vivre, au mieux, cet exil sur commande. Le couvre-feu était de rigueur
dès 18 heures (à l’heure allemande).
A partir de 1942, aussi, des nids de résistance se mettent en place (Kerrest-Canté et Pellan).Il fallait se méfier
de tout et surtout des occupants qui parlaient et comprenaient le français. La fréquence des relèves était de
plus en plus rapprochée, avec des éléments de plus en plus jeunes et bien entraînés à la discipline militaire.
La cohabitation devenait de plus en plus pesante d’un côté comme de l’autre…
A l’issue du 1er combat, dans la nuit du 11au 12 Août 1944 (Forces alliées anglo-canadiennes contre navires
allemands), un navire ennemi, (en l’occurrence le V719) vint s’échouer sur les rochers de Poulbréhen.
Les blessés furent déposés dans la cour de la petite maison, non loin du rivage.
Il y eut des fugitifs, qui, débarqués de ce navire, allèrent se réfugier dans le bois de Kerguinaou et furent faits
prisonniers, ensuite, par les gars de la Résistance.
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Poulbrehen, de nos jours
Ce bateau, le V19, bien qu’endommagé, réussi à regagner Brest, avec un équipage réduit, sans son commandant,
resté sur place pour régler le problème des victimes décédées, des blessés installés dans une maison du rivage, le
médecin de la commune, le Docteur Domain et une infirmière, vinrent, sur place les préparer avant leur conduite
vers l’hôpital de Quimper. (Source : Les clandestins de l’Iroise, de René Pichavant.Tome 5)
Ensuite, une dizaine de jours plus tard, dans la nuit du 23 au 24 Août, il y eut un autre combat, plus violent. Dans
la mémoire collective des personnes de ma génération, la confusion est faite entre ces 2 dates, ce qui a surtout
marqué l’esprit des témoins de cette époque, ce sont les sons, la mitraille longue et bruyante de l’artillerie, et
le feu d’artifice des fusées éclairantes qui illuminaient le ciel, à plusieurs kilomètres du rivage, jusque dans les
bourgs littoraux, ce fut, en quelque sorte, le jour en pleine nuit…
Ce qui est troublant, poursuit Alice, c’est l’ironie du sort qui a fait que ce soit le même commandant qui eut
l’honneur, si on peut dire cela, de commander le même navire qui s’ échoua dans la nuit du 10 au 11 août , sur les
rochers de Poulbrehen,d’une part (il s’agit du V719, qui réussira à s’échapper et qui d’autre part se fera couler,
lors du 2ème combat, devant Penhors.. L’autre navire ennemi, le V721 sera coulé devant Pellan). Cet hommelà, et ses hommes ont, un temps occupé notre maison, avant d’être mutés ailleurs. Lors du 1er échouage, sans
dommage pour le bateau, quelques jeunes hommes ont affirmé avoir vu des armes et des bouteilles de cognac.
La nourriture proposée aux blessés était systématiquement refusée ; la règle en vigueur dans l’armée allemande,
interdisait d’accepter tout ce qui ne venait pas d’un militaire ami ou ennemi.
De ces deux navires, seul le V721était accessible à marée basse, devant Pellan ; le V719 n’était accessible que par
canot. Il y eut probablement des pillages. (Tome 2. Chroniques d’hier, Bohn-Le Berre-Le Bars)
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La maison assassinée
Aquarelle et témoignage d’Anna Chiquier-Le Floch (sept 2014)
Été 1940, j’avais 6 ans, mes deux frères Henri et Albert 5 et 1 an, mon grand-père Sébastien 68 ans, mon père
Sébastien (marin-pêcheur) 34 ans, ma mère Gaïd (cultivatrice). Notre maison : portait l’inscription « 1914 »,
cour fermée par un grand mur et jardin donnant sur le petit port de Canté.
