ANESTHESIE PEDIATRIQUE PAR UN ANESTHESISTE NON PEDIATRE URGENCES VISCERALES EN ANESTHESIE PEDIATRIQUE E. Goujard. Department of Anesthesia, Montreal’s Children Hospital, Mc Gill University, Montreal, Qc, Canada. INTRODUCTION Les urgences viscérales de l’enfant étaient, restent et resteront l’une des préoccupations majeures des anesthésistes. Associées aux urgences traumatologiques, elles représentent une activité pédiatrique importante et spécifique des gardes. Si l’on compare la mortalité de l’appendicite aiguë rapportée par Pledger dans les années 60, où 204 enfants décédaient (Tableau I), à celle des années 80 où 35 enfants mouraient de cette affection, un énorme progrès a été réalisé [1, 2]. La rapidité et la qualité du diagnostic chirurgical, la qualité de la réanimation préopératoire, l’amélioration des soins anesthésiques ont permis de transformer le pronostic de cette affection aujourd’hui presque banale. Il n’en reste pas moins que les enfants de moins de 4 ans gardent une mortalité [2] et un risque de péritonite plus élevés que la tranche d’âge supérieure, et qu’il convient toujours de rester vigilant dans nos soins. De la même façon, le risque d’inhalation lors de ces anesthésies en urgence est proche de 1 pour 373 versus 1 pour 4544 anesthésies pour un cas chirurgical électif [3]. Même si la morbidité rapportée dans cette étude provenant d’un centre tertiaire américain est faible, il n’y a pas lieu de minimiser cette redoutable complication anesthésique. Les urgences néo-natales souvent traitées dans des centres spécialisés présentent aussi des pathologies gravissimes avec plus de 48 % de décès chez les prématurés opérés de perforation gastro-intestinale [4]. Là aussi, subsistent quelques problèmes péri-opératoires, qui sur un terrain particulièrement fragile, ne laissent aucune place à la moindre erreur d’anesthésie, fut-elle même minime. La multiplicité des étiologies ne s’oppose pas avec le fait d’aborder ces urgences d’une manière simple, en axant la prise en charge sur les principaux problèmes que sont l’hypovolémie, l’antibiothérapie, les risques d’inhalation et les traitements antalgiques postopératoires (Tableau II). 105 106 MAPAR 2000 Tableau I Facteurs en relation avec le décès lié à l’appendicite aiguë de 1963 à 1967 en Angleterre et au pays de Galles chez 204 enfants d’après Pledger [1] Tous les âges Enfants < 5 ans Remplissage liquidien inadéquat 54 25 Hyperthermie 19 5 Anesthésie* 19 5 Retard de diagnostic 16 7 Convulsions 13 8 Sepsis 13 1 Complications chirurgicales 6 1 Echec du traitement conservateur 5 - Pathologie respiratoire 5 2 Insuffisance rénale 2 - Embolie pulmonaire 1 - Iatrogène 1 - 44 14 Non référencé * Les décès relatifs à l'anesthésie sont liés à un épisode d'hypoxie majeure chez 9 enfants, une technique d'anesthé sie inapropprié e chez 7 autres : surdosages en drogues d'anesthé sie et dé faut de controle des voies aé riennes par absence d'intubation endotrachéale. Tableau II Etiologies des urgences viscérales de l’enfant [4, 5] Appendicite aiguë Cholécystite aiguë Invagination intestinale Aiguë Sténose du pylore Malrotation / volvulus intestinal Hernie étranglée Occlusion sur bride Diverticule de Meckel Péritonite secondaire : appendicite, cholécystite, diverticule de Meckel Colite pseudo-membraneuse Entérocolite ulcéro-nécrosante (prématuré et immunodeprimé) 1 . PERIODE PRE-OPERA TOIRE 1.1. DIAGNOSTIC CHIRURGICAL Une fois éliminé le problème du diagnostic différentiel de la gastro-entérite, à l’origine de la majeure partie des consultations pour symptomatologie abdominale aiguë aux urgences pédiatriques. Le diagnostic chirurgical est basé en grande partie sur l’analyse des signes cliniques qui gardent toujours une grande valeur chez l’enfant. Le diagnostic chirurgical a aussi beaucoup profité des progrès de l’imagerie médicale [5]. ANESTHESIE PEDIATRIQUE PAR UN ANESTHESISTE NON PEDIATRE L’abdomen sans préparation et surtout l’échographie sont des examens de débrouillage sensibles et rapides à