La Lettre du Pneumologue • Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2009 | 33
DROIT
ÉTHIqUE
de contrainte, apparent paradoxe pour des soignants
tous attachés au dialogue, à la relation et à une co-
décision avec les patients. Il faut donc, pour s’op-
poser au souhait du patient, envisager les fondements
permettant ce type d’approche :
– une notion de bénéfice (ou d’amélioration espérée)
qui découle d’une évaluation et d’une compétence
médicale rigoureuses ;
– la mise en œuvre d’attitudes excluant les violences
physiques et traumatisantes pour le patient et
l’équipe ;
– le maintien d’une relation consacrant la dignité du
patient : continuer à dialoguer et à dispenser l’infor-
mation pour préserver ce fil de la dignité.
Vu la lourdeur de ce type de décision, pour un
médecin, un soignant et l’ensemble d’une équipe,
il est d’usage de plaider pour la mise en œuvre d’une
décision médicale collégiale. Le temps qui précède
la décision est essentiel et permet d’instruire,
comme en justice, de manière collégiale, dans le
cadre d’une éthique de la discussion. La décision
individuelle par un seul professionnel semble à
éviter. En effet, l’absence avérée de débats dans
certains services se solde in fine par des actions
très mal vécues.
Le refus de soins
en fin de vie :
un cadre en évolution
Exprimé dans un contexte de fin de vie, le refus de
soins revêt un tout autre caractère, puisqu’il exprime
en réalité un refus de la vie. In fine, ce refus de soins
peut se concrétiser effectivement par un arrêt des
soins curatifs ou palliatifs, avec pour conséquence
le décès, à plus ou moins court terme, du patient.
Cette approche rejoint le cadre de la loi du 22 avril
2005 (5), dite “loi Léonetti”, qualifiée par certains de
“droit au laisser-mourir”. Cette loi sur les droits des
malades et sur la fin de vie permet en effet la suspen-
sion des soins médicaux, dès lors qu’ils apparaissent
“inutiles, disproportionnés, ou n’ayant d’autre effet
que le seul maintien artificiel de la vie”. La question
du recueil de la volonté du patient est alors au cœur
du problème. S’il est conscient, un dialogue peut se
nouer et permettre d’attester, au fil du temps, de la
légitimité et de la réalité d’une demande de fin de vie.
Pour les patients dans l’incapacité de s’exprimer, il
existe un large consensus sur l’importance de recher-
cher et de respecter l’avis qu’ils ont pu exprimer
avant cette incapacité. La loi précise ainsi que,
“lorsqu’une personne en phase avancée ou termi-
nale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en
soit la cause, est hors d’état d’exprimer sa volonté,
le médecin peut décider de limiter ou d’arrêter un
traitement, inutile ou impuissant à améliorer l’état
du malade, après avoir respecté la procédure collé-
giale définie par voie réglementaire et consulté la
personne de confiance, la famille et, le cas échéant,
les directives anticipées de la personne”.
La loi mentionne ainsi un élément nouveau : les
directives anticipées de la personne. Il s’agit là
d’une procédure apparue aux États-Unis à la fin
des années 1960 et visant à permettre l’intégration
de l’avis des patients dans le processus décisionnel
de fin de vie. De 1970 à 1990 ont ainsi été mises
en place des mesures d’information et d’encoura-
gement à la promotion de telles directives. Depuis
1990, le Patient Self Determination Act a rendu obli-
gatoire une information au patient sur ces directives
anticipées, lors de l’admission dans tous les hôpi-
taux du service public. De même, il contraint les
professionnels à vérifier systématiquement si leurs
patients ont établi ou non de tels documents et à
l’indiquer dans le dossier médical. Cette approche
est encore peu suivie d’effets en France. Il en va
de même pour la désignation de la personne de
confiance, pratique qui devrait se généraliser pour
les patients chez lesquels on peut anticiper ce type
de situation. Certes, les directives anticipées ou le
témoignage de la personne de confiance ne servent
pas à résoudre tous les problèmes de fin de vie,
mais c’est un élément de décision essentiel dans
l’intérêt de patients qui n’auront plus jamais la
capacité de s’exprimer.
Il importe de souligner que, lors de l’acceptation
d’un refus de soins en fin de vie, la médecine
elle-même a des arguments à faire valoir, dans la
mesure où elle est la première concernée par les
décisions à prendre et où, de ce fait, elle doit se
prononcer sur les valeurs qu’elle incarne et doit
porter dans la société. Il faut également souligner
que l’acceptation du refus fait suite à une atten-
tion thérapeutique de grande qualité, en particulier
en termes de lutte contre la douleur et d’accès
aux soins palliatifs. Ce n’est souvent que dans une
situation d’impasse et après une optimisation de
la qualité de la prise en charge que le refus pourra
être accepté sereinement par les équipes. Cela est
d’autant plus important que l’expérience a montré
qu’une réponse adaptée à l’état de souffrance des
personnes en fin de vie diminue le nombre de refus
de soins de ces personnes. ■
Références
bibliographiques
1. Moutel G. Médecins-patients :
l’exercice de la démocratie
sanitaire. Paris : L’Harmattan
2009;99-107.
2. CCNE. Refus de traitement et
autonomie de la personne, avis
n° 87, 14 avril 2005. www.ccne-
ethique.fr/docs/fr/avis087.pdf
3. Appelbaum PS, Grisso T. Capa-
cities of hospitalized, medically ill
patients to consent to treatment.
Psychosomatics 1997;38:119-
25.
4. Grisso T, Appelbaum PS.
Comparison of standards for
assessing patients’ capacities to
make treatment decisions. Am J
Psychiatry 1995;152:1033-7.
5. Loi n° 2005-370 du 22 avril
2005 relative aux droits des
malades et à la fin de vie, publiée
au Journal officiel du samedi
23 avril 2005.