Nous avons vu arriver les allemands par le chemin venant de Kerongard-Kerrest:side-cars,chevaux,soldats... Ils
s’installent derrière la maison.Les soldats profitent de cette journée très chaude pour se baigner... Le lendemain,ils
se sont dispersés : Penlan,Pouldreuzic, Tréogat... Ne reste à Canté (campement sous une grande tente, près du
treuil) qu’un petit détachement (une dizaine d’hommes). L’officier s’est installé dans la Buvette de l’Espérance,de
la famille BASTY.
Les premiers soldats sont plutôt polis, aimables et s’entraînent à défiler, à chanter mais en 1943 arrivent les
Caucasiens ( ou Ukrainiens ?) brutaux, les Russes blancs disait-on, qui terrorisaient les gens…
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Le 8 septembre 1942, jour du pardon de Penhors, nous recevons l’ordre d’évacuer la maison : une semaine pour
déménager et emménager chez notre oncle, Henri Le Goff, à Kergolier,dans une petite crèche, conditions très
rudimentaires car nous avions aussi une vache et un cochon !
Les voisins viendront aider à la démolition de la maison de Canté. Un peu plus tard, les autres habitants devront,
eux aussi, quitter Kerrest, pour y revenir quelques mois plus tard (Per Cabillic est allé à Kergolier, chez Jacques
Le Goff ; Jean Le Quéré à Lestuyen; Ton Corre, chez sa fille, Marie-Jeanne Le Pape à Méné Guret et la famille
Basty à Méné Guret également, chez Alain Le Goff, le boulanger du village).
En 1942, l’organisation Todt fait creuser le bunker (qui existe toujours !), les tranchées et deux Tobrouk à Canté
(postes de surveillance,équipés de mitrailleuses). Nous pouvions, avec autorisation, revenir cultiver nos quelques
champs de blé, pommes de terre, carottes, choux.
Mes frères et moi nous allions à l’école Georges Le Bail où il y avait des allemands partout …
Me sont restés gravés en mémoire les 2 combats navals du mois d’Août 1944 (nous étions dans l’abri creusé derrière
la maison qui nous servait de refuge). Nuit du 11-12 août, 1er combat naval ; nuit du 22-23 août, 2ème combat,
hécatombe en Baie d’Audierne. Ces combats sont très bien relatés dans « Pointe de Cornouaille 1940-1944 »
de Jean Jacques Doaré et Alain Le Berre.
Je revois encore les alignements de cadavres cachés sous des draps blancs, à Tal Menhir... En août 1944, les
Allemands quittent Plozévet avec armes,bagages et munitions. Tous mes camarades de la côte se sont retrouvés
au bourg pour fêter ce départ, mais les Caucasiens qui allaient sur Crozon, sont revenus et ont tué 3 personnes au
milieu du bourg et une troisième, dans son atelier, route de Pont L’abbé...
En 1947, mes parents ont reconstruits une maison, mais pas sur le même emplacement. Il y avait eu une quête
dans la commune pour nous aider matériellement. Heureusement que mon oncle et ma tante nous ont permis de
survivre durant ces cinq années (notre père, inscrit maritime, ne pouvait plus sortir en mer depuis Pors Poulhan).
Les pierres provenant de la démolition de la gare inexploitée depuis longtemps,furent également utilisées dans la
construction de cette nouvelle maison.
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Sauvetage de M. Le Pape
Rappel du sauvetage de Monsieur LE PAPE, de Landudec, sauvé de la noyade par un jeune Allemand basé près
du site avec son bataillon (16 juin 1943).
Le poteau retenant cet hommage, érigé en 2002, est fixé dans un des Tobrouk du bord de mer, il a parfaitement
résisté aux furieuses tempêtes de ces dernières années,
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Les Fraises de Septembre
Madame Jeanne Le Bail
(10/12/1903 - 06/10/1994)
Mercredi 9 septembre 1942.
