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MERCREDI 2 JANVIER 2013
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À cœur ouvert
Rendez­vous avec le stress
Attente
à une poussée d’énervement. »
Le reste de la famille acquiesce.
« On ne l’a pas vu, ce ne sera
possible que quand ils lui
auront trouvé une chambre. »
Le fils s’agace. L’incompréhen­
sion le gagne. « Si ça se trouve,
il ne sait même pas qu’on est là.
S’ils savent qu’ils ont tant de
patients dans l’année, ils pour­
raient agrandir ! »
Dans ce huitième volet de notre
série sur l’hôpital d’Auxerre, nous
vous emmenons dans son quotidien : les opérations programmées, mais aussi l’attente et l’angoisse des patients et de leur famille…
Catherine Lambertini
[email protected]
« Ça va aller. […] C’est
un ancien combattant »
L’
hospitalisation
imprévue passe, dans la majeu­
re partie des cas, par les urgen­
ces. Dans la salle d’attente dé­
diée aux familles et
accompagnants des patients, les
doigts se tordent, les yeux rou­
gissent, le stress gagne du ter­
rain.
« Ce n’est pas
opérable. Il faut
attendre que ça se
résorbe. »
Mercredi dernier, midi, cinq
personnes d’une même famille
attendent des nouvelles du pa­
triarche. Le matin, vers 8 heu­
res, l’une de ses filles a appelé le
SAMU. Il y avait urgence.
L’homme de 71 ans avait « tout
un côté paralysé ». Les pom­
ANGOISSE. Dans la salle d’attente des urgences, les familles des patients appréhendent le diagnostic et les solutions
proposées par l’équipe médicale. PHOTO FLORIAN SALESSE
piers sont venus le chercher et
l’ont emmené aux urgences. Sur
place, une partie de la fratrie se
rejoint. Commencent alors de
longues heures d’attente, pour
q u a t re d e s h u i t e n f a n t s e t
l’épouse.
« C’est l’angoisse », lâche l’uni­
que fils. Le diagnostic est tombé
relativement tôt : AVC (accident
vasculaire cérébral). Mais la fa­
mille peine à être informée et la
confusion s’installe. Caillot ?
Hémorragie ? Le patient a subi
un scanner, dont les images ont
été envoyées à Dijon. « Ils disent
que ce n’est pas opérable. Il faut
attendre que ça se résorbe. »
Vers 12 h 30, en manque de
nouvelles, l’une des filles part à
la rencontre d’un médecin, sui­
vie par sa mère. Quelques mi­
nutes plus tard, les deux fem­
mes ressortent. L’esprit plus
Anesthésie
« Ça paraît plausible qu’ils aient peur »
La peur des aiguilles, de l’inconnu, du noir, de ne pas se réveiller, d’être malade au réveil,
de ce que le chirurgien va trouver pendant l’intervention ou
l’angoisse de lâcher prise. L’anesthésie renvoie nombre de patients à des peurs ancestrales.
L’acte est pourtant scientifique.
« Ça paraît plausible que les
gens aient peur, puisqu’on en­
tend de temps en temps parler
d’accident », conçoit le Dr Pier­
re Rodriguez, chef de service
anesthésiologie­réanimation. Le
risque de choc allergique existe
en effet. « On compte un cas de
choc grave pour 1.000 pa­
tients. » En un quart d’heure, le
temps d’une consultation pré­
anesthésique (obligatoire avant
toute opération), le médecin
tente, si besoin, de rassurer le
malade.
Trois drogues sont utilisées
pour l’anesthésie à des degrés
divers : un dérivé de la morphi­
ne pour bloquer la douleur, la
narcose, pour faire dormir, et le
curare pour le relâchement
clair, mais pas apaisé pour
autant. « C’est une hémorragie
dans le cer veau, on nous a
montré l’image. Ce n’est pas
opérable, confirme­t­elle. C’est
grave. » Ses yeux s’emplissent
de larmes. Elle les retient. Sa
sœur, celle qui a prévenu les se­
cours, est en état de choc de­
puis le matin. Elle ne dit pas un
mot.
