ÉVÈNEMENT
2Santé-MAG N°16 - Mars 2013
La sclérose en plaques (SEP) est une
maladie inflammatoire, qui touche le
système nerveux central (le cerveau,
les nerfs optiques et la moelle épinière).
Cette maladie altère la transmission
des influx nerveux et se manifeste
par des symptômes très variables,
entre autres: engourdissement
d'un membre, troubles de la vision,
sensations de décharge électrique
dans un membre ou dans le dos,
troubles des mouvements. La SEP
évolue par poussées qui, au bout de
quelques années, laissent des séquelles
pouvant devenir très invalidantes.
Cette maladie auto-immune chronique,
décrite, pour la première fois, en
1868, par le neurologue français,
Jean-Martin Charcot, est causée par
un ensemble de facteurs génétiques
et environnementaux. Fait, encore,
inexpliqué : il ya 2 fois plus de femmes
que d'hommes, atteints par cette
maladie.
Entretien réalisé par Tanina Ait
Santé mag: Pouvez-vous, Professeur,
nous expliquer ce qu’est la "sclérose en
plaques" ?
Pr. N. Touba: La sclérose en plaques
(SEP) est une maladie chronique,
inflammatoire et démyélinisante du
système nerveux central (SNC), qui
affecte, donc, le cerveau, la moelle
épinière et les nerfs optiques. La SEP
est une maladie de l’adulte jeune,
qui apparaît, généralement, entre
20 et 30 ans et dont l’évolution est
très variable.
Cette maladie auto-
immunitaire, s'accompagne de lésions
inflammatoires, disséminées au niveau
du SNC, qui sont responsables de
dysfonctionnements neurologiques.
La
lésion caractéristique de la SEP est
l’atteinte des gaines de myéline, qui
entourent les axones des neurones. La
myéline est cette gaine qui protège les
fibres nerveuses (axones). Il existe une
réaction inflammatoire, qui attaque
la myéline, aussi bien au niveau du
cerveau qu’au niveau de la moelle
épinière. Cette inflammation entraîne
une interruption de la conduction de
l’influx nerveux au sein des axones;
ce qui explique la symptomatologie.
Le terme de “plaques” représente
les lésions de SEP, observées au
niveau du cerveau ou de la moelle,
qui apparaissent comme des zones
brunâtres.
Quelles sont les causes de cette
pathologie ?
Les causes, exactes, de la SEP restent
inconnues, à ce jour. Le déclenchement
de la maladie est, probablement,
induit, à la fois, par des facteurs
génétiques propres à chaque individu,
des facteurs environnementaux et
des facteurs infectieux, notamment
viraux. La SEP est, donc, une maladie
d’origine “multifactorielle”.
Peut-elle, aussi, être héréditaire ?
La SEP n'est pas une maladie
héréditaire et elle ne se transmet pas
à la descendance, même si, dans 5 %
à 10 % des cas, plusieurs membres
d’une même famille sont atteints. Il
n’y a pas de conseil génétique à faire
dans cette maladie; Il existe juste une
susceptibilité, d’origine génétique :
la famille d’un malade a, ainsi, plus
de risques d’être touchée que la
population générale.
On avance la notion de gènes de
susceptibilité, qui reposent sur la liaison
entre SEP et système HLA (complexe
majeur d'histocompatibilité). Les
patients, atteints de SEP, ont une
surreprésentation (une présentation
excessive, par rapport aux témoins
comparables) des allèles A3, B7 et
DRW15. Combien même la présence de
certains allèles du système HLA serait
associée à une susceptibilité plus
grande de la SEP, il n’en demeure pas
moins que le facteur génétique n’est,
certainement, pas seul. Plusieurs
membres d’une même famille peuvent
être touchés car ils partagent, en
général, le même environnement. La
susceptibilité héréditaire et l'influence
environnementale jouent un rôle
certain, mais laquelle des deux est la
plus importante ?