obtenir. Ils ont modifiés les approches diagnostiques et thérapeutiques. La sémiologie clinique reste bien entendu primordiale, notamment dans les grands tableaux septiques ou occlusifs. La rapidité d’intervention est alors un facteur important pour la survie et la morbidité de ces urgences. Comme on le voit encore en 1980; 37 % des enfants présentant un tableau d’appendicite aiguë sont morts, avant qu’une intervention chirurgicale n’ait pu avoir lieu [2]. Il est licite de faciliter l’intervention, tout en débutant une réanimation efficace en se focalisant sur les différents points rapportés dans le tableau I. 1.2. CONDITIONNEMENT PREOPERATOIRE 1.2.1. ANTIBIOTHERAPIE PROPHYLACTIQUE ET CURATIVE Le traitement antibiotique se différencie peu de celui de l’adulte. En effet, les germes en cause sont sensiblement les mêmes à pathologie équivalente [6]. L’étude bactériologique des appendicites et des péritonites appendiculaires montrent des cultures souvent polymicrobiennes avec une flore comprenant une prédominance d’escherichia coli (77 %), de bactéroïdes fragilis (55 %), de streptocoque faecalis (35 %), de pseudomonas (22 %) et autres germes (16 %) [6]. Les BGN et Cocci G+ sont donc les principaux agents pathogènes en cause, suivis dans une moindre mesure par les germes anaérobies. Dans le cadre de l’antibioprophylaxie les données classiques s’appliquent tant en terme de choix de molécules que de durée du traitement (ex: amoxycilline + acide clavulanique). Les posologies sont propres à la pédiatrie en milligramme par kilogramme, sans dépasser les doses unitaires des adultes dans tous les cas (Tableau III). En curatif et devant des tableaux graves (intensité, retard diagnostic, importance de la péritonite, signes septicémiques...) une bithérapie est recommandée : une bêtalactamine et un aminoside sont une association logique (Tableau III). La durée de la bithérapie est variable mais au moins supérieure à 2 jours, sans dépasser 5 jours d’aminoside. La durée totale du traitement sera classiquement prolongée sur des arguments d’évolution clinique et biologique comme la numération des leucocytes et la mesure de la CRP, encore très populaire en pédiatrie. La culture bactérienne peropératoire est un élément important pour le suivi des patients surtout lors des sepsis graves, lorsque les enfants ont été exposés à un traitement antibiotique récent [5] et chez l’enfant immunodéprimé. L’isolement d’une bactérie résistante suite à la pression de sélection d’une antibiothérapie antérieure sont particulièrement à craindre en pédiatrie. En effet, la pharmacopée de ville est riche en différente formes orales d’ampicillines ou de céphalosporines de deuxième et troisième génération largement utilisées pour différentes affections de la sphère ORL si communes chez l’enfant, augmentant le risque de sélection d’un germe résistant [7]. Un écouvillon et une culture du pus sur des flacons d’hémocultures permettent en postopératoire d’adapter secondairement le traitement antibiotique grâce à l’antibiogramme. Une allergie aux bêtalactamines fait préférer une trithérapie lors d’un syndrome septique abdominal (Tableau III). 1.2.2. HYPOVOLEMIE L’hypovolémie est souvent associée aux urgences digestives de l’enfant. La première cause est une carence d’apport dont l’enfant est d’autant plus sensible qu’il est d’un plus jeune âge. La seconde est liée aux pertes induites par l’hyperthermie, des vomissements, un syndrome diarrhéique ou un troisième secteur intra-abdominal. Les signes cliniques sont classiquement dominés par la constance de la tachycardie asso- 107 108 MAPAR 2000 ciée plus tardivement que chez l’adulte à une hypotension artérielle. C’est alors dans ce contexte un signe de gravité qu’il faudra savoir corriger le plus rapidement possible par une expansion volémique conséquente (Tableau IV). Un défaut de perfusion périphérique avec un allongement du temps de recoloration cutanée chez le nouveau-né et le nourrisson, des signes cutanés de déshydratation (fontanelle, pli