synthèse courage - Blog du café philo de la Possonnière

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SYNTHÈSE CAFÉ-PHILO DU 28/04/2011
LE COURAGE, EST-CE ENDURER OU ROMPRE ?
Nouvelle saison côté jardin, un peu frais, mais le groupe
des participants a vite réchauffé l’atmosphère. Sylvie nous a
présenté sa bonne introduction au thème de la soirée et chacun
a pu lire cette suite bien présentée de « réflexions diverses et
variées…». Ce propos de Sylvie retrace bien, non seulement
l’éventail des questions qu’elle propose, mais tout aussi bien la
variété des interventions des uns et des autres, ce qui je dois
l’avouer, n’a pas arrangé mes affaires pour cette synthèse !
Cependant c’était bien dans la nature de la question, telle
qu’elle était posée de s’éclater en divers horizons. En effet,
pour savoir si le courage, c’est endurer ou rompre, ne fallait-il
pas savoir en premier lieu, ce que le courage signifie ? D’où les
retours fréquents au travail de définition sur cette notion de
courage. Sylvie citant Aristote, donne à la notion de courage
une ouverture de sens intéressante : « capacité à affronter les
maux qui nous guettent », écartant « d’emblée le courage
comme héroïsme des guerriers ». Ce parti pris me semblait
avantageux en un certain sens, puisqu’il nous évitait les
sempiternelles ratiocinations sur le courage des vainqueurs ou
des vaincus, des combats de soldats ou celui des terroristes
avec leurs attentats ( ?), dans telles ou telles circonstances,
selon telles ou telles valeurs… Situer le courage dans cette
intimité de la conscience, de la décision qu’il faut prendre, du
choix qu’il faut faire, de la volonté qu’il faut appliquer, oriente
mieux selon moi, la question vers son sens existentiel (rompre
ou endurer ?).
Pierre prend l’exemple de la pièce de théâtre : « Les
justes » de Camus, pour souligner le courage d’un terroriste.
Formidable pièce que j’ai naguère fait jouer par mes élèves, qui
montre que le courage de Kaliayev, ne réside pas dans le geste
qui a tué le tyran, mais dans celui de se livrer à la justice de son
pays pour y être justement condamné. Comprendre les causes
du terrorisme et dénoncer l’oppression qui l’a fait naître, ne veut
pas dire approuver ce terrorisme ! Aucun acte dit Camus, ne
justifie la mort des innocents, en pensant à ces horribles
attentats dans les cafés d’Alger en 1956. On peut comprendre
la haine que l’impérialisme américain a pu faire naître, et
approuver le combat exemplaire des Vietnamiens, des hommes
armés contre d’autres hommes armés. Vive Ho Chi Min ! Je ne
saurais pas en dire autant des kamikazes de l’attentat du 11
septembre à New York !
Francis avait sans doute relu son livre d’histoire de l’
Antiquité avant de venir, et nous a narré dans le détail, avec
tout le talent d’un bon conteur, les aventures guerrières
effroyables entre les Hébreux et les Romains à Massada en 72.
Les Hébreux ont préféré le suicide à la reddition. Dans ce cas, il
est possible de dire que des hommes courageux ont préféré
rompre leur existence que d’endurer l’esclavage réservé aux
vaincus. Si l’on ne peut « juger le courage qu’à partir d’un
système de valeurs » comme le dit Gérard, peut être que pour
les Romains, les Hébreux sont des lâches qui ont refusé le
combat…( Revoir aussi « Les sentiers de la gloire » de Kubrik,
et le cas des désertions lors de la guerre 14-18). Il est parfois
difficile de délimiter le courage, de la lâcheté et de la témérité. Il
me semble que l’on peut donner à l’infini des exemples de
combats dans l’histoire qui, selon les valeurs mises en avant,
diront tout autant courage ou lâcheté, et ça ne fera pas avancer
d’un poil le « Schmilblik » !
Monique souligne que le courage c’est d’abord le courage
sur soi. Voir aussi les documents joints, la pensée de
Platon : « La victoire sur soi-même est de toutes les victoires la
première et la plus glorieuse ». L’on peut songer évidemment à
l’effort courageux de l’alcoolique repenti. Le courage c’est un
effort sur soi comme en témoigne l’exemple de la douleur que
l’on endure. Mais quelles sont les limites du supportable ?
« Rompre ou accepter nos limites ? »
D’aucun, comme Bruno, ont bien perçu la difficulté en
posant la question : « à quoi ça sert le courage ? » et de dire
que c’est aussi un effort auprès des autres. Antigone ne se
sacrifie pas pour elle-même, dans sa fidélité morale qu’elle doit
à son frère, mais elle rompt avec la soumission passive devant
le tyran. Certes la morale du combat d’Antigone ne trouve sa
solution que dans la mort, c’est le sens du tragique, mais c’est
aussi une victoire courageuse contre la loi d’un seul homme.
Sylvie faisant référence au courage politique, rejointe en cela
par Dominique qui citait Gandhi, souligne que, dans ce
domaine, le courage consiste à rester fidèle à ses
engagements sur le long terme, se distinguant de l’exploit
singulier et immédiat.
Relevant quelques points d’une analyse faite par une DRH
(Lisez le texte joint !) sur le courage en entreprise, nous avons
été stupéfaits de voir qu’en entreprise, c’est « ni courage, ni
lâcheté », et l’entreprise attend de ses cadres qu’ils soient « les
plus lisses et les plus adaptés possible », « optimiser sa
situation individuelle ». Bravo pour la solidarité ! Je ne vois pas
comment un personnel si soumis à sa carrière, serait capable
de défendre ou d’aider des collègues harcelés moralement. On
ne s’étonne plus du suicide de certains employés en entreprise.
Si le courage en entreprise c’est faire l’autruche et endurer
dans son coin « sans vision d’ensemble », chacun pour soi,
quel sens a encore le mot courage ? Ne faut-il pas voir dans
cette nouvelle conception du management, la cause d’une
baisse de la solidarité dans le travail et de l’affaiblissement de
l’engagement syndical ?
Il ressort de toutes ces interventions, que le courage c’est
une force capable tout autant d’endurer que de rompre, et
comme le dit Chantal, le courage (comme chez les Romains)
c’est une force (« virtus ») qui s’apprend. Toutefois Camille
laisse entendre que le courage comporterait une part d’inné, de
sensibilité naturelle. Certes, il faut bien un élan, un souffle (le
« thumos » chez les Grecs), mais n’est-ce pas avant tout une
force entre raison (ou entendement) et désir (« instinct » ou
pulsion )? De la raison, il en faut aussi, comme le dit Claude,
pour qu’un guide de haute montagne refuse à ces clients
passionnés, une course trop risquée. Si le courage, c’est un
choix entre endurer ou rompre, alors dit Paule, ce ne peut-être
qu’un courage réfléchi. Ce qui montre, comme le dirent d’autres
participants, que l’obéissance aveugle sans réflexion aucune,
ne peut définir un acte courageux.
Les manipulations idéologiques, ou psychologiques sur
des individus, plus encore sur des jeunes ( jeunesse
hitlérienne) peuvent annihiler toute conscience et tout
jugement. Ne faut-il pas parler d’une éthique du courage, d’une
éthique de l’engagement, (l’éthique suppose une raison
appliquée à des situations réelles. Voir sur le Blog pour en
savoir plus : http://laposso.philo.free.fr/ ma conférence sur
« Philosophie morale et problèmes éthiques »), qui prend en
charge les causes de l’action et ses conséquences. Je dois
avouer que je n’ai pas compris la position de Bruno, pour qui le
courage serait distinct de ses conséquences. Que serait un
acte coupé de ses conséquences ? Citant Jankélévitch, Bruno
dit que le courage c’est l’art du commencement. Il faut bien en
effet se jeter à l’eau, en quelque sorte, mais c’est pour aller
quelque part ou faire quelque chose. Il est vrai que l’on ne peut
pas toujours connaître les conséquences de ses choix. Faut-il
au moins en avoir le souci. Encore une fois, la cause peut être
juste et les conséquences désastreuses (la mort des
innocents). Si je n’approuve pas le terrorisme aveugle, je
n’approuve pas non plus le bombardement de Dresde par les
Alliers, sur des civils exclusivement, même si la cause c’est la
victoire sur l’Allemagne nazie.
Il était déjà tard lorsque j’ai tenté timidement de lancer le
débat sur les couples, mais à l’évidence l’humeur n’était pas
aux tumultes secrets. Finalement c’est au bar que c’est fait la
paix des braves, que les couples se sont resserrés, et que les
amis se sont dit au jeudi 26 mai sur le thème : donner un sens
à sa vie ? C’est Chantal qui va courageusement se coller sur le
sujet.
Amitié
Jean-Louis
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