2009 - Afpssu

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2009 Journée scientifique CES ELEVES ET CES ETUDIANTS QUI NOUS INTERPELLENT
« L’égalité des chances, c’est d’avoir toutes les chances de vivre son inégalité » Sylvie Canat Actes de la journée scientifique 16 janvier 2009 Paris 2 Editions AFPSSU Ce volume regroupe l'ensemble des textes remis pour la Journée du 16 janvier 2009 à U.F.R biomédicale des saints Pères 45 rue des Saints Pères 75270 Paris cedex 06 Médecine Scolaire et Universitaire Collection de livres thématiques Direction et Rédaction de la publication : Dr Marie Claude ROMANO Dr Claude BRAVARD Secrétariat et Administration : A.F.P.S.S.U. 242 boulevard Voltaire 75011 Paris Mél. [email protected] Site : http://www.afpssu.com/ Imprimeur : Dumas imprimeur Impression n° Dépôt légal : janvier 2008 ISBN 2‐9513364‐3‐8 EAN : 9782951336438 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 3 Journée organisée par l’AFPSSU et le SIUMPPS Association Française de Promotion de la Santé Scolaire et Universitaire Service Interuniversitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé 16 Janvier 2009 U.F.R biomédicale des Saints Pères, amphithéâtre BINET 45 rue des Saints Pères 75006 Paris cedex 06 Ces élèves et étudiants qui nous interpellent Élève inattentif, agité, agressif, étudiant en questionnement autant de situations auxquelles doivent répondre les professionnels Sous le Haut Patronage
du Ministre de l’Education Nationale du Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports du Délégué interministériel aux Personnes Handicapées AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 4 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 5 Sommaire Présentation de la journée .............................................................................. 9 Claude Bravard Présidente de l’AFPSSU C e s é l è v e s , q u i s o n t ‐ i l s ? Modérateur Pierre Baligand Inspecteur de l’Education nationale honoraire, chargé de l’adaptation et de la scolarisation des enfants en situation de handicap Ne craignons pas d’être interpellés ................................................................. 13 Bernadette Céleste Directrice de l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés Que dit la loi de 2005 ? Qu’en est‐il en 2009 ..................................................... 17 Patrick Gohet Délégué interministériel aux personnes handicapées La scolarité des enfants atteints du Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité ......... 25 Christine Getin Présidente de Hypersuoers‐ TDAH Sylviane Ehrer Vice‐présidente de Hypersupers – TDAH Témoignage d’une maman d’un enfant qui souffre de troubles obsessionnels compulsifs 29 Stéphanie Rousseau Mère d’un enfant atteint de Troubles Obsessionnels Compulsifs La problématique des élèves qui souffrent de troubles obsessionnels compulsifs ... 31 Gisèle George Pédopsychiatre, Ancien chef de clinique à l’hôpital Robert Debré Prévention, orientation et soins associés à une scolarisation adaptée pour les jeunes gens souffrant de troubles psychiques ............................................................. 33 Guillaume Vaudour Président de l'Union Nationale des Amis et Familles de Malades psychiques (UNAFAM) de Haute Normandie Scolarisation des enfants et adolescents avec autisme : expériences du Centre de ressources pour l’autisme de haute Normandie (CRAHN) ................................... 35 Antoine Rosier Psychiatre, Centre de Ressources sur l'Autisme de Haute Normandie C e s é t u d i a n t s , q u i s o n t ‐ i l s ? Modérateur Fabrice Chambon Vice président de la mutuelle santé des étudiants LMDE Quel accueil pour les étudiants ? .................................................................... 39 Michelle Palauqui Conseiller à l’enseignement supérieur honoraire Facteurs de vulnérabilité en vie étudiante........................................................ 43 Dominique Monchablon Psychiatre, responsable médical du Relais Etudiants‐ Lycéens. Fondation Santé des Etudiants. Coordonnateur de l’accueil psychologique du SIUMPPS AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 6 C o m p r e n d r e p o u r m i e u x a g i r e n s e m b l e Modérateur Bernard Gossot Inspecteur général honoraire, chargé de l’ASH La coopération entre l’école et le secteur médico‐social ..................................... 46 Bernard Gossot Inspecteur général honoraire, chargé de l’ASH, médiateur dans l’académie de Créteil Comment mieux comprendre la dimension culturelle pour mieux vivre ensemble ....... 55 Marie Rose Moro Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent La valeur d’alarme de troubles du comportement des jeunes enfants .................. 62 Nicole Guedeney Pédopsychiatre, département de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte à l’Institut Mutualiste Montsouris, Paris Une classe médicalisée spécialisée ; à partir d'une expérience personnelle ........... 69 Didier Lambert Chef de service de Pédopsychiatrie, hôpital Marius Lacroix Comment les professionnels peuvent‐ils accompagner les parents? ..................... 73 Patrice Bourdon Maître de conférences de sciences de l’éducation Université de Nantes / IUFM – Labo CREN EA 2661 Intégration scolaire et lien fraternel : importance de l’écoute des enfants…………....79 Régine Scelles Professeur de Psychopathologie à l’université de Rouen Membre du Laboratoire Psy‐NCA Un projet éducatif : comprendre, respecter, écouter l’autre, travailler, imaginer pour vivre ensemble : CR.E.A.T.I.V.E. ...................................................................... 95 Emmanuelle Godeau Médecin, anthropologue, service médical du rectorat de Toulouse UMR Inserm U558‐Université Paul Sabatier A u t r e s c o m m u n i c a t i o n s Déficits d’attention avec ou sans impulsivité et/ou hyperactivité. Syndromes dysexécutifs. Conseils aux enseignants et rééducateurs. .................................. 102 Alain Pouhet Médecin de Rééducation Témoignage d’une maman. Un enfant brisé par l’école… un enfant « sauvé ........ 108 Monique Binda Présidente de la Fédération ANPEIP Enfant instable, enfant agité, enfant excité .................................................... 113 Robert Voyazopoulos Psychologue à l’Éducation nationale, chargé d’enseignement à l’université Paris‐V L’école : le lieu de cristallisation de difficultés comportementales ..................... 123 Sylvie Canat Formatrice à l’IRTS LR Montpellier Turbulence en Maternelle ou « ces enfants qui bougent trop » ........................ 133 Odile Delignon PIUFM de Lorraine Précocité intellectuelle : comportement clinique ............................................ 139 Paul Merchat président fondateur de l'ALREP AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 7 Démarches d’aide aux étudiants ................................................................... 149 Jacqueline Champredonde Maître de conférences, Psychologue du Travail, Université Toulouse I D o c u m e n t d ’ A r c h i v e s L’instabilité psychomotrice .......................................................................... 157 A. Bougneres 1962 Ecouter, observer et savoir décoder pour communiquer .................................. 163 J.L. Grenier Institut Régional pour la Promotion de L'Education du Patient et de la Formation du Soignant A. Delepaut Comité de Quartier Moulin Potennerie M. Bulle –Association AGAPE Symptômes révélateurs d'une scolarité perturbée .......................................... 167 Monsieur Varinard Recteur de l'Académie de Lille Le comportement des élèves et la réaction de l’enseignant .............................. 171 Philippe Dessus IUFM Grenoble Apprendre à mieux vivre ensemble ............................................................... 175 Un parcours de prévention de la maternelle à la 3ème service de Promotion de la Santé de Chambéry Le Conseil Scientifique de l'AFPSSU…………………………………………………………….……. …177 Les partenaires de l'AFPSSU…………………………………………………………………….….…..178 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 8 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 9 Présentation de la journée Claude Bravard Présidente de l’AFPSSU En 2006 dans ses nouveaux statuts, l ‘Association Française de Promotion de la Santé Scolaire et Universitaire s’engageait à soutenir dans ses actions une politique active de santé en milieu scolaire et universitaire notamment en organisant annuellement des journées scientifiques à Paris Ses dernières initiatives ont mobilisé de nombreux professionnels et partenaires sur des thèmes d’actualité portant sur la santé des jeunes ainsi que sur leurs difficultés d’adaptation dans leur milieu d’études Tout en leur permettant de s’éloigner un temps des multiples sollicitations quotidiennes, ces rencontres sont l’occasion pour tous ces acteurs de prendre du recul, de réfléchir ensemble, d’échanger et de susciter des pistes d’actions pour aider et accompagner ces jeunes en situation de souffrance. Devant l’inquiétude que soulève le nombre croissant d’élèves au comportement « troublant « et les conséquences toujours préjudiciables sur le plan scolaire et social nous avons choisi pour cette année 2009 de vous réunir autour de ce thème CES ÉLÈVES, CES ÉTUDIANTS QUI NOUS INTERPELLENT Qui sont‐ils ? Elève, étudiant inhibé, isolé, inattentif, dépressif ou turbulent, agité, hyperactif. Autant de situations qui posent aux professionnels de multiples interrogations. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 10 Mieux les connaître pour mieux les aider Ces adultes en devenir qui nous interpellent, interrogent nos limites, nous confrontent à une certaine impuissance, bouleversent les repères établis sur leur prise en charge. Ils suscitent de nouvelles démarches pour un approfondissement des connaissances dans ce domaine complexe des troubles de la conduite, de la relation et du comportement Comment agir ensemble ? Comment ajuster nos pratiques professionnelles pour éviter que leurs difficultés ne les excluent de toute possibilité de réussite dans leurs études. Quelles sont les pistes à privilégier pour favoriser une action commune et concertée ? C’est à toutes ces questions que nous vous invitons à réfléchir ensemble Nous avons prévu avec le Service Interuniversitaire de Médecine Préventive et de Promotion de la santé de Paris de donner la parole à tous ceux qui sont concernés par cette situation de jeunes en difficultés de comportement et d’adaptation dans leur milieu de vie On peut souhaiter qu’à l’occasion de cette rencontre se mette progressivement en place autour de ces jeunes un maillage suffisant d’aide et d’accompagnement pour que leur cursus scolaire ou universitaire se déroule dans les meilleures conditions. . AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 11 Ces élèves, qui sont‐ils ? Modérateur Pierre Baligand Inspecteur de l’Education nationale honoraire chargé de l’adaptation et de la scolarisation des enfants en situation de handicap AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 12 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 13 Ne craignons pas d’être interpellés Bernadette Céleste Directrice de l’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INS HEA) A cette question leitmotiv des travaux de cette journée, la première réponse est l’évidence. Ces élèves qui nous interpellent sont d’abord des élèves, des étudiants… évidence bien sûr mais importante à rappeler… car il ne faudrait pas que : ‐ les situations de difficulté professionnelle dans laquelle ils mettent les enseignants ‐ les situations de handicap dans laquelle ils se trouvent à l’école, au collège ou à l’université Prennent le pas sur cette première évidence … ces élèves qui nous interpellent sont des enfants, des préados ou des ados vivant un présent souvent difficile, mais dont la scolarisation doit pourtant les préparer à un avenir optimal. Interpeller : une brève recherche sur la signification de ce terme rend compte de sa force. Il y a nécessité pour interpeller de questionner, de prendre la parole pour faire savoir de façon claire, d’adresser, héler, apostropher en sont les synonymes. Dès la maternelle… qui nous interpelle ? Qui interpelle le plus l’enseignant l’enfant qui à plusieurs reprises dans la matinée fera tomber sa chaise, celle du voisin, la boîte de crayons et les pots de peinture ou celui qui « passager » dans cette classe, seulement présent physiquement aura laissé au vestiaire toute son énergie et ses possibilités d’apprentissage ? D’emblée vous connaissez la réponse comme moi et savez qu’il y a ceux qui gênent et clairement mettent à mal nos compétences professionnelles et ceux dont le message muet ne parvient pas ou mal jusqu’à nos oreilles. Situer cette journée au carrefour des spécificités que peuvent présenter certains élèves et de notre capacité à entendre, percevoir et accepter cette spécificité m’apparaît ouvrir des pistes de réflexion heuristiques pour une école inclusive. Des pistes où interagissent des motifs d’interpellation qu’il ne AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 14 convient certes pas de négliger mais où il est question aussi de notre capacité d’enseignants à les entendre et à y faire face. Pour ma part je m’interrogerai surtout sur cette dernière, sur notre capacité à être interpellé, à faire face à cette interpellation et à trouver les solutions non pas pour que l’élève ne nous interpelle plus mais plutôt pour qu’il nous interpelle différemment. Ce questionnement nous renvoie donc à une question d’interaction. D’interaction entre un élève et des règles institutionnelles, d’interaction aussi entre deux personnes : un élève et un enseignant. L’élève qui nous interpelle est celui qui met à mal notre capacité d’enseignant à faire face à sa spécificité. Turbulent, agité, violent, agressif, replié sur lui‐même tous comportements dont il faut bien reconnaître que s’ils expriment toujours un malaise du côté de l’élève vont aussi donner lieu à des expressions différenciées selon la réponse de l’adulte qui y est confronté. Tous comportements fort mal supportés par certains, mieux supportés par d’autres. S’il ne convient pas d’ignorer le message que ces élèves nous envoient et de mettre tout en œuvre pour que des dispositifs adéquats lui permettent de soulager son malaise (suivi thérapeutique, projets personnalisé de scolarisation), il convient aussi d’aider les enseignants à mieux faire face dans le cadre de la classe à ces spécificités. La formation des enseignants du primaire prévoit dans son référentiel de compétences la nécessité pour l’enseignant de s’adapter à la diversité des élèves, qu’en est‐il pour les enseignants de lycée et collège, voire pour les universitaires ? Que deviendront demain le turbulent, le rêveur, l’hyperactif, le paresseux ? Quel adulte ? Ni vous, ni moins ne le savons. Ce que je sais en revanche c’est que l’image de lui‐même qu’il se sera construite, entre autres dans le cadre scolaire, sera un élément déterminant de la construction de sa personnalité. Alors faisons tout pour l’aider à dépasser les difficultés du moment. Pour que cette image qu’il construit de lui‐même reste positive il faut qu’il puisse rencontrer dans l’institution scolaire un ensemble d’atouts : - des enseignants aptes à lui repréciser le cadre des conduites acceptables, - la prise en charge et/ou les adaptations nécessaires si les comportements interpellant qu’il présente sont le reflet ou engendrent une souffrance, - mais aussi une équipe d’adultes enseignants et autres sachant donner la juste place à ces spécificités qui sont un des traits de sa personne… un des traits seulement ! AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 15 Pour conclure, trois messages: ‐ Ne craignons pas d’être interpellés ! Augmentons d’abord notre capacité d’écoute… c’est le premier message que j’aimerais faire passer… soyons vigilants aux interpellations muettes, elles existent… ‐ Second message : N’attendons pas que les interpellations soient devenues trop bruyantes ou trop muettes… sachons discerner le bas bruit comportemental, le malaise dès qu’il s’installe. N’hésitons pas à intervenir tôt, la précocité de certaines réponses entrave bien souvent l’enkystement du problème. ‐ Troisième message : Ne résumons pas l’élève aux troubles comportementaux qu’il présente. Certes ceux‐là sont bien gênants dans le quotidien d’une classe. Il n’empêche qu’ils ne sont qu’une facette de l’élève, une facette seulement… ne la laissons pas masquer toute sa personne. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 16 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 17 Que dit la loi de 2005 ? Qu’en est‐il en 2009 Patrick Gohet Délégué interministériel aux personnes handicapées Extrait du rapport 2007‐ Bilan de la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 et de la mise en place des Maisons Départementales des Personnes Handicapées. DIPH Août 2007 Titre I : La mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées Chapitre I : L’éducation et la scolarisation Pour le jeune handicapé, comme pour tout enfant et adolescent, l’éducation et la scolarisation sont des conditions essentielles de la découverte de ses capacités, de l’accès à la connaissance, de l’apprentissage du vivre ensemble et de sa future participation à la vie de la Cité. Pour l’ensemble de la collectivité, la présence de l’enfant handicapé parmi les autres jeunes constitue l’occasion, pour ces derniers, de découvrir et de comprendre la différence ainsi que d’apprendre à vivre dans une société respectueuse de l’autre et de ses particularités. C’est dire si la question de l’éducation et de la scolarisation est au cœur de la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005. D’autant que cette dernière et ses textes d’application ont profondément transformé le dispositif institutionnel : plans personnalisés de scolarisation, équipes de suivi de scolarisation, enseignants référents… Sur le principe, il n’y a pas de différence de nature entre l’enfant handicapé et l’enfant ordinaire. Par conséquent, il ne peut y avoir de prédétermination du parcours de l’enfant handicapé. Au contraire, la réforme a pour ambition de permettre à la famille de faire ses choix et à l’élève de suivre un parcours qui corresponde à ses aspirations, à ses capacités et à ses besoins. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 18 Des avancées sensibles Il convient de saluer les évolutions importantes qui sont intervenues au cours des dernières années et de souligner les progrès réalisés par l’éducation nationale d’abord, et par l’action sociale ensuite. L’école ordinaire réalise de plus en plus les adaptations nécessaires à l’accueil d’élèves handicapés, tant sur le plan de la formation des enseignants que des méthodes et des outils pédagogiques. Les moyens nécessaires à la scolarisation des élèves handicapés ont été sensiblement accrus, notamment par la création de CLIS, d’UPI, de postes d’AVS. La scolarisation des jeunes handicapés en milieu ordinaire s’est beaucoup développée, en particulier grâce à l’appui de structures spécialisées telles que les SESSAD dont le nombre a été multiplié (pour le détail des résultats atteints en matière de moyens créés et d’avancées réalisées, se référer aux bilans réalisés par la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire et son bureau Adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés). Nonobstant ce constat positif largement partagé, des initiatives restent à prendre pour réaliser pleinement les objectifs de la nouvelle politique du handicap. Pour commencer, quelques orientations fondamentales sont souhaitées par la grande majorité des acteurs concernés. Elles sont accompagnées d’une série de mesures concrètes dont la liste suivra. Des évolutions attendues En premier lieu, il semble à tous que l’essentiel consiste à mettre en évidence les compétences de l’enfant et de l’adolescent handicapés plutôt que leurs incapacités. Un outil d’évaluation remplaçant l’ancien guide barème est souhaité. L’évaluation des compétences du jeune handicapé devrait être son utilité première pour mieux concevoir les réponses adaptées et évolutives nécessaires. L’inscription de l’enfant handicapé à l’école de proximité constitue une démarche symbolique forte qui, par ailleurs, oblige le service public de l’éducation en le faisant entrer dans ses effectifs. Toutefois, cette inscription peut susciter l’incompréhension des parents et de l’enfant handicapé lui‐
même si celui‐ci n’est pas accueilli par l’école ordinaire mais orienté vers une structure spécialisée. La famille doit recevoir toute l’information nécessaire lorsqu’elle inscrit son enfant handicapé à l’école. La formation des enseignants sur le handicap, sa diversité, les diverses réponses qu’il appelle en matière d’accompagnement et de pédagogie… apparaît comme la condition première d’une prise en charge éducative et scolaire de qualité du jeune handicapé. Une telle formation, initiale et AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 19 continue, prépare et rassure l’enseignant. Afin que les temps de formation des enseignants ne se traduisent pas par une rupture dans l’accueil de l’élève handicapé, il est nécessaire de prévoir les remplacements nécessaires. L’effort entrepris doit être approfondi. La fonction de l’auxiliaire de vie scolaire s’est développée. Il est l’un ‐ et non le seul ‐ des moyens nécessaires à l’éducation et à la scolarisation de l’élève handicapé. Au quotidien et sur le terrain, il remplit une fonction d’aide à la vie en milieu scolaire et d’aide à l’accès au savoir. Il constitue donc une réponse en matière de compensation des incapacités de l’élève handicapé et/ou en matière d’accessibilité aux divers apprentissages. Aujourd’hui, l’auxiliaire de vie scolaire exerce un véritable métier. Par conséquent, la professionnalisation de cette fonction est souhaitable. Il convient de réfléchir aux critères de recrutement, à la formation, à la certification… L’auxiliaire de vie scolaire doit contribuer à l’acquisition de l’autonomie du (ou des) élève(s) qu’il accompagne. Pour y parvenir, il est souhaitable, par exemple, que l’élève handicapé soit accompagné d’auxiliaires différents tout au long de sa scolarité. Sur le plan quantitatif, l’effectif d’AVS atteint ne permet pas, à la date de réalisation de ce rapport, de faire face à l’ensemble des besoins. Ceci étant, rappelons ici que la présence d’un AVS n’est pas la condition unique de la réalisation de la scolarisation en milieu ordinaire. D’autres solutions doivent être pratiquées comme le recours à un SESSAD… Les emplois de vie scolaire constituent un accompagnement complémentaire utile. Par contre, la précarité de leur statut et l’insuffisance de leur formation appellent des mesures de stabilisation à court terme. L’enseignant référent est compris par l’ensemble de la communauté éducative comme un facilitateur. Animateur de l’équipe de suivi de scolarisation et lien avec la Maison Départementale des Personnes Handicapées, il est évident qu’aujourd’hui il doit suivre un nombre trop élevé d’élèves handicapés. Il apparaît nécessaire de planifier sur le court terme la montée en charge des enseignants référents. La présence de l’éducation nationale dans le dispositif des Maisons Départementales de Personnes Handicapées, et plus particulièrement au sein des équipes pluridisciplinaires, est souhaitée. Il est donc nécessaire de préciser le rôle et les responsabilités respectifs de la commission de suivi de scolarisation et de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH, et d’organiser leurs relations. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 20 La pratique des activités périscolaires (cantine, utilisation d’infrastructures sportives…) mérite d’être traité avec les collectivités territoriales responsables, parallèlement à tout ce qui concerne la dimension éducative et pédagogique à proprement parler. La place et le rôle de l’éducation adaptée La coopération entre l’éducation ordinaire et l’éducation adaptée constitue le dossier le plus attendu après celui de la rentrée scolaire de septembre 2007. En effet, si la loi n’établit pas de distinction entre les deux et si elle ne parle que de scolarisation, c’est parce qu’elle considère qu’elles en sont toutes les deux actrices, non pas de manière séparée mais de façon complémentaire et associée. C’est la raison pour laquelle en juin 2006, les cabinets du Ministre de l’éducation nationale et du Ministre délégué aux personnes handicapées avaient annoncé, devant le CNCPH1 (1), l’élaboration d’un projet de texte réglementaire (décret ou arrêté) qui régirait cette coopération et qui préciserait le rôle de l’éducation adaptée dans la réalisation de la réforme. Ce projet de texte avait été annoncé pour la fin de l’année 2006 au plus tard. Pour des raisons diverses (modifications dans la composition des cabinets, ampleur du sujet, indéniables difficultés pour regrouper les acteurs appartenant à des milieux différents…), aucun texte de ce type n’a été proposé. Pour sa part, l’éducation nationale a élaboré un projet d’arrêté relatif aux unités d’enseignement. Quant à l’action sociale, elle a envisagé une réforme des annexes 24. Les calendriers des deux ministères doivent être harmonisés. En toute hypothèse, il importe de préciser rapidement au CNCPH les intentions conjointes des ministères de l’éducation nationale et de la solidarité. En matière de coopération entre l’éducation ordinaire et l’éducation adaptée, il est important d’observer que, notamment parmi les associations, deux approches s’expriment avec le désir de la plus grande convergence possible : ‐ pour les uns, le pilotage du dispositif éducatif et de scolarisation doit relever du Ministère de l’éducation nationale, l’objectif étant que, progressivement, les institutions et les services spécialisés deviennent des plateaux techniques ressources à la disposition de l’école ordinaire ; 1
Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées adaptés, ce que prévoit la loi du 11 février 2005 (article L351‐1 du code de l’éducation). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 21 ‐ pour les autres, le dispositif doit être organisé sous la forme de passerelles et de temps partagé entre l’école ordinaire et les structures adaptées ; à ce titre, il est copiloté par l’éducation nationale et la solidarité, l’éducation adaptée est la réponse aux besoins des élèves les plus lourdement handicapés, pour autant que des enseignants spécialisés soient intégrés dans les équipes des établissements. L’objectif partagé par les tenants de ces deux sensibilités réside dans la réalisation, par chaque élève, d’un parcours correspondant à un projet personnalisé. A cela s’ajoute la conviction commune : ‐ que l’élève handicapé doit pouvoir être accueilli le plus longtemps possible à l’école ordinaire en fonction de ses capacités et de ses besoins ; ‐ qu’il n’y a de scolarisation authentique en milieu ordinaire que lorsque la moitié du temps au moins est passée à l’école (point de vue à nuancer pour ce qui concerne les maternelles) ; ‐ qu’une diversification des contenus de scolarisation tenant compte des différents types de handicap est nécessaire. En toute hypothèse, beaucoup souhaitent que les enseignants et les éducateurs des établissements spécialisés, y compris des ITEP2, puissent bénéficier d’un tronc commun de formation afin de partager une culture identique. Dans le même esprit, il est souhaité que soient régulièrement organisées des rencontres entre inspecteurs d’académie et DDASS. Par ailleurs, tous les protagonistes s’accordent pour considérer que la réponse à chaque élève doit être individualisée et qu’il n’y a pas de grandes catégories de réponses par type de handicap. Certaines associations de personnes handicapées et de parents d’enfants handicapés estiment que 6 à 7000 enfants sont en liste d’attente pour rejoindre une structure spécialisée. Il est nécessaire de programmer, dans un cadre pluriannuel, la création des places nécessaires, avant tout sous la forme d’extensions des structures existantes, pour les jeunes relevant d’ITEP, autistes, polyhandicapés, déficients mentaux (pour ces derniers au moyen d’IME3 professionnels)… 2
