Klesis – 2015 : 31 – La philosophie de David Lewis (suite)
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dieux, mais tout le possible existe dans d’autres mondes. S’il est possible
qu’il y existe un Dieu et des dieux, et cela semble bien être le cas car la
notion de dieu n’est pas contradictoire en soi, alors il existe des dieux dans
d’autres mondes.
On a pu m’entendre dire, moi aussi, qu’il n’y a qu’un seul monde,
qu’il n’y a qu’un nombre fini d’ânes, ou qu’il n’y a pas de Dieu.
Mais en parlant ainsi, je restreins mes quantificateurs, tout comme
je regarde dans le frigidaire et que je dis qu’il n’y a pas de bière. Je
ne nie pas qu’il existe des bières hors du frigidaire, mais je l’ignore
dans mon propos. De même, je peux ignorer les autres mondes et
les ânes et les dieux alter-mondains, sans aucunement nier que, en
parlant de manière non restreinte, ils existent bel et bien. (Lewis,
2007, p. 214-5 [trad. modifiée])
L’athéisme de Lewis comme son matérialisme strict sont liés au
monde dans lequel nous vivons, à ce monde que nous pouvons désigner de
l’intérieur. Manifestant, à travers la rigueur de son analyse, une réelle
sensibilité aux thèmes moraux, au mal et à ce que l’on pourrait appeler le
silence de Dieu, la défense de cet athéisme repose essentiellement sur
l’argument du mal montrant que dans notre monde, la nature et la quantité
de mal sont logiquement incompatibles avec l’existence d’un Dieu bon.
Dans notre monde, l’athéisme de Lewis est une négation du Dieu du théisme,
définissable comme parfait, ayant toutes les perfections tels l’omniscience,
l’omnipotence, la bonté parfaite, l’amour parfait, le pouvoir de créer, etc.
Cependant, dans certains des mondes où le mal n’est pas le même, il existe
un Dieu parfaitement bon sans contradiction avec ce mal moindre ou
inexistant, ou bien encore, il existe des dieux moins parfaits (tels Zeus ou
Johnny Cash), dieux dont l’existence est compatible avec le mal même en
grande quantité. C’est pourquoi, il peut assumer cet étrange statut du
polythéiste le plus extrême tout en défendant un athéisme pour notre monde.
Comme l’a fait remarquer Peter Forrest, je suis peut-être le
polythéiste le plus extrême en circulation. Si, comme je le suppose,
un être n’a pas à satisfaire une description inconsistante pour être
un dieu, alors j’admets que le nombre de dieux est au moins 2.
Contrairement à la plupart des polythéistes, je pense néanmoins
que le monde dans lequel nous vivons est dénué de tout dieu.
(Lewis, 1983, p. xi, n. 4)
Cette position conjuguant polythéisme et athéisme peut paraître
extravagante. Je vais essayer dans la suite de cet article de la présenter