Au fond du jardin, devant sa maison, Madame Le Bail s’occupe de ses fuits et de ses fleurs, elle entend une voix
à l’accent rugueux dire à Clara : « Nous voulons voir votre patronne. - Je suis là, c’est moi … »
On l’emmena, sans autre forme de procès…
Dans le bureau du juge d’instruction (où ?), elle reconnaît le personnage de la rue (Médicis se démenant de la
même manière sur son siège … Il en avait dénoncé bien d’autres… Madame Le Bail sera incarcérée à Fresnes
durant 5 mois, puis au fort de Romainville avant d’être transférée à Ravensbruck, d’où elle sera libérée par la
Croix Rouge suédoise, le 23 avril 1945.
Texte extrait des Clandestins de l’Iroise, tome 5, de René Pichavant.
Rue de Quimper, à droite, l’entrée de
la propriété Le Bail.( Photo J.Le Bourdon )
Kerfily
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Tuerie du 4 août 1944
rue de Pont L’Abbé
vue aérienne du bourg
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Ce 4 août 1944, mes amies et moi sommes rentrées plus tôt que d’habitude de la plage de Kerrest, alarmées
par une énorme fumée noire qui semblait venir d’Audierne,pour rrentrer nous avons pris les raccourcis, depuis
MénéGuré, Kerrien et le petit chemin qui débouchait au pignon de la boulangerie Gouzien. Il y avait foule au
bourg, les jeunes agitaient leurs drapeaux tricolores dans l’espoir de voir passer les jeeps de Alliés.
En fait, ce fut un autre spectacle qui s’offrit à eux, une escouade d’Allemands en déroute, fuyant le Cap Sizun,
cherchant à rejoindre leur commandement à Saint Nic, se mirent à tirer sur des hommes qui sortaient d’un
taxi, en tuant trois au bas de la rue, au centre du bourg et un autre, un peu plus haut, route de Pont L’Abbé, à
travers la fenêtre de son atelier.Ce fut la débandade, nous trouvâmes refuge dans une cour voisine, sous un tas de
paille, sous lequel se trouvait un souterrain, invisible de la rue des Figuiers. Un voisin, n’ayant plus le temps de
gagner son étable pour y laisser ses vaches qu’il ramenait du pré, les poussa dans une grange derrière une forge,
réquisitionnée depuis le début de l’occupation (juste devant le poste de la Kommandantur) et d’où mon père
avait été chassé... »
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Combat naval du 23 Août 1944, échouage du V721 à Pellan
Echouage du V721 le 23 août 1944
Ce combat naval a laissé un souvenir bruyant et éblouissant chez les témoins de l’époque, dans la nuit, les fusées
éclairantes, en action pour éclairer le site des opérations, devant Pellan et jusqu’à Pouldreuzic.
Le lendemain, toute la population se rendit sur place pour voir ce bateau démantibulé, pris d’assaut par les gars les
plus lestes et admirés de la plage par des familles entières, nous y étions aussi, je me souviens vaguement, ayant
déjà les yeux très fragiles, évoluant sur la grande plage, le dos au soleil, subjuguée par les ébats de deux chiens
au pelage clair, qui vivaient tranquillement, sans soucis des badauds inhabituels, leur idylle personnelle, peut-être
que cette histoire m’a t-elle été racontée, tant pis, je me l’attribue...
Billet de banque en circulation en 1944
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Témoignage de N.B-S .à la campagne,proche de Lesneut :
« Déjà, en septembre 1939, je suis intriguée par l’air préoccupé des adultes, aux enfants,on cache la vérité,je vois
des hommes mobilisés,quitter le village. En 1940, des Juifs arrivent vers le bord de mer, ils cherchent à gagner
l’Angleterre, et pensent trouver un bateau pour les y conduire.
