Pelage d`un ruban adhésif sur un substrat hétérogène

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Master Sciences de la matière
École Normale Supérieure de Lyon
Université Claude Bernard Lyon I
Stage 2014–2015
DE ZOTTI Vincent
M2 Physique
Pelage d’un ruban adhésif sur un substrat
hétérogène
Résumé : Lorsqu’un ruban adhésif est détaché d’un substrat par pelage, le front de pelage n’avance
pas toujours de manière régulière. Suivant les paramètres expérimentaux (vitesse imposée, longueur du
ruban, angle de pelage...), la dynamique du front peut être saccadée, avec une alternance de phases
rapides et de phases lentes, d’où son nom : l’instabilité de stick-slip. Des études expérimentales [1, 2]
ont permis de caractériser les différentes dynamiques de pelage apparaissant sur des surfaces homogènes. L’objectif de mon stage consistait à étudier les transitions entre ces dynamiques de pelage sur
des surfaces homogènes, puis de commencer à étudier l’instabilité sur des surfaces hétérogènes. Pour
cela nous avons développé des méthodes expérimentales permettant de modifier localement l’adhésion
sur une surface. Nous avons caractérisé l’instabilité sur ces surfaces, et commencé à étudier quelques
systèmes hétérogènes simples.
Mots-clefs : pelage d’un adhésif, instabilité de stick-slip, surfaces hétérogènes
Stage encadré par :
Stéphane SANTUCCI
[email protected] / Tél. : 04 26 23 39 63
Laboratoire de Physique de l’ENS Lyon
46, allée d’Italie
69007 Lyon
http ://www.ens-lyon.fr/PHYSIQUE/
24/07/2015
Remerciements
Je tiens à remercier toute l’équipe du Laboratoire de Physique pour son accueil, en particulier
Stéphane pour son aide quotidienne et sa bonne humeur constante au cours de ces 4 mois. Je remercie
également Loïc pour ses conseils avisés qui m’ont permis d’orienter mes expériences dans la bonne
direction. Merci aussi à Ramon pour l’analyse des signaux acoustiques et la prise en main du dispositif
expérimental. Enfin je remercie tous les stagiaires, doctorants, chercheurs et techniciens pour l’aide
qu’ils m’ont apportée durant ces 4 mois, et qu’ils m’apporteront pour les 3 prochaines années.
Table des matières
Introduction
1 Description de l’instabilité de stick-slip
1.1 Présentation du montage expérimental .
1.2 Les différentes dynamiques de pelage . .
Le pelage régulier . . . . . . . . . . . . .
Le stick-slip régulier . . . . . . . . . . .
Le pelage bistable . . . . . . . . . . . .
Les limites entre ces dynamiques . . . .
1.3 Aspect multi-échelle de l’instabilité . . .
1
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2 Transitions entre les dynamiques et origine du stick-slip
2.1 Étude des dynamiques à vitesse de pelage croissante . . . .
Observation des dynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’origine du macro-stick-slip . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 Modification de l’épaisseur du ruban au front de pelage . .
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3 Du système homogène au système hétérogène
3.1 Tests de différents systèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les rubans adhésifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les substrats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Forces d’adhésion sur transparent de rétroprojecteur . . . . .
Évolution avec le nombre de pelage et définition des substrats
Évolution avec le temps de fluage . . . . . . . . . . . . . . . .
Évolution avec la vitesse de pelage . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Caractéristiques du stick-slip pour les différents substrats . .
Les macro-stick-slip . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les micro-stick-slip . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4 Pelage sur quelques surfaces hétérogènes simples
4.1 L’interface entre les substrats . . . . . . . . . . . .
L’interface encre/transparent . . . . . . . . . . . .
L’interface transparent/encre . . . . . . . . . . . .
4.2 Alterner les substrats pour contrôler le stick-slip .
4.3 Application à l’analyse acoustique . . . . . . . . .
Quelques résultats de l’analyse acoustique . . . . .
Acoustique d’un trait d’encre . . . . . . . . . . . .
Conclusion
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2
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3
3
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4
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6
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8
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15
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16
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18
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20
Introduction
Les adhésifs sont présents autour de nous dans notre vie quotidienne : du rouleau de ruban adhésif
aux applications industrielles dans l’électronique et l’aéronautique [3]. Cependant, bien que des progrès
considérables aient été réalisés dans ce domaine au cours de ces cinquante dernières années, les origines
microscopiques du phénomène d’adhésion sont complexes et font toujours l’objet de recherche à la
frontière entre la physique et la chimie.
Parmi les recherches effectuées sur les adhésifs, plusieurs études [1, 4, 5] se sont intéressées à la
dynamique de pelage d’un ruban adhésif. En effet, lorsqu’un ruban adhésif est détaché d’un substrat
par pelage, il a été observé que le front de pelage n’avance pas toujours de manière régulière. Suivant
les conditions expérimentales du pelage (vitesse imposée, longueur du ruban, angle de pelage...), la
dynamique du front peut être saccadée, avec une alternance de phases rapides et de phases lentes.
L’origine de cette instabilité, dite de « stick-slip », est liée à la déformation élastique du ruban,
et à la décroissance de l’énergie d’adhésion avec la vitesse de pelage. Elle est responsable du bruit
caractéristique qui apparaît en déroulant un ruban adhésif de son rouleau. Cette dynamique saccadée
apparaît également lors de fracture dans les matériaux, ou lors de frottement à une interface (un archet
sur une corde de violon, une craie sur un tableau...). L’instabilité de stick-slip est à l’origine de plusieurs
problèmes dans l’industrie des adhésifs (bruit assourdissant, endommagement des rouleaux...), d’où
l’importance de prévoir et de contrôler son apparition.
Plusieurs études expérimentales [1] ont été menées sur le pelage d’un ruban adhésif sur une surface
plane homogène. Celles-ci ont permis de caractériser les différentes dynamiques (pelage à vitesse
constant, stick-slip...) apparaissant dans le cas homogène. Cependant, dans la pratique beaucoup de
pelages se font sur des surfaces hétérogènes. L’évolution de l’adhésion dans des conditions hétérogènes
a fait l’objet de plusieurs études [6, 7], mais jamais en présence de stick-slip. L’objectif de mon stage
consistait à étudier les transitions entre ces dynamiques de pelage sur des surfaces homogènes, puis
de commencer à étudier l’instabilité sur des surfaces hétérogènes. Pour cela nous avons développé des
méthodes expérimentales permettant de modifier localement l’adhésion sur une surface. Nous avons
caractérisé l’instabilité sur ces surfaces, et commencé à étudier quelques systèmes hétérogènes simples.
La dynamique du pelage est suivie par détection optique (caméra rapide) et acoustique (transducteur
ultrasonore).
Dans une première partie, je présente le dispositif expérimental utilisé pour caractériser l’instabilité,
ainsi que les différentes dynamiques de pelage observées.
La seconde partie concerne l’étude de l’apparition du stick-slip. À travers deux séries d’expériences,
nous avons tenté de comprendre son origine, puis de la perturber en modifiant l’épaisseur du ruban.
Dans une troisième partie, j’expose différents systèmes que nous avons étudiés dans le but de
modifier localement l’adhésion sur une surface. Nous avons mesuré l’évolution de la force d’adhésion
et des propriétés du stick-slip pour ces systèmes.
Enfin dans une dernière partie je présente nos résultats préliminaires concernant l’étude du pelage
sur quelques surfaces hétérogènes simples.
1
1
1.1
Description de l’instabilité de stick-slip
Présentation du montage expérimental
Le dispositif expérimental utilisé pour étudier le pelage d’un ruban adhésif sur une surface plane
est présenté en figure 1.
plexiglas
substrat
moteur
θ
Vpelage
Scotch 600
caméra rapide
transducteur
acoustique
L
0,5mm
Figure 1: À gauche : schéma du dispositif expérimental. À droite : exemples de photos du front de
pelage à 3 instants successifs, la zone claire correspond au Scotch collé sur le substrat et la zone sombre
au Scotch décollé, nous observons l’avancée du front de pelage.
