UNE INNOVATION EN COURS: L’EMPRUNT ANGLAIS BICOZ
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considérer dans son environnement social, parce que « c’est en étudiant le
rôle social du langage qu’on se fait mieux une idée de ce qu’est une langue »
(Decheriev 1984 : 22). Seulement de cette façon on peut arriver à comprendre
les tendances, non seulement au niveau de la langue, mais aussi culturels, au
niveau de l’intérêt que les gens montrent pour divers domaines de la vie. La
langue nous donnera une réponse parce que « tout dans la langue est social »
(apud Luckmann 1984 : 28). La sociolinguistique est le domaine de la
linguistique qui explique les rapports entre langue et société, et les voies par
lesquelles naissent les formes linguistiques dans leur conditionnement social.
Si on regarde dans l’histoire, on peut observer comment divers mots sont
entrés dans telle ou telle langue grâce aux événements qui se passaient dans la
société à un moment donné. On peut prendre comme exemple les emprunts
italiens en français qui datent de la Renaissance : concert, tempo, vivace,
antichambre, corridor, artichaut, chou-fleur, citrouille, etc.
2. Le contact entre l’anglais et le français
Le cas de bicoz invoque une situation de contact linguistique entre le
français et l’anglais. Aujourd’hui, la langue française a un statut différent de
celui que Rivarol évoquait dans son Discours sur l’universalité de la langue
française (1783). Il montrait que le français avait à cette époque-là un statut
prestigieux et qu’il jouait un rôle très important en Europe et en dehors de
l’Europe. Beaucoup de témoignages servent à soutenir le fait qu’il s’agissait
d’une langue connue et reconnue. Après un voyage à Venise, Montesquieu
affirme « notre langue y est universelle » ; Voltaire dans son œuvre Louis XIV
affirme que la langue française est devenue « la langue de l’Europe » ; en 1751
Maupertuis note qu’elle est « la langue universelle ».
Le traité de Versailles (1919) marque d’un côté la paix au niveau
politique, d’un autre côté l’émergence de l’anglais comme langue internationale.
Le français perd brusquement son prestige comme langue internationale,
quand, pour la première fois, un traité est rédigé en français et anglais, et la
majorité des discussions préliminaires à la signature du traité sont portées en
anglais, parce que les diplomates américains et britanniques ignorent le
français (Huchon 2002 : 235).
On assiste à une décroissance de l’intérêt pour le français, peu à peu
cette langue commençant à perdre terrain devant l’anglais. C’est pendant le
XXe siècle que la France commence à perdre son contrôle et son pouvoir sur
une grande partie de la planète, fait qui donnera l’occasion à d’autres pays et
cultures de se développer, en fonction de leur progrès scientifique,
technologique et économique. C’est l’anglais qui commencera à progresser et à
s’adapter mieux à tout ce que la modernité implique et veut dire.