Nous avons aussi besoin de consommer des représentations, qui nous
confortent dans notre être, ou bien qui nous font découvrir d’autres semblables
différant de nous par tel ou tel aspect. En déclarant comestibles certains
aliments rituellement préparés et consommés d’une certaine façon, dans un
certain ordre, nous nous définissions. Nous devenons un peu plus musulmans,
juifs ou bouddhistes, ou bien Français ou Allemands, Auvergnats ou Bretons,
végétariens ou carnivores. Assurés de notre être, nous pouvons aussi voyager
dans nos assiettes, partir à la découverte de l’Italie savoureuse, de l’esprit
nippon, de la Chine éternelle.
Enfin, lorsque tout va mal, quand le stress nous domine, nous cherchons refuge
dans la nourriture. Des aliments riches, bien gras et sucrés, voilà ce qu’il nous
faut. Un bon repas pris avec des amis chers, ou une petite gâterie en douce
nous apaisent, nous font retrouver nos marques. Où est le mal quand cela nous
fait du bien?
O
SEZ SATISFAIRE TOUS VOS BESOINS
Parvenus à ce point, il nous faut attaquer notre seconde question : comment
faire pour réguler ce bazar? Nous voilà avec toutes sortes de besoins, qui se
situent à des niveaux hiérarchiques fondamentalement différents, mais qui sont
tous indispensables à notre survie et à notre épanouissement harmonieux. Nous
avons des besoins énergétiques, des besoins en nutriments et en
micronutriments, nous avons faim de représentations, faim des autres, et nous
ressentons parfois le besoin d’utiliser nos comportements alimentaires pour
lutter contre des stresses, des pensées et des états émotionnels malvenus.
Nous voilà donc aux prises avec la complexité du monde, notre propre
complexité. Nous y faisons face de la façon habituelle, comme le font tous les
êtres biologiques pour tout ce qui relève de la complexité (et y a-t-il vraiment
des choses qui n’en relèvent pas?). Nous utilisons la méthode du bricolage
permanent.
Nous satisfaisons en premier lieu les besoins les plus criants. S’agit-il par
exemple d’un besoin pressant d’amitié et de chaleur humaine? Pourquoi ne pas
susciter une petite fête entre amis, où nous mangerons et boirons d’abondance?
Bien sûr, ce repas, qui nous nourrira d’émotions tendres, engendrera des
déséquilibres a d’autres niveaux. On boira trop d’alcool, on mangera une
nourriture trop riche en trop grande quantité. Mais qu’importe, puisque le
lendemain matin ou le surlendemain, son appétit diminué d’autant, la régulation
des besoins énergétiques prendra le dessus? On n’aura pas faim, ou alors pour
des choses légères, rafraîchissantes, par exemple un peu de verdure, quelques
bouchées de ceci ou cela. Sans qu’on s’en occupe rationnellement, simplement
en suivant ses appétits, l’équilibre naturel se rétablira de lui-même à l’échelle de
la semaine.