L’exode de Juin 1940 voit affluer des masses de réfugiés venus de du Nord et de l’est, de Belgique, de Paris
surtout et aussi d’’Alsace, certains resteront plusieurs mois dans des logements provisoires mis à leur disposition,
bien intégrés à la population et ne sachant combien de temps peut durer ce conflit, ils exercent leur métier, si cela
est possible ou encore aident leurs voisins dans leurs travaux journaliers.
Il y avait des Allemands basés à l’école des Frères de Pouldreuzic. L’école de Lesneut, qui n’a pas été réquisitionnée,
est dirigée par le couple d’instituteurs, Monsieur et Madame Vazel. Après le primaire, je suis entrée, au bourg
cette fois, dans la classe de Madame Le Berre-Boutier (après le Certificat d’étude, cette classe correspondait à la
6ème de Cours Complémentaire). Nous sommes à la rentrée 1942, à cette date, j’entre en 5ème, la classe devient
mixte, nous sommes « Chez Jérôme » dans la grande salle des repas de noces,cette grande pièce est divisée en
3 parties, la 5ème, la 4ème et la 3ème. Les enseignants étaient M. Mao, M. Henry, Mlle Mocaër, M. Charles
Le Corre. Remarque de Noéllie au passage : le village de Kéristenvet, aujourd’hui, Kérilistanvet autrefois, ce nom
signifiait « village ker, de l’église, tlis, brûlée, tan = feu ».
Je me souviens d’entendre mes parents parler entre eux des occupants, des Russes, très mobiles, à cheval parfois
et, selon les escouades, certains étaient sévères quant au couvre-feu, surtout en été, il fallait rentrer les vaches de
bonne heure et faire en sorte que le travail soit terminé, à l’heure allemande...
En marge des combats navals de la nuit du 23-24 aout 1944, un mot : « Des résistants, sans doute avertis des
épreuves de force, prenaient leur petit déjeuner chez l’habitant, jusqu’à ce qu’une alerte provoqua la débandade
générale ce qui permit au chat de la maison de se régaler... ».
Des chevaux furent réquisitionnés par les occupants, on ne les vis plus durant leur service, après la déroute
annoncée, après la bataille navale, il fallait aller à Saint Nic pour les récupérer, encore fallait-il trouver un attelage
pour s’y rendre .Les chevaux et leur maître respectif se reconnurent, parait-il, cela fut certainement émouvants,
peut-être que l’animal fut même le premier à manifester sa joie, à l’écoute de la seule voix de son maître prononçant
un nom... le sien !
Le grain était moulu à Meil Keréniel, le pain cuisait chez Gentric à ty bos ou chez Lautrédou à Ty bos bihan.
Le rationnement dura jusqu’en 1947 pour les denrées d’épicerie, chocolat, Vache qui rit...
Il y avait aussi quelques moutons dans notre village, après abattage, la laine récupérée était nettoyée puis filée
et enfin tricotée. A Lababan, nous trouvions à peu près tout ce dont nous avions besoin :chaussons, casquettes,
bérets, boutons, chaussettes et même des chaussures, sans oublier le sabotier qui ne chômait pas. Il y avait même,
déjà à cette époque, une tricoteuse sur machine, Madame Guichaoua. Les couturières et les tailleurs, eux aussi,
avaient de quoi faire. Tout cela, bien sûr, quand les hommes, trop vieux pour être mobilisés, pouvaient encore
se rendre utiles... N’oublions pas les coiffes bigoudènes, elle avaient leur patronne, Madame Mazo.
Il n’y a pas eut beaucoup de chantiers d’habitation à cette époque, néanmoins, il y avait toujours un toit à recouvrir
et les chaumiers étaient là aussi, grimpés sur le toit des étables ou des remises... »
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Témoignage de Jean,Kermenguy,
« Je me souviens des colonnes de soldats venant de la Pointe du Raz et se dirigeant vers Quimper, les officiers
allemands à cheval ; la troupe à pied, ceux qui ne pouvaient plus marcher entassés dans des charrettes, tirées par
des chevaux réquisitionnés dans les fermes. Pour aller à l’école, à pied, nous longions la grande route, la peur au
ventre, craignant d’être arrêtés, à la déroute de 1944, j’avais 8 ans. Mon père était menuisier chez Cudennec, au
bourg ; il avait mis une roue plus petite que l’autre sur son vélo, pour que les soldats ne le lui volent pas...