« Ils disent que ça peut être dû
Douleur
Une prise en charge
aux techniques multiples
S’il existe des centres ou des unités antidouleur dans les hôpitaux
français, celui d’Auxerre ne dispose que d’une consultation antidouleur, sans lit d’hospitalisation
ni équipe spécifiquement dédiée.
OPÉRATION. Durant tout le long de l’intervention chirurgicale, l’anesthésie
est prolongée par intubation et intraveineuse. PHOTO C. L.
musculaire. Le narcotique,
d’abord induit en intraveineuse
est remplacé par une forme ga­
zeuse tout au long de l’interven­
tion, en fonction de l’âge et du
poids du patient. « On baisse les
doses avant la fin de l’interven­
tion. » Si le médecin prescrit les
doses et la technique, au bloc,
les gestes sont assurés par les
infirmiers anesthésistes. « Ils
sont la cheville ouvr ière de
l’acte. S’ils viennent à manquer,
on ferme des salles d’opéra­
tion. » ■
C. L.
Les enfants, un peu perdus,
essaient alors de comprendre ce
qui les a amenés là. Le médecin
a parlé d’énervement. Ils cher­
chent des explications. « De
toute façon, il a toujours été
comme ça », tranche le fils. Une
formule courante, qui pour une
personne en bonne santé
n’aurait soulevé aucun étonne­
ment. Mais, étreint par le re­
mord d’avoir pu évoquer son
père au passé, il se reprend :
« Enfin, il est toujours comme
ça. Mais ça va aller. Ce n’est pas
la première fois. Il a déjà eu un
triple pontage. Et puis, c’est un
ancien combattant. Il a fait la
guerre », se rassure le jeune
homme. Comme il peut.
« Il aurait mieux valu un
caillot, ils auraient pu le fluidi­
fier. Le problème, c’est qu’il pre­
nait justement des médica­
ments pour fluidifier le sang. »
Ils ont conscience que l’instant
est crucial. Ne pas pouvoir voir
leur père, le toucher leur est in­
supportable. Surtout s’il devait
lui arriver quelque chose. Mais
ça, ils s’interdisent d’y penser.
Ils se résignent. Et patientent. ■
Le Dr Rodriguez est le seul à
tenir cette consultation pour la­
quelle il faut compter deux à
trois mois d’attente. La deman­
de est importante (250 nou­
veaux patients chaque année) et
les pathologies parfois lourdes.
« Ce que je rencontre le plus
souvent, ce sont des cas de lom­
balgie (douleurs du dos) et de
douleurs diffuses ostéomuscu­
laires (fibromyalgie) », indique
le Dr Rodriguez qui, afin de par­
venir à soulager les douleurs,
s’appuie sur des gestes techni­
ques (auprès d’ostéopathes, po­
dologues, psychologues…) et
des médicaments (psychotropes
et antalgiques).
Mais il a également recours à
l’auriculothérapie, « une techni­
que qui rééquilibre les états
psycho­émotionnels », en pi­
quant de minuscules aiguilles
sur des points précis de l’oreille.
Le médecin dit obtenir 70 % de
« bons résultats ». Même si,
« par fois, les patients sont
sceptiques. » En tout cas, le pre­
mier conseil, c’est qu’il faut ac­
cepter sa douleur. « Quand on
est constamment en révolte, on
a toujours mal. » ■
C. L.
TECHNIQUE. L’auriculothérapie. C. L.
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À cœur ouvert
Opéré le matin, de retour chez soi le soir
7 heures La préparation
■ LE FONCTIONNEMENT DU BLOC OPÉRATOIRE
Organisation. Sauf urgences, la programmation du bloc opératoire se fait sur la semaine, avec
les opérations sous anesthésie générale du lundi au jeudi, en ambulatoire ou avec hospitalisation classique. Le vendredi est réservé aux autres actes, notamment ceux ne nécessitant
qu’une anesthésie loco-régionale. Chaque chirurgien a des vacations, sur lesquelles il est autorisé à programmer des opérations, les autres journées étant consacrées à la consultation. Le
programme doit être terminé avant le jeudi, 14 heures, pour validation. Il est vérifié une dernière fois le vendredi après-midi, jour où sont répartis les personnels soignants d’astreinte sur
les différentes opérations.