Le ruban adhésif utilisé pour toutes nos expériences est le Scotch 3M 600 “Crystal”. Une extrémité
du ruban est enroulée autour de l’axe d’un moteur cylindrique, l’autre extrémité est collée sur un
substrat plan à une distance L, lui-même attaché à une plaque de plexiglas. Au début d’une expérience,
le moteur est accéléré à environ 20 m/s2 jusqu’à atteindre une vitesse de consigne Vpelage imposée par
l’expérimentateur, et garde cette vitesse constante en arrachant le ruban du substrat jusqu’à la fin
de l’expérience. À l’aide d’une caméra rapide (Photron SA5) et d’un objectif macro nous observons
l’avancée du front de pelage au cours du temps, à travers le substrat et le plexiglas. Le suivi est
réalisé sur environ 2 cm du substrat, avec une résolution spatiale maximale de 5 µm, et une résolution
temporelle pouvant atteindre 2 µs.
Un transducteur acoustique ultrasonore à large bande (Valpey Fisher VP-1.5) est inséré dans la
plaque de plexiglas, il nous donne accès aux vibrations se propageant dans celle-ci lors des expériences
de pelage.
Un couplemètre est relié au moteur. Il permet de déduire la force exercée par le moteur pour
peler le ruban adhésif. Cependant, la résolution temporelle du capteur est limitée (environ 0,1 s), nous
n’avons alors pas accès à la force instantanée mais uniquement à sa moyenne au cours du pelage.
La plupart des expériences ont été réalisées en utilisant des films transparents pour rétroprojecteur
comme substrat, je reviendrai sur ce choix dans la troisième partie du rapport.
Au cours d’une expérience, l’angle de pelage θ entre le substrat et le ruban évolue. Or il a été
montré que les caractéristiques de l’instabilité de stick-slip évoluent fortement avec θ [2]. Pour se
soustraire de cet effet, nous utilisons une longueur de ruban L importante (L = 1 m pour toutes nos
expériences), ce qui nous donne une variation de 86° à 88° au cours d’une expérience, et nous permet
donc de considérer θ constant.
Des exemples d’images du front de pelage à 3 instants successifs sont présentées à droite sur la
figure 1. La zone claire correspond au Scotch collé sur le substrat et la zone sombre au Scotch déjà
pelé. À partir de la vidéo réalisée pour chaque expérience, nous utilisons un programme de traitement
d’image sous Matlab pour obtenir la position du front au cours du temps, ainsi que sa vitesse. En
fonction des conditions expérimentales utilisées, nous avons mis en évidence différentes dynamiques
de pelage.
2
1.2
Les différentes dynamiques de pelage
Les précédentes études sur le sujet [1] ont montré qu’il existe 3 dynamiques de pelage (dans la
gamme de vitesse que nous étudions) : le pelage régulier, le pelage bistable, et le stick-slip régulier.
Nous allons les illustrer sur des exemples.
Le pelage régulier
Pour un pelage avec une vitesse imposée en deçà d’une vitesse critique Vc1 , le front de pelage
avance à vitesse constante (égale à la vitesse du moteur), c’est la dynamique de pelage régulier. Un
exemple est présenté sur la figure 2, il a été réalisé à Vpelage = 0,7 m/s sur le substrat « transparent
ancien » (les détails sur ce substrat seront présentés dans ma troisième partie).
position du front (mm)
8
6
4
0,7 m/s
2
0
0
5
10
temps (ms)
15
Figure 2: Évolution de la position du front de pelage en fonction du temps pour un pelage régulier
à Vpelage = 0,7 m/s, sur le substrat « transparent ancien ». Le front avance linéairement à la vitesse
imposée par le moteur.
Sur cet exemple, la position du front de pelage est représentée au cours du temps. Il avance
linéairement avec le temps à la vitesse imposée par le moteur : il n’y a pas de stick-slip.
Le stick-slip régulier
Pour un pelage avec une vitesse imposée au-delà d’une vitesse critique Vc2 , le front de pelage avance
de façon discontinue : c’est la dynamique de stick-slip régulier. Un exemple est présenté sur la figure 3,
il a été réalisé à Vpelage = 2 m/s sur le substrat « transparent ancien ».
Sur l’exemple de la figure 3, on distingue les deux phases du stick-slip. Durant une phase de stick
(qui correspond aux plateaux horizontaux sur la figure de gauche), le front n’avance presque pas et
la vitesse est quasi-nulle. À l’inverse durant les phases de slip (entre ces plateaux), le front accélère
rapidement et atteint une vitesse supérieure à celle du moteur (tirets noirs). L’alternance de ces 2
phases permet de conserver une vitesse moyenne égale à Vpelage .
Nous caractérisons cette instabilité de stick-slip par sa période Tss et son amplitude Ass (comme
indiqué sur la figure 3). Pour cet exemple, nous mesurons Tss ≈ 3 ms et Ass ≈ 5 mm.
Le pelage bistable
Dans le cas des vitesses de pelage intermédiaires (Vc1 < Vpelage < Vc2 ), la dynamique est plus
complexe. Les études précédentes [2] ont montré l’existence d’un pelage bistable, c’est-à-dire qu’au
cours d’une même expérience le pelage se fait par moment avec de grandes fluctuations de vitesse
(caractéristique du stick-slip), tandis qu’à d’autres moments la vitesse est constante et égale à Vpelage .
3
5
14
vitesse du front (m/s)
position du front (mm)
16
12
10
8
A
ss
6
T
4
ss
3
2
1
2 m/s
2
0
4
0
2
3
4
5
temps (ms)
6
2
3
4
5
temps (ms)
6
Figure 3: Évolution de la position (à gauche) et de la vitesse (à droite) du front de pelage en fonction
du temps pour un stick-slip régulier, sur le substrat « transparent ancien ». Les tirets noirs représentent
la position moyenne et la vitesse imposée par le moteur (Vpelage = 2 m/s). Le stick-slip est caractérisé
par son amplitude Ass et sa période Tss .
Cependant ces observations ont été faites avec un dispositif expérimental légèrement différent, puisque
l’observation du ruban se faisait avec une caméra placée sur le coté de celui-ci, contrairement à notre
dispositif où l’observation se fait à travers le substrat.
Une partie de mes expériences au cours de ce stage ont permis d’améliorer notre compréhension de
cette dynamique bistable, ainsi que l’origine de l’instabilité de stick-slip. Je présenterai ces résultats
dans ma seconde partie.
Les limites entre ces dynamiques
Pour définir les limites entre ces différentes dynamiques, j’ai considéré l’existence de vitesses critiques de pelage Vc1 et Vc2 (typiquement comprises entre 0,2 m/s et 4 m/s). Mais la mesure de ces
vitesses est très difficile, car elles dépendent fortement des paramètres expérimentaux.
Au cours de nos expériences, nous avons remarqué que celles-ci dépendent en particulier :
— du type de ruban adhésif,
— du substrat,
— de la température ambiante,
— de la façon d’appuyer sur le ruban pour le coller sur le substrat,
— du temps d’attente entre le collage du ruban sur le substrat et son pelage,
— de la présence de petites hétérogénéités (défaut, poussières...) sur le ruban ou le substrat.
Cependant, même en gardant tous ces paramètres constants, les vitesses critiques peuvent varier
d’une expérience à l’autre, ce qui laisse supposer qu’il existe encore d’autres paramètres inconnus à ce
jour. Sachant cela, il est difficile de prévoir quelle dynamique prendra une expérience proche du seuil
de l’instabilité. C’est l’analyse a posteriori de la vidéo qui permettra de la déduire.
Lors des pelages avec stick-slip, il a été observé récemment que la phase de slip présente un aspect
multi-échelle [1, 8, 9], que je vais développer dans le prochain paragraphe.
1.3
Aspect multi-échelle de l’instabilité
En observant le front de pelage durant une phase de slip avec une caméra rapide, Dalbe et al. [1]
ont remarqué que celui-ci n’avance pas de manière continue mais également de manière saccadée. Une
phase de slip (rapide) est donc elle-même composée d’une suite de stick-slip (quelques dizaines), c’est
4
l’aspect multi-échelle de l’instabilité de stick-slip. Un exemple de cette sous-instabilité est présenté en
figure 4.
2
position du front (mm)
position du front (mm)
6
4
2
0
2
3
4
5
temps (ms)
1.5
Tmss
0.5
0
6
Amss
1
0
0.1
0.2
0.3
temps (ms)
0.4
Figure 4: Évolution de la position du front de pelage en fonction du temps pour un stick-slip régulier
(à gauche), sur le substrat « transparent ancien ». Les tirets noirs représentent la position moyenne
et la vitesse imposée par le moteur (Vpelage = 2 m/s). En agrandissant une phase de slip (à droite), on
observe qu’elle est elle-même composée de « micro-stick-slip ».