A Ty Moguel, le père Claquin avait donné une bonne quantité d’avoine à ses 5 chevaux (il savait que les allemands
allaient venir les chercher, trop gavées, les bêtes étaient très énervées et ruaient dans l’écurie, n’en voulant pas,
les soldats étaient repartis, dépités.
Au moment de la débâcle, les Allemands, qui avaient beaucoup bu, tiraient sur tout ce qui pouvait servir de
cible, une balle perdue avait fait un trou dans la table de salle à manger de la famille Vigouroux, au bourg, près
de la menuiserie Cudennec. C’était la moisson, nous étions prévenu, les Allemands ne se contrôlaient plus.
Les cultivateurs ont arrêté de travailler, ma grand mère et moi nous nous sommes cachés dans les prairies avec
les vaches ; mon père, qui venait de Ménez Lamarzin avec un coq vivant, dut lui tordre le cou, parce qu’il faisait
trop de bruit...
Avec l’arrivée des Américains, à la libération, nous goûtèrent au chewing-gum gum, je l’avalais, comme les
autres bonbons, personne ne m’ayant dit qu’il fallait seulement le mâcher...
Je me souviens aussi des jeunes gens, en âge de se battre, (cela m’a sans doute été rapporté par ma grand-mère)
qui se cachaient dans les bois, pour échapper au STO.
Et pour finir, il y eut le retour de déportation de Mme Le Bail, nous sommes allés à sa rencontre, à l’entrée de
Plozévet, c’était la fête, je tenais un drapeau français, j’en étais très fier. »
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Les abris de fortune
N’oublions les nombreux abris qui furent installés, enterrés ou prévus (il y eut un tas de paille qui en fit l’office,
dans une cour de ferme, au bourg, en vue de la moisson qui devait se faire en cet été 1944).
A lézavrec aussi il y en avait un, bien occupé par les habitants du village, une des commerçantes, entre autre,
eut très peur, installée avec ses voisins dans ce refuge de fortune, elle s’aperçut soudain, qu’au lieu de cacher,
dans les plis de son vaste tablier de bigoudène, la boîte de fer-blanc qui contenait, sinon ses économies, du moins
la recette de quelques jours de l’épicerie buvette qu’elle tenait, elle avait tout simplement sauvé le même modèle
de boîte qui, lui, contenait la réserve de papier à cigarettes OCB…
Il y eut d’autres abris dans le quartier où nous vivions ma mère et moi,derrière le champ de l’oncle Jacques,
il suffisait de traverser la cour et d’enjamber un talus, nous étions entassés dans ,selon mes vagues souvenirs de
gamine de 5 ans,un long boyau souterrain, un banc s’adossait à l’un des murs. Maman avait emporté son petit sac
de coton rose, toujours intact dans une de mes innombrables boîtes, là-dedans se serraient ses trésors, quelques
sous, sûrement, mais surtout, la totalité du courrier que nous écrivait mon père depuis son départ et et sa captivité
en Silésie. Tout est ici, rangé et pas encore déchiffré, rien n’a été abimé, ni plié, chaque lettre encore dans son
enveloppe d’origine... Pourquoi une vision, en particulier à marqué ma mémoire ? Les voisins et quelques chiens
aussi, Flap y était, étaient installés le long des murs, il n’y avait de lumière que celle qi venait de l’entrée, orientée
au Nord, soudain, se détachant sur le carré clair, apparut une dame, la coiffe mal arrimée, un gand cabas à la main,
derrière elle, au loin, une épaisse fumée noire semblait venir de la décharge de Poulpry, en fait, plus tard nous
l’apprîmes, c’était un incendie sur Audierne, la gamine que j’étais à cette époque n’en sait pas plus, cette image
m’obsède encore parfois...