cutané) font partie de ce tableau. Des signes d’oligurie sont parfois retrouvés, eux aussi éléments de gravité. Le bilan biologique permet rapidement d’analyser les troubles métaboliques et le retentissement sur la fonction rénale. Tableau III Antibiothérapie et urgences septiques abdominales pédiatriques a - Curatif standard 1. Amoxycilline + ac clavulanique : 50 mg.kg-1 IVD à l’induction puis 25 mg.kg-1 IVL toutes les 6 heures 1 injection durée 5 jours IV durée +/- 2 jours IV durée +/- 2 jours IV 1.5 mg.kg-1 IVL toutes les 12 heures •App simpleA: •PéritoniteA: •App gangréneuseA: •Ischémie d’une anseA: 2. GentamicineA: DuréeA: 2 à 3 jours IndicationsA: péritonites, rupture d’organes creux, entérocolite... 3. Ornidazole (Tibéral®)A: 30 mg.kg-1 IVL toutes les 24 heures duréeA: 1 à 2 jours IndicationsA: péritonites, fasciite nécrosante, gangrène gazeuse... b - Allergie au ß-lactamines (triple association) 1. Clindamycine : ( Dalacine®) :10 mg.kg-1 IVL toutes les 6 heures 2. Gentamicine : (cf a 2) 3. Ornidazole : (cf a 3) c - Suspicion d’E Coli ampi -Résistant Cefoxitine (Méfoxin®)A: 15 à 40 mg.kg-1 IVL toutes les 6 heures d - Après analyse de l’antibiogramme •Céfotaxime (Claforan®)A: 50 mg.kg-1 IVL toutes les 6 heures •Ceftazidime ( Fortum®)A: 50 mg.kg-1 IVL toutes les 8 heures •Pipéracilline/tazobactamA: 100 mg.kg-1 IVL toutes les 8 heures •ImipénèmeA: 10 mg.kg-1 toutes les 8 heures •VancomycineA: 10 mg.kg-1IVL toutes les 6 heures •AmikacineA: 7,5 mg.kg-1 IVL toutes les 12 heures L’hypovolémie est corrigée par les différents solutés dont nous disposons, le plus rapidement possible avant l’intervention chirurgicale. La normalisation des différents signes vitaux, pression artérielle, fréquence cardiaque, diurèse sont les objectifs à atteindre. Une sonde urinaire permettra d’évaluer la diurèse plus précisément, s’assurant de la qualité du remplissage liquidien lors d’atteintes viscérales sévères, de choc hypovolémique persistant, d’insuffisance rénale associée ou non à des déséquilibres métaboliques complexes. 1.2.3. EQUIPEMENT PREOPERATOIRE Très souvent l’abord des voies veineuses périphériques de l’enfant ne pose pas de problème. La cathétérisation de la veine de la face dorsale de la main, du pli du coude voire d’une saphène interne à la cheville permettront de débuter l’expansion volémique et l’anesthésie. Même si la position de celle-ci n’est pas idéale, il sera toujours temps ANESTHESIE PEDIATRIQUE PAR UN ANESTHESISTE NON PEDIATRE durant l’anesthésie et après un premier bolus liquidien de reposer la perfusion dans de meilleures conditions chez un enfant sous anesthésie. Tableau IV Expansion volémique a - les produits 1. Cristalloïdes : Ringer lactate ou Sérum Physiologique NaCl 0,9A% 10 à 20 mL.kg-1 en 10 à 30 minutes 2. Hydroxyéthyl-amidon : 10 à 20 mL.kg-1 en 10 à 30 minutes (sans dépasser 33 mL.kg-1.jour-1) 3. Macromolécules : 10 à 20 mL.kg-1 en 20 à 30 minutes b - chronologie du remplissage • Considérer (1) en première position • Considérer (1) + (2) en cas d’ hypovolémie sévère, choc persistant, importance du troisième secteur ... • Considérer (3), si (2) non disponible ou au dessus des posologies maximales recommandées de (2). • Considérer les produits sanguins et dérivés uniquement sur des arguments cliniques et biologiques (Albumine, PFC, CG) : - Hypoprotidémie majeure - Anémie > 6 à 7g.dL-1, hémorragie post-traumatique... - Trouble de la coagulation associé : CIVD, fibrinolyse aiguë... En cas d’hypovolémie importante, la veine jugulaire externe est une alternative intéressante qui permet de perfuser efficacement n’importe quel type de soluté. Sa fixation au cou est parfois gênante en postopératoire et source d’obstructions liées à son caractère positionnel. Dans de très rares cas, un cathétérisme de la veine fémorale peut être nécessaire. Plus facile d’accès qu’une voie centrale jugulaire interne ou sousclaviaire chez l’enfant conscient et hypovolémique, elle permet de temporiser jusqu’à l’intervention. Chez l’enfant en choc