En agrandissant une phase de slip pour cet exemple de stick-slip régulier (cadre rouge), on peut
voir cette sous-instabilité (courbe de droite). Ces « micro-stick-slip » sont relativement réguliers, et
il est possible de mesurer leurs amplitudes et leurs périodes lors d’une expérience. Pour cet exemple,
nous mesurons Tmss ≈ 40 µs et Amss ≈ 170 µm.
Dans la suite de ce rapport nous allons donc différencier l’étude des « macro-stick-slip » (définis
précédemment) dont l’amplitude Ass est de l’ordre du millimètre et la période Tss de l’ordre de la
milliseconde, et celle des « micro-stick-slip » dont le déplacement Amss est de l’ordre de la centaine
de microns et la période Tmss de l’ordre de la dizaine de microsecondes.
L’origine des micro-stick-slip n’est pas encore totalement comprise, mais les observations [1, 8]
montrent que l’avancée de chaque micro-stick-slip correspond à une fracture dans l’adhésif qui se
propage transversalement au sens de pelage à plus de 600 m/s. Cette fracture est liée à un relâchement
de la courbure du ruban au niveau du front [10]. Sur la figure 5, on peut observer le front de pelage
au cours d’une phase de slip à plusieurs instants successifs (espacés de 3 µs).
La zone claire correspond à une zone où le ruban est encore collé et la zone sombre à une zone
pelée. Un micro-stick-slip est composé de deux parties : une fracture dans l’adhésif très rapide (quelques
microsecondes) en amont du front de pelage (indiquée par la flèche rouge, elle est difficile à distinguer),
c’est le micro-slip ; puis d’un temps plus lent (quelques dizaines de microsecondes) où la zone entre
le front précédent et cette fracture se décolle (la zone s’assombrit), c’est le micro-stick. Cependant,
bien que la vitesse d’acquisition de notre caméra soit élevée, elle ne permet pas d’identifier et de
séparer clairement le micro-slip du micro-stick. Dans la suite de ce rapport, nous ne ferons donc plus
la distinction entre ces micro-slip et micro-stick, et considérerons uniquement le micro-stick-slip dans
son ensemble.
Après avoir caractérisé les différentes dynamiques de pelage, nous nous sommes intéressés à la transition entre pelage régulier et stick-slip (donc à la zone bistable), pour comprendre l’origine physique
de l’instabilité.
5
0,5 mm
Figure 5: Observation du front de pelage à plusieurs instants successifs (espacés de 3 µs) lors d’une
phase de slip. Chaque micro-stick-slip correspond à la propagation d’une fracture transverse, l’apparition d’une nouvelle fracture en amont est indiqué par la flèche rouge (elle est difficile à distinguer).
2
Transitions entre les dynamiques et origine du stick-slip
Dans cette seconde partie, je vais développer deux types d’expériences que nous avons réalisées
dans le but d’étudier les transitions entre les différentes dynamiques : l’observation du front lors d’un
pelage bistable, et la modulation de l’épaisseur du ruban adhésif.
2.1
Étude des dynamiques à vitesse de pelage croissante
Lors d’un pelage dans la zone bistable, l’observation du ruban avec une caméra sur le côté montre
une alternance entre des phases de pelage régulier et des macro-stick-slip [2]. Pour mieux comprendre
cette dynamique, nous avons réalisé plusieurs expériences de pelage sur le substrat « transparent
ancien », avec des vitesses de pelage croissantes. Chaque expérience a été analysée pour en déduire la
position du front de pelage au cours du temps, ainsi que sa vitesse.
Observation des dynamiques
Pour Vpelage < 0,6 m/s : la dynamique du pelage est régulière avec un front qui avance à
vitesse constante (analogue à la figure 2).
Pour 0,6 m/s < Vpelage < 0,7 m/s : nous avons remarqué que le front de pelage n’avance
plus avec une vitesse constante, mais celle-ci commence à osciller autour de la vitesse de pelage. Plus
la vitesse de pelage augmente et plus l’amplitude de ces oscillations augmente. Un exemple de pelage
avec des oscillations importantes est présenté en figure 6.
Sur la courbe de droite de la figure 6, on peut observer que les oscillations de la vitesse du front
(courbe bleu) sont importantes mais restent centrées autour de Vpelage (tirets noirs) avec une période
régulière. Cette courbe de vitesse en présence d’oscillations ressemble beaucoup à celle obtenue en
présence de macro-stick-slip (figure 3). Il y a cependant deux différences importantes entre ces dynamiques : la vitesse lors d’une oscillation ne s’annule jamais (contrairement au plateau d’un macrostick), et nous n’observons pas de micro-stick-slip lors des phases d’accélérations (contrairement à un
macro-slip, comme montré sur la figure 4).
Pour 0,7 m/s < Vpelage < 1,2 m/s : des macro-stick-slip (composés de micro-stick-slip)
commencent à apparaître par intermittence au cours des pelages. Plus la vitesse de pelage est grande
et plus il apparaît de stick-slip intermittents. Un exemple est présenté en figure 7.
Il existe dans cette gamme de vitesse une coexistence entre les oscillations en vitesse et les macrostick-slip. Nous profitons de cette coexistence pour mesurer et comparer les périodes de ces deux
phénomènes sur une dizaine d’expériences lors d’un pelage à 0,8 m/s. Nous obtenons une période de
6
1.5
vitesse du front (m/s)
position du front (mm)
6
4
2
0,7 m/s
0
0
5
10
15
temps (ms)
1
0.5
0
0
20
5
10
15
temps (ms)
20
Figure 6: Évolution de la position (à gauche) et de la vitesse (à droite) du front de pelage en fonction
du temps en présence d’oscillations de vitesse dans la zone bistable, sur le substrat « transparent
ancien ». Les tirets noirs représentent la vitesse de pelage imposée (Vpelage = 0,7 m/s), la vitesse du
front oscille autour de celle-ci.
4
vitesse du front (m/s)
position du front (mm)
6
4
2
3
2
1
0,8 m/s
0
0
5
10
temps (ms)
15
0
0
20
5
10
15
temps (ms)
20
Figure 7: Évolution de la position (à gauche) et de la vitesse (à droite) du front de pelage en fonction
du temps en présence de stick-slip intermittents dans la zone bistable, sur le substrat « transparent
ancien ». Les tirets noirs représentent la vitesse de pelage imposée (Vpelage = 0,8 m/s), les amplitudes
des oscillations croissent jusqu’à l’apparition d’un macro-stick-slip.
3,2 ± 0,1 ms pour les oscillations, et de 4,8 ± 0,7 ms pour les macro-stick-slip. Ils sont donc légèrement
plus longs que les oscillations.
Pour Vpelage > 1,2 m/s : la dynamique n’est composée que de stick-slip réguliers (analogue à
la figure 3).
L’origine du macro-stick-slip
À partir de ces observations expérimentales, nous pouvons proposer une interprétation mécanique
pour expliquer l’origine du macro-stick-slip :
7
1. À basse vitesse de pelage (< 0,6 m/s), le ruban adhésif (d’une longueur L = 1 m) subit des
contraintes mécaniques faibles et peut être assimilé à un solide rigide. La vitesse au niveau
du front de pelage (à une extrémité) est donc égale à celle imposée par le moteur (à l’autre
extrémité).
2. Lorsque la vitesse dépasse les 0,6 m/s, les contraintes ne sont plus négligeables et des déformations élastiques périodiques apparaissent. Ces extensions/compressions du ruban (analogue à
un ressort) provoquent des fluctuations de la vitesse au front de pelage, ce sont les oscillations
que nous détectons. Plus la vitesse augmente et plus les extensions sont importantes, ce qui
augmente l’amplitude des oscillations.