Spécialités. Le bloc du centre hospitalier, qui draine notamment les personnes âgées qui font
des chutes, fait beaucoup de traumatologie. Dans le domaine digestif, la quantité d’opérations
de chirurgie bariatrique (de l’obésité) est importante. En orthopédie, l’essentiel des actes est
concentré sur le bas du corps (hanche, fémur) ainsi que sur l’épaule et le poignet. Les actes
chirurgicaux relevant de la neurologie, de l’ophtalmologie et de l’oto-rhino-laryngologie (ORL),
du facial et du rachis (colonne vertébrale) ne sont pas pratiqués à l’hôpital d’Auxerre.
Iade/Ibode. Les infirmiers anesthésistes (Iade) et de bloc opératoire (Ibode) diplômés d’État suivent une formation spécifique, sur concours et complémentaire à celle dispensée en Institut de
soins infirmiers (IFSI). Celle-ci est de deux ans pour les Iades, qui exercent dans les domaines
de l’anesthésie-réanimation, de la médecine d’urgence et de la prise en charge de la douleur.
Le cursus est de 18 mois pour les Ibodes, qui exercent ensuite au sein d’une équipe en bloc
hospitalier, en étroite collaboration avec le chirurgien.
■ LE BLOC OPÉRATOIRE EN CHIFFRES
15.600
C’est, approximativement, le nombre
d’actes chirurgicaux (comprenant les
anesthésies) qui ont été pratiqués
en 2011 au centre hospitalier d’Auxerre.
AVANT. Avant d’être emmené au bloc opératoire, Bruno a été douché et a subi plusieurs analyses.
Bruno (*), âgé de 77 ans, a tout intérêt à
être matinal. Il va subir le premier acte
chirurgical de la journée. Une hernie in­
guinale. Son opération est programmée en
ambulatoire, depuis un mois et demi. Dé­
barqué à l’hôpital à 7 heures, il a d’abord
été douché, avant une batterie d’analyses :
température, tension, constantes vitales.
Le personnel soignant lui a administré un
calmant afin qu’il soit le plus détendu
possible. Et s’est assuré auprès de ses pro­
ches qu’il ne sera pas seul, à domicile, à
son retour de l’hôpital. « En ambulatoire,
il doit toujours y avoir une personne avec
le patient, la nuit qui suit l’opération », ex­
plique l’infirmière d’astreinte.
La chambre dans laquelle le septuagé­
naire patiente a le teint blanc livide, bien
plus que lui dont les joues sont légère­
ment rosies. Il n’est pas inquiet, se tourne
les pouces – au sens propre comme au fi­
guré – et bouge légèrement les pieds, plai­
sante au sujet de son bracelet : « Ils ont
mis mon nom et ma date de naissance,
pour ne pas se tromper. »
Ce n’est que 45 minutes après son arri­
vée que le brancardier viendra enfin le
chercher pour le conduire au bloc. Il at­
tendra encore une petite demi­heure dans
la salle dite d’accueil, auprès d’autres ma­
lades, simplement recouverts d’une blou­
se et d’une couverture. Régulièrement, le
personnel du bloc passe pour prendre des
nouvelles de chacun des patients, séparés
les uns des autres par une sorte de para­
vent blanc. Pendant ce temps, l’équipe
prépare la salle d’op. Jusqu’à ce qu’enfin,
le futur opéré entre… ■
(*) Il s’agit d’un prénom d’emprunt.
8.700
Parmi les actes pratiqués en 2011,
c’est, approximativement, le nombre
d’actes opératoires.
70
Le bloc emploie 70 agents paramédicaux.
8 h 15 À peine 40 minutes s’écoulent entre l’anesthésie et la fin de l’intervention
Allongé sur la table d’opération, Bruno est d’abord pris
en charge par l’équipe d’anesthésie. Électrodes, perfusions,
il est vite raccordé à tout un tas de fils. « Elle est toujours
là, votre hernie ? », taquine le chirurgien, qui fait les cent
pas dans le service en attendant d’être à pied d’œuvre.
L’équipe est d’humeur badine. Petit tacle de l’infirmier
anesthésiste (Iade) à l’interne de sa spécialité : « Tu vas de­
voir prendre l’escabeau », en référence à sa petite taille. On
sent la sympathie qui les unit. Sans pour autant qu’ils per­
dent le patient de l’œil. À 8 h 20, ce dernier ferme les yeux,
mais peine à vraiment s’endormir. L’infirmier tire réguliè­
rement sur ses paupières pour vérifier qu’il est inconscient,
avant de l’intuber, cinq minutes après.
Une fois Bruno sédaté, son corps est désinfecté par une
aide­soignante. Sous l’effet de la bétadine®, sa peau tire
sur le rouge brique. Pendant ce temps, l’Ibode (infirmière
de bloc opératoire) prépare le kit de chirurgie : pinces à
clamper (servant à fermer les vaisseaux pour stopper l’hé­
morragie), scalpels, solutions diverses, etc. Une fois le chi­
rurgien équipé, il ne reste que les champs stériles à poser.
Le praticien effectue son premier acte chirurgical à 8 h 38 :
il implante une aiguille dans le ventre du patient, et diffuse
du gaz carbonique pour lui gonfler l’abdomen. Avant de le
raser à l’endroit où il pratiquera les incisions. « Pour être
chirurgien, il faut avoir la célérité des barbiers », s’amuse­
t­il. Le septuagénaire est opéré par cœlioscopie. Peu inva­
sive, cette technique permet à l’équipe médicale de ne pas
4
Parmi les actes pratiqués, c’est,
approximativement, le nombre
d’anesthésies pratiquées en 2011.
CHIRURGIE. Bruno est opéré par cœlioscopie. Cette technique permet au chirurgien d’intervenir sans ouvrir l’abdomen du patient. Il manœuvre à l’aide de trocarts et d’une caméra, introduits dans de petites incisions.
PENDANT. De longues minutes s’écoulent avant que Bruno, allongé sur la table d’opération, ne soit pleinement anesthésié.
ouvrir le ventre. Le chirurgien effectue trois petites en­
tailles pour passer les trocarts, sortes de longues tiges qui
sont introduites à travers la paroi de l’abdomen de Bruno
et grâce auxquelles il va pouvoir opérer. La première inci­
sion, de onze millimètres, sert à insérer la caméra. Le mé­
decin effectuera son intervention en fonction de ce qu’il
verra sur l’écran auquel elle est reliée. Les deux autres cou­
pures ne sont que de cinq millimètres. Elles permettent
d’introduire une pince et un scalpel miniatures, qui vont
disséquer la hernie. Un travail d’une précision extrême.
Une fois cet ouvrage effectué, il ne reste qu’à positionner
et fixer une prothèse. L’intervention en tant que telle
n’aura duré qu’une quinzaine de minutes. L’opération ter­
minée, les trois entailles sont refermées par des agrafes,
sur lesquelles sont disposés des pansements.
Si aucune complication ne s’est présentée lors de l’inter­
vention, le réveil est plus dur pour Bruno qui, une fois l’ab­
domen nettoyé par les soignants, ne reprend toujours pas
conscience. Un peu trop de stress, d’après l’Iade. Et l’une
des drogues injectée pour l’opération que son corps peine,
à l’évidence, à éliminer. Il tente de le stimuler, mais n’ob­
tient qu’une « petite réponse ». À l’extérieur, d’autres mala­
des attendent leur chirurgie. Plusieurs personnes s’activent
déjà à préparer la salle pour le suivant. L’infirmier appelle
la salle de réveil pour l’informer de l’arrivée de Bruno. Une
bouteille d’oxygène, à laquelle il est relié, est fixée au lit. Il
quitte la salle d’opération, encore intubé. ■
C’est le nombre de salles d’opération au
sein du bloc général : deux salles pour la
chirurgie orthopédique, deux pour la
chirurgie générale et digestive, une pour
l’urologie et la chirurgie vasculaire, une
pour les endoscopies et coloscopies, la
dernière est réservée aux actes de
cardiologie.
C’est le nombre de salles d’opération
qu’il y aura au sein du bloc gynécologieobstétrique du futur pôle mère-enfant,
dont une sera réservée pour les
césariennes. Elles ne sont que de deux
dans l’actuelle maternité.
6.900
35
7
Le nombre de chirurgiens en exercice
au bloc : 11 anesthésistes, 15 pour le bloc
central, deux gastro-entérologues et sept
en gynécologie-obstétrique.
2
C’est le nombre de blocs au CHA : un bloc
général et un bloc gynécologie-obstétrique.
Ce dernier déménagera au moment
de l’ouverture du pôle mère-enfant.
Il n’y aura alors plus qu’une salle de réveil,
à la jointure des deux blocs, contre deux
auparavant.
9 h 05 Le réveil prend du temps
Entre son entrée dans la salle de réveil et le mo­
ment où il reprend conscience, une heure tout
juste se sera écoulée. Régulièrement, une infirmiè­
re tente de le ranimer. Elle l’appelle, lui tapote le
front. « Il n’y a pas vraiment de tendances dans la
durée que prend le réveil. Ça dépend du métabo­
lisme de chacun », explique­t­elle. Elle ne peut pas
l’extuber, au risque qu’il ne parvienne pas à respi­
rer seul. À proximité, une petite dizaine de per­
sonnes émergent tour à tour de leur anesthésie.
Ce n’est qu’à 10 heures que Bruno se réveille.
D’un seul coup. D’abord le visage crispé par l’ef­
fort, il tente de reprendre souffle. Puis tout son
corps se remet ensuite à bouger. Au moment de
l’extubation, il a l’air sonné, perdu même, la main
tenue par celle, rassurante, de l’un des membres
de l’équipe soignante, qui tente de le réorienter.
Il reste sous oxygène, diffusé par le biais d’un
cordon nasal, et ne demande s’il a bien été opéré
et si tout s’est bien passé qu’au bout de quelques
minutes. Bruno ne quittera pas la salle de réveil
avant une bonne heure, le temps pour l’équipe de
s’assurer que toutes ses constantes vitales sont
correctes. De retour dans le service de chirurgie
ambulatoire, il sera encore une fois ausculté, dans
l’après­midi, avant de pouvoir quitter hôpital. ■
APRÈS. Bruno met une heure à ouvrir les yeux, et reste sonné un moment.
Reportage réalisé par
Laurenne Jannot (textes) et Florian Salesse (photos)
[email protected]
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MERCREDI 2 JANVIER 2013
À cœur ouvert
Philippe Sousa fait partie des rouages
Portrait
fonction initiale, il a à
charge, passées 21 heures,
les transports de prélève­
ments au laboratoire, le
nettoyage du bloc, et file
même un coup de main à
la sécurité en cas de con­
frontation avec un patient
impatient.
Brancardier à l’hôpital
depuis deux ans, Philippe
Sousa évoque son quotidien au CHA, à la fois partout et nulle part.
Laurenne Jannot
[email protected]
Le grade
de brancardier
n’existe pas
D
rôle de coïncidence.
Il est féru de méca­
nique. Sur le meuble
télé de son salon s’entas­
sent les dizaines de voitu­
res miniatures qu’il collec­
tionne. Résident à
Saint­Florentin, il expli­
que, les yeux sombres
mais tout sour ire, que
lorsqu’il quitte l’hôpital, il
prend sa voiture, souffle,
démarre, et a « 27 bornes
pour se relaxer ». Philippe
Sousa aime l’automobile,
écoule une bonne partie
de son temps libre avec
d’autres passionnés. Pour­
tant, ce sont bien des
brancards qu’il passe des
journées entières à faire
rouler.
Philippe exerce le métier
de brancardier depuis un
peu plus de deux ans. An­
cien ouvrier spécialisé, il
veut une véritable recon­
version lorsqu’intervient
son licenciement. C’est un
ami salarié dans le milieu
hospitalier qui le met sur
la voie.
« Certaines personnes
prennent ça pour de l’ac­
quis. » Autant de missions
qui ne sont pourtant que
peu reconnues. Philippe
jette un œil à sa fiche de
paie, n’y trouve pas le gra­
de de brancardier, spécifi­
cité qui n’est précisée que
dans la catégorie « affec­
tation ». « Nous sommes
tous des assistants de ser­
vice hospitalier qualifiés
(ASHQ). » Voire hyperqua­
lifiés, dans les petits riens
du quotidien.
Quelque chose
du souffre-douleur
Il prend les choses avec
du recul. Mais s’il assure
que les relations avec le
reste de l’équipe médicale
relèvent, au cas par cas,
« du rapport humain », il
finit par admettre que oui,
le brancardier a quelque
chose du souffre­douleur
quand il y a des problè­
mes de fonctionnement.
« Des fois, il y a un couac
complet à cause d’un re­
tard initial. Des gens s’af­
folent pour rien. Et on est
les premiers qui arrivent
sur place ; certains tempè­
rent, d’autres non. »
Alors, Philippe a tendan­
ce à tout noter, pour éviter
les « boulettes ». Et passe
dans les couloirs comme
si de rien n’était. Il sourit
à l’évocation des guéguer­
res entre services, entre
collègues, et des histories
de coucherie, « sujet ré­
current ». Lui s’est fixé une
règle : « Je ne vois rien, je
n’entends rien. » Mais re­
connaît que ses oreilles ne
sont pas totalement her­
métiques. « Du fait qu’on
passe dans tous les servi­
c e s, o n e s t u n p e u l e s
liaisons. »
Conscient de l’apparence
ingrate de son métier, il
n’en est pas moins pleine­
ment satisfait. « Personne
n’est indispensable mais
tout le monde est utile. »
Comme des centaines de
collègues, il a fini par « vi­
vre hôpital », espère y évo­
luer ; et à l’inverse de ses
anciens emplois, ne con­
çoit pas de le quitter. Lui
sans qui l’hôpital aurait
du mal à tourner. ■
« Le rôle, c’est
de brancarder »
Il ne prodigue pas de
soin, mais comme la ma­
jor ité des employés de
l’hôpital, s’il est là, c’est
pour les patients et le con­
tact, « pas pour gagner du
pognon ». Modeste sur
son rôle, il estime ne pas
faire un gros boulot.
« Mais si on arrête, c’est la
merde… » À l’écouter dé­
rouler le fil de ses activi­
tés, il paraît pourtant bien
vite incontournable.
« Le rôle du brancardier,
c’est de brancarder », rap­
pelle­t­il. Mais il y a les
glissements de tâches,
n o m b re u x , s u r t o u t d e
nuit. Car si en journée, il
est plutôt cantonné à sa
■ BIO EXPRESS
1975
Naissance de Philippe
Sousa, à Tonnerre.
1995
Il entre dans la vie active,
initialement dans une
fabrique industrielle
de meubles.
2010
Il effectue un stage
au mois de mai à l’hôpital
d’Auxerre, avant
d’enchaîner avec un CDD.
è RENDEZ-VOUS
2011
Philippe entre à l’hôpital
en qualité de brancardier
vacataire. Il est titularisé
sur son poste un an plus
tard, le 1er juillet 2012.
MARDI 8 JANVIER
BRANCARDIER. Philippe Sousa travaille au sein du centre hospitalier depuis maintenant près de trois ans.
PHOTO FLORIAN SALESSE
Volet n°9. Focus sur quelques
maladies rares, ou complexes,
à prendre en charge.
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