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Instituts Thérapeutiques, Educatifs et Pédagogiques Instituts Médico‐Éducatifs AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 22 Certains suggèrent également que la notion de projet d’école soit retenue, à l’image du projet d’établissement instauré par la loi du 2 janvier 2002 portant rénovation de l’action sociale et médico‐sociale. Des mesures concrètes Un certain nombre de suggestions visant à bien mettre en œuvre l’esprit de la réforme ressortent des échanges qui ont nourri l’élaboration de ce rapport : ‐ simplification des procédures d’inscription ; ‐ nécessité d’une information directe des familles sur leurs droits, les procédures à suivre, les diverses solutions possibles … ; ‐ intégration de l’enseignement à distance dans les projets de scolarisation et les plans de compensation ; ‐ transmission au maître ou à l’enseignant des informations concernant l’élève handicapé qu’il accueille et qui lui sont nécessaires pour la conception de son travail éducatif et pédagogique ; ‐ distinction des différents handicaps dans les statistiques de l’éducation nationale ; ‐ transcription des livres scolaires en temps utile pour les élèves non et malvoyants ; ‐ intégration sans réserve du sport dans l’éducation des jeunes handicapés, le handicap servant souvent de prétexte à la dispense d’activités physiques et sportives ; l’adaptation des équipements sportifs et le renforcement de la formation au handicap des professeurs et des moniteurs de sport sont nécessaires. Pour les élèves sourds et malentendants, la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires nouvelles appelle une programmation pluriannuelle de réalisation pour, notamment : ‐ que les familles puissent choisir effectivement le mode de communication de leur enfant (Français, langue des signes) ; ‐ que l’accompagnement psycho‐cognitif qui facilite les apprentissages soit rénové, ce qui suppose une réflexion approfondie autour des enseignants spécialisés, de leur mission, de leur statut… Ce travail, attendu depuis longtemps, est à accomplir le plus rapidement possible. Il implique les ministères de l’éducation nationale et de la solidarité. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 23 Chapitre II : L’accueil et l’aide des étudiants handicapés Le nombre d’étudiants handicapés n’a cessé de croître au cours des dernières années. Cette évolution doit se poursuivre. C’est le résultat des impulsions données par la Direction Générale de l’Enseignement Supérieur et sa mission handicap, ainsi que de l’implication croissante des universités et des grandes écoles. Le comité de pilotage du dispositif d’accueil et d’aide des étudiants handicapés, animé par la DIPH, constitue un outil de régulation et de transparence. L’objectif est, notamment, d’harmoniser les prestations servies et les tarifs pratiqués. La situation est inégale selon les établissements (universités et grandes écoles). De manière générale, ils disposent d’un service d’accueil, plus ou moins conséquent, qui travaille en liaison avec des prestataires constitués en associations. L’objectif est de systématiser ces services d’accueil car il s’agit d’une mission de service public qui incombe aux universités et aux grandes écoles. L’évolution devrait prendre la forme, soit d’une intégration des prestataires au sein du service d’accueil, soit d’une collaboration entre ce service et les associations prestataires sous la forme de conventions de partenariat, le tout dans le cadre de l’autonomie des établissements. Dans un premier temps, ces services étaient financés par l’AGEFIPH. Celle‐ci ayant réorienté ses interventions, l’année universitaire et scolaire 2006‐2007 a constitué une transition marquée par un cofinancement du ministère de l'enseignement supérieur et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Pour le prochain exercice budgétaire, le ministère de l’enseignement supérieur devrait être le seul financeur. Les étudiants et les élèves des grandes écoles ne sont pas encore bien intégrés dans les actions des MDPH. Il est indispensable de sensibiliser ces dernières sur la nécessité d’y parvenir rapidement dans le cadre des compétences et des travaux des équipes pluridisciplinaires et des plans personnalisés de compensation. Pour y parvenir, il est nécessaire de rapprocher les calendriers des universités et des MDPH. Maintenant que le dispositif a été expérimenté, il est nécessaire que les dotations aux universités soient plus rapides et plus précises car la trésorerie des AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 24 associations prestataires ne pourra plus se substituer aux subventions attendues. Par ailleurs, les conventions de partenariat entre les établissements et les organismes prestataires doivent être conclues en début d’année universitaire et scolaire. Pour les étudiants sourds et malentendants, il est nécessaire d’envisager, au moyen d’une programmation pluriannuelle, la dotation progressive d’universités et de grandes écoles en interprètes en langue des signes, en codeurs, en interfaces de communication, sous réserve que ces différents métiers, en particulier le dernier, fassent l’objet de définitions précises. Une expérimentation, telle que celle préconisée par l’UNISDA, constitue la démarche à suivre. A noter que, pour la prochaine rentrée, un guide sur l’accessibilité sera mis à la disposition des établissements par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. A noter également qu’une formation est organisée à l’intention des ingénieurs patrimoine et des ingénieurs sécurité. Par ailleurs, une charte sera signée à la rentrée par la Ministre en charge des Universités et le Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité. Un guide élaboré par la Conférence des présidents d’universités sera également mis à la disposition des établissements. Enfin, il faut ajouter la question des auxiliaires de vie universitaire aux travaux qui seront conduits sur les AVS en tenant compte de leurs spécificités. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 25 La scolarité des enfants atteints du Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité Christine Getin Présidente de l’association du Trouble Déficit de l’Attention /Hyperactivité TDAH Sylviane Ehrer Vice‐présidente de Hypersupers – TDAH France Les retentissements des symptômes du TDAH handicapent les apprentissages, la socialisation, en fait les principales missions de l’école. La prévalence du TDAH est de 3 à 5% de la population des enfants d’âge scolaire, soit 1 à 2 enfants par classe. Il importe de s’en préoccuper à l’échelle nationale. Dans cette attente, les familles membres de l’association HyperSupers – TDAH France informent souvent elles‐mêmes les enseignants ; elles leur remettent les documents publiés par l’association, en particulier le livret « Le TDAH et l’école », outil efficace toujours très apprécié. Connaître les manifestations des symptômes pour mieux les identifier en classe et à la maison, apprendre à les gérer au moyen de « trucs et astuces » et surtout d’aménagements éprouvés favorise la scolarité et la réussite de ces élèves particuliers. Le trouble se manifeste par de l’inattention, de l’impulsivité et de l’hyperactivité. L’inattention se traduit en situation d’apprentissage, chez les élèves atteints de TDAH par une grande distractibilité. Tous les stimuli visuels ou auditifs brisent net leur intention d’attention. Le bruit de la maîtresse qui parle et celui de la sirène des pompiers sont placés au même niveau, ils captent le dernier bruit entendu et s’y attardent car ils ne savent pas filtrer les informations captées, ni hiérarchiser le niveau de priorité à leur accorder. L’impulsivité, elle peut être verbale, motrice et cognitive. L’action précède la réflexion. Le manque d’autocontrôle de soi des enfants atteints de TDAH peut les amener à avoir des comportements imprévisibles. Cependant, il convient de ne pas confondre impulsivité et agressivité. Les enfants atteints AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 26 du TDAH ont rarement l’intention de nuire à autrui, ils n’ont pas l’intention d’être méchants. Leurs actes ne sont pas prémédités. L’hyperactivité correspond à un impérieux besoin de bouger, sans but, à des moments inappropriés : triturer un objet, croiser les jambes puis les étendre, les plier, les recroiser, se retourner, se tortiller sur sa chaise, se balancer, se pencher, chercher ses affaires dans le cartable ou la trousse, se lever, se déplacer. Tout cela de manière permanente. Les enfants atteints du TDAH ne tiennent pas en place. Ils courent souvent et beaucoup. Remarque : 1) Les symptômes sont présents dans toutes les situations de la vie de l’enfant, à la maison, à l’école et lors des loisirs, et ce avant l’âge de 7 ans. 2) Le TDAH présente 3 sous‐types : 1.
le sous‐type déficit de l’attention prédominant 2.
le sous‐type impulsivité et l’hyperactivité prédominantes 3.
le sous‐type combiné (ou mixte), le plus fréquent Les retentissements des symptômes varient en fonction du sous‐type. 2) Plus de la moitié des enfants ayant le TDAH ont un, voire des troubles associés : dyslexie, dysgraphie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie, dysphasie, trouble du sommeil, anxiété, dépression, trouble de l’opposition avec provocation… Parents et enseignants observeront les manifestations des troubles associés. Il conviendra de les prendre en compte dans les aménagements de la scolarité comme dans les démarches thérapeutiques. 3) Attention tout élève turbulent ne présente pas pour autant un TDAH. L’intensité et la fréquence des manifestations des symptômes font du TDAH une pathologie. Elle rend indispensable une prise en charge thérapeutique pluridisciplinaire, adaptée et assidue. En complément, les aménagements de la scolarité renforceront les effets bénéfiques des thérapies, ils s’inscriront comme autant d’éléments facilitateurs. Ils ne sauraient en aucun cas se substituer aux soins. L’ensemble de ces symptômes amène le groupe à rejeter les élèves atteints du TDAH. La mission de socialisation de l’école est complexe, comme d’ailleurs la mise en place des acquis nécessaires aux apprentissages. Le risque d’échec scolaire concerne près de la moitié des élèves atteint du TDAH, malgré une efficience intellectuelle normale. Parfois, leur comportement les amène à leur exclusion scolaire définitive. Une thérapie adaptée complétée par des aménagements scolaires efficaces et un partenariat de qualité entre les enseignants et la famille peuvent prévenir l’échec scolaire. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 27 Les difficultés des enfants seront appréhendées différemment selon que le diagnostic est déjà posé ou non. −
En l’absence de diagnostic et de connaissance du trouble et de ses répercussions, les parents sont souvent pris à parti et jugés responsables des difficultés de leur enfant. Or les parents ne sont pas responsables du TDAH de leur enfant, cependant ils doivent apprendre à gérer les manifestations du trouble. Pour cela ils ont besoin d’accéder à une connaissance solide du trouble et du mode de fonctionnement de leur enfant, afin de lui apporter une aide et un soutien efficace. Les enseignants de leur coté, sont souvent démunis face à ces enfants, ils sont parfois confrontés à une situation d’échec tant pour l’enfant que pour eux‐mêmes. Cette situation entraîne soit un dialogue avec la famille et une recherche de solutions, soit parfois une situation de blocage, chacun cherchant un coupable à la situation difficile à vivre. Les enseignants orientent le plus souvent les familles vers les services du psychologue scolaire, RASED ou CMP pour évaluer la situation en l’absence d’un diagnostic déjà établit ce qui reste très fréquent. Cette démarche n’aboutit en général que sur une prise en charge psychologique de l’enfant. Quelques années plus tard, l’échec de la thérapie conduira soit les enseignants, soit les parents à entreprendre des investigations supplémentaires. Les enseignants peuvent également faire appel au médecin scolaire qui est formé dans la majorité des cas au dépistage des troubles des apprentissages et disposent des moyens pour effectuer un repérage des troubles. −
Lorsque le diagnostic est posé, la possibilité d’établir un dialogue constructif est améliorée, il est rare que les enseignants possèdent une bonne connaissance du trouble, mais si le dialogue est de bonne qualité, les parents pourront apporter des documents spécifiques (livres, articles) mais également les livrets d’information que nous publions à destination des familles et des enseignants. A l’école élémentaire si la famille parvient à dépasser les tensions, il est souvent possible d’aborder un dialogue de qualité permettant la mise en place de mesures pédagogiques adaptées. La situation se complique un peu au collège avec la multiplication des interlocuteurs pour la famille. Au lycée et au collège, les situations sont variables car les écarts à la discipline et les manquements au règlement seront moins bien tolérés et pourront conduire à une exclusion par conseil de discipline. Cependant là encore si un dialogue est instauré entre la famille, les enseignants et le chef AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 28 d’établissement, l’apport d’une bonne connaissance sur le fonctionnement de l’enfant et de ses difficultés peut permettre à l’institution de prendre les mesures nécessaires pour bien aider le jeune dans son travail scolaire mais également pour l’amener à respecter les règles de la collectivité, sans l’exclure. Nous constatons pour l’instant que la réussite des élèves TDAH est plus liée à la capacité des familles à savoir apporter l’information, et à la bonne volonté des enseignants à aider l’enfant par rapport à ses difficultés. La mise en place d’un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS), élaboré par tous les interlocuteurs y compris les parents, permettra d’identifier les difficultés de l’élève et de leurs apporter une réponse. Le PPS constitue une réponse concrète qui contribue à la réussite des élèves atteints de TDAH. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 29 Témoignage d’une maman qui a un enfant qui souffre de troubles obsessionnels compulsifs Stéphanie Rousseau Mère d’un enfant atteint de Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC) TEMOIGNAGE SUR NOTRE FILLE DE 10 ANS ATTEINTE DE T.O.C. Notre fille qui était un peu brouillon à l’école dans la tenue de ses cahiers jusqu’en CE1 a commencé à faire preuve d’extrême soin usant et abusant du correcteur. Notre entourage la qualifiait de lente et maniaque, et paradoxalement de précoce. Derrière son apparente lenteur se cachait en fait le T.O.C. de la vérification. En effet, elle repassait plusieurs fois sur ses lettres et ses chiffres, relisait les consignes des exercices plusieurs fois et ne finissait jamais ses devoirs en classe. Chaque fourniture scolaire est rangée dans un ordre très précis, les crayons toujours dans le même sens dans la trousse, l’angle droit de l’équerre dans l’angle du bureau. Autre vérification, elle se penche continuellement pour vérifier son casier. Nous ne pouvons ranger ses livres, cahiers et trousses dans son cartable car nous le faisons mal. Elle sort et range à nouveau ses fournitures dans son cartable selon un ordre précis. Les devoirs à la maison sont interminables. De même la lecture d’un roman est laborieuse car elle relie sans cesse le même passage. Se préparer le matin pour aller en classe est aussi très long : le brossage des dents dure 20 mn, s’habiller dure également 20 mn, sans compter les nombreux lavages des mains. Quant à notre fille, elle est consciente de l’absurdité de ses manies (c’est ainsi qu’elle nomme ses rituels) et en souffre énormément. Selon ses propres mots, elle se croit folle, ses manies lui gâchent la vie et lui font perdre du AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 30 temps sur ses moments de jeux. Elle se sent différente des autres enfants et a honte de ses crises de larmes quand ses camarades, invités à la maison n’ont pas rangé ses jouets au bon endroit. De ce fait, elle craint d’être incomprise et rejetée. Notre fille est actuellement en CM1 et c’est grâce à l’AFTOC que nous avons pu déceler et surtout mesurer l’importance et le caractère handicapant de cette pathologie. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 31 Comprendre la problématique des élèves qui souffrent de troubles obsessionnels compulsifs Gisèle George Pédopsychiatre, Ancien chef de clinique à l’hôpital Robert Debré Ancienne attachée à l’hôpital Robert Debré et l’hôpital Bichat, Membre de la commission de l’enseignement à l’association Française de Thérapie Cognitive et Comportementale Enseignante, chargée de cours dans différentes facultés de Paris et de province Mots clés : enfant, TOC, Thérapies cognitives et comportementales Le trouble obsessif compulsif (TOC) a une clinique bien identifiée selon l’OMS, constituée d’obsessions, de compulsions, d’anxiété et d’évitement. Le TOC de l’enfant répond aux mêmes critères diagnostiques et que celui des adultes et bénéficie des mêmes traitements. Toutefois, ce trouble chez les jeunes pose un challenge particulier en ce qui concerne son diagnostic et son traitement: 1) Les enseignants ont du mal à comprendre la lenteur, les doutes, les ratures, les recopiages de cahier, sa destruction s’il n’est pas parfait, les lettres stylisées, et autres rituels chez un enfant qui par ailleurs est assez brillant sur le plan de ses performances et de ses capacités orales 2) Les psychiatres et psychologues sont encore mal formés à la reconnaissance de ce trouble et certains spécialistes sont encore dans le déni de son existence. 3) Les parents, au début enchanté par un certain perfectionnisme scolaire et de rangement, ne comprennent pas toujours l’impérativité de ces comportements, qui finissent par épuiser l’enfant. 4) Les enfants ont du mal à réaliser que leurs obsessions sont dénuées de sens et que leurs compulsions sont exagérées. 5) L’égodystonie devient plus évidente pour eux au fur et à mesure de leur développement cognitif 6) Ils ont, par contre, un sentiment de honte précoce de leurs obsessions et de leurs compulsions et essayent de les cacher. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 32 7) Ils ont plus de mal à tolérer l’angoisse et la traduise par des colères et de l’agressivité qui peuvent masquer le diagnostic. 8) Ils impliquent plus fréquemment la famille dans leurs rituels. 9) Ils ont rapidement un retentissement sur leur estime de soi, se sentant différent, fou et peuvent s’isoler socialement et scolairement Compte tenu de ces paramètres, la prise en charge du TOC de l’enfance, inclue non seulement un management individuel de l’enfant, un travail avec la famille mais aussi une information dans les milieux scolaires . Bibliographie ‐March JS, Mulle K (1998) OCD in children and adolescents. A cognitive‐
Behavioral Treatment Manual. The Guilford Press. New York AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 33 Prévention, orientation et soins associés à une scolarisation adaptée pour les jeunes gens souffrant de troubles psychiques Guillaume Vaudour Président de l'Union Nationale des Amis et Familles de Malades psychiques (UNAFAM) de Haute Normandie Propositions de prévention des troubles psychiques en milieu scolaire. Beaucoup de grandes réunions de sensibilisation aux troubles psychiques sont organisées aujourd’hui, mais on peut craindre que cette forme de sensibilisation n’atteigne pas les enseignants qui, dans leurs classes, ne se doutent pas forcément qu’ils ont en face d’eux un adolescent en train de s’enfoncer dans des troubles psychiques. ‐ Ne serait‐il pas envisageable, dans un premier temps, de sensibiliser des équipes administratives (Chef d’établissement, Adjoint, CPE, ASS, infirmière, médecin scolaire, 1 ou 2 enseignants leader et motivés) aux troubles psychiques des adolescents avec des professionnels de la psychiatrie volontaires, et il n’en manque pas ? ‐ Ces équipes administratives, dans un deuxième temps, ne pourraient‐
elles pas répercuter, chacune dans leur établissement, l’information reçue et par la suite organiser un dialogue avec les quelques familles concernées, afin de les conseiller dans l’intérêt de l’élève (indiquer les adresses utiles : maisons de l’adolescent, CMP pédopsychiatriques, structures d’accueil et d’écoute comme le « Relais » de la clinique de Sceaux, associations familiales, etc.) et de les mettre sur la piste d’une chaîne de soins. ‐ Bénéfice attendu : pronostic bien meilleur si la personne est soignée très vite. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 34 Proposition pour une réadaptation de l’adolescent après le traitement de sa crise aiguë en milieu hospitalier. ‐ Partir de l’expérience de la FSEF (7 établissements pour les troubles psychiques : clinique de Sceaux, clinique Georges Heuyer, Bouffémont, Neufmoutier en Brie, Aire sur l’Adour, Villeneuve d’Ascq, La Tronche…) experte en ce domaine, pour la création d’un maillage national de centres de soins psychiques associés à une scolarité adaptée, afin de permettre aux collégiens/ lycéens/étudiants de se réinsérer progressivement et de rejoindre ensuite le milieu ordinaire. Plusieurs projets sont en cours : le nôtre (les 2 Normandies + Picardie), celui des pays de Loire, celui de Phalsbourg. ‐ Principales caractéristiques : ‐ admission après étude du dossier médical et du dossier scolaire (déscolarisation ne devant pas excéder 2 ans). ‐ Diagnostics principaux : Troubles anxieux, phobies, toc Troubles psychotiques Troubles dépressifs TCA Névroses graves ‐ Moyenne de séjour envisageable : 11 mois en moyenne. ‐ La Fondation SEF indique que 30 % des jeunes gens poursuivent la scolarité envisagée à l’origine, 30 % poursuivent une scolarité après révision du projet initial, 40 % doivent trouver une autre orientation malheureusement. En conclusion, il est souhaitable d’élaborer toute une chaîne allant de la prévention, en passant par la détection, le soin jusqu’à la réadaptation. Ceci implique également une mise en réseau des intervenants De l’Education nationale (soignants et enseignants) De la psychiatrie De la médecine générale Des travailleurs sociaux Des familles Des Associations UNAFAM ‐ SEINE MARITIME Antenne de ROUEN 26 rue Desseaux 76100 ROUEN Tél. : 02 35 62 05 15 Antenne du HAVRE 17 place St Vincent 76600 LE HAVRE Tél. : 02 35 21 16 86 Reconnue d’utilité publique – Membre de l’EUFAMI et de L'AMRP Siège National : 12, villa Compoint ‐ 75017 PARIS TÉL : 01 42 63 03 03 – FAX : 01 42 63 44 00 ‐ CCP PARIS 20.464.05 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 35 Scolarisation des enfants et adolescents avec autisme : expériences du Centre de ressources pour l’autisme de haute Normandie (CRAHN) Antoine Rosier Psychiatre, Centre de Ressources sur l'Autisme de Haute Normandie, Rouen Depuis son ouverture en octobre 2004, le CRAHN a porté un intérêt tout particulier sur la scolarisation des élèves avec autisme. Ces questions relatives à cette scolarisation sont apparues comme des questions centrales pour l’unité d’évaluation en raison des demandes importantes émanant à la fois des acteurs du système éducatif mais également des parents devant les difficultés quant à la mise en place de cette scolarisation. Nous indiquerons : ‐les caractéristiques de cette scolarisation en décrivant les situations rencontrées à partir des 200 enfants diagnostiqués autistes au sein de l’unité d’évaluation en âge de scolarisation (intensité des troubles, temps de scolarisation, soutien de personnels qualifiés……) ‐ les partenariats développés entre le CRAHN et l’éducation nationale pour améliorer cette situation ‐ les perspectives d’avenir AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 36 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 37 Ces étudiants, qui sont‐ils ? Modérateur Fabrice Chambon Vice président de la mutuelle santé des étudiants LMDE AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 38 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 39 Quel accueil pour les étudiants ? Michelle Palauqui Inspecteur Conseiller à l’enseignement supérieur honoraire La loi du 11 février 2005, « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », en son article 20, stipule: « Les établissements d’enseignement supérieur inscrivent les étudiants handicapés ou présentant un trouble de santé invalidant, dans le cadre des dispositions réglementant leur accès au même titre que les autres étudiants et assurent leur formation en mettant en œuvre les aménagements nécessaires à leur situation dans l’organisation, le déroulement et l’accompagnement de leurs études. » Cette loi permet une avancée considérable pour ces étudiants puisqu’ il faut se rappeler que la loi de 1975 ne les mentionnait même pas, sans doute à l’époque, le législateur pensait‐il qu’un jeune handicapé ne pouvait pas envisager des études supérieures. UN BREF RAPPEL HISTORIQUE… Avant d’entrer dans le vif du sujet, arrêtons‐nous quelques instants sur un bref rappel historique. Durant la quinzaine d’années précédant l’adoption de la loi de 2005, le nombre d’étudiants handicapés a progressé de manière considérable, pour autant, le ministère de l’éducation nationale n’avait aucune obligation légale vis à vis d’eux. Bien évidemment, les établissements et en particulier les universités ont développé des stratégies d’accueil et d’accompagnement, bien hétéroclites il faut le dire. Mais surtout, l’AGEFIPH a accepté de participer financièrement et a assuré la mise en œuvre d’accompagnements spécifiques, achats de matériels, prestations de service (BRAILLE, aides à la communication…). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 40 Durant toute cette période, les établissements ne participaient ni à l’évaluation des besoins des étudiants, ni à la mise en œuvre pratique et financière des actions d’accompagnement. UNE NOUVELLE APPROCHE… Après une période transitoire de désengagement progressif de l’AGEFIPH, la rentrée 2006 va voir une véritable révolution se mettre en œuvre progressivement dans les établissements d’enseignement supérieur. En effet, ainsi que le stipulait l’article 20 de la loi de 2005, ce sont les établissements qui se voient chargés de toute l’organisation des prestations d’accompagnement des étudiants handicapés. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées, MDPH, assurent bien évidemment toutes leurs prérogatives, mais elles sont balbutiantes dans de nombreux départements, aussi, l’année universitaire 2006/2007 sera vraiment une année transitoire pour tous et la création, à la demande des ministères, d’un comité de pilotage national du dispositif étudiant, présidé par Patrick GOHET, délégué interministériel aux personnes handicapées s’avèrera être une décision providentielle. Le comité de pilotage se révèlera être un laboratoire d’idées et un organe de régulation absolument indispensable entre les institutionnels, les associations d’usagers et les associations prestataires de services. Ces dispositifs, complétés en 2007/2008 par les signatures de deux Chartes, Universités/Handicap et Grandes Ecoles/Handicap, par la ministre de l’enseignement supérieur, permettent à la rentrée 2008 un schéma global d’accueil et d’accompagnement des étudiants handicapés tel que je vais vous le présenter. UN SCHEMA D’ACCUEIL ET D’ACCOMPAGNEMENT … Présentons maintenant le dispositif qui progressivement devrait se mettre en place, il repose sur plusieurs axes et sur un principe essentiel, anticiper: ‐ 1) préparer l’entrée dans l’enseignement supérieur dès les années lycée: Accompagner le jeune dans l’élaboration de son projet de formation dans le cadre d’une orientation active; Mettre en place certains apprentissages qui lui permettront une meilleure autonomie (ex: bloc note Braille, certaines aides techniques…) AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 41 Faire avec le jeune sourd un bilan linguistique et mettre en place, le cas échéant, un soutien linguistique pour qu’il aborde l’enseignement supérieur avec un niveau de français adéquat; ‐ 2) faire en sorte que le jeune prenne contact avec les ou l’établissement susceptible de l’accueillir afin de rencontrer les enseignants et le responsable d’accueil des étudiants handicapés pour une première analyse de sa situation; ‐ 3) mettre en place dans chaque université une équipe « plurielle »: Composée de l’équipe d’accueil, de la médecine préventive, du SCUIO, de la scolarité, de l’équipe enseignante de la filière choisie, cette équipe est le correspondant de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH. In situ, elle est la mieux placée pour faire une évaluation des besoins de l’étudiant en situation, elle saura prendre en compte: les exigences de la formation choisie compte tenu des incapacités, les richesses ou manques de l’université, son degré d’accessibilité par exemple, les aides techniques ou humaines dont le jeune aura besoin, les aménagements pédagogiques ou de cursus… ‐ 4) mettre en place une relation étroite et suivie avec la MDPH afin que se mettent en place les financements des aides relevant de la compensation et donc de décisions de la commission des droits; ‐ 5) mettre en place les aides nécessaires au bon déroulement des études, le cas échéant solliciter les associations prestataires de services adéquates pour une mise en place des aides relevant de l’accessibilité aux savoirs (ex: transcription en Braille, adaptation en gros caractères, aides à la communication LSF, LPC, soutien, tutorat….). Ces aides étant à la charge financière des établissements, ces derniers recevant des financements du ministère à cet effet, 7,5 millions d’euros sont dédiés chaque année à ce dispositif. Ce dispositif global qui implique une réelle collaboration et une bonne synergie des partenaires est en cour de mise en place. Il vaut pour tous les étudiants handicapés ou malades avec bien sûr les modulations adaptées aux situations. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 42 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 43 Facteurs de vulnérabilité en vie étudiante Dominique Monchablon Psychiatre, Chef de service, responsable médical du Relais Etudiants­ Lycéens. Fondation Santé des Etudiants. Coordonnateur de l’accueil psychologique du SIUMPPS Les dernières enquêtes épidémiologiques, en population étudiante, soulignent la dimension croissante du mal être étudiant. Notre expérience clinique nous permet d’identifier différents facteurs personnels et environnementaux de déstabilisation psychologique, certains récurrents, d’autres nouveaux. Tout d’abord un facteur contextuel : la massification de l’enseignement supérieur et la sélectivité accrue en particulier dans certaines filières, génèrent des difficultés adaptatives chez des étudiants peu préparés à l’exigence d’un investissement intellectuel massif et d’une organisation méthodologique. S’ajoute à cela, la contrainte pour bon nombre d’entre eux de s’adapter à un nouveau style de vie à distance du support familial pour les provinciaux et à une confrontation culturelle pour les étudiants étrangers dont certains d’entre eux cumulent de surcroît l’obstacle de la langue. La précarité relative peut aggraver le sentiment de « contrainte à réussir », notamment chez certains boursiers, dans la capitale où la vie quotidienne, du logement aux soins est extrêmement coûteuse. Dans ce contexte global, le facteur majeur de déstabilisation psychologique reste la fragilité psychologique préexistante, surtout si elle n’a été préalablement, ni identifiée, ni traitée, laissant l’étudiant confronté seul, dans un climat de solitude et de compétitivité nouvelles, à la résolution de ses vieux démons. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 44 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 45 Comprendre pour mieux agir ensemble Modérateur Bernard Gossot Inspecteur général honoraire, chargé de l’ASH médiateur de l’académie de Créteil L’école se trouve face à une mission ambitieuse et dont la réalisation incomplète fait naître des critiques souvent passionnelles. Elle doit accueillir tous les jeunes de la Nation et assurer une scolarisation de masse ; en outre, il lui est demandé de faire réussir tous les élèves. Or la population scolaire est, à l’image de la société, très diverse. Une telle diversité est fondée sur des critères aux contours flous et empreints de relativité, qu’ils soient individuels, sociaux ou culturels. Les enseignants sont placés ainsi devant une situation paradoxale qu’ils vivent comme une double contrainte : pratiquer un enseignement collectif afin d’obtenir les résultats globaux les meilleurs pour le plus grand nombre d’élèves, et prodiguer un enseignement spécifique pour ceux d’entre eux dont les différences ne s’accoutument pas de l’économie générale de l’école. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 46 L’adaptation de l’école à la diversité recouvre l’ensemble des dispositifs particuliers permettant de prendre en charge les élèves qui ne s’inscrivent pas dans une démarche normée d’élévation à un niveau d’instruction requis par la Nation et fixé par les programmes officiels. Elle prend des formes différentes selon les périodes de l’histoire, les niveaux d’enseignement et les courants de pensée. Si l’on s’en tient à la scolarité obligatoire, il est possible de dégager trois grands types d’action : - la prise en compte de la diversité par la création de voies parallèles (classes spécialisées, filières, etc…) ; - l’intervention, sous forme d’aides diverses, en direction des sujets qui relèvent de ce champ ; - la modification de l’environnement pédagogique et des pratiques d’enseignement pour que tous les élèves, quelles que soient leurs différences, tirent un égal bénéfice de l’école. Ces trois modes d’action peuvent coexister et se compléter dans les différents lieux d’enseignement du système éducatif. Dès lors que les enseignants sont placés devant des élèves qui, pour des raisons qui leur échappent, ne répondent pas à leurs attentes et les interpellent par un comportement qui ne leur permet pas d’accomplir l’exercice de leur mission d’enseignant, la réaction quasi naturelle est de penser la prise en charge de ces jeunes hors de leur classe, c’est‐à‐dire de solliciter l’exclusion vers un ailleurs censé plus adapté (premier type d’action) Les progrès des sciences, l’évolution de la pensée, ont provoqué une maturation de la conscience collective que le législateur a prise en compte dans des lois d’une importance capitale (loi du 30 juin 1975 et du 11 février 2005). Le deuxième type d’action – intervention sous forme d’aides – et le troisième ‐ modification de l’environnement pédagogique et des pratiques d’enseignement – sont désormais largement promus. Ils appellent une collaboration entre les enseignants et les professionnels chargés de l’accompagnement éducatif et thérapeutique des jeunes qui en ont besoin. Mais cette collaboration n’est pas toujours réalisée, trop souvent chacun des partenaires considère qu’il possède les compétences pour intervenir et met implicitement en cause les compétences de l’autre. Un travail de fond doit être conduit pour « comprendre et agir ensemble » AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 47 La coopération entre l’école et le secteur médico‐
social Bernard Gossot Inspecteur général honoraire, chargé de l’ASH, médiateur dans l’académie de Créteil Les rapports entre les enseignants et les acteurs du secteur médico‐social ont toujours été délicats, parfois passionnels, faits à la fois de proximité et de séparation, d’attirance et de répulsion, de séduction et de rejet. Mais dans cette obligation de travailler ensemble, la complémentarité entre les différents acteurs a dû se construire en passant du travail en parallèle à une action coordonnée et concertée, parfois même proche d’une communion, sans jamais perdre la référence aux identités professionnelles propres. Un propos à forte composante historique, permet de montrer dans un premier temps combien la coopération professionnelle a pu être souvent ambiguë, parfois même difficile ; il aborde dans un second temps, les conditions d’une collaboration dynamique, interdisciplinaire et constructive. Une coopération professionnelle souvent ambiguë, inscrite dans l’histoire des établissements spécialisés 1ère raison : D’une école oubliée à une école adulée Lorsqu’on aborde l’origine des établissements médico‐sociaux, plusieurs thèses sont en présence elles constituent des regards différents d’une même réalité. Mais elles ont toutes un point commun : l’éducation dans sa dimension scolaire a été mal perçue, secondarisée, voire omise. Dans l’origine de ces établissements, il y a une histoire de désamour avec l’école, la dimension « soins » a été prioritaire ou du moins privilégiée. Il faut bien l’admettre, dans les établissements médico‐sociaux, l’école n’a pas été très présente et ne s’est imposée d’emblée ni chez les concepteurs, ni chez les acteurs chargés du bon fonctionnement de ces établissements. Ce n’est que progressivement, que certains médecins et parents, mais aussi certaines associations se sont inquiétées de la nécessité de faire acquérir aux jeunes déficients des apprentissages scolaires de base, et certains établissements ont su se doter de postes, voire d’écoles, publiques ou privées, pour développer cette mission. Mais une telle démarche s’est faite dans l’empirisme et était basée sur le dynamisme des acteurs et sur la AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 48 bonne volonté des responsables locaux de l’éducation nationale. Dans le moins mauvais des cas, les associations recrutaient des éducateurs scolaires, dans le pire des cas, il n’y avait pas d’enseignement. Dans ce contexte, la suprématie des soins s’imposait, marquant de son empreinte les rapports entre enseignants et acteurs du médico‐social. Un tel rapport s’est installé également dans les CMPP, où les personnels de l’éducation nationale, psychologues scolaires ou rééducateurs, ont souvent été confinés dans des rôles psychométriciens et de « réparateurs des apprentissages », sauf à faire preuve de formations complémentaires dûment labellisées et d’expérience confirmée. Trois textes importants sont venus donner à l’école une place essentielle, dans la prise en charge des jeunes en situation de handicap : ‐ la loi du 30 juin 1975, qui soumet ces jeunes à l’obligation éducative, en recevant soit une éducation ordinaire soit, à défaut, une éducation spéciale déterminée en fonction des besoins du sujet. On voit ainsi s’officialiser la place de l’école et s’affirmer la politique d’intégration scolaire. ‐ le décret du 27 octobre 1989 relatif à la réforme des annexes XXIV, qui assure la primauté des actions de prévention, la conjonction des soins et de l’éducation, le développement de l’éducation précoce, la redéfinition de l’éducation spéciale et la pleine valorisation des apprentissages scolaires de base (cf., genèse des annexes XXIV Dr Deveau). ‐ La loi du 11 février 2005 qui, si on la lit un peu vite, généralise la scolarisation des jeunes en situation de handicap dans les écoles et établissements ordinaires, avec les accompagnements appropriés, et qui réserve leur place lorsque les besoins nécessitent une formation au sein de dispositifs adaptés. Dès lors, on assiste à un renversement des priorités, la place de l’école est devenue progressivement première et les conséquences ne sont pas minces. Le rapport IGAS/IGEN de 1999 « L’accès à l’enseignement des jeunes handicapés », soulignait que « L’éducation scolaire constitue un enjeu central et une exigence absolue pour les parents » et, pour en fournir une illustration, un directeur d’établissement avait déclaré « Chaque fois qu’il y a un échec de la prise en charge, chaque fois les parents mettent en cause l’échec pédagogique ». En outre l’application des annexes XXIV, associée à une politique volontariste de l’intégration scolaire, a suscité le développement des SESSAD et, par conséquent, le déplacement des personnels du secteur médico‐social des établissements spécialisés vers les lieux où se trouvent les enfants en AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 49 situation de handicap, les familles et les établissements ordinaires, lieux qui ne sont pas forcément prêts à les accueillir et qui, institutionnellement, ne sont pas leur lieu d’exercice professionnel. Les conditions ne sont pas nécessairement réunies pour une collaboration sereine avec les enseignants. 2ème raison Des missions dont les finalités ne sont pas symétriques Les enseignants sont dans le registre de l’éducation, c’est‐à‐dire dans celui de la construction de l’individu avec tout ce que cela peur représenter de valorisant. Les personnels du médico‐social exercent dans le registre du soin, de l’accompagnement, de l’assistance, c’est‐à‐dire de la réparation. Dans le premier cas, on est tourné vers l’essor, l’élan, l’avenir, l’élévation (on parle d’élève à l’école) Dans le second cas, on se situe dans la compensation du manque, l’essai de correction d’une situation insatisfaisante (on parle de patient, de résident). La encore, les conséquences ne sont pas mineures, les enseignants du secteur spécialisé ont tendance à s’installer dans une attitude de toute puissance, attitude que l’on retrouve de manière générale et archétypique chez la plupart des enseignants – le métier d’enseignant n’est‐il pas par essence un métier solitaire? – On sait que chaque enseignant défend la position de seul maître de sa pédagogie et de son enseignement. Enseigner est un exercice individuel impliquant une large autonomie, une grande liberté des pratiques en même temps qu’une énorme responsabilité : le devoir de faire réussir tous les élèves. De même, les personnels du secteur médico‐social adoptent bien souvent comme modèle archétypique, le modèle du médecin, avec son pouvoir de soigner, de réparer et s’identifient à lui, ce qui leur permet de se démarquer des enseignants. Ils ne bénéficient pas de leur liberté – réelle ou fantasmée ‐, ils sont membres d’une équipe sous la responsabilité du médecin, lequel peut parfois aussi donner dans la toute puissance. Ainsi, peut‐on connaître des situations surprenantes, voire aberrantes : les enseignants en position difficile devant des élèves porteurs de handicap se lamentent d’être bien seuls et demandent de l’aide pour intervenir en faveur de l’élève, mais sous réserve qu’on ne les dérange pas dans leur enseignement. On les voit aussi se plaindre de fournir des informations sur la scolarité des élèves qu’ils accueillent mais ne pas bénéficier en retour AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 50 d’informations suffisantes de la part des partenaires du médico‐social, informations qui, selon eux, leur seraient utiles. Dans le même temps, et se référant au modèle médical, les personnels du médico‐social invoquent le secret professionnel pour rester silencieux devant les attentes des enseignants. On voit donc que les missions, n’étant pas symétriques et ayant des référents différents ne favorisent pas des relations sereines entre les acteurs. 3ème raison – Des missions dont les objets et les démarches sont différents La mission des enseignants est d’éduquer et d’instruire tous les enfants selon les exigences de l’institution à laquelle ils appartiennent. Pour cela, ils disposent de programmes à réaliser, d’évaluations à faire passer pour construire et vérifier le niveau de connaissances requis aux différentes périodes de la scolarité. Le ministère ne vient‐il pas de définir un socle commun de connaissances et de compétences à faire acquérir à tous les élèves à la fin de la scolarité obligatoire ? On le voit bien, la référence de l’enseignant est le collectif et la norme. Pour l’enseignant lambda, l’élève différent est perçu comme un cas particulier, un phénomène marginal, minoritaire, exceptionnel. Sa démarche consiste à intervenir sur le sujet pour qu’il intègre le groupe, y trouve sa place. La norme est installée comme référence. Et le risque, c’est de voir écarter le cas particulier qui ne répond pas aux exigences. Cette démarche s’inscrit dans ce que certains philosophes appellent une épistémologie du progrès. La mission des personnels du secteur médico‐social est d’assurer la prise en charge des cas particuliers, c’est‐à‐dire des sujets qui précisément ne s’inscrivent pas dans la norme. Par une compréhension fine, de l’intérieur, ils tentent de reconnaître et faire reconnaître la singularité, de la faire accepter et de la rendre productive pour le sujet. L’obsession de la norme cède le pas à l’accompagnement de l’individu dans son parcours de vie, en concevant des actions appropriées et une scolarité adaptée, différente, parfois même en allant jusqu’à considérer qu’une absence de scolarisation est en elle‐même thérapeutique et nécessaire. L’objet premier de leur action est l’individu. Cette démarche s’inscrit dans ce que certains philosophes appellent une épistémologie clinique. Ces trois raisons générales sont étayées, renforcées, cultivées par des appartenances à des univers institutionnels différents qui se traduisent par des différences statutaires, génératrices d’interrogations, de réserves prudentes, s’inscrivant parfois, par méconnaissance réelle et réciproque, dans un rapport d’hostilité inconsciente. Quel est l’indice d’un tel ? Pourquoi les AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 51 obligations de services horaires sont‐elles différentes ? Pourquoi les enseignants qui doivent travailler pendant la durée complète d’ouverture de l’établissement bénéficient‐ils d’indemnités de sujétions spéciales ? Pourtant, dans cette nécessité de travailler ensemble, la complémentarité entre les différents acteurs doit se constituer. Il faut parvenir à passer du travail en parallèle à une action coordonnée, concertée et constructive. Vers une complémentarité fonctionnelle, intelligente et sereine On peut « déconstruire » comme disait DERRIDA, les raisons d’une coopération ambiguë, pour définir ce que peut être, doit être, une complémentarité harmonieuse souhaitée par tous les acteurs. Faisons le chemin inverse, en partant de la dernière raison pour remonter la première. Rebroussons chemin. On peut passer très vite sur les différences statutaires engendrées par l’appartenance à des univers institutionnels différents car il est impossible d’intervenir sur les conventions collectives ni sur le statut des fonctionnaires. Il paraît simplement judicieux d’aborder ce sujet en développant l’information et l’échange. C’est en parlant simplement sur ces conditions, sans rien cacher, en toute transparence, que la compréhension peut s’installer et que ce qui apparaît comme des différences correspond à des réalités qui se justifient peut‐être, et qui peuvent évoluer, sans doute, par le pouvoir du législateur. Les objets et les démarches doivent être partagés Pour que le partenariat se développe dans une inter culturalité professionnelle il faut que chaque culture s’ouvre à l’autre et qu’elle entre dans l’autre sans se départir de son identité, ce qui fait son essence. Dès lors se dessine un processus d’interaction obligée. Comment l’école peut‐elle s’ouvrir aux autres partenaires ? Certes, l’école est soumise à une obligation de résultats et vit de manière obsessionnelle les contraintes de la réussite. Elle inscrit son action finalement, sous la pression sociale et institutionnelle, dans une conception très élitiste de l’éducation. La première mutation est de donner à chacun la possibilité de développer ses capacités et d’aller le plus loin possible dans l’acquisition de connaissances et dans l’épanouissement de sa personnalité. L’école doit se libérer de ses conceptions d’un autre âge, sans se départir des exigences à l’égard de tous les jeunes qui lui sont confiés. Désormais le sujet, s’il est différent, ne doit plus être sollicité pour s’adapter à un univers guidé par la norme, comme c’était le cas dans la AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 52 démarche d’intégration. C’est à l’équipe d’enseignants d’intervenir sur les pratiques pédagogiques et sur les composantes de l’environnement scolaire afin de permettre à chaque sujet, quelle que soit sa différence, de trouver sa place dans la communauté éducative et citoyenne. L’intervention de l’enseignant porte moins sur le sujet que sur la situation singulière nouvelle. Les personnels qui font partie de l’environnement sont ainsi invités à placer au centre de leurs préoccupations les processus de vie du sujet ainsi que les interactions qui existent avec les pairs, et la prise en compte des éléments du contexte psychologique et social. C’est dans ce nouveau contexte, centré sur la situation à prendre en compte, que les personnels du secteur médico‐social peuvent inscrire leur action en se décentrant également du sujet et, sans abandonner l’approche clinique, ils sont invités à partager l’analyse des différentes composantes de l’environnement social et familial, afin d’intervenir de concert avec les enseignants, pour faire évoluer la situation en faveur du sujet. Leur intervention est à la fois éducative, thérapeutique et sociale, en un mot, systémique. Tel est le sens du PPS, qui illustre bien ce travail de complémentarité dans la prise en charge du jeune. Comment rendre symétriques les missions des uns et des autres ? Les enseignants doivent abandonner leur position de toute puissance, d’omnipotence pour considérer que, pour certains jeunes, notamment ceux qui sont en situation de handicap, ils ne peuvent agir seuls et ont besoin d’autres compétences. Ils doivent reconnaître que les actes professionnels médicaux ou paramédicaux ont une dimension qui vient au service de l’acte d’enseigner, ils participent de cet acte, lui donnent du sens et de la substance. Sans eux leur action n’aurait pas d’effet. Corrélativement, les professionnels du médico‐social doivent reconnaître la juste place de l’acte pédagogique, ils doivent admettre que celui‐ci, s’il est bien coordonné, participe de l’acte thérapeutique, il est en lui‐
même thérapeutique. Il leur appartient d’abandonner la conception ancienne selon laquelle l’école est activité secondaire par rapport aux soins et a un caractère occupationnel. On a vu trop souvent cette conception régner dans les IME ou les hôpitaux de jour. L’école est une exigence sociale qui doit être reconnue à sa juste valeur et qui vaut pour tous les jeunes, y compris ceux qui, a priori, ne pourraient en tirer un profit identique aux autres. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 53 Ils doivent aussi entrer dans un processus d’échange de l’information en évitant de se réfugier derrière le secret professionnel. Dès qu’on travaille ensemble, qu’on a un projet en commun pour un jeune, il s’agit de faire partager ce qui est au service de la réalisation de ce projet. Il n’est pas nécessaire de tout dire, d’autant que des informations ne sont accessibles qu’aux professionnels initiés. Aussi faut‐il plaider pour le concept de confidentialité partagée, qui cimente la pensée des uns et des autres et qui s’inscrit dans un propos commun. Enfin, le partenariat se construit sur le respect de l’autre et la qualité de la relation qui se joue dans l’entre‐deux. Respecter l’autre c’est reconnaître ses compétences spécifiques et savoir les articuler à ses propres compétences, sans établir de hiérarchie ni de dominance. C’est éviter de considérer qu’on possède la vérité par l’expérience professionnelle qu’on a acquise et accepter que l’autre apporte sa contribution à la construction de la solution car, ainsi que l’écrivait REY dans « Une saison chez Lacan » : « La vérité n’existe pas, c’est un dialogue entre une réalité et ses représentations » Qualifier la relation, c’est la rendre symétrique, c’est‐à‐dire placer les discours des différents partenaires sur le même plan, le même pied d’égalité, c’est introduire une volonté constructive, un désir de trouver une solution ensemble dans l’échange. Trop souvent, lorsqu’apparaissent des difficultés dans la réalisation d’un projet, on observe un mode de communication établi sur un rapport de force et une disqualification de la parole de l’autre. Ce travail sur le respect de l’autre et sur la qualification de la relation se fait par des actions de formation commune, facilitant les échanges entre les partenaires venant d’horizon divers. Une complémentarité qui s’établit sur la base de nouveaux concepts Partageant désormais les mêmes objets et les mêmes démarches, ayant reconstruit des relations devenues symétriques, les enseignants et les personnels du secteur médico‐social doivent désormais ériger leurs rapports professionnels sur de nouveaux concepts, eux aussi partagés. Aussi convient‐il de parler désormais des enfants à besoins éducatifs spécifiques ou particuliers. La transformation de l’environnement et des pratiques sociales s’impose pour les sujets en situation de handicap et, plus largement, selon la nouvelle dénomination internationale, pour les sujets à besoins particuliers, bien que ce concept ne soit pas stabilisé et fasse déjà l’objet d’analyses critiques. Par delà la nuance sémantique, il faut percevoir une évolution de la conception relative à la prise en compte de la diversité : à partir de l’analyse AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 54 des potentialités et des besoins que manifeste un sujet différent, quelles que soient la cause et la nature de la différence, il s’agit de rechercher les réponses appropriées, en termes d’aménagement du contexte, d’adaptation du cursus des études, d’ajustement des pratiques sociales, d’apports d’aides complémentaires éventuelles, d’offres d’activités professionnelles variées. C’est bien là que les enseignants et les personnels du secteur médico‐