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Guillaume CABILLIC
Guillaume Cabillic, maître de manoeuvre des Forces navales françaises libres,
matricule 3575B28, la croix de Lorraine accrochée à sa poitrine.
Échappé de la poche de Dunkerque dans des conditions rocambolesques, ce marin d’une trempe exceptionnelle
refusa la défaite et rallia sans délai le général de Gaulle, en 1940.
L’histoire
Né à Plouhinec, Guillaume Cabillic (1908-1987) devient Bigouden lors de l’installation de ses parents à PorsPoulhan, à Plozévet. Il y est connu sous ses diminutifs bretons de « Lom » ou de « Laouic ». La proximité du
petit port suscite chez lui une vocation de marin. Après un apprentissage sur les dundees ou les thoniers à voiles,
il s’engage dans la Marine nationale.
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Dunkerque 1940
En mai 1940, il est maître de manoeuvre, patron du remorqueur Le Stiff au port de Dunkerque, où il vit avec son
épouse Anna et ses deux fillettes, Odile, 5 ans, et Annick, 4 ans. Après l’offensive allemande du 10 mai, sa famille
prend le dernier train partant de Dunkerque. « Avec une lessiveuse remplie de linge encore humide en guise de
bagage. »
Guillaume Cabillic est capturé fin mai avec son mécanicien dans les décombres de la ville. Ils s’échappent de
Zuydcoote (Nord) à la nage, de nuit, pour rejoindre la base encore aux mains des Français. Sortant de leurs poches
les injecteurs entourés de papier huilé (ils n’ont pas été fouillés), ils les remontent dare-dare à bord du Stiff. À sa
barre, Guillaume fait deux voyages de Dunkerque à Douvres, en Angleterre, avec des soldats fuyant l’invasion.
« Tu nous envoies dans un champ de mines, salaud », hurle un colonel qui lui plante son pistolet dans le ventre.
« Enlève ça. C’est moi le maître à bord. J’ai posé les mines », réplique Guillaume. Il perd une pale d’hélice à
Douvres et va à Cherbourg pour réparer. Le 18 juin, il sort son bateau d’urgence de la cale sèche, hélice inchangée,
et s’échappe une nouvelle fois en direction de Southampton, encadré par les obus des blindés de Rommel.
À bord du « Courbet »
Engagé dans les Forces navales françaises libres (FNFL) le 1er juillet 1940, il est à Porsmouth, à bord du cuirassé
Courbet, qui reçoit les volontaires de l’île de Sein. « Il a fallu leur apprendre à régler les fusées des obus qui
retombaient intacts sur la ville. On était la seule DCA du port. 350 bouches à feu tiraient sur les avions boches.
On nous offrait à boire gratis dans les pubs. »
« Léopard » et « Triomphant »
D’octobre 1940 à février 1941, il est sur le Léopard, escorteur des convois de l’Atlantique nord. « J’ai vu les
cargos de la Worms couler bas. Interdiction de s’arrêter pour recueillir les naufragés englués dans le mazout. On
passait au ralenti au milieu d’eux. On mettait des filets le long du bord, je descendais et j’attrapais ceux que je
pouvais. »
Depuis Greenoch en Ecosse, il effectue deux embarquements vers le cap des Palmes, au large du Liberia. De mai
1944 à mars 1945, il est dans le Pacifique sur le Triomphant, qui manque de sombrer dans un ouragan.
Pendant cinq ans, sa famille ne reçoit de lui qu’une carte postale portant son nom d’emprunt canadien. Démobilisé
en 1946, il s’embarque au commerce et à la pêche.