3. À partir d’une certaine contrainte mécanique seuil (apparaissant pour des vitesses supérieures
à 0,7 m/s), l’avancée continue du front n’est plus la dynamique de pelage la plus stable, et
elle est remplacée par l’apparition de fractures transverses en amont dans l’adhésif (ce sont
les micro-stick-slip). Les fractures entraînent une avancée très rapide du front, ce qui réduit la
déformation (et la contrainte) dans le ruban, puis provoque une phase d’arrêt (macro-stick),
et enfin une dynamique avec oscillations recommence. Au cours d’une expérience, même si la
vitesse au niveau du moteur est maintenue constante, les contraintes dans le ruban fluctuent et
peuvent occasionnellement dépasser la contrainte seuil, ce qui explique l’apparition de stick-slip
intermittents et coexistent avec les oscillations.
4. À grande vitesse de pelage (> 1,2 m/s), les déformations mécaniques sont très importantes.
À la fin de chaque macro-stick, la contrainte repasse alors rapidement au-dessus du seuil et
provoque un nouveau macro-slip, d’où l’observation de plusieurs macro-stick-slip à la suite.
Ce scénario explique donc l’origine du macro-stick-slip par l’intermédiaire de la déformation du
ruban et l’existence d’une contrainte seuil d’apparition du micro-stick-slip. Bien qu’en accord avec nos
expériences, il faudrait avoir accès à la contrainte au niveau du front de pelage pour le valider. Celle-ci
n’est pas directement mesurable, mais l’observation de la forme du ruban avec une caméra sur le côté
pourrait nous permettre d’y remonter. L’amélioration du dispositif expérimental en y ajoutant une
seconde caméra rapide fera partie intégrante de ma thèse.
2.2
Modification de l’épaisseur du ruban au front de pelage
Nous pensons que l’apparition du stick-slip est liée à la contrainte mécanique au front de pelage.
Nous avons alors tenté d’augmenter l’épaisseur du ruban adhésif au niveau du front pour modifier son
comportement mécanique.
Pour rigidifier le dos du ruban au front de pelage mais sans modifier son élasticité sur la distance
L, nous avons superposé plusieurs couches de Scotch sur le dos du Scotch pelé au niveau du front,
comme indiqué sur le schéma de la figure 8.
plexiglas
substrat
θ
Scotch 600
0,5mm
Figure 8: Schéma du pelage en superposant plusieurs couches de Scotch au niveau du front, et
exemples de photos des dynamiques observées : micro-stick-slip rectiligne pour 1 couche (à gauche),
déformation du front pour 2 couches (au centre) et pelage régulier avec digitation pour 6 couches (à
droite).
8
Nous avons réalisé plusieurs expériences de pelage à 1 m/s (sur le substrat « Scotch 600 ») pour
observer l’évolution du stick-slip avec un nombre croissant de couches de Scotch, allant jusqu’à 6
couches superposées :
— pour 1 seule couche, nous retrouvons un macro-stick-slip habituel composé de micro-stick-slip,
ils sont rectilignes et régulièrement espacés d’environ 100 µm (photo de gauche de la figure 8).
— pour 2 couches superposées, il apparaît toujours du micro-stick-slip mais son front est beaucoup
moins rectiligne que précédemment (photo centrale de la figure 8).
— pour 3 couches superposées, les micro-stick-slip commencent à disparaître et tendent à être
remplacés par des avancées du front avec des oscillations de vitesse. Le front présente alors une
forme de digitation dans l’adhésif pelé lors de ces avancées.
— à partir de 4 couches les micro-stick-slip ont totalement disparu et il ne reste que de la digitation
avec oscillations du front.
— à partir de 6 couches la digitation ne présente plus d’oscillation et avance à vitesse constante
(photo de droite de la figure 8).
Ces résultats peuvent s’interpréter avec la déformation élastique du ruban. Superposer plusieurs
couches permet de rigidifier le ruban, il faut alors plus de force pour le courber au front de pelage,
ce qui augmente la contrainte seuil de déclenchement des micro-stick-slip. Au final il semble donc
qu’augmente l’épaisseur du front produit le même effet que réduire la vitesse de pelage du moteur,
nous passons d’une dynamique de stick-slip à un pelage régulier (en passant par les oscillations).
Ces expériences préliminaires présentent cependant un inconvénient : rajouter des épaisseurs de
Scotch modifie aussi la rhéologie du front car cela intercale des couches de colles fluides entre chaque
dos. L’apparition d’une digitation a déjà été observée précédemment lors de pelage à très basses vitesses
avec un adhésif différent [4]. Dans notre cas, cette cavitation est probablement une conséquence du
changement de rhéologie.
Dans tous les cas, la modification de l’épaisseur semble jouer un rôle important dans la dynamique
de pelage, et nous commençons à réfléchir à d’autres moyens pour la modifier de manière plus contrôlée.
3
Du système homogène au système hétérogène
Jusqu’à maintenant, nous avons étudié les dynamiques de pelage pour des substrats et rubans
homogènes. Il serait intéressant de voir si des hétérogénéités d’adhésion perturberaient ces dynamiques.
Pour cela, il nous a fallu trouver un système compatible avec notre montage expérimental, facile à
caractériser, et sur lequel nous pouvons contrôler les hétérogénéités.
3.1
Tests de différents systèmes
Les expériences présentées dans les parties précédentes ont été réalisées avec du Scotch 3M 600
sur différents substrats. Ces systèmes ont été retenus après plusieurs tests que j’ai réalisés durant mon
stage, dans le but de trouver le meilleur système hétérogène.
Les rubans adhésifs
La plupart des rubans adhésifs sont composés d’un dos mince en plastique sur lequel est déposé un
revêtement adhésif. Le procédé de fabrication des rubans commerciaux étant complexe mais parfaitement maîtrisé industriellement, nous avons choisi de travailler avec des rubans de la marque Scotch
3M pour minimiser la présence d’impuretés dans les échantillons.
Nous avons caractérisé les pelages de quatre rubans adhésifs :
— Le Scotch 600 “Crystal” : son dos est transparent et uniforme, la vitesse critique d’apparition
du stick-slip est inférieure à quelques m/s pour les substrats que nous avons utilisé.
— Le Scotch 550 “Transparent” : son dos est transparent et uniforme, mais la vitesse d’apparition
du stick-slip est beaucoup plus élevé (> 5 m/s), ce qui est difficile à atteindre pour notre
moteur.
9
— Le Scotch 810 “Magic” : son dos est opaque, la détection optique du front est alors beaucoup
plus complexe, la vitesse d’apparition du stick-slip est également inférieure à quelques m/s.
— Le Scotch “Packaging Tape” : la rhéologie de cet adhésif fait pour l’emballage de carton est
différente des autres car l’adhésion est beaucoup plus forte, la vitesse d’apparition du stick-slip
est également autour de quelques m/s, son dos est transparent mais assez hétérogène ce qui
donne des stick-slip irréguliers.
De ces différentes observations, nous avons conclu que le Scotch 600 “Crystal” est le meilleur choix
pour l’étude du stick-slip.
Les substrats
Les précédentes études sur le stick-slip [2, 11] ont utilisé le dos du Scotch 600 comme substrat, pour
se placer dans les mêmes conditions qu’un pelage de ruban commercial sur lui-même. Cependant, le
dos du Scotch est traité par un revêtement antiadhésif (pour le décoller plus facilement) qui s’arrache
progressivement au cours des premiers pelages, ce qui modifie la force d’adhésion. Une solution pour
enlever ce revêtement est de nettoyer le dos du Scotch à l’éthanol, permettant ainsi d’avoir un substrat
avec les mêmes propriétés pour tous les pelages.
Le dos du Scotch nettoyé convient donc comme substrat homogène. Nous avons essayé de le rendre
hétérogène en modifiant son adhésion par différentes méthodes (dépôt d’encre, de peinture, surélévation, entaille...) mais sans succès car le contrôle des hétérogénéités manque de précision. Nous avons
également regardé du côté des techniques utilisées en micro-fluidique (micro-fraiseuse, lithographie)
mais les procédés sont complexes et les échantillons ne s’adaptent pas facilement à notre montage
expérimental. Le système hétérogène le plus prometteur que nous avons trouvé est l’impression sur
des transparents de rétroprojecteur.