social se retrouvent pour œuvrer de concert, dans le même sens, et améliorer la gestion de la diversité. Et là, on peut regretter que la loi du 11 février 2005 ne soit pas allée jusqu’à retenir ce concept, lequel sert pourtant de référence dans de nombreux pays étrangers. On peut faire crédit à cette loi d’avoir défini le handicap et d’avoir bien pris en compte les altérations des fonctions cognitives ou psychiques, mais on dénonce aussitôt cette définition qui catégorise et stigmatise et qui efface toutes les bonnes intentions exprimées dans certains de ses articles. Certes, il existe un essai de prise en compte de la situation sociale engendrée par les altérations, mais la référence à la personne handicapée enferme pour longtemps le système de pensée français dans les modèles conceptuels anciens. Cette loi a posé de manière aiguë les rapports entre les enseignants et les personnels du secteur médico‐social. Les premiers dénoncent la prééminence donnée au pouvoir médical, les seconds s’insurgent devant la place donnée à l’aspect scolarisation en milieu ordinaire. Certes cette volonté est affirmée comme un choix politique, mais elle répond à une évolution sociale inéluctable. Il faut bien constater qu’aujourd’hui l’école n’est pas forcément prête à faire sa mutation et, entre cette volonté prônée par la loi et sa réalisation qui n’en est qu’à ses balbutiements, le chemin est ouvert pour une coopération active, fructueuse et sereine, dans la perspective du dépassement du clivage devenu obsolète entre les enfants dont les besoins particuliers peuvent avoir une réponse dans une scolarisation en milieu ordinaire et ceux pour qui cette réponse se trouverait de préférence en établissement spécialisé. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 55 Comment mieux comprendre la dimension culturelle pour mieux vivre ensemble Marie Rose Moro Professeur de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent Université de Paris 5, Service de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Avicenne, Bobigny et Maison des adolescents‐Maison de Solenn, Hôpital Cochin, AP‐HP, www.clinique‐transculturelle.org La société doit faire des choix pour ses enfants qui se traduisent par des orientations sociales et politiques. Il importe donc de défendre ce dont les enfants et leurs parents ont besoin pour que cela puisse se refléter dans les choix collectifs qui tiennent compte des données des sciences sociales, des sciences humaines ou des sciences de la vie, par exemple, en fonction des besoins et, quand c’est nécessaire, le dire haut et fort. Il en ainsi pour la question qui nous est posée aujourd’hui : la diversité des usages et des langues est‐elle un facteur de cohésion et d'égalité sociale ? Question que se pose tous ceux qui travaillent avec des enfants d’aujourd’hui, enfants qui vivent dans les contextes multiculturels et multilinguistiques qui existent dans tous nos pays européens. Comment assumer la diversité des enfants, de leurs histoires, de leurs rapports au monde, aux savoirs, aux langues et comment donner à ces enfants plus de pouvoir de langue, plus de désir de langue ? Car tel est l’enjeu, celui d’un meilleur accès au savoir des enfants, de tous les enfants et un élargissement de leurs possibles, de leur capacité à vivre ensemble et à échanger. Nous répondrons à cette question à partir de notre expérience quotidienne de pédopsychiatre en banlieue parisienne multiculturelle où cohabitent des migrants de générations différentes et leurs enfants dans un contexte globalement défavorisé4. Notre expérience de soins et de recherche dans ce domaine nous a amené à travailler avec des enfants qui traversent 4
Pour la description du contexte, cf. Moro (2007). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 56 plusieurs langues en particulier avec des enfants de migrants qui parlent des langues différentes à la maison et à l’école, mais aussi les enfants qui changent de langues parce qu’ils voyagent avec leurs parents, les enfants de l’adoption internationale et plein d’autres situations où les enfants ont des parcours langagiers riches mais qui peuvent paraître complexes aux yeux de ceux qui considèrent qu’avoir une seule langue est la norme ce qui, dans le monde qui est le nôtre, va devenir de plus en plus rare ; il importe donc de ne pas ériger en norme ce qui intuitivement semble plus facile à penser et de transformer en nature ou en nécessité ce qui est de l’ordre de la culture et de la contingence. Partons donc des enfants de migrants, enfants qui sont amenés nécessairement à maîtriser plusieurs registres, plusieurs mondes, parfois plusieurs langues. Une langue, c’est aussi une généalogie Un après‐midi d’hiver, la cloche sonne. L’école est finie. Les enfants mettent leurs manteaux et leurs cache‐nez. Je ne retrouve pas mon cache‐
nez. Je dis à ma copine : « J’ai perdu ma boufande5 », mot que je viens d’inventer à partir du mot espagnol « bufanda », cache‐nez fort utile dans ces froides régions du nord de la France. Je dois dire ici que mes parents ont quitté la Castille espagnole pour venir en France et que c’est celle langue qui a constitué mon premier berceau6 … Ma copine est étonnée « Tu ne sais pas parler français ! » et elle éclate de rire. Et la maîtresse qui passait par là dit à mon intention et surtout à l’intention de ma camarade « C’est de la poésie ! ». Je suis poète ? Sans doute non, mais poète éphémère, comme mes frères et sœurs et comme tous ceux qui passent d’une langue à l’autre. Il est vrai que c’est une nouvelle sémiologie poétique qui intéresse encore peu les sémioticiens, c’est pourtant une création permanente, quotidienne, de tous ceux qui sont confrontés à la diversité des langues par leur histoire. Tout dépend du regard que l’on porte sur ces émergences, sur ces dires du quotidien, si on y voit des créations ou, au contraire, des erreurs à rééduquer ou, encore pire, une impossibilité à habiter une langue, un non‐désir de langue, une pauvreté linguistique, un attachement excessif à la langue des parents, quelle qu’elle soit d’ailleurs, celle des parents dont on ne reconnaît pas l’importance. Pour les enfants de migrants pris entre plusieurs mondes, la langue française est pourtant le seul point fixe. Une jeune chercheuse française, intelligente et brillante, est prise de doute devant un article à écrire sur sa 5
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Mot écrit ici en phonétique. Pour un récit de ce parcours, cf. Moro et coll. (2004). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 57 recherche. Née de parents arabes en France, et dernière de sa fratrie, elle a essentiellement parlé français avec ses parents et, en tous les cas, avec ses frères et sœurs. L’arabe est comme une langue secrète qui fait partie du lien familial. Prise de doute, empêtrée dans la difficulté à écrire son article, elle s’interroge : « Mais finalement, de quoi suis‐je certaine dans ma vie ? Quel est mon point fixe ? » Et, finalement, elle n’en trouve qu’un seul : la langue française, non pas la langue maternelle, c’est‐à‐dire celle parlée par sa mère, mais la langue que sa mère lui a permis d’apprendre, celle que son père a choisi pour elle. Une langue, on le sait, c’est une généalogie. Devoir avoir plusieurs langues, choisir dans certains cas d’en avoir plusieurs, mais c’est là une tout autre situation, c’est devoir nécessairement accéder à un métalangage pour les transcender. C’est aussi devoir croiser une généalogie transmise par le dedans et une acquise par le dehors. Cela augmente notre liberté mais à condition d’avoir les moyens de le faire et de cultiver le désir de se créer une généalogie complexe, multiple et de créer des interactions entre ces langues, entre ces généalogies. La diversité, c’est là son charme et sa difficulté, conduit à la complexité. Et au‐delà des mots, il y a la diversité des concepts. Prenons un exemple tiré du vocabulaire ontologique castillan. « Supporter », « résister », en un mot « être » se dit aguantar. Le substantif, aguante, signifie « maîtrise », mais il « suggère bien davantage, comme l’écrit Michel del Castillo, puisqu’il s’agit, non d’un événement ou une infortune supportés avec la pleine maîtrise de soi, mais d’une action accomplie par le sujet, résister, si l’on veut, mais avec un mélange de défi et d’impassible dédain. […] En tauromachie, il désigne la force intérieure du maestro qui supporte la charge du taureau, non seulement sans broncher, dans l’immobilité totale, mais avec un orgueil méprisant. C’est avec la même dignité tranquille que Don Quichotte subit les revers et les échecs, c’est cette même fierté que je retrouve dans les pays musulmans. Où que l’on regarde, on retrouve l’empreinte de l’islam… » (Del Castillo, 2005, p.44). Ce mot ne peut donc se comprendre qu’avec le concept afférent ; cependant, en situation de changement de langue, on peut garder le mot et effacer la spécificité du contexte ou, au contraire, garder le concept dans sa radicale différence et modifier le mot : lorsqu’on le dit en français, le mot « supporter » n’a pas les mêmes nuances et ne fait pas appel aux mêmes références culturelles, aux mêmes images. C’est cette dissociation qu’opèrent les enfants de migrants entre mots et concepts et, comme ils font de même avec les mots et les concepts français, on se trouve en situation de métissages. Autant d’écarts, autant de processus qui produisent de l’inédit, du mouvement, voire, dans certains cas, de la poésie et de nouveaux possibles, des liens, des interactions, des rencontres. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 58 Une langue c’est donc un système de signes, d’images, de concepts, de figurations possibles, de cryptes, un univers qu’on habite et qu’on transporte avec soi. La question devient alors que faire quand l’histoire vous confronte à plusieurs langues possibles, situation extrêmement fréquente dans le monde mais qui, aux yeux de la langue française, est toujours difficile à penser. La modernité des enfants qui parlent plusieurs langues L’enfant de migrants, comme tous les enfants mais, avec plus de netteté encore du fait de la situation clivée entre le dedans de la famille et le dehors, se construit au croisement de deux processus : un processus de filiation ‐« je suis le fils, la fille de… »‐ et un processus d’affiliation ‐ « j’appartiens à tel groupe ou/et à tel autre » ‐ en général, selon un schéma d’appartenances multiples qui peut se modifier dans le temps. Et ces deux processus, pour être harmonieux, se soutiennent l’un l’autre, le dedans et le dehors. Dans ce dehors, l’école joue un rôle important. Or, pédopsychiatre en banlieue parisienne, j’ai dû me résoudre à accepter une douloureuse évidence : beaucoup d’enfants viennent me consulter avec leurs parents meurtris parce qu’ils ne parviennent pas à s’adapter à l’école et, pourrait‐on ajouter avec malice, parce que l’école ne parvient pas à s’adapter à eux7. Ce processus d’ajustement se construit à travers trois questions fondamentales : 1/ De quoi un enfant a‐t‐il besoin pour se développer harmonieusement et se nourrir de l’école et donc du monde extérieur qui porte l’école (langue, images, représentations) ? La question de l’apprentissage est essentielle pour son développement : un enfant qui, a priori, se porte bien, mais qui ne parvient pas à apprendre ne se sentira pas bien. 2/ Que faut‐il pour qu’un enfant puisse se nourrir de l’école ? 3/ Comment et pourquoi certains enfants ne parviennent‐ils pas à prendre du plaisir à apprendre, à échanger, à construire une relation avec les adultes qui permette la transmission de savoirs et la création d’autres possibles ? Or, contrairement à ce que certains voudraient parfois laisser croire, ces questions ne sont pas limitées aux enfants d’ici venus d’ailleurs ; elles se posent aussi pour nombre d’autres enfants : ceux qui réussissent, parfois au prix d’un coût psychique trop grand, et ceux qui échouent et qui nous apprennent beaucoup sur les processus auxquels sont soumis tous les enfants, quelle que soit leur singularité, leur créativité, leurs difficultés. 7
Voir sur ce thème le numéro du Monde de l’Education sur « Penser les savoirs du XXIème siècle », juillet‐août 2006, 77‐79. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 59 Les enfants de migrants sont d’emblée dans un monde complexe. Ils doivent composer avec leurs affiliations partielles et multiples. Il y a, par exemple, cette petite fille qui raconte : « Mon père me dépose à l’école. C’est ma première année d’école, je rentre en cours préparatoire. Avant, ma mère préférait me garder près d’elle : je comprends, elle ne parle pas le français ; c’est difficile d’aller acheter quand on ne parle pas le français. Première heure dans la classe ; la maîtresse se lève et dit quelque chose que je ne comprends pas tout à fait. Tous les enfants se précipitent vers un même objet. Je suis mes camarades, sans comprendre. Elle dit autre chose. Même mouvement vers un autre objet ; je suis le mouvement, très lentement. Je ne comprends pas. La maîtresse recommence… Cette fois, c’est trop, je reste sans bouger. Elle s’approche de moi : elle dit quelque chose de manifestement méchant, je m’assieds par terre, elle se fâche ! Elle crie fort, en s’adressant aux autres enfants… Je me sens humiliée, glacée, je voudrais disparaître ou mieux retourner chez moi, près de ma mère. Je me dis : jamais plus on ne me traitera comme cela !… » En quelques jours, pourtant, cette petite fille deviendra une élève modèle et jouera mieux que quiconque au jeu des couleurs dans la classe. Cette excellence, réconfortante mais parfois tyrannique, aura été le prix à payer pour la migration de son père, comprendra‐t‐elle, vingt ans plus tard, sur le divan d’un psychanalyste. Si cette petite fille a réussi à faire de cette rencontre violente avec l’école une source de vie, d’autres, pour lequel le coût psychique est trop grand, resteront figés à ces événements traumatiques, parfois à des micro‐
événements, qui leur rappellent que, pour eux, la simplicité leur est interdite et les liens à l’autre, souvent douloureux. L’école est structurée par un certain rapport au savoir qui appartient au monde occidental et à un certain milieu social (celui des enseignants). Tous ces paramètres déterminent les méthodes pédagogiques, les relations avec les élèves et avec les parents. C’est pourquoi il importe de diminuer le conflit entre l’école et la maison, les deux lieux premiers d’appartenance de l’enfant, lieux qui portent des langues différentes. Il s’agit parfois de logiques qui se pensent et qui se posent comme antinomiques, alors que toutes deux sont nécessaires à la structuration de l’enfant. D’où l’importance de sortir du conflit et d’assumer une position de négociation et de métissage. Favoriser par exemple le bilinguisme des enfants de migrants à l’école et dans la société serait une chance pour les enfants et pour la société. Ce bilinguisme permettrait des liens, des ponts, des rencontres sur un plan d’égalité linguistique et sociale. Or, pour l’instant, être bilingue quand on est enfant de migrants dits économiques, c’est presque une tare en France, alors même que l’apprentissage précoce des langues est favorisé à l’école… Y aurait‐il une hiérarchie implicite entre les langues ? L’anglais aurait‐il plus de valeur que l’arabe ? L’anglais est important pour les enfants, car il convient d’être bilingue dans un monde où les échanges sont importants ; mais, l’arabe l’est AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 60 tout autant, s’il est la langue des parents, celle qui leur transmet histoire et intimité, celle qui leur permettra de valoriser leur différence et de se reconnaître tels qu’ils sont, porteurs d’une histoire coloniale par exemple qu’ils aient envie de dépasser et pas seulement de taire, honteusement, ou de crier, violemment. Parler arabe permettra à ces enfants qu’ils parlent d’autant mieux le français et même l’anglais8 à condition que les apprentissages de la langue première et seconde soient suffisamment bons et valorisés (Bialystok, 2004). Pourquoi, alors, ne pas encourager les parents à transmettre leur langue maternelle et favoriser des processus d’apprentissage de cette langue précieuse pour leurs enfants ? On voit certains enfants de migrants du Maghreb devenus adolescents se jeter corps et âme dans la langue du Coran par exemple de manière idéologique et parfois peu efficiente alors que, par ailleurs, ils ne parlent pas l’arabe dialectal de leur parents ; et sans doute pour cela, si j’en crois ce que me disent de nombreux adolescents vus en consultation qui parlent de ce manque de la langue qui les relie à leurs parents et qui, par un mouvement projectif, ne leur donne pas envie de se relier non plus au monde extérieur. C’est l’envie de lien qui est menacée, du métalangage, du désir de l’autre. Apories de la transmission… Ces appropriations secondes sont souvent violentes et peu structurantes pour les adolescents sauf lorsqu’elles sont le fruit d’un processus de sublimation qui conduit à une appropriation harmonieuse ce qui est plus facile pour les filles que pour les garçons (Bensekhar‐Bennabi M, Serre G., 2005). Assumer la diversité des enfants, la complexité de leurs besoins psychologiques, éducatifs, sociaux et culturels et l’hétérogénéité des demandes parentales sont des défis majeurs de la clinique et de l’école de demain. De là découle la grandeur d’une société ouverte sur le monde et qui ne renonce pas à donner le désir du lien, le désir de langues ! Cette question nous invite aussi à nous décentrer, à interroger nos pratiques, à les adapter sans doute à cette nouvelle donne de la multiplicité des langues. La transmission d’une langue différente par les parents non seulement permet aux enfants de mieux apprendre leur langue seconde, elle leur permet surtout un système de liens diversifiés et symétriques avec les différents mondes qui font leur histoire et elle les ouvre, avec sensibilité, au multiple, au mouvant…. à l’universel. 8
Sur cette question importante de la difficulté en France de favoriser le bilinguisme des enfants de migrants, ce qui pourtant favorise l’apprentissage de la langue française et la position des enfants de migrants tant affective, cognitive que linguistique, cf. Moro (2004). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 61 Enfin, sortir de l'implicite qui voudrait que le monde de l'école et celui de la maison n'aient pas le même statut. Ceci est un principe éthique mais aussi scientifique puisque depuis longtemps déjà, nous savons qu'il n'existe pas de hiérarchie entre les cultures. Même sur le plan cognitif, le monde de la maison a ses propres valeurs, ses propres connaissances, il est digne de reconnaissance et, bien sûr, de respect. De plus, il constitue le socle sans lequel les connaissances scolaires ne peuvent s'imprimer aisément, sans trop de douleur et d'efforts. Il permet la construction de l'estime de soi par l'intériorisation des attachements sans laquelle aucun apprentissage n'est possible. La transmission n’entrave pas la promotion, au contraire, elle fait son lit. On le sait pour les classes sociales favorisées et les langues « valorisées », on l’oublie trop vite pour tous les autres. Bibliographie Bensekhar‐Bennabi, M. ; Serre G. (2005) L'univers du bilingue et la réalité des familles bilingues. Entretiens de la petite enfance, l’Expansion, 55‐87. Bialystok, H. (1991) Language processing in bilingual children, Cambrige University Press, London. Bialystok, E.; Craik, F.; Klein, R. Viswanathan, M. (2004). Bilingualism, aging, and cognitive control: Evidence from the Simon task, Psychology and Aging, Vol 19, 2, 290‐
303. Bijeljac‐Babic, R. (2000) Acquisition de la phonologie et bilinguisme précoce. In Kail M et Fayol M: L'acquisition du langage, chapitre 6, tome 1, Paris, PUF. Charlot B. Le rapport au savoir en milieu populaire, apprendre à l’école et apprendre dans la vie. In : Bentolila A. (Ed.) Les entretiens Nathan. L’école face à la différence (Actes X). Paris : Nathan ; 2000. p. 23‐9. Del Castillo M. Dictionnaire amoureux de l’Espagne. Paris, Plon, 2005. Grosjean, F. (1982) Life with two languages. An introduction to bilingualism, Cambridge MA, Harvard University Press. Lachal C. Les enfants qui jouent sont des dieux. L’autre, Cliniques, Cultures et Sociétés 2006 ; 7(2) « Jouer ! » : 193‐213. L'autre, Cliniques, Cultures et Sociétés 1(3) « Dire sa souffrance ». Grenoble : La Pensée sauvage ; 2000. Lenclos, J. (2002). La conscience métalinguistique chez les bilingues. Mémoire de maîtrise, Université de Picardie Jules Verne, Amiens. Monde de l’Education sur « Penser les savoirs du XXIème siècle », juillet‐août 2006, 77‐79. Moro MR Aimer ses enfants ici et ailleurs. Histoires transculturelles. Paris, Odile Jacob, 2007. Moro MR (2004). Enfants d’ici venus d’ailleurs. Naître et grandir en France. Paris : La Découverte ; 2002 (Deuxième édition en 2004 chez Hachette Littératures dans la coll. « Pluriel »). Moro MR, Moro I. and coll. Avicenne l’andalouse. Devenir psychothérapeute en situation transculturelle. Grenoble : La Pensée sauvage ; 2004. Moro MR. Des enfants au pluriel, une école au singulier… In : Bentolila A. (Ed.) Les Entretiens Nathan, Les Promesses de l’école (Actes XII). Paris: Nathan ; 2002. p. 11‐6. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 62 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 63 La valeur d’alarme de troubles du comportement des jeunes enfants Nicole Guedeney Pédopsychiatre, département de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte à l’Institut Mutualiste Montsouris, Paris Les tâches du développement que doit intégrer un
enfant. l’apport des connaissances actuelles sur
la psychologie du développement
y À partir de 3 ans+++
y L’enfant a à sa disposition suffisamment de
compétences pour commencer à assurer son
auto organisation dans les situations banales de
la vie quotidienne ou pour affronter les défis du
développement habituels de son âge
y Il y a suffisamment de connaissances en population
générale pour définir les acquisitions (avec leur
marge de variabilité développementale) pour pouvoir
dire quand quelque chose n’est pas normal
(Gaussien)
y La démarche de la psychopathologie
développementale:
y si l’enfant n’a pas acquis ou maîtrisé ses taches
de développement,
y son évolution ultérieure est à risque d’être moins
optimale
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 64 La notion de facteur de risque
y La prédiction en sciences et dont fait partie la
psychologie du développement ou la
psychopathologie du développement est un
phénomène très précis
y Elle est groupale et jamais individuelle
y Si on a le facteur de risque, on a plus de chance
de présenter telle ou telle trajectoire, moins
optimale que si on ne l’a pas
Troubles du comportement
y Obéissent à des définitions précises
y Qui précisent bien en quoi ils sont différents de
l’expression d’étapes du développement plus ou
moins faciles à franchir
y Critères
y d’envahissement,
y d’intensité,
y de non compréhensibles par rapport au contexte,
y de non réactivité à une réponse adéquate
interpersonnelle,
y de conséquences sur le développement de la vie
sociale et des apprentissages
Troubles du comportement
y À partir de 2 ans 1/2, les troubles du
comportement
y Agressivité, Opposition, Agitation
y Diminuent +++
y A partir de 6 ans,
y Ont quasiment disparu
Dés la maternelle, Toute persistance, aggravation ou
intensité telle qu’elle compromet les apprentissages de
l’enfant et son intégration sociale à l’école doivent faire
consulter pour évaluation
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 65 Troubles du comportement de l’enfant
jeune ont une valeur d’alarme
y Si troubles du comportement
y Signifient qu’Il y a souffrance chez l’enfant
y Entraînent des cercles vicieux
y qui aggravent la souffrance de l’enfant
y en entraînant le risque de rejet et d’exclusion
y et de mauvaise image de soi même
Troubles du comportement:
la perspective de psychopathologie
développementale Guttmann-Steinmetz & Crowell, 2005
y Interaction de facteurs multiples
y Vulnérabilités biologiques et neurologiques
y Environnements écologiques, communautaires et
familiaux
y Qualité des interactions parent enfant dans les tâches
de la parentalité
Apport des nouvelles théories scientifiques
du développement de l’enfant
y Partent des enfants qui vont bien
y Sont prospectives et non pas reconstructives
y Donnent une nouvelle valeur aux expressions
comportementales
y Comportement : première forme d’expression de la
communication avec l’émotion
y Langage secondaire
y Comportement: participe à la régulation émotionnelle
par son rôle de décharge
y De moins en moins sollicité au fur et a mesure du
développement des capacités cognitives de l’enfant
y
En particulier a partir de 3-4ans: langage et théorie de l’esprit
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 66 Nouvelle valeur aux émotions «négatives »:
Apport de la théorie de l’attachement et de la
théorie des émotions
y Angoisse:
y interpersonnel et à l’éloignement des figures
d’attachement
y Colère:
y Affirmation de soi
y Colère de l’espoir
y Rage dysfonctionnelle
y Régulation des émotions négatives :
y toujours interpersonnelle puis intrapsychique
y mais gardera toujours cette base d’acquisition
interpersonnelle
y Les Comportements indésirables peuvent être
l’expression d’une développement et d’une
régulation émotionnelle perturbés qui prennent
leur origine dans les expériences précoces
d’attachement
y Troubles du comportement et gestion de stress
y Comportements « indésirables » peuvent être
une stratégie pour réguler la proximité et la
réponse de celui qui s’occupe de l’enfant
11
Adresser tôt en psychopathologie du
développement
y Moins de risques que s’enferme dans la spirale
du cercle vicieux provocation/rejet
y Traiter les facteurs sous jacents qui entraînent la
persistance des difficultés
y Evaluation exhaustive
y En pédo- psychiatrie, une même expression
symptomatique peut être liée à différentes « causes »
y Le plus souvent plusieurs facteurs, dans une même
situation, concourent à l’apparition de troubles
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 67 Comment adresser ?
