Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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Réchauffement climatique et perte de biodiversité végétale: quelles
conséquences sur les bactéries du sol?
13/02/09
Acteurs de l'ombre, les micro-organismes du sol sont indispensables au bon déroulement du cycle de l'azote.
Monique Carnol et Sandrine Malchair se sont penchées sur les bactéries responsables d'un processus de
ce cycle. Leur objectif ? Tenter de déterminer si le réchauffement climatique et la perte de diversité végétale
influencent la diversité et l'activité de ces micro-organismes.
Rares sont les jours les médias ne traitent pas du réchauffement climatique et ne relatent pas les nouvelles
constatations alarmantes des scientifiques. Mais si les conséquences du réchauffement global à la surface de
notre planète et dans l'air sont de mieux en mieux connues, qu'en est-il sous terre ?
De taille microscopique, invisibles à l'œil nu, les micro-organismes du sol ont néanmoins un très grand
rôle à jouer. Il y en aurait autant dans deux poignées de terre que d'êtres humains en Amériques du
Nord. Ces bactéries, champignons et autres micro-organismes sont des acteurs incontournables des cycles
biogéochimiques, notamment parce qu'ils transforment la matière organique en matière minérale, assimilable
par les végétaux. Si les scientifiques se sont souvent penchés sur ces processus de transport et de
transformation du carbone, de l'azote, de l'eau et de bien d'autres éléments de façon globale, peu d'entre eux
en ont exploré les coulisses.
Sandrine Malchair et Monique Carnol du Laboratoire d'écologie végétale et microbienne de l'Université
de Liège s'appliquent depuis 3 ans à mieux connaître les acteurs de l'ombre du cycle de l'azote. Plus
précisément, la doctorante et sa promotrice de thèse tentent de déterminer si le réchauffement climatique et
la perte de diversité végétale auraient un impact sur l'activité et la diversité des bactéries d'un des processus
intervenant dans le cycle de l'azote. «Les micro-organismes sont responsables de la décomposition de la
matière, c'est-à-dire de la transformation de la matière organique en matière minérale assimilable par les
plantes», explique Monique Carnol. «Jusqu'ici, le monde scientifique s'est surtout penché sur l'étude des
composants chimiques et peu sur les bactéries elles-mêmes car l'étude de celles-ci, par leur culture en
laboratoire, n'était pas évidente. Aujourd'hui, les techniques moléculaires ont évolué et permettent d'étudier
ces bactéries via leur ADN, extrait directement à partir du sol, sans passer par la culture», poursuit-t-elle.
Le cycle de l'azote comporte plusieurs processus. Parmi eux : la nitrification. Au cours de cette étape du
cycle, l'ammoniac est transformé en nitrites (NO2-), puis en nitrates (NO3-) grâce à l'intervention de bactéries
présentes dans le sol (voir schéma ci-dessous). Une fois la nitrification accomplie, les végétaux sont alors
capables d'absorber via leurs racines les ions NO3- et ils les incorporent dans les acides aminés et les
protéines, notamment.
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«Nous nous sommes focalisées sur les bactéries intervenant lors de la première étape de la nitrification :
les bactéries oxydant l'ammoniac (NH3), appelées AOB. Celles-ci se chargent de transformer l'ammoniac en
nitrites (NO2-) et leur action est déterminante pour la production finale de nitrates», indique Sandrine Malchair.
Trois degrés de plus
Dans le cadre de sa thèse, cette jeune chercheuse collabore avec l'Université d'Anvers (UIA) et l'Université
Catholique de Leuven (KULeuven). Elle a ainsi pu bénéficier pour ses expériences de la plateforme
expérimentale installée sur le campus Drie Eiken de l'UIA. Cette dernière compte 12 chambres exposées à la
lumière naturelle parmi lesquelles six, non chauffées, sont à température ambiante et six autres, chauffées,
atteignent une température de 3 degrés au dessus de la température ambiante. Soit l'équivalent de la hausse
de température prédite par les experts du réchauffement climatique.
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A l'intérieur de chacune de ces chambres, les scientifiques ont reproduit des écosystèmes modèles de prairie
contenant neuf, trois ou une espèce de plantes; représentant une 'richesse spécifique' décroissante.
Grâce à ce dispositif, Sandrine Malchair a donc pu simuler un réchauffement climatique ainsi que trois niveaux
de biodiversité végétale. Après 4 et 16 mois d'expérimentation, la chercheuse a alors récolté des tranches de
sol des différents milieux afin de découvrir quelles espèces d'AOB étaient présentes et quelle était la production
en nitrates de ces communautés bactériennes.
Pour ce faire, la doctorante a utilisé la technique de l'extraction d'ADN à partir du sol. Celle-ci consiste à
détruire les membranes cellulaires des bactéries à l'aide de diverses solutions afin d'en libérer leur ADN. Une
fois ces fragments de génomes récupérés, Sandrine Malchair a procédé à la réplication ciblée des morceaux
d'ADN des AOB grâce à une technique appelée Polymerase Chain Reaction (PCR). Celle-ci permet d'obtenir
d'importantes quantités d'un fragment d'ADN spécifique et de longueur définie.
Ensuite, afin de déterminer le nombre d'espèces d'AOB présentes dans l'échantillon de terre, la chercheuse a
placé les morceaux d'ADN sur un gel d'électrophorèse en gradient dénaturant (DGGE) permettant de séparer
les molécules de même taille. Le nombre de bandes obtenues reflétait alors la richesse spécifique en AOB
de l'échantillon. Le séquençage de ces bandes (détermination de la composition en bases de ces fragments
d'ADN) permet également de déterminer l'identité des AOB présentes.
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L'évaluation de la production de nitrates par les bactéries oxydant l'ammoniac était quant à elle mesurée par
incubation de l'échantillon de terre dans l'obscurité durant 30h, à 25°C et en présence d'un excès de substrat.
La production potentielle de nitrate représentait l'activité des AOBs au moment de l'échantillonnage.
Pas d'effet sur la production de nitrate
Les résultats de ces analyses, bien que préliminaires, révèlent certaines tendances. Tout d'abord, dans ce
contexte d'expérimentation, la hausse de 3°C simulant un réchauffement climatique ne semble pas avoir d'effet
sur la diversité des AOB dans le sol, ni sur la production de nitrates. Par contre, les scientifiques ont observé
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des communautés d'AOB différentes dans le sol des écosystèmes à une, trois ou neuf espèces de plantes. La
diversité végétale d'un écosystème aurait donc une influence sur la présence d'espèces de micro-organismes.
Enfin, «En ce qui concerne le lien entre la diversité des bactéries et la production de nitrates, celui-ci n'est
pas encore très clair. Nous avons observé dans certains cas une relation inverse entre le nombre d'espèces
de bactéries oxydant l'ammoniac présentes dans le sol et la production de nitrates. Mais il est trop tôt pour
tirer des conclusions», affirme Sandrine Malchair. «Il est cependant intéressant de remettre en cause l'idée
fréquemment reçue selon laquelle plus un écosystème est (bio)diversifié, mieux il fonctionne», continue la
chercheuse de l'ULg.
L'hypothèse de base émise par les chercheurs au commencement de cette étude, à savoir : « une plus grande
diversité végétale entraînerait une plus grande diversité de AOB et donc une plus grande production de nitrates
» serait donc trop élémentaire. «Cette étude entrouvre une porte pour essayer de voir « qui est là » en termes
de bactéries oxydant l'ammoniac et de comprendre quels sont les facteurs qui influencent leur diversité et/ou
leur productivité», poursuit Monique Carnol.
Un deuxième volet de recherches de Sandrine Malchair consiste en l'étude des écosystèmes forestiers. La
doctorante travaille également à l'étude des liens potentiels entre les espèces d'arbres et les communautés
de bactéries oxydant l'ammoniac présentes dans le sol des forêts.
Cette recherche a été partiellement financée par le FWO (Fonds Wetenschappelijk Onderzoek - Vlaanderen) le 'Fonds de la recherche scientifique' (FNRS)
et l'Université de Liège (Fonds Spécial de la Recherche). Elle s'est effectuée en collaboration avec Hans J. De Boeck, Catherine M.H.M. Lemmens, Reinhart
Ceulemans et Ivan Nijs (Research Group of Plant and Vegetation Ecology, Department of Biology, Universiteit Antwerpen; http://webhost.ua.ac.be/pleco) et
Roel Merckx (Division Soil and Water Management, Faculty of Bioscience Engineering, Katholieke Universiteit Leuven).
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