Les études, menées sur les enfants
adoptés et les demi-frères et sœurs,
laissent entrevoir que les facteurs
génétiques sont plus importants que
l'influence de l'environnement. Par
ailleurs, des études de migration de
populations ont montré que, lorsqu’un
sujet émigrait, d’un pays d’origine
La sclérose en plaque
affecte, environ, 2.5 millions
de personnes dans le monde
Pr. Nadia Touba,
chef de service de neurologie, CHU de Annaba, à Santé Mag
Pr. N. Touba
ÉVÈNEMENT
3
Santé-MAG
N°16 - Mars 2013
vers un pays d’accueil, avant l’âge
adolescent, il avait le risque d’avoir
une SEP du pays d’accueil. Mais,
lorsqu’il émigrait, après l’adolescence,
il gardait le risque d’avoir une SEP
de son pays d’origine. Ces données
suggèrent que la maladie est
déterminée, non seulement par des
facteurs endogènes (génétiques),
mais aussi, par des facteurs exogènes,
dépendant de l’environnement.
Quels sont les premiers signes ?
Les signes et symptômes de la SEP
sont variables d'un individu à l'autre.
Les manifestations cliniques initiales
sont variées; plus souvent, mono-
symptomatiques (60 %).
Signes moteurs: sensation de
faiblesse musculaire, qui peut toucher
un membre (monoparésie), ou les 2
membres inferieurs (paraparésie)
ou, plus rarement, la moitié du corps
(hémiparésie).Elle peut être associée
à une raideur musculaire (spasticité).
Névrite optique rétrobulbaire: La
névrite optique rétrobulbaire (NORB)
révèle la maladie, dans un tiers des
cas : baisse de l'acuité visuelle, sur
quelques heures, associée à une
douleur périorbitaire, dans 80 % des
cas, favorisée par la mobilisation des
globes oculaires. Un scotome et une
dyschromatopsie rouge-vert sont,
souvent, retrouvés. Le fond d'œil est
normal au début mais, dans 10 %
des cas, il est le siège d'un œdème
papillaire. Une décoloration de la
papille peut être observée, dans les
semaines qui suivent l'épisode aigu.
La récupération de la fonction visuelle
est complète, dans 80 % des cas, en 6
mois.
Troubles sensitifs: Les premières
manifestations de la maladie, dans
20 % des cas, se manifestant par des
picotements, des fourmillements,
des sensations d'hypoesthésie ou
même d'anesthésie, des douleurs,
des décharges électriques, des
sensations de striction ou d'étau, de
ruissellement, de chaud, de froid,
d’impression de marcher sur une
éponge et de sensation de peau
cartonnée.
Autres signes: Syndrome cérébelleux
(trouble de l’équilibre, démarche
ébrieuse), atteintes des nerfs crâniens,
troubles sphinctériens, fatigue
fluctuante, troubles cognitifs portant
sur la concentration, la capacité
à traiter plusieurs informations,
simultanément …
Comment la diagnostiquer ?
Le diagnostic de SEP se fait sur
l’interrogatoire (description des
symptômes et histoire de la maladie),
l’examen neurologique et certains
examens complémentaires qui sont :
L’imagerie par résonance magnétique
(IRM), qui permet de voir les plaques
(on parle d’hyper-signaux) au niveau
du système nerveux central et de suivre
leur évolution, dans le temps.
La ponction lombaire, qui confirme
les signes inflammatoires du liquide
céphalo-rachidien .Cet examen est
important, car il contribue à poser
le diagnostic de SEP, mais aussi, à
écarter tout diagnostic différentiel.
Les potentiels évoqués, visuels, sont
les PE les plus fréquemment mesurés.
Ils enregistrent l'activité du nerf optique,
en mesurant le temps nécessaire, pour
que le cerveau reçoive et interprète les
images.
On dit qu’elle est, plutôt, répandue chez
la femme que chez l’homme. Y a-t-il une
explication à cela?
En effet, la SEP semble toucher de plus
en plus de femmes- le sexe ratio ayant
doublé en 60 ans- avec, en 2000, quatre
femmes atteintes pour un homme,
selon une étude américaine, présentée
au congrès de l'American Academy of
Neurology (AAN) à Boston. Nous ne
savons pas, encore, pourquoi plus de
femmes que d'hommes développent
une SEP (rôle des facteurs hormonaux?)
Dispose-t-on des traitements, pour
ralentir l'évolution de la maladie ?