y L’enfant ne réussit pas à surmonter ou ne
semble pas avoir intégré les challenges de son
âge
y Importance que les étapes du développement
soient franchies quand elles le doivent, sinon
entrave du développement ultérieur
y Plus on évalue tôt, plus on peut changer vite
y Évaluation avec des professionnels du
développement de l’enfant pour voir si a besoin
d’aide et comment on peut le faire
13
Evaluation
y Enfant
y Instrumental (langage, intelligence, motricité)
y Somatique: audiogramme
y Psychologique
y Attachement
y Anxiété et régulation émotionnelle
y Théorie de l’esprit
y Attention
Projet de soin
y Familial, individuel et environnement scolaire
y Développer les ressources de mentalisation et de
régulation émotionnelle
y Diminuer les facteurs de vulnérabilité
y Rompre le cercle vicieux
y Ré ouvrir le champ des possibles
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 68 Conclusion
• Troubles du comportement après 3‐4 ans: Ne pas attendre que cela se passe
– Importance de l’évaluation
– Formation des professionnels de l’école aux besoins émotionnels de l’enfant et aux significations psychologiques du monde scolaire pour les enfants • Mieux supporter et soutenir
• Mieux adresser
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 69 Une classe médicalisée spécialisée ; à partir d'une expérience personnelle Didier Lambert Chef de service de Pédopsychiatrie, hôpital Marius Lacroix UPEA Unités Psychothérapiques pour enfants et adolescents. La classe médicalisée spécialisée est née d’un constat qu’une enseignante de classe de perfectionnement devait accueillir seule des enfants très majoritairement pris en charge par l’intersecteur de pédopsychiatrie pour leurs difficultés d’apprentissage en général et en groupe en particulier. Il convenait donc d’apporter une réponse partenariale permettant d’articuler les soins médico‐psychologiques à cette classe spécialisée en unifiant les principes et les actions, éducatifs et cognitifs, tout en respectant la distinction des deux espaces. Nous avons proposé d’appliquer certains principes de fonctionnement de nos groupes thérapeutiques ambulatoires ou institutionnels à cette classe. Pour cela nous avons décidé de détacher des unités de soins un éducateur spécialisé à mi‐temps afin qu’il s’assure de la fonction contenante de la classe en correspondance avec ce que nous nommons le maternage institutionnel. Elle veille avec l’enseignante à instaurer un cadre éducatif et pédagogique caractérisé par : ‐
‐
La permanence spatio‐temporelle à 5 demi‐journées rassemblant obligatoirement les enfants et les deux référents tuteurs, les activités de soins ambulatoires ou hospitalisations prenant place les autres demi‐journées, La ritualisation des séquences d’entrée et de sortie du groupe de classe mais aussi celles qui rythment la vie de la classe. La ritualisation n’est pas une répétition figée et stéréotypée, mais l’installation d’un maillage qui à l’instar du quadrillage des cahiers scolaires sert de trame organisatrice qui guide et permet d’analyser les processus en cours tout en favorisant l’anticipation sécurisante (après ça, il y aura cela) et en créant le sentiment d’appartenance. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 70 Le groupe peut produire de la nouveauté si la dynamique groupale est prise en compte pour saisir les émergences créatives et en soutenir le développement intégré. ‐ l’analyse de la dynamique groupale pour accompagner les mouvements fusionnels qui s’appuient sur le pareil, l’indifférenciation et les éprouvés émotionnels et sensoriels et leur oppposer.la différenciation de soi et le recours aux représentations et aux signes, ‐ la constitution d’une histoire de groupe qui peut s’appuyer sur une métaphore unifiante (le bateau, l’avion, etc.…) mais aussi sur un projet d’activités (le cirque). Cette activité narrative permet de rassembler les représentations conscientes et inconscientes des animateurs de la classe (et donc de les réguler lors des réunions de fonctionnement avec le psychiatre responsable) et l’histoire souvent chaotique des enfants qui trouvent dans un étayage organisateur pour lier leur parcours existentiel à celui du groupe. Nous leur proposons à cet effet divers outils, le cahier de liaison, la table de l’orateur où chacun peut faire entendre sa parole, l’élection d’un délégué de classe à partir de programmes établis par les candidats et enfin, la mise en œuvre d’un projet de groupe qui se conclura par un spectacle original en fin d’année, ‐ par la rédaction collective des règles régissant la vie commune et définissant les interdits. Les transgressions sont sanctionnées selon des modes concrets et gradués qui soutiennent l’auto‐évaluation et l’autocorrection. Enfin, aux actes les plus graves (par exemple de violences à autrui) nous apportons des réponses dramatisées qui s’inspirent des rituels sociaux et en particulier judiciaires. Le recours à la triangulation des interactions permet d’éviter l’impasse des échanges duels et de développer de multiples triangles interactifs au sein de la classe, de l’école et avec les parents et les services de soins. L’activité pédagogique est guidée par des principes et des concepts intégrant les apports des neurosciences des grands courants de la psychologie, de la psychanalyse et des sciences cognitives. L’accès à un savoir nouveau déconstruit les croyances antérieures (ce qui peut inhiber l’enfant insécure) et il doit donc s’inscrire dans une démarche intentionnelle élaborée par le sujet rassuré quant à la perte de ses connaissances antérieures. La mise en action (énaction de Varela) peut renforcer l’appropriation par l’enfant de ce savoir et être associée à son auto‐
évaluation (métacognition). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 71 Nos principes fondateurs de 96 n’ont pas varié en particulier quand nous insistons sur la nécessaire dynamique groupale pour conférer aux acquis valeur de communication et de socialisation, et quand nous priorisons les démarches pédagogiques faisant éprouver la réalité et saisir le sens avant toute tentative de représentation par le signe et les symboles. Les outils que l’enfant peut utiliser sont diversifiés (par exemple pictogrammes élaborés par l’enfant, méthode Borel Maisonny) et les difficultés constatées font l’objet d’actions concertées avec les structures de soins pour aider l’enfant à les surmonter. Dans ce cas particulier l’éducatrice assure l’interface entre la vie groupale et l’intimité de chacun et entre l’école et le dispositif de soins. L’assistante socio‐éducative facilite les liens entre la classe et les services de soins et les parents ou les services sociaux (justice, ASE, MDPH, etc.…). La classe médicalisée spécialisée s’appuie sur un trépied : la collaboration bienveillante et active des enseignants de cette école qui l’accueille, l’espace de pensée commune qui porte le projet de l’enfant et qui donne un sens à ses troubles en évitant tout sectarisme idéologique et réductionnisme scientifique, la contractualisation du projet de l’enfant qui s’accomplit lors de rencontres régulières a l’ordonnancement précis afin de bien signifier les places et les rôles des différents partenaires et acteurs intervenant auprès de l’enfant. Nous terminerons cette intervention par une courte évaluation des résultats obtenus au cours de ces douze années de fonctionnement AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 72 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 73 Comment les professionnels peuvent‐ils accompagner les parents? Patrice Bourdon Maître de conférences de Sciences de l’éducation. Université de Nantes / IUFM – Labo CREN EA 2661 Résumé : Les publics sur lesquels nous allons appuyer nos propos sont ceux que l’on catégorise dans le registre de la « phobie scolaire », « des décrocheurs » mais cela est peut‐ être plus complexe. Les professionnels de l’éducation, les familles sont souvent désemparés face aux agissements soudains de ces adolescents qui ne retournent plus à l’école, au collège ou au lycée, quelque fois d’un jour à l’autre. Nous nous attacherons à rendre lisible le travail de médiation que certains professionnels peuvent opérer pour mettre du « médiat » là où l’immédiat fige, bloque, enkyste les situations, notamment auprès des familles. Ces adolescents qui nous questionnent Nous avons tous rencontré des élèves de collèges, de lycées qui petit à petit s’installent dans une fréquentation scolaire irrégulière et qui d’un jour à l’autre ne « veulent » plus aller à l’école. Nous connaissons ces élèves qui « décrochent », sont là sans y être, par intermittence. Ou ceux qui sont présents à l’Ecole mais qui n’y font rien, ces « décrocheurs de l’intérieur » comme les nomme Stéphane Bonnery9. Ces comportements sont diversement appréciés par l’entourage que ce soit le milieu familial ou celui de l’établissement scolaire avec des variations selon la fonction occupée par ces professionnels. En effet, nous avons observé des réactions différentes, voire différenciatrices, selon que nous discutions avec le CPE, le médecin scolaire, le chef d’établissement, le professeur principal. 9
Bonnéry S.et E.Martin, Les classes‐relais. Un dispositif pour les jeunes en rupture scolaire, Paris, ESF, 2002 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 74 Pourquoi en est‐il ainsi ? Je crois que l’on peut dire dans un premier temps que nous sommes face à une maladie invisible et que par conséquent, il est possible de douter de la véracité de celle‐ci d’autant qu’elle émerge chez des adolescents qui comme chacun le sait, traversent une période quelque peu troublée, de reconstruction, de bouleversements sur le plan du développement psychique et des relations sociales. D’ailleurs, entendons nous souvent, « est‐ce bien une maladie, ne fait‐il pas semblant, manque t‐il de volonté, ne veut‐il pas embêter son père, sa mère, son professeur … Faut‐il l’écouter, un bon coup de pied aux fesses ne remettrait‐il pas les choses en place ? » Puis d’autres questions conséquentes apparaissent, « qu’est‐ce qui a bien pu arriver, nous n’avons rien vu venir, qu’est‐ce qu’on a fait, n’a‐t‐il pas été agressé, racketté, c’est à cause de son prof de français avec qui ça se passait mal … » L’entourage échafaude, ainsi, un certain nombre de théories qui vont expliquer l’incompréhensible, afin, pour les parents de ne pas trop souffrir, de se déculpabiliser mais aussi pour essayer de comprendre ce qui se passe et comment il paraît possible de l’enrayer. Ce processus est particulièrement long et douloureux selon que l’on est parent ou enseignant selon, de toute façon, son degré d’implication dans le système. La situation de ces adolescents « phobiques » ou plus exactement en grande difficulté pour fréquenter régulièrement et sereinement le milieu scolaire, et par la même investir les savoirs, interpelle tout particulièrement les adultes qui ne comprennent pas ce qui se passe. Ces situations installent et nourrissent des conflits entre adultes, entre Ecole et famille, entre professionnels éducatifs et médicaux, entre ceux qui sont directement impliqués dans la situation et ceux qui sont plus à distance, je vais y revenir. Du côté de parents Ces adolescents qui interpellent leur famille à un moment donné et qui « restent » chez eux parfois sur une longue durée font naître des sentiments paradoxaux. D’un côté l’enfant qui va mal, SON enfant, le petit enfant dans ce grand corps d’adolescent qui leur échappe est à protéger. C’est une des fonctions essentielles de la famille : protéger, entourer l’enfant qui souffre. D’un autre côté, il est difficile d’accepter ce grand corps peu dynamique dans la maison à longueur de journée. Des conflits apparaissent alors parfois au AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 75 sein même de la famille entre le père, dont une des fonctions symboliques est de faire découvrir le monde à l’enfant en le « détachant » de sa mère. Et la mère qui apporte à l’enfant les soins dont il a besoin, l’entoure de son affection maternelle, maternante. La culpabilité s’installe au sein de la famille, culpabilité qui est l’expression d’un questionnement sur les conséquences de l’éducation dispensée à l’enfant par les parents, sur les choix qui ont été faits plus ou moins consciemment et sur des relations mère – père – enfant qui se sont installées au fil du temps. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir apparaître des conflits dans le couple l’un reprochant à l’autre de l’avoir « trop couvé » ou « pas assez engagé à vivre des activités extérieures à la maison ». Ces situations de rupture de la fréquentation scolaire produisent également des conflits entre l’Ecole et la famille, des tensions entre enseignants et parents qui ont pour effet d’opacifier la compréhension de ce qu’il faudrait faire pour comprendre, agir, essayer, décider, mettre en lien les divers professionnels et la famille .. Du côté des enseignants et des acteurs de l’institution scolaire Nous observons plusieurs postures qui varient selon les phases d’évolution des situations qui font blocage. Il est du rôle de l’institution de s’inquiéter de ces élèves qui posent problème et qui « dérogent » aux règles établies pour le bon fonctionnement des structures. Plusieurs niveaux apparaissent : ‐ Les professeurs concentrent leur attention sur les élèves qui « décrochent » en rigidifiant parfois leur position (mots dans le carnet de correspondance, interpellation de la direction de l’établissement, signalement au CPE, convocation des familles, remarques lors du conseil de classe, sanctions de l’élève …) ‐ Culpabilisation des familles sur les actes de dérogement, d’incivilité, de non travail scolaire de leur enfant. ‐ Interpellation des « experts » que sont l’infirmière scolaire, le médecin scolaire, l’assistante sociale pour d’une part signaler, d’autre part essayer de comprendre Nous devons dire que bon nombre d’enseignants ne restent pas insensibles à ces situations qu’ils ont souvent du mal à comprendre. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 76 Dans le meilleur des cas, après plusieurs semaines de tentatives de résolution des problèmes rencontrés, les acteurs de l’institution scolaire essaient de trouver des solutions et interpellent des services extérieurs à l’établissement scolaire que sont notamment le SAPAD (service d’assistance pédagogique à domicile aux élèves malades ou accidentés) ou le SATED (service d’aide et de tutorat aux élèves en déscolarisation) lorsqu’ils existent et sont connus. Le rôle des médecins et des infirmières scolaires est alors fondamental pour faire le lien entre l’établissement scolaire et les familles. Pour autant, il semble que les acteurs de proximité qu’ils sont, se trouvent souvent trop impliqués ou trop proches de ces situations pour y voir suffisamment clair et permettre une résolution rapide des blocages. Qui peut faire médiation ? Les processus d’éloignement du système, de fréquentation irrégulière de l’Ecole s’installent progressivement, nous l’avons vu. Il s’agit alors d’envisager l’univers des possibles pour essayer d’enrayer l’inéluctable déscolarisation. Il me semble qu’il faut agir sur plusieurs leviers et les distinguer tout en prenant soin de ne pas les isoler les uns des autres. ‐ En premier lieu, il s’agit d’identifier les ressorts de cet éloignement de l’Ecole et d’identifier en partenariat avec le médecin scolaire qu’il y a bien « maladie » qui peut enclencher des soins. Il s’agit ici d’une maladie psychologique qui pourra évoluer progressivement vers la guérison par dune prise ne charge psychologique au sein d’un CMPP, d’un CMP ou en consultation libérale privée auprès d’un psychothérapeute. C’est le médecin scolaire qui me semble être l’interlocuteur privilégié au sein de l’institution pour faire médiation auprès des équipes pédagogiques et des responsables de l’établissement scolaire. La réunion d’une équipe éducative me semble essentielle pour que les acteurs établissent ensemble un protocole de soin et de scolarisation en lien avec la situation de l’élève. ‐ L’évocation des perspectives temporelles aura pour effet de débloquer la situation puisqu’il s’agit non plus de considérer la déscolarisation comme un état mais comme un passage, une évolution vers une dynamique qui envisage l’après. Pour autant les discussions et le projet qui vont se dessiner en équipe éducative demandent qu’un interlocuteur privilégié puisse se saisir du projet pour faire le lien entre les différents protagonistes. ‐ Faire le lien est essentiel et il nous faut identifier un professionnel qui pourra tantôt rencontrer les acteurs de l’institution scolaire (chef AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 77 d’établissement, CPE, professeur principal...), tantôt accompagner la famille pour lui permettre d’engager un processus d’évolution face à l’incompréhension de ce qui (leur) arrive. Le rôle de médiateur Les expériences d’accompagnement des familles que nous avons connues, et qui ont été efficaces, sont celles des coordonnateurs SAPAD. En effet, voici un personnel de l’éducation nationale qui n’est ni membre de l’équipe éducative de l’établissement scolaire, ni extérieur à l’institution scolaire mais qui de part sa fonction est en relation constante avec la famille pour : ‐ Ecouter, entendre, expliquer la complexité de la situation. ‐ Agir auprès des équipes d’enseignants pour s’assurer qu’il est entendu que nous sommes face à un problème de santé, au sens de l’OMS, dans le classement international du fonctionnement de la santé et du handicap (CIF). Ce qui implique des soins et une amélioration de l’état de santé de l’enfant. ‐ La connaissance du système scolaire et des enjeux de la scolarisation, permettent au coordonnateur SAPAD de mettre en place les dispositifs de scolarisation soit à domicile, soit dans un lieu tiers dans l’attente d’une fréquentation scolaire dans l’établissement. Son rôle de médiateur auprès des familles et de l’établissement scolaire permet d’envisager une poursuite de la scolarité dans d’autres lieux, à un autre rythme, dans d’autres conditions avec pour objectif un retour progressif au sein de l’établissement scolaire de l’enfant. ‐ Le dialogue qui s’installe progressivement entre la famille et l’Ecole par l’intermédiaire du coordonnateur‐médiateur rend la tâche moins figée et peut permettre un mouvement pour que chacun s’emploie à accompagner l’élève sur la voie du retour en classe « Cela demande au coordonnateur d’être à l’écoute de chacun, de respecter le droit au secret, de favoriser les relations entre tous les partenaires. C’est aussi gérer l’affectif tout en restant le plus professionnel possible » (Bourdon‐Roy, 2006)10. Qu’il soit coordonnateur SAPAD, SATED ou autres, le médiateur est une personne ressource pour les familles qui ne comprennent pas toujours comment fonctionne l’Ecole, quels sont les enjeux et les crispations. C’est également fondamental que cette personne ressource, expert dans ce type de problématique, puisse être l’interlocuteur privilégié des enseignants et de l’équipe éducative car il favorise le dialogue 10
Bourdon P. Et Roy J. (dir.), Quand l’école va à domicile, Paris, Delagrave, 2006 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 78 entre les partenaires. Plus particulièrement il permet la circulation de l’information et l’écoute entre la famille et les acteurs de l’école. Pour la famille c’est un appui fondamental, une personne de confiance qui doit permettre d’établir un rapport entre la situation bloquée de leur enfant dans le contexte scolaire et ce vers quoi l’Ecole tend dans l’émancipation du citoyen. Il s’agit surtout de permettre à l’élève avec l’appui de la famille de s’engager à nouveau dans des apprentissages et l’acquisition de savoirs en dehors du milieu familial, en milieu scolaire car bien souvent ce n’est pas d’apprendre des choses qui lui pose problème, c’est de continuer d’apprendre avec ses pairs dans une classe. En guise de conclusion Il me semble que la fonction de médiation qu’exerce le coordonnateur ne doit pas être isolée des autres actions partenariales. Ainsi les divers professionnels doivent rester en lien avec les familles chacun dans leur champ d’intervention et de compétences respectives : ‐ Le médecin scolaire doit être un interlocuteur privilégié des familles pour les questions qui touchent aux soins parce qu’il est le seul habilité à interroger ses confrères dans le domaine de la santé (pédopsychiatre, psychologue, infirmière..). ‐ Le chef d’établissement ou le CPE est le seul qui doit se soucier du cadre institutionnel lié à l’obligation de la fréquentation scolaire. Il est à la fois le garant et le repère pour l’élève et sa famille. ‐ Le professeur principal est celui qui s’inscrit du côté du savoir, de l’apprentissage. Il a donc une place privilégiée pour se soucier de la poursuite de la scolarité, de la progression de l’élève, de l’acquisition de connaissances en vue de la continuité du parcours scolaire, de la préparation des examens et de la formation professionnelle de l’élève. C’est également le professeur qui fera le lien avec ses collègues dans ce domaine. Nous le voyons, « accompagner » les familles ne peut se concevoir que dans un partenariat construit avec les divers acteurs de l’institution scolaire dans le cadre de l’élaboration d’un projet commun qui allie soins ‐obligation scolaire ‐ acquisition de savoirs. C’est à ce prix que ces élèves qui nous interpellent dans leur fonctionnement pourront retrouver le chemin d’une scolarité plus sereine, mieux investie malgré les grains de sable qui se glissent parfois à l’adolescence dans des parcours jusqu’alors sans embuches. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 79 Intégration scolaire et lien fraternel : importance fondamentale de l’écoute des enfants Régine Scelles Professeur de Psychopathologie et Membre du Laboratoire Psy­NCA à l’université de Rouen Correspondance adresse Scelles Régine 28, rue Georges Clémenceau 91 400 Orsay Mail [email protected] Le propos de cette communication sera d’abord et avant tout de montrer la nécessité d’écouter l’enfant, l’adolescent handicapé et ses frères et sœurs concernant la manière dont ils vivent les situations d’intégration scolaire. En effet, l’école n’est pas seulement un lieu où s’acquiert un savoir, c’est aussi un outil formidable de socialisation qui met l’enfant et ses frères et sœurs au défi du regard que les « non familiers » portent sur la famille, sur le lien fraternel et sur le handicap. Cette confrontation au regard des personnes extérieures à la famille, à leur manière de parler, de se comporter avec la personne handicapée peut avoir des effets extrêmement positifs, comme cela peut aussi avoir des effets traumatiques, qui se manifesteront à la fois dans la vie intrapsychique et intersubjective des enfants, mais affecteront également leur investissement du savoir, du plaisir et de l’intérêt qu’il suscite. En introduction, nous tenons à rappeler que nous manquons de travaux qui permettraient de mieux comprendre ce que vit l’enfant handicapé lui‐
même, lors des intégrations scolaires. Si les chercheurs, les cliniciens se sont beaucoup intéressés aux parents et aux instituteurs, ils ne se sont que peu penchés sur l’impact de ces situations sur les enfants de la famille. De fait, les enfants handicapés sont souvent pensés comme heureux d’aller à l’école de quartier et les frères et sœurs se gardent bien de trop manifester leur malaise car cette intégration aide manifestement leurs parents à panser une part de leur blessure. Cette communication s’appuie à la fois sur une pratique clinique auprès de jeunes enfants et de leur famille et sur des entretiens de recherche avec des enfants, des adolescents et des adultes. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 80 Depuis 1975, une politique d’intégration scolaire des enfants handicapés s’est développée surtout en maternelle et en primaire. Cette situation amène de plus en plus fréquemment les frères et sœurs à fréquenter le même groupe scolaire que leur pair atteint d’un handicap. Ils doivent alors faire face aux réactions des adultes et de leurs camarades, l’enfant handicapé ne passant jamais inaperçu et ses frères et sœurs ne pouvant cacher leur lien de parenté avec lui. Par ailleurs, de plus en plus fréquemment, l’enfant handicapé n’est plus accueilli à l’école si l’AVS n’est pas là. On imagine la rancœur de l’enfant handicapé qui voit son frère rester à l’école et lui, repartir au mieux chez lui, au pire chez une personne trouvée en catastrophe par des parents paniqués, en colère, qui ne peuvent s’absenter de leur travail. On mesure mal les conséquences d’une telle politique sur les liens fraternels. Les frères et sœurs jouent plus ou moins souplement entre des mouvements d’identifications et de différenciations entre eux ; dans le cas où l’un d’eux est atteint d’un handicap, la souplesse de ces mouvements est très problématique. Chantal, aînée d’une adulte trisomique, dit trois fois au cours de l’entretien, que son frère lui colle à la peau. Laurent, cadet d’un garçon atteint d’une déficience intellectuelle et d’un handicap moteur, dit que le handicap est visible chez son frère et masqué chez lui, il évoque alors la métaphore suivante: J’ai la partie cachée de l’iceberg, et lui, la partie visible. Les sœurs siamoises, l’iceberg, supposent l’existence d’un corps fantasmatique commun. Cette difficulté à définir jusqu’à quel point, on peut et doit se séparer de l’enfant ayant un handicap, peut avoir des conséquences sur la façon dont la fratrie va investir le savoir et utiliser ses capacités intellectuelles et vivre l’intégration scolaire. Une femme de 50 ans explique : Tant que ma sœur handicapée restait à la maison, j'étais certaine qu'elle était différente de moi. Mais quand elle est venue dans la même école que moi, je n'étais plus très sûre de notre différence, et cela m'angoissait, on n'était plus dans des chemins parallèles et c'était insupportable. La honte et la culpabilité à repérer pour soutenir les enfants Hormis le sentiment d’avoir été délaissés par leurs parents, c’est de la honte, d’une part, et de la culpabilité, d’autre part, dont les frères et sœurs parlent le plus. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 81 Si à un niveau théorique, il est heuristique de faire une différence entre culpabilité et honte, dans le discours des frères et sœurs, ces deux sentiments sont souvent associés. Culpabilité : sens et fonction Si la culpabilité est liée à une menace de castration imaginaire et au surmoi, la honte, elle, est liée à une menace de perte d’amour et à l’idéal du moi et affecte le narcissisme des sujets. Lorsque l’enfant fait quelque chose de « mal », il n’a pas tant peur d’être puni que de perdre l’amour et l’estime de ceux qu’il aime. Aussi, adhère‐t‐il aux valeurs familiales, sociales et culturelles de ses proches, pour ne pas risquer d’être rejeté, dévalorisé, au pire désinvesti. Cette observance s’accompagne d’une satisfaction narcissique et d’une augmentation de l’estime de soi. La honte apparaît chaque fois que le comportement est contraire à l’image qu’on aurait voulu donner de soi. Le sujet se sent moins en danger quand il a le sentiment d’avoir failli à son devoir, compte‐tenu de la morale héritée des autres, de sa culture, que de penser qu’il a failli lui‐même et/ou à ce que les autres attendaient de lui. Aussi, est‐il possible que la culpabilité masque le sentiment plus angoissant qu’est la honte ; le recours à la culpabilité peut alors n’être qu’un moyen de se défendre contre un effondrement narcissique. Selon Tisseron (1992) : Plus la détresse est importante, c’est‐à‐dire plus l’effondrement narcissique est grave, et plus le recours à une culpabilité superlative se présente comme alternative. p 27 Aussi, en proie à la crainte d’être pour quelque chose dans la tristesse de leurs parents et dans la survenue du handicap, les enfants n’ont‐ils pas seulement besoin d’être rassurés sur leur non‐responsabilité, encore que ce soit important de le faire, mais de recevoir un soutien narcissique, une aide qui visent à rétablir leur sentiment d’existence et la certitude de leur valeur. Confronté à quelque chose qui le dépasse, qu’il ne comprend pas, qui survient sans qu’il en ait été prévenu, l’individu tente de contrôler ce qui lui arrive, quitte quelquefois à faire en sorte que lui‐même ou un de ses proches s’en sente responsable. En effet, le hasard, le non‐sens sont angoissants, car ils enlèvent à l’individu toute possibilité d’éviter que l’erreur ne se renouvelle et lui font douloureusement ressentir son impuissance à maîtriser et à prévoir ce qui lui arrive. C’est pourquoi, parents et enfants se mettent, le plus AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 82 souvent, implicitement d’accord pour ne pas croire au hasard et ne réfèrent pas nécessairement leur culpabilité à une faute «réelle» commise. Si la culpabilité peut être entendue comme un mécanisme de défense, il est indispensable d’analyser comment les enfants «justifient» ce sentiment. Les frères et sœurs disent, par exemple, ne pas se sentir à la hauteur de la situation, ne pas être certains d’avoir le «droit» d’utiliser et de montrer leur «normalité». En eux, une chose et son contraire cohabitent douloureusement: ƒ ils sont fiers d’être normaux, car les déficiences de la personne handicapée mettent en relief leurs propres compétences, ƒ ils sont culpabilisés de ressentir cette fierté. Ils se révoltent contre les avantages que la personne handicapée retire de sa condition, et se sentent coupables de ressentir de tels sentiments. Selon les périodes de leur vie et le soutien apporté par les tiers, c’est la fierté ou la culpabilité qui dominera. Durant les périodes où la culpabilité domine, les risques de survenue de conduites auto ou hétéro‐agressives sont majeurs. Si ces symptômes ne sont pas référés aux conflits qui en sont à l’origine, l’enfant, l’adolescent ou l’adulte risque fort de ne jamais pouvoir apaiser ce sentiment douloureux qui aura des effets pathogènes sur sa vie familiale et sociale. Faute de pouvoir en parler à quelqu’un, les enfants, qu’ils soient porteurs, ou non, d’un handicap, élaborent des scénarios qui rendent compte de ce qu’ils ont compris de ces « fautes ». Pour cela, ils s’appuient sur des conversations surprises, des regards ou encore des écrits. Parfois, il s’agira d’un médicament pris, d’autres fois, d’une mauvaise action commise... il est impossible de faire ici un inventaire, tant l’imagination des enfants est féconde. Une fois ce scénario construit, si l’enfant ne peut en parler à personne, il continuera à l’alimenter, guettant des indices qui en attestent la pertinence. Cette culpabilité va alors structurer la vie psychique des enfants. La honte est à la rencontre du social, de l’affectif et du corporel et peut mettre le sujet dans une telle souffrance, qu’il se sent dans l’incapacité d’entrevoir la façon dont il lui serait possible de modifier la situation et le déroulement de son cours. Elle peut s’accompagner d’un sentiment de perte de contrôle de soi et de la tentation vaine de cacher cette faiblesse. C’est parce qu’on est aliéné dans le regard de l’autre, que l’on a «honte d’avoir honte», «honte de», «honte pour». AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 83 Les frères et sœurs évoquent des situations où ils ont eu honte de leur frère qui parlait mal et ne comprenait rien, se ridiculisant aux yeux de tous ; ils ont eu honte pour lui, quand son comportement, inadapté à la situation, déclenchait le rire et les moqueries des autres. Enfin, ils avaient honte de ressentir cette honte, vis‐à‐vis d’un membre de la famille. Les enfants s’identifient également à la honte ressentie par les parents : Ma mère a toujours nié avoir honte de mon frère. Pour se le cacher, elle le montrait parfois ostensiblement, il devait être le centre de toutes les réunions de famille. Et pourtant, je l’ai surprise plusieurs fois en train de regarder mon frère avec un drôle d’air. Ils peuvent alors se demander si, eux non plus, ne font pas honte à leurs parents et en viennent à s’interroger sur les défauts qui peuvent entraîner un tel sentiment chez des adultes. L’expression de la honte doit être envisagée comme un signal d’alarme (Tisseron, 1992). En effet, dire sa honte permet au sujet, en parlant de sa souffrance, de prendre du recul, de se dégager ou de dire qu’on souhaiterait le faire. Les voies de dégagement sont alors la colère, la culpabilité, la haine, le désespoir, toutes réactions rencontrées chez les frères et sœurs d’enfant ayant un handicap. Ainsi, la conscience de l’existence, chez soi, d’un sentiment de honte ou mieux, le fait de l’évoquer avec des tiers, peut permettre au sujet de métaboliser psychiquement cet affect. Ceci, par exemple, en transformant sa honte en une culpabilité qui lui ouvre la voie d’une réparation et/ou d’une punition «rédemptrice». Le manque d’estime de soi des enfants, lié à leur culpabilité, peut se manifester par un altruisme qui fonctionne comme une punition que l’enfant s’inflige ou dans une quête de pardon. Ce sentiment existe, évidemment, également chez l’enfant handicapé. Lien fraternel sur la scène sociale Si la façon dont les parents gèrent la confrontation de leur enfant atteint avec les tiers, influence la manière dont leurs enfants se comportent sur la scène sociale, il s’agit bien d’influence et non de déterminisme. En effet, en fonction de leur problématique intrapsychique, chaque enfant transforme les modèles proposés par ses parents. Ceci en étroite dépendance avec la manière dont chacun d’eux est parvenu à reconnaître et à faire reconnaître ce qu’il partage avec l’enfant atteint et ce qui le différencie de lui. Si la séparation entre enfant non‐handicapé et enfant handicapé est claire, alors AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 84 les agressions venues des tiers sont vécues comme touchant uniquement le second et gérées comme telles. Dans le cas contraire, il se sent atteint « comme » son pair handicapé. Les enfants se servent parfois des paroles entendues pour amener leurs parents à mettre fin aux non‐dits. Ainsi, le frère d’une enfant myopathe rentre en pleurant de l’école, parce qu’un de ses copains lui a dit que sa sœur était « gogole », que bientôt elle quitterait l’école pour aller chez les fous et qu’il irait avec elle. La mère a alors parlé à son fils de l’aspect héréditaire du handicap et lui a expliqué pourquoi, en septembre, sa sœur intégrerait un externat spécialisé. Voir dans le regard des autres ce qu’il y a en soi, rassure certains frères et sœurs, qui ont ainsi le sentiment que leur façon d’envisager les relations avec la personne atteinte est « légitime », puisque d’autres pensent et agissent comme eux. A contrario, pour d’autres ou pour les mêmes, à d’autres moments de leur existence, cette image en miroir les sidère. Certains enfants sont rassurés en voyant leurs amis avoir de bonnes relations avec leur pair handicapé, d’autres en souffrent, car cette attitude renforce leur culpabilité de ne pouvoir établir des relations satisfaisantes avec lui. Lire la gêne dans le regard des autres, peut parfois provoquer, chez les frères et sœurs, un véritable traumatisme. C’est comme si, voir dans le regard de l’autre le sentiment que l’on cherche à ignorer, les obligeait à cesser de se mentir : Lorsque j’ai vu la dame du guichet faire une grimace face à mon frère qui bavait, j’ai compris que j’aurais voulu, moi aussi, faire une grimace mais que, parce que c’était mon frère, non seulement je n’avais pas le droit de le faire, mais je devais toute ma vie avoir honte de ma honte. Pour ne pas trop souffrir, lors de ces confrontations, les frères et sœurs peuvent raréfier leurs contacts sociaux, éviter d’inviter leurs copains chez eux et adopter des loisirs solitaires. Parfois, avant que les tiers n’aient fait quoi que ce soit, les frères et sœurs s’attendent à ce qu’ils réagissent de façon inadaptée à la présence de leur pair atteint. En effet, ils craignent, d’une part, que les expériences malheureuses passées ne se renouvellent et, d’autre part, ils projettent sur les autres leur propre malaise. Quand l’individu n’a plus confiance en la capacité des autres à l’aider, il perd toutes possibilités de pouvoir un jour être écouté, consolé, voire AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 85 materné. Le repli sur soi, l’isolement, le refus de communiquer, sont alors souvent les seules issues qui restent au sujet pour moins souffrir. Il y a donc un lien étroit entre la confiance que les frères et sœurs ont en eux‐mêmes, leur capacité à parler du handicap et la façon dont ils se positionnent sur la scène sociale. Plus ils sont malheureux et mal à l’aise, moins ils ont le sentiment que les autres pourront les aider, plus ils se replient sur eux‐
mêmes et plus ils vivent douloureusement les paroles, regards ou attitudes de mépris ou d’agression venant des autres. L’enfant handicapé, comme ses frères et sœurs, se conforme souvent alors à ce que Kaës (1989) évoque comme un «pacte dénégatif» qui les conduit à se taire, à se cacher pour pleurer. Le pacte dénégatif est ce qui lie les membres d’un groupe qui se mettent inconsciemment d’accord pour ne jamais parler, penser, ressentir certaines choses. Cet interdit, qui n’est pas explicitement formulé, est respecté pour éviter que le groupe et sa cohésion protectrice ne soient détruits. Pour y parvenir, il faut que le sujet ne fasse plus émerger à sa conscience les pensées qui pourraient nuire fantasmatiquement à lui‐même, au groupe famille et/ou à certains de ses membres. C’est ainsi que les enfants peuvent dire qu’ils ont « traversé leur enfance comme une ombre » ou encore, qu’on leur a volé leur enfance. Evidemment, selon les époques, en fonction de la survenue de certains événements, ce pacte peut ne plus être aussi rigide et son observance négociée. Un enfant de 10 ans, lors d’une consultation, dit qu’il ne parle jamais à ses copains de son frère handicapé et qu’à part un, aucun d’entre eux ne connaît son existence ; il affirme que c’est également le cas de sa maîtresse et ajoute « Je crois que ce n’est pas bien d’en parler » ; regardant ses parents, il précise « C’est mieux de ne pas en parler ». Enfants, ils évitent d’emmener des copains à la maison, parlent peu ou pas du tout de leur pair déficient à l’extérieur de la famille. Le plus souvent, comme Chantal, frères et sœurs veulent choisir les personnes avec lesquelles ils parlent de leur pair handicapé : Il faut qu’ils soient suffisamment intéressants pour leur parler du handicap. Enfin, c'est comme si c'était un privilège, un petit peu. C'est un privilège de savoir que... une espèce de signe de confiance. A chaque rencontre, Chantal teste ses interlocuteurs et ne leur parle du « handicap » que si elle est certaine qu’ils ne réagiront pas d’une façon qui pourrait la faire souffrir, son expérience lui ayant montré que, lorsqu’elle évoque le handicap de son frère avec des gens non prévenus : « je casse un peu l’ambiance », ce qui embarrasse tout le monde, elle, la première. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 86 Evidemment, ces stratégies protectrices sont brutalement mises en échec quand l’enfant handicapé entre dans l’école de quartier. Les frères et sœurs deviennent alors aux yeux de tous, enfants comme adultes, ceux qui veulent cacher un des membres de leur famille. Comment, sans aide, peuvent‐ils se débrouiller de cette honte que fait naître cette déloyauté familiale rendue publique. Au cas par cas : nécessité d’écouter ce que l’intégration mobilise sur le plan intra‐psychique et intersubjectif chez chacun des enfants de la famille L’enfant handicapé n’est pas indifférent à ce que vivent ses frères et sœurs ; plus souvent qu’on ne le croit, il se sent coupable des difficultés qu’il leur crée. S’il peut, à certains stades de son intégration, se servir de ses frères et sœurs comme de ressources, à d’autres moments, cette tutelle fraternelle peut lui peser et il doit être aidé à signifier à ses pairs son désir de faire évoluer ses relations avec ses frères et sœurs, au sein de l’école. Par ailleurs, il peut apprécier de manière différente, à différents moments de son parcours, d’être le seul enfant de l’école à être handicapé. Laurent, cadet de Loïc, jeune homme Infirme Moteur cérébral, parle avec beaucoup d’émotion d’un instituteur qui lui avait demandé de prendre en charge un enfant atteint de poliomyélite, pensant que l'expérience qu'il avait du « handicap »le rendrait « naturellement » apte à assumer une telle tâche. Laurent a eu le sentiment que, pour son instituteur, il était avant tout « frère d'un enfant handicapé » et que cette situation particulière lui conférait une identité dont il ne parviendrait jamais à se défaire. IL n’a pas ouvertement protesté pour plusieurs raisons: - il a craint, s’il avait refusé, que les autres ne le critiquent et ne se rendent compte du poids que représentait son frère pour lui, - il s’est identifié à l’enfant handicapé en se disant qu’il aurait souffert qu’un de ses camarades refuse de l’aider, - il a identifié son camarade de classe à Loïc en pensant que c’est lui qui aurait pu ne trouver personne pour l’aider spontanément, et qu’il aurait dû alors s’en remettre à un choix effectué par un professeur, cette situation lui rappelant douloureusement la difficulté de Loïc à se faire des amis. Si l’enfant handicapé est objet de moqueries, de regards déplaisants de la part des autres enfants, ses frères et sœurs souffrent de leur impuissance à l’aider à s’intégrer. Ils ragent aussi parfois d’être assimilés à lui et de devenir aussi, objets de moquerie. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 87 Le frère de Delauze11 a fait une partie de sa scolarité dans le même groupe scolaire qu’elle: Ils l'appellent (les enfants de l'école) "bonne nuit". Ca lui va bien, évidemment. Quant à moi, je suis ”la soeur de bonne nuit". Même si, au départ, le surnom s'adresse qu'à mon frère, je le reçois comme une éclaboussure, et je tremble que Jean‐Jacques ne s'aperçoive pas trop de ce qui se passe autour de lui. Il exige que je reste à ses côtés. ”Attention à toi! Si tu ne restes pas avec moi, je le dirai aux parents". (En plus, ils l'ont chargé de me surveiller et de me protéger de l'approche trop pressante des garçons). Mais s'il a cette attitude avec moi, je crois que c'est parce qu'il a perçu qu'on riait autour de nous. Il se sent menacé. Les enfants nous observent. Il est impossible que je puisse me faire des camarades (… ) Je lis dans leurs yeux "toi, tu as l'air d'être comme nous. C'est ton frère ça? Ca ne doit pas être drôle tous les jours avec lui". Je sens que je les supplie de cesser, que je voudrais pouvoir faire partie de leur groupe, mais que je n'ai pas le coeur à laisser tomber mon frère. Elle ne peut prouver aux autres, ou plus simplement leur dire, qu’elle est différente de son frère, qu’elle n’est pas en tout solidaire de lui, parce qu’au fond d’elle‐même, elle n’en est pas persuadée. S’il arrive que les frères et sœurs de l’enfant handicapé soient soulagés et contents quand leur pair, loin d’être objet de rejet, devient objet de protection de la part des adultes et des enfants ‐voire qu’il devienne « la mascotte » des enfants de sa classe‐ il se peut aussi qu’ils souffrent du décalage qui existe entre leur vécu douloureux, leurs difficultés à communiquer, à jouer, à être bien avec leur pair handicapé et la façon dont les autres sont heureux, gratifiés, à l’aise avec lui. Par ailleurs, la joie de ses parents de le voir fréquenter l’école « comme tout le monde » peut rendre difficilement exprimables ses difficultés, voire ses souffrances. Auriane et Tania montrent comment l’intégration scolaire et l’entrée en institution spécialisée d’un pair handicapé peuvent être vécus, et la complexité des variables qui participent à ce processus. Auriane Les parents d’Auriane lui ont toujours dit que sa sœur avait une déficience intellectuelle et que son problème n’était pas seulement qu’elle « faisait des crises » ou qu’elle « marchait mal ». Par conséquent, elle a toujours su qu’elle ne pourrait avoir une scolarité normale. 11
Delauze, C. (1983). Le couloir de la nuit. Ed Hachette, France , p 47‐48. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 88 Sa sœur a été orientée en institution en externat après une longue intégration en école maternelle, car ses parents voulaient que leur fille puisse le plus longtemps possible vivre dans un groupe d’enfants non‐handicapés. Ils sont contents de l’établissement spécialisé choisi et reconnaissent que leur fille s’y épanouit plus qu’à l’école de quartier. Auriane explique : En maternelle, elle était la seule à être comme ça, tandis qu’à l'IMP, elle n’est pas toute seule, ils sont tous comme ça. Et maintenant, ça va nettement mieux. Et puis là bas, ils font des choses qu’elle est capable de faire, ce n’était pas comme à la maternelle où c’était dur pour elle et aussi pour moi. Moi, je ne savais pas quoi faire quand les autres me posaient des questions sur elle, quand je voyais qu’elle était toujours la dernière, qu’elle n’avait pas de copines. Mes parents et la maîtresse disaient qu’il fallait que je m’amuse dans mon coin, que je ne m’occupe pas d’elle. Mais c’est facile à dire, c’était quand même ma soeur, enfin. Je ne pouvais pas, moi, la laisser comme ça, c’est obligé hein. Et même quand j’ai été en primaire et elle est restée en maternelle, je la voyais à travers le grillage et c’était encore pire, car vraiment là, je ne pouvais rien faire. Quand les copines me disaient de venir jouer, même la maîtresse le disait, je ne pouvais pas. Je me sentais obligée de parler à ma soeur à travers le grillage. Les copines, elles en avaient marre, alors elles ne m’appelaient même plus. Surtout que, quand elle est entrée à la maternelle, elle était petite, ça ne se voyait pas de trop, et elle pouvait encore trouver des petits pour jouer. Mais quand elle est devenue grande, les petits, ils avaient peur d’elle et les grands, ils ne s’intéressaient pas à elle et parfois, ils se moquaient d’elle. Et moi, je voyais tout. Auriane était habitée par un désir qui la poussait à aller vers ses copines, et un autre qui l’amenait à ne pouvoir, ni vouloir laisser sa sœur sans surveillance et sans protection. Elle se réjouit d’autant plus de l’orientation de sa sœur, que celle‐ci a obligé ses parents à la changer d’école, pour des raisons de commodité de transports. Ce qui lui a permis de se faire de nouvelles copines qui ne connaissaient pas sa sœur. Elle estime que cette orientation s’est fait pour le bien de sa sœur et elle insiste pour montrer qu’ainsi elles ont pu clairement se différencier l’une de l’autre : ‐ comme elle, sa sœur a des devoirs, mais les siens sont plus difficiles, ‐ comme elle, elle a des copines et des copains, mais ils sont différents des siens. Pour Auriane, le fait que sa sœur fréquente un lieu d’éducation différent du sien est une façon de s’assurer qu’elle est différente d’elle et de rendre AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 89 cette différence manifeste aux yeux de ses parents, à ceux de ses copines, de sa sœur et aux siens. Tania Comme Auriane, Tania évoque le fait que, quand son frère était à l’école, elle se sentait obligée de s’occuper de lui. Mais à la différence de la première, si elle dit en avoir souffert, elle y a aussi trouvé des bénéfices : J’avais l’impression qu’il était plutôt gêné, parce que ses copains me voyaient auprès de lui et il le sentait. Il avait l’impression que ses copains allaient se moquer de lui, parce que moi j’essayais de jouer avec lui, parce que... je restais avec lui. Et j’avais l’impression que mon frère était un peu gêné parce qu’il pensait que ses copains allaient se moquer de lui. A un moment, mon frère a commencé à me dire qu’il n’avait plus besoin de moi. Que j’avais plus à avoir peur. J’ai commencé quand même à avoir un peu peur, alors je m’éloignais, mais je ne m’éloignais pas de trop, je restais quand même autour de lui. Quand j’étais le chat, je disais toujours à mes copines de passer derrière mon frère. Je disais à mes copines, je voulais quand même le regarder un peu tout le temps, parce que j’avais un peu peur. Chercheur : C’est lui qui t’a dit « tu peux t’éloigner » ? Tania : Oui. Chercheur : Et tu étais contente de ça ? Tania : J’étais impressionnée qu’il me le dise. Parce que je croyais qu’il avait besoin de moi et donc, je restais près de lui. Et quand il m’a dit ça, j’ai été étonnée parce que je pensais que si je restais à côté de lui, il allait être content que je reste. Et si je partais, je pensais qu’il allait être triste. Alors, quand il m’a dit ça, ça m’a fait un drôle d’effet. Chercheur : Et est‐ce que tu aurais aimé qu’à ce moment là, un adulte, l’institutrice ou tes parents, te dise « écoute, joue avec tes copines et ne t’occupe pas de ton frère » ? Tania : Non, pas du tout, parce que je pensais que j’étais quand même assez grande pour pouvoir m’occuper des affaires de mon frère et je n’étais pas contente du tout qu’on s’occupe des affaires de mon frère. Si cette sollicitude la prive d’une relation ludique avec les copines de son âge, elle la valorise. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 90 Elle lui permet de rester près des « grands » et de jouer avec des garçons. En effet, au cours de l’entretien, elle dit que, si sa sœur est une « vraie fille », elle, est un « garçon manqué ». Elle aurait voulu être un garçon, elle préfère jouer avec eux, les trouve plus intéressants, plus forts et plus tolérants, « ils font moins d’histoires ». Se sentant délaissée par ses parents, nous pouvons aussi penser que Tania agit vis‐à‐vis de son frère comme elle aimerait que les adultes se comportent envers elle. Elle se sent gratifiée de la mission dont elle s’est elle‐même investie ; elle est fière d’avoir été « tout » pour son frère. Elle a acquis ainsi une bonne image de sœur protectrice et maternante. Ce faisant, elle marque sa supériorité sur Allan, pointe sa déficience et ternit son image aux yeux de ses copains en l’installant dans une position d’enfant fragile qui requiert la protection de sa petite sœur. Il est possible qu’elle évacue ainsi une partie des affects agressifs qu’il suscite chez elle. C’est probablement parce qu’il refuse ce rôle d’enfant handicapé, incapable d’être autonome et de se défendre, que son frère invite sa sœur à s’éloigner de lui. Avant l’entretien, la mère de Tania avait expliqué qu’elle et son mari avaient décidé de mettre leur fils dans un centre spécialisé, parce qu’il ne pouvait plus suivre dans une classe normale, et qu’ils avaient choisi de le mettre en internat partiel, pour avoir plus de temps pour s’occuper de leurs filles. Ils voulaient donc offrir à leur fils une éducation qui tienne compte de ses déficiences intellectuelles et alléger leur famille d’une partie de sa prise en charge. Contrairement à Auriane, Tania n’évoque jamais les troubles cognitifs de son frère et ne fait allusion qu’à ses déficiences motrices et à ses problèmes d’élocution. Elle a beaucoup de mal à parler de la façon dont elle se représente son atteinte. Quelquefois, elle dit avoir compris qu’il était « handicapé » et, à d’autres moments, elle dit : Il n’est pas handicapé, il n’est pas comme les autres handicapés, lui il est plus comme moi. Tania ne se réjouit pas du tout de l’orientation de son frère : Je pense que mon frère, il n’est pas fait pour cette école. Il n’est pas fait pour être avec les autres handicapés. Il est fait pour penser aux autres, plutôt que penser à lui qui soit handicapé. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 91 Elle a visité l’institution : Moi, mon frère m’a fait visiter, j’ai vu à peu près tout. Mais elle est tellement grande que je n’ai pas vraiment vu tout. J’ai trouvé ça vraiment, un peu très bizarre, et je ne comprenais pas comment mon frère arrivait à pas se perdre dedans. C’était comme une espèce d’immeuble, il y avait des centaines et des centaines de pièces dedans et je n’arrivais vraiment pas à m’y repérer. Dès que mon frère n'était pas là, par exemple, il y avait un truc comme ça et que moi j’étais là et que mon frère il avait déjà tourné, j’avais tout de suite peur parce que je ne savais plus où aller. La cour c’était pareil trop grande. Tania perçoit ce lieu comme étrange, ce qui la renvoie au sentiment d’étrangeté du handicap qui a amené son frère à y venir. Elle a peur de s’y perdre, elle y perd son frère qui est plus à l’aise qu’elle dans ce lieu. Elle perçoit une institution « pleine de handicapés », là où Auriane voyait des copains et des copines, avec lesquels sa sœur peut se battre « d’égal à égal ». Il dort à l’école et je ne trouve pas ça pas très normal. Même s’il est plus grand, ce n’est pas une raison pour faire, pour qu’on soit obligé de faire quelque chose qu’on ne veut pas. Parce que mon frère, il avait très peur de dormir à l’école, parce que maintenant il est en sixième. Moi je n’arrive pas à comprendre pourquoi, nous, on est plus petit et on ne dort pas là bas, alors qu’eux ils sont plus grands, ils dorment là bas. Pour Tania, obliger Allan à dormir à l’école est une punition, or, qui dit punition, dit faute et/ou plainte des victimes. Pour Tania, la faute n’en est pas une, puisque son frère n’a rien fait de mal pour mériter un tel sort. En revanche, sans que ses parents le lui aient dit, elle les soupçonne d’avoir pris cette décision, parce qu’ils se rendaient compte qu’ils n’avaient pas assez de temps pour s’occuper de leurs deux filles. Ce qui la conduit à s’en vouloir de n’avoir pas mieux caché sa détresse. Comme pour chasser de son esprit cette idée, elle explique : Quand on est plus grand, on sait plus de choses, donc on peut dormir à l’école. Tandis que, quand on est petit, si on ne sait pas se mettre en pyjama, si on sait pas se brosser les dents, si on sait pas se coiffer, ce n’est pas très pratique pour aller dormir à l’école. Parce que les institutrices, elles ne peuvent pas habiller tous les élèves, tout le monde quoi. Je me suis dit. Au début, je me suis dit que c’est parce qu’il était handicapé qu’il faisait ça et puis après, j’ai compris que tout le monde le faisait. Chercheur : Tu as compris que, quand on allait en sixième, tout le monde dormait à l’école ? AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 92 Oui c’est ça. Mes parents, ils m’ont dit que, quand ils étaient jeunes, ils dormaient à l’école toute la semaine. Puis, je n'ai pas très bien compris ça, parce que mon frère il dort que le soir du lundi, le soir du mardi, et il revient le mercredi, il part et il revient le vendredi. Tania avançant un argument qui s’annule de lui‐même, pointe son désir : - d’être comme son frère (“ça arrive à tous ceux qui grandissent”), pour ne pas avoir à reconnaître qu’il est handicapé, et - d’être différente de lui pour ne pas avoir à craindre un jour de partager son sort. Trois variables, entre autres, différencient Tania d’Auriane : - les parents de Tania, à la différence de ceux d’Auriane, n’ont jamais clairement évoqué les troubles cognitifs de leur enfant handicapé, - encore au moment de l’entretien, Tania a des difficultés à se différencier de son frère, ce qui est moins vrai pour ce qui concerne Auriane, - Tania, comme Auriane, a souffert de la confrontation entre son frère et les tiers ; comme elle, elle s’est sentie obligée de le protéger, délaissant ses copines et les jeux avec elles, mais elle en a tiré des bénéfices. Elle s’est sentie valorisée ; elle a reculé le moment de reconnaître que son frère était handicapé ; et elle a pu, via une surprotection, asseoir sur lui un certain pouvoir et évacuer ainsi une partie de son agressivité. Ces deux cas montrent la complexité des variables qui entrent en jeu dans la gestion psychique de l’intégration scolaire de l’enfant handicapé et de l’orientation dans un centre spécialisé et pointent que la façon dont l’orientation en institution spécialisée est vécue est fonction de la culpabilité associée à cette orientation. Au début de notre pratique, face au désarroi que nous sentions exister chez les frères et sœurs au moment de l’orientation, nous tentions de les rassurer en pointant tous les avantages de l’établissement. Ensuite, en écoutant ce que nous disaient les enfants à cette occasion, nous avons compris qu’ils avaient besoin de reparler de ce qui les différenciait de l’autre, de la nature et de l’importance des déficiences. Les frères et sœurs voulaient être certains qu’à l’âge où l’enfant atteint est orienté, ils pourraient, eux‐mêmes, continuer à fréquenter leur école de quartier. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 93 Conclusion L’intégration en milieu scolaire ordinaire met à l’épreuve la manière dont, plus ou moins souplement, des frères et sœurs parviennent à jouer souplement entre l’identification/séparation et leurs ressources pour affronter les réactions des enfants et des adultes vis‐à‐vis du handicap. C’est pourquoi, chacun enfant de la famille la vit différemment. Par ailleurs, les enfants vivent l’intégration scolaire en fonction des paroles qui circulent plus ou moins librement en famille sur le handicap, son origine et ses conséquences. Il est plus facile d’exister dans une école comme enfant handicapé ou comme frère et sœur de ce dernier, si on a déjà les mots pour en parler et que le faire, n’est pas vécu comme une manière de rompre avec la loyauté fraternelle, filiale et familiale. Le temps de l’intégration scolaire peut être un temps maturatif pour la fratrie, pour peu que les adultes soient à l’écoute de ce que tous les enfants vivent. La diversité des cheminements des enfants, évoqués dans cette communication, montre à quel point il n’y a pas de recettes valables pour tous, qu’il convient d’étudier, au cas par cas, quand et comment aider les frères et sœurs et l’enfant handicapé à profiter au mieux des intégrations scolaires. Ce sont les adultes qui ont la responsabilité de décider s’il convient, ou non, de mettre dans la même école, dans la même classe, deux membres de fratrie dont l’un est handicapé. Cette décision sera d’autant plus éclairée et aidante pour les enfants que les adultes auront pris le temps et la peine de les laisser s’exprimer sur le sujet. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 94 Bibliographie Beillerot, J. ; Blanchard‐Laville, C. ; Mosconi, N. (1996). Pour une clinique du rapport au savoir. Paris : L’Harmattan. Bertrand, M. (1984). Des fragments d'une réalité disparue : comment faire que le temps passe? Revue Française de psychanalyse, 3, 164‐170. Braconnier, A. (1983). La fratrie de l'enfant handicapé. Sem Hôp, 12, 836‐
837, Paris. Delauze, C. (1983). Le couloir de la nuit. Paris : Hachette. Kaës, R. (1989). Le pacte dénégatif dans les ensembles transsubjectifs. In Missenard et al., Le négatif, figures et modalités. Paris : Dunod. Kaës, R. (1993). Le complexe fraternel. Aspects de sa spécificité, Topique, 51, 5‐42. Kipman, S.‐D. (1981). L’enfant et les sortilèges de la maladie. Fantasmes et réalités de l’enfant malade, des soignants et de sa famille. Ed Stock : Paris. Lacan, J. (1938). Le complexe, facteur concret de la psychologie familiale. In La vie mentale. L'Encyclopédie française, VIII. Ed Larousse : Paris. Petit, C. (1983). Etude des relations de la fratrie avec un enfant déficient mental. Sem Hôp, 12, 850‐854, Paris. Scelles, R. (1995e). Les frères et sœurs : les oubliés de l'intégration scolaire des enfants porteurs d'un handicap. In L'intégration des personnes présentant une déficience intellectuelle. Sous la direction de Ionescu, S. ; Magerotte, G. ; Salbreux, R. Ed techniques Colette Jourdan‐Ionescu, Michèle Déry, Trois rivières : Québec, 229‐235. Scelles, R. (1998). Fratrie et handicap. L’Harmattan : Paris Stoneman, Z et coll. (1984). Research with families of severely handicaped children. Theorical and methodological considerations. In J Blacher (Ed), Severely handicaped young children and their families, New York, Academic Press, 179‐214. Tilmans‐Ostyn, E. ; Meynckens‐Fourez, M. (1999). Les ressources de la fratrie. Eres : Ramonville Saint‐Agne. Tisseron, S. (1992). La honte: psychanalyse d’un lien social. Paris : Dunod. Vaginay, D. (2000). Trisomie 21. Transmission et intégration : pour quelle éthique ? Chronique sociale, Lyon. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 95 Un projet éducatif : comprendre, respecter, écouter l’autre, travailler, imaginer pour vivre ensemble : CR.E.A.T.I.V.E. Emmanuelle Godeau Médecin, anthropologue, service médical du rectorat de Toulouse UMR Inserm U558‐Université Paul Sabatier Le projet : analyser les attitudes des élèves valides pour les transformer et améliorer la qualité de vie des élèves handicapés Pour tout enfant, la réussite de la scolarité a un impact direct sur la qualité de vie et la participation à la vie sociale. Pour des enfants en situation de handicap (handicapés ou atteints de maladies chroniques invalidantes) et scolarisés en milieu ordinaire, la réussite de cette intégration dépend en partie de la qualité de leurs échanges avec les élèves non‐handicapés. Ce domaine a été peu analysé en France. C’est pourquoi, parmi les facteurs associés à la bonne qualité de la scolarisation en milieu ordinaire des enfants et adolescents en situation de handicap, notre équipe de recherche (Inserm U558, Rectorat de Toulouse) a choisi de s’intéresser aux attitudes des autres élèves envers leurs pairs handicapés. La loi du 11 février 2005 réaffirme la volonté de concrétiser la politique d’intégration scolaire relancée dans les années 90, et insiste sur l’importance d’un accompagnement de l’entourage professionnel et social de la personne handicapée. La recherche‐action C.R.E.A.T.I.V.E (Comprendre, Respecter, Ecouter l’Autre : Travailler, Imaginer pour Vivre Ensemble) avait les objectifs suivants: •
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Mieux comprendre les attitudes et représentations associées au handicap en milieu scolaire, Mener une action pilote sur le handicap en cours d’éducation civique auprès d’élèves de cinquième en vue de faire bouger ces attitudes, Développer la participation citoyenne et la solidarité de chacun des élèves des établissements participant au projet, Evaluer cette action dans le but de la généraliser, AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 96 •
A plus long terme, améliorer la qualité de la participation sociale des collégiens handicapés scolarisés en milieu ordinaire. Le dispositif Douze collèges de Haute Garonne ont participé au projet lors de l’année scolaire 2006/07, dont les six du département qui possédaient une Unité pédagogique d’intégration (UPI12) l’année précédente. Ainsi, 62 classes de 5ème et 6 classes d’UPI ont été concernées, soit environ 1500 élèves non‐
handicapés et une cinquantaine d’élèves en situation de handicap. Pour pouvoir évaluer les effets de l’intervention, ces collèges ont été répartis par tirage au sort en deux groupes : un groupe faisant l’objet de l’intervention et l’autre constituant un groupe témoin, chaque groupe comportant des établissements avec UPI. Des données épidémiologiques ont été recueillies en début d’année (donc avant l’intervention) auprès des élèves et des adultes de la communauté éducative par une série d’auto‐questionnaires permettant de mesurer les attitudes des enfants non‐handicapés vis‐à‐vis des enfants handicapés, les facteurs individuels et de contexte (recueillis pour partie auprès des principaux) associés à ces attitudes. Des données qualitatives ont également été recueillies par entretien par des chercheurs en sciences humaines auprès d’enseignants et de personnel de direction d’une part (chercheurs en psycho‐sociologie) et d’élèves scolarisés en UPI d’autre part (chercheurs en psychologie). Enfin, une anthropologue a procédé à des observations de terrain dans deux des établissements avec UPI, centrant son travail sur les relations entre les élèves d’UPI et le reste du collège. L’intervention débutait par une sensibilisation des adultes, et plus particulièrement des enseignants d’histoire et géographie, à l’aide de la projection‐débat du film Tous les enfants sont différents (réalisation Isabelle Millé, les Films du Sud), centré sur la problématique de la scolarisation d’enfants handicapés en milieu ordinaire. Elle consistait ensuite à faire réfléchir et travailler les élèves sur la thématique du handicap, dans le cadre des programmes ‘ordinaires’ d’éducation civique de la classe de cinquième. A cet effet, divers documents avaient été présentés et mis à disposition des enseignants par l’équipe de recherche (film pour les élèves, éléments pour animer le débat, fiches d’activités, documents ressource…). Au delà de ces 12
Il est important de noter que toutes les UPI considérées accueillent des élèves avec handicap intellectuel ou psychique (associé ou non à d’autres types de handicap). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 97 incitations, chaque enseignant a librement intégré ces éléments dans son cours. En fin d’année, tous les élèves ont eu à remplir des questionnaires similaires à ceux de début d’année. En outre, dans les six collèges ayant bénéficié de l’intervention, des questions plus spécifiques sur le projet ont également été posées. Les premiers constats L’analyse des réponses exploitables de 1135 élèves de cinquième en début d’année, montre que plusieurs facteurs sont indépendamment associés au fait d’avoir des attitudes plus favorables envers des pairs en situation de handicap : être une fille, avoir une bonne qualité de vie, avoir un(e) ami(e) qui a un handicap et avoir reçu des informations sur le handicap (par ses parents ou les médias). En revanche, deux facteurs sont liés à des attitudes plus négatives : la présence d’une classe d’UPI dans le collège et, dans une moindre mesure, le fait d’être scolarisé dans un environnement socioéconomique plutôt privilégié13. L’analyse des réponses des 784 élèves dont les questionnaires de début et de fin d’année étaient exploitables montre globalement une amélioration des attitudes avec le temps. En revanche, cette évolution n’est pas significativement plus importante dans le groupe d’intervention que dans le groupe sans intervention. Les observations anthropologiques montrent qu’au‐delà des discours idéalisants des adultes, une certaine ambivalence dans les interactions entre les élèves d’UPI et les autres existe. Il s’agit pour les élèves d’UPI de gagner une reconnaissance sociale auprès de leurs pairs, voire des adultes, ce qui ne va pas de soi. Les entretiens menés par les chercheurs en psychologie auprès des adolescents d’UPI mettent en évidence que la plupart d’entre eux ne sont pas pleinement conscients de leur handicap, estimant juste avoir des difficultés scolaires (justifiant ainsi leur présence en UPI), renvoyant le handicap du côté du physique. Ils donnent à entendre un sentiment de bien‐être, malgré l’ambigüité de leur position, liée à la discordance entre l’image qu’ils ont d’eux (sans handicap) et celle que leur renvoie les autres. 13
Cf. Determinants of students’ attitudes towards peers with disabilities, Vignes C, Godeau E, Sentenac M, Coley N, Navarro F, Grandjean H, Arnaud C, Developmental Medicine & Child Neurology à paraître 2009. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 98 L’analyse des entretiens conduits par les chercheurs en psychosociologie auprès des enseignants montre leurs difficultés à prendre en compte les adolescents en situation de handicap scolarisés dans leurs classes avec une réelle rupture entre les images du handicap moteur (plus facile à intégrer) et du handicap intellectuel ou psychique. Les résultats sur la place des UPI dans les collèges montrent que la présence du handicap à l’école « ne va pas de soi » et repose sur un réel travail de négociation entre les différents acteurs de la communauté éducative. Les pistes de réflexion L’analyse des facteurs associés aux attitudes a permis de mettre en évidence l’influence d’un certain nombre de facteurs sur lesquels peuvent porter des actions éducatives. Elle confirme l’intérêt de continuer à informer, parler et faire réfléchir les élèves sur la thématique du handicap, tout particulièrement dans les établissements qui ont des UPI. C’est en améliorant le ‘vivre ensemble’ que l’on pourra espérer améliorer la qualité de vie de TOUS les élèves, ce qui ne peut passer que par une attitude volontaire de TOUS les adultes des collèges concernant le handicap : il s’agit non seulement d’en parler, mais de bien en parler pour éviter notamment l’installation dans des attitudes et comportements stéréotypiques. Cela pourrait relever de l’implication de l’équipe pédagogique de l’établissement (enseignants d’UPI compris) avec une volonté forte inscrite dans le projet d’établissement. Loin de nous laisser décourager par l’absence d’effet de l’intervention évaluée dans la phase pilote du projet, nous avons pris acte de l’amélioration des attitudes entre le début et la fin de l’année. Plusieurs hypothèses méritent d’être envisagées : simple effet du temps et de l’impact d’une communication croissante sur le thème du handicap dans notre pays, maturation des élèves qui les rend plus citoyens en fin d’année, effet de la sensibilisation au thème du handicap à travers le questionnaire qui aurait poussé les élèves à y réfléchir… Les perspectives Tout au long du projet et en interaction avec son avancement, l’équipe de chercheurs ainsi qu’un groupe d’enseignants ont travaillé avec Isabelle Millé, réalisatrice, pour construire un nouveau film qui puisse servir de support pédagogique adapté aux objectifs de C.R.E.A.T.I.V.E. tout en s’inscrivant dans les programmes d’éducation civique. La parole a été donnée à des adolescents en situation de handicap, que nous voyons dans leur vie de collégiens, qu’ils soient effectivement handicapés (trisomie 21, infirmité motrice cérébrale) ou atteints de pathologiques chroniques graves mais AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 99 invisibles (mucoviscidose, diabète insulinodépendant), dimension qui nous paraissait fondamentale à aborder. Outre des chercheurs et des membres d’associations de personnes handicapées, des élèves de cinquième ont eu à réagir à une première version des films et ceux‐ci ont été amendés en conséquence. Les activités pédagogiques proposées ont été testées par des enseignants, les documents de travail validés. Le kit pédagogique Tous ensemble au collège! est maintenant disponible14. Il permet à tout adulte qui le souhaite d’animer une ou plusieurs séquences autour de la thématique du handicap, en classe ou dans d’autres circonstances (centres de loisirs, associations, clubs…). L’expérience nous a montré que l’intérêt de cet outil va au‐delà des jeunes. Il peut aussi bénéficier à des adultes, par exemple : en formation initiale ou continue d’enseignants, pour préparer une intégration dans un établissement scolaire, pour informer sur une UPI, auprès des membres de la communauté éducative voire des parents, ou plus largement pour sensibiliser à la thématique du handicap. L’académie de Toulouse, forte des premiers résultats de ce projet pilote, a décidé d’aller plus loin, en partenariat avec la MGEN de Midi‐Pyrénées et l’association l’Esperluette15. Après le lancement officiel du DVD‐Rom lors d’une manifestation organisée dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne à Pamiers (Ariège), à l’occasion de laquelle un DVD‐Rom a été remis gracieusement à chaque collège de l’académie, des ‘journées handicap’ vont être organisées dans des collèges avec UPI de la région. Une première partie de la journée sera consacrée aux adultes de la communauté éducative (projection des films, travail sur les représentations à partir d’un diaporama, débat régulé…) puis des séquences seront organisées avec des élèves, menées par des intervenants de l’association l’Esperluette, en lien étroit avec les enseignants notamment d’éducation civique. La participation active de tous les membres de la communauté éducative sera recherchée, et une attention particulière sera apportée aux classes d’UPI. Ainsi le nouveau dispositif vise à palier certaines des insuffisances du premier : outil 14
Auprès des Films du Sud, 13 rue André Mercadier ‐ 31000 Toulouse. Tel : 05 61 63 92 11. Courriel : [email protected] 15 L’Esperluette est une Association loi 1901 fondée par le réseau de recherche sur la santé et handicaps de l’enfant en Haute‐Garonne, dans le but de favoriser les rencontres et de créer des liens entre les familles (et/ou les professionnels) concernés ou sensibilisés à la question du handicap, en leur offrant un espace d'accueil neutre et anonyme. Elle assure en outre des ateliers citoyens pour tous publics jeunes autour de la thématique du handicap et la différence. Contact : l‐[email protected] AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 100 pédagogique mieux adapté, plus grande participation des adultes, implication de la communauté éducative dans son ensemble (au delà des quelques enseignants d’histoire et géographie), meilleure visibilité du projet, meilleure prise en compte des UPI. Enfin, à terme, c’est la qualité de la scolarisation en milieu ordinaire, collective mais aussi individuelle des enfants porteurs de handicap et atteints de maladies chroniques invalidantes donc, plus largement, leur participation sociale et leur qualité de vie qui pourraient être améliorées par l’amendement des attitudes des autres élèves voire des adultes, objet de notre outil pédagogique. Une équipe pluridisciplinaire Le projet CREATIVE a été mené sous la direction scientifique d’Emmanuelle GODEAU, médecin de santé publique et anthropologue (rectorat de Toulouse et INSERM U558), en collaboration avec Hélène GRANDJEAN et Catherine ARNAUD médecins épidémiologistes (INSERM U558), Félix NAVARRO, médecin de santé publique (rectorat de Toulouse) et Pascal BOYRIES, IA‐IPR d’histoire et géographie (actuellement en poste dans l’académie de Dijon). Il a été coordonné par Céline VIGNES, statisticienne et épidémiologiste (INSERM U558). Des chercheurs en anthropologie, psychosociologie et psychologie de la santé ont été associés au projet, ainsi que des membres d’association œuvrant dans le champ du handicap de l’enfant (GIHP Midi‐Pyrénées, T21 Haute Garonne, Esperluette). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 101 Autres communications AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 102 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 103 Déficits d’attention avec ou sans impulsivité et/ou hyperactivité. Syndromes dysexécutifs. Conseils aux enseignants et rééducateurs. Alain Pouhet Médecin de Rééducation Référence : Michèle MAZEAU ‐ Neuropsychologie et troubles des apprentissages – MASSON Les fonctions exécutives concernent la capacité des sujets à planifier, organiser, débuter, mener à bien, adapter ‐si besoin‐puis terminer une action, une tâche… vaste programme !! Ces fonctions sont d’autant plus nécessaires et utiles que la tâche est nouvelle, non routinière. On ne peut aborder la question des fonctions exécutives sans réfléchir à la notion d’ "attention". "Faire attention", "se concentrer" sont des préalables indispensables à cette mise en route contrôlée des individus. L’attention doit se comprendre comme une fonction essentielle pour repérer, appréhender, analyser, comprendre, réagir de façon adaptée à une sollicitation de l’environnement ou venant de l’individu mais surtout comme le pouvoir de se soustraire aux stimuli de l’environnement NON PERTINENTS qui viendrait modifier, gêner, empêcher l’exécution de la tâche projetée. Lorsque l’on conduit une automobile, on réalise toute une série de tâches sans y penser, mais on est capable de focaliser son attention sur un élément jugé potentiellement dangereux ou bien, instantanément, ne plus écouter la radio ou cesser de téléphoner si on traverse un village étroit, avec des travaux en cours… L’enfant présentant des difficultés neuropsychologiques de type dysexécutif n’a pas la possibilité de gérer efficacement, automatiquement et sans effort, les stimuli de l’environnement. Il peut être interpellé, parasité, par tous les stimuli : défaut de filtre, le plus fréquent. Ou bien être indifférent, intéressé par aucun stimulus : excès de filtre. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 104 1. Attention ‐ Fonctions exécutives Les fonctions attentionnelle et exécutives sont des fonctions cérébrales dites de "haut niveau" qui infiltrent et commandent toutes les fonctions cognitives permettant l’accès à la connaissance, aux apprentissages. Sans attention pas d’apprentissage. Les liens entre attention et mémoire sont directs. L’attention Est intimement liée à l’état du sujet (fatigue, maladie, humeur) ainsi qu’à sa motivation. ‐ Les déficits attentionnels sont très fréquents et rarement considérés comme le résultat d’un dysfonctionnement cérébral de nature neurologique. L’attention consiste ‐ à focaliser l’esprit sur une tâche, une consigne, une image, un texte, un énoncé… ‐ à sélectionner les stimuli pertinents pour cela et…inhiber les autres ‐ à lutter contre tout les "distracteurs" venant : o de l’environnement du sujet (téléphone qui sonne, mouche qui vole…) o du sujet lui‐même : distractibilité endogène (association d’idée, diffluence idéique…) L’attention ‐ peut être focalisée sur une tâche et maintenue ‐ peut être "divisée" pour mener à bien 2 ou plusieurs tâches à la fois ‐ peut être brève ou maintenue… ‐ est plus ou moins coûteuse sur le plan cognitif ‐ la capacité attentionnelle a une limite, variable selon les individus ‐ peut être "rappelée à l’ordre" ‐ est très affectée quand la tâche fait intervenir un autre secteur neuropsychologique défaillant : par exemple en cas de dyspraxie visuospatiale (DVS), l’enfant sollicité visuellement dépense une énergie attentionnelle précoce, intense et rapidement épuisante. L’enfant scolarisé victime de déficit attentionnel est en difficulté dans TOUS les secteurs des apprentissages. L’enfant présentant une pathologie neuropsychologique responsable de troubles cognitifs dans d’autres secteurs (DVS) peut PARAÎTRE inattentif, distrait, impulsif quand on sollicite ses fonctions cognitives altérées et être "étonnamment calme" quand on sollicite les fonctions préservées Les difficultés exécutives retentissent : ‐ sur les possibilités de développer des STRATÉGIES. Le syndrome dysexécutif entraîne un trouble du contrôle du déroulement des ‐
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 105 processus mentaux en cours : planification, mise en route, adaptation éventuelle, arrêt. ‐ sur les capacités MNÉSIQUES mémoire immédiate, mémoire à court terme, mémoire de travail, mémoire à long terme. ‐ Dans la vie quotidienne, surtout en cas d’agitation ou d’hyperactivité, la vie de l’enfant (difficile à cadrer, insupportable, qui se met en danger,…) est difficile : multiples rappels à l’ordre, avertissements, interdictions, brimades, punitions, maltraitance, dévalorisation, mauvaise estime de soi… L’enfant est victime de ses symptômes, il est en souffrance L’expression clinique des déficits exécutifs ‐
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est variable, fluctuante nécessite une approche pluridisciplinaire sur une période prolongée ; afin d’établir des recoupements et de déterminer le degré d’inattention… et le retentissement dans les différents lieux de vie de enfant dont l’école. Cependant des signes nets lors d’une première consultation voir de l’interrogatoire des proches (familles, enseignants, auxiliaire de vie scolaire …) doit orienter les bilans dans cette direction. Ces signes sont : ¾ Incapacité à écouter une consigne jusqu’au bout ¾ Parasitage par n’importe quel distracteur ¾ Diffluence verbale, idéique ¾ Persévérations de tout ordre (raisonnement, geste, verbales…) ¾ Difficulté à changer de tâche, à s’adapter à une tâche nouvelle ¾ Gesticulation, tripotage, besoin irrépressible de bouger, se lever, parler… ¾ Impulsivité : réponse AVANT la fin de la consigne, réponse de type « n’importe quoi » avec réponse correcte si l’enfant est recadré sur la consigne. Tous ces phénomène s’amendent, diminuent, disparaissent si on CANALISE l’attention de l’enfant, ce qui le SOULAGE. L’enfant inattentif est VICTIME de ses troubles qu’il subit sans pouvoir les contrôler : il a besoin d’aide et d’étayage constants d'où l'importance de la mise à disposition d’un AUXILIAIRE DE VIE SCOLAIRE Le retentissement scolaire en cas de méconnaissance du trouble amène à une dégradation progressive des apprentissages AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 106 2. Propositions d’aides L’enfant victime de son trouble doit être aidé : 1. Explicitation du trouble : à l’enfant, à ses parents, aux enseignants… 2. Action sur l’environnement : faciliter l’inhibition des stimuli non pertinents. 3. Adaptations rééducatives et pédagogiques 4. Prise en charge psychothérapique et /ou médicamenteuse…. EXPLICITER ƒ
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C’est dédouaner l’enfant et son entourage de toute responsabilité sans culpabiliser personne. Ce n’est pas forcément médicaliser ou ne rien faire ! Cela explique la nécessité : d’un cadre, de repères stables, de conditions favorisantes Le CADRE, les AIDES ƒ