Naufragé du raz de Sein
« J’ai échappé vingt fois à la mort », disait-il en évoquant son extraordinaire odyssée du 10 novembre 1960. Alors
âgé de 52 ans, il est à bord du langoustier Perle des flots, en relâche à l’île de Sein. Vers 21 h, il accompagne à terre
son camarade des FNFL, Henri Thymeur, 60 ans, venu lui rendre visite. Une furie soufflant du sud pousse leur
minuscule canot dans le raz de Sein. Ayant perdu l’unique aviron, Henri Thymeur arrache une planche du fond
pour maintenir l’arrière au vent, tandis que Guillaume écope l’eau avec ses sabots. Transis, épuisés, ils luttent
ainsi toute la nuit et toute la matinée avant d’arriver à Porsouar, sur la presqu’île de Crozon, après dix-sept heures
de dérive.
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Jeunes filles et jeunes gens,quelques Allemands se trouvent dans la foule.
Enfants costumés.
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Spectateurs.
Carioles fleuries
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Marie-Jeanne Le Moal et Jeannette Le Bloas.
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Cortège d’enfants, rue de Lesplozévet.
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Les quatre drapeaux
Quatre drapeaux furent confectionnés dans l’atelier au 4 rue d’Audierne par Adolpne et Jacques Bourdon,
cela dès qu’ils surent que la victoire était proche. Sans doute furent-ils dénoncés car, un beau jour, ils furent
arrêtés par la Gestapo et emprisonnés à Quimper ; ils n’y restèrent pas longtemps. Dans un coin du grenier depuis
tout ce temps, ils viennent de sortir de leur cachette, quelques peu mal en pont, le plus solide est le soviétique et
le plus mal loti, celui des Etats-Unis.
Pendant que le père et le fils accomplissait cette besogne, l’autre fils, Jacques, vivait dans notre maison, au
numéro 19, vitres occultées et l’oreille collée à notre poste de TSF. En ce temps-là, les derniers temps de la guerre,
nous vivions chez les Bourdon, où nous nous sentions en sécurité, tous ensemble.
Le drapeau canadien n’a pas été confectionné dans l’atelier.
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Facture du poste TSF de 1941
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Le 06.01.1945
Séance ordinaire du conseil municipal de PLOZEVET.
Extrait.
Motion de confiance au Général de Gaulle,
Président du Gouvernement provisoire de la République.
« Le Conseil Municipal de Plozévet (Finistère), réuni sous la présidence de Mr Albert LE BAIL, maire, délégué
de l’Assemblée consultative provisoire, exprime au nom de la population tout entière de Plozévet, à Monsieur le
général de Gaulle, Président du Gouvernement provisoire de la République, son admiration et sa reconnaissance.
Les habitants de la côte bretonne, pendant les dures années d’oppression, d’humiliation et de servitude, avaient
mis toute leur confiance en lui.
Ils furent parmi les premiers de la Résistance, et beaucoup d’entre eux donnèrent pour la France et la République
leur liberté et leur sang.
Derrière le Général de Gaulle, auquel ils expriment leur entière confiance, ils sauront travailler et lutter pour la
sauvegarde et le relèvement de leur pays. »
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Le vote des femmes en France
L’ordonnance du 21 Avril 1944, prise par le gouvernement provisoire du Général De Gaulle à Alger, stipule que :
« Les femmes sont électrices et élligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Deux ans et demi plus
tard, le préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946 inscrit ce principe dans les princioes fondamantaux de
la République : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, les droits égaux à ceux de l’homme ».
1ère carte d’élection des femmes à Plozévet
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Oeuvres de chefs en péril
« Quiconque écrit l’histoire de son temps doit s’attendre qu’on lui reprochera tout ce qu’il a dit et tout ce qu’il
n’a pas dit. »
VOLTAIRE. Lettre à Valentin DE ROCHERET. 14 Avril 1732.
Merci à tous ceux et celles qui m’ont aidé et confié leurs souvenirs.
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