Les transparents de rétroprojecteur présentent plusieurs avantages :
— il existe une différence d’adhésion importante entre les zones imprimées et celles non-imprimées,
l’impression de motifs sur ces transparents nous permet donc d’obtenir une surface avec différents niveaux d’adhésion,
— les transparents se fixent facilement sur notre plaque de plexiglas (avec du Scotch double-face !),
— même sur une zone imprimée, l’encre est suffisamment transparente pour le suivi optique du
front de pelage,
— une imprimante de qualité peut déposer de l’encre avec une résolution de l’ordre de la centaine
de microns, ce qui nous permet de contrôler les hétérogénéités avec beaucoup de précision.
3.2
Forces d’adhésion sur transparent de rétroprojecteur
La force d’adhésion du ruban adhésif sur transparent est modifiée lorsque de l’encre est imprimée,
nous donnant ainsi accès à un substrat hétérogène. Pour caractériser cette différence entre le transparent imprimé et non-imprimé, nous pouvons mesurer avec notre couplemètre la force exercée par
le moteur lors d’un pelage à basse vitesse sur ces surfaces (son temps de réponse ne permet pas les
mesures à haute vitesse).
Comme pour les différentes dynamiques de pelage, nous avons observé que la force d’adhésion sur
ces deux surfaces dépend de nombreux paramètres déjà cités (type de ruban, température, façon de
coller, temps de fluage). Nous avons caractérisé son évolution avec le temps de fluage de l’adhésif
et avec la vitesse de pelage. Cependant, le pelage sur transparent dépend également d’un paramètre
supplémentaire : le nombre de pelage ayant déjà été effectué sur le même substrat.
Évolution avec le nombre de pelage et définition des substrats
Lors de la fabrication d’un transparent, un revêtement est appliqué sur sa surface pour permettre
à l’encre de bien adhérer lors d’une impression. Mais ce revêtement est progressivement arraché au
cours de plusieurs pelages, ce qui modifie la force d’adhésion. Nous avons mesuré l’évolution de cette
force pour les premiers pelages sur un transparent (à 0,1 m/s), l’évolution est présentée sur la figure 9.
10
//
force d’adhésion (N)
5
4
3
transparent
encre
2
1
0
0
2
4
6
8
10
nombre de pelage
//
12
∞
14
Figure 9: Évolution de la force d’adhésion sur transparent (en bleu) et sur encre (en rouge) en fonction
du nombre de pelage réalisé. Elles tendent vers des constantes après un très grand nombre de pelage
(symbolisé par ∞), où le contraste d’adhésion s’inverse.
La force sur transparent (en bleu sur la figure 9) est initialement de 5,2 N, puis diminue d’environ
10% sur les 4 - 5 premiers pelages. À l’inverse au bout de plusieurs dizaines de pelage, la force mesurée
tend vers une constante d’environ 2,8 N, lorsque le revêtement est totalement arraché.
De même pour le transparent imprimé (en rouge), la force d’adhésion sur l’encre augmente fortement à chaque pelage. Nous avons mesuré que celle-ci augmente de presque 10% par expérience lors
des premiers pelages, et comme précédemment tend vers une constante (≈ 3,4 N) après un grand
nombre de pelage. On peut remarquer que cette constante est légèrement plus grande que celle sur
transparent, les niveaux d’adhésion s’inversent après un certain nombre de pelage. Cette augmentation
de l’adhésion sur l’encre est probablement due à des micro-rugosités déposées par l’imprimante, qui
s’arrache à chaque pelage.
Pour prendre en compte cette évolution avec le nombre de pelage, nous n’allons pas considérer
uniquement 2 substrats d’adhésions différentes (imprimée et non-imprimée) mais 4 substrats :
— « transparent neuf » : transparent non-imprimé et changé tous les 4 - 5 pelages pour garder
une force d’adhésion presque constante (proche de celle initiale),
— « transparent ancien » : transparent non-imprimé sur lequel on a effectué une centaine de
pelage, la force d’adhésion a donc atteint une constante et n’évolue plus,
— « encre neuf » : transparent imprimé et changé à chaque pelage pour conserver sa force d’adhésion initiale,
— « encre ancien » : transparent imprimé sur lequel on a effectué une centaine de pelage, la force
d’adhésion n’évolue plus.
Évolution avec le temps de fluage
Comme indiqué dans la partie 1.2, la force d’adhésion (tout comme la dynamique de pelage) évolue
avec le temps de fluage de l’adhésif sur le substrat, c’est-à-dire avec l’intervalle de temps entre le collage
du ruban sur le substrat et son pelage par le moteur. Pour quantifier l’importance de cet effet, nous
avons mesuré l’évolution de la force d’adhésion avec ce temps pour chaque substrat lors de pelage à
0,1 m/s (figure 10).
La force d’adhésion semble augmenter légèrement avec le temps de fluage pour les substrats avec
encre (environ 20% sur 5 min pour les courbes rouge et magenta de la figure 10), en particulier aux
temps courts. Cela peut s’expliquer par l’étalement progressif de la colle au cours du temps, augmentant
ainsi la surface d’adhésion. Pour les transparents non-imprimés, la dispersion est importante mais ne
permet pas de déduire une évolution particulière.
11
force d’adhésion (N)
5
4
transparent neuf
transparent ancien
encre neuf
encre ancien
3
2
1
0
0
1
2
3
4
temps de fluage (min)
5
Figure 10: Évolution de la force d’adhésion avec le temps de fluage de l’adhésif pour chaque substrat :
l’adhésion n’évolue dans le temps que pour les transparents imprimés.
Ces courbes montrent qu’il est important de garder un temps de fluage fixe, afin de s’assurer d’avoir
une adhésion identique lors de tous nos pelages. Pour la suite, nous nous placerons à un temps de
fluage de 1 min pour toutes nos expériences.
Évolution avec la vitesse de pelage
La force d’adhésion évolue également avec la vitesse de pelage imposée par le moteur. Nous avons
alors mesuré son évolution sur chaque substrat pour des vitesses croissantes (le couplemètre ne nous
permet pas de dépasser 0,5 m/s), les résultats sont présentés sur la figure 11.
6
force d’adhésion (N)
5
4
transparent neuf
encre ancien
transparent ancien
encre neuf
3
2
1
0
0
0.1
0.2
0.3
0.4
vitesse de pelage (m/s)
0.5
Figure 11: Évolution de la force d’adhésion avec la vitesse de pelage pour chaque substrat : celle-ci
augmente avec la vitesse, puis chute rapidement lors de l’apparition du stick-slip.
La force exercée par le moteur augmente avec la vitesse du pelage, tant que la dynamique du
pelage correspond à un pelage régulier. C’est le cas pour les substrats « transparent neuf » (en cyan)
et « encre ancien » (en rouge) dans la gamme de vitesse étudiée. Pour les deux autres, la force chute
à partir de 0,3 m/s, ce qui est caractéristique de l’apparition d’une dynamique avec stick-slip. Le
couplemètre nous renvoyant la force moyenne sur toute la durée du pelage, nous n’avons pas accès aux
variations de forces lors d’un stick-slip, mais nous pouvons tout de même conclure que sa moyenne est
inférieure à celle d’un pelage régulier (le stick-slip est la dynamique la plus stable à haute vitesse).
12
Ces mesures nous ont permis de caractériser les différences d’adhésion entre chaque substrat. Pour
nos premières études de systèmes hétérogènes, nous avons privilégié un système composé de deux
surfaces avec une différence d’adhésion maximale, notre choix s’est donc porté sur un transparent neuf
avec des motifs imprimés, et qui n’a jamais été pelé (« transparent neuf » / « encre neuf »).
Mais avant d’étudier ces systèmes hétérogènes, nous avons d’abord comparé les caractéristiques
des stick-slip obtenus sur chacun de ces substrats.
3.3
Caractéristiques du stick-slip pour les différents substrats
Nous avons montré que l’apparition d’une dynamique de stick-slip dépend de nombreux paramètres,
dont la nature du substrat. Mais il serait aussi intéressant d’étudier si les propriétés du stick-slip
(amplitude et période) dépendent de ce paramètre. Pour cela nous avons caractérisé les macro-stickslip et micro-stick-slip pour différentes vitesses de pelage.
Les macro-stick-slip
Nous avons mesuré les amplitudes et périodes de macro-stick-slip pour une large gamme de vitesse
de pelage, sur nos quatre substrats (figure 12).