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Séances et prises en charge ritualisées Dans une pièce dépouillée, au calme, sans être dérangé = supprimer TOUS les distracteurs : pas de posters aux murs, peu de matériel sur la table (juste ce qu’il faut), enfant placé loin de la fenêtre ou de la porte d’entrée,… Séances courtes en fonction des possibilités initiales, puis des progrès de l’enfant Matériel simple concret pour faciliter l’attention dirigée de l’enfant Inhiber l’impulsivité si elle existe : – débuter la tâche après la lecture de la consigne – écrire "quand je te donne le crayon", le reposer après chaque séquence… – laisser les mains sur la table – au départ, on peut aider l’enfant par un maintien contenant. Arrêter les persévérations de façon ferme mais bienveillante : cela est apprécié par l’enfant. Pour cela utiliser un "code" bien repéré par l’enfant (geste, parole, regard…).Par la suite l'enfant va réagir positivement dès l’injonction de l’adulte. Donner des consignes simples. Éviter les doubles consignes et les tâches complexes, avec programmation ou succession de tâches, ainsi que les réponses en choix multiples. Donner des indices lors du rappel pour initier les réponses, les restitutions… Décomposer systématiquement en étapes et expliciter la trame logique ou raisonnementale. Si besoin donner quelques repères : couleurs, surlignages… Par exemple, noter les étapes, les stratégies sur un tableau, un AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 107 graphique… avec des couleurs, des repères… mais ces aides ne doivent ni surcharger, ni devenir des distracteurs. ƒ Réaliser avec l’enfant des aides mémoire simplifiés. S’aider des catégorisations, des classements, des suites logiques… ƒ Soutenir les tâches verbales par du matériel visuel simple et dépouillé. Élargir progressivement ces propositions, introduire progressivement : ‐ les doubles consignes ‐ des petits choix ‐ les petits groupes de travail ‐ suppression du matériel facilitateur lors des tâches verbales ‐ introduire les tâches de classements, sériations, tableaux à double entrée ‐ débuter les tâches en alternance. Et toujours : - Valoriser les réussites liées aux aides. - Noter explicitement les progrès (cahier de liaison). - Laisser l’enfant se "défouler" ailleurs qu’en classe, mais il existe aussi des contraintes de "règles de vie" ! - Valider que ces aides sont efficaces et s'assurer qu'elles seront appliquées par l'enseignant dans la classe supérieure. CONCLUSION : Il n’existe pas de rééducation de l’attention mais il existe des moyens ‐ pour inhiber les distracteurs, la diffluence, les persévérations, l’impulsivité… ‐ pour favoriser la « canalisation » de l’attention. Cette prise en charge est gratifiante avec des progrès lents mais sensibles si tout le monde s’y met ! N.B : En cas de trouble neuropsychologique associé, la prise en charge du déficit attentionnel est une priorité, sinon les rééducations des autres "dys" sont alors sans effet. N.B : Un certain nombre d’enfants ont des difficultés exécutives d’un autre ordre. Il ne s’agit plus d’un défaut de filtre des stimulations de l’environnement mais d’un EXCÈS de filtre responsable : ‐ d’un apragmatisme ‐ d’une akinésie ‐ d’une apathie ‐ d’un manque d’intérêt apparent et d’initiative (dans tous les domaines) ‐ d’une réduction +++ de toutes les productions : ‐ langagières ‐ gestuelles... Pour ces enfants là, il faut trouver et s’appuyer sur ce qui les intéresse, les motive, leur permet de se «mettre en route ». AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 108 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 109 Témoignage d’ une maman. Un enfant brisé par l’école… un enfant « sauvé Monique Binda Présidente de la Fédération ANPEIP Association Nationale Pour les Enfants Intellectuellement Précoces 24 ASSOCIATIONS RÉGIONALES Association régie par la loi 1901 Agrément national d’associations éducatives de l’enseignement public BO N° 44 du 1/12/2005 [email protected] www.anpeip.org La fédération ANPEIP dans sa quête de l’accompagnement de la différence de tous les enfants propose ce témoignage : Il reflète bien la difficulté d’une famille à obtenir un diagnostic par un professionnel spécialisé. L’importance de l’expertise des parents qui s’investissent dans les associations, comme l’anpeip est à considérer. Ils ont déjà effectué le « parcours du combattant », leur aide est précieuse pour accompagner les parents non informés. Les difficultés qu’ils ont rencontrées ont nécessité une quête d’informations et une somme de ressources qui leur confère, souvent, une expertise dont il serait dommage de se priver. Leur expérience sur le terrain leur a montré que des enfants précoces en échec scolaire peuvent présenter des troubles associés comme la dyslexie, la dyspraxie, le trouble attentionnel. …Ces troubles sont très difficiles à déceler car ces enfants sont capables de compenser très longtemps. C’est l’échec scolaire, un mal être, ou la souffrance d’un enfant qui peut les mettre sur l'orientation vers un professionnel spécifique. Aujourd’hui voici le témoignage d’un enfant « sauvé ». Il progresse à l’école, il va bien ; sa vie et celles de ses parents sont transformées. Monique BINDA Présidente de la Fédération ANPEIP AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 110 Témoignage d’ une maman C’est l’histoire d’un enfant brisé par les institutions Tout débuta le 1er jour d’école, à l’âge de 2 ans et demi. Théo entre en petite section de l’école maternelle sous contrat. C’est une maîtresse en fin de carrière, apparemment peu patiente et bourrée de cliché, nos « relations » vont vite s’effriter. Un enfant agité qui de plus a pour handicap une maman de 18 ans et demi à l’époque, cela a du jouer dans la balance de l’intolérance. Pourtant, durant les mois précédents, ce même enfant allait plusieurs fois par semaine dans une halte garderie et tout ce passait bien, il jouait, dormait, n’avait pas de problèmes de comportement. Il était tout simplement vif. A l’école, il fut très dissipé, indiscipliné, je n’avais aucune discussion avec sa maîtresse car je ne voyais que dans son regard du mépris et à l’époque je n’ai pas réagi. Des enfants agités, il y en a toujours eu, le mien en était un c’était pour moi une fatalité et je ne trouvais pas cela dramatique. Les deux années suivantes, il eut une nouvelle maîtresse, une femme compréhensive, juste, une main de fer dans un gant de velours. Dès que Théo devenait trop pénible, elle nous convoquait pour discuter et trouver des solutions, elle a réussi à le canaliser, elle disait qu’il avait besoin d’affection pour obéir plutôt que des réprimandes et des punitions. C’était sa méthode. Ces deux années se sont donc plutôt bien passé dans l’ensemble. Mais il a rapidement été catégorisé avec tous les autres enfants spéciaux de l’école, les cas. Puis la dernière année de grande section fut la mise à mort de mon fils. Il eut la directrice pour maîtresse et surtout ces assistants, une assistante attitrée toute la journée, plus une en plus le matin, puis une autre différente l’après midi, plus le remplacent deux jours par semaine et la maîtresse qui s’occupe des enfants en difficultés. Oui ça fait beaucoup de monde, et ça finit de perturber mon fils. Ce fut l’année des psys, des coups de téléphone en pleurs à son pédiatre. Mon fils fut constamment puni, il était historiquement l’enfant le plus insupportable jamais inscrit dans cette école. Il était violent, insolent et n’a absolument rien effectué comme travail scolaire car cette année fut celle du coin où souvent il était consigné la journée entière. Bien sur, quand un tel enfant est dans une classe, il y a automatiquement les autres qui l’accablent, AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 111 quoi qu’il se passait c’était mon fils, toujours mon fils et rien que mon fils. Un jour une assistante m’a avoué, peut être par pitié, qu’un jour un camarade accusait encore Théo, la directrice l’appelle donc pour le punir et se rends compte que ce jour là, il était absent ! Tous les psychiatres rencontrés m’ont dit que cette école était très mauvaise pour les enfants difficiles car rien n’est mis en place pour trouver des solutions, l’enfant doit se débrouiller tout seul, l’école ne doit rien faire et bien sur n’est responsable en rien. La seule solution selon les professionnels était de le changer d’école. J’ai hésité trop longtemps avant de le faire, je n’aurai pas du. Chaque matin je devais traîner mon fils pour le faire entrer dans l’école et à chaque sortie il pleurait pendant tout le trajet du bus. Puis un jour, je ne l’ai plus emmené. Je l’ai gardé jusqu’à son premier jour d’école primaire. Une école publique, j’ai expliqué la situation au directeur et à la maîtresse. J’étais très anxieuse, mon fils était très heureux dans cette école et les débuts se sont bien passés. Mais au bout de quelques temps je fus convoqué par une maîtresse complètement dépassée par un Théo insupportable, dès que son regard ne se portait plus sur lui, Théo était déjà en train d’ennuyer les autres. Avec son père nous avons donc essayé tout type de punition, privé de jouer, douche froide, dormir par terre, fessées, même de l’argent, mais rien y a fait. Le psychologue de l’école déduit donc que je suis une maman trop protectrice et que son père ne s’en occupe pas assez et rien ne le fera changer d’avis. Nous contactons encore un pédopsychiatre avec qui nous réalisons une thérapie familiale sans aucun résultat. Malgré toutes les nouvelles activités avec son papa, le comportement de Théo à l’école est toujours le même, et à la maison un enfant gentil et vif. Il nous conseilla de faire passer des tests d’hyperactivité à Théo. Nous avons donc eu rendez vous à l’hôpital avec le médecin qui a simplement examiner Théo et fit des tests de réflexes sur les genoux, résultat mon fils n’est pas hyperactif mais manque de fessés. L’année du CE1 fut encore plus terrible que celle du CP, Théo devient encore plus violent, sa tristesse se lie sur son visage, il cassa les lunettes d’une petite fille sans raison, il met sa vie et celle des autres en dangers, il ne peut plus jouer avec les autres enfants, il ne peut plus faire d’activité à l’extérieur car il est imprévisible, il ne sortira même plus la trousse de son sac pendant des mois. Un jour où sa maîtresse m’expliqua à quel point mon fils était dangereux et insupportable, je m’effondrai et décida de l’emmener aux AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 112 urgences psychiatriques de l’hôpital. J’y rencontrai une jeune femme sympathique, qui nous écouta et qui ne répondit pas bêtement c’est la faute à sa mère et à son père. Elle discuta seule à seule avec Théo et enfin déclara que le problème de cet enfant tourne autour de l’école. Son comportement est normal à n’importe quelle discussion mais dès que la scolarité apparaît il réagit physiquement, il a un traumatisme important et bien le doute n’existe pas sur la responsabilité de l’école maternelle. Il est enfin suivi sérieusement par des personnes compétentes. Mais son comportement ne s’améliore que légèrement. Il sait qu’il n’est pas responsable, qu’il est une victime d’incompétent, de cliché, d’intolérance. Il décida quand même en fin d’année de CE1 à travailler, il n’est plus violent, il ne mange plus il ne dort plus, Théo est en dépression. Puis cet été, j’explique cette histoire à la Présidente de la fédération ANPEIP où je me présente pour un travail, elle n’est pourtant ni institutrice, ni psychiatre, ni médecin mais elle a écouté et me décide de faire repasser des tests plus complets à Théo. Le neurologue de l’hôpital où elle nous envoie déclara Théo hyperactif, il passa des tests complémentaires et débuta un traitement le 2 septembre 2008, uniquement pour les jours d’école. Un mois de traitement plus tard, mon fils est heureux, il a des amis, il travaille en classe, il n’est absolument pas violent, n’a même pas été puni une seule fois. Je peux même vous avouer qu’il est le chouchou de la maîtresse, une femme sévère mais adorant les enfants et qui a laissé une chance à Théo, qui pourtant a très mauvaises réputations. Il y a quelques mois, le pédiatre de Théo m’avait dit qu’il fallait très tôt orienter mon fils dans une voie manuelle, qu’il n’a malheureusement aucunes chances de réussir une scolarité normale. L’année dernière, le pédopsychiatre avait dit que si Théo n’arriverait pas à intégrer les règles de vie, il aurait de fortes chances que son avenir soit gâché par la drogue ou autres délinquances. Aujourd’hui la vie de mon fils à changé, il a enfin la possibilité de se créer un avenir, de pouvoir apprendre, ne pouvoir s’intégrer, de pouvoir être heureux, il est comme les autres enfants. D.H. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 113 Enfant instable, enfant agité, enfant excité Robert Voyazopoulos Psychologue à l’Éducation nationale, chargé d’enseignement à l’université Paris­V Article publié dans « Enfance & Psy no14 2001/2, p. 26 à 34 Résumé L’enfant agité, instable, excité, hyperactif... suscite depuis quelques années des interrogations et des débats passionnels entre les diverses disciplines qui s’intéressent à cette question de santé publique et d’éducation. Dans cet article, est proposée une revue rapide du sujet, depuis l’approche diagnostique, discutable selon les références aux classifications, jusqu’aux approches théorico‐cliniques de la neuropsychologie à la psychanalyse. Mots‐clés : agitation, enfance, psychopathologie, troubles de l’attention. hyperactivité, instabilité, Hyperactivité, agitation, excitation, instabilité, troubles de l’attention… Motifs de consultation du pédiatre parmi les plus fréquents, mais surtout de consultation du psychologue ou du pédopsychiatre, ce sont des symptômes manifestes mal supportés par l’entourage de l’enfant, du fait de leurs conséquences sur la vie familiale, l’adaptation scolaire et les apprentissages, et des désordres qu’ils entraînent dans la vie de tous les jours. Si ces troubles sont très fréquents, ils sont aussi parmi les plus discutés. D’ailleurs, la part de subjectivité dans leur reconnaissance est particulièrement importante. En effet, ces manifestations ou symptômes forment une entité pathologique problématique qui ne fait pas l’objet d’un consensus minimal chez les spécialistes de la santé mentale. En pratique, les symptômes réunis sous ce terme sont de nature très différente. Il s’agit surtout d’enfants montrant une hyperactivité motrice, une agitation inefficace, une activité décousue et désordonnée. Ces enfants, que l’entourage qualifie volontiers d’« excités », souffrent aussi d’une grande fragilité émotionnelle, d’impulsivité, d’une incapacité à différer un plaisir, d’une apparente indifférence aux sollicitations ou aux consignes. Le défaut de contrôle des activités menées ainsi que le manque d’inhibition dans de nombreuses circonstances de la vie quotidienne sont à l’origine de situations conflictuelles qui font « craquer » les adultes concernés. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 114 L’inattention, encore nommée distraction ou distractibilité, défaut de concentration, manque d’attention, est souvent variable et inconstante. Sur le plan clinique, les enfants sujets aux troubles de l’attention ont une faible capacité à se concentrer, font de nombreuses erreurs d’étourderie, ne peuvent se fixer sur une tâche ou organiser leur activité. Ils semblent ne pas écouter ce qu’on leur dit, ne respectent pas les consignes, perdent ou détériorent leurs objets personnels. Enfin, ils interrompent souvent l’activité, le jeu ou le travail en cours pour prêter attention à des événements secondaires, sans protection par rapport au moindre distracteur. Dans l’hyperactivité, l’activité motrice est exagérée pour l’âge, avec un comportement permanent de « bougeotte ». Ils courent sans arrêt, ont de la difficulté à rester assis, grimpent ou explorent l’espace sans retenue. Remuants et agités à l’école comme à la maison, ils tiennent difficilement en place, font tomber maladroitement les objets. Leurs mouvements paraissent désorganisés, ils agitent leurs mains, leurs bras ou leurs jambes, même à table ou en regardant la télévision, avec une participation corporelle le plus souvent globale. L’impulsivité se traduit sur le plan comportemental et cognitif. L’enfant paraît incapable de contrôler les comportements verbaux ou physiques inadaptés. L’excitation physique générale les rend inaptes à différer les actes, à attendre leur tour, à prendre la parole au moment qui convient. La quête immédiate du plaisir, les impulsions soudainement agies, imprévisibles pour leur entourage, les rendent souvent victimes d’accidents corporels à l’extérieur comme au domicile. Sur le plan cognitif, l’impulsivité fait référence à la difficulté d’évaluer l’ensemble des réponses possibles dans les résolutions de problèmes nécessitant l’analyse simultanée de plusieurs solutions, et à l’incapacité d’inhiber les réponses spontanées fréquemment erronées. Les démarches intellectuelles nécessitant un traitement séquentiel et temporel sont altérées, la mémoire à court terme étant particulièrement fragilisée. Pathologies et troubles associés Ces perturbations sont associées très fréquemment avec des difficultés scolaires et des troubles d’apprentissage (dont on peut penser qu’elles les entraînent), ainsi qu’à des problèmes relationnels. Les enfants instables connaissent pour la plupart un retard scolaire plus ou moins important selon leur âge, conséquence de leur comportement d’inattention et de non‐respect des règles et des consignes scolaires. Les conflits en famille, avec les autres enfants, avec les adultes de leur entourage sont nombreux, entraînant une dégradation du climat relationnel et affectif familial et social. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 115 Des études épidémiologiques américaines (reprises et citées par Desjardins et la plupart des auteurs donnés en bibliographie) ont mis en évidence l’association fréquente avec d’autres manifestations psychopathologiques. Il s’agit des comportements d’opposition, d’intolérance à la frustration, de refus de participation aux activités collectives, familiales ou scolaires. Les comportements agressifs et les transgressions témoignent également de difficultés dans les conduites sociales. Les troubles anxieux et les troubles dépressifs sont associés dans près de la moitié des cas. Diagnostic différentiel et formes limites Dans ces limites mal définies et éminemment subjectives, il est quelquefois difficile de distinguer le trouble « hyperactivité » d’une augmentation développementale de la motricité, nommée parfois turbulence et assez habituelle chez l’enfant tout‐venant. De plus, des comportements d’agitation et d’inattention majeure peuvent être induits par d’autres troubles du développement, et peuvent même constituer la manifestation gênante et visible d’un trouble beaucoup plus global. Le diagnostic différentiel vise donc habituellement à écarter d’emblée toutes les graves pathologies du développement, des états‐limites aux psychoses. Un examen psychologique approfondi permet l’évaluation de l’ensemble des voies de développement et des fonctions psychiques de l’enfant. La question des troubles associés à la symptomatologie de base justifie leur recherche soigneuse dans le domaine de l’examen clinique comme dans celui de l’évaluation complémentaire. La clinique de l’agitation ou de l’excitation chez l’enfant, de l’hyperactivité et des troubles de l’attention est à la croisée des grandes conceptions du développement humain et du fonctionnement cérébral, de la neuropsychologie à la psychanalyse, de la psychologie cognitive à la psychologie clinique, et renvoie aux positions individuelles théoriques et philosophiques sur le normal et le pathologique. Ce sujet est donc un terrain de prédilection pour les affrontements des disciplines et des conceptions ; une approche plurielle pourrait cependant sinon les concilier, du moins en autoriser la complémentarité. L’agitation, l’instabilité, l’hyperkinésie… envisagées comme syndrome posent la question de son homogénéité et de sa cohérence. La définition large et somme toute imprécise, uniquement fondée sur des appréciations et des observations comportementales, lui permet de connaître une extension majeure dans les milieux pédo‐psychiatriques et médico‐psychologiques de la plupart des pays anglo‐saxons et européens, l’arrière‐fond scientifico‐
AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 116 théorique de dysfonction cérébrale minime validant cette « nébuleuse syndromique », ainsi que la désigne Marcelli (1996). Pour le psychologue d’enfant, cela commence souvent ainsi : Le père d’Hugo, 6 ans : « C’est insupportable. Mon fils ne tient pas en place. Il casse beaucoup de choses à la maison, il grimpe partout. Il a même fait tomber le téléviseur la semaine dernière. À l’école, ce n’est pas mieux, et il ne fait pas grand‐chose, il a des problèmes pour apprendre. On le punit, mais ça ne change rien. Je ne pense pas qu’il le fasse exprès. » L’enseignante d’Arthur, 7 ans : «Il m’épuise. Son instabilité est terrible. Il n’est jamais sur sa chaise, toujours debout ou par terre. Il ne suit pas le déroulement des leçons, ni celui des activités parce qu’il bavarde, papillonne. Il a la « bougeotte » en permanence et il ne se fixe sur rien. Il se bat assez souvent avec ses camarades, il n’a d’ailleurs pas vraiment de petit copain. Dans ses affaires, c’est un désordre inouï, il ne retrouve jamais rien. Il n’a pas de problème de compréhension et il apprendrait bien si seulement il écoutait» ! Le médecin pédiatre de Margaux, 7 ans : « Je vous adresse la petite Margaux qui soucie beaucoup ses parents. Je la connais depuis sa naissance et elle a de tout temps montré une excessive irritabilité du caractère. Les troubles du sommeil et du comportement ont toujours été présents, avec cependant une augmentation des manifestations ces derniers temps. Une consultation, il y a deux ans, en service hospitalier spécialisé a écarté le diagnostic éventuel d’une évolution psychopathologique de la personnalité. Elle est actuellement très instable et agressive avec son entourage et les autres enfants de l’école. Elle souhaite qu’on l’aide et elle dit ne pas pouvoir se retenir d’être ainsi. Merci de nous apporter votre regard et votre analyse. » Désordre affectif ou affection neurologique ? La relative similitude des symptômes d’hyperkinésie et d’agitation observés de plus en plus fréquemment chez de nombreux enfants consultants (on ne peut cependant écarter une grande part de subjectivité à ce niveau) avec le syndrome de séquelles comportementales et psychologiques d’enfants victimes de traumatismes crâniens ou atteints d’encéphalites infectieuses a conduit, selon une certaine logique, à poser l’hypothèse d’une lésion cérébrale minime chez les enfants inattentifs et instables. L’hypothèse neuropsychologique d’un dysfonctionnement cérébral minime, considéré comme constitutionnel, propose un modèle particulièrement influent – et peut‐être plus rassurant et plus séduisant auprès du grand public et de certaines structures et équipes de soins –, parmi les modèles explicatifs et étiologiques de l’instabilité et de l’inattention. Elle propose de lier l’instabilité à une perturbation neurophysiologique primaire, AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 117 une hypovigilance cognitive, un niveau d’éveil cortical plus bas que la normale contre quoi le sujet lutterait par une hyperactivité motrice. Les récentes découvertes en imagerie médicale (irm et scanner) montreraient certaines anomalies (bas débit sanguin et métabolisme glucidique réduit dans les aires frontales) qui, cependant, ne sont pas retrouvées chez tous les enfants instables. Les études d’imagerie fonctionnelle et les essais thérapeutiques ont mis en évidence, dans le syndrome hyperactivité avec déficit de l’attention, un dysfonctionnement de la boucle striato‐corticale et, plus particulièrement, entre le striatum et la région préfrontale. Plus récemment, il a été démontré l’implication du cervelet et des relations cérébello‐frontales. Cela rendrait compte d’une part des troubles de l’attention, des déficits des fonctions exécutives, et des troubles moteurs avec défaut du contrôle de la motricité fine. Dernièrement, l’examen par un nouveau procédé d’IRM (relaxométrie T2) d’enfants souffrant de troubles déficitaires de l’attention/hyperactivité évoque des anomalies au niveau du putamen, structure cérébrale impliquée dans la régulation du comportement moteur. La démarche et l’approche neuropsychologiques de l’agitation sont très critiquées par les tenants d’une conception psychanalytique. Ceux‐ci soulignent notamment le risque de dérive chimiothérapique qui en résulte et la réduction considérable de la prise en compte globale des problèmes. Surtout, aucune compréhension psychodynamique n’étant alors envisagée, l’enfant est considéré comme s’il n’était pas un être affectif et social engagé dans des interactions qui jouent à notre avis un rôle essentiel. Les multiples spécificités de l’enfant, à la fois du fait de sa maturation, de sa dépendance à l’environnement, mais aussi du fait de son psychisme en voie de structuration, semblent ignorées, de même que tout abord affectif et relationnel donnant à ces conduites un sens autre que celui d’un simple déficit. Approche psychodynamique La conception psychiatrique et neurocognitiviste entraîne une vision particulière du symptôme. En traitant les données psychopathologiques à l’image des données d’un autre domaine de la médecine, elle met en avant les symptômes, négligeant ainsi la notion d’organisation mentale et la dimension subjective du sujet. La démarche neurocognitive et neuropsychologique « semble n’envisager la caractérisation d’une constellation syndromique que dans la perspective, d’ailleurs le plus souvent AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 118 implicite, d’une étiologie organique », soulignent même sévèrement certains psychanalystes (Flavigny, 1988). L’aspect formel du signe‐symptôme (ici : l’agitation, les troubles de l’attention, l’hyperactivité) est alors privilégié, aux dépens d’une inscription dynamique du trouble dans l’économie psychologique générale de l’enfant. Le cheminement psychanalytique permet au contraire d’approfondir les aspects fondamentaux tels que l’ontogenèse, l’étiologie, la dimension affective, la psychopathologie. Mais les psychanalystes se sont, dans l’ensemble, peu intéressés au problème de l’instabilité motrice de l’enfant en tant que telle, hormis dans un cadre nosologique précis comme celui des psychoses ou des prépsychoses, des dysharmonies évolutives, etc. ; cela s’explique par le fait que les enfants instables sont en général peu sensibles au travail psychothérapeutique. La discontinuité de leur pensée, leur agitation constante, leur manque d’intérêt pour les échanges verbaux et les modes d’expression comme le dessin ne sont pas propices à leur prise en charge thérapeutique dans un cadre psychanalytique habituel. Il faut également savoir que les fondements théoriques psychanalytiques sont différents des fondements théoriques des auteurs des classifications internationales des troubles mentaux, et la difficulté réside dans la cohérence clinique et psychopathologique des modèles : l’instabilité est‐elle un symptôme correspondant à des fonctionnements psychiques divers, une manifestation psychosomatique à un excès de tension interne ou existe‐t‐il une structure psychique spécifique des enfants instables ? La conception psychodynamique, en intégrant le symptôme instabilité dans l’économie globale de la personnalité de l’enfant et les caractéristiques du mode d’interaction parent‐enfant, ouvre d’autres perspectives de compréhension et quelques hypothèses intéressantes. Ainsi R. