POLYCOPIÉ DES QUESTIONS DE PSYCHIATRIE POUR L'Examen Classant National PSYCHIATRIE GENERALE Version abrégée (Septembre 2007) Sous l'égide du Collège National Universitaire de Psychiatrie Coordination : Pr Thibaut (CHU Rouen), Pr Lejoyeux (CHU Bichat) TABLE DES MATIERES Première partie : Modules transdisciplinaires Module 1 : Apprentissage de l’exercice médical Question 1 - LA RELATION MÉDECIN-MALADE -L’ANNONCE D’UNE MALADIE GRAVE p 3 Question 9 - HOSPITALISATION A LA DEMANDE D'UN TIERS ET HOSPITALISATION D'OFFICE p5 Question 13 - ORGANISATION DES SYSTÈMES DE SOINS – FILIÈRES ET RÉSEAUX p 11 Module 2 : De la conception à la naissance Question 19 - TROUBLES PSYCHIQUES DE LA GROSSESSE ET DU POST-PARTUM p 15 Module 3 : Maturation et vulnérabilité Question 40 - SEXUALITE NORMALE ET SES TROUBLES p 19 Question 41 - TROUBLES ANXIEUX TROUBLES PHOBIQUES, TROUBLES OBSESSIONNELS COMPULSIFS, TROUBLES CONVERSIFS, ETAT DE STRESS POST TRAUMATIQUE ET TROUBLES DE L’ADAPTATION p 23 Question 42 - TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’ADULTE p 31 Question 43 - TROUBLES DU SOMMEIL DE L'ADULTE p 36 Question 44 - RISQUE ET CONDUITE SUICIDAIRES DE L’ADULTE : IDENTIFICATION ET PRISE EN CHARGE p 44 Question 45 - ADDICTIONS ET CONDUITES DOPANTES p 49 Question 46 – SUJETS EN SITUATION DE PRECARITE p 64 1 Question 47 - BASES PSYCHOPATHOLOGIQUES DE LA PSYCHOLOGIE MÉDICALE p 65 Question 48 – DIFFERENTS TYPES DE TECHNIQUES PSYCHOTHERAPEUTIQUES (en attente) p 68 Module 4 : Handicap – Incapacité - Dépendance Question 52 - LE HANDICAP MENTAL : TUTELLE, CURATELLE, SAUVEGARDE DE JUSTICE p 71 Module 5 : Vieillissement Question 63 - DEPRESSION CHEZ LE SUJET AGE p 75 Module 6 : Douleurs - Soins palliatifs - Accompagnement Question 70 - DEUIL NORMAL ET PATHOLOGIQUE (ENFANT ET ADULTE) p 77 Module 10 : Cancérologie – Onco hématologie Question 142 - PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D’UN MALADE CANCÉREUX À TOUS LES STADES DE SA MALADIE : PROBLÈMES PSYCHOLOGIQUES p 79 Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique - De la plainte du patient à la décision thérapeutique - Urgences Question 168 - EFFET PLACEBO ET MÉDICAMENTS PLACEBO p 82 Question 177 - PRESCRIPTION ET SURVEILLANCE DES PSYCHOTROPES p 83 Question 183 - ACCUEIL D'UN SUJET VICTIME DE VIOLENCES SEXUELLES p 99 Question 184 - AGITATION ET DELIRE AIGU p 102 Question 191 - CRISE D’ANGOISSE AIGUË ET ATTAQUE DE PANIQUE p 107 Deuxième partie : Maladies et grands syndromes Question 266 – NÉVROSE (ne figure plus au programme) p 110 Question 278 - PSYCHOSES ET DELIRE CHRONIQUE p 114 Question 285 - TROUBLES DE L'HUMEUR - TROUBLES BIPOLAIRES p 122 Question 286 - TROUBLES DE LA PERSONNALITE p 128 Question 289 - TROUBLES SOMATOFORMES p 132 2 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 1 : Apprentissage de l’exercice médical Question 1 - LA RELATION MÉDECIN - MALADE : L’ANNONCE D’UNE MALADIE GRAVE Rédaction : M. Escande Résumé : V. Fruntes et F. Limosin Objectif général : Connaître les grands principes de la relation médecin-malade La relation thérapeutique médecin-malade est déterminée par de nombreux facteurs, individuels et socioculturels. De même que le malade réagit à sa maladie en fonction de sa personnalité propre, le médecin réagit face à son malade par un certain nombre d’attitudes conscientes et inconscientes qui dépendent de sa personnalité et de son histoire, et qui sont susceptibles d’infléchir le cours de la relation thérapeutique. Les caractéristiques générales de la relation médecin-malade Par ses symptômes, le malade ne demande pas qu’au médecin-technicien de le guérir de sa maladie. Les autres attentes sont celles de soutien, de réassurance, de sécurité voire d’affection. Le patient demande donc à son médecin une véritable relation affective et une disponibilité, qui doivent rester compatibles avec l’exigence de neutralité qui incombe au médecin. Le médecin réagit devant son malade non seulement comme un technicien averti des maladies, mais se montre également plus ou moins sensible à la souffrance de l’autre, en fonction de sa propre histoire. Ainsi la relation médecin-patient a les caractéristiques suivantes : -C’est une relation fondamentalement fondée sur l’inégalité et l’asymétrie, puisque la demande du patient le rend passif et dépendant, et puisque sa souffrance le mobilise et le diminue. -C’est une relation d’attente et d’espérance mutuelle : le malade attend la guérison ou au moins le soulagement, le soignant la reconnaissance de son pouvoir réparateur. -C’est une relation où le lieu d’échange est avant tout le corps mais où la parole a sa place. -C’est une relation de confiance non égalitaire, impliquant la distance et l’asepsie. L’apport du modèle psychanalytique La théorie psychanalytique a défini le concept de transfert. Il s’agit des réactions affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le patient à l’égard de son médecin. En effet, dans le cadre de la relation médecinmalade des désirs inconscients sont actualisés et un certain nombre de désirs insatisfaits du patient vont se projeter sur la personne du médecin en ce qu’il représente – inconsciemment – un autre personnage. La théorie psychanalytique a aussi défini le concept de contre-transfert comme les réactions affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le médecin vis à vis de son patient. Le plus souvent, le contretransfert est positif, permettant une relation médecin-malade de qualité caractérisée par l’empathie du médecin et une action thérapeutique efficace. Un contre-transfert excessivement positif risque de conduire à une identification massive au malade et/ou à une perte d’objectivité dans les soins. Ailleurs, un contre transfert négatif induisant l’agressivité et des frustrations excessives du malade peut être à l’origine d’échecs de la relation thérapeutique. Il en est de même pour une absence de contre-transfert qui peut conduire à une froideur excessive. L’apport des travaux de M. Balint M. Balint, psychanalyste hongrois, a développé une modalité originale d’approche de la relation médecinmalade. Ces travaux sont issus de quelques constatations : 1.Il existe un certain nombre d’insuffisances de la médecine traditionnelle, qui étudie plus les maladies que les malades. 2.Un tiers de l’activité professionnelle d’un médecin généraliste ne relève que d’une action psychothérapeutique. 3 3.La relation médecin-malade s’organise entre 2 pôles extrêmes de domination et de soumission auxquels correspondent le pouvoir du médecin et la fragilité du malade. Pour Balint, le médecin est un remède en soi, même si son action est médiatisée par un médicament. Ainsi, une meilleure maîtrise de la relation inter-individuelle doit permettre au médecin d’établir avec son patient un échange affectif qui aura des vertus curatives. Les obligations liées à l’information, au consentement éclairé du patient, ainsi qu’à la communication du dossier médical, ont fait évolué la relation médecin-patient d’une position médicale « paternaliste », trop inégalitaire, à une relation plus « autonome » du patient. En pratique, et pour respecter le patient sans se dédouaner de son rôle, le médecin se devra d’expliquer sa maladie au patient en adaptant son langage à celui du patient. Quelques situations pratiques Face à l’angoisse du patient : L’attitude la plus adaptée est une écoute bienveillante, centrée sur les préoccupations du malade, associée à une attitude de ré-assurance et d’explication des symptômes. Face à l’agressivité : Les réactions d’intolérance, voire d’agressivité, du médecin face à l’agressivité du patient sont fréquentes. Ces réactions sont à éviter car elles entraînent souvent une escalade dans l’agressivité et une rupture de la relation thérapeutique. L’attitude la plus adaptée consiste, dans la mesure du possible à reconnaître et nommer l’émotion du patient, ne pas refuser le principe du dialogue mais sans chercher à discuter rationnellement. Face à l’hypocondrie : L’hypocondriaque confronte le médecin à l’impuissance thérapeutique. Si le médecin l’accepte, il évitera toute surenchère de médicalisation qui pérenniserait les troubles voire les aggraverait. 4 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 1 : Apprentissage de l'exercice médical Question 9 - HOSPITALISATION A LA DEMANDE D'UN TIERS ET HOSPITALISATION D'OFFICE Rédaction : JP Lépine, S Arbabzadeh-Bouchez, N. Lafay, JL Senon Résumé : P Domenech et N Franck Objectif général : Argumenter les indications, les modalités d'application et les conséquences de ces procédures. La Loi du 27 Juin 1990 est relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et a pour objectif de protéger les libertés individuelles. Elle précise les droits généraux des patients présentant des troubles mentaux lors de leur hospitalisation et a amélioré le contrôle des conditions d’admission de ces patients hospitalisés par rapport à la loi de 1838 qu’elle a remplacé. Le droit du patient à une information sur sa situation juridique et ses droits demeure toujours intact, ainsi que la communication avec les autorités, l’émission et la réception de courrier, consultation du règlement intérieur de l’établissement… Hospitalisation libre L’hospitalisation libre est le régime habituel d’hospitalisation dans les hôpitaux généraux publics. L’état de santé du patient justifie des soins hospitaliers. Le malade est consentant aux soins, et donne lui-même l’autorisation éclairée à leur réalisation. Le consentement du malade est recevable si l’altération éventuelle de ses capacités mentales n’altère pas son libre arbitre. Il peut donc comprendre l’information donnée sur sa maladie, et l’intérêt des soins proposés. Le cadre légal est prévu par la loi du 27 juin 1990 et repris par l’article 3211-3 du Code de la santé publique. En cas de demande d’interruption des soins par le patient, contre l’avis de son médecin qui estime que cela l’expose à un risque, celui-ci demande la signature d’une décharge précisant que la sortie se fait contre avis médical. Si le patient refuse de signer ce document, ce refus doit être constaté par deux témoins, pouvant appartenir au personnel soignant. Hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) L’HDT est justifiée lorsque la pathologie présentée par le patient rend son consentement éclairé au soin impossible, que celui les refuse et que son état rend indispensables des soins immédiats avec surveillance en milieu hospitalier. Dans ce cas, une tierce personne peut faire la demande d’admission. Le tiers peut être un membre de la famille, un proche ou tout autre personne agissant dans l’intérêt du patient à l’exclusion des personnels soignants ou de direction de l’établissement hospitalier d’accueil (par contre une assistante sociale peut être acceptée comme tiers). Dans le cas d’un mineur, l’HDT n’a pas de support légal : il appartient au titulaire de l’autorité parentale de prendre la responsabilité de l’hospitalisation. Quels sont les certificats nécessaires pour hospitaliser un patient en HDT ? Demande d’hospitalisation émanant d’un tiers : il s’agit d’une demande manuscrite et signée par le tiers. Elle doit précisément identifier le tiers et le patient et doit impérativement comprendre les informations suivantes : nom, prénom, âge, profession et domicile de la tierce personne demandant l’hospitalisation et du patient, ainsi que la nature de ces relations avec ce dernier. (voir annexe 2A) Deux certificats médicaux : datant de moins de 15 jours, rédigés par des médecins titulaires d’une thèse de médecine, non obligatoirement psychiatres et inscrits au Conseil de l’Ordre. Il est impératif de respecter un certain formalisme lorsque ces certificats sont rédigés, sous peine de nullité et de levée de la mesure (voir annexe 2B). Le premier certificat est rédigé par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement hospitalier où le patient sera admis en HDT. Ce médecin ne peut être parent jusqu’au 4ème degré ou « allié » avec le patient, la tierce personne demandant l’hospitalisation, le directeur de l’établissement d’accueil ou le deuxième médecin certificateur. 5 Le second certificat médical doit être rédigé par un médecin titulaire d’une thèse de médecine, inscrit au Conseil de l’Ordre des Médecins, non obligatoirement psychiatre et pouvant être attaché à l’établissement qui accueillera le patient. Ces 2 médecins ne peuvent être alliés ou parents jusqu’au 4 ème degré inclus, entre eux, avec le directeur de l’établissement, le tiers demandeur, ou le patient hospitalisé. Ainsi, le médecin a la possibilité de rajouter la phrase suivante à la fin de son certificat : « Je certifie par ailleurs n’être ni parent ni allié au 4 ème degré inclusivement avec la personne hospitalisée et le tiers demandant l’hospitalisation ». Ces deux certificats ont pour but d’identifier le médecin rédacteur et le patient examiné, de préciser les signes cliniques constatés, sans mention explicite de diagnostic, et d’expliquer en quoi elles justifient la nécessité de soins immédiats en milieu hospitalier, et attestent que l’obtention d’un consentement éclairé au soin est impossible. Tout fait non directement constaté doit être rapporté au conditionnel, en précisant sa source. Enfin, Il précise le cadre légal dans lequel se fait l’hospitalisation : Art. L. 3212-1 du code de la santé publique en cas d’HDT ou, à titre exceptionnel et uniquement en cas de péril imminent pour la santé du patient, selon une procédure d’« HDT d’urgence », selon l’art. L. 3212-3 du code de la santé publique. Celleci autorise l’admission contrainte en milieu hospitalier à la vue d’un seul certificat (il n’y a alors pas de deuxième certificat médical). Le reste de la procédure est par ailleurs identique à celle de l’HDT « classique ». La photocopie des papiers d’identité du tiers demandeur et du patient après vérification des identités. Quels sont les certificats nécessaires pour maintenir l’hospitalisation à la demande d’un tiers ? Chaque patient hospitalisé en HDT devra faire très régulièrement l’objet d’un certificat médical circonstancié justifiant son maintien sous ce mode d’hospitalisation. Ils sont rédigés selon le même modèle que le premier certificat. Le certificat immédiat, dit « des 24 heures », rédigé par un médecin obligatoirement différent des 2 premiers Le certificat de quinzaine, rédigé dès le 12ième jour après l’admission sous ce mode. Les certificats mensuels, rédigés de mois en mois après la quinzaine. Le premier certificat mensuel est rédigé un mois après l’admission, donc 15 jours après le certificat de quinzaine. Quelles sont les modalités de levée d’une hospitalisation à la demande d’un tiers ? Une fois le patient hospitalisé, la levée de l’HDT peut être obtenue de diverses façons : Soit par un membre de la famille (conjoint, ascendants, descendants majeurs) ou par la personne qui a signé la demande d’admission à moins qu’un parent jusqu’au 6 ème degré inclus s’oppose à cette décision sans consultation du conseil de famille, Soit après un certificat médical « de levée d’HDT » émanant d’un psychiatre exerçant dans l’établissement, Soit automatiquement par non production des certificats de quinzaine ou des certificats mensuels, Soit par décision judiciaire prononcée par le président de grande instance qui peut être saisi par le procureur de la République, le patient et toute personne lui portant intérêt. Hospitalisation d’office (HO) L’HO concerne les patients compromettant l’ordre public et la sécurité des personnes. Il s’agit alors d’une mesure administrative prise par le préfet du département (préfet de police à Paris). La loi du 4 mars 2002 subordonne l’hospitalisation d’office à trois conditions : l’existence d’un trouble mental, la nécessité de soins de ce trouble, et une atteinte grave à l'ordre public. Dans la procédure courante (Art. L. 3213.1), un médecin extérieur à l’établissement rédige un certificat médical circonstancié et le préfet prononce, au vu de celui-ci, l’hospitalisation d’office. Dans la procédure d’urgence (Art. L. 3213.2), en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, le médecin atteste par un avis médical circonstancié (suivant le modèle d’un certificat) de la dangerosité du patient. Le maire (commissaire de police à Paris) peut alors prendre des mesures d’urgence et signer un arrêté provisoire sur lequel le préfet statue sous 24 heures. Faute de confirmation préfectorale, l’arrêté provisoire du maire est caduc après 48 H. 6 Une forme particulière d’HO découle d’un non-lieu judiciaire après application de l’article 122-1 du Code pénal qui établit l’irresponsabilité pénale. Dans ce cas, la sortie ne peut être prononcée par le préfet qu’après deux expertises indépendantes et convergentes. Quels sont les certificats nécessaires pour maintenir l’hospitalisation d’office ? Tout comme pour l’HDT, la production de certificats après examen du patient hospitalisé en HO est obligatoire. Un certificat immédiat doit être établi dans les 24 H par un psychiatre de l’établissement. Un certificat de quinzaine puis des certificats mensuels, devant être rédigés sur le modèle du certificat initial selon le même calendrier que dans le cas de l’HDT (cf. 2.2). Quelles sont les modalités de levée d’une hospitalisation d’office ? Une hospitalisation d’office peut être levée de différentes manières, par décision préfectorale: soit par la production d’un certificat de demande de levée d’HO, rédigé par un psychiatre et transmis dans les 24 heures au préfet qui doit statuer sans délai, soit par décision judiciaire, comme dans le cas d’une levée d’HDT où le président du tribunal de grande instance peut être saisi par le procureur de la République, le patient ou toute personne lui portant intérêt, soit après expertise de 2 psychiatres n’appartenant pas à l’établissement et choisis par le représentant de l’état, établissant que le patient n’est dangereux ni pour lui-même ni pour autrui. 7 ANNEXE 1 : TABLEAU RECAPITULATIF HL Demandeur Libre choix du lieu de soin Certificat médical Permissions Certificats médicaux Libertés générales Sortie HDT Le malade lui-même Total Un tiers Total (CHS) Simple certificat 2 certificats médicaux HDT Péril Imminent (L. 3212-3) Un tiers Total (CHS) HO Arrêté préfectoral non Un seul certificat médical Un certificat médical confirmant le péril imminent Autorisées par le Nécessité d’un certificat Nécessité d’un certificat de Sur autorisation du préfet directeur après avis de situation transmis au situation transmis au préfet du médecin préfet Aucun Certificat de 24 H, de Certificat de 24 H, de Certificat de 24 H, de quinzaine puis mensuels quinzaine puis mensuels quinzaine puis mensuels Celles de tout citoyen Limitées à celles rendues Limitées à celles rendues Limitées à celles rendues nécessaires au nécessaires au traitement nécessaires au traitement traitement Sur avis du médecin Sur avis du médecin Sur avis du médecin Arrêté préfectoral Contre avis médical Absence des certificats Absence des certificats Absence des certificats réglementaires réglementaires réglementaires Sur demande de toute Sur demande de toute Après expertise de deux personne en dehors du personne en dehors du psychiatres patient lui-même patient lui-même Sur décision judiciaire ANNEXE 2 : EXEMPLES PRATIQUES Hospitalisation à la demande d’un tiers DEMANDE D'HOSPITALISATION SUR DEMANDE D'UN TIERS (modèle de demande à remplir par le tiers) Je, soussigné, …………….(nom, prénom et nom de jeune fille s'il y a lieu), Domicilié à ………., né le XX/XX/XXXX à ……….., exerçant la profession de ……….. (Identification précise de l’état civil du tiers) Ayant tel degré de parenté avec le malade ou telles relations avec le malade Demande l'admission en hospitalisation sur demande d'un tiers dans le service de psychiatrie de De M. …………..(nom, prénom et nom de jeune fille s'il y a lieu), Domicilié à ………., né le XX/XX/XXXX à … …….., exerçant la profession de ……….., fils de ………..et de ………..(nom de jeune fille de la mère) (identification précise de l’état civil du patient) Suivant le certificat médical délivré par M. ………….., exerçant à …………. (identification précise de l’état civil du signataire du premier certificat) à Signature le NE PAS OUBLIER LA PHOTOCOPIE DES PIECES D’IDENTITE DU TIERS DEMANDEUR ET DU PATIENT AFIN DE VERIFIER LES IDENTITES DES PROTAGONISTES. 8 HOSPITALISATION SUR DEMANDE D'UN TIERS (modèle de certificat à rédiger par le médecin) (1er certificat Médical : Médecin extérieur à l’établissement d’accueil, 2ème certificat : Médecin extérieur ou de l'établissement) Je soussigné, Docteur …… exerçant à …….. certifie avoir examiné ce jour (identification du médecin ) De M. ………….. (nom, prénom et nom de jeune fille s'il y a lieu), Domicilié à ………., né le XX/XX/XXXX à ……….. (Identification de l’état civil du patient) Et avoir constaté les troubles suivants : (décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation, délire, idées de suicide... en insistant sur les éléments cliniques préoccupants qui permettent aussi d’apprécier les raisons de l’absence de consentement et l’urgence des soins appropriés ; il n’est pas obligatoire de mentionner le diagnostic) En conclusion, ces troubles rendent impossible l’obtention de son consentement éclairé. Son état impose des soins immédiats et une surveillance constante en milieu hospitalier. Ceci justifie son hospitalisation sur demande d'un tiers dans un établissement mentionné aux articles L.3212-1 du code de la santé publique en vertu de la loi du 27 Juin 1990. Date et signature du médecin HDT « D’URGENCE », uniquement en cas de péril imminent (Certificat unique en cas d'urgence établi par un seul médecin) Je soussigné, Docteur …… exerçant à …….. certifie avoir examiné ce jour (identification du médecin ) De M. ………….. (nom, prénom et nom de jeune fille s'il y a lieu), Domicilié à ………., né le XX/XX/XXXX à ……….. (Identification de l’état civil du patient) Et avoir constaté les troubles suivants : (décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation, délire, idées de suicide... en insistant sur les éléments cliniques préoccupants qui permettent d’argumenter la notion de péril imminent et aussi d’apprécier les raisons de l’absence de consentement et l’extrême urgence des soins appropriés ; il n’est pas obligatoire de mentionner le diagnostic) En conclusion, il existe un péril imminent pour la santé du malade. Ces troubles rendent impossible l’obtention de son consentement éclairé. Son état impose des soins immédiats et une surveillance constante en milieu hospitalier. Ceci justifie son hospitalisation sur demande d'un tiers dans un établissement mentionné aux articles L.3222-1 du Code de la santé publique en vertu de la loi du 27 Juin 1990 et conformément à l’article L.3212-3 du même code. Date et signature du médecin 9 HOSPITALISATION D'OFFICE (procédure normale, un seul médecin extérieur) Je soussigné, Docteur …… exerçant à …….. certifie avoir examiné ce jour (identification du médecin ) De M. ………….. (nom, prénom et nom de jeune fille s'il y a lieu), Domicilié à ………., né le XX/XX/XXXX à ……….. (Identification de l’état civil du patient) Et avoir constaté les troubles suivants : (décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation, violence, délire, idées de suicide... en insistant sur les éléments cliniques démontrant la dangerosité pour le malade et ses proches en rappelant l’absence de consentement et l’urgence des soins appropriés ; il n’est pas obligatoire de mentionner le diagnostic) Ce comportement compromet gravement l'ordre public et la sûreté des personnes. Son état justifie son hospitalisation d'office dans un établissement mentionné aux articles L.3222-1 du Code de la santé publique en vertu de la loi du 27 Juin 1990, en application de l'article L.3222-1 de ce même code. Date et signature du médecin HOSPITALISATION D'OFFICE (procédure d'urgence : Certificat médical type, un seul médecin extérieur) Je soussigné, Docteur …… exerçant à …….. certifie avoir examiné ce jour (identification du médecin ) De M. …………..(nom, prénom et nom de jeune fille s'il y a lieu), Domicilié à ………., né le XX/XX/XXXX à … …….. (Identification de l’état civil du patient) Et avoir constaté les troubles suivants : (décrire l’état mental du malade et son comportement, agitation, violence, délire, idées de suicide... en insistant sur les éléments cliniques démontrant la dangerosité pour le malade et ses proches en rappelant l’absence de consentement et l’urgence extrême des soins appropriés ; il n’est pas obligatoire de mentionner le diagnostic possible). Ce comportement compromet gravement l'ordre public et la sûreté des personnes. Son état justifie son hospitalisation d'office dans un établissement mentionné aux articles L.3222-1 du Code de la santé publique en vertu de la loi du 27 Juin 1990, en application de l'article L.3222-1 de ce même code. Date et signature du médecin 10 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 1 : Apprentissage de l’exercice médical Question 13 - ORGANISATION DES SYSTÈMES DE SOINS – FILIÈRES ET RÉSEAUX Rédaction : M.C.Hardy-Baylé Résumé : P. Delamillieure Objectifs généraux : Expliquer les principes de l’organisation du système de soins propres à la psychiatrie Expliquer les principes et finalités des filières et réseaux de soins en psychiatrie Objectifs spécifiques : Connaître l’organisation de la psychiatrie publique centrée sur le secteur Connaître les diverses structures de soins en psychiatrie, hospitalières et extra-hospitalières : rôle, fonctions, indications Connaître le dispositif (hospitalier et extra-hospitalier) de prise en charge des urgences psychiatriques Les réseaux de santé dans les textes Les réseaux ont été développés à l’initiative des professionnels soignants et ont concerné les pathologies dans lesquelles l’interdépendance d’acteurs différents était forte (ex. pathologie sidéenne). L’article L. 6321-1 du Code de la santé publique précise les missions des réseaux de santé : « les réseaux de santé ont pour objet de favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de l’éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins. Ils peuvent participer à des actions de santé publique. Ils procèdent à des actions d’évaluation afin de garantir la qualité de leurs services et prestations ». Ce texte, en formalisant les missions d’un réseau de santé, le distingue d’une part de toute offre de soins existant déjà (notamment, pour la psychiatrie, de l’offre publique du secteur psychiatrique) et d’autre part de toute forme de collaborations confraternelles classiques (du type, réseaux personnalisés et informels de correspondants habituels que possède tout médecin ou professionnel sanitaire ou social). Le texte présuppose que de tels réseaux sont nécessaires pour permettre d’améliorer l’offre de soin là où un acteur (ou une institution) pris isolément ne pourrait le faire. Deux types de démarches différentes, toutes deux impliquant des liens partenariaux entre divers professionnels, peuvent relever de cette définition « globale » d’un réseau de santé. •La première démarche caractérise des réseaux de prise en charge de pathologies spécifiques, s’appuyant sur des protocoles de soins pour lesquels un consensus existe. •Ces réseaux visent à répondre à un problème de santé publique pour lequel des protocoles de soins existent ou seront rapidement élaborés. La démarche repose sur une prise en charge selon un protocole médical et organisationnel défini, appliqué par les différents professionnels en charge du patient pour une pathologie spécifique. •L’évaluation de ce type de réseau repose pour l’essentiel sur des données liées à la file active (nombre de patients pris en charge dans le réseau, difficultés rencontrées dans l’application du protocole (sortie des patients du protocole, situations d’urgence ….) et sur l’élaboration et les évolutions du ou des protocoles de soins pour les patients présentant la pathologie « cible » du réseau. •L’autre démarche caractérise les réseaux de coordination, (précédemment nommés réseaux secondaires) qui posent le partenariat comme seul susceptible de répondre à des questions de nature organisationnelle voire de soins auquel aucun consensus préalable (protocoles de soins ou protocoles organisant la place et la mission de chaque acteur de santé) ne permet de répondre. •Une telle coordination large, collective, s’impose « quand le niveau d’interdépendance est élevé entre les acteurs. Elle est particulièrement bien adaptée à des situations où les problèmes de santé sont multiples ou complexes, aux contours flous dont l’évolution dans le temps et dans l’espace est incertaine. Les problèmes chroniques qui menacent l’autonomie des personnes fragiles correspondent bien souvent à un tel niveau de complexité ». Réseaux de santé et psychiatrie Comme le stipule l’article D.766-1-2 du code de la santé publique, « les réseaux de santé répondent à un besoin de santé de la population, dans une aire géographique définie, prenant en compte l’environnement sanitaire et social. En fonction de leur objet, les réseaux mettent en œuvre des actions de prévention, d’éducation, de soin et de suivi sanitaire et social ». L’enjeu d’un réseau de santé en psychiatrie est de décloisonner les espaces de soins (dont les oppositions sont bien connues), que traverse le patient au cours de sa trajectoire de santé, en particulier les différentes modalités de fonctionnement des secteurs, de renforcer les liens « ville - hôpital » et de développer le partenariat entre le champ sanitaire et le champ social. Il est essentiel de voir dans le développement des réseaux de santé une opportunité de renouer avec une tradition de partenariat où les missions et les spécificités de chacun sont posées dans le partage et où les dispositifs mis en œuvre sont pensés et appliqués en partenariat. La valeur ajoutée d’une coordination tient essentiellement à la possibilité de mêler savoir académique et savoirs liés à l’expérience d’une grande diversité d’acteurs (psychiatres hospitaliers et libéraux, médecins généralistes, psychologues hospitaliers et libéraux, personnels paramédicaux pour le seul champ sanitaire) pour apporter les réponses les plus pertinentes, en l’état des connaissances actuelles, à chaque situation clinique rencontrée et d’orienter le patient vers le professionnel le plus adapté à son état. En permettant d’améliorer l’organisation des soins, de travailler sur la place de chaque professionnel dans la prise en charge des patients, en créant un espace de confiance, de débat entre professionnels à partir de prises en charge communes de patients, le réseau permet de déplacer la question du plan organisationnel à celui des pratiques professionnelles. Ce débat est particulièrement difficile, intéressant et nécessaire en santé mentale, domaine dans lequel il n’existe pas de protocoles de soins, susceptibles de répondre aux questions cliniques posées. C’est pourquoi le réseau permet un travail essentiel, fondamental pour la discipline et la qualité réelle de la prise en charge. Le financement des réseaux Si la Loi permet d’intégrer une grande diversité de réseaux, et répond au fait que la mise en œuvre et la conception même d’une organisation en réseau peut se poser de façons différentes selon les disciplines médicales concernées, selon l’existence ou non de protocoles ou de référentiels de soins, selon la place de la prévention et de l’insertion, selon le nombre et la diversité des acteurs concernés, les obligations de tout réseau ont été plus précisément décrites par les organismes en charge de financer ce type de dispositif. Parmi ces enveloppes financières destinées au développement des réseaux, le fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV), créé ( Article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale 98-1144 du 23-121998 pour 1999 modifié par les articles 25, 27 et 39 de la loi de financement pour 2002) au sein de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés « participe à l’amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville et contribue au financement d’actions concourant notamment à l’amélioration des pratiques professionnelles et à leur évaluation, à la mise en place et au développement de formes coordonnées de prise en charge et notamment des réseaux de soins liant des professionnels de santé exerçant en ville à des établissements de santé ». L’article 36 de la Loi de financement de la sécurité sociale 2001-1246 du 21/12/2001 pour 2002 crée la Dotation des Développements des Réseaux, sous la double responsabilité, au niveau régional, du directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation et du directeur de l’Union Régionale des caisses d’assurance maladie. Cette double responsabilité témoigne du souci de coordonner l’offre de soins de ville et hospitalière. Il est stipulé dans cet article la nécessité pour prétendre au statut de réseau de santé de répondre à des conditions d’organisation, de fonctionnement et d’évaluation précis, fixés par décret. Tout réseau de santé doit par ailleurs se doter d’un statut juridique lui permettant de recevoir des fonds et d’une plate-forme administrative et financière pour en assurer la gestion. Les formes juridiques relèvent soit de groupements de coopération sanitaire (GCS), de groupements d’intérêt économiques (GIE), de groupements d’intérêt public (GIP) ou d’associations. Les obligations des réseaux •Tout réseau doit répondre à un certain nombre de contraintes pour prétendre à un financement, en particulier il devra préciser : a.la population concernée (pathologies et/ ou caractéristiques de la population) b.les thématiques du réseau : quelles sont les raisons qui ont présidé au lancement du projet? ce projet répond-il à une priorité de santé ? quelle est la valeur ajoutée attendue du projet (en regard de l’offre existante) ? c.l’aire géographique : la notion de territoire de santé correspond bien au souci de voir s’élaborer une structure de coordination territoriale des acteurs de santé pour une meilleure organisation de l’offre de soins au sein du territoire choisi. La notion de « projet médical » de territoire vient souligner l’importance de la compétence soignante dans l’élaboration de cette offre de soins. d.les objectifs « opérationnels » : nature des services rendus ? Actions mises en œuvre ? indicateurs de suivi de ces objectifs, des services et des actions. 12 e.les acteurs concernés : présenter les acteurs qui participent effectivement à la mise en œuvre du réseau. f.les modalités de fonctionnement du réseau : les outils du réseau le permettent (charte, règlement intérieur, fiche d’information des patients, conventions, dossier médical commun, site web, protocoles de soins lorsqu’ils existent, protocoles organisationnels, tableau de suivi interne….) g.le parcours suivi par le patient tout au long de la prise en charge par le réseau. La constitution de ces cohortes de patients permet un « retour sur les décisions de soins », élément essentiel de la réflexion clinique nécessaire à l’amélioration de la qualité des soins. h.l’économie du projet (bilan financier). L’évaluation dans le cadre des réseaux •L’évaluation dans le cadre d’une organisation en réseau est un élément essentiel. Il s’agit en effet de pouvoir apporter la preuve, d’une part qu’un réel partenariat a été mis en place, d’autre part qu’une amélioration de l’offre de soins ou de l’offre de santé a été obtenue. Récemment l’ANAES a établi les critères d’évaluation que tout réseau de santé ou de soins se doit de respecter. Il est rappelé (Art D. 766-1-2 se référant à la dotation des réseaux) que « chaque réseau met en place une démarche d’amélioration de la qualité des pratiques, s’appuyant notamment sur des référentiels, des protocoles de prise en charge et des actions de formation destinées aux professionnels et intervenants du réseau, notamment bénévoles, avec l’objectif d’une prise en charge globale de la personne ». Les protocoles de soins sont un ensemble de règles à respecter, des codes conçus et des gestes à effectuer au cours de certains traitements. Les protocoles organisationnels sont « des documents formalisant les engagements des acteurs du réseau, l’organisation et les outils devant être utilisés par les membres du réseau lors de la prise en charge d’un patient ». Enfin, la notion de parcours du patient est définie comme « le chemin suivi par le patient tout au long de sa prise en charge par le réseau. La vocation d’un réseau de santé étant de redéfinir un parcours cohérent par rapport à la prise en charge traditionnelle, en offrant des services, en déterminant le bon professionnel de santé afin d’assurer la qualité, la continuité, la coordination et l’accès aux soins ». •Il est essentiel de distinguer différents niveaux d’évaluation. •Un premier niveau d’évaluation, est celui du fonctionnement institutionnel du réseau, qui tend à montrer que le réseau existe et vit. Les critères sont essentiellement de nature quantitative : nombre de professionnels adhérents, nombre de réunions, nombre de participants aux réunions….. •Un second niveau est celui de l’évaluation spécifique des actions. Certaines actions, dans un réseau de santé, se prêtent plus facilement que d’autres aux indicateurs habituels retenus par l’ANAES (nombre de patients inclus dans un protocole, suivi de sa trajectoire, en particulier, nombre de consultations et de contacts avec le système de soins et gestion des situations d’urgence, satisfaction du patient et nombre de professionnels inclus dans cette démarche…). Deux raisons peuvent expliquer cette difficulté. D’une part parce qu’à l’évidence, une même logique ne peut être appliquée à l’ensemble des actions. D’autre part par ce que se pose clairement la question de la distinction entre l’évaluation des organisations et l’évaluation des pratiques cliniques. Ainsi, l’évaluation d’actions dont l’objectif est l’aide aux aidants, c'est-à-dire toutes les actions que l’on peut appeler indirectes en les distinguant des actions directes impliquant la relation au patient reste aveugle dans cette approche. Concernant l’évaluation des pratiques cliniques, nous avons montré en quoi elle était particulièrement importante en psychiatrie, puisqu’il n’existe pas de protocoles de soins, et en quoi elle est rendue possible par un travail en réseau. Cette évaluation est la plus importante pour les professionnels du réseau. Elle ne peut apporter, à court terme, de critères dans l’évaluation proposée par la DRDR. Il est indispensable que son apport soit cependant reconnu à sa juste valeur et il y a là un chantier à ouvrir, dans lequel l’ANAES devra sans doute prendre part. Le guide d’évaluation des réseaux de santé écrit par l’ANAES indique que « les items portant plus spécifiquement sur l’évaluation des pratiques professionnelles sont volontairement peu développés, la démarche d’évaluation structurée des réseaux étant encore trop débutante. Ils devront néanmoins être intégrés à la démarche évaluative globale dans un second temps. La démarche d’évaluation est donc ici focalisée sur l’action du réseau en lui-même. » •Un troisième niveau d’évaluation est donc incontestablement celui de l’évaluation des pratiques cliniques qui doit faire l’objet d’un réel intérêt parce qu’il est au cœur des changements. 13 •Enfin un quatrième niveau est celui de la pertinence institutionnelle du réseau et qui implique de travailler sur les coûts globaux du réseaux (comptabilité analytique du réseau mais aussi analyse des dépenses consacrées à la psychiatrie sur le demi-département et de leur évolution) et de les mettre en regard avec les évolutions globales sur la zone géographique concernée. Ces évolutions sont perceptibles à travers de nombreux indicateurs de natures différentes (critères en population générale, position des collectivités territoriales, évolutions globales des files actives suivies en psychiatrie….), mais qui ne trouvent pas de place dans les évaluations anticipées par la DRDR. Les réseaux : une révolution des rapports professionnels Un réseau de santé est un lieu de débat, où les professionnels travaillent sur des dysfonctionnement de l’offre de soin et proposent des solutions innovantes, en termes d’actions spécifiques, de formation ou de réajustement des relations entre professionnels. Cela demande une grande confiance entre acteurs de santé et apporte une connaissance de l’offre de soins et de ses potentialités qu’aucun autre lieu ne permet de la même façon. •Le travail en réseau est fondé sur la créativité des professionnels, sur une liberté nouvelle dans le travail autour d’un projet et sur la confiance entre les partenaires. Aux maîtres mots du management des années 70-80, « encadrement », « planification », « évaluation quantifiée » viennent se substituer des notions comme « refus de la hiérarchie, de l’encadrement, de la planification », « multiplicité des contacts », « évolutivité », « rôle des leaders ». Le centre de l’action devient le projet, sa réalisation, son évaluation. 14 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 2 : De la conception à la naissance Question 19 - TROUBLES PSYCHIQUES DE LA GROSSESSE ET DU POST-PARTUM Rédaction : F. Pinabel, C. Epelbaum, P. Hardy Résumé : R. Gaillard et F. Baylé Objectifs généraux : Connaître les principales questions concernant le projet parental, la contraception et la demande de conseil avant une grossesse (y compris le conseil génétique) chez la femme souffrant d'un trouble psychiatrique. Dépister les facteurs de risque prédisposant à un trouble psychique de la grossesse ou du post partum. Reconnaître les signes précoces d'un trouble psychique en période anténatale et post natale Connaître les principaux facteurs étiopathogéniques de ces troubles, leurs modalités évolutives et leurs traitements. Connaître les principaux aspects de la grossesse chez le sujet présentant un trouble psychiatrique : - effets de la grossesse sur les troubles mentaux, - traitements psychotropes et grossesse, - troubles mentaux et relations précoces mère-enfant. Introduction Toute grossesse est à l’origine de profonds remaniements psycho-socio-biologiques. Chez la femme souffrant de troubles psychiques, elle peut conduire à une atténuation de ces derniers, ou au contraire à leur exacerbation : qu'ils soient du registre thymique (dépression), anxieux/névrotique ou psychotique, ces troubles peuvent s'accompagner d'une réactivation de l'angoisse liée aux conflits que pose, dans l'histoire de chacun, la création d'un nouveau lien de filiation. Même si le retentissement psycho-pathologique du milieu de vie (événements, support social) dépend étroitement de l'histoire de chacun, l'état de grossesse accroît la sensibilité des femmes à l'attitude du conjoint, à celle de l'entourage parental et aux conditions socio-économiques. Projet parental, demandes de conseils, contraception et procréation chez la femme souffrant de troubles psychiatriques Le projet parental : Dans la grande majorité des cas, les couples au sein desquels la femme présente un trouble mental sont susceptibles de former un projet parental au même titre que les autres, même si le trouble mental peut imposer certaines contraintes. Dans certains cas, cependant, le projet de grossesse ne s'intègre pas véritablement dans un projet parental. Le projet de grossesse entre ainsi parfois dans le cadre d'un processus délirant : c'est le cas de délires messianiques conduisant la femme à vouloir "concevoir le sauveur du monde". Les demandes de conseil : La question est souvent abordée par le biais du risque de transmission de la maladie. La schizophrénie, comme la maladie maniaco-dépressive sont en effet des pathologies partiellement déterminées par des facteurs génétiques et donc susceptibles de se transmettre d'une génération à l'autre. De fait la question du risque génétique n'est pas le seul facteur à prendre en compte dans la réflexion qu'il convient de conduire avec le patient, homme ou femme : doivent également être évoqués avec le sujet l'impact de la maternité sur l'évolution du trouble et, inversement, la réduction de la capacité à assumer la fonction parentale que peut entraîner la maladie. Le risque génétique : Les études familiales ont permis d'établir les éléments suivants : •Pour la schizophrénie (SZ) : -Risque de SZ en population générale : 1 % -Risque de SZ en cas de proposant SZ : Pour les apparentés du premier degré : 5-6 % Pour les apparentés du deuxième degré : 3-4 % Pour les apparentés du troisième degré : 2-3 % •Pour la maladie maniaco-dépressive de type trouble bipolaire (TB) : 15 -Risque de TB en population générale : 1 % -Risque de TB ou unipolaire (dépression) en cas de proposant bipolaire : Pour les apparentés du premier degré : 25-30 % Pour les apparentés du deuxième degré : 12-15 % Pour les apparentés du troisième degré : 6-9 % Ces données doivent être relativisées en rappelant que ces pathologies ne répondent pas à un mode de transmission autosomique dominant et que, en cas de transmission, la pénétrance est très variable (le descendant pouvant exprimer une forme sévère ou atténuée de la maladie, voire pas de maladie du tout). Impact de la maternité sur l'évolution du trouble : Même si la grossesse peut avoir un effet positif sur l'évolution de certains troubles psychiatriques, on peut observer à l’inverse une aggravation de la pathologie, notamment lors du postpartum. Capacité à assumer la fonction parentale : Ce troisième point doit également être abordé dans les demandes de conseil. Pour l'enfant, plus que celui d'une transmission génétique de la maladie, le risque est souvent d'être placé dans des conditions de développement précaire, la pathologie maternelle pouvant être une source de carences affectives précoces. La contraception : Lorsque l'instabilité de la patiente rend trop incertaine l'observance des traitements, il est possible de proposer une contraception progestative injectable à effet prolongé ou un stérilet plutôt que des contraceptifs oraux classiques. Une situation particulièrement délicate est celle des patientes qui ne disposent plus d'une réelle autonomie de jugement (psychoses infantiles ; débilité mentale, etc.) et qui, incapables d'assurer une contraception efficace, s'exposent de façon répétée au risque de grossesse par des conduites sexuelles incontrôlées. L'interruption de grossesse : En cas de grossesse non désirée, la femme peut demander la réalisation d'une interruption médicale de grossesse. Le cas échéant, après expertise psychiatrique, une interruption de grossesse peut être réalisée au delà des délais légaux habituels. Les troubles psychiques pendant la grossesse Aspects cliniques : Les troubles psychopathologiques mineurs et les troubles anxieux : Les troubles psychopathologiques survenant pendant la grossesse sont le plus souvent mineurs et transitoires. Il peut s'agir : - d'une irritabilité, de troubles des conduites alimentaires, à type d'envies ou de boulimie ; - d'une anxiété, fréquente, surtout au cours du premier trimestre ; elle concerne l'enfant à venir (peur qu'il naisse malformé ou mort), le déroulement de la grossesse et de l'accouchement, et les responsabilités futures (peur d'être une mère incompétente). Rarement, un trouble anxieux caractérisé peut apparaître durant la grossesse : - Trouble phobique - Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC) : chez la femme, ce trouble débute à l'occasion d'une grossesse dans 40 % des cas. Les dépressions gravidiques : Elles concerneraient environ 15 % des grossesses. Survenant dans 60 % des cas au cours du premier trimestre de la grossesse, elles associent des symptômes dépressifs avec des plaintes somatiques, une quête affective et des vomissements, parfois incoercibles. Les dépressions mélancoliques surviennent surtout au cours de la seconde partie de la grossesse : - elles ont parfois un aspect délirant (thème de culpabilité, d'indignité) ou confusionnel. - il existe un risque de suicide non négligeable. Les épisodes psychotiques : Les épisodes psychotiques sont rares au cours de la grossesse, qui a plutôt un rôle protecteur vis-à-vis de ce type de pathologie. Traitements : •Les états dysphoriques et anxieux bénéficient d'une psychothérapie de soutien •Le traitement en milieu hospitalier spécialisé est indiqué en cas de dépression délirante ou confuse ou d'idées suicidaires •Le traitement chimiothérapique (cf tableau récapitulatif dans Question longue): 16 -Au cours du premier trimestre, la règle de prudence consiste à ne pas prescrire de psychotropes (risque tératogène de ces molécules). Si l'indication est absolue, elle doit se faire sous surveillance obstétricale rapprochée (échographie de dépistage des malformations connues pour les psychotropes utilisés). -Durant le second et le troisième trimestre, on utilisera préférentiellement, en cas de nécessité : des benzodiazépines à doses modérées des neuroleptiques de la classe des phénothiazines (Largactil®) ou Haldol ® des antidépresseurs de la classe des imipraminiques (Anafranil®, Tofranil®, Laroxyl®) -Concernant les thymorégulateurs : Le lithium est contre-indiqué au cours du 1er trimestre de la grossesse, mais peut être utilisé après celui-ci sous surveillance médicale rapprochée en maintenant une lithiémie basse. La carbamazépine (Tégrétol®) et les dérivés de l'acide valproïque (Dépamide®, Dépakote®) peuvent être utilisés en cas de nécessité avec une surveillance échographique au premier trimestre (risque d'anomalie de la fermeture du tube neural). -Dans les dépressions sévères, en particulier confuses, délirantes ou résistantes au traitement chimiothérapique, l'électro-convulsivo-thérapie (ECT ou sismothérapie) peut être proposée sans inconvénients (si ce n'est ceux liés à l'anesthésie). Surveillance à l'accouchement : dans la mesure où tous les psychotropes passent la barrière hématoplacentaire, une surveillance prolongée de l’enfant peut être nécessaire. Les troubles psychiques du post partum Le "Post-Partum Blues" ou "Baby Blues" (ou "syndrome du 3ème jour") Il survient chez plus de la moitié des accouchées, préférentiellement dans les premiers jours qui suivent l'accouchement, en général entre le 3ème et le 5ème jour. Il est caractérisé par : - une asthénie - des plaintes somatiques - des troubles du sommeil - une labilité émotionnelle, avec irritabilité - la peur de ne pas savoir s'occuper de l'enfant Le post-partum blues ne dure que quelques jours. Sa résolution généralement rapide et spontanée est favorisée par une attitude chaleureuse et maternante de l'entourage. La dépression du post-partum : Elle survient dans les semaines qui suivent l'accouchement. Elle toucherait environ 15 % des accouchées. Elle survient après un intervalle libre de 2 à 8 semaines après l'accouchement, mais parfois dans les suites d'un "post-partum blues" qui se prolonge. Le syndrome dépressif s’accompagne d’un sentiment d'incapacité vis-à-vis de l’enfant (avec culpabilité) et d'un handicap fonctionnel notable (difficultés dans les activités quotidiennes). La mère peut présenter des phobies d'impulsion lorsqu'elle est seule avec l'enfant : crainte d'être poussée par une force intérieure irrésistible à lui faire du mal, l'étouffer, le défenestrer). 10 % seulement des dépressions du post-partum sont diagnostiquées et traitées : bien que l'évolution spontanée soit le plus souvent spontanément favorable en plusieurs semaines ou mois, il est important de les dépister et de les traiter précocement. Ce type d'épisode peut récidiver à l'occasion des grossesses suivantes. Il peut également être inaugural d'un trouble dépressif récurrent (jusqu'à 40 % pour certains auteurs). Le traitement repose sur une chimiothérapie antidépressive (en gardant à l'esprit le passage des psychotropes dans le lait en cas d'allaitement) et un soutien psychothérapique centré sur la relation mèreenfant. Les psychoses puerpérales : Leur incidence est estimée à 0.2 %. Dans la grande majorité des cas (80 %), des troubles de l'humeur (dépression, manie) sont au premier plan. Il s'agit alors, soit d'un épisode dysthymique émaillant le cours d'une schizophrénie, soit d'un trouble de l'humeur avec caractéristiques psychotiques. Aspects Cliniques : Le risque de décompensation chez les femmes qui présentent des antécédents psychiatriques est 25 fois plus important durant le premier mois après l'accouchement. Les psychoses délirantes aiguës : -Le début est brutal et survient dans les 3 premières semaines du post-partum. -Le tableau est labile et polymorphe, avec : 17 syndrome confusionnel (on parle d’épisode confuso-délirant) avec désorientation spatiale et temporelle, perplexité anxieuse, une altération de la conscience de soi, un onirisme (scènes oniriques), des fluctuations thymiques (la malade passe rapidement du désespoir à l'exaltation), un délire le plus souvent centré sur la naissance et la relation à l'enfant : •négation du lien d'alliance (la patiente ne reconnaît pas le père) ; •négation du lien de maternité (conviction que l'enfant n'est pas né, a été substitué ou est mort) ; •la mère peut avoir le sentiment d'être sous des influences maléfiques, d'être droguée ou hypnotisée. D'emblée, il faut craindre un geste infanticide et/ou suicidaire, qui peut être de réalisation brutale, et hospitaliser la patiente, si possible dans un centre mère-enfant spécialisé dans l'abord de ces pathologies. Secondairement, l'évolution est en règle favorable sous traitement (chimiothérapie ou électrochocs, qui trouvent dans ces tableaux une de leurs meilleures indications). Des rechutes sur un mode thymique sont possibles à court terme. Troubles de l’humeur : -L'accès maniaque : agitation est intense, idée de toute puissance, d'influence, de mission divine, évolution fréquente vers une phase dépressive. -L'accès mélancolique : un geste suicidaire et/ou infanticide est à redouter (suicide altruiste). Aspects thérapeutiques : -Une hospitalisation en milieu spécialisé s'impose du fait du risque de suicide et/ou d'infanticide. -Le traitement comporte la prescription de neuroleptiques et d'antidépresseurs en cas de dépression. L'ECT est souvent plus rapidement efficace que la chimiothérapie quelle que soit l'allure de la psychose puerpérale. -Certaines unités d'hospitalisation psychiatrique permettent une hospitalisation de la mère et de l'enfant. La reprise des contacts entre la mère et l'enfant et la participation de la mère aux soins de l'enfant se feront très progressivement. -La mère doit être prévenue du risque de récidive d'une psychose puerpérale en cas de nouvelle grossesse. Troubles mentaux et relations précoces mère-enfant (C. Epelbaum) Les troubles psychiques survenant pendant ou juste après la grossesse influencent la qualité des interactions précoces mère-bébé. Dépression maternelle du post-partum et relation précoces : Une expérience est encore aujourd'hui présentée comme paradigmatique de l'influence de la dépression maternelle sur le développement affectif du bébé : il s'agit du " Still Face ". Dans cette expérience, on demande à une mère non déprimée, face à face avec son bébé, de maintenir un visage morne, figé, indifférent, quelles que soient les réactions de l'enfant. Dans un premier temps, celui-ci tente de séduire sa mère (cris, rires, réactions émotionnelles bruyantes) puis il détourne la tête, cherche à fuir le visage maternel, voire devient lui-même amimique. Dans les cas de dépression maternelle prolongée, il se passe un peu la même chose. La réaction de l’enfant peut soit se faire sur un mode symptomatique somatique (troubles alimentaires par exemple), soit sur un mode dépressif (bébé amorphe). Les pathologies délirantes du post-partum : L’enfant peut se trouver en danger vital immédiat (infanticide envisagé par la mère comme seule libération etc .). La mère n'a pas non plus toujours conscience des besoins vitaux du bébé. Il semble donc fondamental dans ces cas, dans un premier temps de protéger l'enfant (hospitalisation maternelle), tout en gardant à l'esprit qu'il reste nécessaire de progressivement aménager des lieux où les rencontres mère-bébé puissent se dérouler en sécurité. Les pathologies limites de la personnalité maternelle : Les mères souffrant d’un trouble borderline ont tendance à enfermer le bébé dans une maîtrise très importante, lui dictant de façon plus ou moins violente, leur propre loi, sans être à l'écoute des désirs et des besoins de leur enfant. Il est donc clair que le repérage de troubles de la personnalité maternelle pendant la grossesse doit encourager à mettre en place un suivi rapproché au sortir de la maternité. 18 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et vulnérabilité Question 40 - SEXUALITE NORMALE ET SES TROUBLES Rédaction : J. Tignol et F. Thibaut Résumé : V. Fruntes et F. Limosin Objectifs généraux : Identifier les principaux troubles de la sexualité Dépister une affection organique en présence d'un trouble sexuel Savoir aborder la question de la sexualité au cours d'une consultation La sexualité normale La plus grande efficacité et l’accessibilité des méthodes contraceptives a participé à une évolution de la sexualité et à un changement dans le statut et les rôles sociaux des femmes et des hommes. Apparu il y a une vingtaine d’années, le risque de contamination par le virus VIH a également beaucoup influé sur les pratiques sexuelles. Sur le plan physiologique, la relation sexuelle est constituée de plusieurs phases successives, que ce soit chez l’homme ou chez la femme : - La phase d’excitation, caractérisée chez l’homme par l’établissement de l’érection, et chez la femme par la lubrification vaginale et la tumescence de la muqueuse du tiers inférieur du vagin. - La phase en plateau, avec réalisation de l’acte sexuel ; les phénomènes de la phase d’excitation y restent stables, au maximum de leur développement. - L’orgasme, manifestation globale de l’organisme, dont la composante la plus importante est une sensation de plaisir intense ; chez l’homme l’orgasme coïncide avec l’éjaculation ; chez la femme, l’orgasme clitoridien, déclenché par la stimulation du clitoris, et l’orgasme vaginal, déclenché par la stimulation intravaginale, ont les mêmes manifestations physiologiques. - L’orgasme est suivi de la phase de résolution, pendant laquelle les phénomènes de la phase d’excitation diminuent rapidement ; chez l’homme, l’orgasme est suivi d’une période réfractaire, pendant laquelle la stimulation sexuelle devient inefficace. L’activité sexuelle met en jeu non seulement ses effecteurs périphériques, leur vascularisation, leur innervation, mais également le système nerveux central. A ce dernier niveau, la dopamine serait plus particulièrement impliquée dans les phénomènes de plaisir et de désir, alors que la sérotonine exercerait un rôle anti-libido et retarderait l’orgasme, les endorphines joueraient un rôle dans la phase réfractaire. Les données épidémiologiques en population générale ne permettent qu’imparfaitement de définir ce qu’est une ‘sexualité normale’. Comptent surtout pour l’individu la pratique qui lui convient – dans les limites de la loi – et sa capacité à trouver un équilibre et une satisfaction dans cette pratique. Les troubles sexuels Dysfonctions sexuelles (DS) Les termes anciens d’impuissance et de frigidité, trop imprécis et péjoratifs, ne sont plus utilisés. Les DS sont aujourd’hui décrites en référence à la phase de la relation sexuelle qui est altérée : troubles du désir, de l’excitation et de l’orgasme, auxquels il faut ajouter les troubles sexuels avec douleur. Leur caractère permanent ou situationnel, leur ancienneté, ainsi que le rôle respectif des facteurs organiques et psychologiques complètent leur description. Dans les pays occidentaux, la prévalence en population générale des DS est élevée : chez l’homme, 8 à 10 % de dysfonction érectile (DE), 15 à 30% d’éjaculation précoce (EP), 2 à 4% de trouble de l’orgasme ; chez la femme, 30 % de trouble du désir et de trouble de l’orgasme. Classification et clinique des DS (critères du DSM-IV) : Troubles du désir sexuel : - Baisse du désir sexuel : Déficience (ou absence) persistante et répétée de fantaisies imaginatives d’ordre sexuel et de désir d’activité sexuelle. - Aversion sexuelle : Aversion extrême, persistante ou répétée, et évitement de tout (ou presque tout) contact génital avec un partenaire sexuel. Quand ces troubles ne sont pas liés à une affection médicale ou psychiatrique ou à une substance, ils résultent souvent de problèmes relationnels au sein du couple. 19 Troubles de l’excitation sexuelle : - Incapacité persistante ou répétée à atteindre, ou à maintenir jusqu’à l’accomplissement de l’acte sexuel, une activité sexuelle adéquate. Autant le trouble de l’érection chez l’homme est facilement identifiable, autant le trouble de l’excitation physique chez la femme est difficile à évaluer et à différencier d’un trouble du désir. La dysfonction érectile est la DS la plus souvent repérée et médicalisée, notamment grâce à l’existence de traitements variés et efficaces. Troubles de l’orgasme : - Trouble de l’orgasme : Absence ou retard persistant ou répété de l’orgasme après une phase d’excitation sexuelle normale lors d’une activité sexuelle, en tenant compte de l’âge du sujet. Du fait d’une grande variabilité dans le type ou l’intensité de la stimulation nécessaire pour déclencher un orgasme chez la femme, le diagnostic de trouble de l’orgasme repose essentiellement sur son propre jugement et non celui du clinicien. - L’éjaculation précoce survient lors de stimulations sexuelles minimes avant, pendant, ou juste après la pénétration, et avant que le sujet ne souhaite éjaculer. C’est la DS masculine la plus fréquente. La prise en charge thérapeutique relève de sexothérapie et/ou de traitements médicamenteux. Troubles sexuels avec douleur : - Dyspareunie : Douleur génitale persistante ou répétée associée aux rapports sexuels. Ce trouble est souvent associé à des lésions ou affections médicales, plus fréquentes chez la femme en raison des grossesses et de leurs complications, mais peut être uniquement lié à des facteurs psychologiques. - Vaginisme : Spasme involontaire, répété ou persistant, de la musculature du tiers externe du vagin perturbant les rapports sexuels. Traduisant un trouble psychologique de type phobique, le traitement peut être cognitivo-comportemental. DS due à une affection médicale générale : Toutes les maladies affectant le dispositif physiologique nécessaire à la sexualité peuvent entraîner une DS. Elles comportent en général une séméiologie sexuelle concomitante qui permet leur diagnostic. En dehors de signes d’appel cliniques, le seul examen complémentaire destiné à déceler une cause cachée de DS, surtout lorsqu’il s’agit d’un trouble du désir ou de l’excitation, est le dosage de la prolactine. Cet examen n’est néanmoins pas justifié en première intention. DS induite par une substance : Certaines substances ‘stimulantes’ – comme l’alcool – sont aussi des stimulants sexuels et ne donnent de DS qu’à dose intoxicante. La cocaïne peut favoriser l'apparition de conduites sexuelles déviantes. Les opiacés par contre ne sont pas des stimulants sexuels et peuvent être facteurs de DS à des doses non intoxicantes. Les médicaments fréquemment facteurs de DS sont les médicaments anti-hormonaux, les antidépresseurs et les neuroleptiques, à un moindre degré les divers traitements de l’hypertension artérielle. L’examen sexologique Il suit les procédures habituelles de l’examen médical. Sa spécificité tient à l’embarras qu’il peut susciter chez le malade et le médecin. L’entretien doit commencer par faire préciser les caractéristiques du trouble, actuelles et passées. Il faut encourager le patient à s’exprimer avec ses propres termes et ne pas utiliser de termes techniques sans les expliquer. On explore ensuite la vie sexuelle et relationnelle du sujet, ses antécédents personnels et familiaux, somatiques et psychiatriques, ses caractéristiques psychologiques. Une attention particulière est portée au partenaire, du point de vue relationnel et sexuel. L’examen somatique est recommandé et peut être confié à un spécialiste urologue ou gynécologue. Causes psychiques de DS - La plupart des troubles psychiatriques, à l’exception de la manie, diminuent la sexualité. La dépression est le trouble mental le plus fréquemment responsable de DS, bien que de façon inconstante dans ses formes de sévérité modérée. Les psychotropes peuvent ajouter leurs effets secondaires à ceux de la maladie. - Les traumatismes sexuels actuels ou anciens sont des facteurs fortement pourvoyeurs de DS. - Les difficultés liées à la relation avec le conjoint sont souvent impliquées dans la survenue de DS, et relèvent de prise en charge de couple. Prise en charge thérapeutique Psychothérapies Les sexothérapies, d’inspiration essentiellement cognitivo-comportementale, individuelles ou de couple, sont principalement orientées vers la composante anxiété de performance de la DS. Il s’agit d’une anxiété apparentée à l’anxiété sociale, qui saisit le sujet lorsqu’il doit effectuer publiquement une performance dont il se sent incapable. Ici la performance est l’acte sexuel et le public le (ou la) partenaire. Il s’agit essentiellement de déplacer l’appréhension de la performance sexuelle vers la recherche de sensations, de communication et de plaisir corporel. Un autre objectif psychothérapique important est de développer la 20 communication dans le couple. Chez la femme il est également essentiel de fournir une information sur les différents mécanismes impliqués dans la sexualité. Traitements médicamenteux ou chirurgicaux : La dysfonction érectile peut être traitée par : - Androgènes en cas de déficit avéré. - Alpha-bloquants (yohimbine), d’efficacité démontrée, mais faible. - Inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase (PDE-5) intracaverneuse, qui favorisent l’action de l’oxyde nitrique. Leur prototype est le sildenafil, premier produit actif par voie orale. - Apomorphine, d’action centrale dopaminergique, administrée en sub-lingual. Moins active que les produits précédents. - Vaso-dilatateurs actifs uniquement par injection intra-caverneuse (papavérine, phentolamine, prostaglandine E). La plupart procurent une érection dans les minutes qui suivent l’injection, indépendamment de toute stimulation sexuelle. - Aspiration puis blocage élastique de la base du pénis (vacuum). - Prothèses péniennes, semi-rigides, malléables ou gonflables, à insérer chirurgicalement dans les corps caverneux. L’efficacité de la clomipramine, de la paroxétine et de la sertraline sur l’éjaculation précoce a été démontrée dans des études en double insu contre placebo, à des posologies relativement faibles. Choix du traitement : Il ne dépend que partiellement de l’étiologie. Dans le cas de troubles liés à des facteurs psychologiques prédominants ou exclusifs, les critères de choix du traitement doivent inclure les préférences du patient et l’efficacité des traitements antérieurs. Lorsqu’il existe un ou une partenaire stable, son implication dans le choix du traitement doit être envisagée. Dans tous les cas, un accompagnement psychothérapique est souhaitable. Paraphilies Il s’agit de fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, d’impulsions sexuelles ou de comportement, survenant de façon répétée et intense, et impliquant : des objets inanimés, la souffrance ou l’humiliation de soi-même ou de son partenaire, des enfants ou d’autres personnes non consentantes. Les principales paraphilies sont : - L’exhibitionnisme, consistant à exposer ses organes génitaux devant une personne prise au dépourvu. - Le fétichisme, se traduisant par l’utilisation d’objets inanimés. - Le frotteurisme, acte de toucher et de se frotter contre une personne non consentante. - La pédophilie, activité sexuelle avec des enfants prépubères. - Le masochisme et le sadisme sexuels, dans lesquels le stimulus paraphile est la souffrance subie ou infligée. - Le voyeurisme, consistant à observer une personne nue, ou en train de se déshabiller, ou en train d’avoir des rapports sexuels, et qui ne sait pas qu’elle est observée. Les actes paraphiliques peuvent être obligatoires et indispensables lors de l’acte sexuel, ou épisodiques. Ils peuvent être vécus avec ou sans culpabilité et sentiment de honte. Les paraphilies s’installent le plus souvent à l’adolescence ou chez l’adulte jeune et sont d’évolution chronique. Elles sont souvent associées entre elles (ex pédophilie et exhibitionnisme). Dans 90 % des cas il s'agit de sujets de sexe masculin. Leur étiologie demeure mal comprise. Les paraphilies qui impliquent un partenaire non consentant (viol) ou un enfant (pédophilie), ou encore l'exhibitionnisme, tombent sous le coup de la loi. On parle alors de délinquance sexuelle. Sur le plan psychopathologique, on peut envisager les paraphilies comme des obsessions, un trouble du contrôle des impulsions, ou comme un comportement de type addictif. La force du désir paraphile et l’incapacité du sujet à lui résister malgré les inconvénients légaux très sérieux qu’il implique sont en faveur de cette dernière hypothèse. Sur le plan thérapeutique, il existe des méthodes psychothérapiques spécifiques, d’inspiration cognitivocomportementale, dont le caractère principal est d’être directives et contrôlées. Elles visent à la prise de conscience des conséquences de la paraphilie, à apprendre à éviter les occasions de la mettre en oeuvre, à remplacer les idées et actes paraphiles par des idées et comportements non paraphiles, à améliorer les relations sociales et à modifier les distorsions cognitives fréquentes concernant la sexualité. Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont actifs dans le traitement des paraphilies, probablement principalement par leur effet secondaire anti-libido. Actuellement leurs indications sont limitées à l'exhibitionnisme et à certaines formes de pédophilie dont le risque de passage à l'acte paraît peu important. 21 Les traitements anti-androgènes constituent un traitement efficace des paraphilies par suppression du désir. Il en existe deux types : l'acétate de cyprotérone (forme orale) ou les analogues de la GNRH (triptoreline ou leuproreline) (forme injectable à libération prolongée). Ces traitements ne sont pas dénués d'effets secondaires à long terme (notamment modification de la densité osseuse avec risque d’ostéoporose) et leur prescription est réservée aux patients chez lesquels un risque de passage à l'acte est élevé (violeurs, pédophiles), lorsque les autres traitements ont été inefficaces ou encore lorsque le niveau intellectuel du patient est incompatible avec une psychothérapie. Ces traitements anti-androgènes ne peuvent être prescrits qu'avec le consentement du patient, après s'être assuré de l'achèvement de la puberté et de l'absence d'anomalies hormonales. La durée pendant laquelle le traitement anti-androgène doit être maintenu ne fait pas l'objet d'un consensus. Sur le plan pénal, la loi du 17 juin 1998, relative à la répression et à la prévention des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection des mineurs, place le juge d'application des peines au centre du dispositif, articulant le soin et le judiciaire. Si un suivi socio-judiciaire est décidé par le juge, après expertise médicale, il comporte l'obligation de se soumettre, pendant une durée déterminée par le jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance (pouvant comprendre une injonction de soins) destinées à prévenir la récidive. Aucun traitement ne peut être entrepris sans le consentement du condamné, mais si ce dernier refuse les soins proposés, l’incarcération peut être décidée. 22 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et vulnérabilité Question 41 - TROUBLES ANXIEUX TROUBLES PHOBIQUES, TROUBLES OBSESSIONNELS COMPULSIFS, TROUBLES CONVERSIFS, ETAT DE STRESS POST TRAUMATIQUE ET TROUBLES DE L’ADAPTATION Rédaction : JP Boulenger, C Piquet, E. Corruble, P. Hardy Relecture : JP Boulenger, JP Lépine, J Tignol Résumé : P Domenech et N Franck Objectifs généraux Diagnostiquer des manifestations d'anxiété et/ou des troubles phobiques, troubles obsessionnels compulsifs, troubles conversifs, état de stress post traumatique et troubles de l'adaptation chez l'adulte et apprécier leur retentissement sur la vie du sujet. Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du sujet Objectifs spécifiques : Anxiété normale et pathologique Connaître la différence entre anxiété normale et pathologique Connaître la définition du mot névrose et la différence entre névrose et psychose Connaître les co-morbidités des troubles anxieux Connaître la sémiologie d'une crise d'angoisse aiguë ou attaque de panique Connaître le traitement curatif d'une crise aiguë d'angoisse Trouble panique Connaître la définition du trouble panique et les critères diagnostiques Connaître les modalités évolutives possibles des attaques de panique Connaître les principes du traitement préventif des attaques de panique Anxiété généralisée Connaître la définition de l'anxiété généralisée Connaître les principaux symptômes et les principes de traitement Phobies Connaître la définition d'une phobie et les modifications comportementales que peuvent induire les phobies Connaître les différents types de phobies Savoir différencier phobies et obsessions Connaître les principaux traits de personnalité associés à la névrose phobique Connaître les principes du traitement de la névrose phobique Névrose ou stress post-traumatique Connaître les signes de l'état de stress post-traumatique Connaître les principes du traitement de l'état de stress post-traumatique et savoir que le pronostic est d'autant meilleur que le traitement est plus précoce Névrose obsessionnelle Connaître la définition d'une obsession Connaître les différents types d'obsessions Connaître la définition des compulsions Connaître les principaux traits de personnalité associés à la névrose obsessionnelle (ou Troubles Obsessionnel Compulsif) Savoir qu'il existe des travaux biologiques concernant le Troubles Obsessionnel Compulsif Connaître les principes du traitement chimiothérapique et psychothérapique de la névrose obsessionnelle Trouble de l'adaptation Savoir diagnostiquer un trouble de l'adaptation, avec humeur anxieuse, avec humeur dépressive, ou mixte. 23 Introduction Depuis 1980, les expressions Troubles anxieux et Troubles de l'adaptation sont utilisées par le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM), classification de l'Association Américaine de Psychiatrie (APA), pour désigner deux grandes catégories de troubles mentaux : •Troubles anxieux : trouble panique (sans agoraphobie et avec agoraphobie), agoraphobie sans antécédent de trouble panique, phobie spécifique, phobie sociale, trouble obsessionnel-compulsif, trouble état de stress post-traumatique, trouble de stress aigu, trouble anxiété généralisée, trouble anxieux dû à une affection médicale générale, trouble anxieux induit par une substance. •Troubles de l'adaptation : troubles de l'adaptation avec humeur dépressive, trouble de l'adaptation avec anxiété, trouble de l'adaptation avec anxiété et humeur dépressive, trouble de l'adaptation avec perturbation des conduites, trouble de l'adaptation avec perturbation des émotions et des conduites. Plus récemment, la 10ème version de la Classification Internationale des Maladies (CIM-10), élaborée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a également introduit ces deux types de troubles, mais de façon plus discrète. Ceux-ci sont regroupés parmi d'autres au sein d'une même grande catégorie diagnostique, celle des "Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes" qui comporte les sous-catégories suivantes : •Troubles anxieux phobiques : agoraphobie (sans trouble panique ou avec trouble panique), phobies sociales, phobies spécifiques (isolées), etc. •Autres troubles anxieux : trouble panique, anxiété généralisée, trouble anxieux et dépressif mixte, etc. •Trouble obsessionnel-compulsif •Réactions à un facteur de stress important et troubles de l'adaptation : réaction aiguë à un facteur de stress, état de stress post-traumatique, troubles de l'adaptation (réaction dépressive brève ; réaction dépressive prolongée, réaction mixte, anxieuse et dépressive ; avec prédominance d'une perturbation d'autres émotions ; avec prédominance d'une perturbation des conduites ; avec perturbation mixte des émotions et des conduites ; avec prédominance d'autres symptômes spécifiés), etc. •Troubles dissociatifs (de conversion) •Troubles somatoformes •Autres troubles névrotiques Jusqu’au début des années 1970, la nosographie des troubles mentaux suivait une logique binaire. Les troubles psychotiques-endogènes-autonomes, étaient opposés aux troubles névrotiques-psychogènesréactionnels. Les psychiatres considéraient ces derniers comme moins sévères du fait de l'importance étiopathogénique alors supposée exclusive des facteurs psychologiques et environnementaux. Le terme de trouble névrotique retrouvé dans la CIM-10 est en fait un vestige de la psychopathologie freudienne qui, au début du XXème siècle, a utilisé le terme névrose issu des travaux de W. Cullen (qui, un siècle avant Freud, désignait ainsi les affections du système nerveux sans lésion décelable), pour désigner un ensemble de troubles dont ils distingueront deux grands types : les "névroses actuelles" et les "névroses dites de transfert". Aujourd’hui, de nouveaux modèles, complémentaires les uns les autres sont venus enrichir le champ de la psychiatrie et de la psychologie. Parmi les modèles psychologiques, on citera notamment l’apport clinique et thérapeutique des théories cognitivo-comportementales. Parmi les modèles neurobiologiques, on citera les modèles mettant en jeu les neuromodulateurs centraux (noradrénaline, sérotonine, GABA notamment), ceux impliquant le système nerveux autonome et la contribution grandissante des modèles génétiques. Devant la multiplicité de ces modèles, il est apparu préférable, au début des années 80, de se référer pour le diagnostic à des classifications descriptives unificatrices, pouvant également servir de base à des travaux scientifiques de qualité. C'est ainsi que le concept de névrose a été remplacé par d'autres catégories diagnostiques, mieux définies, comme celles des troubles anxieux et des troubles de l'adaptation dans les dernières classifications internationales (CIM-10 et DSM-IV). Les pathologies "réactionnelles" : troubles de l’adaptation et état de stress post-traumatique Si l'évolution de la plupart des troubles mentaux et des conduites est sensible aux événements de vie (l'apparition et la pérennisation d'un épisode est souvent associée à la survenue de stress psycho-sociaux), Les troubles de l’adaptation et les états de stress post-traumatiques sont particuliers par le rôle spécifique et central d’événements de vie stressant dans leur déclenchement et leur maintient. Troubles de l’adaptation Ces troubles se situent aux frontières du normal et du pathologique. Ils apparaissent rapidement (au plus tard trois mois) après un ou plusieurs facteurs de stress clairement identifiables venant déborder les capacités d’adaptation du patient et ils cessent spontanément dans les six mois qui suivent leur disparition. 24 La durée totale de l’épisode permet de différencier les troubles chroniques (plus de 6 mois à partir du début de l’épisode de stress) et aigus (moins de 6 mois). Les troubles de l’adaptation sont caractérisés par l’apparition de symptômes cliniquement significatifs dans les registres émotionnels ou comportementaux, sans pour autant remplir les critères diagnostiques d’autres troubles anxieux, de l’humeur ou des conduites. Le caractère pathologique du trouble se manifeste par une souffrance marquée ou bien par une altération du fonctionnement social, professionnel, plus importante que celle qui était attendue compte tenu de la nature et de l’intensité du facteur de stress. Les troubles de l'adaptation sont fréquents en consultation psychiatrique ambulatoire (5 à 10 %) et parmi les patients hospitalisés pour des problèmes médicochirurgicaux. Le facteur de stress identifiable étant alors souvent la survenue d’une maladie physique. Les Troubles de l’Adaptation peuvent survenir à tout âge et sont plus fréquents chez les femmes (2/3 des formes adultes). Les symptômes peuvent être variables et intéressent différents registres : •émotionnel : anxiété, tristesse •comportemental : opposition, fugue, inhibition sociale, isolement, actes délictueux, abus de médicaments ou de toxiques (tabac, alcool, drogues), comportement suicidaire. •Plaintes non-spécifiques associées à l’anxiété et à l’humeur dépressive : céphalées, douleurs musculaires, insomnie, fatigue, sensations de tension ou de déséquilibre, troubles fonctionnels digestifs, cardio-vasculaires ou respiratoires, difficultés de concentration et d’attention, troubles de la mémoire à court terme, intrusions de pensée, ruminations mentales, baisse de l’efficience scolaire ou professionnelle Le facteur de stress peut être unique ou multiple ; être récurrent ou continu, toucher une seule personne, une famille entière, ou bien un groupe plus large voire une communauté. Certains facteurs de stress sont associés à des étapes spécifiques du développement et de la vie (entrée à l’école, départ du milieu familial, mariage, maternité et paternité, retraite, veuvage,…). Les facteurs de stress les plus régulièrement retrouvés sont néanmoins communs (difficultés scolaires ou sociales, problèmes familiaux ou sentimentaux, difficultés professionnelles, usage de toxiques, …). Il est important de noter que certains événements de vie à priori non traumatisants (déménagement, promotion, naissance) peuvent être à l’origine de troubles de l’adaptation chez certains sujets vulnérables. Malgré le flou sémiologique qui le caractérise, le trouble de l’adaptation demeure l’un des diagnostics les plus souvent portés chez l’adulte (10%). L’apparition d’un trouble de l’adaptation est souvent favorisée par la coexistence d’un trouble de personnalité qui limite les capacités de réaction aux événements à certaines conduites stéréotypées. Cependant si ces symptômes apparaissent chez un patient présentant un trouble anxieux ou dépressif spécifique préexistant, c’est ce diagnostic et non celui du trouble d’adaptation qui devra être porté. Le trouble de l’adaptation doit aussi être distingué de la pathologie post-traumatique, réactionnelle à des événements majeurs et de ce fait moins dépendante des variabilités individuelles. Pathologies post-traumatiques Le terme de traumatisme est utilisé pour désigner un événement stressant majeur d’intensité objective variable, mais constamment associé à vécu subjectif de violente agression, à l’origine d’un sentiment intense de débordement et d’impuissance. Du point de vue clinique, on peut distinguer par ordre chronologique de survenue : la réaction aiguë de stress (dans les suites immédiates d’un événement ayant eu un impact émotionnel majeur et durant quelques jours), troubles de l’adaptation, troubles anxieux ou décompensation d’affections psychiatriques préexistantes et état de stress post-traumatique. Cette catégorie est essentiellement définie par l’intensité relative de l’événement traumatisant dont les conséquences sont susceptibles d’affecter un grand nombre de victimes ou de témoins du fait de la menace objective représentée pour leur intégrité physique ou psychologique : agressions, viols, accidents, catastrophes, confrontations subites à la mort... -Etat de stress aigu : L’état de stress aigu dure de 2 jours à 4 semaines après l’événement traumatique et se développe dans les suites immédiates du traumatisme. Son évolution est souvent spontanément résolutive de 2 jours à 4 semaines. Il est centré sur la répétition involontaire et stéréotypée de l’événement traumatique (cauchemars, images récurrentes, ou de pensées intrusives). On peut ainsi retrouver un syndrome de répétition complet. Ces symptômes spécifiques sont généralement accompagnés d’une anxiété permanente avec exagération de la réaction de sursaut et hypervigilance, parfois source d’insomnie. Dans les suites des traumatismes les plus violents, des symptômes dissociatifs peuvent être observés : hébétude, mutisme, errance, impressions de détachement, dépersonnalisation, déréalisation. L’impossibilité de se souvenir de tout ou partie de l’événement (amnésie lacunaire) en est une conséquence possible. Les symptômes dissociatifs seraient associés à un risque accru d’apparition de l’état de stress post-traumatique. - Etat de Stress Post-Traumatique dont les principales caractéristiques sont : -Syndrome de répétition qui en est l’élément central et quasi-pathognomonique ; souvenirs du traumatisme répétitifs et intrusifs sous forme de flash-back dissociatifs, hallucinations, illusions 25 souvent visuelles. Ils peuvent être déclenchés par des éléments actuels rappelant le traumatisme ou lors de moments de relâchement (ennui en classe, T.V., endormissement). Il peut être associé à la conviction que d’autres traumatismes se produiront, un sentiment profond de vulnérabilité). Les rêves répétitifs de certaines scènes traumatisantes. Association à une hyperréactivité végétative (tremblement, palpitation, dyspnée…), hypervigilance, sursauts. -Comportements d’évitement : refus d’un trajet, d’un lieu qui ressemble ou peut conduire au lieu du traumatisme, tentative de blocage de certaines pensées associées. -Symptomatologie anxieuse non spécifique : plaintes somatiques, humeur dépressive… -Fait suite à une réaction aigue prolongée ou apparition décalée par rapport au traumatisme, jusqu’à 6 mois après. L’état de stress post-traumatique n’est souvent que la chronicisation d’une réaction aiguë de stress, mais peut aussi survenir de manière retardée, (dans les jours ou les semaines qui suivent). On peut retrouver de manière plus variable un certain degré d’émoussement affectif, une tendance à l’isolement, au détachement, ou une modification notable de la vision du monde, éventuellement sous-tendue par des sentiments marqués de culpabilité ou de rejet. Dans environ un tiers des cas, une évolution chronique est à craindre. La probabilité de survenue de ce syndrome et son pronostic dépendent en partie du terrain sur lequel survient le traumatisme : comorbidités avec d’autres troubles psychiatriques, troubles de personnalité. -D’autres types de troubles (adaptation, dépression, trouble panique, phobies,...) sont également susceptibles d’apparaître après un traumatisme violent, soit isolément, soit en association avec ces manifestations. Les troubles anxieux La vulnérabilité anxieuse est non seulement susceptible de se manifester à l’occasion d’événements de vie, traumatiques ou non, mais également de manière apparemment spontanée à divers âges de la vie. Il ne faut pas méconnaître le problème des comorbidités entre troubles anxieux se traduisant pas de fréquentes associations chez les mêmes individus, de manière contemporaine ou séquentielle. Plusieurs études longitudinales ont en particulier démontré que les troubles anxieux constatés chez l’enfant ne se retrouvaient pas obligatoirement sous une forme identique chez l’adulte, mais que leur présence augmentait notablement le risque ultérieur de développement d’un trouble anxieux ou dépressif. L’anxiété généralisée (TAG) L’anxiété généralisée est fréquente (5-10%) mais ne peut être diagnostiquée que si ses symptômes durent depuis plus de six mois. Dans ce cas, le trouble est caractérisé par une anxiété et un sentiment de menace aspécifique et diffus, qui ne peut être associé à un facteur déclenchant. Celle-ci n’est pas justifiée par des éléments réellement menaçants et apparaît excessive avec anticipation négative face aux événements futurs... Les ruminations caractéristiques de l’anxiété généralisée sont incontrôlables, envahissantes, portent sur des sujets variables (la famille, le travail, la santé, la maison), et s’accompagnent de symptômes d’hypervigilance (tension, insomnie, fatigue, difficultés de concentration, réactions de sursaut). Le TAG est source d’un handicap fonctionnel sans lequel le diagnostic du trouble ne saurait être porté. Le trouble comporte souvent des symptômes fonctionnels chroniques (douleurs musculaires ou rachidiennes, céphalées, insomnie, troubles digestifs …) qui peuvent être source d'errance diagnostique en médecine générale ou en consultation spécialisée. L’anxiété généralisée coexiste fréquemment avec les autres troubles anxieux et avec la dépression. Les troubles phobiques Les phobies spécifiques Très fréquentes dans la population générale (10-15%), elles sont limitées à un stimulus déterminé (objet ou situation) comme la proximité de certains animaux, les endroits élevés, les orages, l’obscurité, la foule, les espaces clos, la vue du sang… Face au stimulus phobogène, la réaction anxieuse est immédiate et systématique, pouvant parfois atteindre l’intensité d’une attaque de panique. On retrouve des phénomènes d’anticipation anxieuse et des stratégies d’évitement plus ou moins systématiques. Le handicap fonctionnel est habituellement minime. Les phobies spécifiques apparaissent le plus souvent dans l’enfance, restent stables au cours de l’existence, mais peuvent parfois s’aggraver à l’âge adulte sous l’influence de facteurs divers : survenue d’attaques de panique, traumatismes, événements de vie, maladie (notamment chez le sujet âgé). La phobie sociale L’anxiété sociale pathologique se caractérise par une perturbation du fonctionnement social, permanente ou répétée avec crainte ou évitement excessifs des étrangers, des adultes ou des autres enfants. Le trouble interfère de façon significative avec les relations sociales ; toute situation sociale nouvelle ou imposée provoque une gène et un désarroi marqués. L’enfant entretient néanmoins des relations sociales 26 satisfaisantes avec les personnes connues et l’attachement est normal aux parents ou à d’autres personnes familières. Également normale et adaptative chez les adolescents confrontés aux modifications de leur tissu sociorelationnel, l’anxiété sociale peut s’aggraver à cette époque de manière progressive jusqu’à constituer le tableau de la phobie sociale, le plus fréquent des troubles anxieux rencontré chez l’adulte (8-10%). Dans ce trouble, l’anxiété relève principalement de la crainte d’être jugé négativement par autrui et se révèle donc essentiellement dans les situations d’interaction sociale notamment face aux inconnus, aux personnes du sexe opposé ou à celles occupant une position d’autorité. Dans ces cas les patients appréhendent ou évitent des situations comme les réunions, le fait d’écrire, de manger ou de téléphoner en public ou les situations nécessitant d’interagir avec un tiers ou de s’affirmer face à un interlocuteur. La peur de s’exprimer en public est toujours présente mais ne saurait constituer à elle seule un élément diagnostique suffisant tant elle est fréquente dans la population générale. Ces phobies sociales sont souvent expliquées par les patients par la peur de rougir, de trembler ou de bafouiller ou tout simplement celle qu’on ne remarque leur embarras ; contrairement au trac ou à la timidité, elles entraînent des conséquences fonctionnelles handicapantes et des complications qui, comme la dépression ou l’alcoolisme, sont souvent révélatrices de troubles évoluant déjà depuis plusieurs années. Les phobies sociales surviennent plus fréquemment chez des sujets chez lesquels un tempérament qualifié «d’inhibition comportementale à la nouveauté» et associe anxiété et repli dans les situations non familières (notamment face à des inconnus) et une réactivité sympathique exagérée lors de ces confrontations. L'agoraphobie L'agoraphobie est caractérisée par la crainte d'être confronté à certaines situations (espaces découverts, être en dehors du domicile, magasins, foules, endroits publics, transports en commun …), qui sont de ce fait fréquemment évitées. Il existe des liens complexes entre agoraphobie et trouble panique, que reflètent les positions différentes des classifications : la CIM-10, qui range l'"agoraphobie" parmi les "troubles phobiques", distingue entre "agoraphobie avec trouble panique" et "agoraphobie sans trouble panique", tandis que le DSM-IV (qui distingue entre "agoraphobie sans antécédents d'attaques de panique" et "trouble panique") met l'accent sur l'importance des attaques de panique en séparant le "trouble panique sans agoraphobie" et le "trouble panique avec agoraphobie". Le trouble panique et l’agoraphobie (voir question 191 module 11) Le trouble panique débute brutalement chez un adulte jeune (25-35 ans) et résulte de la répétition d’épisodes d’anxiété aigus et spontanés : les attaques de panique. Sa prévalence est d’environ 1 à 2% chez l’adulte ; il est plus fréquent chez la femme (2/3). La répétition des crises va entraîner chez certains individus l’apparition d’une anxiété inter-critique de plus en plus importante, et constituer ainsi, de façon progressive, le trouble panique proprement dit. Cette anxiété peut alors revêtir soit la forme d’une anticipation permanente, le patient vivant dans la crainte de voir se reproduire ses crises de manière inopinée, soit la forme d’une anxiété phobique, le patient évitant l'ensemble des situations dont il pourrait facilement s'échapper et dans lesquelles il ne pourrait être facilement secouru en cas de nouvelle attaque de panique. C’est dans ce dernier cas qu’on parlera d’agoraphobie avec attaque de panique, terme utilisé pour désigner, non seulement la peur de la place publique et des grands espaces, mais la diversité des situations phobogènes rencontrées chez ces patients : endroits publics, foule, transports en commun, conduite automobile, ponts, tunnels, situations d’immobilité prolongée (coiffeur, encombrements), éloignement d’un pôle de sécurité,... Le déclenchement du trouble panique est souvent consécutif à des facteurs de stress dont la nature varie en fonction des sujets : surmenage, prise de toxiques, difficultés personnelles ou professionnelles, deuils, problèmes médicaux,... Contrairement à la chronicité observée dans la plupart des troubles précédemment décrits, l’évolution du trouble panique peut être résolutive en quelques semaines à quelques mois, même si la vulnérabilité du patient l’expose à des rechutes ultérieures. Dans d’autres cas, une chronicisation est possible malgré la disparition des crises de panique spontanées du fait de l’aggravation de l’agoraphobie. Le Trouble Obsessionnel-Compulsif (TOC) La prévalence du TOC est de 1 à 2 % avec une moyenne d’âge d’apparition à 10 ans et une évolution le plus souvent chronique et progressive. Il associe de façon variable deux types de symptômes spécifiques : les obsessions et les compulsions. Les obsessions sont des idées, des pensées, des impulsions ou des représentations persistantes qui sont vécues comme intrusives et inappropriées et qui entraînent une anxiété ou une souffrance importante. Les obsessions les plus communes sont des pensées répétées de contamination, des doutes répétés, un besoin de placer les objets dans un ordre particulier, des impulsions agressives ou inadaptées, des images sexuelles ou horribles,... Les compulsions sont des comportements répétitifs ou des actes mentaux qui s'imposent au sujet et que l’individu se sent obligé d’exécuter pour conjurer les obsessions, diminuer le niveau d’anxiété ou dans l’espoir qu’elles puissent entraîner ou prévenir une situation ou un événement redouté (Exemple : laver, compter, vérifier, accumuler, rectifier…). Le diagnostic est porté lorsque les manifestations symptomatiques sont à l’origine de sentiments marqués 27 d’anxiété ou de détresse émotionnelle, d’une perte de temps importante (plus d’une heure par jour), ou d’une entrave au fonctionnement normal de l’individu (scolaire, social ou professionnel). Les troubles associent le plus souvent obsessions et compulsions, mais l’un et l’autre de ces éléments peuvent aussi être présents isolément ; le patient reste toujours conscient du caractère absurde ou excessif de ses symptômes et cette autocritique le distingue des patients psychotiques chez lesquels ils peuvent également être rencontrés. L’évolution est le plus souvent chronique, revêtant parfois des formes très invalidantes. Certains TOC peuvent débuter à la suite d’un facteur de stress, d’une grossesse ou dans les suites de troubles du comportement alimentaire chez la femme. Contrairement à une opinion largement répandue, l’existence d’une personnalité obsessionnelle n’est pas un élément nécessaire au développement du trouble, ce dernier pouvant coexister avec d’autres types de personnalité pathologique. Le trouble conversif Caractéristiques du symptôme de conversion •absence de substratum organique : l'examen clinique et les investigations complémentaires ne décèlent pas de lésions organiques sinon des lésions banales (exemples classiques : becs de perroquet à la radiographie de la colonne cervicale, "diverticules" coliques au lavement baryté…) ; •fluctuation dans le temps : recrudescence dans certains contextes (visite de la famille), atténuation voire disparition sous l'effet de certaines suggestions ou de certains traitements placebos ; •de manière inconstante : absence d'angoisse à propos du symptôme – jusqu'à "la belle indifférence" – contrastant avec la dramatisation du symptôme ; •présence de "bénéfices secondaires" (sans oublier qu'il en existe aussi dans les maladies ordinaires) -attentions particulières de l'entourage -congés de maladie prolongés, indemnités versées par une assurance -assistance permanente d'un proche parent -évitement de certaines situations (notamment les relations sexuelles, impossibilité de se rendre au chevet d'une mère démente) ; •ne pas perdre de vue que certains symptômes de conversion sont manifestement réactionnels à des événements (dont la valeur traumatique doit s'évaluer en fonction de la subjectivité du patient et non de manière générale). Conduite à tenir devant un symptôme conversif Toute problématique de ce type suppose une approche psychothérapique. Le traitement du symptôme en soi "comme une maladie", produit des effets iatrogènes : escalade dans les examens, les traitements, les arrêts de travail sans véritable bénéfice thérapeutique. Les thérapies par suggestion, notamment l'hypnose médicale, et toute thérapie qui s'appuie sur des pratiques dites parallèles (homéopathie, acupuncture) démontrent leur efficacité dès lors que ceux qui les appliquent ont quelques talents psychothérapiques. Autres troubles anxieux Trouble anxieux dû à une affection médicale générale : Ce trouble doit être systématiquement envisagé chez tout sujet qui présente des symptômes anxieux non étiquetés du fait des lourdes implications en terme d’orientation thérapeutique. En règle générale, il s’agit plutôt d’attaques de panique, ou d’anxiété généralisée. Des symptômes obsessionnels compulsifs ou phobiques peuvent se rencontrer plus rarement associés à certaines pathologies spécifiques. De manière plus générale, on retrouve ces symptômes dans de nombreuses pathologies médicales : -maladies neurologiques (tumeurs cérébrales, traumatismes cérébraux, crises comitiales, insuffisance vasculaire cérébrale, hémorragies sous-arachnoïdiennes, migraines, encéphalites, sclérose en plaques, épilepsie, maladie de Wilson, maladie de Huntington) - maladies cardio-respiratoires (troubles du rythme cardiaque, pathologie ischémique, insuffisance respiratoire, embolie pulmonaire) maladies endocriniennes (thyroïde, parathyroïdes, hypophyse, surrénales, phéochromocytome, diabète) - maladies infectieuses et maladies inflammatoires (lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, péri-artérite noueuse, maladie de Horton), maladies métaboliques (carence en vitamine B12, pellagre) -cancers Du fait de sa fréquence et du terrain de survenue similaire à celui des troubles anxieux primaires (femme jeune), l’hyperthyroïdie doit être systématiquement recherchée devant une symptomatologie d’anxiété. Le Trouble anxieux induit par une substance : Il peut survenir dans un contexte d'intoxication ou dans un contexte de sevrage à une substance. Les substances en cause sont en particulier l'alcool, les opiacés, les psychostimulants, et notamment la caféine 28 ainsi que certains médicaments (méthylxanthines, bêta-stimulants, corticostéroïdes, substances prodopaminergiques). La symptomatologie anxieuse n'entrant pas dans le cadre des troubles anxieux avérés : Les limites sont parfois ténues entre anxiété « normale » dite de performance, et troubles anxieux avérés. Ainsi, certains patients présentent des symptômes anxieux significatifs, qui sont au-delà de l'anxiété normale, mais qui n'atteignent pas les seuils requis en termes d'intensité ou de durée pour parler de trouble anxieux avéré : on parle alors de pathologie sub-syndromiques (catégorie des troubles anxio-dépressifs mixtes de la CIM 10). Ces symptômes peuvent néanmoins être source de souffrance et de dysfonctionnements socioprofessionnels, justifiant un suivi psychothérapique. Enfin, ils peuvent évoluer éventuellement vers des troubles anxieux avérés. Traitement Les traitements d’urgence Les situations d’urgence liées aux troubles anxieux non comorbides se résument à la prise en charge des attaques de panique et à celle des victimes de traumatismes récents. La crise aiguë d’angoisse ou attaque de panique L'attaque de panique est une urgence subjective pour celui qui la subit mais n’expose le patient à aucune conséquence pathologique notable, en l’absence de comorbidité somatique (ex pathologie cardiaque). Par contre elle peut entraîner une augmentation du risque de passage suicidaire lorsqu’elle survient sur un terrain prédisposant, notamment dépression ou trouble grave de la personnalité. La conduite à tenir se résume à des gestes simples et de bon sens : •Isoler le patient des stimulations anxiogènes, notamment l’inquiétude des proches •Le rassurer et dédramatiser la situation par un examen physique rapide •Eliminer un appoint organique, notamment toxique •Refocaliser l’attention du patient sur autre chose que ses symptômes physiques en l’interrogeant sur ses antécédents, les circonstances d’apparition de sa crise,... •Lutter contre les effets de l’hyperventilation et de l’hypocapnie secondaire en lui faisant adopter une respiration physiologique •Si les mesures précédentes ne suffisent pas, envisager l’administration par voie orale d’un anxiolytique d’absorption rapide comme le diazépam, le recours à une injection intra-musculaire de benzodiazépine (BZD) ayant le double inconvénient d’une absorption incomplète et lente et celui de renforcer les cognitions "catastrophiques" du patient. La prise en charge précoce des victimes de traumatisme Les techniques dites de « débriefing » sont contestées sur la base d’études scientifiques contrôlées. Les interventions précoces auprès des victimes doivent donc être limitées. Leurs principaux objectifs sont : •Repérage et traitement des patients présentant des manifestations aiguës de stress et notamment une symptomatologie dissociative. •Information des victimes et de leurs proches sur les modalités évolutives de leurs symptômes et les possibilités d’aide en cas de persistance de ces derniers •Support psychologique et notamment possibilité d’une écoute de ceux souhaitant reparler des émotions souvent violentes ressenties au cours de la situation traumatique. Les anxiolytiques sont à utiliser avec parcimonie à ce stade, certaines études suggérant qu’elles puissent favoriser le risque ultérieur de développement d’un état de stress post-traumatique. Les traitements de fond Approches psychothérapiques Les TCC s’intéressent principalement aux mécanismes d’acquisition et d’apprentissage des comportements normaux et pathologiques et aux processus conscients ou inconscients de traitement de l’information. Limitées dans le temps, ces psychothérapies se caractérisent par leur aspect très interactif et par le nombre des études scientifiques ayant démontré leur efficacité (notamment dans les troubles anxieux). Leurs indications privilégiées sont le refus scolaire, les troubles phobiques, l’agoraphobie, les troubles obsessionnels et compulsifs, les dépressions d’intensité modérée. Les TCC peuvent être utilisées en association avec les traitements psychotropes. Contrairement à ces derniers, les TCC ont un effet thérapeutique durable, qui persiste bien au delà du traitement et limite ainsi le risque de rechute. Les principales techniques utilisées en TCC sont : la relaxation, la désensibilisation (par exposition in vivo ou en imagination), l’affirmation de soi, la restructuration cognitive. Toutes visent à assurer une meilleure autonomie et un contrôle accru du patient sur les divers aspects pathologiques de son anxiété, tout en préservant chez celui-ci les modulations anxieuses normales et leur rôle adaptatif. Vu le nombre encore limité des spécialistes des TCC en France, signalons l’intérêt potentiel des techniques de relaxation, plus facilement accessibles, sur la symptomatologie somatique de nombreux troubles anxieux, notamment l’anxiété généralisée. III.2.b Les traitements psychotropes 29 Ils doivent toujours être associés à une approche psychoéducative associant réassurance, explications sur les symptômes et information sur le caractère adaptatif de l’anxiété « normale ». En fonction de leur délai d’action on peut distinguer : -des psychotropes ayant une activité anxiolytique rapide : C’est avant tout le cas des benzodiazépines (BZD) dont de nombreux dérivés existent sur le marché. Leurs propriétés pharmacologiques sont voisines : anxiolyse, sédation, activité myorelaxante, anticonvulsivante et amnésiante. Elles exposent toutes à un risque de dépendance en cas d’utilisation prolongée, et ne devraient, de ce fait, pas être prescrites de façon continue pour plus de 12 semaines consécutives dans l’anxiété et pour plus de 4 semaines dans l’insomnie. Même dans ces cas, l’arrêt du traitement doit être progressif afin d’éviter l’apparition d’une anxiété-rebond ou de symptômes de sevrage qui caractérisent l'instauration d'une dépendance. Les BZD sont indiquées à titre symptomatique dans le traitement des manifestations d’anxiété intenses et/ou invalidantes. Elles peuvent être utilisées transitoirement en association avec les antidépresseurs en attendant le développement de l’activité thérapeutique de ces derniers. Dans l’anxiété généralisée, elles peuvent être utilisées seules pour une période de temps limitée du fait de l’exacerbation souvent transitoire des symptômes. Dans le trouble panique, les BZD peuvent être utilisées comme traitement des attaques de panique ou du trouble panique ; cette dernière indication est cependant limitée par le risque de dépendance. En ce qui concerne les autres psychotropes d’action rapide (anti-histaminiques, neuroleptiques sédatifs), leur utilisation n’est pas étayée par des essais cliniques contrôlés et relève donc de contre-indications éventuelles aux BZD, ou de l’inefficacité de ces dernières. Les carbamates ne devraient plus être utilisés (risque de dépendance, cardiotoxicité en cas de surdosage, effet inducteur sur les enzymes hépatiques). -des psychotropes ayant une activité anxiolytique progressive, c’est-à-dire se développant en 4 semaines environ : Il s’agit avant tout des antidépresseurs et notamment des inhibiteurs spécifiques de la recapture de sérotonine (ISRS), dont l’efficacité dans les troubles anxieux est indépendante de l’existence d’une symptomatologie dépressive associée. Cette efficacité a été démontrée dans l’ensemble des troubles anxieux de l’adulte (à l’exception des troubles de l’adaptation et des phobies spécifiques), même si tous ne possèdent pas l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour l’ensemble de ces indications. Les ISRS doivent être utilisés aux mêmes posologies que celles connues pour être efficaces dans les états dépressifs majeurs ; seuls les TOC peuvent nécessiter des posologies plus importantes en cas de non réponse aux posologies habituelles. Du fait de la sensibilité accrue des patients souffrant de troubles panique aux effets secondaires des médicaments, le traitement sera initié aux plus faibles doses possibles sur ce terrain. En ce qui concerne les autres types d’antidépresseurs, la venlafaxine possède une indication AMM dans le trouble anxieux généralisé. Les antidépresseurs tricycliques peuvent être utilisés en seconde intention dans le traitement du trouble panique et dans celui du TOC. L’utilisation des IMAO mérite d’être tentée dans les troubles anxieux résistants et notamment dans les phobies sociales. La buspirone est un autre psychotrope d’activité progressive dont l’efficacité a été démontrée dans le traitement de l’anxiété généralisée. Elle est particulièrement intéressante pour le traitement du sujet âgé ou alcoolique du fait de son absence d’effets sédatifs ou cognitifs, d’interaction avec l’alcool ou de potentiel addictif. 30 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et Vulnérabilité Question 42 - TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DE L’ADULTE Rédaction : F Baylé, R Dardennes, JD Guelfi, H Lôo, JP Olié Relecture : R Dardennes et F Lang Résumé : P. Delamillieure Objectifs généraux Diagnostiquer une anorexie mentale et une boulimie Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Objectifs spécifiques : Anorexie mentale -Connaître la fréquence de l’anorexie mentale et ses facteurs étiologiques -Savoir les principales expressions et formes cliniques de l’anorexie mentale -Faire le diagnostic d’anorexie mentale de l’adolescence. -Savoir les modalités évolutives et le pronostic de l’anorexie mentale -Connaître les principes du traitement et de la prise en charge des anorexiques mentales Boulimie -Connaître la fréquence de la boulimie et ses facteurs étiologiques -Connaître la symptomatologie clinique, dont le déroulement de l’accès boulimique -Connaître les modalités évolutives de la boulimie -Connaître les principes du traitement de la boulimie I. LES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES I.1. Epidémiologie des troubles des conduites alimentaires •Prévalence de l’obésité en France : 10 %. •Prédominance féminine des troubles pour les formes à début péri pubertaire, sex-ratio 1/9. I.2.Pica Définition : •Ingestion de substances non nutritives tels que terre, cailloux, végétaux, papiers, excréments, cheveux, peinture, etc. Ne représente pas une pratique culturellement admise. Etiologie : Carences martiales. Carences en zinc. Négligence et carences parentales. Retard de développement. Troubles psychiatriques (autismes, schizophrénie). Evolution et complications : Digestives : trouble du transit, occlusions intestinales bénignes, corps étrangers. Respiratoires : fausses routes répétées. Infectieuses, bactériennes ou parasitaires. Traitement : Prise en charge complexe, résultats décevants. Neuroleptiques : améliorations transitoires chez les patients délirants. Aménagement des lieux et surveillance du patient en milieu institutionnel. Thérapie cognitivo-comportementale I.3.Mérysisme Rumination avec régurgitation puis réingestion du bol alimentaire et ceci de façon répétée. Epidémiologie : 31 La fréquence du mérycisme dans la petite enfance a considérablement diminué. Le mérycisme continue à exister chez des jeunes adultes anorexiques ou boulimiques. Clinique : Rumination « physiologique » chez des sujets indemnes de tout autre trouble. Enfants hospitalisés. Retards mentaux. Associé à des troubles du comportement alimentaire. Etiologie : Le syndrome de rumination est sous-diagnostiqué, comportement souvent caché mérycisme associé aux troubles alimentaires dans 20 % des cas. Examens complémentaires : Pas d’investigation particulière ; la manométrie œsophagienne ne semble pas nécessaire pour faire le diagnostic. Evolution et complications : Dénutrition. Déshydratation. Retard de développement. Traitement : -Thérapie cognitivo-comportementale -Relaxation. I.4. Anorexie mentale Critères de diagnostic de l’anorexie : Refus de maintenir un poids au-dessus de IMC (indice de masse corporelle) = 17,5. IMC normal entre 20 et 25. Peur intense de devenir gros. Altération de la perception du corps, déni des troubles (non-reconnaissance de l’état de maigreur ou de danger vital). Aménorrhée. Sous-type restrictif / sous-type boulimie, vomissements, laxatifs. Hypothèses étiopathogéniques : - Facteurs biologiques : - Neuropeptide Y –cholécystokinine – ghréline - leptine. - Facteurs psychologiques : troubles du développement précoce entre 0 et 2 ans (séparation mèreenfant précoce), interactions familiales (troubles de la communication intra-familiale, confusion des rôles parentaux). - Facteurs socioculturels - Facteurs génétiques. Epidémiologie : Prévalence de l’anorexie : 1 % de la population adolescente de plus de 16 ans. Prédominance féminine des troubles pour les formes à début pré-pubertaire : sex-ratio 1/9. Taux de mortalité : 15-20 % (dénutrition, suicide). Clinique : Début des troubles à l’adolescence (Transformations corporelles au moment de la puberté) mais existence de formes à début pré-pubertaire et à début plus tardif. Restrictions, mais aussi grignotages entraînant un léger surpoids. Amaigrissement rapide ou progressif. Sensation de faim persistante qui ensuite s’atténue. Préoccupations excessives concernant l’alimentation avec comptage des calories. Stratégie de contrôle du poids : prise de laxatifs, prise de diurétiques, vomissements, prise d’extraits thyroïdiens, (omissions volontaires d’insuline chez les diabétiques insulino-dépendants). Aménorrhée : (Attention à l’utilisation de pilule oestroprogestative……) Parfois début des troubles par des vomissements provoqués, par des crises boulimiques. Notion de continuum dans l’évolution des troubles alimentaires avec passage d’une forme restrictive à une forme boulimique (dans 50 % des cas). Les conduites restrictives : •Restrictions d’abord quantitatives : diminuer les portions, cacher ou stocker la nourriture. •Restrictions qualitatives : éliminer certaines catégories d’aliments (fruits (sauf bananes), légumes verts et les laitages, végétarisme, produits allégés, édulcorants, laitages à O % de matière grasse). Déni des troubles. Hyper-investissement scolaire ou professionnel. Troubles de la perception corporelle : (Non-reconnaissance de l’état de maigreur). Hyperactivité physique : •Stratégie de contrôle du poids, avec polyurie. 32 •Consommation excessive de boissons : (volonté de se purger, de nettoyer, de purifier l’intérieur de l’organisme sous-tendue par l’idée que la consommation de boisson fait perdre du poids). •déshydratation et une sensation de soif. •risque d’épilepsie ou de coma. Autres troubles comportementaux : •Restriction hydrique. •Consommation excessive d’épices. •Stockage alimentaire (syndrome du hamster). •Mérycisme et régurgitations. •Auto-saignements. Examens complémentaires : Ionogramme : (kaliémie / phosphorémie), Bilan hépatique Formule numération sanguine Protéines de la nutrition Electrocardiogramme Impédancemétrie (mesure de la composition corporelle) Ostéodensitométrie Evolution et complications : Troubles digestifs : retard à la vidange gastrique Hypertrophie des glandes salivaires Troubles des phanères / lanugo Ostéoporose Troubles de la fertilité Hypotrophie ou malformations fœtales Risque d’infections (mycobactérie) Iatrogène (ré-alimentation trop brutale, « refeeding syndrome ») se manifestant par une aggravation de la cytolyse hépatique avec troubles de l’hémostase et hypophosphorémie à l’origine de troubles du rythme cardiaque. Diagnostic différentiel : Dépression Schizophrénie dans moins de 10 % des cas Trouble obsessionnel-compulsif Troubles de la personnalité de tout type, mais plus particulièrement évitante et état limite dans 50 % des cas Dénutrition : •signes cliniques : bradycardie, acrocyanose, œdèmes des membres inférieurs, troubles de phanères, lanugo, œdèmes, hypotension, hypothermie, mauvais état bucco-dentaire, •signes biologiques : -perturbations du bilan hépatique, -troubles de l’hémostase, -pan cytopénie possibilité de nécrose gélatineuse de la moelle (probablement d’origine carentielle). Traitement : •Hospitalisation libre, mais contractuelle (durée des programmes 3-4 mois correction des troubles). •Approches diététiques et nutritionnelles. Les différentes phases du traitement hospitalier : - Renutrition progressive, - Programme de diversification alimentaire. - Ré-apprentissage alimentaire complet. Les traitements nutritionnels : - Stratégie de renutrition : -perte de poids rapide -facteur de gravité, -BMI < 14, -hypokaliémie, -cytolyse hépatique, -hypophosphorémie. - Moyens : -alimentation par son nasogastrique, -apports caloriques très progressifs, -supplémentation en phosphore, vitamines et oligo-éléments, -régime désodé. 33 •Approches cognitivo-comportementales. Les traitements comportementaux : Application du conditionnement opérant à la modification du comportement alimentaire (système de renforçateurs). - Techniques de modeling (repas thérapeutiques). - Exercices d’évaluation des quantités alimentaires. - Ateliers repas. Approches psycho-éducatives (groupes d’information, thèmes relatifs aux troubles alimentaires). Thérapie cognitive : Cibles thérapeutiques : -distorsions cognitives, -croyances irrationnelles relatives : -aux aliments, -à la représentation corporelle, -à l’estime de soi. Thérapie d’affirmation de soi : -Traiter un défaut d’assertivité : inhibition, agressivité. - Traiter une phobie sociale. Technique de relaxation : type training autogène de Schultz, technique de Jacobson : -contrôler l’anxiété post-prandiale, -aider à contrôler les régurgitations, le mérycisme. •Psychothérapies individuelles et de groupe. Psychothérapie d’inspiration analytique. Thérapie familiale : indiquée plutôt chez les adolescents et jeunes adultes. Suivi ambulatoire : •Traitement de la comorbidité psychiatrique. •Contrat thérapeutique avec évaluation hebdomadaire des objectifs thérapeutiques. I.5.Boulimie Différents aspects cliniques : •Boulimie. •Binge eating disorder. •Night eating syndrome. •Hyperphagie. •Grignotages. Critères de diagnostic de la boulimie : Survenue récente de crises de gloutonnerie : •quantité de nourriture largement supérieure à la normale, •sentiment de perte de contrôle pendant la crise. Comportements visant à perdre du poids. Survient en moyenne deux fois par semaine pendant trois mois. Estime de soi influencée de manière excessive par le poids et les formes corporelles. Epidémiologie : Prévalence de la boulimie : 3 à 5 %. Caractéristiques de la boulimie : Caractéristiques physiologiques : •fluctuations pondérales, •aménorrhée ou dysménorrhée, •effets de la privation ou semi-privation / risque d’ostéoporose. Caractéristiques comportementales : •épisodes récurrents de gloutonnerie incontrôlable, •stratégies de compensation pour contrôler le poids, •refus de maintenir le poids physiologique. Caractéristiques psychologiques : •préoccupations extrêmes concernant le poids et les formes corporelles, •instabilité affective, •peur de la grosseur, •dépression, anxiété, honte du fait de la perte de contrôle, •impulsivité, comportements auto-agressifs, abus de substance, tentatives de suicide… •grand besoin d’approbation, •difficultés d’adaptation sociale, •faible estime de soi et auto-dépréciation. 34 Conséquences somatiques des boulimies : •syndromes pseudo occlusifs, •prise de poids, •hypertrophie des glandes salivaires (parotidomégalie), •mauvais état nutritionnel malgré un poids normal, •troubles des règles. Conséquences des vomissements : •hypokaliémie, •érosions dentaires, •douleurs œsophagiennes et gastriques, •ingestion de corps étrangers au cours des vomissements provoqués, •fausse route. Traitement : Cibles du traitement : Comportements potentiellement dangereux : •crises de boulimie, •vomissements, •restrictions alimentaires. Les méthodes comportementales, les méthodes cognitives et les méthodes mixtes peuvent être envisagées en individuel ou en groupe. Méthodes comportementales : •auto-enregistrement, •planification des repas, •contrôle de stimulus, •résolution de problèmes. Traitement cognitivo-comportemental •restructuration cognitive : croyances, pensées automatiques, pensées alternatives •gestion des émotions •correction des perturbations de l’image corporelle Groupe psycho-éducatif pour la boulimie : •informations sur la nature des troubles, sur la prise en charge 35 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et Vulnérabilité Question 43 - TROUBLES DU SOMMEIL DE L'ADULTE Rédaction : B. Bonin Relecture : D. Pringuey Résumé : R. Gaillard et F. Baylé Objectifs généraux Diagnostiquer les troubles du sommeil de l'adulte Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Objectifs spécifiques : Connaître le sens des termes hypersomnie, somnolence diurne excessive, trouble du rythme circadien, parasomnie Savoir orienter l’examen clinique face à une plainte de trouble de sommeil telle que l’insomnie Connaître les principales causes d’insomnies secondaires d’origine psychiatrique : troubles anxieux, épisode dépressif majeur, état maniaque Connaître les principales classes d’hypnotiques et leurs indications I - Généralités Le sommeil est un besoin physiologique et fondamental qui occupe le tiers de l'existence de l'être humain. Chez l'adulte le sommeil est organisé en cycles avec alternance de phases de sommeil lent, de profondeur croissante (stade I, II, III et IV) et de phases de sommeil paradoxal (sommeil REM : rapid eye movements ou mouvements oculaires rapides). Une nuit de sommeil comporte 4 à 5 cycles, chacun d'une durée d'environ 90 minutes. Dans un cycle, les critères électro-encéphalographiques, électro-myographiques et électrooculographiques objectivent 5 stades : - stade I et II : sommeil léger - stade III et IV : sommeil lent profond - stade V : sommeil paradoxal SP ou REM (Rapid Eye Movements) I.1. Classification des troubles du sommeil Les troubles du sommeil sont classés selon leur forme, leur durée ou leurs causes. On distingue : - les dyssomnies : perturbations de la qualité, de la quantité ou des horaires du sommeil : insomnies, hypersomnies, troubles circadiens. L'origine intrinsèque (cause interne à l'organisme) ou extrinsèque (cause extérieure) est considérée pour la classification. - les parasomnies : phénomènes anormaux qui surviennent au cours du sommeil : somnambulisme, cauchemars, terreurs nocturnes… I.2. Examen clinique Les troubles du sommeil sont une plainte subjective fréquente ; ils nécessitent néanmoins une écoute attentive, un examen clinique minutieux, parfois un interrogatoire de l'entourage. L'examen doit rechercher : - les antécédents - les caractéristiques des troubles : circonstances d'apparition, ancienneté, forme, durée… en recherchant un trouble spécifique - des facteurs circonstanciels - l'existence d'une pathologie psychiatrique ou organique - les signes d'accompagnement : phénomènes hypnagogiques, rites, ronflements, pauses respiratoires, éveils, polyurie, mouvements des membres… - les répercussions diurnes : céphalées, lombalgies, fatigue, somnolence diurne, troubles cognitifs, irritabilité, troubles du comportement, de l'humeur, cataplexie… I.3. Examens complémentaires L'enregistrement polygraphique du sommeil permet d'objectiver le trouble du sommeil par l'étude de l'architecture interne du sommeil. La polysomnographie comprend l'enregistrement simultané de : 36 - l'électroencéphalogramme - l'électromyogramme du menton - l'électro-oculogramme II – Insomnies II.1. Définition- Epidémiologie L'insomnie est une plainte subjective qui désigne à la fois une durée insuffisante du sommeil et un sommeil non réparateur. La prévalence apparaît importante : - 10 à 15 % dans la population générale - une comorbidité psychiatrique existe dans1/3 des cas - 7 % des ordonnances comportent un hypnotique II.2. Insomnies Transitoires 1) Définitions Les insomnies occasionnelles (quelques nuits) ou à court terme (quelques semaines) surviennent chez des sujets dont le sommeil est habituellement satisfaisant. Leur caractère réactionnel est souvent manifeste. 2) Prévalence Ce sont les insomnies les plus fréquentes : 30 à 40 % de la population générale. 3) Causes diverses - Causes psychologiques : évènements de vie, deuil, difficultés familiales, professionnelles, facteurs de stress… - Mauvaise hygiène de vie : longues siestes, abus d'excitants, lever ou coucher irrégulier, hyperactivité physique le soir, suractivité professionnelle… - Trouble somatique : douleur aiguë, toux, prurit, fièvre… - Environnement : nuisances sonores, altitude, mauvaises conditions de coucher, hospitalisation… 4) Traitement Conseils d'hygiène du sommeil A faire : - se coucher à heure régulière - se lever à heure régulière - dormir dans une chambre fraîche, sombre, calme - se relaxer avant l'heure du coucher (lecture, bain tiède) - faire de l'exercice en journée mas pas trop tard en soirée - douche chaude le matin, fraîche le soir (pour accompagner l'évolution physiologique de la température) Eviter : - le lever tardif - la sieste l'après-midi - l'alcool - un dîner lourd - le café, le thé, certains sodas - aller au lit trop tôt Prescription d'un traitement Dans le cas de l'insomnie à court terme, la prescription d'un hypnotique à demi-vie courte (cyclopyrrolones : zopiclone (5 H), Imovane* ; imidazopyridines : zolpidem (2,4 H), Stilnox*) peut être envisagée à faible posologie, sur une courte période, quelques jours à quelques semaines, avec réévaluation régulière de la prescription. Il convient d'informer le patient des effets indésirables des médicaments, du risque de dépendance, de la possibilité d'une insomnie de rebond à l'arrêt de l'hypnotique. II.3. Insomnies Secondaires 1) Causes psychiatriques Tous les troubles psychiques peuvent s'accompagner d'une insomnie. Les causes psychiatriques représentent 30 à 60 % des causes d'insomnie. -Insomnie matinale - Etats dépressifs -Les dépressions s'accompagnent, dans 80 à 90 % des cas, d'insomnie. -Toutes les formes d'insomnies peuvent être observées ; mais l'insomnie dépressive, en particulier dans la mélancolie, est cliniquement une insomnie matinale : réveil précoce (3 à 4 heures du matin) avec, dès le réveil, recrudescence des symptômes dépressifs (tristesse, ruminations, angoisse, fatigue, idéations suicidaires…). -Insomnie d'endormissement - Anxiété -Les troubles anxieux et névrotiques sont souvent à l'origine d'une insomnie d'endormissement chronique, l'anxiété s'opposant à l'abandon dans le sommeil. 37 -Le coucher s'accompagne souvent d'une tension anxieuse avec crainte de l'insomnie, de ruminations, de rituels. -La prescription d'un hypnotique, d'un anxiolytique est souvent indiquée ; il convient cependant d'apprécier le risque de dépendance à l'hypnotique et de rappeler les conseils d'hygiène du sommeil. -Insomnie totale -Les accès maniaques, les états délirants, les états confusionnels désorganisent le cycle sommeil veille entraînant souvent une insomnie totale, à l'origine d'une agitation nocturne. -Le traitement hypnotique fait souvent appel à la prescription d'un antipsychotique ou au traitement de l’accès maniaque -Insomnie chronique -Les troubles de la personnalité, les addictions donnent souvent lieu à une insomnie chronique. -La prescription d'hypnotiques ou d'anxiolytiques de la famille des benzodiazépines expose à la dépendance, voire à un usage addictif. La chimiothérapie fait appel aux phénothiazines sédatives, aux antidépresseurs sédatifs à faible posologie et surtout à la psychothérapie, à la relaxation. 2) Causes organiques De nombreuses pathologies peuvent perturber le sommeil. Le traitement de l'insomnie est celui de la cause, complété éventuellement par un traitement hypnotique (benzodiazépines) sur une courte durée. 3) Causes toxiques et iatrogènes - Abus de substances stimulantes : café, tabac, amphétamines, cocaïne, psychotropes stimulants - Alcool : l'abus d'alcool est à l'origine d'une perturbation du sommeil (diminution des durées du sommeil lent profond, du sommeil paradoxal) avec endormissement facilité mais réveil précoce et sensation de sommeil non réparateur. Le sevrage alcoolique est également à l'origine d'une insomnie presque totale. - Certains médicaments : théophylline, corticoïdes, antidépresseurs stimulants, hypnotiques au long cours. L'aménagement horaire des prescriptions médicamenteuses, les conseils hygiéno-diététiques sont la base de l'approche thérapeutique. II.4. Insomnie Chronique Primaire Ce type d'insomnies regroupe la majeure partie des insomnies chroniques pour lesquelles aucune cause n'est retrouvée. L'insomnie est le seul symptôme, résultant, au plan physiopathologique, d'un phénomène d'hyperéveil entravant le fonctionnement des mécanismes d'induction du sommeil. On distingue : - l'insomnie idiopathique qui évolue depuis l'enfance avec souvent des répercussions diurnes - l'insomnie psychophysiologique ; il s'agit d'une insomnie conditionnée, acquise, dépendant à la fois de facteurs psychologiques, peur de s'endormir, anxiété anticipatoire de l'insomnie, et de facteurs physiologiques, conditionnement négatif du sommeil. L'insomnie, objectivée par la polysomnographie, est la préoccupation majeure du patient dont le sommeil est d'autant plus perturbé que le sujet redoute une nuit sans sommeil. - la mauvaise perception du sommeil : hypnoagnosie ; le trouble du sommeil n'est pas retrouvé à l'examen polygraphique et n'a pas de conséquences diurnes. Ces insomnies sont souvent à l'origine de polymédications anciennes qu'il convient de contrôler. Leur traitement fait appel à différentes méthodes : restriction du temps de sommeil, relaxation, psychothérapie, thérapies comportementales. III – Troubles de l'éveil et hypersomnies Ces troubles, qui concernent entre 2,5 et 8,7 % de la population selon les études, correspondent à une vigilance altérée en durée (hypersomnie) ou en qualité (somnolence diurne). A l'inverse de l'insomnie, ces troubles sont souvent méconnus, négligés, difficiles à diagnostiquer et à traiter d'autant que la déstructuration du sommeil est parfois mal perçue par le patient. III.1. Les syndromes d'apnée obstructive du sommeil 1 - Définition Le syndrome d'apnée obstructive du sommeil se définit comme un arrêt de l'échange aérien au niveau de la bouche et du nez d'au moins 10 secondes, survenant plus de 5 fois par heures de sommeil alors que les mouvements thoraco-abdominaux persistent. Cette persistance des mouvements thoraco-abdominaux différencie les apnées obstructives des apnées centrales au cours desquelles ces mouvements seront absents. Première cause de somnolence diurne, ce syndrome se rencontre le plus souvent chez l'homme de la cinquantaine, ronfleur, en excès pondéral. Forme très évoluée de cette pathologie, le syndrome de PICKWICK associe apnées du sommeil, obésité, cyanose, polyglobulie, insuffisance cardiorespiratoire. 2 - Clinique - Au cours de la nuit : ronflements, arrêts respiratoires répétés suivis d'un éveil bref, rarement perçu par le patient, et d'une reprise respiratoire bruyante. On note une polyurie nocturne, un sommeil agité avec cauchemars, une transpiration abondante. - Le réveil matinal est difficile avec céphalées, gorge irritée par les ronflements. 38 - Au cours de la journée on retrouve une somnolence diurne, des endormissements involontaires. Le patient se plaint d'asthénie, de troubles cognitifs (attention, concentration, mémoire), d'anxiété, d'humeur dépressive. 3 - Terrain - Obésité - ORL : hypertrophie amygdalienne ; voile du palais hypotonique, long, épais - Facteurs aggravants : alcool, benzodiazépines 4 - Complications - Accidents de voiture, du travail - Hypertension artérielle, accidents ischémiques cérébraux, coronariens 5 - Comorbidité - Acromégalie, hyperthyroïdie - Maladies neuromusculaires - Bronchite chronique 6 - Bilan - Polysomnographie - Oxymétrie nocturne : diminution de 50 % du taux d'oxygène sanguin au cours des apnées - Examen O.R.L. - Bilan fonctionnel respiratoire, cardiovasculaire, métabolique 7 - Traitement - Action au niveau des facteurs aggravants : poids, alcool, benzodiazépines - Respiration en pression positive continue la nuit - Traitement chirurgical dans certains cas : uvulo-palato-pharyngoplastie III.2. Hypersomnie par insuffisance de sommeil 1 - Définition Il s'agit d'une restriction chronique de sommeil, volontaire mais non intentionnelle, à l'origine d'une hypersomnolence diurne pour laquelle le patient consulte. Cette insuffisance de sommeil est liée le plus souvent à un travail exigeant, un travail posté, la maladie d'un proche, la naissance d'un enfant… L'existence d'une hypersomnie diurne différencie ce trouble des sujets courts dormeurs qui ont un temps de sommeil court mais sans conséquences diurnes. 2 - Clinique Le sujet se plaint : - réveil difficile - somnolence l'après-midi - altération des performances - difficultés d'attention - irritabilité - fatigue 3 - Examen polygraphique Il montre un sommeil riche en sommeil lent profond, un endormissement rapide confirmant la dette de sommeil. 4 - Thérapeutique Le traitement consiste en un allongement du temps de sommeil avec réapprentissage d'une hygiène de vie. III.3. Hypersomnie iatrogène La somnolence diurne liée à certains médicaments nécessite l'examen de sa durée, de son intensité, de ses conséquences sur la vie quotidienne et la conduite automobile. Un aménagement des posologies prescrites est nécessaire. - Médicaments psychotropes Les hypnotiques à demi-vie longue, les anxiolytiques, les antidépresseurs, les antipsychotiques, les thymorégulateurs peuvent induire une somnolence diurne liée en particulier à l'effet antihistaminique H1. - Autres médicaments Les anticomitiaux, antihistaminiques, myorelaxants, antimigraineux, progestatifs, antalgiques d'action centrale, morphinomimétiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, certains antihypertenseurs comme la clonidine peuvent également être à l'origine d'une somnolence diurne. III.4. La narcolepsie 1 - Clinique Décrite par GELINEAU (1880), la narcolepsie, observée plutôt chez l'homme, débutant le plus souvent à l'adolescence, associe une tétrade symptomatique : - une hypersomnie avec somnolence diurne quotidienne excessive, non permanente, survenant souvent aux mêmes heures pour un sujet : attaques de sommeil soudaines, incontrôlables ; 39 - des accès de cataplexie : abolition soudaine, de courte durée du tonus musculaire. Cette hypotonie peut être généralisée ou ne concerner que certains groupes musculaires (chute de la mâchoire, bascule de la tête, dérobement des genoux…). Les accès surviennent souvent à l'occasion d'émotions ; - des hallucinations visuelles, auditives, surviennent à l'endormissement, dans un vécu d'angoisse ; - les paralysies du sommeil se caractérisent par une incapacité totale à mobiliser les muscles, à respirer avec une amplitude normale ; elles surviennent lors d'un éveil, durant quelques minutes. Le patient se plaint également d'un sommeil de mauvaise qualité ; l'endormissement est rapide mais il existe de multiples éveils nocturnes avec une activité onirique importante. 2 - Diagnostic - Clinique : il est souvent porté avec un retard de plusieurs années. La cataplexie manque parfois au tableau clinique. - Polysomnographie : le test itératif d'endormissement montre une latence courte d'endormissement (8 minutes) avec apparition rapide de sommeil paradoxal. - Le typage HLA n'est pas indispensable au diagnostic mais écarte le diagnostic dans les cas incertains si l'association avec HLA DR2-DQ1 n'est pas retrouvée. 3 - Comorbidité Une comorbidité peut être retrouvée avec : - un syndrome d'apnée du sommeil - un syndrome des mouvements périodiques des membres - une affection neurologique : tumeur cérébrale, encéphalite, sclérose en plaques, traumatisme crânien 4 - Physiopathologie L'approche physiopathologique de cette désorganisation des états de veille et de sommeil évoque actuellement un déséquilibre des systèmes cholinergiques (hypersensibilité) et monoaminergiques (hypofonctionnement). Le caractère génétique de cette maladie est attesté depuis de nombreuses années. 5 - Traitement Traitement de la somnolence et des accès de sommeil -Pharmacologique : modafinil (Modiodal*), méthylphenidate (Ritaline*) -Siestes Traitement de la cataplexie, des hallucinations, des paralysies du sommeil -Pharmacologique : antidépresseurs (tricycliques, IRS) -Thérapies comportementales Traitement du mauvais sommeil -Pharmacologique : hypnotiques -Conseils d'hygiène du sommeil 6 - Aspects médico-légaux La narcolepsie est en principe une contre-indication à la conduite de tout véhicule (arrêté du 7 mai 1997). III.5. Hypersomnie primaire ou idiopathique 1 - Clinique Débutant à l'âge adulte, cette hypersomnie apparaît isolée, sans cause connue ; il s'agit d'une somnolence diurne excessive (ivresse de sommeil) avec des périodes d'endormissements involontaires de quelques heures, non réparatrices. Le sommeil nocturne est en général satisfaisant mais long avec un réveil difficile, tardif à l'origine de conséquences socio-professionnelles. Le patient décrit parfois une impression de n'être jamais complètement éveillé. 2 - Diagnostic - Clinique : cette hypersomnie ne s'accompagne pas de cataplexie, d'hallucinations, de paralysies du sommeil. - Polysomnographie : les enregistrements montrent l'heure tardive du réveil spontané, un temps de sommeil sur 24 heures souvent supérieur à 12 heures. Le test itératif d'endormissement met en évidence un endormissement rapide (10 minutes) en sommeil lent (non en sommeil paradoxal comme dans la narcolepsie). - Diagnostic différentiel : -narcolepsie -causes psychiatriques d'hypersomnie -causes infectieuses ou organiques cérébrales 3 - Physiopathologie Une désynchronisation du système noradrénergique est évoquée. 4 - Traitement - Pharmacologique : antidépresseurs stimulants (tricycliques, IRS) - Conseil d'hygiène de sommeil avec en particulier interdiction des siestes. III.6 Hypersomnies récurrentes 40 1 - Définition Ce sont des affections rares caractérisées par des accès récurrents de somnolence intense ; les accès durent de plusieurs jours à plusieurs semaines, se reproduisant à des intervalles très variables ; entre les accès le sujet ne présente pas de troubles de la vigilance. 2 - Clinique et traitement - Le syndrome de KLEINE LEVIN affecte l'adolescent de sexe masculin. Les épisodes de somnolence sont associés à une hyperphagie compulsive, une désinhibition avec hypersexualité, des troubles psychiques (étrangeté, hallucinations), du comportement (irritabilité, agressivité). Le tracé électroencéphalographique est ralenti avec quelques bouffées théta. La polysomnographie montre un sommeil long, pauvre en sommeil lent profond, une latence courte du sommeil paradoxal. Une thérapeutique par thymorégulateurs ne se justifie que lors d'accès fréquents. - Certaines formes sont d'origine organique : tumeur cérébrale (3e ventricule), complications évolutives de traumatisme crânien, d'encéphalite. - D'autres formes apparaissent de cause psychiatrique : troubles dépressifs de l'humeur en particulier. III.7. Mouvements périodiques nocturnes des membres et syndrome des jambes sans repos 1 - Mouvements périodiques nocturnes des membres Survenant pendant la nuit, à l'origine d'éveils, cette pathologie se manifeste par des secousses de quelques secondes, survenant de manière périodique toutes les 30 secondes, qui affectent surtout les membres inférieurs. A ces secousses s'associent une extension du gros orteil, une dorsiflexion du pied, parfois une flexion du genou, de la hanche. Le sujet se plaint d'un sommeil non réparateur, d'insomnie de milieu de nuit, d'une sensation de fatigue des membres inférieurs le matin. La polysomnographie montre les bouffées d'activation sur l'électromyogramme des membres inférieurs. Ces mouvements, dont la fréquence croît avec l'âge, peuvent être associés à d'autres troubles du sommeil (narcolepsie, syndrome d'apnées du sommeil) ; ils apparaissent plus fréquents chez les patients traités par antidépresseurs. 2 - Syndrome des jambes sans repos Survenant le soir, surtout au coucher, des paresthésies à type de fourmillements, de brûlures des membres inférieurs, soulagées par le mouvement, empêchent l'endormissement. La polysomnographie montre l'existence fréquente de mouvements périodiques nocturnes des membres. Ces impatiences, apparaissant vers la trentaine, ont une évolution fluctuante. Il faut noter leur fréquence au cours du dernier trimestre de la grossesse, chez les patients traités par antidépresseurs. 3 - Traitement La thérapeutique de ces deux affections fait appel aux benzodiazépines, en particulier le clonazépam (Rivotril*). III.8. Autres causes d'hypersomnie 1 - Hypersomnie psychogène Cette hypersomnie s'inscrit dans le contexte d'une pathologie psychiatrique : état dépressif, troubles bipolaires de l'humeur, dépression saisonnière, dysthymie, troubles névrotiques comme par exemple l'hystérie. Elle concerne le plus souvent le sujet jeune et s'accompagne de clinophilie, d'augmentation de l'appétit. La polysomnographie montre un sommeil nocturne de qualité médiocre ainsi qu'un raccourcissement de la latence d'apparition du sommeil paradoxal. Le test itératif d'endormissement est normal. Le traitement comporte la prescription d'antidépresseurs stimulants. 2 - Hypersomnie post-traumatique Une somnolence diurne peut apparaître dans les suites d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance. Cette somnolence est isolée ou fait partie d'un syndrome subjectif des traumatisés crâniens. 3 - Hypersomnie de causes médicales - Hypertension intracrânienne (vomissements, nausées) - Tumeur cérébrale (hypothalamus, épiphyse) - Accident vasculaire cérébral - Affections dégénératives : maladies d'Alzheimer, de Parkinson - Encéphalite, en particulier la trypanosomiase IV –Troubles des rythmes circadiens Ce sont des troubles du sommeil et de l'éveil liés à une inadéquation entre les horaires réels de sommeil et les horaires souhaités. Ils témoignent d'une discordance entre le mode de vie et le rythme physiologique. L'agenda de sommeil est une aide précieuse pour le diagnostic. 1 - Syndrome d'Avance de Phase Ce trouble se caractérise par un endormissement et un réveil précoces avec une durée habituelle de sommeil conservée. Le réveil vers 2, 3 heures du matin s'accompagne d'un besoin de sommeil en fin d'après-midi. Ce trouble s'observe surtout chez les personnes âgées. 41 2 - Syndrome hypernycthéméral Il s'agit de cycles veille - sommeil d'une durée supérieure à 24 heures avec un décalage progressif des horaires de sommeil d'environ 1 heure chaque jour, l'endormissement devenant de plus en plus tardif. On peut observer une insomnie totale suivie d'une somnolence diurne. Ce trouble est principalement observé dans la cécité d'origine périphérique, la schizophrénie, la démence. 3 - Syndrome de Retard de Phase Ce syndrome, qui évoque un échappement du rythme veille - sommeil aux synchroniseurs externes, débute en général à l'adolescence et concerne le plus souvent l'homme. L’endormissement survient tardivement, après 2 heures du matin (heure constante pour un sujet à la différence de l'heure toujours décalée du syndrome hypernycthéméral), de manière permanente. Le sommeil est satisfaisant en qualité et en quantité si l'heure du réveil spontané, 7 à 8 heures après le coucher, est compatible avec les exigences de la vie quotidienne. La symptomatologie apparaît lorsque l'heure de réveil doit être avancée pour obéir aux exigences des horaires conventionnels : quantité insuffisante de sommeil somnolence diurne, asthénie, troubles de l'humeur… sachant que le sujet ne parvient pas à avancer l'heure de l'endormissement. La tenue d'un agenda de sommeil sur un mois permet le diagnostic. La thérapeutique est la chronothérapie par retard progressif des horaires de sommeil jusqu'à ce que l'heure d'endormissement parvienne à l'heure souhaitée. La photothérapie matinale représente une autre approche thérapeutique. La prescription d'hypnotiques n'est pas indiquée en raison du risque important de dépendance dans ce syndrome. 4 - Changement de fuseaux horaires Nommé "Jet Lag", ce syndrome correspond à une désynchronisation des rythmes veille - sommeil liée au franchissement de fuseaux horaires. L'intensité des symptômes augmente avec le nombre de fuseaux franchis et certains facteurs : dette antérieure de sommeil, climat, conditions de voyage… Le symptôme premier est une insomnie d'endormissement lors d'un voyage vers l'Est, un réveil prématuré lors d'un voyage vers l'Ouest. Le tableau clinique associe fatigue, accès de somnolence, diminution des performances psychomotrices et parfois une instabilité thymique. Au plan polysomnographique on observe une augmentation du sommeil à ondes lentes, une diminution du sommeil paradoxal lors d'un voyage vers l'Est, une augmentation du sommeil paradoxal lors d'un voyage vers l'Ouest. Ce trouble s'amende en une semaine environ, sachant que le réajustement des rythmes endogènes se fait plus rapidement lors d'un voyage vers l'Ouest que lors d'un déplacement vers l'Est. Un hypnotique à action courte peut favoriser l'environnement pendant ou après le vol. 5 - Travail posté Les horaires décalés ou variables de travail peuvent être à l'origine de troubles du sommeil (sommeil perturbé dans sa quantité et sa qualité) et de la vigilance (somnolence). Une surconsommation de substances stimulantes est souvent observée, celle-ci aggravant l'altération du sommeil. Les rotations avant (horaires retardés de travail), les alternances courtes (2 à 3 nuits consécutives) apparaissent être mieux tolérées physiologiquement ; de même l'adaptation apparaît plus facile chez certains sujets. Mais l'âge est un facteur de mauvaise adaptation du travail posté. Les hypnotiques sont peu efficaces à long terme. V – Parasomnies Les parasomnies correspondent à des phénomènes anormaux qui surviennent pendant le sommeil. On distingue les parasomnies : - par trouble de l'éveil - par trouble de la transition veille - sommeil - associées au sommeil paradoxal - survenant pendant le sommeil léger V.1. Parasomnies par trouble de l'éveil 1 - Ivresse du sommeil Survenant essentiellement chez l'enfant ou l'adulte jeune, c'est un éveil nocturne caractérisé par un état d'obnubilation avec parfois une désorientation temporo-spatiale, des comportements inadaptés. L'intensité de cet éveil confusionnel est plus importante s'il survient en début de nuit ; souvent le sujet n'en garde pas de souvenir. Une hypersomnie idiopathique peut être associée. 2 - Somnambulisme Le somnambulisme, caractérisé par une activité motrice automatique complexe nocturne, est fréquent chez l'enfant, rare chez l'adulte. 3 - Terreurs nocturnes Les terreurs nocturnes, fréquentes chez l'enfant, sont également rares chez l'adulte. Souvent déclenchées chez l'adulte par l'abus d'alcool, le manque de sommeil, une fièvre, des apnées du sommeil, ces terreurs nocturnes surviennent en début de nuit à type de hurlements peu compréhensibles et de manifestations neurovégétatives intenses, ne provoquant pas de réveil, ne laissant pas de souvenir. Un traitement anxiolytique par benzodiazépines peut être prescrit en cas de sévérité, de dangerosité des troubles. 42 V.2. Parasomnies par trouble de la transition veille-sommeil 1 - Sursauts du sommeil Symptomatologie bénigne et fréquente (60 % de la population), les sursauts du sommeil surviennent à l'endormissement, gênant parfois celui-ci. Il s'agit de myoclonies à type de secousses brutales de tout ou partie du corps. 2 - Somniloquie La somniloquie est le fait de parler pendant son sommeil, de l'émission de quelques sons à des conversations élaborées. Elle survient le plus souvent en sommeil lent. Cette symptomatologie banale, plus souvent observée chez l'homme, ne nécessite pas de traitement. 3 - Crampes nocturnes des membres inférieurs Ce sont des contractions douloureuses involontaires des muscles du mollet, du pied, qui surviennent pendant le sommeil et l'interrompent. Cette symptomatologie est fréquente chez la femme enceinte, la femme âgée. Un traitement myorelaxant peut être proposé. V.3. Parasomnies associées au sommeil paradoxal 1 - Cauchemars Les cauchemars, rêves effrayants et angoissants, réveillent le dormeur qui conserve le souvenir de la scène rêvée. Cette parasomnie ne s'accompagne pas de troubles neurovégétatifs, comme dans les terreurs nocturnes, mais l'angoisse persistante peut empêcher le retour du sommeil. Survenant au cours du sommeil paradoxal, banals si occasionnels, les cauchemars persistants doivent faire rechercher un trouble psychopathologique sous-jacent, un syndrome de stress psychotraumatique par exemple. Les cauchemars peuvent être favorisés par la prise de certains médicaments : antiparkinsoniens, bêta-bloquants, certains hypnotiques. 2 - Paralysies du sommeil Il s'agit, lors d'un éveil nocturne, d'une abolition transitoire du tonus musculaire avec impossibilité pour le patient, pendant quelques secondes, de se mobiliser. Les paralysies du sommeil s'observent dans la narcolepsie mais peuvent aussi survenir après une période de privation de sommeil ou de désorganisation circadienne. 3 - Troubles nocturnes de l'érection Des douleurs, à l'origine d'un réveil, d'une angoisse, accompagnent les érections survenant pendant le sommeil paradoxal. En cas de chronicité du trouble une psychothérapie peut être envisagée. 4 - Troubles du comportement en sommeil paradoxal C'est une pathologie retrouvée chez l'homme après 50 ans ; en raison d'une disparition de l'atonie musculaire physiologique contemporaine du sommeil paradoxal, les patients vivent et agissent leurs rêves ; des comportements complexes, violents, peuvent être dangereux. On peut observer en particulier ce trouble chez les patients narcoleptiques traités par psychostimulants, chez certains patients déprimés traités par antidépresseurs. La thérapeutique fait appel au clonazepam (Rivotril*). V.4. Parasomnies survenant pendant le sommeil léger Le bruxisme est caractérisé par des contractions musculaires involontaires des mâchoires produisant des grincements de dents qui peuvent être à l'origine d'altérations dentaires. Le bruxisme, qui survient au cours des stades I et II du sommeil, serait favorisé par les facteurs de stress. Un traitement anxiolytique par benzodiazépines peut améliorer ce trouble. 43 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et vulnérabilité Question 44 - RISQUE ET CONDUITE SUICIDAIRES CHEZ L’ADULTE : IDENTIFICATION ET PRISE EN CHARGE Rédaction : J.P. Kahn Relecture : J.L. Terra Résumé : E. Tran et F. Limosin Objectifs généraux : Savoir détecter les situations à risque suicidaire chez l'adulte Argumenter les principes de la prévention et de la prise en charge Objectifs spécifiques : Connaître les principales données épidémiologiques concernant le suicide en France Connaître les différents facteurs de risque associés à un risque suicidaire Savoir évaluer et prendre en charge une personne en situation de crise suicidaire Avec près de 12000 décès par an, la France est l’un des pays industrialisés les plus touchés par le suicide. Le suicide représente ainsi la première cause de mortalité chez les adultes jeunes, avant les accidents de la route et, pour l'ensemble de la population, le suicide est la troisième cause d'années de vie perdues, après les maladies coronariennes et le cancer. Ce constat a été à l’origine en 1998 du programme National pour la Prévention du Suicide. Un des objectifs essentiels est de sensibiliser les différents intervenants des champs sanitaire, social, mais aussi éducatif, à la reconnaissance et à la prise en charge du risque suicidaire. I. Définitions des conduites suicidaires I.1. Le suicide est une mort volontaire. Dürkheim, en 1897, l'a défini comme "la fin de la vie, résultant directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif de la victime elle même, qui sait qu'elle va se tuer". On parle de mortalité suicidaire et de sujets suicidés. I.2. Les tentatives de suicide recouvrent tout acte par lequel un individu met consciemment sa vie en jeu. On parle de sujets suicidants et de morbidité suicidaire. I.3. Les idées de suicide correspondent à l'élaboration mentale consciente d'un désir de mort, qu'il soit actif ou passif. On parle de sujets suicidaires. I.4. La crise suicidaire est un état de souffrance psychique au cours de laquelle le suicide apparaît de plus en plus au sujet comme la seule issue possible. I.5. Les "équivalents suicidaires" sont des conduites à risque qui témoignent d'un désir inconscient de jeu avec la mort. Ces conduites ne doivent pas être abusivement considérées comme des tentatives de suicide. II. Epidémiologie du suicide On estime de manière générale que les statistiques officielles nationales et internationales sous-estiment d'environ 20% le nombre des suicides. II.1. L'autopsie psychologique a pour but d’élucider les origines d’un décès lorsqu’un suicide est suspecté. Elle repose sur une enquête a posteriori, conduite sur la base de l’interrogatoire des proches, l’analyse des sources médicales, les antécédents familiaux et personnels, la psychologie de la personne décédée et les événements ayant précédé la mort. Ces données sont confrontées aux données objectives relatives au passage à l’acte. II.2. Indices épidémiologiques du suicide : Trois principaux indices sont utilisés : L'incidence du suicide : 11000 à 12000 par an en France (1997). Le taux de suicide, ou mortalité suicidaire, a été estimé en France entre 20 à 24 pour 100 000 habitants (OMS, 1999), ce qui fait de la France un pays à forte mortalité suicidaire. Le taux de mortalité prématurée, attribuable au suicide : il est de 9 à 10%, le suicide étant la 3ème cause de mortalité prématurée en France, après les maladies coronariennes et les cancers. 44 II.3. Données descriptives : Le suicide est trois fois plus fréquent chez l'homme que chez la femme. L’incidence du suicide augmente fortement avec l'âge, surtout chez l'homme et après 75 ans. 66% des suicides surviennent entre 25 et 64 ans 28% chez les personnes âgées de 65 ans et plus Chez les adultes jeunes (25-34 ans), le suicide est la 1ère cause de mortalité. Chez les adolescents, il représente la 2ème cause de mortalité (16%), après les accidents de la circulation (38%). II.4. Les moyens utilisés : Les modes de suicide les plus utilisés sont la pendaison (37%), les armes à feu (25%), l'intoxication par médicaments (14%). Viennent ensuite la submersion-noyade et la précipitation d'un lieu élevé. III. Epidémiologie des tentatives de suicide (TS) III.1. Problèmes méthodologiques : Toutes les TS ne sont pas hospitalisées ou vues par un médecin, donc ne sont pas systématiquement recensées. III.2. Données descriptives : Le nombre annuel de TS est estimé à 160 000 en France. Les femmes réalisent deux fois plus de TS que les hommes. Les TS sont les plus fréquentes entre 15 et 35 ans, et diminuent ensuite. III.3. Moyens utilisés : La majorité des TS (90%) résultent d'intoxications médicamenteuses volontaires. Les phlébotomies sont également fréquentes. III.4. Pronostic : 40% des sujets ayant fait une TS récidiveront, dont la moitié au cours de la première année. Il y a 1 % de mortalité par suicide dans l'année qui suit la TS (contre 0,02 % dans la population générale, soit 50 fois plus). Un antécédent de TS est ainsi l'un des plus importants facteurs de risque de suicide. IV. Facteurs de risque et populations à risque Dans une perspective pragmatique et préventive, Rihmer a proposé en 1996 de classer les facteurs de risque en trois catégories : IV.1. Les facteurs de risque primaires : Les facteurs primaires ont une valeur d'alerte importante, au niveau individuel. Ils sont en forte interaction les uns avec les autres et peuvent être influencés fortement par les thérapeutiques. Ce sont : Les troubles psychiatriques ; Les antécédents familiaux et personnels de suicides et tentatives de suicide ; La communication à autrui d'une intention suicidaire ; L'existence d'une impulsivité, augmentant le risque de passage à l'acte. IV.2. Les facteurs de risque secondaires : Leur valeur prédictive est faible en l'absence de facteurs primaires. Ce sont : Les pertes parentales précoces ; L'isolement social ; Le chômage et/ou d'importantes difficultés financières ; Les événements de vie négatifs sévères, tels une séparation, l’annonce d’une maladie grave, un deuil, etc. Il s’agit parfois d’événements anodins mais qui revêtent une importance affective d’autant plus grande qu’ils réactualisent des problématiques liées au passé du sujet. IV.3. Les facteurs de risque tertiaires : Les facteurs de risque tertiaires n'ont pas de valeur prédictive en l'absence de facteurs primaires et secondaires, et ne peuvent être modifiés. Ce sont : L'appartenance au sexe masculin ; L'âge, en particulier l'adolescence et la sénescence ; Certaines périodes de vulnérabilité (phase prémenstruelle chez la femme, période estivale…). 45 Au total, la mortalité par suicide concerne surtout l'homme mûr et âgé, alors que la morbidité suicidaire concerne surtout la femme jeune. Le risque de décès par suicide augmente avec l'âge, alors que le risque de tentatives diminue. V. Reconnaître et évaluer une crise suicidaire V.1. Définition de la crise suicidaire : La crise suicidaire peut être définie comme un moment de crise psychique, au cours de la vie du sujet, où celui-ci va épuiser progressivement ses ressources adaptatives, psychologiques et comportementales et envisager, progressivement, par le biais de distorsions cognitives, le suicide comme seule possibilité de réponse aux difficultés qu'il rencontre et éprouve. V.2. Eléments d'orientation et de diagnostic : −La crise suicidaire se traduit par des signes de rupture par rapport au comportement habituel : La manifestation explicite d'idées et d'intentions suicidaires ; L'expression de la crise psychique dans les attitudes, le comportement, les relations interpersonnelles ; Des distorsions cognitives, qui traduisent le fait que la personne ne perçoit plus de façon réaliste et objective les événements extérieurs ou ses propres capacités à faire face ; Des "comportements de départ" à forte valeur d'orientation : la recherche soudaine d'une arme à feu, le don d'effets personnels investis d'une valeur affective, etc. −Les signes d'alerte peuvent varier selon l'âge : Chez l'adolescent, l'expression répétitive d'une intentionnalité suicidaire est un motif suffisant d'intervention. Les ruptures sentimentales, les échecs scolaires, les conflits d'autorité, la solitude affective sont des facteurs de vulnérabilité. Chez l'adulte, la crise psychique peut se manifester par des arrêts de travail à répétition, des consultations médicales itératives, des conflits avec la hiérarchie ou le conjoint, un sentiment d'incapacité, etc. Chez la personne âgée, les idées suicidaires sont rarement exprimées de façon explicite mais plutôt allusivement. La dépression, les maladies physiques, en particulier celles qui génèrent handicap et douleurs, les changements d'environnement, le départ en institution, et le décès du conjoint sont des facteurs de vulnérabilité importants. V.3. Evaluation de la crise suicidaire : Se décompose en l’analyse des facteurs de risque, de l'urgence de la menace suicidaires et de la dangerosité de l’acte, liée aux moyens disponibles. Chacune de ces trois dimensions est évaluée séparément selon trois degrés d'intensité : faible, moyen ou élevé. Parmi les facteurs de risque suicidaire précédemment répertoriés, on peut insister sur : −Les antécédents familiaux et personnels de suicide : la moitié des suicides (30 à 60 %) sont précédés d'une ou plusieurs TS. −Les troubles psychiatriques, en particulier les troubles de l'humeur, l'alcoolisme, les troubles de la personnalité, la schizophrénie. Risque d’autant plus important que la pathologie est sévère et a nécessité une hospitalisation. Comparativement à la population générale, le risque de suicide est de 6 à 22 fois supérieur chez les sujets souffrant d’un trouble mental avéré. L'urgence de la menace suicidaire : −Deux éléments doivent être pris en compte : l'existence d'un scénario suicidaire et l'absence pour le sujet d'une alternative autre que le suicide. −L'urgence doit être évaluée comme "faible" en l'absence d'un scénario construit, "moyenne" si un scénario existe, mais que sa date de réalisation est éloignée ou imprécise, "élevée" s'il existe une planification précise ou une date arrêtée pour les jours suivants. La dangerosité ou létalité potentielle du moyen suicidaire : La dangerosité mortelle du moyen considéré et son accessibilité doivent être évaluées. Si l'accès au moyen est facile et/ou immédiat, la dangerosité doit être évaluée comme "élevée", l'intervention doit alors être immédiate et viser, en priorité, à empêcher l'accès à ce moyen. VI. Prendre en charge la personne en crise suicidaire VI.1. Aborder et interroger un sujet en crise suicidaire : 46 L'entretien doit être conduit de façon à la fois directive et empathique, laissant à la personne le temps de s'exprimer. L'entretien doit en premier lieu permettre de soutenir le sujet, établir une relation de confiance, mettre à jour sa souffrance et l'assurer qu'on le comprend. Si l'on suspecte une personne d'être en crise suicidaire, il faut l'interroger simplement et après un temps introductif, aborder directement le sujet d'éventuelles idées suicidaires, en évitant les jugements de valeur. VI.2. Identifier l'existence de facteurs précipitants et de protection : L'entretien doit permettre d'identifier d'éventuelles sources de soutien dans l'entourage, apprécier comment la personne en crise les perçoit et proposer de les contacter et de les informer. La capacité de coopération de la personne est importante à évaluer pour juger de l'urgence d'une intervention. VI.3. Distinguer entre crise psychosociale et crise en rapport avec un trouble mental : La prise en charge d'un éventuel trouble psychiatrique est évidemment prioritaire et justifie alors souvent une hospitalisation. Dans certains cas, la crise est de nature purement psychosociale. Cette distinction permet d'orienter la prise en charge et les interventions proposées. VI.4. Proposer une orientation et intervenir : Un traitement médicamenteux symptomatique peut être proposé par exemple en cas de souffrance majeure ou d’agitation (traitement anxiolytique et/ou sédatif). L'hospitalisation s'impose si l'urgence, le risque et la dangerosité sont élevés, si le sujet est "froid" et coupé de ses émotions, ou impulsif, s'il refuse toute coopération ou présente d'importants troubles du jugement. Une hospitalisation sans consentement (Hospitalisation à la Demande d'un Tiers) peut être nécessaire. L'ANAES recommande l'hospitalisation systématique pendant 48 heures au moins de tout adolescent suicidant. Un patient suicidaire présentant des signes d'intoxication (alcool, psychotropes, …) doit être maintenu au service des urgences jusqu'à la disparition des signes d'intoxication et une nouvelle évaluation clinique. Surveillance d'un patient hospitalisé : les suicides en milieu hospitalier représentent 5 % des suicides. Certaines précautions peuvent être prises consistant à limiter l'accès à des moyens mortels, en particulier la défenestration et la pendaison. La vérification des effets personnels de la personne, en sa présence et après avoir recherché son accord, permet également de neutraliser certains moyens. A l'hôpital, les périodes de changement (début ou fin d'hospitalisation, transfert dans une autre chambre ou unité, absence du médecin référent habituel…) sont des périodes où le risque est le plus élevé. Prise en charge ambulatoire : si le risque suicidaire est moyen ou faible, une prise en charge ambulatoire peut être proposée, à condition de s'assurer d'un soutien rapproché : coopération du sujet, entourage proche et disponible, nouvel entretien programmé et accepté avec la personne. Prise en charge psychologique et suivi : que le patient soit hospitalisé ou non, le but principal de la prise en charge consiste à définir et mettre en place des alternatives valables au projet suicidaire, d’où la nécessité de repérer les éléments positifs de la vie et de la personnalité du sujet. VI.5. Suivi et évaluation : Le suivi doit être envisagé dès le début de la prise en charge pour assurer la permanence et la continuité de celle-ci. Il faut planifier, avec la collaboration du sujet, des démarches simples impliquant l’entourage du sujet ou l’institution : téléphoner à un proche, au médecin traitant habituel, faire intervenir l'assistante sociale ou aider à la réalisation de telle ou telle démarche. L'intervenant doit s'assurer personnellement que ces relais et jalons aient effectivement été mis en place. Une réévaluation de la situation après quelques jours est toujours souhaitable. On considère que, même chez une personne sans facteur de risque primaire, une vigilance de l'entourage est nécessaire dans les douze mois suivant une crise suicidaire ou une tentative de suicide. VII. Prévention du suicide VII.1. L'impossible prédiction du suicide : L'identification des facteurs de risque suicidaire ne permet pas de pouvoir prédire un suicide. Leur connaissance permet néanmoins d'envisager deux catégories d'actions préventives : l'une vise à mieux traiter certains facteurs de risque curables, tels que les troubles psychiatriques, l'autre consiste à identifier des populations à haut risque suicidaire, de manière à leur appliquer des mesures préventives. VII.2. La nécessaire prévention médicale : Quatre types d'interventions médicales peuvent contribuer à prévenir utilement le suicide (cf. texte de la conférence de consensus de l’ANAES, disponible sur le site www.anaes.fr) : Le repérage et l'intervention lors de situations de crise suicidaire ; La prise en charge des suicidants ; 47 L'amélioration du diagnostic et du traitement des troubles mentaux, en particulier des dépressions ; La prévention du suicide auprès des sujets à hauts risques que sont les malades hospitalisés en psychiatrie. 48 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et Vulnérabilité Question 45 - ADDICTIONS ET CONDUITES DOPANTES : ÉPIDÉMIOLOGIE, PRÉVENTION, DÉPISTAGE. MORBIDITÉ, COMORBIDITÉ ET COMPLICATIONS. PRISE EN CHARGE, TRAITEMENT SUBSTITUTIF ET SEVRAGE : ALCOOL, TABAC, PSYCHOACTIFS ET SUBSTANCES ILLICITES Rédaction : •Chapitre alcool : F. Thibaut et M. Lejoyeux •Chapitre tabac : C. Gillet •Chapitre dopage et conduites dopantes : S. Prétagut – J.-L.Venisse - M. Potiron •Chapitre psychostimulants et drogues de synthèse : A. Morel •Chapitre opiacés : L. Karila et M. Reynaud •Chapitre cannabis : L. Karila et M. Reynaud Relecture : J. Adès Objectifs généraux Expliquer les éléments de prévention et de dépistage des conduites à risque pouvant amener à une dépendance vis à vis du tabac, de l'alcool et de la drogue Diagnostiquer une conduite addictive (tabac, alcool, psychotropes, substances illicites, jeux, activités sportives intensives…) Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Décrire les principes de la prise en charge au long cours Objectifs spécifiques : Citer les principales données épidémiologiques concernant les différentes conduites addictives (alcool, tabac, drogues illicites) Citer les signes cliniques des ivresses et des intoxications à des substances psychoactives Connaître l’existence des ivresses pathologiques Connaître les critères du syndrome de dépendance Connaître les signes de dépendance physiologique Connaître les signes du sevrage d’alcool, de tabac, d’opiacés et des autres drogues illicites Connaître les signes de l’abus de substances psychoactives (consommation nocive pour la santé) Citer les principales complications de l’alcoolisme et des toxicomanies Connaître le traitement de l’ivresse et des autres intoxications Connaître le traitement du sevrage d’alcool Connaître les dispositions législatives sur les alcooliques dangereux Connaître le traitement du sevrage d’opiacés et les principes des traitements de substitution aux opiacés Connaître les principes de l’information et du traitement d’un patient tabagique (aide à la motivation, soutien, substitution nicotinique) Connaître les possibilités de prise en charge à long terme des conduites addictives (psychothérapies, centres de post-cure, groupe d’entraides) Connaître la définition du dopage et les principaux produits utilisés dans cette intention Connaître les principales complications psychiatriques et somatiques aux produits dopants Les classifications diagnostiques internationales récentes définissent l’abus et la dépendance aux substances psychoactives. La dépendance n’est pas liée à la quantité de substance consommée. Elle définit un type de relation à un produit marquée par l’incapacité à réduire sa consommation et l’obligation comportementale. Les signes de dépendance sont psychologiques : ola substance est souvent prise en quantité plus importante pendant une période plus longue que prévue oil y un désir persistant ou des efforts infructueux pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance 49 obeaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance, à utiliser le produit ou à récupérer de ses effets odes activités sociales, professionnelles ou de loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance ol’utilisation de la substance est poursuivie bien que la personne sache avoir un problème psychologique ou physique persistant, ou récurent susceptible d’avoir été causé ou exacerbé par la substance. A ces signes psychologiques s’ajoutent les signes physiologiques de dépendance: ola tolérance : obesoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir une intoxication ou l’effet désiré oeffet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même quantité de substance L’autre signe de dépendance physiologique est ole sevrage caractérisé par l’une ou l’autre des manifestations suivantes : osyndrome de sevrage oune substance (alcool, drogue illicite ou autre) est prise pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage L’abus de substance ou utilisation nocive pour la santé est un mode d’utilisation inadéquat d’une substance (alcool, tabac ou drogue illicite) conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance cliniquement significative caractérisée par la présence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une période de douze mois : oUtilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l’école ou à la maison (par exemple absences répétées ou mauvaises performances au travail du fait de l’utilisation de la substance, absences, exclusion temporaire ou définitive de l’école, négligence des enfants ou des taches ménagères). oUtilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par exemple lors de la conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu’on est sous l’influence d’une substance) oProblèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substance (par exemple arrestations pour comportement anormal en rapport avec l’utilisation de la substance) oUtilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux persistants ou récurrents, causés ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple disputes avec le conjoint à propos des conséquences de l’intoxication, bagarres) oLe diagnostic d’abus est porté chez les patients qui ne présentent pas les critères de la dépendance. ALCOOL Rédaction : F. Thibaut et M. Lejoyeux I - Epidémiologie La France se situe au troisième rang européen pour la consommation d'alcool. La consommation d'alcool en France représente la part la plus importante du coût social des substances addictives. L'usage inadapté de l'alcool est la cause directe ou indirecte d'une consultation sur cinq en médecine générale, de 15 à 25 % des hospitalisations, de 25 % de l'ensemble des maladies, de 30 000 à 40 000 décès par an, sans compter les accidents, agressions ou suicides sous l'emprise de l'alcool (l'alcool est au troisième rang des causes de décès). La femme a une consommation d'alcool fort plus souvent solitaire (au domicile). La prise associée de psychotropes est fréquente. Une comorbidité dépressive est présente deux fois sur trois. Une consommation d'alcool de plus en plus précoce est signalée chez les enfants et adolescents mais peu de données épidémiologiques précises existent dans ce domaine. Le vin est en diminution constante au profit de boissons peu ou au contraire très alcoolisées, mais le vin demeure l'alcool le plus fréquemment consommé. La consommation d'alcool est forte à l'Ouest, dans le Nord et l'Auvergne. •La consommation excessive d'alcool ou la dépendance à l'alcool sont souvent associées à d'autres conduites addictives. La surmortalité qui en résulte est importante (cancers). Le sujet alcoolo-dépendant est également un sujet à haut risque de dépendance aux benzodiazépines. • 50 2 - Etiologie •Des facteurs génétiques de vulnérabilité individuelle pourraient contribuer au risque de développer une dépendance à l'alcool. Des facteurs génétiques communs aux différentes addictions sont probables. •Des facteurs socio-culturels interviennent (professions à risque – milieu social défavorisé – immigration récente – chômage – incitation forte : publicité, prix modéré, nombre élevé de débits de boisson, tolérance de l'opinion, intérêts économiques…). •Des facteurs de personnalité : impulsivité, recherche de sensations. 3 - Prévention 3.1. Primaire L'information est fondamentale. Elle fait appel à des campagnes d'information sur les dangers de l'alcool, dans les lycées et collèges ; à la formation et à la sensibilisation des enseignants ; à la mise en place de réunions de sensibilisation dans les entreprises, sur les lieux de travail… La protection de populations à risque (en particulier, les mineurs de moins de 16 ans et les femmes enceintes). 3.2. Secondaire Les médecins du travail ont un rôle important à jouer dans le dépistage de même que les médecins généralistes et les services hospitaliers d'urgence. 4 - Dépistage La notion d'une alcoolo-dépendance doit être recherchée systématiquement à l'occasion d'une consultation ou d'une hospitalisation chez des sujets à risque (autres conduites addictives, existence de maladies psychiatriques, malaises, ivresse, accident, tentative de suicide…). Elle doit être recherchée chez les femmes enceintes Il s'agit d'évaluer la consommation d'alcool et ses conséquences socio-professionnelles, familiales, judiciaires et enfin somatiques et psychiques. On évaluera évidemment la motivation du sujet pour changer ses habitudes de consommation. Le seuil de consommation excessive d'alcool est fixé à quatre verres standards par jour pour les hommes et trois pour les femmes (un verre standard = 10 g d'alcool pur). Questionnaire DETA (voir question longue) Le questionnaire DETA (Diminuer, Entourage, Trop, Alcool) permet, à partir de quatre questions simples qui peuvent être introduites de façon informelle dans l'entretien, de préciser le dépistage. Dosages biologiques (intérêt pour le suivi) La consommation chronique d'alcool peut être confirmée par la pratique de dosages biologiques. Ces marqueurs, cependant, ne sont pas des indices de dépendance, le diagnostic étant purement clinique. Le volume globulaire moyen (VGM) est un marqueur tardif d'une intoxication alcoolique chronique (normalisation après plusieurs mois d'abstinence). La gamma glutamyl transferase (GT) est une enzyme hépatique (spécificité médiocre - diminue de moitié tous les quinze jours si abstinence). 5 - Clinique de l'alcoolisme 5.1. L' Ivresse (intoxication alcoolique aiguë) L'ivresse simple : L'ivresse simple évolue en trois phases après une ingestion récente d'alcool : 1/ Phase d'excitation psychomotrice (alcoolémie comprise entre 1 à 2 grammes) : avec desinhibition, euphorie alternant avec des périodes de tristesse et d'agressivité, logorrhée, familiarité excessive. L'attention, les capacités de jugement et la mémoire peuvent être altérées à des degrés divers. 2/ Phase d'incoordination (alcoolémie souvent supérieure à 2 grammes) : les troubles de la pensée se majorent et conduisent à une incohérence ideïque puis progressivement à une véritable confusion. L'examen clinique retrouve un tremblement et parfois un syndrome cérébelleux. 3/ Phase comateuse (alcoolémie toujours supérieure à 3 g/l) : le coma, parfois précédé par une baisse progressive de la vigilance et une somnolence, est profond, sans signes de localisation neurologique. Une importante hypothermie, une mydriase bilatérale aréactive, une hypotonie, une abolition des ROT, une bradycardie et une hypotension sont quelquefois associées. L'hypotension artérielle, dans ce cas peut se compliquer d'un collapsus cardio-vasculaire à l'évolution parfois mortelle. L'ivresse pathologique : plus fréquente en cas de trouble de la personnalité, ou de trouble cérébral organique associé (épilepsie, détérioration intellectuelle débutante), elle succède à une ingestion récente et massive d'alcool. 51 5.2. L'abus d'alcool (ou usage nocif) L'abus d'alcool correspond à une consommation répétée ayant une nocivité (voir critères au chapitre précédent). L'évolution de l'abus d'alcool est variable Une partie des sujets peut être amenée à diminuer sa consommation, d'autres vont rester des consommateurs excessifs "stables" et un dernier groupe atteint le stade de la dépendance. 5.3. Le Syndrome de dépendance alcoolique •Signes physiques de dépendance Les symptômes de sevrage peuvent apparaître lors d'un sevrage total ou lorsque l'alcoolémie baisse (sevrage matinal). Ils comportent des symptômes neuro-musculaires (tremblement des mains et de la langue, myalgies, crampes, paresthésies), digestifs (nausées, vomissements), neuro-végétatifs (sueurs, tachycardie, hypotension orthostatique) et psychiques (anxiété, humeur dépressive, irritabilité, hyperémotivité). Des insomnies et des cauchemars sont souvent associés. L'ensemble des troubles est spécifiquement calmé par l'ingestion d'alcool mais les signes réapparaissent, le matin suivant ou après une autre période de sevrage. Leur présence pérennise l'intoxication alcoolique en "imposant" au sujet de boire dès le matin pour les faire disparaître. •Signes psychiques de dépendance (voir critères de la dépendance au chapitre précédent). •Les "Accidents" de sevrage Les symptômes de sevrage apparaissent dans les douze heures suivant l'arrêt ou la réduction de la consommation d'alcool. Les sujets les plus à risque sont les alcooliques présentant une intoxication ancienne et massive. Delirium tremens (DT) Le DT survient brutalement ou est précédé de petits signes de sevrage (cauchemars, tremblements, anxiété…) A sa phase d'état, il comporte : -des troubles de la conscience avec confusion mentale, désorientation temporo-spatiale -des tremblements prédominant aux extrémités et à la langue -une hypertonie oppositionnelle -un délire hallucinatoire à prédominance visuelle de type onirique (ressemblant à un rêve), le rêve est vécu et agi. Le malade peut vivre des scènes d'onirisme ou de catastrophe ainsi que des scènes de la vie professionnelle. Les zoopsies, visions d'animaux en général menaçants, ne sont pas rares. -des troubles végétatifs et des signes généraux : sueurs, tachycardie, hypertension artérielle, diarrhée, nausées, vomissements, hyperthermie modérée, signes de déshydratation -des modifications biologiques : En plus des signes de l'alcoolisme existent des signes de déshydratation intracellulaire (hypernatrémie) et extracellulaire (augmentation de l'hématocrite et de la protéinémie). •L'évolution en l'absence de traitement et de vitaminothérapie B1 précoce peut être défavorable (encéphalopathie de Gayet Wernicke, syndrome de Korsakoff…) et parfois entraîner le décès. Le risque de DT impose une prévention de celui-ci chez tous les sujets hospitalisés présentant une intoxication alcoolique chronique. Epilepsie de sevrage Les crises comitiales sont souvent matinales, parfois par salves de 2 ou 3 et peuvent représenter un mode de début de delirium tremens. •Les complications de l'intoxication alcoolique chronique •Les complications somatiques peuvent toucher tous les organes avec des impacts hépato-digestifs et neuropsychiatriques particuliers. Elles sont traitées en gastro-entérologie et neurologie. Le syndrome d'alcoolisation fœtale est caractérisé par un retard de croissance intra-utérin associé à des malformations diverses et à un retard du développement cérébral avec des troubles des apprentissages, voire un retard mental. 6 - Principes du traitement de l'alcoolisme 6.1. Les traitements de l'alcoolisation aiguë •L'ivresse simple ne nécessite généralement que le repos au calme et un apport d'eau. La prescription de médicaments psychotropes doit rester exceptionnelle. Les ivresses pathologiques avec agitation majeure rendent nécessaires, du fait de la dangerosité, l'hospitalisation et la surveillance en milieu psychiatrique. 52 6.2. La cure de sevrage La cure de sevrage implique la réalisation, sous contrôle médical, d'un sevrage total d'alcool chez un alcoolique. Les buts d'un tel traitement sont principalement d'assurer le contrôle et surtout la prévention des symptômes de sevrage et surtout des accidents graves tels le delirium tremens et les crises convulsives. Il peut être réalisé en ambulatoire (motivation suffisante, bonne compliance aux soins, pas d'antécédents de DT…) ou en milieu hospitalier. La cure associe une hydratation correcte du patient à la prescription de vitamines et à un traitement par benzodiazépines, si nécessaire. La réalisation d'une hydratation suffisante (2 à 3l/24h) s'effectuera soit par voie orale, soit par voie parentérale. Une polyvitaminothérapie B1, B6, PP doit être systématiquement associée. Traitement chimiothérapique du sevrage Les médicaments les plus utilisés sont : les benzodiazépines (tranxène*, clorazépate per os ; Valium*, diazépam* ; ou Séresta* oxazépam en cas d’insuffisance hépato-cellulaire, seulement disponible per os (100 à 200 mg/24h)...). Les benzodiazépines seront ensuite diminuées rapidement et interrompues en une ou deux semaines sauf en cas d'usage chronique antérieur. 6.3. Principes de la prise en charge à long terme La prise en charge à long terme consiste à maintenir l'abstinence à l'aide d'une relation thérapeutique stable. L'accompagnement doit être médico-psycho-social par une équipe multidisciplinaire. Il comprend le traitement des comorbidités psychiatriques et somatiques. En pratique, la prise en charge au long cours repose essentiellement sur : -les psychothérapies, et tout particulièrement la psychothérapie de soutien -les mouvements d'anciens buveurs -la prescription de médicaments ayant pour objet de diminuer l'envie de boire ou d'amender les complications psychiatriques (anxieuses et dépressives) de l'alcoolisme. Les deux seules molécules ayant une autorisation de mise sur le marché dans cette indication sont l’acamprosate (Aotal*) (CI : insuffisance rénale) et la naltrexone (Révia) (CI : insuffisance hépato-cellulaire grave). TABAC Rédaction : C. Gillet 1 - Actions de la nicotine au niveau cérébral La perception de la nicotine est variable et subjective. Ainsi une cigarette sera-t-elle ressentie comme stimulante de l’éveil mais une autre comme relaxante, réductrice de tension, anxiolytique. Cette perception subjective est liée notamment à l’état initial de l’individu lorsqu’il commence à fumer. Fumer entraîne un pic rapide de la concentration plasmatique de nicotine, se traduisant par un véritable effet « flash ». 2 - Classifications de la dépendance nicotinique Tous les diagnostics de dépendance s’appliquent à la consommation tabagique. L’entretien doit permettre de préciser : - L'âge de la première cigarette et de la consommation régulière : la précocité de la consommation est un facteur de sévérité de la dépendance et constitue un facteur prédisposant à l’usage d’autres substances psychoactives. Il en est de même sur un plan somatique, puisque, à consommation égale, le risque de cancer bronchique est d’autant plus élevé que l’âge de début du tabagisme est précoce. - L’intensité de la consommation : elle reflète l’intensité de la dépendance tant pharmacologique que comportementale. - Les modalités de consommation : la précocité de la première cigarette après le lever, le fait de fumer plusieurs cigarettes de suite dans les premières heures suivant le réveil traduisent la nécessité de restaurer rapidement un taux efficace de nicotinémie. L’impossibilité de s’abstenir de fumer même pour une courte période témoigne de l’importance de la dépendance. - L’existence de signes de sevrage : ressentis lors de tentatives d’arrêt antérieur ou de sevrages temporaires 3 - Tests Marqueurs biologiques Les marqueurs biologiques permettent d’objectiver l’intensité de l’imprégnation tabagique et la réalité d’un arrêt. L’oxyde de carbone est absorbé au niveau des voies aériennes distales et dépend des paramètres de l’inhalation. Sa demi-vie est courte (1 à 5 heures). Son dosage dans l’air expiré est facile, non invasif mais son interprétation doit tenir compte d’un éventuel apport exogène, domestique ou environnemental et du CO endogène estimé à 3 – 5 particules par millions (ppm). Chez le non fumeur, le taux habituel est inférieur à 10 53 ppm. Chez le fumeur de 15 cigarettes et plus, le taux dépasse habituellement le taux de 20 ppm et peut atteindre des valeurs de 70 ppm. La spécificité est faible chez les fumeurs n’inhalant pas. Des analyseurs de CO permettent une lecture immédiate et la restitution des résultats au fumeur peut avoir un effet renforçant de la motivation par prise de conscience de la normalisation des résultats dès l’arrêt de la consommation. Test de dépendance à la nicotine (Fagerström) (voir question longue) C’est le test le plus couramment utilisé. Il permet d’identifier les fumeurs dépendants, de quantifier cette dépendance, de faciliter l’orientation thérapeutique. 4 - Le syndrome de sevrage nicotinique L’intensité est variable selon les fumeurs. Il s’exprime par des besoins impérieux de fumer, des troubles dépressifs, de nervosité, des états d’anxiété, d’agressivité, d’irritabilité, de frustration, de baisse des performances, de difficultés de concentration, d’impatience, d’agitation, de troubles du sommeil, de diminution ou de retour à la normale de la fréquence cardiaque, d’augmentation de l’appétit. Les troubles psychiques (irritabilité, anxiété…), les troubles du sommeil atteignent leur maximum au cours de la première semaine et le sujet retourne à l’état normal au bout d’un mois. Certaines manifestations, notamment l’augmentation de l’appétit, les troubles de la concentration sont susceptibles de persister plusieurs mois. 5 - Traitement Seuls les traitements substitutifs à la nicotine, le bupropion sur le plan médicamenteux et les psychothérapies cognitives et comportementales sont préconisées. Traitement pharmacologique du sevrage tabagique Traitement substitutif à la nicotine Objectifs : Limiter les manifestations liées au sevrage tabagique et rendre ainsi le sevrage plus « confortable ». Il s’adresse donc aux fumeurs dépendants. Indications : Le sevrage tabagique et l’arrêt temporaire (fumeurs hospitalisés, transports aériens…). Son utilisation est évoquée, mais sans avoir l’AMM, dans le cadre de la politique de réduction des risques chez les fumeurs souhaitant réduire ou ne pouvant pas cesser totalement leur consommation mais présentant des complications somatiques du tabagisme. Posologie : Pour être efficace, l’apport du traitement substitutif doit être suffisant. La posologie est ajustée en fonction du nombre de cigarettes fumées, du score au test de Fagerström, des symptômes de sous dosage (signes de sevrage) ou de surdosage (insomnie, nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales, pâleur, palpitations, bouche pâteuse…) Formes galéniques -Les systèmes transdermiques : Le timbre permet une administration automatique de nicotine que le fumeur ne peut contrôler. D’utilisation facile, l’observance paraît meilleure que pour les autres formes galéniques. Il existe des timbres délivrant sur 24 h ou sur 16 h. La nicotinémie atteint un taux stable en 4 à 11 h après la pose du timbre. Aussi le timbre de 24 h, passé le premier jour d’utilisation, atténue-t-il davantage la sensation de manque matinal. Les effets secondaires les plus fréquents sont des manifestations cutanées (érythème, de prurit…). Changer quotidiennement de site d’application limite leurs survenues. Les timbres de 24 h sont susceptibles d’entraîner des troubles du sommeil à type d’hyperonirisme. -Les gommes : premiers substituts nicotiniques commercialisés en France. Il existe deux dosages, 2 et 4 mg, délivrant respectivement 1 mg et moins de 3 mg de nicotine. Les gommes à 4 mg sont recommandées chez les fumeurs très fortement dépendants. L’absorption s’effectue au niveau de la muqueuse buccale et dépend du respect des consignes de mastication. Les effets secondaires buccaux ou gastriques résultent souvent d’une mauvaise utilisation. Le taux maximal de nicotinémie, moindre que celui obtenu avec une cigarette, s’observe 20 à 30 min après le début de la mastication. -L’inhaleur : il apporte par bouffée environ un dixième de la nicotine libérée par une bouffée de cigarette. A l’administration de nicotine s’ajoute la prise en compte de l’aspect gestuel. L’absorption se fait au niveau buccal. Il est recommandé d’utiliser quotidiennement 6 à 12 cartouches. Les effets secondaires sont essentiellement irritatifs au niveau ORL et pulmonaire. Les résultats paraissent plus favorables pour une durée de prescription d’au moins 6 à 8 semaines. Chlorhydrate de bupropion (Zyban LP®) Inhibiteur sélectif de la recapture neuronale de la noradrénaline et de la dopamine, sa durée de prescription est de 7 à 9 semaines. Initialement commercialisé dans d’autres pays comme antidépresseur, il n’a pas d’action antidépressive aux doses préconisées dans l’aide à l’arrêt du tabac. L’effet indésirable le plus redouté est la survenue de crises convulsives (risque dose-dépendant) d’où la nécessité du respect strict des doses et des contre indications. L’effet le plus fréquemment rencontré est l’insomnie. L’usage détourné du bupropion dans un but psychostimulant et/ou récréatif doit être connu. Les thérapies cognitives et comportementales Elles peuvent être utilisées avant, pendant et après l’arrêt du tabac. L’entretien motivationnel est utile pour faire naître mais également pour entretenir et renforcer la motivation au cours du suivi. Après l’arrêt, la prévention des rechutes vise à identifier les situations à risque afin d’éviter ces situations ou de mettre en 54 place des stratégies adaptées (apprentissage de nouvelles habitudes, résolution de problèmes, gestion de stress…). Le renforcement de la confiance en ses capacités de réussite favorise aussi le succès de la démarche. 6 – Stratégies de prise en charge à long terme Le suivi vise à permettre l’adaptation du traitement pharmacologique, l’abord par le patient des difficultés rencontrées, la surveillance de l’état psychique (troubles anxieux ou de l’humeur), la surveillance du poids et un accompagnement spécialisé sera éventuellement proposé), la surveillance de la consommation d’autres substances psychoactives (alcool, cannabis…), le renforcement de la confiance en soi, la prévention des rechutes en identifiant les situations à risque, en élaborant un plan d’urgence, en dédramatisant et en aidant à gérer un écart afin d’éviter l’évolution vers une rechute, en informant sur les risques des cigarettes test…., l’analyse des causes de rechutes, l’encouragement à réitérer la démarche. Il est conseillé de proposer un suivi d’au moins six mois. DOPAGE ET CONDUITES DOPANTES Rédaction : S. Prétagut, J.-L. Venisse, M. Potiron 1 - Cadre général et législatif du dopage Lors de la conférence mondiale sur le dopage dans le sport le CIO (Comité International Olympique) a adopté la définition suivante du dopage : 1-l’usage d’un artifice (substance ou méthode) potentiellement dangereux pour la santé des athlètes et/ou susceptible d’améliorer leur performance 2-la présence dans l’organisme de l’athlète d’une substance ou de la constatation de l’application d’une méthode qui figure sur la liste annexée au présent code ». Nous préférons nous attacher au concept de conduite dopante tel qu’il a été défini par P. Laure : « une conduite dopante se définit par la consommation d’un produit pour affronter ou pour surmonter un obstacle réel ou ressenti par l’usager ou par son entourage dans un but de performance ». 2 - Eléments cliniques Il n’existe pas de critères cliniques formels permettant d’identifier une utilisation de produits dopants. La symptomatologie est variable selon les individus, leur âge, leur sexe, leur susceptibilité pharmacologique individuelle, les facteurs de vulnérabilité psychologique, le moment de l’examen (les signes seront souvent différents si le sportif est en phase d’entraînement optimum ou s’il est en phase de repos hivernal), le mode de consommation (usage unique ou répété), le type de consommation (usage simple ou polyconsommation), l’âge de début, la quantité consommée à chaque prise, la durée d’exposition au(x) produit(s), la nature des produits utilisés (certaines substances sont issues de la contrefaçon)…le diagnostic positif repose, lorsque cela est possible, sur la recherche toxicologique du produit. Certaines situations peuvent être évocatrices d’une conduite de dopage: •une augmentation anormale de masse musculaire, le plus souvent associée à une augmentation de masse maigre (n’étant ni en rapport avec la croissance du sujet, ni corrélée à un accroissement ou à un changement de schéma d’entraînement), et une augmentation anormale de la puissance musculaire, peuvent faire suspecter une consommation d’hormone de croissance (GH) ou d’IGF 1, et/ou de stéroïdes anabolisants. •une bradycardie excessive en période d’entraînement intensif, par rapport à une fréquence cardiaque de référence (en période hivernale), associée à une augmentation anormale des capacités de transport en oxygène (évaluée par la VO2 max), sont en faveur d’une utilisation d’érythropoïétine (EPO) ou de molécules apparentées, en l’absence de stage d’entraînement en altitude. Étant donnée la difficulté à repérer cliniquement l’utilisation de produits dopants, le clinicien devra s’évertuer à rechercher les facteurs de risque de développer une conduite dopante, Facteurs liés au produit : effet réel ou supposé d’un produit dans le but d’améliorer ses performances ou son image corporelle, de repousser ses limites. Facteurs liés à l’individu : sexe : les hommes sont de plus grands usagers que les femmes pour la plupart des produits, sauf pour les tranquillisants, hypnotiques et anorexigènes. 55 âge : les consommations débutent à l’adolescence (recherche d’identité, contestation de l’ordre parental …) pour atteindre un sommet vers 25/30 ans, puis tendent à diminuer pour remonter vers 35 ans (il y a souvent évolution des consommations à cet âge et les produits visent alors plutôt le maintien des performances). facteurs de personnalité : on retrouve essentiellement des personnalités antisociales, borderline, histrioniques voire paranoïaques et d’une manière générale des traits de personnalité narcissique. facteurs d’intensité de pratique : certaines études semblent montrer que l’augmentation du temps de pratique sportive (et du niveau) est corrélée à un plus grand usage. facteurs liés au poids : surtout chez les filles et dans les sports à catégorie de poids. comorbidités psychiatriques : hyperactivité avec troubles de l’attention, troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles du comportement alimentaire, plaintes psychosomatiques. Facteurs liés à l’environnement : modèle parental : « Education » aux conduites dopantes, c’est à dire habitudes à s’automédiquer). facteurs familiaux : conflits, deuil, séparations traumatiques, abandon, défaillance du cadre éducatif, antécédents familiaux de troubles psychiatriques ou addictifs. rôle et influence des pairs : recherche d’identification à un groupe, initiation aux consommations, tentative d’égaliser les chances de succès, pressions du milieu (coéquipiers, entraîneur, sponsors…). facteurs sociaux : rupture scolaire, désinvestissement des autres activités, l’exigence de performance (obligation de résultats, système des carrières avec peu d’élus, exigence du cadre technoscientifique, fréquence, durée et intensité des entraînements, manque de récupération entre les épreuves…). 3 - Complications Les risques pour la santé liés à la consommation de produits dopants sont peu connus du fait des protocoles très spécifiques qui sont mis en place. Des cas de iatrogénie sont régulièrement rapportés par la littérature médicale internationale, sans que la preuve soit faite que ces complications sont liées à tel ou tel produit (mort subite, coma, infarctus du myocarde, insuffisance rénale aiguë, lymphomes, cancers…). A titre indicatif, la longévité du footballeur américain était de 55 ans en 1993, alors que celle de l’Américain moyen était de 71,8 ans ; cet abaissement de l’espérance de vie chez le footballeur a été rapproché de l’usage fréquent de stéroïdes anabolisants dans cette discipline. Des conséquences psychiques graves peuvent être observées à plus ou moins long terme, tels les troubles du comportement (à type de violences hétéro ou auto-agressives) les évolutions dépressives mais aussi les dérives addictives. PSYCHOSTIMULANTS ET DROGUES DE SYNTHÈSE Rédaction : A. Morel I – Données de consommation I.1. Données générales On peut distinguer trois catégories de substances dénommées par les usagers : -« speed » (pour les stimulants du type amphétamines ou cocaïne), -« taz » (pour les empathogènes comme l’ecstasy), -et « trips » (pour les hallucinogènes tels le LSD). I.2. Tendances et évolutions des consommations Plusieurs ordres de faits sont observés : -l’apparition de nouvelles molécules (les drogues de synthèse), -l’émergence de nouveaux usages de substances déjà répandues (cocaïne, amphétamines, LSD…), -une diminution relative de la consommation d’opiacés. -une augmentation forte de la consommation précoce de cannabis généralement associée à de l’alcool et du tabac, -un développement d’usages de substances psychoactives en milieu festif (rave parties, free parties, mais aussi mégadiscothèques, boîtes de nuit, soirées privées, etc.). I.3. Prévalence des consommations Les chiffres de la consommation de substances psychoactives indiquent que les psychostimulants et les hallucinogènes sont les substances illicites les plus utilisées après les dérivés du cannabis, en particulier par les moins de 25 ans. •La cocaïne et le crack : En 2000 (Baromètre santé), 1,4 % des français de 18 à 75 ans ont expérimenté la cocaïne. 56 Chez les jeunes, l’expérimentation varie entre 1 et 3 % en fonction de l’âge et du sexe. Les usagers de crack en métropole sont pour la plupart des personnes marginalisées dont une partie alterne l’usage de crack et d’opiacés. Aux Antilles et en Guyane, cette consommation est particulièrement développée depuis une quinzaine d’années. •Ecstasy et autres amphétamines La consommation d’ecstasy est apparue en France au début des années 90 et se révèle depuis en progression. En 2000, chez les jeunes participant à la journée d’appel, 5 % des garçons et 2,2 % des filles de 18 ans déclaraient en avoir consommé au moins une fois. •LSD et Hallucinogènes L’expérimentation actuelle de champignons, LSD et autres hallucinogènes est faible en population générale, mais en progression au sein de la population adolescente Les lieux festifs sont devenus un champ d’expérimentation très large de substances chez les jeunes, à travers toute l’Europe. Le cannabis est la substance la plus fréquemment consommée devant l’ecstasy, les champignons hallucinogènes, les amphétamines et le LSD. L’usage d’opiacés s’intègre à ces expérimentations et à ces recherches d’effets complémentaires et contrôlés II – Données cliniques II.1. Les effets •Les effets psychiques - Les effets des psychostimulants consistent en une euphorie : disparition de la sensation de fatigue et augmentation des facultés cognitives à doses faibles, euphorie brutale, désinhibition, voire productions délirantes à doses massives ou dans certaines associations. - Les effets des drogues de synthèse provoquent principalement des modifications sensorielles qui vont des cénesthésies jusqu’aux hallucinations, touchent le cours de la pensée et les cognitions (attention, concentration, mémoire…). - Des substances ont des effets intermédiaires entre la stimulation amphétaminique et les modifications sensorielles des hallucinogènes (les « empathogènes »). •Les effets somatiques Les effets somatiques procèdent d'une augmentation de l'activité neurologique centrale. D’où l'élévation de la température corporelle, l'accroissement de l'activité neuromusculaire, la diminution de l'appétit et du sommeil, l'élévation du rythme cardiaque et de la pression artérielle. Le syndrome de fièvre maligne décrit pour le MDMA (ecstasy) est exceptionnel. •Les effets neurobiologiques Tous les psychostimulants entraînent une augmentation extra-cellulaire très importante de dopamine et de noradrénaline. Les « empathogènes» et hallucinogènes se caractérisent par une forte libération de sérotonine associée ou non à une libération de dopamine. Une neurotoxicité est probable pour bon nombre de ces substances. Elle porte spécifiquement sur les neurones sérotoninergiques. •Les retentissements sociaux Le contexte d'usage et l’éventuelle désocialisation qui accompagne les consommations sont des facteurs de risque d’engagement dans une conduite addictive. Les effets de ces substances peuvent avoir des retentissements sur le comportement social (excitation, agitation, sentiment de toute puissance, vécu de persécution, dépression majeure, aboulie, conduites suicidaires…). II.2. Les complications spécifiques II.2.1. Les troubles psychiques et les complications psychiatriques -Troubles cognitifs : troubles de la mémorisation, de la concentration et de l’attention au décours de poly consommations répétées ou dans les suites de bad trip. -Les perturbations de l’humeur et les états psychotiques : Ce sont les complications les plus fréquentes après abus de cocaïne. Le plus souvent, il s’agit d’états anxio-dépressifs de tous types (attaques de panique, “blues post ecstasy”, dépressions bipolaires, états d’exaltation et passages à l’acte hétéro ou auto-agressifs...), plus rarement d’épisodes délirants 57 -Le « bad trip » est une expérience psychique pénible voire traumatique qui peut se manifester sous différentes formes : attaque de panique, bouffée délirante, crise hallucinatoire, etc. II.2.2. Les complications somatiques Ce sont : -des altérations de l’état général : perte d’appétit, amaigrissement, baisse de la libido (en cas d’intoxications chroniques). -des troubles cardio-vasculaires (palpitations, tachycardie, infarctus…) pouvant provoquer des détresses aiguës ( intoxications par cocaïne ou amphétamines). -des troubles neurologiques (trismus, acouphènes, crises d’épilepsie, etc.). Les polyconsommations et la déshydratation sont des facteurs de risque. Les accidents de type bad trip constituent des traumatismes psychiques très fréquents dans le parcours des usagers qui nécessitent une connaissance des circonstances de leur déclenchement et de leurs modalités cliniques afin que des conseils de prévention et des prises en charge adaptées soient proposés sur tout le territoire français. La désocialisation, au sens large, doit s'intégrer dans la notion de risque, et donc s’inscrire dans les objectifs de prévention et de soin. III – Prévention, accès aux soins, prise en charge III.1. Repérage et évaluation de l’usage Le problème posé par ces substances est principalement l’usage nocif (voir critères). L’objectif des interventions précoces est de sensibiliser l’usager, de l’informer sur les risques en fonction de son propre mode de consommation, lui fournir des outils et des opportunités afin de modifier son comportement de consommation. Le premier niveau d’intervention est celui de l’information, le second niveau celui du conseil, l’objectif commun de ces interventions précoces étant de délivrer des connaissances claires, pratiques et crédibles. C’est aussi d’instiller du doute et des interrogations parmi les usagers III.2. Aide, soins et prise en charge III.2.1. Les actions en vue de modifier les comportements de consommation Les principes de ces actions sont en partie les mêmes que ceux des interventions précoces : - aide à l’auto-évaluation de sa consommation personnelle, - aide à la perception des risques encourus et des dommages déjà advenus, - aide à la motivation au changement. III.2.2. Les actions en vue de réduire les problèmes médico-psychosociaux préexistants Les situations de souffrance psychologique et les difficultés sociales sont des facteurs d’emballement des consommations et d’échec des tentatives d’arrêt. III.2.3. Les actions visant les complications -Prévenir les différents risques connus : la conduite automobile, la transmission de virus par le mode de consommation (voie intra-veineuse ou per-nasale), et toutes les situations favorisant la survenue de dommages physiques, psychiques ou sociaux. -Soigner les complications, spécifiques ou non, comme la dépendance ou les troubles psychopathologiques induits par l’usage des substances. OPIACES Rédaction : L. Karila et M. Reynaud I - Différents produits psychoactifs -Héroïne -Sulfate de Morphine (Skenan®, Moscontin®) ; Temgesic® -Substitution : Méthadone®, Subutex® -Médicaments antitussifs : contenant de la codéine ou de la codéthyline II – Dépendance II.1. Physiopathologie La dépendance se manifeste par un comportement compulsif de recherche de drogue, afin d’obtenir les effets attendus. Le phénomène de dépendance est lié à la notion de plaisir et d’autosatisfaction. 58 La première consommation du produit active le système de récompense et entraîne une sensation de satisfaction et de plaisir. II.2. Syndrome de sevrage 12 heures après la dernière prise de produit par voie intraveineuse ou inhalée : bâillements, larmoiement, rhinorrhées, mydriase, sueurs, angoisse A J1 : majoration des signes et apparition de contractions musculaires, irritabilité, insomnie, anorexie, nausées, myalgies, crampes abdominales, frissons A J3 : symptômes somatiques (diarrhées, vomissements, déshydratation, tachycardie, hypertension artérielle, angoisse majeure) A J8 : régression de la symptomatologie avec possible persistance d’une anxiété avec insomnie et asthénie III - Dommages liés aux opiacés III.1. Somatiques Infections (HIV, hépatites B, C, abcès, lymphangite…) Crises convulsives Hypertension artérielle Endocardite, pneumopathies abcédées Troubles gynéco-obstétricaux (aménorrhée, RCIU, MFIU….) Overdose : -Bradypnée voire apnée -Dépression respiratoire -Oedème pulmonaire -Hypotension artérielle -Bradycardie -Myosis -Somnolence -Coma -Traitement symptomatique de la dépression respiratoire et de l'hypotension : mesures de réanimation En cas de risque vital, administration par voie IV ou IM d'antagonistes aux opiacés type naloxone III.2. Psychiatriques Les patients dépendants aux opiacés présentent -un risque de troubles affectifs 5 fois supérieur aux autres patients -un risque pour les troubles anxieux 3 fois supérieur -un risque de trouble de la personnalité 20 fois supérieur -un risque pour une addiction à l'alcool 13 fois supérieur. Les troubles de la personnalité : -Antisociale -Borderline -Narcissique Les troubles de l'humeur sont les plus fréquemment associés à la pharmacodépendance. Les troubles anxieux : les phobies sociales ou les troubles paniques qui précédent, accompagnent ou suivent le sevrage. Les états psychotiques et la schizophrénie : Il est nécessaire de préciser si les symptômes psychotiques précèdent, compliquent ou accompagnent la toxicomanie. III.3. Sociales -Précarité -Chômage -Délinquance : prostitution, vols, agressions et autres actes médico-légaux IV - Principes thérapeutiques -Prise en charge pluridisciplinaire -Modalités pratiques du sevrage : 59 •Sevrage ambulatoire : contrat de soins avec pharmacien, médecin traitant et médecin spécialiste, le plus souvent en CSST (centre de soins spécialisés pour toxicomanes), consultations rapprochées, remise directe des médicaments en quantité limitée, tests urinaires toutes les semaines •Sevrage hospitalier si échec en ambulatoire, risque de passage à l’acte, isolement social, décompensation psychiatrique, complication somatique •Traitement médicamenteux Réduction des symptômes somatiques du syndrome de sevrage Antalgiques (paracétamol, aspirine) Spasmolytique : Spasfon® 6/j Antinauséeux, antidiarrhéique (Motilium®, Primpéran®) Sédatifs (neuroleptiques ou anxiolytiques type Rivotril® ou hydroxyzine, Atarax®) Traitement substitutif Méthadone® Subutex® •Psychothérapie de soutien, familiale, cognitive et comportementale MODALITES DE PRESCRIPTION DE LA METHADONE Voie per os, réservée aux adultes et adolescents volontaires Les patients doivent accepter les modalités de la prise en charge : venir régulièrement au centre de traitement, se soumettre à des analyses urinaires périodiques de contrôle •Mise en place du traitement : 20 à 30 mg selon le niveau de dépendance. Doit être administré au moins 10 heures après la dernière prise d'opiacés. •Adaptation posologique : posologie augmentée progressivement jusqu'à 40 à 60 mg en 1 à 2 semaines en fonction de la réponse clinique pour prévenir les signes de sevrage ou un possible surdosage •Dose d'entretien : elle est obtenue par augmentation de 10 mg par semaine et se situe habituellement entre 60 et 100 mg par jour. Des doses supérieures peuvent être nécessaires. Les modifications de posologies sont alors déterminées après réévaluation clinique et des prises en charge associées. Le traitement est administré en une prise unique quotidienne •Condition d'arrêt du traitement : l'arrêt du traitement doit se faire par diminution progressive de la posologie par palier, au moins hebdomadaire, de 5 à 10 mg. Pendant cette période de diminution progressive des doses, il est nécessaire d'être vigilant à toute reprise de l'intoxication qui nécessiterait un retour à la posologie antérieure. MODALITES DE PRESCRIPTION DU SUBUTEX Voie sublinguale, réservée aux adultes et adolescents volontaires •Mise en place du traitement : la dose initiale est de 0.8 à 2 mg par jour en une prise. Chez les toxicomanes aux opiacés non sevrés : lors de l'induction du traitement, la prise de buprénorphine doit intervenir au moins quatre heures après la dernière prise de stupéfiant ou lors de l'apparition de premiers signes de manque. Chez les patients sous méthadone : réduire au préalable la dose de méthadone à un maximum de 30 mg par jour (un syndrome de sevrage précipité par la buprénorphine peut survenir). •Adaptation posologique jusqu'à une dose d'entretien : la posologie efficace est habituellement de 8 mg mais elle peut aller jusqu’à un maximum de 16 mg par jour en une prise. Les modifications de posologies sont ensuite déterminées après réévaluation de l'état clinique et des mesures d'accompagnement associées. Une délivrance quotidienne de la buprénorphine est recommandée, notamment pendant la période d'induction du traitement. Des quantités de produit pour plusieurs jours de traitement pourront être remises aux patients après stabilisation de leur état. Il est recommandé, cependant, de limiter la délivrance du produit à 7 jours au maximum. •Réduction des doses et arrêt de traitement : après une période de stabilisation jugée satisfaisante, le médecin pourra proposer aux patients de réduire progressivement leur dose de buprénorphine, jusqu'à un arrêt total du traitement de substitution dans les cas favorables. Attention au risque de rechute. 60 CANNABIS Rédaction : L. Karila et M. Reynaud Ses dénominations diffèrent selon le lieu de production et le mode de préparation (herbe, bangh, haschisch, huile). Elle est à ce jour chez les 12-25 ans la substance illicite la plus consommée. Les effets psychopharmacologiques du produit sont essentiellement dus au 9-tétrahydrocannabinol (9-THC). I - Epidémiologie I.1. Adolescence L’expérimentation du cannabis est devenue un comportement majoritaire chez les jeunes arrivant à l’âge adulte avec une augmentation très nette dès l’âge de 15 ans. En 1999, 60 % des garçons et 43 % des filles déclarent avoir déjà expérimenté le cannabis alors qu’en 1993, les chiffres étaient respectivement de 34 % et 17 %. Le cannabis peut être expérimenté avant ou en même temps que d’autres substances mais apparaît très rarement isolé du tabac et de l’alcool. I.2. Adulte Parmi les 18-34 ans, 40,5 % des sujets ont déjà expérimenté le cannabis avec une majorité d’hommes. La proportion d’expérimentateurs décroît avec l’âge et a tendance à concerner 3,3 % des sujets âgés de 55 à 75 ans. L’usage répété de cannabis représente 1,6 % des adultes de plus de 26 ans et est surtout fréquent chez les célibataires de sexe masculin. II – Dépendance Différentes études épidémiologiques ont mis en évidence des prévalences de dépendance au cannabis d’environ 5 % en population générale et de 10 % parmi la population consommatrice de la substance, en particulier chez les 15-24 ans. La littérature internationale rapporte l’existence d’une tolérance et d’un syndrome de sevrage au cannabis. MANIFESTATIONS CLINIQUES DU SYNDROME DE SEVRAGE AU CANNABIS Agitation Anxiété Insomnie Dysphorie Irritabilité, Anorexie Tremblements des extrémités distales des membres supérieurs Augmentation des réflexes Modification de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle Sueurs Diarrhée Anomalies électroencéphalographiques mineures possibles III - Effets cognitifs III.1. Usage aigu de cannabis Lors de la consommation de fortes doses de 9-THC (supérieures à 200 µg/kg), l’ivresse cannabique associe un sentiment de bien être, une excitation, une dissociation idéique, des erreurs d’appréciation temporo-spatiale, des perceptions sensorielles accrues et des expériences hallucinatoires riches. Les performances cognitives et comportementales sont altérées environ 15 minutes après inhalation chez des sujets naïfs et plus tardivement chez les usagers réguliers (variations interindividuelles cependant). III.2. Usage chronique de cannabis Chez les usagers chroniques, le cannabis a un impact sur la mémoire à court terme, de travail, les capacités attentionnelles et serait associé à des effets neuropsychologiques résiduels. Les performances comportementales dans les activités sociales, scolaires et récréatives sont altérées par l’usage régulier et prolongé de cannabis. Le retentissement de l’usage de cannabis sur les performances psychomotrices doit être particulièrement pris en compte pour la conduite automobile. 61 Le syndrome amotivationnel pourrait être la traduction de l’ensemble de ces altérations cognitives. Il associe un déficit de l’activité professionnelle ou scolaire favorisant ou amplifiant la désinsertion, la marginalisation de l’usager pouvant conduire à un état de dénutrition et/ou d’incurie, des troubles du fonctionnement intellectuel, une indifférence affective avec rétrécissement de la vie relationnelle. Enfin, la question de la persistance des altérations cognitives à l’arrêt de la consommation est actuellement un sujet à controverse dans la littérature. IV - Dommages psychiatriques liés à l’usage de cannabis IV.1 Psychose aiguë cannabique. Son apparition est en général concomitante de l’intoxication mais elle peut apparaître dans le mois qui suit l’arrêt de l’intoxication. Il s’agit d’un trouble d’évolution brève, durant 8 jours à 3 mois dont le début est brutal. La symptomatologie est proche de celle des bouffées délirantes aiguës, avec une hétéroagressivité plus importante liée à la désinhibition psychomotrice, avec une plus grande fréquence d’hallucinations et une impression de déjà-vu ou de dépersonnalisation. L’épisode délirant est résolutif à l’arrêt de l’intoxication et sous chimiothérapie neuroleptique adaptée. Les rechutes seraient plus fréquentes lors de nouvelles consommations. IV.2. Schizophrénie Le cannabis pourrait, d’une part, précipiter l’entrée dans la maladie chez les sujets vulnérables et d’autre part altérer l’évolution de la pathologie parmi ceux qui l’ont déjà développé. IV.3. Troubles de l’humeur La prévalence des épisodes dépressifs majeurs chez les abuseurs de cannabis varie de 3 à 20 %, selon les études. La symptomatologie dépressive serait un facteur de risque de début d’usage de substances psychoactives. Que l’épisode dépressif soit primaire ou secondaire, il peut donc aggraver ou entretenir l’abus de cannabis et faciliter le passage à l’acte suicidaire. IV.4 Troubles anxieux La survenue d’une attaque de panique lors d’un premier usage favoriserait les récidives d’attaques de panique dans cette population. Les attaques de panique chez une population souffrant de troubles anxieux favoriseraient l’arrêt spontané de la prise de cannabis. V.5. Syndrome de dépersonnalisation Ce syndrome évoque les attaques de panique actuelles avec sensations de dépersonnalisation ou déréalisation secondaire aux prises isolées de cannabis. Il semble corrélé au niveau de l’intoxication et l’intensité maximale du trouble apparaît dans les 30 minutes suivant la prise puis régresse en 2 heures environ. Le syndrome de dépersonnalisation pourrait durer de plusieurs mois à 1 an. V - Dommages somatiques liés à l’usage de cannabis PULMONAIRES CARDIOVASCULAIRES CANCERS Effets liés aux différents Augmentation du débit Cancers des voies aérodigestives composés de la fumée du cardiaque et cérébral (10 supérieures (langue, larynx, cannabis minutes après amygdale..) chez les fumeurs de Activité bronchodilatatrice consommation) cannabis - tabac et chez les immédiate et transitoire Hypotension artérielle fumeurs exclusifs de cannabis Bronchite chronique Vasodilatation périphérique Cancers broncho pulmonaires Cancer Bradycardie Cas d’artériopathie type maladie de Buerger VISUELS ENDOCRINIENS AUTRES Augmentation de la Diminution de la libération Pas d’altérations du système photosensibilité de prolactine, de LH et de la immunitaire Hyperhémie conjonctivale testostérone Sécheresse buccale Mydriase inconstante Peu de données chez Réduction de la motricité l’homme intestinale. Augmentation de l’appétit VI - Principes thérapeutiques Le protocole sera individualisé, allant de simples conseils à des interventions thérapeutiques brèves faisant appel à une approche cognitive et comportementale. Un soutien familial associé à une thérapie familiale 62 peut être utile chez l’adolescent. Un accompagnement médicamenteux est possible en présence de signes de sevrage ou en cas de comorbidités psychiatriques. 63 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et vulnérabilité Question 46 – SUJETS EN SITUATION DE PRECARITE : FACTEURS DE RISQUE ET EVALUATION. MESURES DE PROTECTION Rédaction : C Massoubre, V Kovess-Masfety, AS Granat Résumé : C. Massoubre Objectif général : Evaluer la situation psychologique d'un sujet en situation de précarité. Objectifs spécifiques : Savoir reconnaître et dépister la souffrance psychologique chez les sujets en situation de précarité Connaître les données épidémiologiques dans ce domaine. Définitions Précarité : Elle concerne 12 à 15 millions de personnes qui manquent d’une ou plusieurs sécurités (emploi, logement, famille) et celles qui risquent de rentrer dans ces catégories. Regroupe les sans-abri, RMIstes, immigrants non réguliers et personnes à revenus très bas. Exclusion : économique, sociale ou indirecte (handicap/immigration), 0,5% de la population française Grande pauvreté : revenu du foyer ≤ 1/3 du revenu médian (325 euros en 1993 pour une personne seule). chez les personnes âgées et chez les jeunes. Facteurs de risque -environnement : isolement, pauvreté, habitat -contexte social et familial défavorable, conditions chroniques de stress plus fréquentes (tension conjugale, soucis financiers, maladie chronique, tensions subies au travail) -individuels : évènements difficiles dans l’enfance (séparation, placement), éducation, personnalité (vulnérabilité psychologique plus grande (estime de soi plus faible, résignation, déni), stress actuels Santé mentale : Surmorbidité des sujets les plus défavorisés Détresse psychologique plus importante. Plus de problèmes de santé mentale qui vont des troubles psychotiques sévères aux troubles de l’adaptation réversibles (quand la situation s’améliore). Risque x 80 pour la schizophrénie et x 2 pour la dépression Difficile de différencier la part de fragilité personnelle et des circonstances qui ont précipité l’apparition des problèmes de santé mentale RMIstes : prévalence de la dépression (plus chronique), tentatives de suicide, troubles anxieux, somatisations, abus et dépendances à l’alcool (10%) Consultations de médecine générale plus fréquentes, consultent moins les médecins spécialistes et les professions paramédicales Sans-abri : nombre de malades mentaux / troubles cognitifs graves, troubles schizophréniques, troubles dépressifs majeurs, troubles bipolaires, consommation de drogues et alcool (30-50%) souvent associés à des troubles mentaux Handicap physique sévère dans un quart des cas Les TS et les troubles délirants favorisent les contacts avec le système de santé, les troubles dépressifs les diminuent. Rôle du chômage Santé mentale plus mauvaise (anxiété, dépression et manque de motivation) Problèmes financiers, ennui, baisse de l’estime de soi et perte d’espoir Effet plus marqué chez les hommes que chez les femmes et à l’âge moyen de la vie Vécu des personnes en situation de précarité Sentiment de honte et d’injustice, vécu d’impuissance et rage de subir (mouvements de révolte alternant avec des mouvements d’accablement) L’exclusion n’est pas une maladie, mais une situation pathogène qui peut relever de la psychiatrie, mais pas toujours. 64 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et vulnérabilité Question 47 - BASES PSYCHOPATHOLOGIQUES DE LA PSYCHOLOGIE MÉDICALE Rédaction : M. Escande Relecture : M Marie Cardine Résumé : G. Barbalat et N. Franck Objectif général : Connaître les fondements psychopathologiques de la psychologie médicale I – Définition et généralités La psychologie est une science dont le but est de décrire et d’expliquer les conduites (définies par les pensées, les émotions, les actes, et la finalité de leur organisation) des êtres vivants. Ces aspects psychologiques concernent de nombreux champs de la médecine : . les facteurs de causalité ou de prédisposition de la maladie, en particulier des maladies psychosomatiques (asthme, ulcère etc.) et de la pathologie dite « fonctionnelle » (répercussions somatiques d’un dysfonctionnement psychique). . les réactions et l’adaptation du malade à la maladie et aux thérapeutiques (déni, anxiété, dépression etc.), déterminantes pour l’attitude du patient et l’évolution de la maladie. . les demandes d’ordre relationnel et affectif concomitantes des symptômes médicaux, visant le médecin mais aussi l’environnement du patient (famille, milieu professionnel etc.) et avec la société (représentations sociales de la maladie). . la pratique du médecin, notamment les aspects subjectifs de celle-ci (façons d’examiner, d’informer, de prescrire, de soigner, d’accompagner) ; la personnalité du médecin est un élément central de sa pratique. . une approche médicale globale de l’individu malade intégrant les composantes biologiques, psychologiques, psychosociales et historiques, par opposition à une médecine technique d’un organe. . le pouvoir médical, excessivement sollicité par la société pour résoudre des problèmes sortant de son champ de pratique (ex : enfants surdoués, délinquance etc.) La Psychologie Médicale s’appuie sur les méthodes fournies par différentes disciplines (ex : Psychanalyse, Psychobiologie, Neurobiologie, Ethologie, Génétique etc.) ; quelle que soit la méthode choisie pour l’approche des données psychologiques, elle doit être la plus scientifique possible. II – Le malade et sa maladie II.1. Les caractéristiques de la maladie La maladie est à l’origine d’une rupture de l’équilibre antérieur, à laquelle le patient doit s’adapter, ce qui est susceptible de déclencher chez l’individu un certain nombre de réactions, variables selon sa personnalité, sa représentation imaginaire et la représentation collective de la maladie. Même si l’expérience de la maladie est avant tout négative et source de souffrance, la maladie peut aussi être source de bénéfices. Les bénéfices primaires jouent un rôle dans le déclenchement de la maladie : la maladie permet d’apporter une solution à une situation de tension interne ou de souffrance narcissique peu supportable : la maladie apaise et soulage. Les bénéfices secondaires résultent des conséquences positives que peuvent avoir la maladie sur l’environnement socio-professionnel et affectif du malade. (arrêt de travail pour une maladie, se soustraire à des relations frustrantes, éviter les obligations familiales et sociales, être materné…) . II.2. Le patient Différents modèles psychologiques et psychopathologiques peuvent s’appliquer à la réaction du patient à sa maladie. . Modèles de « défense du moi » Ils sont issus des théories psychanalytiques. Ce modèle postule que, pour lutter contre tout ce qui peut susciter le développement de l’angoisse, l’individu mobilise des opérations inconscientes qu’on nomme « mécanismes de défense du Moi ». Les mécanismes de défense peuvent être regroupés en 4 domaines, des défenses psychotiques (projection délirante, déni, distorsion) aux défenses matures (altruisme, humour, anticipation, sublimation, comportement passif agressif, suppression et dissociation), en passant par les défenses névrotiques (refoulement, déplacement, formation réactionnelle, intellectualisation, isolation) et les défenses immatures (projection, fantaisie schizoïde, hypocondrie, acting-out). . Modèles de « coping » (faire face) 65 Issu des théories cognitivo-comportementales, le terme de coping fait référence à l'ensemble des processus conscients qu'un individu interpose entre lui et un événement éprouvant, afin d'en maîtriser ou diminuer l'impact sur son bien-être physique et psychique. II.3. Les types de réaction à la maladie Toute maladie plonge le sujet dans une situation nouvelle et déclenche de nombreuses modifications psychologiques. Le médecin doit savoir reconnaître ces modifications comportementales et l’origine de ces processus psychologiques nouveaux : la compréhension de leur sens est en effet souvent indispensable au bon déroulement du traitement proposé. Différents types de réaction peuvent être retrouvés. . Réactions anxieuses Fréquentes, elles témoignent en général d’un processus normal d’adaptation aux contraintes et aux conséquences de la maladie, parfois consécutives aux effets lésionnels directs de la maladie. L’anxiété associe des manifestations psychiques, somatiques et comportementales. Elles sont décrites dans le chapitre « troubles anxieux et troubles de l’adaptation ». . Attitudes de régression et de dépendance La régression peut se traduire par une réduction des intérêts, un égocentrisme, une dépendance vis à vis de l’entourage et des soignants, un mode de pensée magique (croyance en la toute puissance du médecin, du médicament). Il s’agit d’un processus normal et nécessaire car il permet au patient de s’adapter à la situation nouvelle de maladie. Elle peut aussi être utile au processus thérapeutique (observance du traitement par exemple). La régression peut être aussi pathologique si elle est trop importante en intensité et en durée et empêche la participation active et énergique du patient au processus thérapeutique. . Attitudes de minimisation, négation et refus de la maladie Elles sont particulièrement péjoratives concernant la guérison, en ce qu’elles constituent un frein évident à l’observance thérapeutique. . Réactions d’ordre narcissique et dépressives Le narcissisme désigne l’amour que le sujet se porte à lui-même. Certains patients développeront des thèmes dépressifs (par ailleurs favorisées par certains facteurs biologiques, lésionnels et thérapeutiques) associés à la crainte de ne plus être dignes d’être aimés ; on parle dans leur cas de « faille narcissique ». Certains la surmonteront en accentuant leur égocentrisme et en voyant leur narcissisme renforcé par l’expérience de la maladie : l’intérêt porté à sa propre personne malade devient la source de nombreuses satisfactions. . Attitudes agressives et persécutives Elle est souvent le reflet de la perception d’une menace, voire d’un sentiment d’injustice et de persécution. Elle peut s’exprimer de façon très variée : agressivité passive, agressivité verbale, voire agressivité physique. II.4. Le caractère pathologique de la réaction Il n’y a pas de stratégie défensive idéale vis à vis de la maladie. Le caractère pathologique de la réaction et la nécessité d’une intervention thérapeutique reposeront en général sur les critères suivants : - la souffrance du patient et son inadaptation à la situation - le caractère inhabituel de la réaction dans son intensité - le caractère inhabituel de la réaction dans sa durée. III – La relation médecin -malade La relation thérapeutique entre le médecin et son malade est déterminée par de nombreux facteurs, individuels et socio-culturels. De même que le malade réagit à sa maladie en fonction de sa personnalité propre, le médecin réagit face à son malade par un certain nombre d’attitudes conscientes et inconscientes qui dépendent de sa personnalité et de son histoire, et qui sont susceptibles d’infléchir le cours de la relation thérapeutique. La relation médecin-patient a les caractéristiques suivantes : - c’est une relation fondamentalement basée sur l’inégalité et l’asymétrie, puisque la demande du patient le rend passif et dépendant et que sa souffrance le mobilise et le diminue. - c’est une relation d’attente et d’espérance mutuelle : le malade attend la guérison ou, au moin, le soulagement ; le soignant attend la reconnaissance de son pouvoir réparateur. . L’apport du modèle psychanalytique La théorie psychanalytique a défini le concept de transfert. Il s’agit des réactions affectives inconscientes qu’éprouve le patient et qui s’actualisent à l’égard de son médecin. Le malade peut ainsi répéter des situations conflictuelles qu’il a vécues dans son passé. 66 La théorie psychanalytique a aussi défini le concept de contre-transfert ; alors que le malade est sujet au transfert, le contre-transfert se définit comme les réactions affectives inconscientes qu’éprouve le médecin vis-à-vis de son patient. Le plus souvent, le contre-transfert est positif, permettant une relation médecin-malade de qualité caractérisée par l’empathie du médecin et une action thérapeutique efficace. Un contre-transfert excessivement positif risque de conduire à une identification massive au malade et/ou à une perte d’objectivité dans les soins, c’est pourquoi il est nécessaire de garder une certaine distance vis-àvis du malade. Ailleurs, un contre transfert négatif induisant l’agressivité et des frustrations excessives du malade peut être à l’origine d’échecs de la relation thérapeutique. Il en est de même pour une absence de contre-transfert qui peut conduire à une froideur excessive. . L’apport des travaux de M. Balint M. Balint, psychanalyste hongrois, a développé une modalité originale d’approche de la relation médecinmalade. Pour Balint, le médecin est un remède en soi, même si son action est médiatisée par un médicament. Ainsi, une meilleure maîtrise de la relation inter-individuelle doit permettre au médecin d’établir avec son patient un échange affectif qui aura des vertus curatives. C’est l’objectif des « Groupes Balint » consacrés à l’approche en groupe des diverses problématiques relationnelles médecin-malade. . Les données récentes La conception de la relation médecin-patient est actuellement en pleine mutation. Mettant en avant les droits de l’individu, notre société souhaite faire évoluer la relation médecin-patient d’un modèle « paternaliste », où l’individu est trop peu concerté et informé, vers un modèle d’ « autonomie », où le patient a plus de responsabilité dans le choix de son traitement. Cette évolution se traduit notamment dans les nouvelles obligations liées à l’information, au consentement éclairé du patient concernant les soins et à la communication du dossier médical au patient. Ainsi, le médecin risque d’avoir une marge de manœuvre relativement faible entre ses obligations éthiques et déontologiques anciennes d’une part et ces nouvelles modalités de fonctionnement d’autre part. IV- Quelques situations pratiques Face à l’angoisse, l’attitude la plus adaptée est une attitude souple d’écoute bienveillante, centrée sur les préoccupations du malade, associée à une attitude de réassurance et d’explication des symptômes. Face à l’agressivité, il s’agit de reconnaître et nommer l’émotion du patient, et préférer le dialogue à l’escalade de l’agressivité. Face à l’hypochondrie, le médecin doit accepter l’impuissance thérapeutique, pour éviter toute surenchère de médicalisation qui pérenniserait les troubles voire les aggraverait. Face à la séduction histrionique, le médecin doit prévenir l’engrenage des hospitalisations abusives, de la iatrogénie, des bénéfices secondaires, car ces patients, suggestibles, influençables, dépendants se moulent au corps médical avec une plasticité étonnante. Guérir pourrait alors signifier pour eux une rupture de ce lien affectif. L’effet placebo est un effet non spécifique désignant l’action de toute substance pharmacologique inerte, susceptible de modifier l’état du malade, soit en l’améliorant (effet placebo-positif), soit en déclenchant des effets indésirables (effet placebo-négatif ou effet nocebo). L’effet placebo dépend de nombreux facteurs : nature des symptômes pour lesquels il est administré, aspect du médicament et modalités de sa prise, personnalité du sujet, influence du prescripteur. Les sujets placeborépondeurs sont plutôt sociables et extravertis et ils ont une « attente » par rapport aux effets du produit. Le prescripteur, influence la réponse au placebo. La relation positive au médecin favorise la réponse au placebo et par extension à un traitement actif. Une relation médecin-malade de qualité est un facteur favorisant l’observance du traitement médicamenteux au long cours. Conclusion L’ensemble de ces enjeux, dont la complexité est perceptible justifie pour le moins une formation psychologique du médecin, qui devrait être acceptée et reconnue par tous. Dans une société en pleine mutation pour ce qui est de la relation médecin-patient, cette formation permettra au médecin : . d’éviter l’utilisation inadaptée et parfois pathogène des dimensions psychologiques . de jouer son rôle apaisant et réorganisateur à travers la qualité de la relation établie avec le patient et son entourage. 67 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 3 : Maturation et vulnérabilité Question 48 – DIFFERENTS TYPES DE TECHNIQUES PSYCHOTHERAPEUTIQUES Remplace la question les grands courants de la pensée psychiatrique et sera complétée à la rentrée LES GRANDS COURANTS DE LA PENSÉE PSYCHIATRIQUE Rédaction : M. Escande Relecture : J.F. Allilaire, D. Pringuey, L. Schmitt Résumé : B. Hübsch et F. Limosin Objectif général : Connaître les grands courants de la pensée psychiatrique Les grands courants de la pensée psychiatrique se réfèrent non seulement aux nombreuses approches théoriques sur les mécanismes étiopathogéniques, mais également aux influences socioculturelles et historiques qui ont pesé et pèsent encore sur la conception du trouble mental. I – Historique des courants de pensée I.1. L’antiquité Au VIème siècle avant J.C., le philosophe grec Pythagore émet l’hypothèse que le siège de la pensée se situe dans le cerveau. Au Vème siècle avant J.C., Hippocrate est à l’origine de la ‘théorie humorale’ selon laquelle la santé est fonction de l’équilibre des différentes humeurs (sang, bile, etc.), sans qu’il n’y ait de distinction entre ‘maladies de l’esprit’ et ‘maladies du corps’. Hippocrate établit alors une liste de troubles mentaux dont la mélancolie, qu’il associe à la ‘bile noire’. I. 2. L’héritage grec L’héritage hippocratique de la médecine antique aboutit aux prémices d’une psychiatrie fondée sur 4 grandes maladies : la frénésie et la léthargie, associées à des états toxi-infectieux, la manie et la mélancolie, ‘folies sans fièvre’. Au VIème siècle, Alexandre de Tralles effectue une amorce des théories ‘localisationnistes’ cérébrales. I.3. Le moyen âge Le trouble mental, assimilé à la possession démoniaque et au péché, a longtemps conduit à l’Inquisition et au bûcher. Les premières institutions consacrées à l’hospitalisation des malades mentaux n’apparaissent en France qu’au XIIème siècle. I.4. Les XVIIème et XVIIIème siècles C’est l’époque du dualisme cartésien qui sépare le corps et l’esprit, de la naissance des asiles, et de la loi sur les aliénés. En 1656, est fondé l’Hôpital Général de Paris en vue d’enfermer les malades mentaux, insensés, mendiants, prostituées et correctionnaires, par lettre de cachet de l’autorité royale, le plus souvent à la demande des familles. L’insuffisance des hôpitaux est complétée par les dépôts de mendicité et les maisons de force. Au XVIIIème siècle, la vocation charitable des hôpitaux évolue progressivement vers une fonction de soins. Sous l’impulsion de Necker, la circulaire de 1785 définit les asiles comme lieux de soins. La même année, un médecin écossais, Cullen, utilise le terme de névrose et propose une classification des troubles psychiques d’inspiration neuro-fonctionnelle. En 1800, après avoir libéré les aliénés de leurs chaînes à Bicêtre, Pinel écrit le ‘traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie’. Ce traité, diffusé dans toute l’Europe, marque la véritable naissance de la psychiatrie. I.5. Le XIXème siècle : En France naissent les premières classifications des maladies mentales, comme celle d’Esquirol (les ‘monomanies’) et celle de Chaslin (la ‘folie discordante’). En 1838, une loi fixe les modalités d’hospitalisation des malades en ‘placement volontaire’ et ‘placement d’office’, loi qui ne sera remplacée qu’en 1990. En 1883, en Allemagne, Kraepelin regroupe l’hébéphrénie, la catatonie et le délire paranoïde dans le cadre de la ‘démence précoce’, que redéfinira Bleuler en 1911 sous le terme de ‘schizophrénies’. Au début du XXème siècle, c’est la floride époque descriptive des aliénistes français : délire chronique interprétatif (Serieux et Capgras), bouffée délirante aiguë (Magnan), psychose hallucinatoire chronique (Ballet), folie maniacodépressive (Baillarger, Falret). 68 II – Les théories de la psychiatrie contemporaine II.1. Le courant de psychopathologie générale Jaspers en Allemagne avec son ‘traité de Psychopathologie Générale’ sépare certains troubles psychiques réactionnels à un événement, vécus en continuité avec l’histoire du sujet, et les processus pathologiques en rupture avec celle-ci. Kretschmer en Allemagne établit des liens de continuité entre trouble psychique et trouble de la personnalité, du caractère et de la morphologie. En France, Henri Ey développe le concept d’organo-dynamisme, visant à séparer et hiérarchiser les troubles négatifs de désorganisation et le caractère organisationnel d’autres symptômes. II.2. Le courant phénoménologique Influencé par la philosophie de Husserl, ce courant vise à passer de l’approche de troubles à celle du malade dans son existence et son rapport au monde et à autrui. II.3. Le courant de la psychanalyse Sigmund Freud, malgré sa formation première de neurophysiologiste et de neuroanatomiste, va se dégager des théories organicistes des troubles psychiques. Influencé par Darwin, Freud est rapidement convaincu que le passé éclaire le psychisme présent et ses troubles. Freud envisage l’anxiété et les symptômes névrotiques comme des compromis psycho-défensifs vis-à-vis de traumatismes psychiques réels et/ou fantasmatiques qui ont affecté la vie psychosexuelle infantile. En 1915, Freud élabore une théorie de l’appareil psychique, centrée sur l’hypothèse de l’existence de processus psychiques inconscients reliés dynamiquement aux processus conscients, les premiers dérangeant excessivement les seconds par l’échec de leur refoulement. En pratique, la technique de l’analyse repose sur : l’association libre, la régression psychique induite par le dispositif, l’émergence du sens personnel et historique donné à certains contenus psychiques, l’apparition du transfert. En 1923, Freud définit la psychanalyse en ces termes : - Procédé d’investigation des processus psychiques, notamment du préconscient, non accessibles autrement ; - Méthode de traitement des troubles névrotiques ; - Conception du psychisme humain acquise par ce moyen. Freud a considérablement enrichi sa théorie psychanalytique en y introduisant la fonction fondatrice du narcissisme, la dualité des pulsions de vie et de mort, la division de l’appareil psychique en ça, Moi et Surmoi, l’importance de la relation d’objet. II.4. Le courant comportementaliste Est basé sur les principes de la théorie de l’apprentissage : l’objectif est l’amélioration des comportements dysfonctionnels ou mal adaptés par l’observation et la quantification des troubles nés sous l’influence de l’apprentissage ou du conditionnement. Les premières applications à l’homme du contre-conditionnement se situent en 1950 avec Skinner aux USA, Wolpe en Afrique du Sud. La thérapie comportementale est basée sur le désapprentissage des symptômes et comportements pathologiques et l’apprentissage de la relaxation permettant d’aborder les stimuli anxiogènes de façon à les maîtriser puis les supprimer. D’autres techniques ont été développées : - L’exposition graduée, avec désensibilisation sans entraînement à la relaxation ; - L’immersion (flooding), fondée sur le fait que la fuite d’une situation angoissante renforce l’anxiété par conditionnement ; - L’affirmation de soi et le développement des compétences sociales, avec apprentissage de comportements adaptés à certains buts relationnels et sociaux. Ce type d’approche s’avère particulièrement indiqué dans le traitement des troubles phobiques. II.5. Le courant cognitiviste Il dérive d’une sous-discipline de la psychologie clinique née au début du XX ème siècle, la psychologie cognitive, elle-même dérivée de la psychologie expérimentale. La psychologie cognitive a pour but l’étude des perceptions, apprentissages, processus attentionnels, mémorisations, raisonnements qui permettent notamment la prise de décision, la résolution des problèmes ou la programmation des pensées et des actes. - La thérapie cognitive s’applique en particulier au trouble obsessionnel compulsif, au trouble panique et à la dépression. Dans ce dernier cas, elle vise à développer des schémas de pensée positifs, à effacer les croyances inadaptées, comme les sentiments d’insuffisance, d’être sans valeur. - La psychologie cognitive a pour objet l’analyse des processus d’acquisition et d’utilisation des connaissances et des performances dans des situations standardisées (temps de réaction, taux d’erreurs, rapports verbaux, apprentissages, mémoire, résolution d’une situation expérimentale etc.). Des avancées significatives sont nées du couplage de l’analyse cognitive et des techniques d’imagerie cérébrale pour la construction de théories explicatives en psychiatrie. II.6. Le courant de psychiatrie biologique Ce courant est né de la découverte, le plus souvent fortuite, de l’efficacité de traitements biologiques dans certains troubles mentaux. C’est par exemple le cas de l’électro-convulsivothérapie, qui va notamment s’avérer efficace dans les troubles de l’humeur (mélancolie, manie, états mixtes). 69 Mais le véritable point de départ du courant de psychiatrie biologique est la mise en évidence en 1952 par Delay et Deniker des propriétés antipsychotiques du premier neuroleptique : la chlorpromazine (Largactil®). L’arsenal chimiothérapique s’enrichit en 1957 du premier antidépresseur tricyclique, l’imipramine (Tofranil®), et en 1960 de la première benzodiazépine, le chlodiazépoxide (Librium®). En 1970, grâce à la possibilité d’un dosage sanguin, le lithium, prescrit dans le traitement de la manie dès 1949, sera réutilisé. Dès lors, les chercheurs vont essayer de comprendre les mécanismes d’action neurophysiologiques et neurochimiques impliqués. Avec les progrès des connaissances neurochimiques, apparaîtront ainsi dans les années 1960, les premières théories mono-aminergiques de la dépression (insuffisance de neurotransmission en sérotonine ou en noradrénaline), puis la théorie dopaminergique de la schizophrénie (hyperfonctionnement dopaminergique mésolimbique, hypofrontalité). L’autre objectif sera celui de synthétiser de nouvelles molécules d’efficacité au moins, mais mieux tolérées, de façon à améliorer le ratio efficacité/tolérance. Au cours des 25 dernières années, on peut ainsi citer le développement d’antidépresseurs non tricycliques, comme les inhibiteurs sélectifs de la re-capture de la sérotonine, des antipsychotiques dits ‘atypiques’, schématiquement caractérisés par la coexistence de mécanismes d’action impliquant non seulement le système dopaminergique, mais également le système sérotoninergique. Parmi les axes de recherche les plus prometteurs dans le champ des neurosciences, la neuropsychologie cognitive, les techniques les plus récentes d’imagerie cérébrale fonctionnelle, ou les avancées en génétique moléculaire participent à une meilleure compréhension des mécanismes étiopathogéniques impliqués dans la survenue et l’évolution des troubles psychiatriques. II.7. Le courant d’inspiration socioculturelle Ce courant s’est développé après la deuxième guerre mondiale, notamment à travers le freudo-marxisme, théorie globale qui concerne aussi bien les aspects économiques que la dimension mentale de l’existence. Le courant anthropo-sociologique s’est particulièrement intéressé aux distorsions communicationnelles existant dans les familles de schizophrènes (doubles liens, injonctions paradoxales etc.). II.8. Le courant clinique critériologique Des systèmes critériologiques d’évaluation diagnostique ont été développés à partir des années 80. Actuellement, les deux classifications les plus utilisées sont le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) de l’association américaine de psychiatrie, et la Classification Internationale des Maladies (CIM) de l’OMS. Ces classifications sont régulièrement actualisées en tenant compte de l’évolution des cadres nosographiques. Le principal intérêt de ces classifications diagnostiques est de permettre une homogénéisation des données sur le plan international, notamment dans le domaine de la recherche. 70 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 4 : Handicap – Incapacité - Dépendance Question 52 - LE HANDICAP MENTAL. TUTELLE, CURATELLE, SAUVEGARDE DE JUSTICE Rédaction :JL Senon et N Lafay Objectif général : Argumenter les principes d'orientation et de prise en charge d'un malade handicapé mental Principes généraux de la protection de l’incapable majeur Un des principes fondamentaux du Droit civil français est que toute personne âgée de 18 ans révolus est apte à réaliser tous les actes de la vie civile. La capacité civile du majeur concerne en particulier l’aptitude à l’administration et à la disposition de ses biens personnels. La loi prévoit néanmoins que le majeur, « qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts », soit protégé par la loi. Quand la loi autorise l’intervention d’un tiers, il s’agit donc d’apporter aide et protection à un patient qui pourrait se nuire ou nuire à ses intérêts du fait d’altérations transitoires ou définitives de ses capacités de discernement. Le cadre légal de la protection de l’incapable majeur est la loi du 3 janvier 1968, « loi portant réforme du droit des incapables majeurs », qui prévoit un ensemble de mesures modulables pour assurer sa protection sur le plan de la vie civile, de la plus légère à la plus contraignante : sauvegarde de justice, curatelle et tutelle. Les modalités d’application de cette loi figurent dans le Code civil au titre XI, dans les articles 488 à 514 : •L’article 488 du Code civil détermine que « la majorité est fixée à 18 ans ; à cet âge on est capable de tous les actes de la vie civile. Est néanmoins protégé par la loi, soit à l’occasion d’un acte particulier, soit de manière continue, le majeur qu’une altération de ses facultés personnelles met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts ; peut pareillement être protégé le majeur qui, « par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses obligations familiales ». •L’article 489 du Code civil confirme que tout sujet de droit est présumé sain de corps et d’esprit. C’est ainsi que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit, mais c’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte ». •L’article 490 du Code civil confirme que les mesures de protection s’appliquent aux troubles mentaux ou aux handicaps corporels ; il détermine que « lorsque les facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement de l’âge, il est pourvu aux intérêts de la personne par l’un des régimes de protection prévus. Les mêmes régimes sont applicables à l’altération des facultés corporelles si elle empêche l’expression de la volonté ». Ce même article fait du médecin l’artisan des mesures de protection : « l’altération des facultés mentales ou corporelles doit être médicalement établie ». •Ce même article 490 dissocie mesures de traitement, hospitalisation et protection de l’incapable majeur : « les modalités du traitement médical, notamment quant au choix entre hospitalisation et soins à domicile, sont indépendantes du régime de protection ». La sauvegarde de justice Indications et procédure La sauvegarde de justice est la moins contraignante et la plus temporaire des mesures de protection. Elle s’adresse à un majeur qui présente une altération des facultés personnelles qu’elle soit due à un trouble mental ou à une pathologie physique qui altère momentanément ses capacités civiles. Il s’agit donc d’une mesure provisoire. Cette mesure est surtout indiquée en psychiatrie pour une pathologie transitoire ou de courte durée : épisode maniaque, coma, état oniroïde, suspicion de forme de début de démence. Deux modalités de mise en place d’une sauvegarde de justice sont possibles : •Le médecin traitant fait une déclaration au procureur de la République dans un certificat qui constate l’altération des capacités personnelles physiques ou mentales du malade qui le rend incapable de pourvoir seul à ses intérêts (certificat de sauvegarde de justice). S’il s’agit d’un médecin libéral, cette déclaration doit être accompagnée d’un certificat d’un médecin spécialiste, inscrit sur la liste du procureur de la République. Le certificat d’un médecin hospitalier suffit. •Le juge des tutelles peut prononcer une sauvegarde de justice s'il est saisi d’une demande de tutelle ou de curatelle. La responsabilité du médecin traitant peut être engagée s’il ne fait pas le nécessaire pour protéger un malade qui présente une altération transitoire ou durable de ses capacités personnelles, en particulier quand il a connaissance de manoeuvres de proches pour s’approprier le patrimoine de son patient. Il s’agit d’une mesure provisoire et la loi ne fait pas obligation au médecin qui fait la déclaration de prévenir le patient ou sa famille. 71 Durée, cessation et recours La sauvegarde de justice est prononcée pour une durée de deux mois, éventuellement renouvelable quand le médecin en a établi la procédure. Elle peut être prolongée de six mois. Le nombre de renouvellements n’est pas limité. Si la mesure est prise par le juge des tutelles elle se poursuit jusqu’à l’ouverture de la curatelle ou de la tutelle. Elle prend fin d’elle même à l’expiration du délai de sa déclaration. Un recours n’est pas envisageable de ce fait. Conséquences La sauvegarde de justice a des effets limités : le majeur est protégé par une possibilité d’action en annulation ou en réduction pour excès, au nom du principe selon lequel la personne protégée ne peut se léser. Du vivant du protégé, ces actions peuvent être engagées par le patient, sa famille ou le juge des tutelles dans un délai de cinq ans après un acte civil. Après le décès du protégé, ces mêmes actions peuvent être diligentées par les héritiers. Les tribunaux saisis d’une demande en annulation ou en réduction d’un acte civil ayant lésé le protégé décident en prenant en compte les biens matériels en cause, et surtout la bonne foi de ceux qui ont traité avec le protégé et qui peuvent l’avoir abusé. Par contre, la sauvegarde de justice n’a pas de conséquences pour les droits civils ou civiques du protégé. Une mesure proche est celle de l’institution d’un mandataire spécial conformément à l’article 491-5 du Code civil. Celui-ci est désigné par le juge des tutelles et peut faire les actes de la vie civile d’administration nécessaires à une protection d’urgence du malade. Comme la sauvegarde de justice, cette mesure peut être appliquée d’urgence si l’état du malade justifie cette aide. L’avis sur la nécessité de la nomination d’un mandataire spécial peut émaner de tout intéressé, comme par exemple du service social de l’hôpital. Le médecin peut aussi être à l’origine de la mesure. Le mandataire peut être un proche ou un professionnel. La tutelle Indications et procédure La tutelle s’adresse à un majeur présentant une pathologie ou un handicap confirmés et durable, ayant besoin d'être représenté de façon continue pour tous les actes de la vie civile. En psychiatrie elle s’applique donc par exemple aux pathologie déficitaires durables : psychoses schizophréniques, démences, insuffisances intellectuelles profondes…La demande émane du malade, du conjoint, de la famille, du curateur, des proches, du procureur de la république ou du juge des tutelles luimême. Cette demande est destinée au juge des tutelles du tribunal d’instance dont relève le domicile du patient. Le certificat médical constatant l’altération des facultés est établi par un psychiatre figurant sur la liste spéciale du procureur de la république du Tribunal de Grande Instance. Ce certificat médical constate l’altération des facultés intellectuelles et physiques et démontre l’incidence de la maladie ou du handicap sur les actes de la vie civile (certificat tutelle). L’instruction préalable fait que l’intéressé est obligatoirement entendu. Une enquête sociale, l’avis du conseil éventuel, la réunion du conseil de famille sont diligentés par le juge des tutelles. Le tuteur peut être le conjoint, un enfant, ou tout autre personne physique ou morale (associations) nommée par le juge des tutelles. Le tuteur administre légalement le patrimoine du protégé sous le contrôle du juge des tutelles à qui il rend compte. Durée, cessation et recours Il s’agit d’une mesure durable qui persiste jusqu’à une mainlevée qui obéit à la même procédure. La cessation obéit aux mêmes formalités que l’ouverture. Un certificat médical d’un psychiatre appartenant à la liste du procureur de la république qui constate la récupération des fonctions intellectuelles est transmis au juge des tutelles. Celui-ci ouvre une procédure de mainlevée avec audition du protégé, du tuteur, du conseil de famille, et éventuelle enquête sociale. Sur l’ensemble de ces éléments le juge des tutelles peut lever la mesure contestée. Le recours se fait auprès du juge des tutelles par le protégé ou toute personne habilitée à demander l’ouverture de la tutelle. Il doit s’appuyer sur un certificat médical circonstancié d’un spécialiste inscrit sur la liste spéciale du procureur de la République. Conséquences Le protégé perd sa capacité civile : il ne peut voter et n’est pas éligible. Le protégé est totalement privé de ses capacités civiles, civiques et juridiques et doit être en toutes circonstances de sa vie civile représenté par son tuteur. Les actes postérieurs à l’ouverture de la tutelle sont nuls en droit, les actes passés peuvent être annulés, en particulier si une sauvegarde de justice à été enregistrée antérieurement. Tout testament, toute donation ne peuvent se faire qu’avec l’accord du conseil de famille et ne concernent que le conjoint ou un descendant. Le mariage nécessite la consultation du conseil de famille et/ou des parents. D’après l’article 501 du Code civil, le juge peut énumérer certains actes que la personne aura la possibilité de réaliser elle même soit seule, soit avec l’assistance du tuteur. Différents types de tutelles peuvent être diligentés par le juge : •Dans la tutelle complète, le tuteur gère les biens à la place du protégé et fait seul les actes conservatoires dans l'intérêt de celui-ci ; le tuteur de plein droit est le conjoint sauf si le juge l’interdit. Le 72 conseil de famille occupe une place importante auprès du tuteur ; il est présidé par le juge des tutelles et comporte 4 à 6 membres nommés par celui-ci. Le subrogé-tuteur surveille la gestion du tuteur. •L’administration légale est une tutelle allégée et administrative sans conseil de famille ni subrogétuteur. L’administrateur légal gère les biens. Le gérant de tutelle reçoit les revenus et assure avec ceuxci la vie matérielle du protégé. •La tutelle d’état est une tutelle simplifiée où le tuteur assure sa mission sans intervention de subrogétuteur ni du conseil de famille. La tutelle est confiée au préfet qui délègue cette mission au directeur de l’action sanitaire et sociale. Les délégués à la tutelle d’état sont nommés sur une liste établie par le procureur de la république, après avis du préfet. •Dans la tutelle aux prestations sociales, le tuteur reçoit les prestations sociales du protégé et effectue les règlements des dépenses de première nécessité. C’est une forme de tutelle qui s’adresse aux malades ayant un handicap modéré et n’ayant comme seule ressource que des prestations sociales : RMI, Allocation Adulte Handicapé, Allocation logement… La curatelle Indications et procédure Une curatelle est une mesure de protection intermédiaire entre sauvegarde de justice et tutelle. Elle s’adresse à un malade présentant une pathologie ou un handicap et qui a besoin d'être protégé de façon durable mais adaptée et souple. Elle s’adresse aux patients présentant des pathologies chroniques déficitaires que l’on souhaite protéger de décisions intempestives touchant leur patrimoine, tout en préservant au maximum leur autonomie et leur vie sociale. Elle peut être considérée comme une mesure de contrôle et de conseil d’aide à la gestion, d’assistance, confiée par le juge des tutelles à un curateur. La procédure est identique à celle décrite pour la tutelle : demande du malade, du conjoint, de la famille, du curateur, du procureur de la république ou du juge adressée au juge des tutelles avec un certificat médical constatant l’altération des facultés mentales ou physiques établi par un psychiatre figurant sur la liste spéciale du procureur de la République. Ce certificat précise que le protégé doit « être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile »(certificat curatelle). Durée, cessation et recours Il s’agit d’une mesure durable ; la cessation obéit aux mêmes formalités que l’ouverture. Le recours se fait après du juge des tutelles par le protégé ou toute personne habilitée à solliciter l’ouverture de la curatelle. Conséquences Sur le plan civique, le protégé conserve le droit de vote mais ne peut être éligible. Son mariage comme une donation ne peuvent être faits sans l’avis du curateur. Il peut faire un testament s’il est sain d’esprit ; il lui appartient de l’établir par un certificat d’un spécialiste inscrit sur la liste du procureur de la république. Le protégé conserve une autonomie pour les actes conservatoires et d’administration de son patrimoine mais il existe une possibilité d’action en nullité ou en réduction si le trouble mental au moment de l’acte peut être prouvé. Le protégé ou le curateur peuvent demander l’annulation d’un acte réalisé sans l’accord du curateur. L’action en nullité est soumise à l’appréciation du tribunal. Un autre type de curatelle est possible, la curatelle spéciale (article 512 du Code civil) ou curatelle renforcée. Dans ce cas le curateur a les mêmes pouvoirs que le tuteur : on parle de curatelle aggravée : il s’agit donc d’une protection intermédiaire entre tutelle et curatelle qui, de fait, à l’avantage par rapport à la tutelle de conserver le droit de vote au patient. 73 Certificat en vue de l’ouverture d’une SAUVEGARDE DE JUSTICE Destinataire : M le Procureur de la République Tribunal de Grande Instance du département Je, soussigné, Docteur (préciser la qualification éventuelle en psychiatrie) certifie avoir examiné le (date) Monsieur né le à domicilié à Ce patient nécessite une protection dans les actes de la vie sociale. Il doit être placé sous sauvegarde de justice. Signature Certificat en vue de l’ouverture d’une TUTELLE Destinataire : M le Juge des Tutelles Tribunal d’Instance Je, soussigné, Docteur (préciser la qualifiation éventuelle en psychiatrie) certifie avoir examiné le (date) Monsieur né le à domicilié à et avoir constaté l’altération de ses facultés mentales (et/ou corporelles). : (présenter éventuellement un descriptif des altérations constatées) Ce patient nécessite d’être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile. Pour cette raison, l’ouverture d’une tutelle paraît justifiée. Le malade peut être entendu par le juge des tutelles sans que cela porte préjudice à sa santé. (ou : ... ne peut être entendu ; ou : ... peut être entendu à l’hôpital). Signature Certificat en vue de l’ouverture d’une CURATELLE Destinataire : M le Juge des Tutelles, Tribunal d’Instance Je, soussigné, Docteur certifie avoir examiné le (date) Monsieur né le à domicilié à et avoir constaté l’altération de ses facultés mentales (et/ou corporelles). (Présenter éventuellement un descriptif des altérations constatées) Ce patient nécessite d’être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile. Pour cette raison, l’ouverture d’une curatelle paraît justifiée. Le malade peut être entendu par le juge des tutelles sans que cela porte préjudice à sa santé. (ou : ... ne peut être entendu ; ou : ... peut être entendu à l’hôpital). Signature 74 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 5 : Vieillissement Question 63 – DEPRESSION DU SUJET AGE Rédaction : I Jalenques Résumé : I. Jalenques, O. Maïza, P. Delamillieure Objectifs généraux : Diagnostiquer un état dépressif chez une personne âgée. Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. Epidémiologie •Prévalence en population générale, 1 à 4 % avec critères du DSM, 11 à 16 % avec des évaluations reposant sur des instruments spécifiques des populations âgées. •Mais jusqu’à 40 % des patients hospitalisés ou en institution. Contexte Chez le sujet âgé, plusieurs facteurs influencent non seulement la survenue des dépressions mais également la démarche diagnostique et thérapeutique : •Le vieillissement corporel et ses perturbations (endocriniennes, …) •La présence de comorbidités somatiques •La fréquence des facteurs iatrogènes qu’il faut rechercher systématiquement : médicaments du système nerveux central, antagonistes calciques, médicaments du tractus respiratoire, médicaments gastro-intestinaux, métaboliques, β-bloquants, médicaments à tropisme neurologique, benzodiazépines, corticothérapie générale. •La position sociale qui se modifie La démarche diagnostique, avant tout clinique, doit intégrer une évaluation psychique, somatique et rechercher des facteurs précipitants possibles. L’examen met classiquement en évidence une rupture avec l’état antérieur du sujet. Certaines particularités cliniques sont à connaître : •L’humeur dépressive : la tristesse peut être remplacée par une irritabilité, une hostilité permanente à l’encontre de l’entourage ou un émoussement affectif. •L’anhédonie n’apparaît pas comme une exagération des signes physiologiques du vieillissement mais est pénible, douloureuse, permanente. •Le ralentissement psychomoteur est mieux apprécié si l’on dispose de points de repère antérieurs. •Les troubles du sommeil doivent être évalués en prenant en considération les changements de l’architecture du sommeil chez le sujet âgé. •L’anxiété très fréquente peut se traduire par une agitation improductive, des réactions hystériformes, voire des symptômes phobiques. •Des troubles du caractère d’apparition récente, doivent systématiquement faire rechercher une symptomatologie dépressive. •La symptomatologie cognitive doit être précisément évaluée, compte tenu des relations pouvant exister, à cet âge en particulier, entre dépression et démence. Toutes les démences peuvent être associées à des épisodes dépressifs au cours de leur évolution. •La dimension délirante, fréquente, peut s’exprimer sous forme d’idées de persécution, de jalousie, de préjudice. •Difficultés à se reconnaître déprimé et à s’en plaindre, d’autant plus qu’existent fréquemment des comorbidités physiques auxquelles sont rattachées les manifestations somatiques de la dépression. •Symptomatologie hypochondriaque, fréquente, est parfois délirante. •Risque suicidaire : doit absolument être recherché, de même que les antécédents personnels et familiaux de geste suicidaire. Taux de suicide du sujet âgé sont élevés. Consécutifs aux troubles de l’humeur ou intervenant au cours d’un raptus anxieux. 75 Chez les sujets âgés les comorbidités en particulier cardio-vasculaires et neurodégénératives sont fréquentes ; il est difficile de leur rattacher des modalités dépressives spécifiques. L’évaluation d’une symptomatologie dépressive chez un sujet âgé débute par le recueil des antécédents, l’examen psychiatrique et somatique et est complétée par un bilan biologique général, un bilan thyroïdien, un scanner cérébral, une radiographie thoracique et parfois un EEG. Évaluation familiale, sociale et environnementale indispensable. Evolution et pronostic Il existe une influence réciproque des affections somatiques et des dépressions, les unes sur les autres. Les dépressions du sujet âgé comporteraient les caractères suivants : évolution chronique avec persistance de symptômes résiduels invalidants plus fréquente, délai plus long entre l’apparition des premiers signes et l’initiation d’un traitement, délai d’action des antidépresseurs retardé. Traitement L’attitude thérapeutique doit être nuancée suivant les résultats de l’évaluation clinique. Prise en charge doit s’effectuer aussi souvent que possible en ambulatoire. Certains éléments, imposent une hospitalisation : idées suicidaires, dépression sévère, précarité de l’état général, climat hostile entre le patient et son entourage ou personne âgée très isolée, éléments qui font craindre une mauvaise observance thérapeutique, traitement de 1ere intention qui s’est avéré inefficace, indication d’électroconvulsivothérapie. La prise en charge doit proposer au patient une approche psychothérapique interpersonnelle et à l’entourage une écoute, voire un soutien. Le choix du médicament antidépresseur doit tenir compte de l’état somatique du patient et d’éventuelles interactions médicamenteuses prévisibles. En dehors de cas particuliers qui conduisent à réduire la posologie (insuffisance rénale ou hépatique…), les doses à prescrire et à atteindre progressivement sont celles de l’adulte. Une fois obtenue la rémission des symptômes, l’antidépresseur doit être poursuivi à dose efficace, avec une surveillance clinique voire biologique, durant 6 mois au minimum ; la diminution progressive de l’antidépresseur en vue de l’arrêt du traitement doit aller de pair avec une surveillance clinique régulière. 76 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 6 : Douleurs, soins palliatifs, accompagnement Question 70 – DEUIL NORMAL ET PATHOLOGIQUE (enfant et adulte) Rédaction : C Epelbaum Relecture : JP Visier Résumé : R Gaillard et F Baylé Objectif général : Distinguer un deuil normal d'un deuil pathologique et argumenter les principes de prévention et d'accompagnement Objectifs spécifiques : Connaître l’évolution du concept de mort chez l’enfant Connaître les étapes du deuil normal chez l’adulte et chez l’enfant Connaître ce que représente la notion de «travail de deuil » Connaître le diagnostic différentiel et les principaux symptômes d’un deuil pathologique chez l’adulte et chez l’enfant Introduction La mort est un événement situé dans le réel, c'est-à-dire l’incontournable et nous renvoie à la finitude de notre condition humaine. Le décès d’une personne investie plonge les survivants dans une période de deuil dont les enjeux et le déroulement dépendent de la nature de la perte, mais aussi de l’âge du survivant. L’évolution de la notion de mort chez l’enfant La notion de mort évolue chez l'enfant selon son âge, avec de grandes périodes dont les limites restent souples, en fonction des événements de vie traversés par l’enfant. Les réactions de l’enfant dépendent : - de son âge chronologique (qui conditionne en partie son appréhension de ce que représente la notion de mort), - de son développement psychomoteur, - de la façon dont l'entourage va entourer l'enfant peut aussi accélérer ou biaiser ce développement. Un certain nombre de figures aident l’enfant à « apprivoiser »la notion de mort: - le fantôme : c’est un être qui reste en quelque sorte vivant et auquel l’enfant peut s’identifier (certains personnages de film ou de bandes dessinées sont des fantômes – enfants qui font des bêtises, se font gronder etc.) - le squelette : c’est un personnage qui a déjà passé le cap de la décomposition corporelle et se présente donc « propre », sans aspect « dégoûtant ». Les étapes du deuil normal I. Qu’est-ce qu’un deuil ? Tout deuil représente un traumatisme psychique qui sidère les défenses habituelles de ceux qui y sont confrontés. Il s’agit d’une perte définitive qui entraîne un sentiment intense de manque (et non d’une simple séparation qui permet de retrouver « l’objet », en l’occurrence, la personne perdue). Le « travail de deuil » représente un rééquilibrage progressif qui permet à chacun de se détacher de l’objet perdu et de réinvestir de nouveaux « objets » dans la vie présente. II. Déroulement du deuil : On décrit classiquement trois étapes dans le deuil : - L ’installation : c’est le véritable choc, la sidération (parfois le sujet ne peut plus penser) provoqué par ce que la mort de l’être aimé a de traumatique. On retrouve des éléments tels que : * des perturbations physiques (troubles du sommeil, de l’appétit, asthénie) * des perturbations affectives (intense douleur psychique) * une hyperactivité désordonnée, ou au contraire une régression dans le sommeil * une dénégation de la perte (refus d’y croire) * une récupération de la personne perdue (rêves, rêveries diurnes, conversations centrées sur la personne perdue etc.) * une agressivité retournée sur l’entourage (en fait destinée inconsciemment à la personne perdue qui abandonne les survivants). - Le vécu douloureux qui s’installe immédiatement après : 77 il s’agit d’un vécu dépressif réactionnel physiologique avec vécu de culpabilité (sans auto-accusation grave, comme dans les états mélancoliques), mais aussi parfois d’agressivité vis-à-vis de l’être perdu. On retrouve : * un besoin d’isolement * des insomnies, une anorexie, une perte des intérêts (jeux, travail, loisir, relations amicales et amoureuses etc. ;) * une culpabilité, avec honte de survivre * une identification au mort - Retour à la vie: Freud écrit à son propos : « le Moi après avoir achevé son travail de deuil se retrouve libre et sans inhibition », c’est à dire que les parents et la fratrie peuvent investir à nouveau d’autres « objets » que l’enfant perdu et se souvenir de lui sans « sombrer » dans la tristesse ou la dépression. III. Les appuis sociaux : Le deuil est habituellement visible socialement (on « porte le deuil » par exemple par la couleur de ses vêtements) par l’accomplissement d’un certain nombre de rites, différents selon les cultures, rites qui sont là pour aider les endeuillés à parcourir les étapes de leur deuil en leur fournissant des sortes de repères temporels et symboliques (rituels funéraires qui concrétisent la disparition et formalisent un au revoir ; périodes définies de « réclusion », puis de sortie ; allégement progressif, selon un calendrier défini, des contraintes liées au deuil etc.). IV. Particularités du deuil d’un enfant : Le deuil d’un enfant malade est souvent difficile car : - Il a représenté, par sa maladie, une blessure pour ses parents et un être avec lequel la rivalité était très intense pour sa fratrie, rivalité consciente et inconsciente (cf. Module 1, objectif 1). - Les parents peuvent se sentir dépossédés de leur enfant par les traitements que la maladie à entraînés, et ont l’impression « de ne pas en avoir fait assez ». - Sa mort est vécue comme particulièrement injuste et non conforme aux règles habituelles de l’espèce (les plus âgés « partent les premiers »), ce qui provoque souvent un « syndrome du survivant ». V. Particularités du deuil chez l’enfant : L’enfant réagit en fonction de son âge et de son niveau de développement. Les éléments anxieux sont prévalents (cauchemars, peurs, ruminations concernant la mort), mais ce qui est le plus frappant c’est sans doute l’intermittence de l’expression de la souffrance psychique de l’enfant. Celui-ci peut être extrêmement triste, sidéré, refusant de jouer, s’isolant complètement un jour, et ouvert, participant aux activités ludiques qu’on lui propose le lendemain. Parfois ces changements émotionnels s’effectuent dans la même journée, ce qui déroute certains adultes qui pensent que l’enfant n’est pas malheureux ou a déjà oublié la personne décédée (ce qui est faux). Cette intermittence est en fait très riche puisqu’elle signifie que l’enfant « reprend le dessus » par moments et elle est donc à soutenir. Les principaux symptômes d’un deuil pathologique Le deuil peut être normal (non pathologique) mais prolongé : il s’agit alors d’un deuil qui peut évoluer vers une certaine chronicité, avec une culpabilité accentuée, la vie des survivants s’organisant autour d’une véritable « statue » du défunt, sans qu’on puisse parler de deuil pathologique (diagnostic différentiel), car il n’existe pas ici de symptômes psychiatriques (il s’agit seulement d’une « non-cicatrisation du deuil » qui en reste à la deuxième étape). Ce type de deuil est particulièrement fréquent dans la fratrie d’enfant décédé, comme si l’enfant survivant tentait, en s’identifiant à l’enfant mort, de récupérer l’attention parentale. Le deuil est dit pathologique s’il apparaît des symptômes psychiatriques chez les survivants qui ne présentaient pas, avant le décès, de pathologie psychiatrique. Les symptômes renvoient à différents tableaux psychiatriques qui peuvent advenir chez les adultes ou les enfants, avec les particularités propres à chaque âge, du trouble de l’humeur à la psychose, en passant par les conduites addictives et la conversion hystérique. Conclusion Lorsqu’un décès à lieu, il faut être attentif au déroulement du travail de deuil. Les enfants doivent être informés du déroulement des faits, en trouvant des mots adaptés à leur âge, au risque de rester « en attente », inhibés psychiquement (chute scolaire, éléments dépressifs etc. ;) : il ne faut surtout pas croire qu’ils sont insensibles ou aveugles, ou doivent être « protégés » de ce qui se passe par une absence totale d’informations. Le fait de pouvoir aller « visiter le mort » (cimetière etc.) reste important, beaucoup d’enfants ne pouvant s’organiser une représentation sécurisante du mort s’ils ne savent pas où est son corps. 78 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 10 : Cancérologie – Onco hématologie Question 142 - PRISE EN CHARGE ET ACCOMPAGNEMENT D’UN MALADE CANCÉREUX À TOUS LES STADES DE LA MALADIE : PROBLÈMES PSYCHOLOGIQUES "LES SYNDROMES DEPRESSIFS EN CANCEROLOGIE : SIGNIFICATION ET PRISE EN CHARGE" Rédaction : E Corruble et P Hardy Résumé : V Fruntes et F Limosin Objectif général : Expliquer les principes de la prise en charge globale du malade à tous les stades de la maladie en tenant compte des problèmes psychologiques, éthiques et sociaux (ne seront abordés dans cette question que les aspects psychologiques et psychiatriques) Introduction Malgré les progrès thérapeutiques en cancérologie, la représentation sociale du cancer demeure associée à la mort, à la douleur, à l'impuissance et à l'incertitude quant à l'avenir. La prévalence des épisodes dépressifs chez les patients atteints d’un cancer est élevée : 20% des patients ayant reçu un diagnostic de cancer au cours des 12 mois précédents souffrent d'un trouble dépressif. Chez certains patients, ces deux pathologies peuvent survenir de façon indépendante l'une de l'autre. Ce cas de figure est relativement rare. Le plus souvent, l’épisode dépressif est secondaire au cancer. Les mécanismes en cause peuvent être de trois types : - biologiques et/ou lésionnels ; - iatrogéniques ; - psychologiques : la dépression survient alors en réaction à la maladie physique et aux deuils qu'elle impose : deuil de sa santé physique, de son rôle social, de la possibilité de voir évoluer sa famille, deuil de sa prise en charge médicale intensive lorsque l'état clinique s'améliore. Les conséquences de ces épisodes dépressifs sont : - la souffrance et le dysfonctionnement du patient et dans une moindre mesure de l'entourage ; - le risque suicidaire ; - la péjoration du pronostic de l'affection néoplasique et l'augmentation de la mortalité, notamment via la mauvaise observance des traitements médicaux ou même les refus de soins. Quels cancers et dans quel contexte ? Quels cancers ? Tous les cancers peuvent être associés à des dépressions, les dépressions n'étant pas l'apanage des tumeurs malignes neurologiques centrales. Certains cancers sont toutefois plus souvent en cause : tumeurs du pancréas, de la sphère ORL ou de la sphère génitale, par exemple. Dans quels contextes ? Les épisodes dépressifs peuvent survenir à toutes les étapes du diagnostic, du traitement et de l'évolution du patient. Une dépression peut ainsi apparaître : 1. Chez un patient porteur d'un cancer encore méconnu. 2. A l'annonce du diagnostic : l'évocation du diagnostic de cancer renvoie toujours le patient à la possibilité, concrète et à court terme, de sa propre mort. Une réaction de sidération anxieuse suit fréquemment l'annonce du diagnostic et des éventualités thérapeutiques, et s'accompagne souvent d'un sentiment de perte de contrôle du corps et de la vie, et d'une crainte du handicap physique. Cette réaction peut laisser la place à un authentique épisode dépressif, notamment dans les premiers mois qui suivent le diagnostic. 3. A l'arrêt du traitement, et même si celui-ci a été efficace : des mécanismes psychologiques tels que le deuil du statut de malade ont pu être évoqués. La diminution des doses de corticoïdes et l'épuisement physique et psychologique induit par les traitements peuvent aussi jouer un rôle. 4. Lors d'une récidive. 5. Comme complication d'un traitement : les effets indésirables des traitements chimiothérapiques ou radiothérapiques peuvent favoriser l'émergence d'épisodes dépressifs, par des effets physiques (dimension d'épuisement) et psychologiques (modifications de l'image du corps notamment). Certains médicaments 79 peuvent également avoir des effets iatrogéniques dépressogènes spécifiques : corticoïdes, interféron alpha, interleukine, vincristine, vinblastine ou dacarbazine. 6. Dans un contexte de handicap physique et de restriction des activités et/ou des relations sociales. 7. Dans un contexte de douleur chronique et/ou de fin de vie. Diagnostic et pronostic des épisodes dépressifs Les épisodes dépressifs sont insuffisamment diagnostiqués et traités chez les patients souffrant de cancer. Une étude récente montre ainsi que dans des services d'oncologie médicale, moins de 50% des patients déprimés sont identifiés comme tels. La souffrance psychologique du patient nécessite d'être exprimée, entendue et prise en compte et chaque soignant doit s'interroger sur les réactions psychologiques que suscite chez lui la souffrance de son patient. Eléments sémiologiques : La dépression comporte des symptômes psychiques, cognitifs et somatiques. Or les pathologies cancéreuses induisent souvent une asthénie, une anorexie, des plaintes douloureuses. Dans ce cas, les symptômes somatiques sont moins contributifs pour faire un diagnostic de dépression. Les symptômes dépressifs les plus discriminants chez les patients présentant une pathologie cancéreuse sont plutôt les suivants : humeur dépressive, perte d'espoir, pessimisme, sentiments d'inutilité, d'incapacité ou de culpabilité inappropriée, sentiment de ne pouvoir être aidé, sentiment que la maladie est une punition, ralentissement psychomoteur ou agitation, diminution des intérêts ou du plaisir dans la plupart des activités, idées récurrentes de mort ou de suicide, troubles du sommeil, troubles de la mémoire, de l'attention et de la concentration, indécision. Ces symptômes prédominent classiquement le matin. Les différents types de troubles dépressifs : Chez un patient souffrant de cancer, une tristesse, des fluctuations de l'humeur ou un découragement ne sont pas nécessairement pathologiques. Toutefois, si ces sentiments sont intenses, s'ils s'installent dans le temps, s'ils sont associés à d'autres symptômes, ils doivent faire évoquer la possibilité d'un épisode dépressif. Ainsi un épisode dépressif caractérisé ou "majeur" se définit par la présence, pendant une période d'au moins deux semaines, d'un nombre suffisant de symptômes dépressifs, d'une souffrance du sujet et d'un dysfonctionnement associés, ainsi qu'un changement par rapport à l'état antérieur. D’autres patients présentent des tableaux symptomatiques incomplets, n'atteignant pas le seuil des épisodes dépressifs caractérisés, et qui surviennent en réaction à un facteur de stress survenu dans les trois mois précédents. Ce facteur de stress peut justement être la révélation du diagnostic de cancer, l'annonce d'un traitement mutilant ou l'annonce d'une rechute par exemple. Pour ces patients, les classifications internationales proposent le diagnostic de "trouble de l'adaptation avec humeur dépressive". Qu'en est-il du risque suicidaire chez les patients souffrant de cancer ? Le risque suicidaire chez les patients souffrant de cancer, par rapport à la population générale, est globalement multiplié par 1,5 à 2, et jusqu’à 15 fois dans la première année qui suit le diagnostic. Le suicide survient dans les suites immédiates du diagnostic (18%), en période de rémission (42%), ou en phase terminale (30%). Les moyens utilisés sont plus violents qu'en population générale (défenestration, pendaison). Comme en population générale, le sexe masculin est un facteur de risque et 2 pics d'âge sont retrouvés (adultes jeunes et sujets âgés). Le suicide survient dans 80% des cas dans un contexte de dépression associée. L'évaluation du risque suicidaire repose sur un faisceau d'arguments. Chez les patients souffrant de cancer, les facteurs de risque de suicide les plus spécifiques sont : la symptomatologie douloureuse, les problèmes majeurs d'image du corps, les complications sévères des traitements somatiques (comme par exemple les neuropathies secondaires aux chimiothérapies), les conceptions très négatives des possibilités de soins. Existe-t-il des facteurs de protection ? Il semblerait que ce soit le mode d’adaptation psychologique à la maladie (stratégies de « coping ») qui permette le mieux de prédire la survenue d’un épisode dépressif chez un patient atteint de cancer. Les patients font mieux face à leur maladie s'ils pensent qu'ils peuvent contribuer à leur guérison. Ainsi, en règle générale, les patients qui sont actifs dans des organisations ou des groupes de patients, qui utilisent des techniques comme la relaxation, les régimes, le yoga ont un meilleur pronostic que les autres. De même, les patients font mieux face à leur maladie s'ils ont pu en parler à leur entourage proche, plutôt que s'ils gardent cette information "secrète". La perception par le patient du soutien des soignants est un autre élément important. Une information adaptée et à un bon niveau d'écoute participent à la prévention de certains épisodes dépressifs. 80 Traitements curatifs des épisodes dépressifs Le traitement d’un épisode dépressif chez le patient souffrant de cancer doit s’intégrer dans une prise en charge globale et multidisciplinaire. Cette articulation a pour objectif d'échanger des informations, de permettre aux différents soignants d'exprimer et de gérer leurs propres difficultés, de permettre au patient de recevoir une information aussi pertinente que possible à propos de sa maladie et de son pronostic, et d'élaborer une stratégie thérapeutique commune. Indications de l'hospitalisation : en cas de dépression mélancolique sévère ; lorsque le risque suicidaire est important ; lorsqu'il existe des caractéristiques psychotiques ; lorsqu'une surveillance particulière est justifiée lors de l'instauration du traitement ; lorsqu'il existe un isolement social ou un environnement matériel ou affectif défavorable ; lorsque la dépression est résistante au traitement ; enfin, lorsqu'on observe une aggravation du tableau clinique malgré une thérapeutique a priori bien conduite. Pour le choix de l'antidépresseur, il convient de : - prendre en compte les propriétés associées, comme par exemple l'efficacité sur la symptomatologie douloureuse ou la symptomatologie anxieuse ; - privilégier un antidépresseur bien toléré compte tenu du terrain somatique (on évitera par exemple les molécules susceptibles d’induire des nausées chez les patients traités par chimiothérapie émétisante) ; - prendre en compte les interactions pharmacocinétiques, notamment chez le sujet polymédiqué, ou présentant une insuffisance hépatique ou rénale, ou recevant des traitements se liant aux protéines plasmatiques (AVK) ou inhibant les systèmes du cytochrome P450 ; - prendre en compte les interactions pharmacodynamiques : par exemple les propriétés anticholinergiques, les propriétés alpha1 bloquantes, l'effet quinidine-like des antidépresseurs imipraminiques. Posologie : Les patients souffrant de cancer étant particulièrement sensibles aux effets indésirables et sujets aux interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, on débutera le traitement avec des doses relativement faibles et on augmentera les doses plus lentement. Durée du traitement antidépresseur : Compte tenu du risque de rechute et de récurrence qui existe chez ces patients, la durée actuellement recommandée est d'au moins 6 mois après la rémission complète. Les interventions thérapeutiques associées aux antidépresseurs : Elles ont un intérêt essentiel et comportent l'éducation du patient sur la dépression, les antidépresseurs et leurs relations avec la maladie somatique, l'information des soignants somaticiens afin d'obtenir leur collaboration, les interventions auprès de la famille, et les psychothérapies, notamment de soutien, ou à médiation corporelle. L'indication d'une psychothérapie « plus formalisée » est posée en fonction de : la réaction du patient à sa maladie, l'effet de la maladie sur la capacité du patient à assumer son rôle professionnel et familial, et comment la maladie interfère avec l'image qu'il a de lui-même et de son corps, son niveau de motivation et ses capacités d'élaboration psychique. Des approches de type thérapie cognitivo-comportementale ou psychothérapie d'inspiration psychodynamique ou relaxation ou psychothérapie de groupe pourront ainsi être adjointes au traitement médicamenteux. Conclusion Les épisodes dépressifs demeurent insuffisamment diagnostiqués et traités chez les patients atteints de cancers. Il est fondamental de former les professionnels et d'informer les patients et leur entourage. La prise en charge doit être pluridisciplinaire et concertée. Le traitement optimal associe traitement médicamenteux antidépresseur et prise en charge psychothérapique. 81 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique - De la plainte du patient à la décision médicale - Urgences Question 168 - EFFET PLACEBO ET MÉDICAMENTS PLACEBO Rédaction : MF. Poirier Objectifs généraux : Expliquer l'importance de l'effet placebo en pratique médicale Argumenter l'utilisation des médicaments placebo en recherche clinique et en pratique médicale L’effet placebo est un effet indiscutable. Il varie au cours du temps. Le mot placebo vient de la première personne du singulier du futur du verbe placere, je plairai. Il a été décrit au 18ème siècle comme une « méthode commode de traitement ». Pierre Pichot a défini en 1961 l’effet placebo de la manière suivante : « l’effet placebo est, lors de l’administration d’une drogue active, la différence entre la modification constatée et celle imputable à l’action pharmacologique de la drogue ». Le placebo se définit comme une substance inerte qui est délivrée dans un contexte thérapeutique. L’effet placebo souligne que le contexte d’utilisation d’un médicament est déterminant. Dans les essais d’antidépresseurs, par exemple, les patients sous placebo présentent des effets indésirables alors qu’ils reçoivent une substance inerte. Il existe aussi une proportion importante de patients qui voient leur état d’humeur s’améliorer sous placebo. L’effet propre du placebo est différent de l’absence de traitement. L’une des explications de l’effet placebo est le conditionnement. Les expériences antérieures satisfaisantes avec un médicament et les antécédents du patient déterminent sa réponse au placebo. Les attentes du patient et sa foi envers le médecin interviennent dans l’amplitude et la nature de l’effet placebo. Cette observation est particulièrement nette en ce qui concerne les traitements de l’anxiété et de la douleur. Les facteurs influençant la réponse placebo sont : - le type de maladie - les attentes du patient et du médecin - la qualité de la relation médecin-patient - la personnalité du patient (il n’existe cependant pas de personnalité placebo-répondeur typique). L’objet placebo est également déterminant. La présentation, la couleur et le goût du médicament le déterminent. Les industriels s’attachent également à choisir des noms évocateurs. Le prix (médicament cher donc efficace) détermine aussi le placebo. L’effet placebo existe en psychiatrie et également en médecine. Les taux de réponse au placebo vont de 46 à 73 % pour les maux de tête, de 20 à 58 % pour la migraine, de 3 à 60 % pour l’hypertension, de 14 à 84 % pour les rhumatismes. Il est observé dans tous les essais thérapeutiques de psychotropes y compris dans les schizophrénies, les états maniaques. Dans les dépressions l’effet placebo peut être rapporté chez près de 50 % des sujets. 82 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique - De la plainte du patient à la décision médicale - Urgences Question 177 - PRESCRIPTION ET SURVEILLANCE DES PSYCHOTROPES Rédaction : E Haffen, P Vandel, F Thibaut, D Sechter Résumé : P. Delamillieure Objectif général Prescrire et surveiller un médicament appartenant aux principales classes de psychotropes Objectifs spécifiques Connaître les indications et les principales contre-indications des psychotropes Connaître les différentes situations de prescription : service d’urgence, pratique de ville, hospitalier, spécialiste… Savoir prescrire rationnellement et à bon escient en respectant les indications, en utilisant de manière pertinente les différents produits, en connaissant les risques et effets secondaires inhérents à chacun de ces produits Etre au courant des RMO les concernant Connaître les limites d’efficacité des médicaments et proposer soit conjointement, soit en alternative d’autres modalités de prise en charge. Savoir expliquer le traitement et ses buts Savoir aider le patient à améliorer l'observance du traitement En 1957, Delay et Deniker ont proposé la classification des psychotropes en fonction de leurs propriétés pharmacologiques et cliniques qui fait toujours référence près d’un demi-siècle plus tard. Antidépresseurs Pharmacodynamie Les antidépresseurs partagent une spécificité d’action sur les neuromédiateurs centraux : sérotonine, noradrénaline, dopamine. Les mécanismes d’action restent mal connus, mettant en jeu d’autres systèmes de médiation, la régulation des récepteurs neuronaux, des seconds messagers, la sécrétion de facteurs neurotrophiques. La classification pharmaco-clinique des antidépresseurs distingue : les IMAO sélectifs (IMAO A), les imipraminiques, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), les antidépresseurs spécifiques de la sérotonine et noradrénaline (NaSSA), et les atypiques (Tableau 1). Pharmacocinétique et métabolisme Administration per os : (pas de bénéfices de la voie parentérale en dehors du nursing), biodisponibité variable selon les produits, (30 à 80%) ; métabolisation au niveau hépatique ; élimination par voie biliaire et urinaire ; nombreuses interactions médicamenteuses : médicaments inhibiteurs des cytochromes P450 (CYP2D6, 3A3/4, 2C19) qui participent à l’élimination des antidépresseurs peuvent provoquer l’augmentation des taux sériques avec majoration des effets indésirables (imipraminiques). Inversement certains antidépresseurs (fluvoxamine, paroxétine, , fluoxétine,) inhibiteurs des mêmes cytochromes P450 peuvent perturber le métabolisme de médicaments co-prescrits. 83 Indications •Traitement curatif et préventif des épisodes dépressifs majeurs ; dans la prévention des récidives : (AMM : sertraline, venlafaxine) : traitement antidépresseur pendant 3 à 5 ans chez les sujets qui ont présenté au moins trois épisodes dépressifs en 3 ans, voire à vie lors de récidives fréquentes et invalidantes. L’association chimiothérapie antidépressive et psychothérapie a fait la preuve de son efficacité. Les dépressions chroniques et résistantes nécessitent des stratégies thérapeutiques complexes associant chimiothérapies et psychothérapies structurées, voire l’utilisation de l’électroconvulsivothérapie. L’intrication de troubles de la personnalité rend plus aléatoire l’efficacité du traitement antidépresseur. •Troubles obsessionnels compulsifs : clomipramine, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline (AMM à partir de 6 ans). •Anxiété généralisée : paroxétine, venlafaxine. •Troubles paniques avec ou sans agoraphobie : imipraminiques, fluvoxamine, paroxétine, citalopram, Scitalopram. •Phobies sociales : imipraminiques, paroxétine (Déroxat®). •Certains troubles du sommeil (insomnies, énurésie et narcolepsie (imipraminiques)), •Douleurs chroniques (imipraminiques, IRS, IRSNA), les douleurs au décours des maladies cancéreuses, douleurs post-zostériennes, migraines (antidépresseurs sérotoninergiques) et névralgies. Principes de prescription, choix d’un traitement antidépresseur Le choix d’un traitement antidépresseur s’articule autour de la connaissance de l’activité thérapeutique et des effets indésirables de la molécule, des antécédents du patient, de la sémiologie de l’épisode dépressif, des contre-indications et précautions d’emploi, du rapport bénéfice/risque. •Efficacité du traitement dans 60 à 70% des épisodes dépressifs majeurs. Les imipraminiques sont préférés dans les épisodes dépressifs majeurs avec caractéristiques mélancoliques. Les IRS sont utilisés dans le traitement des épisodes dépressifs en ambulatoire, notamment en raison de leur meilleure tolérance et sécurité d’emploi. Les antidépresseurs sédatifs sont utilisés dans les dépressions anxieuses, et inversement pour les antidépresseurs stimulants (dépressions avec ralentissement psychomoteur, asthénie, hypersomnie). Chez les sujets présentant des antécédents dépressifs, le choix porte sur le traitement antidépresseur efficace et bien toléré lors de l’épisode précédent. •Informer le patient sur le délai d’action du traitement : 15 à 21 jours, les effets indésirables possibles, la durée du traitement de manière à favoriser l’observance thérapeutique. •Initiation du traitement à dose progressivement croissante en fonction de la clinique et de la tolérance jusqu’à une posologie efficace. En ambulatoire, nécessaire de revoir régulièrement le patient (une fois par semaine les 3 premières semaines) afin d’évaluer la tolérance, l’évolution de la symptomatologie, la nécessité d’ajustement posologique ou des coprescriptions (anxiolytiques, hypnotiques). Un traitement sédatif peut être associé à un antidépresseur (benzodiazépines, neuroleptiques sédatifs à faibles doses : lévomépromazine, cyamémazine). Les anxiolytiques benzodiazépiniques ne protègent pas de la levée de l’inhibition qui apparaît dans les 48 à 72 heures après introduction de l’antidépresseur. •L’inefficacité d’un traitement antidépresseur n’est envisagée qu’après vérification du diagnostic (recherche de co-morbidités), de l’observance, de la posologie et de la durée de prescription (au moins 4 semaines). L’alternative à une réponse insuffisante, à la persistance (ou à l’aggravation) de la symptomatologie consiste à changer de classe d'antidépresseur, avoir recours à un antidépresseur imipraminique à posologie efficace (indispensable avant d’évoquer une dépression résistante), voire à l’électroconvulsivothérapie. La persistance de symptômes résiduels augmente significativement le risque de rechute et de récidive. •Surveillance du traitement : efficacité, tolérance et observance thérapeutique •Durée du traitement à dose efficace : 6 mois minimum à partir de la rémission complète de l’épisode. •Arrêt par paliers successifs sur plusieurs semaines afin d’éviter un syndrome de sevrage (discontinuation). Lors de traitement au long cours sur plusieurs années, arrêt très progressif (plusieurs mois). •Dosages plasmatiques pour l’adaptation posologique des antidépresseurs imipraminiques, en cas de surdosage (toxicité si taux > 450 µg/L). Les contre-indications absolues aux antidépresseurs tricycliques sont : le glaucome à angle fermé, l’hypertrophie prostatique, les coronaropathies, les troubles du rythme, l’infarctus du myocarde récent, l’insuffisance cardiaque décompensée, la grossesse, l’association aux IMAO. L’épilepsie, l’insuffisance hépatique et rénale sont des contre-indications relatives. Les contre-indications absolues aux IRS se limitent aux IMAO non sélectifs. Les contre-indications relatives sont relativement restreintes : anticoagulants coumariniques, IMAO sélectifs, β-bloquants, lithium et carbamazépine (adaptation des doses). 84 Les contre-indications absolues aux IMAO A sont les IMAO non sélectifs, les triptans, la péthidine, le dextrométhorphane, les états délirants, les accès maniaques, les enfants de moins de 15 ans. Les contreindications relatives associent les morphiniques, sympathomimétiques, IRS, grossesse et allaitement. Les effets indésirables des antidépresseurs sont répertoriés (voir question longue). Le syndrome sérotoninergique survient essentiellement après association d’antidépresseurs prosérotoninergiques (IMAO A, imipraminiques sérotoninergiques, IRS), de lithium à des pro-sérotoninergiques ou lors d’une intoxication aiguë à un pro-sérotoninergique. Les signes cliniques associent une confusion mentale, une hypomanie avec agitation, des myoclonies, des tremblements, une hypo- ou hypertension artérielle, une tachycardie, une diarrhée, des sueurs, frissons, une hyperthermie, et dans de rares cas un coma avec hyper-réflexie. Le traitement curatif consiste à suspendre les traitements en cause et à prescrire une benzodiazépine, à mettre en place des mesures de réanimation dans les formes sévères. La prévention consiste à éviter les associations à risque, espacer le remplacement d’un IMAO A par un IRS et inversement. Les neuroleptiques et antipsychotiques La chlorpromazine est apparue en 1952. En 1957, Delay et Deniker définissent les critères de la classification pharmaco-clinique des neuroleptiques : action psycholeptique sans effet hypnotique ; action inhibitrice de l’excitation, l’agitation, l’agressivité ; action réductrice des états maniaques, des psychoses aiguës et chroniques, effets neurologiques et neuro-végétatifs importants ; action principalement sous-corticale. Pharmacodynamie Les neuroleptiques sont des médicaments ayant essentiellement des effets sur le système dopami-nergique (surtout une action antagoniste des récepteurs de type D2). Ce dernier joue un rôle dans la régulation de la vie émotionnelle et le contrôle de la motivation, dans la modulation de la perception ainsi que dans l'organisation des comportements adaptatifs. Ces domaines sont perturbés dans la psychose. Le système dopaminergique joue aussi un rôle dans le contrôle de la motricité et dans l 'inhibition de la sécrétion de prolactine, à l'origine des effets secondaires de certains neuroleptiques. A côté des effets sur les récepteurs de type D2, chaque neuroleptique possède un profil d'action spécifique sur d'autres types de récepteurs par exemple sérotoninergiques (qui pourrait contribuer à améliorer les symptômes négatifs et d'autres troubles cognitifs associés à la schizophrénie) ou encore cholinergiques, histaminergiques et alpha1 adrénergiques, à l'origine des effets secondaires. Dans les années 1990, une nouvelle génération de neuroleptiques alliant une bonne efficacité sur les symptômes psychotiques à une meilleure tolérance neurologique a été développée. On les appelle neuroleptiques de seconde génération ou encore atypiques ou antipsychotiques car, aux doses habituellement préconisées, ils n'obéissent plus à l'ensemble des critères décrits par Delay et Deniker (amisulpiride, aripiprazole, clozapine, olanzapine, rispéridone). A.Pharmacocinétique et métabolisme •Administration par voie orale ou intramusculaire (situations d’urgence ou formes à action prolongée) •Résorption digestive variable •Produits très lipophiles, catabolisme hépatique avec effet de premier passage important. Métabolisme hépatique (cytochrome P 450). Nombreux métabolites, certains majorent les effets de la molécule mère (phénothiazines). Elimination par voie urinaire et biliaire. Penfluridol : seul neuroleptique d’action prolongée administré par voie orale. B.Indications •Troubles psychotiques de l'adulte : états psychotiques aigus, psychoses chroniques (schizophrénies) •Troubles bipolaires, troubles comportementaux associés à la démence, trouble obsessionnel compulsif résistant aux thérapeutiques habituelles. •Troubles comportementaux sévères associés aux psychoses de l'enfant. (cyamémazine, lévomépromazine) •Troubles anxieux rebels aux thérapeutiques habituelles. •Sevrage alcoolique, syndrome de Gilles de la Tourette ou dans certains syndromes douloureux ou choréiques (tiapride). (Tableau 2) 85 Traitement •Formes injectables de courte durée des états d'agitation et d'agressivité au cours des psychoses. Le choix du neuroleptique repose sur les effets thérapeutiques et indésirables des neuroleptiques précédemment pris par le patient, sur les préférences du patient, sur les comorbidités somatiques associées et enfin, sur le risque d'interactions avec d'autres traitements prescrits. L'usage des neuroleptiques de seconde génération, du fait de leur meilleure tolérance neurologique, est recommandé, en première intention, dans le traitement de la phase aiguë de la schizophrénie, sauf chez les patients ayant été traités antérieurement avec succès par un neuroleptique de première génération ou préférant ce dernier. Le choix d'un neuroleptique de seconde génération, par rapport à un autre, est guidé par son profil d'effets secondaires (Tableau 3). Les neuroleptiques de première et de seconde génération sont efficaces dans le traitement des symptômes positifs de la schizophrénie (délire, hallucinations) (effets antipsychotiques ou incisifs). Ils exercent également, pour la plupart d'entre eux, des effets sédatifs en cas d'agitation. Leur efficacité dans le traitement des symptômes négatifs ou déficitaires (émoussement affectif, retrait social…) (effet désinhibiteur et/ ou antidéficitaire) et dans celui des troubles cognitifs demande a être confirmée. Les neuroleptiques à action prolongée sont réservés aux patients non observants ou à ceux qui préfèrent cette voie d'administration dans le cadre de pathologies chroniques (schizophrénie). Leur usage doit toujours être précédé par la prescription du même neuroleptique par voie orale (Tableau 4). L'usage de la clozapine (neuroleptique de seconde génération) est réservé, en France, à la schizophrénie sévère et résistante, évoluant depuis au moins 2 ans, sous réserve d'une surveillance hématologique stricte. La précocité de la mise en route du traitement, l'absence de symptômes négatifs, un âge de début plus tardif, le sexe féminin sont des facteurs prédictifs d'une réponse favorable au traitement. Les posologies seront progressivement croissantes. Les doses quotidiennes prescrites lors des phases aiguës de psychose seront de 10 à 30 mg/ j pour l'aripiprazole, 10-20 mg/ j pour l'olanzapine, 2-8 mg/j pour la rispéridone, 200800 mg/j pour l'amisulpride, de 5 à 20 mg/j pour l'halopéridol. Il n'y a pas lieu d'associer deux neuroleptiques à visée antipsychotique, ni d'administrer d'emblée un correcteur anticholinergique. Des recommandations spécifiques ont été établies pour les premiers épisodes psychotiques. Les doses de neuroleptiques sont plus faibles (la fourchette maximale est réduite de moitié environ). Le traitement de la phase de stabilisation, au décours de l 'épisode aigu, repose sur la poursuite du même traitement pendant au moins un an. En ce qui concerne le traitement d'entretien, si le patient a présenté de multiples épisodes ou deux épisodes en moins de 5 ans, l'utilisation d'un neuroleptique au long cours est préconisée. Dans le trouble bipolaire, les neuroleptiques sont principalement utilisés dans le traitement aigu de la manie, dans les épisodes thymiques avec caractéristiques psychotiques et chez les bipolaires résistants aux thymorégulateurs (privilégier les neuroleptiques de seconde génération). Ils peuvent être associés à des thymorégulateurs et éventuellement à des benzodiazépines Surveillance, effets indésirables et contre-indications •Dosage plasmatique d’intérêt limité (observance, prescription chez l’enfant, résistance aux traitements, surdosage, interactions médicamenteuses). •Surveillance clinique, biologique. Effets secondaires nombreux. -En début de traitement : -fréquence cardiaque, tension artérielle et température, -bilan sanguin initial : NFS, ionogramme, bilan rénal, hépatique et test de grossesse au besoin, -ECG - Surveillance du poids, de la glycémie, du bilan lipidique (surtout clozapine ou olanzapine). - Surveillance clinique -de la tolérance neurologique, effets indésirables neurologiques (dyskinésies aiguës, syndrome parkinsonien, akathisie, et enfin dyskinésies tardives) peu fréquents avec les neuroleptiques de seconde génération. La clozapine peut favoriser la survenue de crises comitiales. -des effets métaboliques (neuroleptiques de seconde génération) : (prise de poids parfois importante, diabète de type 2, hyperlipidémie (surtout olanzapine et clozapine). -hyperprolactinémie, effets secondaires sexuels, sécrétion inappropriée d'hormone antidiurétique. Effets secondaires anticholinergiques centraux (confusion) ou périphériques (sécheresse buccale, mydriase, rétention aiguë d'urine, constipation avec parfois occlusion intestinale aiguë) sont surtout observés avec les neuroleptiques sédatifs de type cyamémazine ou lévomépromazine ou encore, pour les neuroleptiques de seconde génération, avec la clozapine ou l'olanzapine. Des effets indésirables cardiaques (hypotension orthostatique, allongement de l'espace QT, à l'origine de syncopes, voire de mort subite par fibrillation ventriculaire) sont observés préférentiellement avec le sultopride et avec la plupart des neuroleptiques de seconde génération, en dehors de l'aripiprazole. Le risque 86 d'agranulocytose est surtout observé avec la clozapine. Les autres effets secondaires peuvent être hépatiques (cytolyse ou rétention), réactions cutanées, cataracte ou rétinite pigmentaire ; chez la femme enceinte ou allaitant, la clozapine doit être évitée. Le syndrome malin est un accident rare (incidence : 0.5%) mais grave, avec mise en jeu du pronostic vital (20% de décès sans traitement). Il associe une hyperthermie sévère avec pâleur, collapsus, sueurs profuses, rigidité extrapyramidale, hypotension, tachycardie, coma. Les examens biologiques montrent une élévation des CPK, LDH, ASAT et ALAT, une hyperleucocytose. Le traitement, non codifié, passe par des mesures de réanimation. Toute hyperthermie non expliquée impose l’arrêt immédiat d’un traitement neuroleptique. Ce risque existe avec tous les neuroleptiques. Contre-indications absolues : phéochromocytome (benzamides), du glaucome à angle fermé (neuroleptiques anticholinergiques), du risque de rétention aiguë d’urine (neuroleptiques anticholinergiques), d’une hypersensibilité, d’un coma toxique, d’un antécédent d’agranulocytose toxique (phénothiazines, clozapine), d’une porphyrie (phénothiazines), d’un allongement de l’espace QT (sultopride, pimozide), d’une bradycardie < 65/minute et d’une hypokaliémie (sultopride). Les antécédents de syndrome malin doivent rendre très prudent. Contre-indications relatives : épilepsie, insuffisance cardiaque, arythmies, angor, hypotension orthostatique, maladie de parkinson, insuffisance hépatique et rénale, insuffisance respiratoire, grossesse et allaitement, diabète, sevrage à l’alcool, aux barbituriques et aux benzodiazépines. Les anxiolytiques Les anxiolytiques sont des substances dont la propriété pharmacologique essentielle est d’agir sur le système GABAergique. Les anxiolytiques sont représentés par les benzodiazépines, les carbamates, les antihistaminiques, les azapirones, l’etifoxine et le captodiame (Tableau 5). Pharmacodynamie L’agonisme GABAergique concerne non seulement les benzodiazépines mais également des apparentés tels que les carbamates, des hypnotiques non benzodiazépiniques (zolpidem, zopiclone) et des anesthésiques généraux. Toutes ces substances présentent des propriétés similaires associant : une action anxiolytique, sédative, myorelaxante, anticonvulsivante, amnésiante et accessoirement orexigène. De ces propriétés pharmaco-cliniques découlent les indications et les précautions d’emploi. Pharmacocinétique et métabolisme Bonne biodisponibilité, métabolisme hépatique, élimination par voie urinaire, absorption quasitotale, vitesse de résorption variable : plus rapide avec les solutions buvables que les comprimés ou gélules, selon la voie d’administration : plus rapide par voie veineuse (intraveineuse lente, perfusion) que par voie sublinguale ou orale que par voie intramusculaire (biodisponibilité mauvaise et irrégulière, accumulation dans les tissus puis redistribution retardée dans le sang circulant. L’utilisation de la voie intraveineuse se limite aux situations d’urgences et requière une surveillance médicale stricte en raison des risques de détresse respiratoire. Les métabolites intermédiaires sont actifs et certains métabolites terminaux tels que l’oxazépam sont commercialisés. Leur utilisation est intéressante chez les insuffisants hépatiques. La distinction entre benzodiazépines à demi-vie courte, intermédiaire ou longue a peu d’intérêt en pratique clinique en raison des métabolites actifs. A la différence des barbituriques, les benzodiazépines ne sont pas inducteurs enzymatiques et les interactions pharmacocinétiques sont exceptionnelles. Indications Les anxiolytiques sont indiqués dans les troubles anxieux : anxiété généralisée et attaques de panique, trouble panique (associés aux antidépresseurs), anxiété phobique (associés aux antidépresseurs), troubles obsessionnels compulsifs (associés aux antidépresseurs), troubles de l’adaptation, sevrage alcoolique (en particulier diazépam et oxazépam, , les autres psychotropes ne sont pratiquement plus utilisés, notamment le méprobamate, les barbituriques, les neuroleptiques, dont l’efficacité est variable et la tolérance moindre), syndrome douloureux chronique (clonazépam,), syndromes extrapyramidaux iatrogènes, dystonies musculaires, état de mal épileptique, convulsions fébriles de l’enfant, prémédication opératoire, anesthésie générale. Principes de prescription •Poser correctement l’indication, en raison notamment d’une surconsommation fréquente. Leur utilisation dans l’anxiété situationnelle mineure est un non sens, elles n’ont pas d’action préventive et leur effet est symptomatique et transitoire. 87 •Prescription initiale : posologie la plus faible possible, progressivement croissante, adaptée au patient (en fonction de l’âge, des pathologies somatiques notamment hépatiques et rénales, du poids) et pendant une durée limitée. A posologie habituelle, la répartition est fractionnée sur le nycthémère en deux ou trois prises. Les benzodiazépines doivent être proscrites pendant le premier trimestre de grossesse, au cours de l’allaitement maternel ainsi que chez l’enfant en raison du risque surajouté de conduites addictives ultérieures. A la différence des benzodiazépines, la buspirone a une activité retardée et inconstante après une semaine de traitement. Elle n’entraîne pas de dépendance, ni troubles mnésiques et la sédation est modérée. Les carbamates sont très efficaces mais provoquent une sédation marquée avec une toxicité importante lors d’ingestion massive, un effet inducteur enzymatique et induisent un risque de dépendance. Les antihistaminiques tels que l’hydroxyzine ont l’avantage de ne pas provoquer de dépendance, mais leur efficacité est moins constante. Les β-bloquants, en particulier le propranolol, sont indiqués dans les manifestations fonctionnelles cardiovasculaires lors de situations émotionnelles transitoires mais n’ont pas d’effet anxiolytique propre. Surveillance, effets indésirables et contre-indications Il n’existe que de rares contre-indications absolues à l’utilisation des benzodiazépines : l’hypersensibilité, la myasthénie, l’insuffisance respiratoire sévère, les apnées du sommeil et l’encéphalopathie hépatique. La vigilance sera accrue chez les sujets insuffisants hépatiques et rénaux, toxicomanes (contre-indications : flunitrazépam, clorazépate dipotassique, dans sa présentation la plus dosée), pendant les 2ème et 3ème trimestre de la grossesse : risque d’hypotonie (syndrome du « bébé mou » ou floppy infant syndrom qui se manifeste par des troubles de la conscience, une hypotonie, des troubles respiratoires, des troubles de la succion et une hypothermie), un risque de détresse respiratoire à la naissance ou de syndrome de sevrage chez le nouveau-né (état de mal épileptique). •Bonne tolérance, effets indésirables rares, interactions médicamenteuses limitées. Les effets secondaires les plus fréquents sont la somnolence diurne (attention à l’utilisation de machine dont la conduite automobile), les troubles mnésiques, effet sédatif renforcé par la co-prescription d’autres psychotropes. •Prescription : - systématiquement réévaluée (sur 2 semaines), - associée à une prise en charge psychothérapique. En l’absence de résolution symptomatique, réviser le diagnostic (rechercher une dépression masquée…). La surveillance des taux plasmatiques n’a aucun intérêt en dehors de la recherche d’une intoxication aiguë. Les benzodiazépines peuvent être associées aux antidépresseurs dans le traitement des épisodes dépressifs caractérisés ou de troubles anxieux spécifiques, mais devront être rapidement arrêtées sauf cas exceptionnel. L’association ne doit être en aucun cas systématique. Les risques majeurs en cas de traitement prolongé sont l’accoutumance, la dépendance physique et psychique, l’usage toxicomaniaque. L’arrêt doit s’effectuer progressivement, afin d’éviter un effet rebond de l’anxiété, voire dans de très rares cas, un état de mal épileptique. Le syndrome de sevrage aux benzodiazépines, variable dans son intensité, s’inscrit dans le cadre général des manifestations liées à l’arrêt d’hypno-sédatifs : barbituriques, carbamates et alcool. Le score de Tyrer (1983) permet d’apprécier le risque de dépendance (Tableau 7). Les anxiolytiques sont fréquemment utilisés lors de passage à l’acte suicidaire. Si le risque létal est faible, ils ne doivent pas masquer une prise concomitante de substances plus toxiques tels que les antidépresseurs imipraminiques. Les carbamates et l’hydroxyzine peuvent être toxiques à forte dose (troubles cardio-vasculaires corrélés à la méprobamatémie). L’hospitalisation est indispensable, tant pour évaluer les conséquences physiques que pour rechercher les causes et proposer des solutions à la résolution de la crise suicidaire (recommandations de l’ANAES). Les hypnotiques Les hypnotiques (Tableau 6) représentent une classe pharmacologique proche des anxiolytiques, dont les propriétés sédatives sont privilégiées. Il s’agit essentiellement de benzodiazépines ou d’apparentés, sachant que les barbituriques ne doivent plus être utilisés dans les troubles du sommeil. Accessoirement certaines substances dont l’effet hypnotique est secondaire, sont prescrites dans cette indication, en particulier les neuroleptiques sédatifs (levomépromazine, cyamémazine, alimémazine), et les antihistaminiques (hydroxyzine, doxylamine, niaprazine). 88 Indications •Limitées aux insomnies occasionnelles •Durée de prescription la plus réduite possible : 4 semaines, sauf exception ; pas d’association d’hypnotiques ; choix en fonction du type d’insomnie : d’endormissement, par réveils multiples, par réveil précoce ; éliminer un état dépressif. Les benzodiazépines à demi-vie courte ou intermédiaire, zopiclone (et zolpidem sont préférentiellement utilisées dans le traitement des insomnies d’endormissement et du sujet âgé. Surveillance, effets indésirables et contre-indications Les effets indésirables ainsi que les contre-indications sont ceux des classes pharmacologiques correspondantes. Zopiclone et zolpidem à la différence des benzodiazépines respectent l’architecture du sommeil. Les insomnies rebonds sont principalement décrites avec les hypnotiques à demi-vie courte et prescrits à de fortes posologies. Zopiclone et zolpidem peuvent induire une anxiété de sevrage analogue à l’insomnie rebond en particulier chez les sujets anxieux. Les conduites de dépendance à l’égard des hypnotiques ne sont pas négligeables notamment en ce qui concerne les benzodiazépines à demi-vie courte et intermédiaire. En raison des potentialités toxicomaniaques du flunitrazépam, la prescription est limitée à 14 jours avec dispensation fractionnée pour 7 jours. Les effets secondaires au long cours d’hypnotiques non benzodiazépiniques ne doivent pas être négligés. En particulier l’utilisation de neuroleptiques à visée hypnotiques (alimémazine, expose au risque d’effets neurologiques tardifs (dyskinésies tardives). Les thymorégulateurs Ils constituent une classe pharmacologique restreinte représentée par les sels de lithium d 'une part, et les anticonvulsivants ou apparentés d'autre part que sont la carbamazépine, l’acide valproïque, le valproate ou le valpromide. Ces trois dernières substances ont des potentialités équivalentes dans les indications psychiatriques. Le valproate a l’indication (AMM) pour le traitement des épisodes maniaques de la maladie maniacodépressive en cas de contre-indication ou d’intolérance au lithium. Le valpromide est proposé dans la prévention des rechutes chez les sujets souffrant d’un trouble bipolaire de type I et présentant une contreindication au lithium. L’acide valproïque, à la différence de la pratique dans les pays anglo-saxons, n’a pas d’AMM en France pour le traitement des troubles bipolaires. Pharmacodynamie Les thymorégulateurs agissent directement sur les neuromédiateurs tels que la sérotonine, ont un effet stabilisateur de membrane et modifient les activités enzymatiques protéine-G dépendantes. Pharmacocinétique et métabolisme Administration par voie orale et métabolisme hépatique, à l’exception des sels de lithium (ion métallique directement éliminé par voie rénale). Nombreuses interactions médicamenteuses, (carbamazépine). Indications •Troubles bipolaires, •Troubles du caractère et du comportement, •Adjuvant des thérapeutiques antidépressives dans les dépressions résistantes. Les thymorégulateurs antiépileptiques seraient plus efficaces que les sels de lithium lors d’une évolutivité importante du trouble de l’humeur avec un âge de début précoce, des cycles rapides, un état mixte ou manie dysphorique, lors de comorbidités somatiques ou psychiatriques, lors d’antécédents familiaux de troubles bipolaires, enfin lors de résistance, inobservance ou intolérance au lithium. Principes de prescription L’instauration d’un traitement thymorégulateur nécessite un bilan préthérapeutique qui comprend : •La recherche de contre-indications, •Un examen clinique complet, notamment neurologique, avec mesure de la masse corporelle (permettant l’ajustement initial de la posologie), •Des examens paracliniques à la recherche d’une pathologie cardio-vasculaire, hépatique, rénale ou thyroïdienne : ECG, bilan hépatique (antiépileptique), bilan rénal (sels de lithium : créatininémie, clairance de la créatinine, protéinurie, glycosurie, HLM), TSH (sels de lithium), ionogramme sanguin (sels de lithium : recherche d’une déplétion sodée ou potassique), NFS plaquettes, •Un test de grossesse chez les femmes en âge de procréer. Initiation du traitement de façon progressive sous surveillance clinique et biologique, avec un contrôle régulier des concentrations plasmatiques jusqu’à l’équilibre. 89 Surveillance, effets indésirables et contre-indications La surveillance au long cours s’articule autour de la surveillance de l’action préventive et de la tolérance au traitement. L’information donnée au patient est un facteur clé de l’observance thérapeutique, qui peut-être facilitée par le recours aux formes à libération prolongée et la prescription en une seule prise quotidienne. L’évaluation porte sur l’efficacité et la survenue d’effets indésirables, le contrôle des concentrations plasmatiques et des examens paracliniques. En ce qui concerne les sels de lithium : •Lithiémie tous les 2 à 3 mois et lors d’une suspicion de surdosage, zone thérapeutique : 0.5-0.8 mEq/L 12 heures après la dernière prise si forme à libération immédiate, 0.8-1.2 mEq/L 12 heures après la prise si forme à libération prolongée, •Contrôle annuel de la TSH, •Contrôle annuel de la clairance de la créatinine. Carbamazépine : •Carbamazépinémie : tous les 2 à 3 mois, zone thérapeutique : 6-10 µg/mL, •Contrôle NFS plaquettes et TP régulier, avec arrêt immédiat du traitement si leucopénie < 3000 ou neutropénie < 1500, •Contrôle régulier transaminases, bilirubine, GT, avec arrêt immédiat du traitement si altération importante des paramètres biologiques. Valproate : •Valpromidémie : tous les 2 à 3 mois, zone thérapeutique : 60-100 µg/mL •Contrôle régulier NFS plaquettes et TP, avec arrêt immédiat ou diminution du traitement si thrombopénie, •Contrôle régulier transaminases, bilirubine, GT, avec arrêt immédiat du traitement si altération importante des paramètres biologiques. L’intoxication aux sels de lithium est facilitée par les associations médicamenteuses (AINS, diurétiques, cyclines, 5-nitro-imidazolés), l’insuffisance rénale, la déshydratation, un régime désodé, une pathologie infectieuse. Elle se manifeste par : asthénie, tremblements (lithiémie > 1.2 mEq/L), troubles de la concentration, myoclonies, somnolence, apathie, faiblesse musculaire, dysarthrie, ataxie, nystagmus, vertiges, troubles de la vision, nausées, diarrhée, confusion mentale (lithiémie > 1.6 mEq/L), hypotonie musculaire, perturbations de l’EEG, oligo-anurie, perturbations de l’ECG, hypotension, coma hyperréflexique, décès possible par collapsus cardiovasculaire (lithiémie > 2 mEq/L). L’intoxication par la carbamazépine associe des signes neuro-musculaires (troubles de la conscience, convulsions, vertiges, ataxie, mydriase, nystagmus, hyper- puis hypo-réflexie), cardiovasculaires (tachycardie, hypotension, perturbations de l’ECG, état de choc) et respiratoires. L’intoxication par le valproate associe coma calme, myosis, hypotonie musculaire, hyporéflexie. Les effets indésirables des thymorégulateurs antiépileptiques associent des effets digestifs (hépatopathies, troubles du transit), cardiovasculaires (hypotension, tachycardie), hématologiques (thrombopénie, leucopénie, voire rare tricytopénie), cutanés (alopécie, dermite, épidermite toxique), syndrome confusionnel, prise de poids. Le lithium a la particularité d’induire des effets collatéraux immédiats et retardés après l’initiation du traitement. Les effets immédiats sont caractérisés par des effets digestifs (sécheresse buccale, sensation de soif, nausées, diarrhée), neurologiques (tremblements fins, sensation de vertiges, somnolence), cardiovasculaires (troubles de la repolarisation), rénaux (syndrome polyuropolydipsique réversible), hématologiques (hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles fréquente et réversible). Les effets retardés sont endocriniens (hypothyroïdie ou plus rarement hyperthyroïdie), cardiovasculaires (troubles du rythme et de la conduction, myocardiopathie), rénaux (syndrome polyuropolydipsique, insuffisance rénale), cutanés (acné, rash, prurit, aggravation d’une dermatose chronique), psychiques (troubles cognitifs, ralentissement), prise de poids. Les contre-indications absolues au lithium associent : insuffisance rénale même modérée (clairance de la créatinine < 85 mL/minute), déplétion hydro-sodée, régime hypo- ou désodé, coronaropathie sévère, insuffisance cardiaque instable, allaitement, grossesse (1er trimestre, en sachant que si un traitement thymorégulateur est indispensable pendant cette période, il faudra utiliser la carbamazépine). Les contre-indications à l’acide valproïque sont : les antécédents d’hépatite médicamenteuse, hépatite aiguë ou chronique, hypersensibilité, porphyrie hépatique, association à la méfloquine (risque de convulsions). 90 Les contre-indications à la carbamazépine sont : bloc auriculo-ventriculaire, allaitement, antécédent d’hypoplasie médullaire, porphyrie aiguë intermittente, hypersensibilité, IMAO non sélectifs, insuffisance hépatique. La consommation de boissons alcoolisées est formellement déconseillée chez les patients traités par des anticonvulsivants. Les psychostimulants La classe des médicaments psychostimulants, après la mise en évidence des propriétés toxicomanogènes des amphétamines et leur retrait progressif, se limite aujourd’hui au méthylphénidate, à l’adrafinil et à son métabolite actif le modafinil. Pharmacodynamie et pharmacocinétique Le méthylphénidate est un dérivé amphétaminique qui augmente la concentration de monoamines cérébrales (dopamine et noradrénaline) dans la fente synaptique. La résorption digestive est complète mais la biodisponibilité de 30% en raison d’un effet de premier passage hépatique important. L’adrafinil et le modafinil sont des psychostimulants non amphétaminiques dit « eugrégoriques » qui ont un effet alpha-1 adrénergique au niveau cérébral. Les interactions médicamenteuses sont nombreuses en raison d’un effet inducteur enzymatique. Indications Le méthylphénidate est indiqué dans les troubles de l’attention de l’enfant avec hyperactivité au-delà de 6 ans et dans le traitement de la narcolepsie en cas d’échec du modafinil. Le modafinil est indiqué dans le traitement de la narcolepsie (efficacité sur les accès de sommeil diurne mais pas sur la cataplexie qui doit être traitée par un imipraminique) et de l’hypersomnie idiopathique. L’adrafinil, moins stimulant, est indiqué dans les troubles de la vigilance et de l’attention du su jet âgé. Principes de prescription La prescription initiale de méthylphénidate est réservée aux médecins hospitaliers : psychiatres, pédiatres, neurologues et médecins de centre d’exploration du sommeil et nécessite une confirmation diagnostique par une équipe pluridisciplinaire. Le renouvellement est possible par tout médecin. La posologie initiale est de 5 mg matin et midi avec augmentation progressive par paliers de 5 à 10 mg par semaine. La prise le soir n’est pas recommandée en raison de l’insomnie induite. La posologie maximale est de 60 mg jour. En raison du retentissement staturo-pondéral, la prise peut-être arrêtée le week-end. La prescription d’adrafinil est possible par tout médecin. Par contre, pour le modafinil, l’initiation de la prescription est limitée aux psychiatres et neurologues hospitaliers. Il s’agit d’un médicament onéreux dont la dispensation est spécifique (ordonnance de médicament d’exception). Surveillance, effets indésirables et contre-indications La surveillance est centrée sur l’évaluation clinique, la recherche d’un surdosage et d’une mauvaise tolérance qui peut faire interrompre le traitement. Les effets indésirables sont nombreux notamment en ce qui concerne le méthylphénidate. Ils sont essentiellement neurologiques et psychiques. La surveillance tensionnelle est recommandée (risque d’hypertension artérielle). Les contraceptifs oraux sont déconseillés avec le modafinil (inactivation). Les IMAO, anesthésiques volatils et les agents vasopresseurs sont contreindiqués avec le méthylphénidate. 91 Tableau 1 Spécialités DCI Polarité Propriétés stimulante sédative noradrénergiques anticholi- Sérotoniadrénergiques nergiques nergiques Tricycliques Pertofran® Tofranil® Anafranil® Prothiaden® Ludiomil® Défanyl® Quitaxon® Elavil® Laroxyl® Surmontil® désipramine imipramine clomipramine dosulépine maprotiline amoxapine doxépine amitriptyline amitriptyline trimipramine +++ ++ ++ + +/+ + - +/+ + + ++ ++ +++ +++ +++ + ++ ++ + + +/+ ++ ++ + ++ ++ ++ + + + + ++ ++ + +/+ + + + - IMAO A ® Moclamine Humoryl® moclobémide toloxatone ++ + - +/- - + ++ + + - +/+/+/- - + + IRS Prozac® fluoxétine Zoloft® sertraline ® ® Séropram , Séroplex citalopram + Déroxat® Floxyfral® paroxétine fluvoxam i ne - +/+ +/+/- + - + + IRSNA Effexor® Ixel® venlafaxine milnacipran + + +/+/- + + +/+/- + + NaSSA Norset® mirtazapine - ++ + +/- + Atypiques Vivalan® Stablon® Athymil viloxazine tianeptine miansérine ++ +/- +/++ +/+/+ +/+/- +/- 92 Tableau 2. Principales indications des neuroleptiques chez l'adulte DCI Phénothiazines chlorpromazine cyamémazine* fluphénazine lévomépromazine* pipotiazine propériciazine thiopropérazine Butyrophénones dropéridol*** halopéridol pipampérone Etats d'agitation, Etats Etats d'excitation, psychotiques psychotiques Fourchette posologique per os d'agressivité chez l'adulte (mg/j) aigus voie injectable voie injectable chroniques voie injectable X X X X X X X X X X X X X X 25-300 (jusqu'à 600) 50-300 (jusqu'à 600) 25-300 (jusqu'à 800) 25-200 (jusqu'à 400) 5-20 (jusqu'à 30) 30-100 (jusqu'à 200) 5-40 voie injectable X X 15-120 0-20 20-120 X X X X X X 200-1000 400-800 200-300 X X X 150-450 (jusqu'à 600) 75-200 (jusqu'à 600) X 5-20 X X 20-200 (jusqu'à 400) 20-100 (jusqu'à 200) X 10 (jusqu'à 16) X 4-8 Benzamides amisulpride sulpiride sultopride*** tiapride voie injectable 50-800 (jusqu'à 1200) Diazépines et oxazépines clozapine** loxapine X olanzapine Thioxanthènes flupentixol zuclopenthixol X X X X Autres pimozide*** rispéridone X * Certains neuroleptiques sont employés dans le traitement symptomatique de l'anxiété, en cas d'inefficacité des thérapeutiques habituelles. ** La clozapine est réservée au traitement des schizophrénies chroniques sévère (évoluant depuis au moins deux ans) en cas de résistance ou d'intolérance aux neuroleptiques classiques. Sa posologie initiale est de 12,5 mg par jour. Une surveillance hématologique est indispensable. *** Précautions d'emploi a respecter (risque d'allongement espace QT) Tableau 3. Fréquence relative des principaux effets indésirables des neuroleptiques (Franck et Thibaut, 2005) Dyskinési Epileps Prise Dyslipidémie Hyperglycémie Syndrome Akathisie Dyskinésie e de ie tardive aiguë parkinsonien poids Amisulpride Aripiprazole Chlorpromazin e Clozapine Halopéridol Olanzapine Quétiapine Rispéridone Sertindole Ziprasidone 0 0 + 0 +++ 0 0 + 0 0 0 0 + 0 +++ 0 0 + 0 0 0 ++ + 0 ++ 0 0 ++ + + 0 0 + 0 +++ 0 0 0 0 0 + + + +++ + + 0 + + + ++ 0 + +++ + +++ ++ + + 0 0 0 ++ +++ 0 +++ + 0 0 0 0 0 + +++ 0 +++ ++ 0 0 0 Tableau 4. Formes "retard" (solutions injectables IM) DCI Phénothiazines fluphénazine décanoate SPECIALITES Modécate® perphénazine énanthate Trilifan® retard pipotiazine plamitate Piportil® L4 Dosages unitaires (mg/ampoule ou flacon) Posologie 25/125 25-150 mg/3-4 semaines 100 50-300 mg/2-4 semaines 25/100 25-200 mg/2-4 semaines Butyrophénones halopéridol décanoate Haldol® Decanoas 50 50-300 mg/4 semaines Thioxanthènes flupentixol décanoate Fluanxol® LP zuclopenthixol décanoate Clopixol® action prolongée 20/100 200 20-300 mg/2-3 semaines 200-400 mg/2-4 semaines 95 Tableau 5. Anxiolytiques SPECIALITES D.C.I. Benzodiazépines Anxyrex ® Gé bromazépam Bromazépam GNR ® bromazépam Equitam ® lorazépam Lexomil ® bromazépam Lysanxia ® prazépam Nordaz ® nordazépam Novazam ® Gé diazépam Séresta ® oxazépam Témesta ® lorazépam Tranxène ® clorazépate dipotassique Urbanyl ® clobazam Valium Roche ® diazépam Vératran ® clotiazépam Victan ® loflazépate d’éthyle Xanax ® alprazolam Posologie (mg/j) 3-12 3-12 2-5 3-12 20-40 7.5-15 5-20 30-60 2-5 5-100 10-60 5-20 10-30 1-3 0.5-4 Buspirone Buspar ® buspirone 15-60 Hydroxyzine Atarax ® hydroxyzine 50-100 Méprobamate Equanil ® méprobamate 600-1600 Autres Covatine ® captodiame Stresam ® étifoxine 150 150 96 97 Tableau 6. Hypnotiques SPECIALITES D.C.I. Benzodiazépines Halcion ® triazolam Havlane ® loprazolam Mogadon ® nitrazépam Noctamide ® lormétazépam Normison ® témazépam Nuctalon ® estazolam Rohypnol ® flunitrazépam Posologie (mg/j) 0.125 0.5-1 2.5-10 0.5-2 10-20 1-2 0.5-2 Zolpidem Ivadal ®, Stilnox ® zolpidem 10-20 Zopiclone Imovane ® zopiclone 7.5 Tableau 7. Score de Tyrer (1983) Facteurs Posologie moyenne élevée Traitement poursuivi plus de 3 mois Antécédents de dépendance Demi-vie de la molécule courte Augmentation des doses Scores 2 2 2 1 2 Score total : pas de risque (0), risque faible (1-3), risque fort (4-6), dépendance presque certaine (7-9). 98 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique - De la plainte du patient à la décision médicale - Urgences Question 183 –ACCUEIL D'UN SUJET VICTIME DE VIOLENCES SEXUELLES Rédaction : N. Giraudeau, M. Langlois et F. Thibaut Résumé : R. Gaillard et F. Baylé Objectif général : Décrire la prise en charge immédiate d'une personne victime de violences sexuelles Objectifs spécifiques : Savoir diagnostiquer un état de stress aigu, dans les suites d'une agression ou d'un accident grave Savoir en cas de stress aigu apporter une assistance psychologique immédiate en en connaissant les principes directeurs Savoir diagnostiquer un état de stress post-traumatique et orienter le patient dans les filières de soins adéquates Introduction Tout médecin doit savoir reconnaître ce type de violences et être capable d’accueillir et d'orienter les victimes. Il est essentiel de ne pas agir seul mais de travailler en partenariat avec les services sociaux, l’école, la justice, la police et également avec les associations. Les définitions En droit, les crimes et délits d’agression sexuelle correspondent au viol (tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, menace, contrainte ou surprise est un viol), à l’agression sexuelle (toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise), à l'exhibition sexuelle (s'imposer à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public) et au harcèlement sexuel (le fait de harceler autrui en usant d’ordres de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions). Les données épidémiologiques Dans l’Enquête sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF) de 2000, 11 % des femmes déclaraient avoir subi au moins une agression sexuelle dans leur vie. Les violences sexuelles sont la première cause de maltraitance chez l’enfant. 80 % des victimes entretiennent avec leurs agresseurs des relations familiales proches. Le cadre juridique 1. Signalement et secret professionnel Lorsque la victime est un mineur ou une personne vulnérable, le médecin est autorisé à signaler les faits au procureur de la république sans que puisse lui être reprochée une violation du secret professionnel : il en est délié. Le médecin n’est tenu de signaler que des faits constatés. Il rapportera aussi fidèlement que possible les paroles de la victime en les notant entre guillemets. Le médecin ne peut présenter des agressions comme fait avéré sur la seule foi des déclarations d’un parent ou d’un accompagnant. L’accord de la victime est nécessaire au signalement pour toute victime de plus de 18 ans. 2. L'examen peut se faire avec ou sans réquisition La réquisition est un acte par lequel une autorité judiciaire (procureur de la république ou juge d'instruction) fait procéder à un acte médico-légal qui ne peut être différé. Tout médecin, sauf s'il est le médecin traitant de la personne à examiner, peut être requis. L'examen peut aussi être réalisé sans réquisition. Il y a alors plusieurs cas : - Les faits sont récents (< 3 jours) et la victime ne veut ou n'ose pas porter plainte. Il faut réaliser l'examen et les prélèvements comme en cas de réquisition pour conserver les preuves qui sont "fugaces". Cette prise en charge encourage la victime à porter plainte. Le médecin, avec l'accord de la victime, peut lui-même procéder au signalement judiciaire. 99 - Les faits sont plus anciens et la demande est médicale (bilan de l'état de santé sur le plan somatique) ou d’ordre psychologique. - La demande est parfois plus confuse (demande de certificat ou de prélèvement vaginal pour porter plainte ultérieurement). L'accueil en urgence de victimes d'agression et l’examen médico-légal initial L'accueil doit avoir lieu dans un endroit calme avec une relative intimité, sans attente. Le premier examen médical a des conséquences judiciaires, médicales et psychologiques. 1. L'évaluation globale de la situation L'anamnèse des faits comporte les conditions et le lieu de l’agression, l’identification du ou des agresseurs, leur nombre, les modalités précises de l’agression. Il faut rechercher les antécédents médicaux, psychiatriques et gynécologiques de la victime ainsi que la notion de virginité et la date des dernières règles. Une première évaluation psychologique est réalisée et les plaintes de la victime sont prises en compte et écoutées avec empathie. 2. L'examen clinique Les prélèvements sont effectués avec des gants. Un examen normal ne permet pas d'éliminer une agression. - Les examens communs à la femme, l'homme et l'enfant Noter la date et l’heure de l'examen ainsi que le délai écoulé depuis l'agression. L’examen général comprend la taille et le poids de la victime, l’examen de la cavité buccale et l'examen cutanéo-muqueux avec la recherche de traces de violence. L’examen de l'anus est indispensable. - L'examen de la femme L'examen gynécologique se fait après l'examen général. Il doit être expliqué et réalisé par une personne compétente. Les prélèvements sont effectués dans le même temps. - L'examen de l'homme et du garçon comporte l'examen des organes génitaux externes. - L'examen de la petite fille Si l'intérêt de l'enfant exige un examen clinique et le recueil de sperme pour soustraire l'enfant à un environnement dangereux, la question de l'anesthésie se pose; si l'intérêt de l'enfant n'exige pas un examen approfondi, celui-ci ne doit pas être fait, car il serait une agression supplémentaire. 3. Les prélèvements à réaliser et la prévention en cas d'agression récente - La recherche de spermatozoïdes et les prélèvements en vue d'analyses génétiques - La recherche et la prévention d'une éventuelle grossesse - la recherche et la prévention des Maladies Sexuellement Transmissible (MST) bactériennes (Chlamydia Trachomatis, gonocoque et syphilis) et virales. Pour le VIH, il faut adresser le patient en urgence au médecin référent des accidents d'exposition. Lorsque l'agression date de moins de 8 jours, une injection de vaccin contre l'hépatite B est systématique. Pour l'hépatite C, il n'y a pas de traitement préventif. - Prévention du tétanos - Recherche de toxiques L'aide psychologique immédiate aux victimes de violences sexuelles 1. Le vécu de l'agression A court terme, un état de stress intense va durer quelques heures (parfois quelques jours) et va se manifester par un état de sidération anxieuse (mécanisme de défense archaïque de camouflage dans le milieu naturel) ou, au contraire, d’agitation inadaptée (équivalent d’un réflexe de fuite avorté). La culpabilité est omniprésente. L'impression de souillure n'est pas toujours évoquée spontanément mais parfois dans un second temps. Le sentiment de honte est également parfois retrouvé. 2. La prise en charge immédiate Elle vise principalement à rassurer la personne sur la normalité de ce qu'elle ressent. Il est important d’évaluer la qualité de l’entourage et le risque de passage à l’acte suicidaire. 3. Ce qu'il ne faut pas dire aux victimes Tout ce qui peut induire un sentiment de culpabilité est à éviter. Un oubli total ou partiel des faits étant très fréquent, iI ne faut pas trop souligner les incohérences. C'est le rôle de l'enquête judiciaire de reconstituer les faits. 4. Quand faut il faire appel à un psychiatre ? D’emblée : 100 - Lorsque existent des antécédents psychiatrique ou une fragilité sur le plan psychologique. - Lors d’un état de détresse manifeste avec prostration intense, agitation, agressivité anormale. - Lors de symptômes de déréalisation ou de dépersonnalisation (sentiment d’avoir été spectateur de sa propre agression). - Lors d’un risque de passage à l’acte suicidaire. Dans un second temps : - Lorsque les symptômes présentés par la victime ont des répercussions sur sa vie quotidienne - Lorsqu'il existe des symptômes de dépression (avec ou sans idées suicidaires) ou d’état de stress post-traumatique (voir chapitre e). 5. Risques évolutifs des agressions sexuelles insuffisamment prises en charge - L’état de stress aigu Dans les heures, les jours ou les semaines (2 jours à 4 semaines) suivant l’agression on peut observer un état de sidération avec impression de détachement jusqu'à un tableau de dépersonnalisation. L’événement traumatique est alors totalement envahissant et peut désorganiser la pensée. L’anxiété est majeure et peut se manifester sous diverses formes. - L’état de stress post-traumatique (PTSD pour les anglo-saxons) Il s’agit d’un trouble anxieux spécifique qui survient après “ un événement stressant patent qui entraînerait des signes évidents de détresse chez la plupart des individus ”. Cet état apparaît chez la victime après une phase de latence (quelques semaines à quelques mois). cf chapitre « Troubles Anxieux ». - Le cas particulier des abus sexuels qui se déroulent sur une longue période Ils sont majoritairement le fait de violences sexuelles intra-familiales, soit dans le cas de violences conjugales ou lors d'abus sexuels sur les enfants. Le facteur familial est à prendre en considération avec toute l'ambivalence des sentiments que cette situation peut générer. La victime se trouve alors, de fait, coupée de tout étayage familial. Dans ces situations, la question de la réparation, est beaucoup plus compliquée du fait de l’implication affective des victimes vis-à-vis de leur agresseur. 6. La prise en charge psychothérapeutique des victimes Une prise en charge globale est impérative pour permettre un travail de réparation du traumatisme subi. Le thérapeute ne peut pas faire l'impasse de l'importance symbolique et réelle de la réparation judiciaire. Les associations d'aide aux victimes peuvent faire le lien avec l'institution judiciaire. Les thérapies recommandées sont cognitivo-comportementales (TCC) et psychodynamiques. Elles vont permettre au sujet une ré appropriation progressive de son corps et de sa vie psychique sans chercher à modifier en profondeur le fonctionnement psychique. 7. La place des traitements psychotropes et de l'hospitalisation A court terme on peut proposer un anxiolytique type benzodiazépine sur une courte période du fait de leur incidence sur la mémoire et du risque important d’accoutumance. Pour les troubles du sommeil, on privilégiera l’utilisation de la zopiclone et du zolpidem. Les IRS peuvent être prescrits pour un PTSD. Les indications d’hospitalisation dans les jours qui suivent un viol sont les suivantes : risque de passage à l’acte suicidaire, état de détresse psychologique majeur, contexte d’isolement familial ou relationnel suite à la découverte des faits (hospitalisation ou hébergement social d’urgence) ou blessures physiques. Elle est quasi systématique lorsque la victime est un enfant. Conclusion La grande majorité des victimes de violences sexuelles sont de sexe féminin. La moitié des crimes et des délits sexuels concerne des mineurs. Les victimes ont, le plus souvent, un lien familial avec leur agresseur. En cas d'agression récente les victimes seront accueillies sans délai. La prise en charge doit se faire avec empathie à la fois sur le plan médical (examen clinique, prélèvements) et psychologique. Un état de stress aigu peut être observé et à plus long terme la victime peut présenter un état de stress post-traumatique. Pour permettre une véritable réparation du traumatisme subi, la victime doit être abordée de façon globale et la question de la réparation judiciaire est essentielle. 101 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique - De la plainte du patient à la décision médicale - Urgences Question 184 - AGITATION ET DELIRES AIGUS AGITATION Rédaction : P. Lebain et S. Dollfus Résumé : E. Tran et F. Limosin BOUFFEE DELIRANTE AIGUE Rédaction : F. Thibaut et S. Dollfus Résumé : E. Tran et F. Limosin Objectifs généraux : Diagnostiquer une agitation et un délire aigus Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge Objectifs spécifiques : Agitation Savoir mener un entretien et un examen avec un sujet agité Connaître les étiologies toxiques et organiques des états d’agitation et savoir les hiérarchiser selon leur prévalence et importance Connaître les mesures thérapeutiques symptomatiques à mettre en oeuvre (orientation, médicaments, mesures administratives) Délires aigus Savoir porter le diagnostic de bouffée délirante aiguë et d’état délirant aigu secondaire (psychogène, toxique) Savoir rechercher une cause organique ou toxique avant d’affirmer qu’il s’agit d’une origine psychiatrique Connaître les modalités évolutives de la bouffée délirante Connaître, pour les mettre en oeuvre, les mesures thérapeutiques adéquates, à court terme concernant la bouffée délirante aiguë CONDUITE A TENIR DEVANT UN ETAT D'AGITATION L’agitation est un état non spécifique susceptible de ponctuer le cours de tout trouble psychiatrique ou de survenir lors d’un certain nombre d’affections organiques. L’agitation se définit par un excès d'activité ou de mouvements qui peuvent se traduire par des manifestations agressives plus ou moins importantes et constitue une urgence. La prise en charge d’une agitation dépend essentiellement de son étiologie. C.Les grands types cliniques d'agitation en psychiatrie Etats maniaques : Un tableau typique est réalisé par la manie franche aiguë, avec apparition brutale d’une agitation associée à un état d’excitation psychique et d’exaltation thymique. Mélancolies : La mélancolie délirante ou anxieuse peut s’accompagner d’agitation anxieuse avec un risque de passage à l’acte suicidaire majeur. Bouffées délirantes aiguës ou psychoses chroniques (schizophrénies et autres délires chroniques) : Les troubles du comportement sont en général liés aux idées délirantes. Dans le cadre de la schizophrénie, l’agitation présente un caractère discordant et imprévisible. Troubles du caractère ou de la personnalité : Chez le sujet hystérique, l’agitation a un caractère théâtral et est sensible à la suggestion. Chez le sujet psychopathe, l’agitation est souvent secondaire aux frustrations imposées par le milieu, sans possibilité d’élaboration, avec une difficulté à contrôler son impulsivité. Accès aigus d’angoisse : L’agitation, si elle existe, est au second plan par rapport à l’angoisse. Etat confusionnel : 102 L’épisode confuso-onirique alcoolique aigu ou subaigu en constitue l’étiologie majeure. Chez le sujet âgé, il s’agit le plus souvent d’une confusion d’origine médicamenteuse (surdosage ou sevrage brutal). Origines toxiques autres que l’alcoolisme : Il peut s’agir d’agitations liées aux confusions toxiques induites par de fortes doses de cocaïne, éther, solvants organiques, hallucinogènes, amphétamines ou barbituriques. Dans le cadre du syndrome de sevrage aux morphiniques, l’agitation commence 36 à 48h après l’arrêt et s’accompagne de nausées, vomissements, diarrhée, polypnée et parfois fièvre. Etats démentiels : Dans la démence sénile banale, on rencontre surtout des états de turbulence et de sub-agitation, en partie liés à la difficulté à se repérer et au sentiment anxiogène d’insécurité. D.Etiologies médico-chirurgicales L’origine psychiatrique de l’agitation ne doit être envisagée qu’après élimination d’une cause organique. Effets secondaires de certains médicaments : Isoniazide, corticoïdes, psychotropes (antidépresseurs, benzodiazépines, lithium, antiparkinsoniens, LDopa). Intoxications : CO, plomb, atropiniques, amphétamines. Causes métaboliques et endocriniennes : •Hypoglycémie, acidocétose diabétique ; •Insuffisance rénale ; •Grandes déshydratations (coma hyperosmolaire) ; •Perturbation de la natrémie, de la calcémie ; •Hypocapnie, hypercapnie (insuffisance respiratoire) ; •Hyperthyroïdie ; •Syndrome de Cushing ; •Hyperparathyroïdie. Causes neuroméningées : •Hémorragies méningées, hématome sous-dural (aigu ou chronique) ; •Méningites, encéphalites ; •Epilepsie : crises épileptiques temporales, fureur épileptique ; •Tumeurs cérébrales, principalement frontales ; •Hypertension intracrânienne. Alcoolisme : •Ivresse aiguë ; •Ivresses pathologiques : excito-motrices, confuso-délirantes et confuso-oniriques ; •Delirium tremens ou accès confuso-onirique aigu alcoolique. E.Prise en charge et traitement Les principes du traitement visent en urgence à assurer une sédation immédiate. Le traitement sera ensuite adapté à l'étiologie qui sera recherchée par l’observation attentive du patient, l’interrogatoire de l’entourage, et, dès que possible, un examen somatique et des examens complémentaires. Attitude générale face à une agitation : Dans tous les cas, on cherchera à établir un dialogue avec le patient, en tentant d’évaluer l’état de vigilance et de l’humeur, l’existence éventuelle d’un syndrome confuso-onirique ou délirant. Il peut être nécessaire d’exclure les personnes susceptibles d’amplifier l’agitation du patient (famille). La contention physique s’impose parfois ; un traitement médicamenteux est alors prescrit d’emblée (voie IM), afin de calmer l’agitation et de poursuivre l’examen somatique. Il convient également de s’assurer de la présence d’un nombre suffisant d’aides afin d’éviter une agression supplémentaire et/ou dangereuse. Traitements médicamenteux : Neuroleptiques sédatifs : On peut utiliser (par voie orale de préférence ou en injection si le patient refuse le traitement) des produits tels que la loxapine (Loxapac® : 50 à 300 mg/IM en 2 à 3 prises), la cyamémazine (Tercian® : 100 à 300 mg/j), sous surveillance de la tolérance neurologique et tensionnelle. Tranquillisants : Les benzodiazépines sont indiquées essentiellement dans les agitations liées à une crise d’angoisse aiguë, ou au sevrage alcoolique et/ou aux benzodiazépines. Attention à la potentialisation éventuelle de l’effet du toxique, en particulier de l’alcool. Les composés de délai d’action courte seront préférés. Pour la plupart des benzodiazépines, la résorption par voie intramusculaire est plus lente que per os. 103 La décision d’hospitalisation : Justifiée en cas d’agitation sévère non réductible par le traitement immédiat et/ou de coexistence d'un trouble susceptible de justifier l’hospitalisation (trouble psychotique, agitation d’origine toxique, agitation symptomatique d’une pathologie organique). Une hospitalisation sous contrainte peut être envisagée. Une hospitalisation brève peut être nécessaire dans les services d’urgence (agitation isolée résolutive, agitation situationnelle ou névrotique). Mesures spécifiques : •Agitations d’origine toxique ou organique : oIvresse agitée : Benzodiazépines, hydratation, isolement et surveillance du patient. oIvresse pathologique de type confuso-onirique : Dans ce cas, compte tenu du risque de dangerosité, les neuroleptiques seront préférés (Ex. : tiapride, Tiapridal®) avec bilan hospitalier de 2 à 3 jours. oDelirium tremens : L’hospitalisation s’impose, avec hydratation (si besoin parentérale), vitaminothérapie (B1, B6, PP par voie parentérale), benzodiazépines (Tranxène si parentéral ou Séresta). Dans le traitement de l’onirisme, l’halopéridol (Haldol®) sera préféré aux phénothiazines, trop sédatives. oAutres agitations d’origine toxique : Dans les expériences psychodysleptiques, l’hospitalisation s’impose et le traitement repose sur les neuroleptiques. •Agitation d’origine névrotique ou réactionnelle : L’angoisse est souvent au premier plan et la prise en charge fait appel aux benzodiazépines. •Agitation dans le cadre de troubles psychotiques ou thymiques : Hospitalisation sous contrainte souvent nécessaire. Le traitement d’urgence repose sur un neuroleptique sédatif (Tercian®). •Agitation d’origine épileptique : Diazépam IM, si traitement sédatif nécessaire. •Agitation chez le sujet âgé : On préférera des tranquillisants ou des neuroleptiques sédatifs (Clopixol®, Tiapridal®). •Agitation chez la femme enceinte : Equanil® IM ou Largactil®. •Agitation chez un sujet impulsif : On utilisera un neuroleptique sédatif. L’utilisation des benzodiazépines (par leur effet désinhibiteur) peut en effet dans certains cas aggraver l’agitation (effet paradoxal). BOUFFEE DELIRANTE Il s'agit d'une psychose délirante aiguë caractérisée par l'apparition brutale d'un délire non systématisé dont les thèmes et les mécanismes sont riches et polymorphes. Ce délire est vécu de façon intense, avec parfois des incidences médico-légales ou des troubles du comportement majeurs. Les bouffées délirantes aiguës peuvent marquer l’entrée dans une schizophrénie ou un trouble bipolaire. F.Diagnostic La bouffée délirante survient surtout chez l'adolescent ou l'adulte jeune et peut être favorisée par la prise de toxique ou par un stress. Le diagnostic peut être évoqué devant l'association d'une agitation psychomotrice ou plus rarement d'une sidération, d'une anxiété importante et d'un état délirant. Le début, en général brutal (‘coup de tonnerre dans un ciel serein’), a pu être précédé de prodromes non spécifiques (troubles du sommeil, anxiété, bizarreries du comportement). Les idées délirantes sont polymorphes, tant en ce qui concerne les thèmes, qui sont multiples et variables (les plus fréquents sont d'ordre mystique, sexuel, messianique, mégalomaniaque ou persécutif), qu'en ce qui concerne les mécanismes : les hallucinations psychosensorielles sont riches et multiples, les hallucinations psychiques sont très fréquentes, les intuitions et les interprétations sont présentes. L'automatisme mental est toujours présent, il s'agit d'une mécanisation et d'une perte d'intimité de la pensée : les idées, les intentions, les actes sont devinés, répétés, commentés ou imposés. Le délire est non systématisé, il se distingue en général du délire paranoïde de la 104 schizophrénie par la richesse et le polymorphisme des thèmes et des mécanismes et par l'absence de dissociation. La participation thymique est fréquente. L'angoisse et le sentiment de dépersonnalisation sont également fréquemment retrouvés. C'est dans ce contexte que des actes médico-légaux peuvent survenir. La conscience n'est pas réellement altérée, à la différence des confusions, mais l'attention est dispersée. Les troubles du sommeil sont fréquents. L'examen somatique, indispensable, sera pratiqué dès que possible ainsi que le bilan paraclinique (scanner cérébral, EEG au moindre doute, ionogramme sanguin, recherche de toxiques dans les urines, éventuellement d'autres examens en fonction des éléments d'orientation clinique) afin d'éliminer une étiologie organique éventuelle. Dans la plupart des cas on ne retrouve pas d'étiologie. Toutefois, l'interrogatoire doit rechercher les antécédents personnels et familiaux, psychiatriques et somatiques du sujet, ainsi que la prise de toxiques (amphétamines, cocaïne, cannabis, LSD ou autres psychodysleptiques) ou encore la consommation de médicaments (en particulier antidépresseurs, corticoïdes, antituberculeux tel que Rimifon®, antipaludéens tels que Lariam®, et antiparkinsoniens tel que Artane®). Les bouffées délirantes aiguës peuvent être engendrées par une consommation de toxiques, on parle alors de pharmacopsychoses, qui peuvent évoluer pour leur propre compte pendant quelques semaines après l'arrêt de l'intoxication. Certaines pathologies organiques (encéphalite aiguë, thyroidite de Hashimoto, tumeur cérébrale) ou exceptionnellement un traumatisme crânien ou une carence en vitamine B12 peuvent occasionner des épisodes délirants aigus. G.Evolution L'évolution est favorable dans la majorité des cas et ce d'autant plus que le traitement neuroleptique est instauré rapidement. La guérison peut être brusque, ou le plus souvent progressive, en quelques semaines. Dans un tiers des cas environ, la bouffée délirante reste un accident unique. Dans un autre tiers des cas, une évolution intermittente peut être observée, soit sous la forme de récidives d'accès délirants de même type, soit de la survenue secondaire d'épisodes maniaques. La bouffée délirante a alors représenté l'épisode inaugural d'un trouble bipolaire. Le risque essentiel, sur le plan du pronostic, est celui de l'évolution vers une schizophrénie, dans le dernier tiers des cas. Celle-ci peut s'installer au décours d'un premier épisode ou après plusieurs récidives. Sont considérés comme étant de pronostic défavorable dans l'évolution d'une bouffée délirante : la notion de personnalité prémorbide (schizotypique ou schizoïde), un délire peu riche sans polymorphisme des thèmes et des mécanismes, une évolution subaiguë, une mauvaise réponse ou une réponse incomplète au traitement antipsychotique, une critique incomplète de l'épisode délirant, l'existence d'un syndrome dissociatif, des antécédents familiaux de schizophrénie. H.Diagnostics différentiels L'accès maniaque, surtout lorsque l’euphorie est peu marquée et que les éléments délirants sont intenses, notamment chez l'adolescent. Les formes délirantes de mélancolie. La confusion mentale est éliminée devant l’absence de désorientation temporo-spatiale. Traitement Il s'agit d'une urgence psychiatrique qui nécessite une hospitalisation. Le recours à une hospitalisation à la demande d'un tiers est souvent nécessaire. Le traitement neuroleptique s'impose. Les neuroleptiques dits atypiques seront préférés en première intention compte tenu de leur meilleure tolérance neurologique (risque moindre de dyskinésies aiguës et de symptomatologie extrapyramidale) (par exemple : amisulpride ou Solian® 400 à 800 mg/j, rispéridone ou Risperdal® 4 à 8 mg/j, olanzapine ou Zyprexa® 5 à 20 mg/j, ce dernier pouvant être prescrit par voie IM). La posologie sera rapidement progressive. L'association d'une benzodiazépine peut permettre de potentialiser la sédation. L'association d'une phénothiazine sédative (cyamémazine ou Tercian® 50 à 200 mg/j par exemple) pourra être utilisée pour l’agitation et/ou les troubles du sommeil. Une surveillance et une adaptation quotidienne du traitement doivent être réalisées. Le traitement sera poursuivi au moins 1 an après l'amélioration des troubles, afin de limiter le risque de récidive. Les doses pourront être réduites de moitié environ, dès le troisième mois et la monothérapie antipsychotique sera préférée. 105 En cas de mauvaise observance du traitement, recours éventuel à un traitement neuroleptique retard (Ex. : Haldol decanoas® ou Risperdal Consta®). 106 Première partie : Modules transdisciplinaires Module 11 : Synthèse clinique et thérapeutique - De la plainte du patient à la décision médicale - Urgences Question 191 - CRISE D’ANGOISSE AIGUË ET ATTAQUE DE PANIQUE Rédaction : A Pelissolo et G Loas. Résumé : P. Delamillieure Objectifs généraux : Diagnostiquer une crise d’angoisse aiguë et une attaque de panique. Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge Introduction La crise d’angoisse aiguë, dénommée attaque de panique dans les classifications actuelles est une pathologie fréquente. Elle peut survenir dans de nombreuses pathologies (dépressions, psychoses, troubles anxieux et phobiques). Elle peut également survenir de manière isolée et ponctuelle, sans conséquence ni répétition. Mais les attaques de panique peuvent également constituer le signe central d’une pathologie sévère et chronique, dénommé trouble panique (Cf. module 3, question 41). Sémiologie Les attaques de panique correspondent à la survenue brutale d’une sensation de peur intense qui s’accompagne de symptômes psychiques, physiques et comportementaux (tableau 1 dans version longue). Le diagnostic repose avant tout sur le caractère paroxystique de ces manifestations, avec une intensité maximale atteinte en quelques secondes ou quelques minutes, et surtout sur l’impression de perte de contrôle totale que ressentent les patients qui y sont confrontés. La durée totale des crises peut varier de quelques minutes à une heure, voire un peu plus, avec une moyenne autour de 20 à 30 minutes. Symptômes psychiques Les principaux symptômes psychiques sont la peur, l’angoisse, voire une réelle terreur ou panique. Ils peuvent s’accompagner, dans les formes sévères, d’une impression violente de dépersonnalisation (« je ne sais plus qui je suis, mon corps se transforme ») ou de déréalisation (l’environnement se modifie, dans ses formes ou ses couleurs par exemple). L’esprit est assiégé par des pensées catastrophiques : peur de s’évanouir, d’étouffer, d’avoir un accident cardiaque, et surtout de perdre le contrôle de soi (« devenir fou ») ou de mourir. Symptômes physiques et comportementaux Les signes physiques sont très polymorphes, les plus fréquents concernant la respiration (polypnée, dyspnée, sensation d’étouffement ou de blocage respiratoire) et le rythme cardiaque (palpitations, tachycardie), à côté de symptômes généraux : étourdissement, vertiges, sensation de dérobement des jambes, sueurs, bouffées de chaleur ou frissons, tremblements, secousses musculaires, douleurs ou gênes thoraciques ou abdominales, nausées, vomissements, diarrhée, impériosité mictionnelle, paresthésies. Certains signes peuvent être objectivés par l’examen clinique, comme une élévation de la tension artérielle, ainsi qu’une discrète augmentation de la température corporelle. Les signes physiques augmentent l’angoisse du patient qui craint une maladie organique. Le comportement du patient peut être aussi très variable : agitation désordonnée, fuite immédiate d’un lieu considéré comme dangereux, ou au contraire inhibition plus ou moins marquée, jusqu’à la sidération totale. Formes particulières Il existe des formes paucisymptomatiques ne comportant qu’un ou que quelques signes physiques isolés. Le diagnostic est alors difficile. Les crises dites de « spasmophilie » (ou de « tétanie »), terme utilisé uniquement en France, correspondent le plus souvent à des attaques de panique marquées par des manifestations respiratoires (hyperventilation), neuromusculaires (paresthésies, hypertonie) et comportementales. Elles ne correspondent en rien à un syndrome biologique spécifique, et ne doivent pas être traitées par magnésium, calcium ou vitamine D puisqu’il ne s’agit pas de réelles crises de tétanie, comme celles qui peuvent survenir chez des patients dénutris ou carencés. 107 Diagnostic étiologique Les attaques de panique peuvent être de quatre types : 1) complètement spontanées (sans facteur déclenchant et donc imprévisible), 2) secondaires à des peurs préalables ou à un état psychologique particulier (anxiété phobique ou humeur dépressive par exemple), 3) déclenchées par des événements traumatisants intenses, 4) favorisées par une prise de toxiques ou par une maladie organique. Les crises spontanées, quand elles se répètent, peuvent correspondre au trouble panique et se compliquer d’agoraphobie. La plupart des crises secondaires surviennent chez des patients phobiques lors de la confrontation avec l’objet ou la situation redoutée. De nombreuses substances sont susceptibles d’induire des attaques de panique, et leur recherche doit être systématique en cas de contexte évocateur : alcool, cannabis, cocaïne, hallucinogènes (LSD), amphétamines (ecstasy), solvants volatils, théophylline, phencyclidine, produits anticholinergiques, dérivés nitrés, préparations thyroïdiennes, corticostéroïdes, oxyde et dioxyde de carbone. Des crises peuvent être également induites par le sevrage de certaines substances : alcool, opiacés, caféine, benzodiazépines, certains anti-hypertenseurs. Certaines pathologies somatiques aiguës peuvent comporter des symptômes anxieux, parfois au premier plan, ou mimer les symptômes habituels de l’anxiété : •cardio-vasculaires : angor, infarctus, poussée d’insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, troubles du rythme ; •pulmonaires : asthme, embolie pulmonaire ; •neurologiques : épilepsie, notamment les crises temporales, crises migraineuses, maladie de Menière, accidents ischémiques transitoires, etc. •endocriniennes : hypoglycémie, phéochromocytome, hyperthyroïdie, syndrome de Cushing, hypoparathyroïdie, etc. •autres : hémorragies internes, pancréatite, porphyrie, vertiges labyrinthiques, réactions anaphylactiques, etc Physiopathologie La physiopathologie des attaques de panique n’est pas univoque, et différents facteurs biologiques et psychologiques peuvent se combiner. Au plan psychologique, des réactions liées à des interprétations « catastrophistes » de sensations internes (palpitations évoquant une crise cardiaque, vertiges évoquant une attaque cérébrale, etc.) ou de conditions extérieures (lieu clos, impossibilité de sortir, stress intense, etc.) contribuent à une perte de contrôle des émotions et à un véritable état de panique. Il se met en place un véritable cercle vicieux s’auto-renforçant car la peur aggrave les signes physiques qui euxmêmes amplifient l’angoisse. On sait par ailleurs qu’il existe des agents inducteurs biologiques permettant de déclencher des attaques de panique : le lactate de sodium, le dioxyde de carbone (CO2), la cholécystokinine agent stimulant les systèmes noradrénergiques et sérotoninergiques. Un dysfonctionnement dans la régulation de neurotransmetteurs tels que la noradrénaline, la sérotonine, le GABA et la cholécystokinine a été évoqué. Traitement Conduite à tenir à court terme Un examen somatique complet s’impose ainsi que la réalisation d'examens complémentaires en urgence : électrocardiogramme, examens sanguins, et recherche de toxiques au moindre doute. Au plan psychopathologique, il est surtout important de recueillir le plus de facteurs anxiogènes extérieurs, de réassurer le patient, présence rassurante d 'un professionnel. Techniques de relaxation : respiration abdominale. Eviter les perfusions, injections. Traitement aigu de l'anxiété : benzodiazépines per os : Per 0s : - diazépam (Valium®), un comprimé à 5 ou 10 mg; - alprazolam (Xanax®), un comprimé à 0,25 ou 0,50 mg; - lorazépam (Témesta®), un ou deux comprimés à 1 mg. Surveillance : vigilance, fonction respiratoire, surtout en cas de prise récente d'alcool ou d'autres toxiques. IM : - réserver aux cas exceptionnels où la voie orale n'est pas accessible (agitation majeure, contracture de la mâchoire, troubles de la déglutition), avec par exemple : - diazépam (Valium®), une ampoule à 10 mg; - clorazépate dipotassique (Tranxène®), une ampoule à 20 mg. La voie intra-veineuse ne doit pas être utilisée dans les crises d'angoisse aiguë. Signes de gravité Co-existence d’une pathologie organique : •risque de raptus suicidaire 108 •risque d’hétéro-agréssivité •sidération anxieuse •répétition des crises •pathologie associée : abus d’alcool ou de toxiques, troubles graves de la personnalité, épisode dépressif majeur, épisode délirant aigu, schizophrénie et autres psychoses chroniques. Dans ce contexte une hospitalisation en milieu psychiatrique doit être envisagée, soit en hospitalisation libre, soit en hospitalisation à la demande d'un tiers en cas de refus et consentement aux soins impossible. A moyen et long terme En cas de diagnostic avéré de trouble psychiatrique, et notamment de trouble anxieux chronique (trouble phobique, trouble panique, etc.) : •psychothérapie de soutien •Thérapie cognitivo-comportementale •Traitement médicamenteux préventif :antidépresseurs sérotoninergiques. 109 Deuxième partie : Maladies et grands syndromes Question 266 – NÉVROSE (a été conservée pour la compréhension du concept actuel de troubles anxieux même si elle ne figure plus au programme officiel de l'ENC) Rédaction : J. Adès, JP Boulenger, E. Corruble, P. Hardy, M. Patris, C Piquet Résumé : R. Gaillard et F. Baylé Objectifs généraux : Connaître le sens et la signification du concept de névrose Connaître l’approche contemporaine de la névrose au regard de la notion de troubles anxieux Connaître la notion de mécanisme de défense Connaître les conséquences médico-économiques des névroses et des troubles anxieux Connaître les différentes entités nosographiques regroupées sous le terme de névrose et leurs principales caractéristiques cliniques Connaître les risques évolutifs des états névrotiques Objectifs spécifiques : Psychopathologie oConnaître les modèles théoriques des névroses et des troubles anxieux Prise en charge oConnaître les diverses stratégies thérapeutiques qui peuvent être proposées et leurs indications oSavoir prescrire les médications tranquillisantes en tenant compte à la fois des références médicales érigées par la communauté médicale et des modalités singulières relationnelles de la consultation médicale avec un sujet névrotique oConnaître la place des thérapies cognitivo-comportementales dans les différents troubles anxieux oSavoir pratiquer la psychothérapie de soutien et d’accompagnement auprès des sujets névrotiques Névroses oNévrose obsessionnelle, névrose d’angoisse, névrose phobique et post-traumatique : voir module angoisse oNévrose hystérique : connaître les principaux accidents de conversion hystérique, connaître les principaux traits de personnalité associés à la névrose hystérique, connaître les principes du traitement de la névrose hystérique I. Introduction à la notion de névrose (voir également module 3 question 41) L'emploi du terme "névrose", dont la signification précise n'a cessé de varier au cours du temps, fait actuellement l'objet de controverses. Les névroses furent la pierre angulaire de l'édifice théorique de la psychanalyse freudienne. FREUD opposa les névroses actuelles (névrose d'angoisse et neurasthénie), dont la cause devait être recherchée dans des "désordres de la vie sexuelle actuelle" aux psychonévroses de défense dont le conflit sous-jacent dépend de l'histoire infantile du sujet. Toute définition du terme névrose, jusqu'aux années récentes, et à quelque obédience qu'appartienne l'auteur, se reférait à cette approche, dont LAPLANCHE et PONTALIS proposaient la plus concise des formulations : "Affection psychogène où les symptômes sont l'expérience symbolique d'un conflit psychique trouvant ses racines dans l'histoire infantile du sujet et constituant des compromis entre le désir et la défense" (1967). L'influence de la psychiatrie anglo-saxonne, et surtout Nord-Américaine, va être déterminante dans un cheminement qui aboutira, avec le D.S.M. III en 1980, à l'éclatement nosographique des névroses et à une critique radicale du concept. L'usage, renforcé par la multiplication de travaux épidémiologiques, cliniques, génétiques, pharmacologiques, thérapeutiques, consacre l'effacement du concept global de "névrose". Il entérine la distinction opérée entre des regroupements syndromiques - (Troubles anxieux et phobiques - Troubles obsessionnels-compulsifs – Troubles somatoformes - Etats de stress posttraumatique) et les Troubles de la personnalité. Il confirme et renforce l'individualisation d'ensembles syndromiques tels le Trouble Panique, le Trouble anxieux généralisé, les phobies sociales, le Trouble obsessionnel compulsif et leur appartenance à une vaste catégorie, celle des Troubles anxieux. Il entérine également, malgré les critiques, le démembrement de la névrose hystérique, dont les aspects 110 somatiques (conversion – troubles somatoformes), les expressions psychiques ("Troubles Dissociatifs"), les expressions caractérielles (la personnalité histrionique) sont désormais indépendants. Le terme de "névrose" dans l'I.C.D.10, est ainsi abandonné, comme il l'était dans les versions successives récentes du D.S.M. II. Névrose obsessionnelle II.1. Le caractère obsessionnel – La personnalité obsessionnelle Le caractère obsessionnel est davantage le propre de l'homme que celui de la femme. Les traits obsessionnels contribuent à leur efficacité professionnelle et au maintien d'un ordre social stable. Sens de la mesure, de la prudence, du raisonnable, du consensuel, respect de la hiérarchie, de la loi, de la morale, souci de l'autre, du bien général sont pour beaucoup des qualités reconnues. Ce qu'il gagne du côté de l'ordre et de la stabilité, l'homme de caractère obsessionnel le perd cependant en imagination, en créativité et en audace. Il laisse à l'hystérique le chapitre de la mode, de l'innovation et du scandale. A la loi du coeur il préfère la loi tout court quitte à céder sur son désir. Son altruisme se nourrit plus de bonne conscience que d'amour. La personnalité obsessionnelle : à un degré de plus, elle se dégage de la banalité par des traits plus exigeants pour soi mais aussi pour les autres. - Souci de l'anticipation et de l'organisation : rien n'est laissé au hasard, tout est prévu, planifié, calculé (exemple : choix de la pierre tombale, budgétisation de ses propres obsèques) ; - Amour de la précision, de l'exactitude, de la méticulosité (passion des mécanismes d'horloge) ; - Préoccupations anxieuses d'erreurs possibles, de faute, de préjudice commis par distraction. - Evitement de l'imprévu, du hasard, de l'aventure, autant de failles dans un système basé sur la maîtrise du temps et des choses. - Souci de la propreté et l'hygiène, de l'asepsie, de la diététique. - Le sens de l'économie, de l'épargne, mais aussi de la parcimonie ; hantise du gâchis, de la perte, du superflu. II.2 Le Trouble Obsessionnel-Compulsif (TOC) Chez l’adulte, la prévalence du TOC est de 1 à 2 % avec une moyenne d’âge d’apparition à 10 ans et une évolution le plus souvent chronique et progressive. Il associe de façon variable deux types de symptômes spécifiques : les obsessions et les compulsions. Les obsessions sont des idées, des pensées, des impulsions ou des représentations persistantes qui sont vécues comme intrusives et inappropriées et qui entraînent une anxiété ou une souffrance importante. Les obsessions les plus communes sont des pensées répétées de contamination, des doutes répétés, un besoin de placer les objets dans un ordre particulier, des impulsions agressives ou inadaptées, des images sexuelles ou horribles... Les compulsions sont des comportements répétitifs ou des actes mentaux qui s'imposent au sujet et que l’individu se sent obligé d’exécuter pour conjurer les obsessions, diminuer le niveau d’anxiété ou dans l’espoir qu’elles puissent entraîner ou prévenir une situation ou un événement redouté (Exemple : laver, compter, vérifier, accumuler, rectifier…). Le diagnostic est porté lorsque les manifestations symptomatiques sont à l’origine de sentiments marqués d’anxiété ou de détresse émotionnelle, d’une perte de temps importante (plus d’une heure par jour), ou d’une entrave au fonctionnement normal de l’individu (scolaire, social ou professionnel). Fréquemment, le jeune adulte présentant des symptômes obsessionnels ou compulsifs, n’a pas conscience du caractère pathologique de ces derniers, leur aggravation progressive au cours du temps n’amenant le patient à consulter qu’après la trentaine du fait d’un handicap croissant ou à l’occasion d’une dépression. Les troubles associent le plus souvent obsessions et compulsions, mais l’un et l’autre de ces éléments peuvent aussi être présents isolément ; le patient reste toujours conscient du caractère absurde ou excessif de ses symptômes et cette autocritique le distingue des patients psychotiques chez lesquels ils peuvent également être rencontrés. L’évolution est le plus souvent chronique, revêtant parfois des formes très invalidantes. Certains TOC peuvent débuter à la suite d’un facteur de stress, d’une grossesse ou dans les suites de troubles du comportement alimentaire chez la femme. Contrairement à une opinion largement répandue, l’existence d’une personnalité obsessionnelle n’est pas un élément nécessaire au développement du trouble, ce dernier pouvant coexister avec d’autres types de personnalité pathologique. III. Névrose phobique La phobie se définit comme la crainte « absurde » d’un objet, d’un animal, d’un autre humain, d’une situation dont la rencontre produit inéluctablement un état d’angoisse. Comme dans l’obsession, le 111 phobique critique son symptôme et reconnaît le caractère infondé de sa crainte. Il sait que « les petites bêtes ne mangent pas les grosses » que tous les trains ne déraillent pas, cela n’empêche qu’il soit terrorisé par les pigeons, qu’il ne puisse monter dans un compartiment… Contrairement à l’obsédé, le phobique peut éviter l’objet de son angoisse, projeté dans l’espace extérieur. Il peut recourir à des moyens de réassurance plus ou moins ritualisés : accompagnement par un tiers jouant le rôle d’objet contra phobique. Les phobies les plus fréquente sont : III.1. Les phobies de lieu : - agoraphobie : phobie des vastes espaces découverts. - claustrophobie : phobie des espaces restreints et clos. - des hauteurs : vertiges. - des moyens de transport. III.2. Les phobies liées à la présence d’un tiers ou d’un « public » (phobie sociale) : - peur de parler en public (à rapprocher du trac), de téléphoner. - peur d’être pris d’envie d’uriner au cours d’une réunion. - peur de rougir (éreutophobie), de bégayer. III.3. Les phobies des petits animaux (certaines sont très banales) : araignées, souris, reptiles et des gros animaux : chiens, chats, chevaux. III.4. Les phobies des objets potentiellement dangereux (couteaux, aiguilles, armes à feu) ou anodins (fourrures, huile, goudron) ou microscopiques (poussières, microbes, brin de textile). III.5. Les phobies d’impulsion (peur de commettre un acte grave) sont rattachées à la névrose obsessionnelle. La névrose phobique ressort d’un traitement: - psychothérapique : - psychanalytique - comportementaliste (déconditionnement) - anxiolytique de manière ponctuelle quand le phobique « ne peut faire autrement » que d’affronter sa peur : nécessite de se déplacer, d’affronter un jury, etc… IV. Névrose hystérique (trouble conversif) Décrite depuis l’Antiquité et rapportée par Hippocrate aux avatars de l’utérus – d’où son nom - l’hystérie reste historiquement liée à la sexualité féminine que les anciens réduisaient volontiers à la fonction matricielle. La personnalité hystérique (personnalité histrionique) On entend donc par personnalité hystérique quelques traits essentiellement relationnels, perceptibles dans la dynamique du dialogue patient-médecin. - L'hyperexpressivité : qualifiée aussi de théâtralisme, tendance à la dramatisation, elle peut donner le sentiment que le sujet joue un personnage en forçant le trait pour apitoyer, choquer, séduire, culpabiliser son public. - Le besoin de susciter l'intérêt, dans le prolongement logique, fait que le sujet "ne passe pas inaperçu". Dans un cabinet comme dans un groupe, une collectivité, il ne manque pas de se faire remarquer, de chercher à avoir la vedette, d'être l'objet de soins, d'attentions particulières. - La quête et l'insatisfaction affective : l'hystérique a non seulement besoin d'être aimé (qui ne l'a pas ?) ; il a besoin d'être aimé plus, mieux ou autrement. Il en cherche les marques, les preuves, les assurances mais sa demande d'amour est un tonneau sans fond : la position hystérique est celle d'un désir irrémédiablement insatisfait de par sa structure même. Déçu par la réalité, l'hystérique privilégie sa vie imaginaire, idéalise ses sentiments ; il confond sa vie avec un roman. - La suggestibilité : l’hystérique est facilement influencé par les circonstances ou par autrui. Le symptôme hystérique de conversion Défini comme tel par S. Freud en 1894, le mécanisme de conversion correspond à la fuite dans le corps d'un affect lié à une représentation insupportable. Il s'agit donc, sous cet angle théorique, d’un mécanisme de défense contre l'angoisse. Caractéristiques du symptôme de conversion 112 •absence de substratum organique : l'examen clinique et les investigations complémentaires ne décèlent pas de lésions organiques sinon des lésions banales (exemples classiques : becs de perroquet à la radiographie de la colonne cervicale, "diverticules" coliques au lavement baryté…) ; •fluctuation dans le temps : recrudescence dans certains contextes (visite de la famille), atténuation voire disparition sous l'effet de certaines suggestions ou de certains traitements placebos ; •de manière inconstante : absence d'angoisse à propos du symptôme – jusqu'à "la belle indifférence" – contrastant avec la dramatisation du symptôme ; •présence de "bénéfices secondaires" (sans oublier qu'il en existe aussi dans les maladies ordinaires) -attentions particulières de l'entourage -congés de maladie prolongés, indemnités versées par une assurance -assistance permanente d'un proche parent -évitement de certaines situations (notamment les relations sexuelles, impossibilité de se rendre au chevet d'une mère démente) ; •ne pas perdre de vue que certains symptômes de conversion sont manifestement réactionnels à des événements (dont la valeur traumatique doit s'évaluer en fonction de la subjectivité du patient et non de manière générale). Conduite à tenir devant un symptôme hystérique Toute problématique névrotique suppose une approche psychothérapique. Le traitement du symptôme en soi "comme une maladie", produit des effets iatrogènes : escalade dans les examens, les traitements, les arrêts de travail sans véritable bénéfice thérapeutique. Les thérapies par suggestion, notamment l'hypnose médicale, et toute thérapie qui s'appuie sur des pratiques dites parallèles (homéopathie, acupuncture) démontrent leur efficacité dès lors que ceux qui les appliquent ont quelques talents psychothérapiques. 113 Deuxième partie : Maladies et grands syndromes Question 278 – PSYCHOSES ET DELIRE CHRONIQUE I. Schizophrénie Rédaction : F Thibaut et F Baylé Résumé : E Tran et F Limosin Objectifs généraux : Diagnostiquer une psychose et un délire chronique Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Objectifs spécifiques : Signes cliniques de la schizophrénie Connaître les signes du syndrome dissociatif Formes de début de la schizophrénie Modalités évolutives (risque suicidaire, pronostic social) de la schizophrénie Attitude diagnostique et thérapeutique face à un épisode délirant aigu Connaître les stratégies de soins des états schizophréniques (traitement chimiothérapique, réseau de soin, sectorisation) Le terme de "schizophrénie", introduit par Bleuler en 1911, désigne un ensemble, probablement hétérogène, caractérisé par la présence d’une dissociation mentale, d’affects émoussés ou inappropriés, d’hallucinations et de délire. La prévalence du trouble est d'environ 1% dans tous les pays. L’incidence maximale se situe entre 15 et 35 ans. L'étiologie de la schizophrénie demeure mal connue, même si la majorité des auteurs s'accorde actuellement sur un modèle intégratif avec interaction de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux, qui conduirait à l'apparition de la maladie. Le rôle précipitant de la consommation de toxiques (cannabis surtout) n'est quasiment plus discuté. De plus, la consommation de toxiques favorise les rechutes délirantes. L'implication de divers systèmes de neurotransmission a été soulignée (en particulier le système dopaminergique, cible d'action privilégiée des neuroleptiques). 1. Signes cliniques Habituellement, on considère que l’évolution du trouble doit être supérieure à six mois pour porter le diagnostic de schizophrénie. La rapidité avec laquelle le traitement antipsychotique est débuté contribue à améliorer le pronostic évolutif. La sémiologie schizophrénique comporte : 1.1. Un syndrome dissociatif Sa présence signe le diagnostic amis il n'est pas toujours facile à identifier. La dissociation peut être décrite comme un défaut d’intégration synthétique ou comme un relâchement des processus associatifs entre idées, attitude et affectivité. Ce syndrome confère à la pensée, aux émotions ou au comportement une dysharmonie voire une incohérence. La discordance est l’expression comportementale de la dissociation. Ce processus est susceptible d'affecter tous les secteurs de la vie psychique. −Sphère intellectuelle : Troubles du cours de la pensée : Symptôme pathognomonique : les barrages (brève suspension du discours, non motivée, dont le sujet est conscient (à la différence des absences) mais à laquelle il est indifférent). Parfois, le discours ralentit simplement et le volume sonore se réduit progressivement : il s'agit alors d'un fading. Relâchement des associations d'idées : le discours est peu compréhensible, sans idée directrice, les propos sont elliptiques, la pensée est dite diffluente. Troubles du contenu de la pensée : Appauvrissement des idées. Altération du système logique (explications pseudo-logiques : rationalisme morbide). Altération des capacités d'abstraction (interprétation des propos au premier degré). Troubles du langage : Maniérisme (vocabulaire précieux, décalé). 114 Invention de mots (néologismes). La syntaxe peut être altérée. Usage de mots inappropriés au contexte (paralogismes). Lorsque ces troubles sont importants, le langage peut perdre sa valeur de communication, il s'agit alors d'une schizophasie. −Sphère affective : Ambivalence : coexistence simultanée de sentiments contraires (affects inappropriés aux circonstances, réactions affectives paradoxales et imprévisibles). Emoussement affectif (froideur du contact, insensibilité aux réactions d’autrui). Perte de l'élan vital : désintérêt, inertie, perte de la motivation (athymhormie). Négativisme (refus du contact). −Sphère motrice : Apragmatisme : réduction d’activité avec perte d’initiative, de spontanéité. Maniérisme gestuel (préciosité, attitudes empruntées). Sourires immotivés. Décharges motrices imprévisibles : parakinésies. Stéréotypies motrices ou gestuelles (ex. : échomimie). Troubles du tonus : catalepsie (flexibilité cireuse avec maintien des attitudes) ; catatonie, rare : réduction globale de l'activité avec mutisme et immobilité, contrastant avec des décharges impulsives verbales ou motrices. 1.2. Un syndrome délirant paranoïde ou non systématisé Fréquent mais pas toujours manifeste. Le sujet peut être réticent à exprimer son délire. L'observation du comportement est alors importante (attitudes d'écoute par exemple). −Mécanismes du délire : Les mécanismes hallucinatoires psychosensoriels sont souvent au premier plan du tableau clinique : Hallucinations auditives verbales surtout Hallucinations intra-psychiques : le syndrome d'automatisme mental (décrit par Clérembault) est particulièrement fréquent. Il associe vol et devinement de la pensée, commentaires de la pensée, des actes, écho de la pensée, pensées ou actes imposés (parfois à l'origine d'actes dangereux). D'autres mécanismes délirants sont souvent présents : intuition, interprétation, imagination. −Thèmes délirants : Les thèmes délirants sont très polymorphes. On note la fréquence des thèmes persécutifs, mystiques, érotomaniaques, hypocondriaques, mégalomaniaques, d'influence, de référence. Thèmes de transformation corporelle (dysmorphophobie : signe du miroir), troubles de l'identité sexuelle. Les thèmes sont vécus dans une angoisse intense et le sujet à parfois l'impression d'être dévitalisé ou morcelé (angoisse de morcellement). −Organisation du délire : L'absence d'organisation du délire (délire non systématisé) est caractéristique de la schizophrénie. Ce délire flou et incohérent est qualifié de paranoïde. 1.3. Le repli sur soi Retrait social actif conduisant parfois à l'incurie, sujet distant, pensée magique, peu communicable. 1.4. Des troubles de l'humeur sont fréquemment associés. 2. Formes cliniques 2.1. Les formes de début Elles sont très diverses et parfois trompeuses. 2.1.1. Le début peut être brutal : −Bouffée délirante aiguë : Apparition d'un délire en quelques jours ou semaines. Environ 30% des BDA évoluent vers une schizophrénie. −Manie et dépression atypique : L'existence d'hallucinations, d'une bizarrerie, d'un délire non congruent à l'humeur, d'une froideur des affects avec détachement ou d'une excitation sans réelle euphorie peuvent faire évoquer le diagnostic de schizophrénie. −Troubles du comportement : 115 Une tentative de suicide, une fugue, un voyage pathologique ou un acte médico-légal (souvent dans un contexte délirant) peuvent être inauguraux. 2.1.2. Le début est le plus souvent progressif, insidieux : On recherchera alors : −Un fléchissement scolaire inexpliqué, un engouement récent pour le paranormal ; −Un retrait social, une froideur du contact ou une indifférence ; −Des troubles du comportement inhabituels et bizarres ; −L'apparition de conduites addictives ; −L'apparition de symptômes pseudo-névrotiques ; −Un sentiment de dépersonnalisation, de déréalisation (impression d’étrangeté du monde environnant). 2.2. Les formes cliniques symptomatiques Les formes cliniques les plus classiquement retrouvées sont : 2.2.1 Paranoïde (ou productive) Forme la plus fréquente où le délire est au premier plan. La réponse au traitement antipsychotique est généralement satisfaisante et l'appauvrissement de la vie psychique est moindre. L'évolution se fait par poussées dites processuelles, entrecoupées de périodes de rémission plus ou moins complètes du délire. Parfois, elle peut présenter une évolution continue avec enkystement du délire. 2.2.2. Hébéphrénique (20 % des cas) Elle débute en règle générale insidieusement au cours ou au décours de l'adolescence. Une personnalité prémorbide schizoïde est parfois retrouvée. Les perturbations du fonctionnement intellectuel ainsi que l'émoussement affectif avec retrait social sont au premier plan. Le délire est pauvre ou parfois absent. Le pronostic évolutif, malgré le traitement antipsychotique est souvent défavorable et la désinsertion socioprofessionnelle habituelle. 2.2.3. Catatonique Devenue très rare. La désorganisation motrice prédomine. Le pronostic vital peut être engagé en raison du refus d'alimentation et des troubles neurovégétatifs associés. 2.2.4. Dysthymique (ou schizo-affective pour les anglo-saxons) Les poussées processuelles associent : −Un syndrome délirant au premier plan non congruent à l'humeur ; −Des troubles de l'humeur (manie, dépression, état mixte) ; −Une évolution périodique. Entre les poussées, le sujet présente des symptômes schizophréniques, en règle générale mineurs. Elles sont caractérisées par leur sensibilité aux traitements thymorégulateurs et leur pronostic plus favorable. 2.2.5. Pseudo-psychopathique (ou héboïdophrénique) Cette forme se caractérise essentiellement par des troubles du comportement (impulsivité, instabilité, conduites anti-sociales ou addictives et délinquance)associés à une bizarrerie et à une froideur du contact. 2.2.6. Pseudo-névrotique L'atypicité de la symptomatologie névrotique, la présence d'un syndrome dissociatif et parfois d'idées délirantes permettent le diagnostic. 2.2.7. Simple Le tableau de schizophrénie est très peu marqué, absence de délire, mais retentissement sur le fonctionnement socioprofessionnel du sujet. 2.2.8. Résiduelle Forme de schizophrénie stabilisée dans laquelle persistent des symptômes négatifs (émoussement affectif..) mais où les symptômes positifs (délire) sont atténués. 3. Diagnostics positifs et différentiels Le diagnostic positif repose sur l'anamnèse et l'examen clinique psychiatrique. On recherchera systématiquement des antécédents familiaux psychiatriques. On évaluera l'adaptation prémorbide et le retentissement scolaire et professionnel. On éliminera une cause organique (neurologique ou toxique) en associant à la recherche de toxiques et à l'examen clinique, un scanner cérébral au moindre doute. Diagnostics différentiels : 3.1. Devant un état délirant aigu non systématisé On peut discuter les autres diagnostics suivants : −Bouffée délirante ; −Trouble de l'humeur délirant ; 116 −Confusion mentale (dans laquelle il existe une désorientation temporospatiale et un trouble de la vigilance) : il faut alors éliminer une cause organique ou toxique. 3.2. Devant un état délirant chronique On éliminera : −Un délire d'interprétation où le délire est logique, cohérent ; −Une psychose hallucinatoire chronique ; −Une paraphrénie où le mécanisme délirant prévalent est imaginatif ; −Un trouble bipolaire ; −Une psychose infantile. 3.3. Devant une catatonie On éliminera une mélancolie ou un syndrome malin des neuroleptiques. 4. Evolution et pronostic 4.1. Modalités évolutives Typiquement, la schizophrénie commence à la fin de l'adolescence. La maladie débute un peu plus tôt chez les hommes (de 3 à 5 ans) et l’évolution est souvent plus sévère que chez les femmes. La stabilité des formes cliniques les plus habituellement décrites (paranoïde, hébéphrénique et catatonique) est faible et le plus souvent la maladie évolue vers un tableau dans lequel aucune des trois formes ne prédomine, qualifié d’indifférencié. Les formes paranoïdes ont plus souvent une évolution intermittente (par poussées). La schizophrénie est une maladie grave, par les troubles du comportement qu'elle implique (10% de décès par suicides, 40 à 50% des patients consomment régulièrement du haschich) et par le handicap fonctionnel qu'elle engendre. Seulement 20 à 30% des malades exercent une activité professionnelle. Il s'agit d'une maladie chronique dont les symptômes s'améliorent généralement avec le traitement mais dont le risque de rechute reste élevé. L’évolution peut parfois se faire vers une rémission complète voire définitive des symptômes (environ 20% des cas). Cependant les auteurs qui considèrent qu’il existe des guérisons incluent des schizophrénies simples ou des bouffées délirantes aiguës. L’évolution peut être également plus défavorable, avec dans environ 20% des cas, un tableau de schizophrénie déficitaire caractérisée par un émoussement affectif au premier plan, un retrait social et une mauvaise réponse au traitement antipsychotique. 4.2. Facteurs pronostiques Facteurs de meilleur pronostic : −Age de début plus tardif ; −Début rapide ; −Sexe féminin ; −Forme paranoïde ; −Forme dysthymique ; −Institution précoce du traitement antipsychotique ; −Bonne réponse au traitement antipsychotique ; −Bonne coopération du patient et de la famille ; −Bonne adaptation prémorbide. 5. Traitement Les antipsychotiques représentent l'élément central et indispensable du traitement. L’introduction des neuroleptiques au début des années 50 a considérablement modifié le pronostic évolutif de la schizophrénie. Les antipsychotiques sont en général efficaces en quatre à six semaines pour contrôler les symptômes positifs de la schizophrénie. Ils permettent également de prévenir les rechutes. Par contre, leur efficacité sur les symptômes négatifs est moins nette. Sont associés une prise en charge psychothérapique et des mesures de réinsertion sociale. 5.1. L'hospitalisation en milieu spécialisé Nécessaire pour l’évaluation initiale lors du premier épisode psychotique, pour la mise en route du traitement et, ensuite, lors des phases aiguës ou en cas de risque suicidaire. Hospitalisation à la demande d'un tiers en cas de refus du patient. Exceptionnellement, il sera fait appel à l'hospitalisation d'office. 5.2. Le traitement pharmacologique 5.2.1. Les antipsychotiques Instauration indispensable et la plus précoce possible, en milieu hospitalier de préférence ; Doses progressives per os ou IM (en fonction de la coopération du patient) ; 117 Surveillance régulière des constantes (pouls, TA, température), de la tolérance (neurologique notamment, cardio-vasculaire pour certaines molécules) et appréciation des effets thérapeutiques ; Médicaments correcteurs antiparkinsoniens non prescrits systématiquement mais seulement en cas de survenue de symptômes extrapyramidaux ; Risque de dyskinésies tardives : moindre avec les antipsychotiques atypiques ; Privilégier la monothérapie, mais en cas d'agitation ou d'anxiété importante, un neuroleptique sédatif (Nozinan® ou Tercian®) pourra être associé de manière ponctuelle ; Tolérance bien meilleure aux antipsychotiques de « seconde génération » ou atypiques. Ils seront souvent utilisés en première intention dans le traitement des premiers épisodes schizophréniques ; Dose minimale efficace à rechercher dès que l’accès aigu est jugulé, afin d’en améliorer la tolérance et donc l’observance ; A titre indicatif dans les formes paranoïdes, on pourra utiliser en phase aiguë 2 à 15 mg d'Haldol®, 4 à 6 mg de Risperdal®, 5 à 15 mg de Zyprexa® ou 600 à 1200 mg de Solian®. Dans les formes hébéphréniques ou lorsque l'émoussement affectif prédomine, on pourra utiliser 50 à 200 mg de Solian® ou 1 à 4 mg d'Orap®. Clozapine (Leponex®) : réservée aux schizophrénies sévères et résistantes (20 à 30 % des cas) à deux traitements antipsychotiques bien conduits prescrits successivement. La résistance sera jugée au bout de quatre à six semaines de traitement pour les symptômes délirants et de deux à trois mois pour l'émoussement affectif ; Durée du traitement : au moins deux ans au décours d'un premier épisode psychotique, au moins cinq ans lorsqu'il y a déjà eu plusieurs épisodes ; En cas de mauvaise observance, on pourra avoir recours aux neuroleptiques d'action prolongée ou retard (Ex. : Haldol decanoas®, Risperdal Consta®) en injections IM après usage initial per os de la molécule. D'autres traitements pharmacologiques peuvent parfois être associés : 5.2.2. Les antidépresseurs Ils peuvent être prescrits lors des épisodes dépressifs amis à doses modérées. 5.2.3. Les thymorégulateurs Ils sont efficaces dans la prévention des rechutes des schizophrénies dysthymiques en association avec les antipsychotiques. 5.2.4. La sismothérapie Elle peut être utilisée dans les formes catatoniques, parfois dans les formes à forte participation thymique, ou exceptionnellement, dans les formes résistantes ou encore en cas d'intolérance aux antipsychotiques. 5.3. Les psychothérapies Une approche psychosociale bien conduite permettra d'améliorer significativement l'adaptation sociale, la qualité de vie et de diminuer le risque de rechute. Une psychothérapie de soutien sera systématiquement proposée. Des thérapies cognitives et/ou comportementales, ou familiales peuvent également être proposées. 5.4. La réhabilitation psychosociale Un reclassement professionnel ou l'obtention d'un statut de travail handicapé peuvent être demandés auprès de la COTOREP. En cas de handicap plus sévère, un travail en atelier protégé ou dans un centre d'aide par le travail (CAT) peuvent être envisagés. Si le patient est incapable de travailler, il peut recevoir une indemnité (Allocation Adulte Handicapé) et être pris en charge par l'hôpital de jour du secteur psychiatrique dont il dépend. Un travail en réseau entre les différents intervenants (médecin généraliste, psychiatre, travailleurs sociaux, …) est le plus souvent nécessaire. Une protection des biens peut être nécessaire (sauvegarde de justice en période aiguë, souvent nécessité de tutelle aux prestations, curatelle ou tutelle à plus long terme). Les associations de familles de patients et de patients jouent un rôle important, en particulier dans l'éducation à la maladie et le soutien social. 118 Deuxième partie : Maladies et grands syndromes Question 278 - PSYCHOSES ET DELIRE CHRONIQUE II. Les délires chroniques non schizophréniques Rédaction : G. Fouldrin, R. Gourevitch, F. Baylé, F. Thibaut Résumé : B. Hübsch et F. Limosin Objectifs généraux : Diagnostiquer une psychose et un délire chronique Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Objectifs spécifiques : Connaître les principes de l'analyse sémiologique d'un délire chronique Connaître les différentes formes de délire paranoïaque Connaître les principes du traitement des délires chroniques La nosographie française distingue parmi les délires chroniques non schizophréniques trois entités principales : les délires paranoïaques, la psychose hallucinatoire chronique (PHC) et les paraphrénies. Cette classification se réfère aux travaux nosographiques réalisés essentiellement au cours du siècle dernier par l'Ecole de Psychiatrie Française. Ces trois pathologies ont en commun un âge de survenue tardif (en général après 35 ans), un mécanisme délirant prépondérant caractérisant chacun d'eux (interprétatif pour les délires paranoïaques, hallucinatoire pour la PHC, imaginatif pour la paraphrénie), une évolution chronique sans traitement contrastant parfois avec un maintien prolongé de l'intégration sociale et une absence de dissociation mentale. 1. Les délires paranoïaques Les délires paranoïaques sont des états délirants chroniques, systématisés et de mécanisme interprétatif. La systématisation du délire lui confère une certaine cohérence qui, associée à la conviction absolue et inébranlable du patient, peut entraîner l'adhésion de tiers. Ils se développent plus volontiers chez des patients présentant un trouble de personnalité prémorbide de type paranoïaque dont les principaux traits sont l'hypertrophie du moi, la fausseté du jugement, la méfiance et la psychorigidité. Il est habituel d'identifier au sein des délires paranoïaques les délires passionnels, les délires d'interprétation et les délires de relation des sensitifs de Kretschmer. 1.1. Les délires passionnels Les délires passionnels regroupent l'érotomanie, les délires de jalousie et les délires de revendication. Ils ont été regroupés et qualifiés de passionnels du fait de la nature des sentiments et des thèmes qui les inspirent. Ces états ont en commun d'être des états délirants chroniques débutant généralement brusquement par une interprétation ou par une intuition délirante. Ils peuvent secondairement s'enrichir de nombreuses interprétations délirantes et comportent en général une forte participation affective pouvant être à l'origine de passages à l'acte. Les délires passionnels ont une construction dite "en secteur" car ils ne s'étendent pas à l'ensemble de la vie psychique, affective ou relationnelle du sujet. - L'érotomanie ou l'illusion délirante d'être aimé : Décrit en 1921 par Clérambault, le délire érotomaniaque touche plus fréquemment des femmes et l’objet de l’érotomanie tient souvent une position sociale élevée et enviée. Ce trouble débute par l’intuition délirante que l’objet de l’érotomanie a déclaré son amour. L’évolution de l’érotomanie se fait en trois stades successifs : espoir, dépit, rancune. Au cours de ces deux derniers stades, des actes auto et surtout hétéro-agressifs sont à craindre. - Le délire de jalousie : Le délire de jalousie touche essentiellement des hommes. Il s’installe le plus souvent de façon insidieuse et va s’alimenter d’évènements anodins qui feront l’objet d’interprétations délirantes. Il s’associe régulièrement à un alcoolisme chronique qui peut dans certains cas favoriser la survenue d'un passage à l'acte. 119 - Les délires de revendication : −Les ‘inventeurs méconnus’, qui cherchent au travers d’innombrables démarches à obtenir une reconnaissance ; −Les ‘quérulents processifs’, qui multiplient les procédures judiciaires ; −Les ‘idéalistes passionnés’, qui cherchent à transmettre leurs convictions. 1.2. Le délire d’interprétation de Sérieux et Capgras Se développe le plus souvent chez des patients présentant une personnalité pathologique de type paranoïaque. Le début peut être brutal, faisant suite à un facteur déclenchant, ou insidieux. La structure de ce type de délire est dite ‘en réseau’, puisque tous les domaines de la vie du sujet sont envahis par les idées délirantes. Les thématiques les plus régulièrement rencontrées sont celles de persécution et de préjudice. 1.3. Le délire de relation des sensitifs de Kretschmer Ce délire, décrit par Kretschmer en 1919, se développe chez des sujets présentant une personnalité prémorbide de type sensitif. Ce type de personnalité se caractérise par un certain orgueil, un sens des valeurs et de la morale, une tendance à intérioriser douloureusement les échecs relationnels et affectifs, mais ne comporte pas l’hyperestime de soi ou la quérulence que l’on retrouve dans les autres personnalités paranoïaques. Le délire se construit sur des interprétations délirantes et les thématiques les plus fréquemment rencontrées sont celles de persécution, de préjudice, de mépris ou d’atteinte des valeurs morales. Ce délire s’étend rarement au-delà du cercle relationnel proche du sujet, et peut se compliquer d’évolution dépressive. 1.4. Principes de traitement des délires paranoïaques Ces organisations délirantes font rarement l’objet de remise en question par le sujet qui en souffre. La principale difficulté va donc être d’amener le patient à accepter des soins. - Problème de l’hospitalisation : Le traitement ambulatoire doit être préféré à une hospitalisation, qui peut néanmoins être indiquée dans les cas suivants : −Lors d’une exacerbation anxieuse ou d’une décompensation dépressive ; −Lorsque la dangerosité du patient est importante (Ex. : présence d’un persécuteur désigné). Dans ce cas, l’hospitalisation se fait plutôt selon le mode de l’Hospitalisation d’Office puisque les troubles mentaux présentés constituent un danger imminent pour la sûreté des personnes. L’Hospitalisation Sur Demande d’un Tiers n’est pas recommandée du fait du risque que le tiers ne devienne le persécuteur désigné. - Les traitements médicamenteux : −Les neuroleptiques sédatifs sont indiqués en cas d’agitation ou de menace de passage à l’acte. On utilise principalement la cyamémazine (Tercian®), la lévopromazine (Nozinan®) ou encore la chlorpromazine (Largactil®) ; −Le traitement médicamenteux de fond repose sur les antipsychotiques ‘incisifs’ dont l’action est inconstante sur ce type de délire. La tolérance de ces médicaments étant en général assez mauvaise chez ces patients, il est recommandé de rechercher et de respecter la posologie minimale efficace. Les antipsychotiques atypiques, comme la rispéridone (Risperdal®, 1 à 3 mg/jour), l’amisulpride (Solian®, 100 à 400 mg/jour) ou l’olanzapine (Zyprexa®, 2,5 à 5 mg/jour), sont souvent utilisés en première intention du fait de leur meilleure tolérance sur le plan neurologique. Certains neuroleptiques, comme l’halopéridol (Haldol®, 1 à 5 mg/jour) peuvent également être prescrits ; −Les antidépresseurs peuvent être indiqués en cas d’évolution dépressive ; −Les benzodiazépines trouvent leur indication dans les traitements d’appoint et de courte durée des manifestations anxieuses associés. - Place des psychothérapies : Face à un patient souffrant de délire paranoïaque, il est conseillé au médecin de savoir garder une certaine distance et de faire preuve de transparence dans les soins proposés afin d’établir un climat de confiance, préalable indispensable à l’acceptation d’un traitement. La place des psychothérapies chez ces patients est restreinte du fait de leur faible capacité de remise en question et d'introspection. 120 2. La Psychose Hallucinatoire Chronique (PHC) Individualisée par Ballet en 1911, la PHC survient le plus souvent chez une femme (7 femmes pour 1 homme) âgée et vivant seule, et est caractérisée par des mécanismes principalement hallucinatoires, sans dissociation mentale. Cette terminologie n’est utilisée qu’en France et on retrouve, dans les classifications internationales, une partie de ces pathologies sous le terme de schizophrénie d'apparition tardive. 2.1. Description clinique On retrouve parfois un facteur déclenchant dans les semaines précédant l’éclosion du délire ainsi que des prodromes à type de troubles de l’humeur, de modifications comportementales ou caractérielles. Le début peut être brutal ou progressif. Dans sa phase d’état, la PHC est caractérisée par un état délirant richement hallucinatoire et un automatisme mental. Les hallucinations peuvent toucher les cinq sens. Les hallucinations cénesthésiques (ondes, courant électrique, attouchements sexuels) et olfactives sont fréquentes. Les thématiques les plus fréquemment rencontrées sont de persécution, sexuelle, mystique ou d’influence. Si les hallucinations représentent le mécanisme délirant principal de cette pathologie, les autres mécanismes notamment interprétatif et intuitif peuvent être retrouvés. L’évolution est en général chronique marquée par des périodes de rémission partielle ou totale du délire alternant avec des périodes de recrudescence délirante. 2.2. Principes de traitement des PHC - Place de l'hospitalisation : La place de l'hospitalisation est marginale dans le traitement des PHC. Elle peut se faire à l'occasion d'une exacerbation délirante. - Les traitements médicamenteux : Les PHC sont améliorées par la prescription d’antipsychotiques incisifs à faibles posologies (Ex. : halopéridol (Haldol®) 1 à 5 mg/jour, rispéridone (Risperdal®) 1 à 3 mg/jour). Le délire peut entièrement régresser ou persister sous une forme atténuée. Il faudra, surtout si le sujet est âgé, privilégier l'emploi de molécules peu anticholinergiques, réduire au minimum la posologie et fractionner les prises dans la journée afin d'améliorer la tolérance. - Place des psychothérapies : Les thérapies de soutien visent à permettre au patient de mieux connaître les facteurs responsables d'aggravation délirante, comme l’arrêt du traitement, et de tolérer les symptômes délirants résiduels. 3. Les paraphrénies Les paraphrénies sont des délires rares dont le mécanisme prédominant est imaginatif. Il s'agit de délires sans dissociation mentale, d'évolution chronique et survenant chez des sujets âgés. Le début est le plus souvent progressif. Le délire prend l'aspect de rêveries, de contes ou encore de fiction. Les thématiques cosmiques et fantastiques sont fréquentes. Le délire coexiste le plus souvent avec une pensée normale et les fonctions intellectuelles du patient sont préservées. Les délires imaginatifs sont peu sensibles aux traitements antipsychotiques. 121 Deuxième partie : Maladies et grands syndromes Question 285 – TROUBLES DE L'HUMEUR- TROUBLES BIPOLAIRES Rédaction :G. Fouldrin, , F.J. Baylé, R. Dardennes, F. Thibaut Relecture : MC Hardy-Baylé Résumé: G. Barbalat et N. Franck Objectifs généraux : Diagnostiquer un trouble de l'humeur et/ou des troubles bipolaires Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge Décrire les principes de la prise en charge au long cours Objectifs spécifiques : Epidémiologie •Connaître la fréquence des états dépressifs et du suicide chez les sujets déprimés •Connaître le pourcentage de réponse aux traitements •Connaître la prévalence du trouble bipolaire de l'humeur Diagnostic •Connaître les différents modes d'expression clinique d'altération pathologique de l'humeur (dépression majeure, hypomanie, accès maniaque, état mixte, dysthymie) •Connaître la sémiologie d'un état maniaque •Connaître l'existence de plusieurs sous-types de trouble bipolaire de l'humeur •Connaître la sémiologie d'un état dépressif majeur ou caractérisé •Connaître les spécificités liées à l'âge, au sexe, à l'environnement socioculturel •Savoir distinguer le deuil de la dépression •Connaître l'existence du syndrome de Cotard •Savoir reconnaître les dépressions mélancoliques •Connaître l'existence de dépressions iatrogènes •Connaître l'existence des dépressions saisonnières et les dépressions secondaires à des effets organiques •Connaître l'existence des dépressions récurrentes brèves et des dysthymies Psychopathologie et physiopathologie •Connaître les grandes lignes des hypothèses psychodynamiques de la dépression •Connaître les grandes lignes des hypothèses neurobiologiques de la dépression Prise en charge •Connaître les situations nécessitant le recours à l'hospitalisation ou à l'avis d'un spécialiste •Connaître les objectifs de la psychothérapie de soutien du patient déprimé ainsi que des autres psychothérapies •Connaître les modalités du traitement pharmacologique de l'épisode dépressif (posologie, durée, élément de surveillance) •Connaître les spécificités du traitement pharmacologique selon l'âge, la gravité de l'épisode •Connaître les principes des traitements et leurs éléments de surveillance dans les troubles bipolaires. •Connaître les indications de la sismothérapie 1.Les dépressions mélancoliques : 1.1.Description clinique : Si l’apparition d’un épisode de dépression mélancolique ne répond souvent à aucun facteur déclenchant apparent, il est néanmoins parfois possible d’identifier de tels facteurs. Une dépression mélancolique peut survenir à tout âge et s’installe le plus souvent progressivement. Caractéristiques sémiologiques de l’humeur dépressive du mélancolique : L’humeur est triste, envahissant tout le champ de la conscience et se traduit par une douleur morale intense. Le patient présente des sentiments d’ennui, de dégoût, d’inutilité ou encore de désespoir. 122 Le patient peut présenter des idées délirantes que l’on qualifie de congruentes à l’humeur, toute la thématique du délire étant en général imprégnée par la tristesse. Il s’agit le plus souvent d’idées délirantes de ruine, d’indignité, d’incurabilité, de culpabilité (le patient s’accuse d’avoir commis des fautes, des pêchés, des crimes…). Il est possible d’observer des idées d’influence, de possession, de transformation corporelle et de damnation. Les mécanismes délirants peuvent être intuitifs, interprétatifs, imaginatifs ou hallucinatoires. Il existe une forme particulière de mélancolie délirante appelée syndrome de Cotard, se traduisant le plus souvent par des idées de négation d’organes (quant à leur fonctionnement ou leur existence), mais également des idées délirantes d’immortalité et de grandeur de parties du corps. Ralentissement psychomoteur: Le ralentissement psychomoteur du mélancolique est très marqué et va jusqu’à l’inertie totale. La lenteur du discours et idéique correspond à la bradyphémie et la pauvreté de la mimique constitue l’hypomimie. L’inhibition peut être telle sur le plan psychomoteur que le patient peut être totalement mutique et clinophile. Signes somatiques associés : Les troubles du sommeil sont marqués par une insomnie totale ou avec des réveils précoces et sont en général rebelles au traitement hypnotique simple. Les troubles digestifs sont représentés par la constipation et les refus alimentaires. Il est d’ailleurs possible d’observer une perte de poids importante, des signes de carence nutritionnelle parfois même de déshydratation. Evaluation du potentiel suicidaire : Il faut considérer que la dépression mélancolique s’accompagne toujours d’un potentiel suicidaire élevé et ne surtout pas se sentir rassuré par l’intensité du ralentissement psychomoteur en pensant que le patient n’aura pas la force de tenter de mettre fin à ses jours. Le désir de mort est constant et permanent et est parfois considéré par le patient comme un châtiment ou une punition nécessaire. Les tentatives de suicide peuvent survenir à n’importe quel moment et parfois en fin d’accès après une amélioration clinique franche. 1.2.Formes cliniques de dépression mélancolique : Ces formes (mélancolie délirante, stuporeuse ou anxieuse) ont été décrites en fonction de la prédominance de certains groupes de symptômes. Il ne s’agit pas de catégories distinctes de mélancolies. 1.3.Diagnostics différentiels : Peu de diagnostics différentiels sont à envisager face à un épisode de dépression mélancolique. Il faut principalement discuter les autres troubles dépressifs, les psychoses et rechercher une pathologie organique : La symptomatologie de la dépression mélancolique est en général suffisamment intense pour ne pas être confondue avec un épisode dépressif non mélancolique. Les symptômes délirants lorsqu'ils accompagnent un syndrome mélancolique peuvent parfois être au premier plan (notamment chez l'adolescent) et faire évoquer à tord une bouffée délirante aiguë ou un début de schizophrénie. L'analyse de la thématique délirante est alors essentielle. Dans le cadre des dépressions mélancoliques, l'ensemble de la thématique est congruente à l'humeur triste. Face à n’importe quel épisode dépressif, il convient de rechercher, surtout lors d'un premier épisode, une pathologie organique ou un traitement responsables d'un tableau de dépression secondaire (nous ne présentons ci-dessous que les principales étiologies) : - causes neurologiques : toutes les lésions cérébrales (ischémiques, tumorales, lésions inflammatoires…), notamment celles de l'hémisphère droit, peuvent donner des tableaux dépressifs. Les maladies neurodégénératives se manifestent régulièrement en début d'évolution et avant que leur diagnostic ne soit établi par des épisodes dépressifs. - causes endocriniennes : les principales pathologies responsables de dépressions secondaires sont représentées par les dysfonctionnements thyroïdiens (hyper et surtout hypothyroïdie) et surrénaliens. - causes générales : un certain nombre d'affections générales telles que les maladies de système, certaines maladies infectieuses, les pathologies carcinologiques (estomac, pancréas) et les hémopathies se traduisent parfois par des troubles dépressifs. - causes iatrogènes : de très nombreux médicaments et toxiques provoquent des épisodes dépressifs. On retiendra notamment les corticoïdes, l'interféron alpha… 1.4.Principes de prise en charge thérapeutique des dépressions mélancoliques : 123 La prise en charge d’un épisode dépressif mélancolique se fait en milieu hospitalier, en général dans un service de psychiatrie. On peut recourir à un mode d’hospitalisation sous contrainte si le patient refuse les soins. Il faut limiter au maximum les risques de suicide en retirant au patient objets tranchants, ceintures, etc. Le bilan réalisé recherchera les répercussions somatiques de l’épisode (notamment en cas de refus alimentaire prolongé), éliminera un facteur organique responsable d’une dépression secondaire ainsi qu’une éventuelle contre-indication à la réalisation de sismothérapie ou à la prescription d’antidépresseurs tricycliques. La clomipramine (Anafranil®), orale ou parentérale, reste le traitement médicamenteux de référence des dépressions mélancoliques en ce qu’il permet d'obtenir le plus de rémissions complètes. Il est recommandé d’augmenter la posologie progressivement jusqu’à une dose stable. Il faut souligner que, parmi les « nouveaux » antidépresseurs, seule la venlafaxine (Effexor®) a obtenu en France une Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication. Lorsque le patient présente un tableau clinique de mélancolie délirante, il est recommandé d'associer avec prudence à l'antidépresseur une petite dose de neuroleptique antipsychotique permettant de potentialiser l’action de l’antidépresseur. La prescription de traitements sédatifs (neuroleptiques sédatifs ou benzodiazépines) est nécessaire pour apaiser l'angoisse des patients, corriger les troubles du sommeil et prévenir la survenue d’un geste suicidaire. La sismothérapie ou électroconvulsivothérapie (ECT) est indiquée en cas de résistance ou de contreindication au traitement médicamenteux, ou d’emblée en cas de mélancolie délirante, stuporeuse ou de refus de soins et d’alimentation mettant en jeu le pronostic vital. Elle consiste à déclencher une crise d’épilepsie généralisée d’au moins 30 secondes par la diffusion d’un faible courant électrique au niveau cérébral. Elle est réalisée sous anesthésie générale au rythme de 2 séances par semaine et la guérison est obtenue en 8 à 12 séances. L’ECT représente le plus efficace des traitements antidépresseurs avec 80 à 85 % de rémission. Les contre-indications à l’ECT sont représentées par celles de l’anesthésie générale, par la présence de lésions vasculaires ou tissulaires intracrâniennes ainsi que par la présence d’un anévrysme de l’aorte abdominale. Il faudra donc réaliser en plus du bilan et de la consultation pré-anesthésique une échographie abdominale et un scanner cérébral avec injection. Il existe un certain nombre d’effets indésirables de la sismothérapie. Les plus fréquents, en dehors du risque anesthésique, sont les céphalées, les troubles mnésiques (pouvant persister plusieurs mois), les luxations de l’épaule, les tassements vertébraux chez le sujet âgé, les fractures dentaires, ainsi qu’une sensibilisation à faire des crises d’épilepsie chez des patients prédisposés. 1.5.Evolution des dépressions mélancoliques : Sans traitement, un épisode mélancolique dure 6 à 8 mois. La prise en charge thérapeutique permet de ramener la durée de l’épisode à 4 à 8 semaines et surtout de réduire le risque suicidaire. Les patients qui présentent des résistances au traitement médicamenteux doivent bénéficier de la réalisation de séances d’ECT. Un point crucial concernant l’évolution de ces dépressions consiste à déterminer s’il s’agit d’un épisode unique ou d’un épisode s’intégrant dans un trouble bipolaire nécessitant la prescription d’un régulateur de l’humeur comme traitement préventif. 2.Les épisodes maniaques : 2.1.Description clinique : Les accès maniaque peuvent survenir à tout âge mais sont beaucoup plus fréquents chez les patients de 15 à 30 ans. Des facteurs déclenchants sont fréquemment rencontrés. La sensibilisation du patient et de son entourage aux prodromes (irritabilité, insomnie, labilité émotionnelle) permettra une détection précoce de la maladie. Caractéristiques de la thymie dans l’accès maniaque : Le patient présente une exaltation de l’humeur (hyperthymie). Il est possible que le patient présente des idées délirantes congruentes à l’humeur. Leur thématique est marquée par la jovialité, l’optimisme, l’euphorie et l’expansivité (idées mégalomaniaques, sentiments de grandeur, de supériorité, de puissance, d’invulnérabilité, projets démesurés et capacités hors du commun…). Les mécanismes délirants sont le plus souvent l’interprétation et les intuitions délirantes. On retrouve plus rarement des hallucinations et parfois des éléments d’automatisme mental, notamment chez de jeunes patients. Excitation psychomotrice: L’excitation psychique se traduit par une accélération des processus de pensée (fuite des idées, les passages du coq à l’âne, troubles de la concentration et de l’attention). Sur le plan moteur, le patient a fréquemment une présentation débraillée, extravagante et l’hyperactivité est importante et souvent non 124 productive. Il est possible d’observer des troubles des conduites sociales (mises en danger, conduites de désinhibition, dépenses excessives…). Signes somatiques associés : Le signe le plus fréquemment rencontré est l’insomnie totale sans fatigue. Les patients peuvent présenter une hyperphagie et parfois des troubles à type de déshydratation. 2.2.Formes cliniques des accès maniaques : Quelques formes cliniques méritent d’être détaillées compte tenu de leurs particularités sémiologiques. : L’hypomanie : elle correspond à une forme atténuée de manie. L’hyperactivité reste productive et les répercussions sociales sont limitées. Cet état constitue cependant une rupture avec l’état antérieur et à l’accélération des processus psychiques et l’euphorie s’associe une réduction du sommeil. Cet état risque d’évoluer sans traitement vers un authentique accès maniaque. La manie délirante : elle peut prendre notamment chez le jeune adulte et l’adolescent l’aspect d’une bouffée délirante aiguë à l’origine de confusion diagnostique et thérapeutique. Chez ces patients, le délire est souvent au premier plan de la clinique et l’euphorie peut être remplacée par de l’irritabilité et de l’agressivité. Il faut également noter que des symptômes appartenant à l’automatisme mental peuvent être observés dans les manies délirantes. Les états mixtes : ils se caractérisent par la présence simultanée de symptômes maniaques et dépressifs pendant une durée d’au moins une semaine. Particularités sémiologiques liées à l’âge : nous ne reviendrons pas sur celle de l’adolescent ou de l’adulte jeune. Chez le sujet âgé, l’euphorie est souvent absente et les manifestations agressives et caractérielles peuvent être au premier plan. La fréquence des états mixtes est également plus élevée chez le sujet âgé et on cherchera attentivement une cause de manie secondaire en cas de premier épisode survenant après 50 ans. 2.3.Diagnostics différentiels des épisodes maniaques : •Les manies iatrogènes : Elles durent le plus souvent le temps de l’intoxication. On retiendra que ces accès peuvent faire suite à la prise de toxiques (cannabis, cocaïne, opiacés, ecstasy…) ou de médicaments (corticostéroïdes, agonistes dopaminergiques, interféron alpha, hormones thyroïdiennes, certains anti-inflammatoires non stéroïdiens, antipaludéens, izoniazide…). •Les manies secondaires à une pathologie somatique : Cette éventualité suppose que devant tout premier syndrome maniaque des examens (cliniques et paracliniques) soient réalisés. Sur le plan neurologique, des syndromes maniaques peuvent être symptomatiques de lésions cérébrales, de poussées inflammatoires de sclérose en plaques, d’encéphalopathies à VIH, de syphilis tertiaire, d’épilepsies partielles notamment temporales. Certains syndromes confusionnels, les hyperthyroïdies, les hypercorticismes ou encore les porphyries et la maladie de Wilson peuvent occasionner des manies secondaires. •Les manies dans le cadre du trouble schizo-affectif : Les troubles schizoaffectifs correspondent à l’ancienne dénomination de schizophrénie dysthymique. Ils s’observent chez des patients qui présentent une symptomatologie schizophrénique persistant entre les troubles thymiques. Leur présentation est par ailleurs souvent atypique, la symptomatologie étant incomplète. 2.4.Principes de prise en charge des manies : Le plus souvent la prise en charge des patients maniaques se fait en milieu hospitalier spécialisé. Il est impératif de systématiquement évaluer la nécessité de réaliser une mesure de protection de biens telle qu’une sauvegarde de justice. Le bilan réalisé a pour objectifs d’évaluer les répercussions somatiques de l’accès maniaque (par exemple sur l’état d’hydratation du patient), de rechercher l’existence d’une cause de manie secondaire et de permettre l’instauration d’un thymorégulateur. 125 Le lithium semble être le traitement médicamenteux qui soit doté de la plus grande action thérapeutique dans le traitement curatif de l'accès maniaque. Son action sur l'expansion euphorique de l'humeur est plus spécifique mais ne se manifeste pas avant 10 jours de traitement. La carbamazépine (TégretolÒ) et surtout le divalproate de sodium (DépakoteÒ) ont également cette indication thérapeutique en cas d'intolérance ou de contre-indication au lithium. En pratique clinique, les patients bénéficient souvent d’un traitement neuroleptique, permettant de contrôler rapidement les symptômes tels que l'agitation ou le délire, mais il est nécessaire de les arrêter le plus rapidement possible. L'adjonction d'une benzodiazépine peut être faite pour potentialiser la sédation. 2.5.Evolution des accès maniaques : L’évolution spontanée d’un accès maniaque sans traitement est en général de 4 à 8 semaines. Le traitement permet de réduire la durée de cet accès. Il existe de rares cas de résistance au traitement de l’accès maniaque avec une évolution chronique du trouble. Ces formes résistantes peuvent nécessiter la réalisation de cures de sismothérapie. 3.Le diagnostic de psychose maniacodépressive ou trouble bipolaire de l’humeur : La terminologie de Psychose Maniaco-Dépressive est fortement controversée, les anglo-saxons préférant parler de troubles bipolaires de l’humeur. Cette nouvelle dénomination a l’avantage d’insister sur le fait que le trouble thymique constitue le problème essentiel de cette pathologie, en la démarquant des psychoses chroniques notamment schizophréniques dont l’évolution est totalement différente. Il faut retenir qu’aujourd’hui encore le retard au diagnostic concernant ce type de troubles est considérable, avoisinant 5 à 10 ans. Il faut également savoir que sans thymorégulateur, 10 à 15 % de ces patients décèdent par suicide. 3.1.Le trouble bipolaire de type I : Il est affirmé dès l’existence, dans l’histoire du sujet, d’un épisode maniaque franc. 3.2. Le trouble bipolaire de type II : Il correspond à la survenue de plusieurs épisodes dépressifs alternants avec des hypomanies. En général, la morbidité inter épisodes est plus importante, les dépressions sont plus sévères et le risque de suicide est plus élevé. 3.3.Les cycles rapides : Ils représentent une forme clinique particulière des troubles bipolaires de type I et II qui est définie par l’évolution et le nombre d’accès annuel (≥ 4 accès par an). Ces patients seraient plus souvent de femmes. Lorsque les accès durent 48 heures, on parle de cycles ultrarapides. Ils représentent 15 à 20% de troubles bipolaires. Le lithium a été accusé d'accélérer la fréquence des rechutes. 3.4.Les limites de la notion de troubles bipolaires : •La notion de tempérament et ses liens avec le trouble bipolaire : Quatre tempéraments différents ont été individualisés (hyperthymique, cyclothymique, dysthymique et irritable). Leur prévalence dans la population générale pourrait atteindre 20%. Certains les considèrent comme des états de vulnérabilité prédisposant à l’apparition de troubles thymiques alors que d’autres pensent qu’ils constituent plus des prodromes de troubles thymiques ou encore des formes atténuées de maladie. •Le trouble bipolaire de type III : Le diagnostic est envisagé en cas d'épisode maniaque ou hypomaniaque induit par des antidépresseurs. •Le trouble dysthymique : Il constitue une forme atténuée de trouble de l’humeur évoluant de façon chronique et correspondrait à un état intermédiaire entre la notion d’épisode dépressif majeur et celle d’une vulnérabilité dépressive de tempérament. Dans la nosographie classique, ce trouble correspond aux dépressions névrotiques. •Le trouble cyclothymique : Ce serait une forme atténuée de trouble bipolaire de type 2 avec une alternance d’hypomanie et d’épisodes de dépressions légères. •Les troubles thymiques à caractères saisonniers : 126 Le pic saisonnier de ces troubles dépressifs serait en septembre-octobre et ils seraient associés à une hypersomnie avec hyperphagie. 4.Principales notions d’épidémiologie et facteurs de vulnérabilité aux troubles bipolaires de l’humeur : La prévalence en population générale du trouble bipolaire de type 1 est estimée à 1 %. Les hypomanies toucheraient 4 à 6 % de la population. L’âge moyen de début du trouble se situe entre 15 et 30 ans. Des débuts tardifs ou, au contraire, précoces dans l’enfance (dès 5 ans) sont cependant décrits. Le modèle physiopathologique le plus couramment admis est celui d’un modèle multifactoriel et polygénique à effet de seuil. Les expositions répétées au stress engendreraient au niveau du système nerveux central une baisse du seuil de réactivité aux stress ultérieurs, aboutissant à terme à une véritable autonomisation du trouble bipolaire, les accès survenant ensuite sans facteur déclenchant (hypothèse du « kindling » ou embrasement). 5.Choix et efficacité des régulateurs de l’humeur dans les troubles bipolaires : Voir également Module 11 question 177. Ils sont prescrits au long cours après au moins deux épisodes maniaques, sauf si le premier est très sévère ou s'il existe des antécédents familiaux au premier degré de trouble bipolaire. Dans un tiers des cas, l'adjonction de neuroleptiques antipsychotiques (notamment dans le trouble schizo-affectif) ou d'antidépresseurs sera nécessaire pour obtenir une bonne prévention. Lorsque les dépressions sont répétées en l'absence d'épisodes maniaques, les antidépresseurs peuvent être maintenus au long cours au delà du deuxième ou troisième épisode, en association ou non avec un thymorégulateur. L'interruption du traitement ne peut être envisagée raisonnablement qu'après une période de stabilisation parfaite de la maladie d'au moins 2 ans et sera réalisée progressivement sous stricte surveillance médicale pour éviter une hypomanie de sevrage. En pratique, plusieurs molécules thymorégulatrices peuvent être utilisées : le lithium (70% d’efficacité sur la prévention des rechutes maniaques, et 30% sur celle des rechutes mélancoliques), et en deuxième intention, la carbamazépine (Tégrétol®), le valpromide (Dépamide®) et le divalproate de sodium (Dépakote®). Soulignons enfin que l'olanzapine (neuroleptique atypique) a l'indication dans la prévention des rechutes du trouble bipolaire I. Pour plus de détails concernant les effets indésirables, les signes de surdosage, la conduite à tenir en matière d’instauration et de surveillance, se reporter à la question 177 du module 11. 6.L’abord psychoéducatif des troubles bipolaires : 6.1.Connaissance de sa maladie : Il est souhaitable que le patient soit parfaitement informé des symptômes du trouble bipolaire, des signes et facteurs de rechutes, de l’évolution sans et avec traitement et des effets indésirables et modalités de surveillance des traitements, afin de saisir l’importance de la prise d’un thymorégulateur au long cours et ainsi de favoriser l’observance et l’alliance thérapeutique face à cette maladie chronique. 6.2.Facteurs d’environnement à respecter : Quelques règles d’hygiène de vie simples sont à respecter pour limiter les décompensations (aucune consommation de drogues et de psychostimulants, essayer de maintenir un rythme de sommeil régulier, limiter les décalages horaires, planification de l’emploi du temps pour réduire les stress et les changements brusques des rythmes de vie…). 7.Place des psychothérapies dans la prise en charge des troubles bipolaires : Les thérapies cognitivo-comportementales : Elles peuvent aider les patients à gérer leur stress par des techniques de relaxation. Elles permettent également au patient de repérer des systèmes de pensée qui peuvent le rendre vulnérable et contribuer aux rechutes (mauvaise estime de soi, pensées négatives, déni des troubles…) Les psychothérapies familiales : Le but de ces psychothérapies est de travailler sur le milieu de vie du patient. Elles peuvent être proposées quand l’entourage a été marqué par les rechutes et vise à renforcer l’équilibre au sein de la famille. La psychanalyse et les psychothérapies d’inspiration analytique : Ce type de psychothérapie n’a pas d’effet curatif sur les troubles bipolaires. Elles peuvent cependant être indiquées lorsque les conflits inconscients génèrent une angoisse ou des symptômes qui précipitent les décompensations du trouble bipolaire. 127 Deuxième partie : Maladies et grands syndromes Question 286 – TROUBLES DE LA PERSONNALITE Rédaction : O Gales, JD Guelfi, F Bayle, P Hardy Résumé : O. Maïza et P. Delamillieure Objectifs généraux : Diagnostiquer un trouble de la personnalité et apprécier son retentissement sur la vie sociale du sujet Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Objectifs spécifiques : Connaître les grands traits de caractère des principales personnalités pathologiques (hystérique, évitante, limite, antisociale, paranoïaque…) Identifier les principales modalités évolutives des personnalités pathologiques Savoir que les troubles de la personnalité peuvent être associés aux autres troubles psychiatriques. I. Introduction Définition : la personnalité est le résultat de l’intégration dynamique de composantes cognitives, pulsionnelles et émotionnelles. L’agencement de ces différents de facteurs constitue des traits de personnalité qui caractérisent les modalités relationnelles de la personne, sa façon de percevoir le monde et de se penser dans don environnement. La personnalité est stable dans le temps et unique. La personnalité ne devient pathologique que lorsqu’elle se rigidifie, entraînant des réponses inadaptées, source d’une souffrance ressentie par le sujet ou d’une altération significative du fonctionnement social. Il existe une association fréquente entre pathologie psychiatrique et troubles de la personnalité qui en sont des facteurs aggravants. Les troubles de la personnalité se distinguent des symptômes des différentes pathologies psychiatriques par le fait qu’ils apparaissent classiquement à la fin de l’adolescence, qu’ils sont stables et durables dans le temps et qu’ils sont indépendants des situations auxquelles se trouve confronté le sujet. II. Les différentes personnalités pathologiques II.1.Personnalité paranoïaque Epidémiologie : - 0,5 à 2,5% de la population générale Description clinique : -Hypertrophie du moi : tendance à surévaluer sa propre importance avec perpétuelle référence à soi-même. -Méfiance : ocaractère soupçonneux avec tendance à déformer les événements en interprétant les actions d’autrui comme hostiles ou méprisantes odoutes répétés et injustifiés sur la fidélité du conjoint -Psychorigidité : oSens tenace et combatif de ses propres droits oRefus de pardonner les préjudices, tendance rancunière tenace. Evolution -Isolement social assez fréquent -Risque d’épisodes psychotiques brefs ou installation d’un délire paranoïaque Diagnostic différentiel -Délire paranoïaque constitué. II.2.Personnalité schizoïde Epidémiologie : 128 Hommes > femmes Description clinique : - froideur, détachement ou émoussement affectif - isolement social, peu d’intérêt pour les relations amicales, peu d’intérêt pour les relations sexuelles. - préoccupation excessive pour le monde intérieur Evolution Peu de tendance à l’évolution Diagnostic différentiel -Schizophrénie, syndrome d’Asperger -Personnalité schizotypique, personnalité évitante II.3.Personnalité schizotypique Epidémiologie 3% de la population générale Description clinique -croyances bizarres sans lien avec le groupe culturel de référence. -Perceptions corporelles inhabituelles -Idées de référence -Comportement excentrique -Vie affective pauvre Evolution Mode d’entrée dans la schizophrénie ou forme mineure de cette pathologie. Diagnostic différentiel -Schizophrénie -Personnalité schizoïde, personnalité borderline. II.4. Personnalité dyssociale (ou antisociale ou psychopathique) Epidémiologie -3% des hommes, 1% des femmes Description clinique -Indifférence aux sentiments d’autrui, tendance à blesser autrui. -Incapacité à maintenir des relations durables. -Mépris des normes et des règles sociales -Intolérance à la frustration, impulsivité -Absence de culpabilité. Evolution Biographie chaotique, actes médico-légaux, incarcérations… Amélioration en seconde moitié de vie. - Complications psychiatriques : abus de substance, suicide. Diagnostic différentiel - Héboïdophrénie - Personnalité borderline, schizoïde, histrionique - Délinquance simple (inséré dans son groupe social). II.5.Personnalité borderline (ou personnalité limite) Epidémiologie 2% de la population générale Description clinique -Polymorphisme important des manifestations cliniques. -Instabilité émotionnelle et manque de contrôle des impulsions. -Perturbation de l’image de soi. 129 -Incertitude concernant les objectifs, les préférences, les choix, les valeurs. -Sentiment envahissant de vide. Evolution -Addiction, conduites à risques, actes médico-légaux -Dépression, tentatives de suicide. -Attaque de panique avec déréalisation, épisodes hallucinatoires brefs. Diagnostic différentiel. -Trouble de l’humeur sans trouble de personnalité associé. -Autres troubles de la personnalité. II.6.Personnalité obsessionnelle- compulsive ou anankastique Epidémiologie 1% de la population générale Description clinique -Indécision, doute et prudence excessive -Rigidité et entêtement -Perfectionnisme, scrupulosité, méticulosité extrême aux dépens de son propre plaisir et des relations inter personnelles -Attitude excessivement conformiste Evolution -Personnalité stable, peu d’évolution -Complications dépressives, hypochondriaques, anxieuses, symptômes obsessionnels Diagnostic différentiel -Trouble obsessionnel (présence d’idées obsédantes et de compulsion) -Personnalité psychotique (paranoïaque ou schizoïde) II.7. Personnalité évitante Description clinique : -Perception de soi comme socialement incompétent. -Préoccupation excessive par la crainte d’être critiqué, rejeté. -Evitement des relations sociales ou professionnelles impliquant des relations avec autrui. II.8. Personnalité dépendante Description clinique : -Encourager autrui à prendre des décisions à sa place -Capacité réduite à prendre des décisions sans être rassuré ou conseillé de manière excessive par autrui. -Sentiment d’incapacité à se prendre en charge seul -Préoccupation par la peur d’être abandonné. II.9. Les troubles mixtes de la personnalité : Association à des degrés divers de traits appartenant à différents troubles de la personnalité. Concernent de nombreux sujets. III. Troubles de la personnalité et pathologies psychiatriques III.1. Les troubles de la personnalité appartiennent-ils au même continuum que les pathologies psychiatrique ? Pas de relation systématique entre pathologies mentales et troubles psychiatriques : par exemple, un trouble obsessionnel compulsif peut survenir en l’absence de trouble de la personnalité ou sur des troubles de personnalité autres qu’obsessionnel. Cependant, il peut-être difficile de faire la distinction entre certains troubles de la personnalité et certaines pathologies : par exemple, différence entre personnalité évitante et phobie sociale. Certains troubles de la personnalité sont considérées comme des formes a minima d’une pathologie, notamment la personnalité schizotypique appartenant au spectre de la schizophrénie. III.2. Les pathologies psychiatriques ont-elles un impact sur la personnalité ? 130 Toute pathologie sévère et durable (organique ou psychiatrique) est susceptible d’entraîner un remaniement de la personnalité. D’où la difficulté à diagnostiquer un trouble de la personnalité au cours d’un épisode pathologique. Il convient de se référer à la situation prémorbide (interrogatoire de l’entourage) et de réévaluer la personnalité au décours de l’épisode. III.3. Certains troubles de la personnalité (ou certains traits de personnalité) sont-ils des facteurs de risques pour certains troubles mentaux ? - Personnalités borderline et psychopathiques : risque élevé de conduites addictives et suicidaires. - Personnalité borderline et histrionique : risque élevé d’anxiété et de dépression. - Personnalité paranoïaque : risque de délire chronique paranoïaque - Personnalités schizoïde : risque de schizophrénie. III.4. Les troubles de la personnalité interfèrent-ils avec les troubles mentaux ? - Interférence au niveau sémiologique : •Les traits de personnalité peuvent être amplifiés par le trouble de l’humeur. •Dépressions associées à une personnalité histrionique caractérisées par une hyperexpressivité, une dysphorie anxieuse, une hypersensibilité au rejet, une réactivité aux événements extérieurs. - Interférence au niveau du pronostic : •Les troubles de la personnalité sont un facteur de mauvais pronostic des pathologies psychiatriques, notamment des épisodes dépressifs. 131 Deuxième partie : Maladies et grands syndromes Question 289 – TROUBLES SOMATOFORMES Rédaction : M. Ferreri – Fl. Ferreri – C. Agbokou – M. Lejoyeux Résumé : R. Gaillard et F. Baylé Objectif général : Diagnostiquer un trouble somatoforme Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient Le trouble psychomatique est un trouble somatique dont la dimension psychologique est déterminante dans sa survenue et dans son évolution. Dans la définition la plus stricte, il s’agit d’une maladie comportant une altération organique. Une définition plus large inclut certains troubles dits fonctionnels tels que les conversions, les somatisations, les douleurs et le stress. Les conceptions du trouble psychosomatique s’inspirent de deux écoles de pensée. •L’école psychanalytique met en avant le rôle prévalant de l’inconscient dans le déterminisme des manifestations corporelles. •L’école cognitivo-comportementale fait jouer un rôle majeur à l’apprentissage et aux croyances. Au sein de la tradition psychanalytique, l’Ecole de Paris (Fain, Marty, de Muzan) a développé le concept de « pensée opératoire », correspondant à un discours factuel, une difficulté à mobiliser et exprimer ses affects et à élaborer les conflits, et une vie fantasmatique pauvre. Ce concept de pensée opératoire est proche de celui d’alexithymie (Sifneos) : littéralement l’incapacité à lire ses émotions. L’individu éprouve de la gêne à ressentir ou à parler de ses états affectifs. Sa vie imaginaire est limitée. Dans ses propos, les énoncés factuels et la description « sèche » des symptômes prédominent. Les passages à l’acte sont fréquemment utilisés pour tenter de résoudre les conflits. La notion d’événements de vie Ce concept d’événement de vie qualifie l’impact d’événements stressants obligeant à un effort d’adaptation pour recouvrer l’équilibre antérieur. Selon le degré d’impact, on distingue : •les événements majeurs, pouvant entraîner un traumatisme •les événements mineurs représentés par les soucis, les tracas de la vie quotidienne, dont l’effet cumulatif peut entraîner une situation de stress et un trouble psychosomatique. Selon le moment, on distingue : •les événements anciens ou précoces : apparaissant tôt dans la vie de l’enfant, ils sont repérés comme traumatisants lorsqu’ils comportent une perte, un éloignement ou un décès de l’un des parents, en particulier de la mère. Ils peuvent aboutir à une vulnérabilité qui se manifeste surtout chez l’adulte par des états dépressifs lors de situations de stress (rupture sentimentale, licenciement…) •les événements récents : ils peuvent précipiter la survenue d’un trouble psychosomatique. Exemples cliniques de troubles psychosomatiques Les troubles psychosomatiques sont étudiés dans chaque spécialité médicale. De nombreuses pathologies apparaissent comme liées aux frustrations, aux traumatismes et aux conflits. Les pathologies les plus souvent impliquées sont : l’asthme en pneumologie, les eczémas en dermatologie, les colopathies en gastroentérologie, l’aggravation des coronaropathies en cardiologie, les céphalées en neurologie, les coliques idiopathiques en pédiatrie. Chaque patient souffrant de trouble psychosomatique nécessite un abord particulier pour inscrire sa pathologie dans sa propre histoire, déterminer les principaux mécanismes et les facteurs déclenchants afin de proposer les indications thérapeutiques appropriées. Le stress Le stress est, pour certains auteurs, considéré comme faisant ou non partie des troubles psychosomatiques. La réaction de stress est la réponse à une sollicitation de l’environnement. Le stress normal ne dépasse pas les possibilités adaptatives du sujet. Il peut dans certains cas améliorer les 132 performances. Le stress pathologique correspond à une rupture d’équilibre entre le sujet et son milieu, aboutissant à une désadaptation. Trois phases sont classiquement décrites : La phase d’alerte est dominée par l’hypervigilance : •stimulation des processus intellectuels et physiologiques (notamment cardiovasculaires), par la sécrétion de noradrénaline et d’adrénaline •activation du comportement, notamment l’anticipation de l’action et l’élaboration d’une stratégie de réponse La phase de lutte Elle correspond à l’adaptation de la stratégie de réponse pour recouvrer un nouvel équilibre avec l’environnement. Le système hypothalamo-hypophyso-cortico-surrénalien prend le relais de la réponse précédente. La phase de rupture Elle correspond à une phase de désorganisation avec désadaptation du sujet à son milieu. Les capacités adaptatives sont débordées, tant dans les registres physiques que psychiques. Les troubles somatoformes au sens de la classification américaine du DSM-IV Les troubles somatoformes ne sont pas à proprement parler des troubles psychosomatiques. Ils sont cependant caractérisés par la coexistence de manifestations physiques et de symptômes psychologiques. Dans tous les cas, les symptômes ne sont pas feints volontairement. Trouble somatisation Les critères du trouble somatisation sont les suivants : •Des symptômes douloureux touchant au moins quatre locations ou fonctions du corps (par exemple la tête, le dos, les articulations, les extrémités, la poitrine, le rectum, les règles, les rapports sexuels, la miction). •Des symptômes gastro-intestinaux autres que des douleurs (par exemple ballonnements, vomissements en dehors de la grossesse, diarrhée ou intolérance à plusieurs aliments différents). •Des symptômes sexuels (par exemple, désintérêt sexuel, anomalie de l’érection ou de l’éjaculation, règles irrégulières, règles excessives, vomissements tout au long de la grossesse). •Des symptômes pseudo-neurologiques (par exemple trouble de la coordination ou de l'équilibre, paralysie ou faiblesse musculaire localisée, difficultés de déglutition ou boule dans la gorge, aphonie, rétention urinaire, perte de la sensibilité tactile ou douloureuse, diplopie, cécité, surdité ou crises pseudoépileptiques). Le trouble conversion Le DSM limite la notion de conversion : •aux déficits moteurs (par exemple trouble de la coordination ou de l’équilibre, paralysie ou faiblesse musculaire), •aux déficits sensitifs ou sensoriels (par exemple perte de sensibilité tactile, diplopie ou cécité), •aux crises d’allure épileptique ou convulsions L’hypocondrie L’hypocondrie se définit par la préoccupation centrée sur la crainte ou l’idée d’être atteint d’une maladie grave fondée sur l’interprétation erronée par le sujet de symptômes physiques. Cette préoccupation persiste malgré un bilan médical approprié et rassurant. Le plus souvent, l’hypocondriaque reconnaît que sa préoccupation est excessive ou déraisonnable. Elle n’a pas la tonalité d’un délire. Conclusion Les troubles psychosomatiques classiques sont des affections somatiques dont le déterminisme est principalement en rapport avec des troubles psychologiques. Parallèlement aux manifestations psychosomatiques classiques, existent de nombreuses entités « frontières » entre les phénomènes somatiques et psychiques. En pratique, l’approche thérapeutique devra exclure une étiologie somatique 133 avant de prendre en charge la dimension psychopathologique par une psychothérapie. La recherche d’une dépression, d’un trouble anxieux ou d’une dépendance à l’alcool fera elle aussi partie de l’évaluation psychiatrique de ces troubles. 134