7
encre ancien
transparent ancien
encre neuf
10
période macro−stick−slip (ms)
amplitude macro−stick−slip (mm)
12
8
6
4
2
0
0
1
2
vitesse de pelage (m/s)
6
5
4
3
2
1
0
3
encre ancien
transparent ancien
encre neuf
0
1
2
vitesse de pelage (m/s)
3
Figure 12: Amplitudes (à gauche) et périodes (à droite) de macro-stick-slip en fonction de la vitesse
de pelage imposée pour les différents substrats.
La vitesse d’apparition du macro-stick-slip dépend du substrat : elle est proche de 4 m/s pour le
« transparent neuf », et entre 0,5 - 0,6 m/s pour les autres. Nous ne pouvons pas mesurer les macrostick-slip si leur amplitude est supérieure au champ de vision de notre caméra (environ 1,2 cm), or
c’est le cas pour tous les stick-slip observés sur « transparent neuf ». C’est pour cette raison que nous
n’avons pas pu faire de mesure sur ce substrat.
Pour les trois substrats, l’amplitude croît avec la vitesse de pelage (courbe de gauche, figure 12).
Les mesures sur « encre neuf » n’ont pas pu être réalisées au-delà de 1,6 m/s car nous sortons du
régime de stick-slip régulier, et arrivons dans une nouvelle zone bistable à haute vitesse [1] qui n’a pas
été étudiée pendant ce stage.
L’évolution des périodes est différente pour chaque substrat (courbe de droite, figure 12). Sur
« transparent ancien », nous observons une décroissance de la forme Tss ∝ 1/Vpelage jusqu’à environ
1,5 m/s. Celle-ci correspond à un régime de stick-slip dit « quasi-statique » [5], où les périodes de slip
sont très courtes et négligeables devant celles de stick. Au-delà de 1,5 m/s la période tend vers une
constante, le régime est alors dit « inertiel » [1, 10]. Dans ce cas, les périodes de slip deviennent du
13
même ordre de grandeur que celles de stick, car l’inertie du ruban n’est plus négligeable devant les
forces d’adhésion.
Pour les substrats avec encre, nous ne retrouvons que le régime inertiel avec une période constante
(à la dispersion près). En comparant les valeurs de ces constantes aux forces d’adhésions mesurées
(figure 11), il semble que la période en régime inertiel est plus élevée pour les substrats présentant
une adhésion plus faible. Cette évolution du régime inertiel avec le niveau d’adhésion n’a jamais été
observée expérimentalement.
Les micro-stick-slip
Tout comme les macro-stick-slip, nous avons mesuré les amplitudes et périodes des micro-stick-slip
obtenus sur chaque substrat. La vitesse de pelage imposée par le moteur n’est pas un paramètre de
contrôle pertinent dans le cas des micro-stick-slip, car la vitesse d’avancée du front lors d’un macro-slip
est différente de celle imposée par le moteur (voir figure 4). Nous avons alors représenté sur la figure 13
les amplitudes Amss et périodes Tmss des micro-stick-slip en fonction de la vitesse moyenne du front
à l’échelle d’un micro-stick-slip, définit comme Vf = Amss /Tmss . Pour plus de clarté sur les courbes,
nous avons réalisé une moyenne sur les vitesses tous les 1 m/s.
160
150
100
encre ancien
transparent ancien
encre neuf
transparent neuf
50
0
encre ancien
transparent ancien
encre neuf
transparent neuf
140
période micro−stick−slip (µs)
amplitude micro−stick−slip (µm)
200
0
2
4
6
8
vitesse du front (m/s)
120
100
80
60
40
20
0
10
0
2
4
6
8
vitesse du front (m/s)
10
Figure 13: Amplitudes (à gauche) et périodes (à droite) de micro-stick-slip en fonction de la vitesse
du front pour les différents substrats.
Comme pour les macro-stick-slip, la vitesse minimale lors de micro-stick-slip varie avec le substrat
(de 1 m/s sur « encre neuf » à 6 m/s sur « transparent neuf »). Cela s’explique par l’apparition du
macro-stick-slip qui ne se fait qu’à haute vitesse sur « transparent neuf », comme décrit précédemment.
La dispersion des amplitudes mesurées est importante ici aussi, mais elles sont toutes du même
ordre de grandeur. On observe une légère décroissance aux faibles vitesses du front pour chaque
substrat (dans leur gamme d’apparition respectives), puis celle-ci semble tendre vers une constante à
haute vitesse (entre 110 et 160 µm). Cette décroissance n’a pas été observée aussi clairement dans les
études précédentes [1].
L’amplitude variant peu avec la vitesse, les périodes mesurées forment une courbe qui a la forme
d’une fonction inverse (car mathématiquement Tmss = Amss /Vf ).
Pour conclure sur ces observations, les propriétés des micro-stick-slip varient peu d’un substrat à
l’autre pour une vitesse du front donnée. Il en est de même pour le macro-stick-slip lorsque le régime
inertiel est atteint (au-dessus d’environ 1 m/s de pelage). Cependant, nous avons observé que la vitesse
d’apparition du stick-slip (pour le macro) et la vitesse du front (pour le micro) dépendent fortement
du substrat utilisé. Nous pouvons alors tenté de contrôler le stick-slip en utilisant cet effet lors de
pelage sur des surfaces hétérogènes.
14
4
Pelage sur quelques surfaces hétérogènes simples
Nous avons utilisé les différences de forces d’adhésion et de vitesses d’apparition du stick-slip sur
« transparent neuf » et « encre neuf », pour étudier le pelage sur quelques surfaces hétérogènes simples
(présentées en figure 14).
sens du
pelage
Figure 14: Schéma des surfaces hétérogènes sur lesquelles nous avons étudié le pelage.
4.1
L’interface entre les substrats
L’interface encre/transparent
14
3.5
12
3
vitesse du front (m/s)
position du front (mm)
Nous avons suivi la position du front lors d’un pelage sur une interface encre/transparent (1re surface de la figure 14), c’est-à-dire qu’au cours du même pelage le substrat passe de l’encre au transparent,
ce qui augmente brutalement la force à exercer pour le pelage. La position et la vitesse au niveau de
l’interface sont représentées en figure 15.
10
8
6
4
2
0
2.5
2
1.5
1
0.5
0
5
10
15
temps (ms)
20
0
25
0
5
10
15
temps (ms)
20
25
Figure 15: Évolution de la position (à gauche) et de la vitesse (à droite) du front de pelage en fonction
du temps sur une interface encre/transparent. La droite verticale rouge localise l’instant où l’interface
est franchie, et les tirets noirs représentent la vitesse de pelage imposée (Vpelage = 1 m/s).
Sur l’encre (avant l’interface représentée par la droite rouge), la dynamique est celle d’un macrostick-slip (analogue à la figure 3). Après le passage de l’interface, le front s’arrête environ 5 ms, puis
accélère progressivement jusqu’à atteindre la vitesse imposée par le moteur (droite noire) sous la forme
d’un pelage régulier.
En comparant ces observations avec celles faites sur les surfaces homogènes à 1 m/s (partie précédente), nous retrouvons les mêmes dynamiques : il apparaît du macro-stick-slip sur « encre neuf »,
et du pelage régulier sur « transparent neuf ». De plus, l’observation de cette phase d’arrêt et d’accélération juste après l’interface montre l’importance de l’élasticité du ruban sur le pelage, en accord
avec notre interprétation mécanique établie dans la partie 2.1. La force d’adhésion sur encre étant
faible, l’élongation du ruban est faible. Lorsque le front arrive sur le transparent, la force est beaucoup
15
plus grande, et le ruban s’étire pour exercer une contrainte suffisante et reprendre le pelage, ce qui
correspond aux temps d’arrêt et d’accélération. Une observation de la forme du ruban au front de
pelage nous permettrait de confirmer cette interprétation.
L’interface transparent/encre
Nous avons réalisé l’expérience complémentaire de pelage sur une interface transparent/encre
(2e surface de la figure 14), les résultats sont présentés en figure 16.
15
vitesse du front (m/s)
position du front (mm)
8
10
5
0
0
1
2
3
temps (ms)
4
6
4
2
0
5
0
1
2
3
temps (ms)
4
5
Figure 16: Évolution de la position (à gauche) et de la vitesse (à droite) du front de pelage en fonction
du temps sur une interface transparent/encre. La droite verticale rouge localise l’instant où l’interface
est franchie, et les tirets noirs représentent la vitesse de pelage imposée (Vpelage = 1 m/s).
Avant l’interface (représentée par la droite rouge), le pelage sur transparent est régulier à 1 m/s.
Mais dès que l’interface est franchie, le front accélère rapidement jusqu’à atteindre environ 7 m/s et
conserve cette vitesse sur plus de 1 cm. En regardant la vidéo, nous remarquons que cette avancée
rapide est une série très longue de micro-stick-slip (au moins une centaine).
Le ruban est très tendu sur transparent à cause de la forte adhésion. Après l’interface, cette tension
est relâchée ce qui provoque une longue série de micro-stick-slip (plus grande que celle d’un macro-slip
habituel). Un macro-stick doit forcément apparaître durant la suite du pelage, par conservation de la
vitesse imposée, mais plus la différence d’adhésion est importante et plus celui-ci est repoussé loin.
Nous remarquons également que la vitesse des micro-stick-slip est élevée mais varie peu, comme pour
les expériences sur substrat homogène, ce qui montre la grande stabilité de ce mode de pelage.
Connaissant les dynamiques du front sur les deux interfaces, nous allons maintenant appliquer ces
résultats pour tenter de contrôler le stick-slip.
4.2
Alterner les substrats pour contrôler le stick-slip
L’observation du front de pelage à l’interface transparent/encre montre que celle-ci tend à initier
une série de micro-stick-slip (dans une certaine gamme de vitesse). À l’inverse, l’interface encre/transparent
tend à arrêter le front, puis à l’accélérer jusqu’à une dynamique de pelage régulier.
En imprimant sur transparent une bande d’encre de largeur contrôlée, nous pouvons obtenir un
pelage constitué d’une série de micro-stick-slip sur cette bande, puis d’une phase d’arrêt sur transparent. Nous avons alors étudié le pelage sur des surfaces constituées d’une alternance successive de
bande d’encre et de transparent avec différentes largeurs (3e surface de la figure 14).
Nous avons obtenu des résultats intéressants dans le cas d’un substrat avec des bandes d’encre
larges (1 cm) et des bandes transparentes courtes (1 mm). L’évolution du front de pelage est présenté
en figure 17, lors d’un pelage à 1 m/s (à gauche) et à 3 m/s (à droite).
16
15
position du front (mm)
position du front (mm)
15
10
5
10
5
3 m/s
1 m/s
0
0
5
temps (ms)
0
10
0
2
temps (ms)
4
Figure 17: Évolution de la position du front de pelage en fonction du temps sur une surface constituée
d’une alternance de transparent et d’encre, pour un pelage à 1 m/s (à gauche) et à 3 m/s (à droite).
Le pelage sur transparent est analogue à un macro-stick, et la série de micro-stick-slip sur encre forme
un macro-slip. Les tirets noirs représentent la vitesse de pelage imposée.
Pour ces pelages (figure 17), la dynamique du front est très proche de celle d’un stick-slip régulier
(figure 3). Elle présente une alternance de phase rapide, composée d’une série de micro-stick-slip sur
l’encre et analogue à un macro-slip, et de phase lente, composée d’un arrêt puis d’une accélération
progressive sur transparent, analogue à un macro-stick. De plus les bandes transparentes sont fines
(1 mm), l’amplitude des macro-stick-slip est donc principalement fixée par celle du macro-slip, qui
correspond à la largeur de la bande d’encre (1 cm).
Cette surface permet donc de forcer l’apparition de macro-stick-slip, mais elle permet aussi de
contrôler ses propriétés. En effet, l’amplitude de macro-stick-slip est fixée par la distance entre deux
bandes transparentes, soit Ass = 11 mm (= 1 cm + 1 mm). Or le pelage est réalisé à vitesse moyenne
imposée, d’où Tss = Ass /Vpelage , soit Tss = 11 ms (à 1 m/s) et Tss = 3,7 ms (à 3 m/s). C’est donc
la largeur des bandes et la vitesse de pelage qui impose l’amplitude et la période des macro-stickslip. Pour les exemples de la figure 17, nous mesurons respectivement des amplitudes de 10,8 mm et
10,9 mm, et des périodes de 10,2 ms et 3,6 ms, ce qui est conforme à notre prévision.
Le contrôle des amplitudes et périodes des macro-stick-slip pourrait nous être utile lors de nos
futures expériences, en particulier pour les analyses acoustiques (décrites dans le prochain paragraphe).
Nous avons cependant remarqué plusieurs limites à ce contrôle :
— la structure en macro-stick-slip n’apparaît que si le contraste d’adhésion entre les 2 substrats
est important,
— la bande transparente doit être suffisamment large pour arrêter l’inertie du front de pelage après
le micro-slip (cela dépend de la vitesse de pelage, mais typiquement elle doit être supérieure à
200 - 300 µm), mais assez courte pour éviter qu’une dynamique de pelage régulier s’installe,
— si la bande d’encre est trop large, l’élasticité du ruban ne sera pas suffisante pour produire
une série de micro-stick-slip sur toute la longueur et des macro-stick apparaîtront sur l’encre
(comme c’est le cas sur substrat homogène). Cette élasticité dépend de la vitesse de pelage,
et pour 1 m/s nous avons observé qu’un stick apparait pour les bandes d’encre de largeur
supérieure à 2 cm.
Pour ces expériences, nous nous sommes limités à des surfaces hétérogènes avec deux niveaux
d’adhésion différents. Mais il est possible lors d’une impression de modifier la quantité d’encre déposée
sur le transparent. Nous pouvons donc avoir accès à une large gamme de niveaux d’adhésion, qui nous
permettront d’améliorer notre contrôle du stick-slip.
Sachant qu’il est possible de contrôler le stick-slip, nous allons maintenant appliquer ces résultats
17
à son analyse acoustique.
4.3
Application à l’analyse acoustique
Durant ce stage, je me suis principalement focalisé sur le suivi optique des pelages avec la caméra
rapide. Mais notre dispositif expérimental permet également de détecter les vibrations qui se propagent
dans la plaque de plexiglas avec un transducteur ultrasonore. Un premier travail d’analyse acoustique
a été réalisé par Ramon Planet, ATER à l’Université Lyon 1, et je poursuivrai cette étude durant ma
thèse. Dans un premier temps, je vais montrer rapidement quelques signaux caractéristiques obtenus,
puis je développerai l’intérêt des surfaces hétérogènes pour ce type d’étude.
Quelques résultats de l’analyse acoustique
Un exemple de signal acoustique obtenu lors d’un pelage avec stick-slip sur substrat homogène est
présenté en figure 18.
5
tension (V)
tension (V)
5
0
−5
0
50
temps (ms)
0
−5
39
100
40
41
temps (ms)
42
43
Figure 18: Exemple de signal acoustique obtenu lors d’un pelage avec stick-slip sur substrat homogène
« Scotch 600 » à 0,21 m/s. Chaque burst (à gauche) correspond à un macro-stick-slip. Le signal
pour l’un d’eux est agrandi (à droite), la transition macro-slip/macro-stick (représentée par la droite
verticale verte) est déterminée par synchronisation avec la vidéo. La détection des micro-stick-slip
durant la phase de macro-slip n’est pas évidente.
Le signal acoustique d’un pelage avec stick-slip (courbe de gauche) présente plusieurs burst. En
synchronisant la vidéo de la caméra avec ce signal, nous observons que chaque burst correspond à
un macro-stick-slip. La mesure des périodes de macro-stick-slip peut donc se faire également par
analyse acoustique, pour des pelages à basse vitesse comme c’est le cas ici. Par contre à haute vitesse,
l’intervalle entre chaque burst se réduit et leurs signaux commencent à se recouvrir. La mesure des
périodes devient alors beaucoup plus délicate.
Le signal pour l’un des burst est agrandi (courbe de droite), mais il est difficile de distinguer la fin
du macro-slip et le début du macro-stick. C’est la synchronisation avec la vidéo qui nous permet de
connaître l’instant de transition macro-slip/macro-stick (représenté par la droite verticale verte). La
détection de chaque micro-stick-slip constituant le macro-slip est encore plus complexe.
Une analyse spectrale par fenêtre glissante peut néanmoins faire ressortir une fréquence caractéristique, qui est proche de la période mesurée pour les micro-stick-slip. Mais celle-ci est longue à réaliser
et n’a marché que pour certaines expériences. De plus, elle ne donne accès qu’à la période moyenne,
et pas aux variations locales.
Pour différencier chaque micro-stick-slip constituant un macro-slip, il faudrait dans un premier
temps isoler le signal produit par un unique micro-stick-slip.
18
Acoustique d’un trait d’encre
Comme décrit précédemment, l’impression sur transparent d’une bande d’encre de largeur contrôlée
permet d’obtenir une série de micro-stick-slip sur cette bande, qui est intercalée entre deux pelages
réguliers. Pour améliorer notre compréhension des signaux acoustiques, nous avons étudié le pelage
d’un transparent sur lequel est déposé un unique trait d’encre très fin, compris entre 170 et 190 µm
(4e surface de la figure 14). Le signal acoustique obtenu lors de ce pelage est présenté en figure 19.
4
4
stick−slip n°1
stick−slip n°2
stick−slip n°1
stick−slip n°2
2
tension (V)
tension (V)
2
0
−2
0
−2
−4
0
2
4
6
temps (ms)
−4
8
0
0.5
1
temps (ms)
1.5
Figure 19: Signal acoustique (à gauche) obtenu lors d’un pelage à 0,3 m/s sur un transparent avec
un trait d’encre. La synchronisation avec le suivi optique du front montre qu’il est composé de deux
micro-stick-slip (ils sont tracés dans des couleurs différentes). En superposant les signaux de ces deux
micro-stick-slip (à droite), nous obtenons une corrélation croisée de 74%.
Le suivi optique du front pendant ce pelage nous montre qu’il s’est produit deux micro-stick-slip
sur la zone imprimée, et du pelage régulier sur le reste. En synchronisant la vidéo avec le signal
acoustique, nous pouvons déterminer l’instant où débute le second micro-stick-slip (ils sont tracés
dans des couleurs différentes). Ces deux stick-slip étant éloignés (d’environ 4 ms), nous considérons
que l’écho du premier est suffisamment faible devant le second lorsque celui-ci débute. Nous avons
ensuite séparé et superposé leurs signaux (courbe de droite de la figure 19). Nous remarquons que les
signaux de ces deux micro-stick-slip indépendants sont assez proches, après calcul nous obtenons une
corrélation croisée de 74%.
Cette expérience nous montre que le signal acoustique d’un unique micro-stick-slip est complexe,
d’où la difficulté à distinguer chaque micro-stick-slip. Cependant, la forte corrélation entre les signaux
suggère que l’émission acoustique de chaque micro-stick-slip est semblable. En appliquant une déconvolution du signal d’un macro-slip par cette émission, il serait alors possible de séparer chaque
micro-stick-slip.
L’utilisation de surface hétérogène semble donc prometteuse pour la caractérisation acoustique du
stick-slip. La poursuite de ces travaux sera réalisée durant ma thèse.
19
Conclusion
Pour conclure, le pelage d’un ruban adhésif est un phénomène complexe, présentant un aspect
multi-échelle et dont la dynamique dépend fortement des paramètres expérimentaux. Plusieurs études
récentes [1, 2, 11] ont permis de caractériser les propriétés du stick-slip pour des systèmes homogènes,
mais l’origine physique de cette instabilité n’est pas encore totalement comprise. L’étude du pelage
sur des surfaces hétérogènes pourrait nous permettre d’y arriver.
Au cours de ce stage, nous avons d’abord étudié et caractérisé différentes dynamiques de pelage
sur des surfaces homogènes. L’étude de la transition entre le pelage régulier et le stick-slip nous a
permis d’observer une nouvelle dynamique : les oscillations du front de pelage. Cela nous a amené à
proposer une explication de l’origine du macro-stick-slip, basée sur l’existence d’une contrainte seuil
de déclenchement des micro-stick-slip. Les expériences menées en modifiant l’épaisseur du ruban au
front de pelage semblent confirmer l’existence d’une contrainte seuil pour l’apparition de l’instabilité.
Dans un second temps, nous avons réalisé plusieurs essais pour trouver un substrat présentant des
hétérogénéités d’adhésion facilement contrôlable. Pour cela, le dépôt d’encre sur transparent de rétroprojecteur présente de multiples avantages. Nous avons alors mesuré l’évolution de la force d’adhésion
et des propriétés du stick-slip sur ces substrats. Nos premières expériences de pelage sur des substrats hétérogènes semblent prometteuses, en particulier pour améliorer la détection acoustique des
événements de stick-slip. Elles nous montrent également qu’il est possible de provoquer l’apparition
du stick-slip en alternant différents niveaux d’adhésion.
Plusieurs perspectives à ce travail ont été envisagées, que je tenterai de développer durant ma
thèse.
— L’amélioration du dispositif expérimental en y intégrant une seconde caméra rapide, observant
le front de pelage sur le côté, permettrait de remonter à la contrainte dans le ruban. Ce qui
pourrait confirmer l’existence d’une contrainte seuil de déclenchement des micro-stick-slip, à
l’origine du macro-stick-slip.
— Il faudrait développer une technique expérimentale permettant de rigidifier le ruban de façon
contrôlée au niveau du front de pelage, sans complexifier sa rhéologie. Une étude quantitative de
l’évolution des dynamiques serait alors envisageable. Une autre possibilité serait de demander
à des industriels la fabrication de rubans sur mesure avec les propriétés souhaitées.
— L’impression de différentes quantités d’encre sur transparent nous donne accès à une large
gamme de niveaux d’adhésion. Une répartition judicieuse de ces différentes adhésions sur un
substrat améliorerait notre contrôle du stick-slip, et pourrait même le faire totalement disparaître.
— Le développement d’un programme, basé sur l’émission acoustique d’un unique micro-stickslip, permettrait de distinguer chaque micro-stick-slip constituant le signal acoustique d’un
macro-slip.
20
Références
[1] M.-J. Dalbe. Instabilité de Stick-Slip lors du pelage d’un adhésif. Thèse de doctorat, Université
Claude Bernard de Lyon, 2014.
[2] M.-J. Dalbe, S. Santucci, P.-P. Cortet, and L. Vanel. Peeling-angle dependence of the stick-slip
instability during adhesive tape peeling. Soft Matter, 10 :132–138, 2014.
[3] S. Giannisa, R.D. Adamsa, L.J. Clarkb, and M.A. Taylorb. The use of a modified peel specimen
to assess the peel resistance of aircraft fuel tank sealants. International Journal of Adhesion and
Adhesives, 28 :158–175, 2008.
[4] Y. Yamazaki and A. Toda. Pattern formation and spatiotemporal behavior of adhesive in peeling.
Physica D, 214 :120–131, 2006.
[5] M. Barquins, B. Khandani, and D. Maugis. Propagation saccadée de fissure dans le pelage d’un
solide viscoélastique. Compte Rendu de l’Académie des Sciences Paris, 303 :1517–1519, 1986.
[6] C. Poulard, F. Restagno, R. Weila, and L. Léger. Mechanical tuning of adhesion through micropatterning of elastic surfaces. Soft Matter, 7 :2543–2551, 2011.
[7] S.-M. Xia, L. Ponson, G. Ravichandran, and K. Bhattacharya. Adhesion of heterogeneous thin
films - 1 : Elastic heterogeneity. Journal of the Mechanics and Physics of Solids, 61 :838–851,
2013.
[8] S. Thoroddsen, H. Nguyen, K. Takehara, and T. Etoth. Stick-slip substructure in rapid tape
peeling. Physical Review E, 82 :046107, 2010.
[9] M.-J. Dalbe, P.-P. Cortet, M. Ciccotti, L. Vanel, and S. Santucci. Multi-scale stick-slip dynamics
of adhesive tape peeling. Physical Review Letters, soumit en 2015.
[10] M.-J. Dalbe, R. Villey, M. Ciccotti, L. Vanel, S. Santucci, and P.-P. Cortet. Inertial and stick-slip
regimes of the instability of adhesive tape peeling. Macromolecules, soumit en 2015.
[11] R. Villey, C. Creton, P.-P. Cortet, M.-J. Dalbe, T. Jet, B. Saintyves, S. Santucci, L. Vanel,
D.J. Yarusso, and M. Ciccotti. Rate-dependent elastic hysteresis during the peeling of pressure
sensitive adhesives. Soft Matter, 11 :3480–3491, 2015.
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