hypovolémique, avant ou après échec des autres techniques, en première intention dans un contexte d’urgence et d’instabilité hémodynamique majeure, une ponction intra-osseuse permet un remplissage et l’injection des différentes drogues de réanimation et d’anesthésie [8, 9]. Le site de ponction le plus adapté est loca-lisé sur la crête tibiale, un centimètre en dessous de la tubérosité antérieure. Secondairement, un cathéter central remplacera cette voie intra-osseuse. Sa morbidité, quand elle est utilisée durant moins de 24 heures, est faible avec un risque d’ostéite inférieure à 0,5 %. Une sonde gastrique est le complément indispensable des syndromes occlusifs. Une sonde gastrique double voie est préférable dans ce cas. Le diamètre minimal actuellement disponible est de 10 unités Charrière et cette sonde peut s’utiliser au dessus de 6 à 8 kg. Elle est mal supportée chez certains enfants et peut être remplacée par une sonde simple voie de 8 Ch chez les nourrissons. La vidange gastrique permet une diminution de la pression intra-abdominale qui favorise la course diaphragmatique et la ventilation du petit enfant. La diminution du volume intragastrique est l’autre facteur recherché dans ce contexte d’anesthésie d’un «enfant à l’estomac plein». 109 110 MAPAR 2000 2 . PERIODE PEROPERA TOIRE 2.1. ESTOMAC PLEIN ET INHALATION Les enfants, quel que soit leur âge, sont exposés comme les adultes au risque d’inhalation essentiellement durant la période d’induction avec les mêmes facteurs de risque que sont la chirurgie en urgence et les syndromes occlusifs [3]. Une séquence d’induction rapide et la réalisation d’une manœuvre de Sellick sont indiquées dans tous les cas. L’utilisation des anti-H2 [10], bien que rapporté chez l’enfant, est loin d’être répandue du fait de sa difficulté de mise en œuvre en général et lors d’urgences digestives chirurgicales en particulier. Par contre, la manœuvre de Sellick en pédiatrie est validée depuis de nombreuses années, avec et sans sonde gastrique [11]. Son utilisation se doit d’être généralisée dans ces circonstances. Une dénitrogénation est impérative chez ces enfants, d’autant plus que leur réserve en oxygène est faible et leur consommation en oxygène élevée. Les nouveau-nés et les nourrissons ont respectivement des temps de désaturations de 100 à 95 %, de moins de 100 secondes alors même que leur fraction alvéolaire est optimisée depuis plusieurs minutes (FAO2 > 0,9). Les enfants de plus de 4 ans ont une marge de sécurité supérieure avec des temps de plus de 3 minutes. Bien qu’inférieure à celle des adultes, elle est le plus souvent suffisante pour intuber dans de bonnes conditions [12]. La durée de dénitrogénation est courte chez l’enfant de moins de 5 ans (< 60 secondes), ce qui en facilite d’autant plus la réalisation [13]. L’analyse dynamique de la FEO2 sur le circuit permet d’en vérifier l’obtention. Devant ces problèmes de désaturation artérielle rapide, l’équipe de Moynihan propose de ventiler à faible pression positive (< 20 cm H2O) pour maintenir une oxygénation suffisante durant le temps d’installation de la curarisation [14]. Le risque d’insuffler l’estomac est très faible et permet alors de profiter des 60 ou 120 secondes au-dessus de 95 % pour réaliser la laryngoscopie et l’intubation trachéale en toute sécurité. La technique de ventilation (en FiO2 = 1) sur une manœuvre de pression cricoïdienne externe associée à une dénitrogénation permettra d’éviter une hypoxémie majeure toujours mal tolérée chez un enfant instable. Le choix de la sonde d’intubation se fera en fonction des abaques ou des règles connues. Dans ces conditions, où la rapidité de la laryngoscopie et la durée d’apnée se doit d’être la plus courte possible, l’utilisation d’une sonde à ballonnet peut être recommandée quel que soit l’âge de l’enfant. On sait depuis Khine que le nombre d’échec et de réintubation est plus faible qu’avec une sonde sans ballonnet [15]. Par ailleurs, l’étanchéité assurée par un gonflage mesuré du ballonnet diminue le risque d’inhalation autour de la sonde [16] et facilite la ventilation quelles que soient les conditions pulmonaires durant l’intervention. Les risques d’œdème sous glottique ne semblent pas plus importants pour des utilisations courtes [15] ou prolongées même chez les enfants hospitalisés dans les unités de réanimation pédiatrique [17]. Bien entendu, un ballonnet basse pression est indispensable. 2.2. CHOIX DES AGENTS D’INDUCTION ET DES CURARES Une anesthésie effective ainsi qu’une curarisation complète sont indispensables pour éviter une régurgitation active, particulièrement dangereuse avant d’avoir pu sécuriser les voies aériennes, au moment de la laryngoscopie [3]. ANESTHESIE PEDIATRIQUE PAR UN ANESTHESISTE NON PEDIATRE • Si l’état hémodynamique est satisfaisant, l’emploi de thiopental ou de propofol comme agents d’induction est logique. Les doses sont à rapporter au poids et à l’âge de l’enfant, comme d’habitude en pédiatrie. • Si l’état hémodynamique est précaire, l’étomidate ou la kétamine seront à préférer (Tableau V). L’induction est réalisée au mieux après une épreuve d’expansion volémique comme vu précédemment. • L’utilisation d’un curare est indispensable et la succinylcholine ou le rocuronium sont les agents de choix. Le second est préféré en cas de contre-indication à l’utilisation de la succinylcholine, avec des posologies supérieures à 1 mg.kg-1. Dans l’attente de l’efficacité du rapacuronium dans cette indication, son utilisation semble à l’heure actuelle prématurée chez l’enfant. Sur le plan pratique, les fasciculations liées à la succinylcholine sont rares chez l’enfant de moins de 6 ans [18]. D’après la pharmacodynamique de ce produit, la laryngoscopie doit être réalisée à la 60e seconde. Un curare non dépolarisant d’action intermédiaire est injecté dés que les critères de ventilation et d’intubation sont validés. 2.3. ENTRETIEN DE L’ANESTHESIE ET SOINS PEROPERATOIRES L’entretien de l’anesthésie est assuré par un anesthésique volatil halogéné comme l’isoflurane [19], l’halothane ou le sévoflurane. Le protoxyde d’azote sera évité chez Tableau V posologie des drogues pour une séquence d’induction rapide en cas d’état hémodynamique précaire (* Nouveau-né et Nourrisson) - Etomidate 0,4* à 0,3 mg.kg-1 - Kétamine 2 mg.kg-1 -Succinylcholine 2* à 1 mg.kg-1 - Rocuronium 1 à 1,2 mg.kg-1 l’enfant de moins de 1 an pour faciliter la laparotomie, en cas d’occlusion et lorsque l’état hémodynamique est précaire. Des injections de fentanyl et de sufentanyl seront répétées en fonction de la durée de la chirurgie et des stimulations nociceptives. La curarisation sera maintenue et évaluée au mieux par un monitorage du tétanos, du TOF et du DBS au poignet pour des intensités toujours inférieures à 30 milliampères pour le nerf ulnaire. Les phases de réveil et d’extubation sont toujours délicates. Une aspiration soigneuse de la sonde gastrique et des sécrétions oro-pharyngées, une ventilation spontanée en FiO2 : 1 sont des éléments de sécurité classique à cette phase. On s’attache à maîtriser les risques d’inhalation par une extubation chez un enfant le plus réveillé possible, au mieux en décubitus latéral. 3 . PERIODE POST O PERATOIRE 3.1. OXYGENATION Comme on le voit dans l’étude de Pledger [1, 2], les problèmes d’oxygénation sont aussi à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité importante au réveil. Se cumulent de manière négative, le retentissement de la laparotomie sur la fonction ventilatoire, la douleur et les traitements antalgiques... Une oxygénothérapie se justifie donc en salle de réveil pour plus de sécurité. L’apport d’oxygène par voie nasale, en aérosol ou par Hood chez le nourrisson permet d’optimiser l’oxygénation du patient lors des 111 112 MAPAR 2000 premières heures postopératoires. Le monitorage de la saturométrie artérielle et de la fréquence respiratoire sont des éléments clés de surveillance en plus des différents paramètres vitaux qui se normalisent rapidement dans la grande majorité des cas. 3.2. DOULEUR La douleur postopératoire après une laparotomie est très variable : d’extrême pour une incision xypho-pubienne, limitée pour une incision de type Mac Burney. Elle évolue dans le temps comme chez l’adulte, intense initialement puis modérée après 2 à 3 jours en fonction de l’affection ou du geste chirurgical réalisé. Le Tableau VI rapporte quelques protocoles de prescriptions simples pour l’enfant en postopératoire. Tableau VI prescriptions d’antalgiques en postopératoire a - Morphiniques • Nalbuphine - Bolus de 0,2 mg.kg-1 toutes les 6 heures - perfusion continue de 1 mg.kg-1.jour-1 (solution= poids de l’enfant en mg dans 48 cc, débit 2 cc.h-1) • Morphine - Bolus de 0,1 mg.kg-1 toutes les 2 à 4 heures ( IVL de 15 minutes) - Perfusion continue de 5 à 40 µg.kg-1.h-1 (solution = poids en mg dans 50 cc, 1 ml = 20 µg.kg-1) 0,5 mL.h-1 = 10 µg.kg-1.h-1 1,0 mL.h-1 = 20 µg.kg-1.h-1 1,5 mL.h-1 = 30 µg.kg-1.h-1 2,0 mL.h-1 = 40 µg.kg-1.h-1 - PC A : bolus de 20 µg.kg -1 (max < 1,2 mg), période réfractaire de 6 à 10 min, (± débit continu de 4 µg.kg-1.h-1, le premier jour) b - Analgésie locorégionale (bupivacaïne et morphine sans conservateur) - Bolus unique en caudal Bupivacaïne 0,125 % adrénaliné (1 mL.kg-1) + Morphine : 30 µg.kg-1 - Perfusion continue Anesthésique local : Bupivacaïne 0,1 % = 0,2 à 0,4 mg.kg-1.h-1 AL et morphinique : Bupivacaine 0,1 % et morphinique (1 ou 2 ou 3) 1. Fentanyl : 2 µg.mL-1 2. Sufentanyl : 0,2 µg.mL-1 3. Morphine : 5 à 10 µg.mL-1 c - AINS - Ibuprofen : 10 mg.kg-1 toutes les 8 heures (PO/PR) - Diclofénac : 1 mg.kg-1 toutes les 8 heures (PO/PR) - Acide niflumique : 20 mg.kg-1 toutes les 8 heures (PR) - Kétorolac : 0,5 mg.kg-1 toutes les 6 heures (IV) Le protocole dans le cas classique post-appendicectomie associe du propacétamol, par voie veineuse toutes les 6 heures systématiquement pendant 24 à 48 heures, à des bolus de morphine ou de nalbuphine en complément toutes les 4 à 6 heures. Pour les laparotomies importantes, en absence de sepsis en cours, une technique d’analgésie locorégionale peut être proposée. Un bolus unique de bupivacaïine associée à de la morphine sans conservateur par voie caudale permet de couvrir aussi efficacement les premières heures qu’un traitement par un narcotique intraveineux [20, 21]. Un relais par des antalgiques morphiniques sera institué secondairement par bolus ou perfusion continue. ANESTHESIE PEDIATRIQUE PAR UN ANESTHESISTE NON PEDIATRE Quand cela est possible, la mise en place d’un cathéter péridural lombaire assure une analgésie de parfaite qualité chez l’enfant sous couvert des contraintes de surveillance et de soins inhérents à ces techniques [22]. Une solution de bupivacaïne 0,1 %, perfusée en continue à des débits de 0,2 à 0,4 mg.kg-1.heure-1 en fonction de l’âge, assure une analgésie optimale. Des morphiniques peuvent y être associés (fentanyl, sufentanyl, morphine). En cas de sepsis en cours, de contre-indications à une technique d’analgésie locorégionale, l’administration intraveineuse de nalbuphine ou de morphine [23] sous monitorage respiratoire continu sont des traitements antalgiques performants. Du fait de l’effet plafond de la nalbuphine, la prescription mesurée et sécuritaire de la morphine prend une place de plus en plus importante en pédiatrie. Et de fait, des critères identiques de surveillance s’appliquent pour les mêmes effets secondaires potentiels, avec une possibilité d’antagonisation particulièrement facile par la naloxone. Une perfusion continue, dont le débit est augmenté progressivement, permet d’obtenir des taux plasmatiques efficaces et adaptés à l’âge et au degré de stimulations algiques, tout en évitant les pics plasmatiques des bolus à l’origine des dépressions respiratoires. Une analgésie auto-controlée par le patient chez l’enfant de plus de 6 ans est une autre solution. Des bolus de morphine associés ou non à une perfusion continue pendant le premier jour [24], assurent une analgésie optimale en postopératoire avec du matériel maintenant largement répandu dans les départements d’anesthésie. Une co-administration de paracétamol peut avoir un effet d’épargne morphinique, sans effets secondaires majeurs, et sont donc utiles dans ce contexte. Ils prendront le relais comme analgésiques mineurs à l’arrêt des morphiniques. L’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens en association à l’un ou l’autre des médicaments sus décrits peut être intéressant en l’absence de contre-indications. Dans cette indication, l’ibuprofen qui a une AMM chez l’enfant de plus de 6 mois, et spécifiquement pour la douleur, est une molécule particulièrement indiquée en postopératoire. Il est possible de disposer de formes rectales et orales chez l’enfant. Le diclofenac, l’acide niflumique et le kétoprofen (chez l’enfant de plus de 12 ans) sont aussi utilisables sous respect des posologies et d’une durée de traitement toujours courte et inférieure à 2 ou 3 jours. 3.3. ABORD VEINEUX CENTRAL L’utilité d’un cathéter veineux central en postopératoire est avant tout liée à l’affection chirurgicale et au potentiel de récupération des fonctions intrinsèques du tube digestif. Les grandes souffrances intestinales mécaniques ou inflammatoires sont des indications de nutrition parentérale totale pendant quelques jours à quelques semaines. Et la nécessité d’une ligne centrale ne fait aucun doute. Le capital veineux des enfants est faible et s’épuise rapidement en postopératoire. La difficulté de ponction du réseau veineux périphérique chez le petit enfant rajoute des traumatismes répétés parfois pluri-quotidiens et en font une autre indication. La possibilité du monitorage de la pression veineuse centrale, de perfuser des amines pressives ou des solutés hyperosmolaires en toute sécurité lors d’une instabilité hémodynamique, dans un contexte de réanimation difficile, est une autre indication. Un cathéter à deux voies sera alors préférable. Les péritonites secondaires importantes et les entérocolites justifient des antibiothérapies complexes prolongées nécessitant un abord central du fait de la veino-toxicité de certaines molécules (ex : vancomycine...). La fin d’intervention est le moment opportun pour poser une voie d’abord veineuse centrale dans de bonnes conditions. La voie jugulaire interne (droite), voire une voie d’abord sous-claviaire sont les deux voies classiques. 113 114 MAPAR 2000 Une fixation particulièrement efficace du cathéter à la peau est indispensable notamment chez le jeune enfant, très peu coopératif en postopératoire. CONCLUSION L’organisation globale des soins péri-opératoires revenant largement au médecin anesthésiste, on voit que le problème des urgences digestives de l’enfant n’est pas entièrement réglé. Si la prise en charge de ces urgences digestives est globalement bien codifiée, les thérapeutiques et les protocoles pédiatriques développés au sein des équipes médico-chirurgicales ne peuvent qu’améliorer le suivi de ces enfants. A l’intérieur des grandes règles anesthésiques, celle de la gestion d’un enfant estomac plein fait toujours appel au respect des protocoles maintenant bien établis de la séquence d’induction rapide. Les évolutions actuelles résident plus dans la gestion de l’antibiothérapie, d’une expansion volémique de qualité ou de protocoles analgésiques plus novateurs. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Pledger HG, Buchan R. Deaths in children with acute appendicitis. Br Med J 1969;4:466-470 [2] Pledger HG, Fahy LT, Van Mourik GA, Bush GH. Deaths in children with a diagnosis of acute appendicitis in England and Wales 1980-4. Br Med J 1987;295:1233-1235 [3] Warner MA, Warner ME, Warner DO, Warner LO, Warner EJ. Perioperative pulmonary aspiration in infants and children. Anesthesiology 1999;90:66-71 [4] Grosfeld JL, Molinari F, Chaet M, Engum SA, West KW, Rescorla FJ, Tres Scherer LS. Gastrointestinal perforation and peritonitis in infants and children: experience with 179 cases over ten years. 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