Oui, il s’agit des interférons bêta .Nous
en disposons, en Algérie, bien que
leur prix soit très élevé .Ces immuno-
modulateurs (interférons bêta 1 a
et depuis peu, bêta 1 b) diminuent
le nombre de poussées d’environ
30 % et ralentissent, de ce fait, la
progression du handicap à 2 ou 4 ans;
mais, ils ne sont indiqués que chez
les patients dont la SEP évolue par
poussées (formes rémittentes).Ce
sont des formes injectables; soit en
injection sous cutanée, soit en injection
intramusculaire.
A. IRM en séquence T1:
"trous noirs" dans la subs-
tance blanche.
B. IRM en séquence FLAIR:
hyper-signaux à prédomi-
nance péri-ventriculaire.
C. IRM en séquence T1 avec
injection de gadolinium:
lésions péri-ventriculaires.
D. IRM en séquence T2:
hyper-signaux à prédomi-
nance péri-ventriculaire.
E. IRM en séquence FLAIR
chez un patient ayant une
maladie évoluée: hyper-
signaux confluents de la
substance blanche, associés
à une atrophie corticale.
Ponction lombaire Potentiels Evoqués
Imagerie médullaire dans la sclérose
en plaques. IRM en séquence T2.
Imagerie cérébrale
dans la sclérose en plaques
IRM
ÉVÈNEMENT
4Santé-MAG N°16 - Mars 2013
En ce qui concerne les formes
agressives, c’est-à-dire, ces patients
qui ne répondent pas à un traitement,
complet et bien conduit, par interféron
bêta, d’une durée d’au moins un an, nous
avons des difficultés à les traiter, car les
médicaments indiqués, par exemple
le natalizumab (un anticorps monoclonal
humanisé, proposé en monothérapie,
dans les formes très actives de SEP,
avec alternance de poussées et de
rémissions, avec réduction de près de
68 % de la fréquence des poussées et
ralentissement, de l’ordre de 42 à 54%,
de l’évolution vers le handicap), est
fourni à certains CHU d’Algérie et pas
à d’autres: notre commande auprès
de la pharmacie du CHU d’Annaba
traîne depuis plus d’une année, sans
explication aucune.
D’autres molécules, fort intéressantes,
n’ont pas, encore, obtenu lAMM
(autorisation de mise en marché) dans
notre pays, alors qu’elles ont montré,
ailleurs, leur efficacité (ex: Fingolimod,
en gélules).
Quelle est la prévalence de la sclérose
en plaques, en Algérie ?
LAlgérie est une zone de moyenne
prévalence et la répartition de la SEP
n’est pas uniforme, dans le monde. Le
nombre de patients atteints est d'autant
plus élevé que le pays considéré est
éloigné de l'équateur. Trois zones sont,
ainsi, identifiées :
La prévalence d'une maladie s'exprime,
généralement, par le nombre de
personnes atteintes, par 100.000
habitants, à une date fixée. L'incidence,
annuelle, d'une maladie est le nombre
de nouveaux cas observés, par an.
La prévalence de la SEP varie
beaucoup, en fonction de la distribution
géographique. Trois zones de fréquences
sont définies : la zone de haute
fréquence (> 30/100000 Habitants), la
zone de fréquence moyenne (entre 5 et
29/100000) et la zone de faible fréquence
(< 5/100000) (Kurtzke 2000).
LAfrique du nord (et par conséquent le
Maghreb) est considérée comme une
zone de moyenne fréquence.
La prévalence varie entre 3.3 et 21 par
100,000 habitants, dans le Maghreb (Riad
Gouider et al). La prévalence exacte,
en Algérie, est en étude actuellement;
mais, nous pensons qu’elle se confond
avec celle du Maghreb. Le nombre de
cas de sclérose en plaques, en Algérie
est estimé entre 7 500 et 15 000. Les
neurologues rapportent 30 nouveaux
cas, par service de neurologie et par an,
en Algérie
Il y a des régions plus touchées que
d’autres. Pourquoi cette différence
géographique?
La carte, mondiale, de la prévalence
de la sclérose en plaques indique que
celle-ci est plus fréquente dans les pays
à climat tempéré que dans les pays
tropicaux (autrement dit, la sclérose en
plaques est d'autant plus fréquente que
l'on s'éloigne de l'équateur).
Dans l'Europe du nord et l'Amérique
du nord, notamment en Scandinavie et
en Écosse, ainsi qu'au Canada, on note
un taux, élevé, de sclérose en
plaques; ce qui pourrait refléter
une susceptibilité spécifique,
au sein de la population native.
L’ensoleillement est une
des hypothèses qui pourrait
expliquer ce gradient nord-
sud, par le biais du mécanisme
de la vitamine D; la prévalence
étant la plus faible dans les
pays les plus ensoleillés et
inversement. Le déficit en
vitamine D, lié à un plus faible
ensoleillement, pourrait, ainsi,
expliquer la fréquence deux à trois fois
plus élevée de la maladie, en Europe du
nord.
Vous êtes chef de service de neurologie,
à l'hôpital d’Annaba. Dispose-t-on de
bons moyens de prise en charge, dans
cette wilaya?
L’équipe médicale, bien formée, est
apte à diagnostiquer et prendre en
charge, très précocement, le patient
atteint de SEP. D’ailleurs, une
consultation, spécialisée dans les
affections démyélinisantes du SNC,
est fonctionnelle, depuis juillet 2008.
Malheureusement, le CHU d’Annaba
n’est pas, encore, équipé d’une IRM et
les patients sont contraints d’effectuer
leurs examens dans le secteur privé.
Les interférons sont disponibles, mais
de façon discontinue. Nous attendons,
toujours, les nouvelles molécules;
notamment, pour les formes agressives,
qui ne répondent pas aux interférons !
Je vous rappelle qu’au CHU de Annaba,
260 cas de SEP sont suivis, depuis juin
2008. Les patients sont originaires
d’Annaba; mais, aussi des wilayate
limitrophes (Guelma, Tarf, Skikda,
Tébessa, Souk-Ahras …).
Avez-vous un message à transmettre
aux personnes atteintes, pour mieux
vivre avec cette maladie ?
J’ai plusieurs messages à transmettre:
les patients doivent se rapprocher
de leur neurologue, pour profiter des
conseils et des avis, dont le but principal
est la préservation de la qualité de vie,
au quotidien.
La SEP touche les femmes jeunes, en
âge de procréer. Elles doivent savoir
que la grossesse est possible, mais que
le traitement de fond est interrompu
durant cette période et qu’après
l’accouchement, une nouvelle poussée
peut survenir.
Il est, donc, conseillé de programmer
sa grossesse avec l’équipe médicale. La
reprise du traitement de fond ne se fera
qu’après le sevrage, si la mère allaite
son enfant. Le bébé d’une femme SEP
n’est pas plus exposé aux risques de
malformations qu’un autre. La pilule
contraceptive n’a aucun retentissement
sur la maladie, ou sur son évolution.
La chaleur (le bain maure) peut
engendrer le phénomène d’Uhthoff. Il
s’agit d’un blocage de l’influx nerveux
au niveau des fibres nerveuses;
ce qui entraîne la réapparition de
signes neurologiques, mais de
façon transitoire. Il ne s’agit pas
d’une nouvelle poussée: une douche
fraîche fait disparaître les signes
neurologiques.
En cas de véritable poussée (augmen-
tation, soudaine, des signes et symp-
tômes, liés à la SEP), il faut consulter,
immédiatement, le neurologue, pour
un traitement (bolus de corticoïdes).
La kinésithérapie, adaptée à chaque
patient, est bénéfique dans la SEP.
Des associations de malades, at-
teints de SEP, existent en Algérie:
il faut s’en rapprocher. Les aidants
(parents et conjoints) doivent adhérer
à ces associations, pour mieux com-
prendre et aider, plus efficacement,
les patients
Prévalence de la SEP au Maghreb:
entre 3,3 et 21 par 100 000 habitants
Zone de faible pvalence:
< 5 personnes atteintes pour 100 000 habitants
Zone de moyenne prévalence:
entre 5 et 30 personnes atteintes pour 100 000
habitants
Zone de forte prévalence:
> 30 personnes atteintes pour 100 000 habitants
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