altération à la fois structurale et fonctionnelle du corps cal-
leux liée à l’avancée en âge. Le déficit calleux entraînerait
une levée de l’inhibition exercée par l’hémisphère spécia-
lisé sur son homologue. Ainsi, le cerveau des personnes
âgées fonctionnerait de manière moins modulaire que
celui des sujets jeunes, ce qui aboutirait à l’utilisation de
stratégies moins spécifiques, impliquant, par conséquent,
un patron d’activation plus distribué [25, 26].
Selon Cabeza [20], cette réduction de la spécialisation
hémisphérique pourrait aussi avoir une fonction de com-
pensation, témoignant d’une capacité de réorganisation
qui permettrait, par le recrutement du cortex homologue,
d’augmenter les ressources de traitement afin de pallier le
déclin cognitif lié à l’âge. L’activité cognitive, fortement
latéralisée chez le sujet jeune, s’étendrait via le CC à la
région homologue afin d’augmenter les ressources de trai-
tements et de maintenir le niveau de performance. En
d’autres termes, pour compenser une baisse du traitement
habituellement dévolu à une région spécialisée, les sujets
âgés recruteraient, par le biais du CC, la région homologue.
Afin de compenser les déficits cognitifs relatifs à l’âge, les
adultes âgés engagent les deux hémisphères pour maintenir
la performance : cette hypothèse trouve un support dans les
travaux menés sur l’aphasie où la récupération d’une fonc-
tion, suite à une lésion, est facilitée par le recrutement de la
région homologue de l’hémisphère non lésé [27]. Cette
interprétation corrobore l’idée de l’adaptation des person-
nes âgées par l’utilisation de stratégies compensatoires,
indiquant ainsi que le cerveau maintient une certaine plas-
ticité [28].
Les deux hypothèses peuvent aussi se révéler complé-
mentaires : les sujets âgés auraient tendance à recruter des
aires supplémentaires pour compenser la réduction de la
spécificité de la fonction. Par conséquent, toute la question
est de savoir à quoi renvoient ces changements : substrats
de mécanismes de compensation ou reflets des difficultés à
engager les réseaux spécialisés ? Il est donc important de
prendre en compte à la fois les indicateurs métaboliques
et de performance.
Un argument important en faveur de la compensation
interhémisphérique au cours du vieillissement provient en
effet de l’étude de la performance. Le patron d’activation
bilatéral apparaît positivement corrélé au maintien des per-
formances (c’est-à-dire réponse plus rapide) [29] et se
retrouve chez les participants âgés qui ont un haut niveau
de performance [30]. Dans une étude réalisée en TEP,
Cabeza et al. [30] ont confronté de manière plus directe
les hypothèses de compensation et de dédifférenciation en
mesurant le niveau d’activité des cortex préfrontaux chez
trois groupes de participants lors d’une tâche mnésique.
Deux groupes de participants âgés ont été distingués sur la
base d’une estimation de leur niveau d’efficience mnésique
générale (à partir de sous-tests de la WMS et du CVLT), qui
peut être élevé (high-performing) ou faible (low-
performing), et comparés à un groupe d’adultes jeunes.
La réalisation d’une tâche permettant de distinguer rappel
et mémoire de source s’accompagne d’une activation pré-
dominante dans le cortex préfrontal droit (attendue) chez
les adultes jeunes et chez les adultes âgés à faible perfor-
mance, alors qu’elle se caractérise par un patron d’activa-
tion bilatérale chez les participants à haute performance.
Ainsi, ce résultat suggère que les adultes âgés faiblement
performants recrutent le même réseau que les jeunes, mais
l’utilisent inefficacement, alors que les adultes âgés avec un
niveau de performance élevé pallient le déclin cognitif rela-
tif à l’âge en s’appuyant sur la réorganisation interhémis-
phérique des réseaux neurocognitifs.
La relation positive entre augmentation de l’activité et
optimisation des performances suggère une interprétation
en termes de compensation fonctionnelle. En revanche,
lorsque ce surcroît d’activation est accompagné par de
mauvaises performances, cela peut suggérer que les activa-
tions interfèrent avec celle des réseaux compétents, ou bien
que la compensation est insuffisante. Dans ce contexte, le
rôle du niveau de scolarité mérite d’être pris en compte
comme un des déterminants de la « réserve » cognitive et/
ou cérébrale. Les recherches sur le vieillissement cognitif
explorent plus particulièrement deux hypothèses non
mutuellement exclusives [31]. La première est formulée en
termes de compensation et de « réserve cognitive » :
l’impact du niveau scolaire n’agirait pas directement sur le
vieillissement cérébral, mais la scolarité, en permettant
l’apprentissage et le développement d’un répertoire étendu
de connaissances déclaratives et de stratégies, fournirait le
support pour compenser le déclin cognitif lié à l’âge.
D’autres auteurs envisagent que la scolarité a un effet direct
sur la structure et le fonctionnement cérébral [32]. L’hypo-
thèse générale est que le prolongement de la scolarité per-
met à l’individu d’avoir plus d’expériences stimulantes et
des apprentissages plus poussés, qui créent une « réserve
cérébrale » qui atténue les effets délétères du vieillissement
sur le cerveau : des réseaux neuronaux plus élaborés,
contenant plus de connexions synaptiques, sont plus robus-
tes, ce qui permettrait de préserver plus longtemps l’effi-
cience cognitive.
L’ensemble des données qui ont constitué le phéno-
mène HAROLD concernait des tâches mnésiques et impli-
quait exclusivement le cortex préfrontal. Ainsi, une nou-
velle perspective de recherche se dessine, consistant à
déterminer à l’aide d’autres tâches cognitives si ces effets
sont spécifiques à certaines régions cérébrales ou communs
àd’autres. La période récente semble devoir confirmer que
les mécanismes compensatoires supposés dans le fonction-
nement mnésique intéressent, d’une part, d’autres fonctions
cognitives supérieures et, d’autre part, des processus
moteurs, perceptifs et sensoriels de plus bas niveau.
Concernant le langage, dans son versant expressif, Pers-
son et al. [33] ont proposé la tâche de génération de verbes
[34] à des participants jeunes et âgés présentant le même
niveau de performances, dans deux conditions de comple-
xité : de nombreux noms peuvent être associés au verbe ou
bien un associé prédomine (par exemple, ciseaux-couper).
Les contrastes entre les activations dans la première condi-
tion, estimée la plus exigeante, et la seconde, de même que
Article de synthèse
R
EVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
N
EUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
163
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017.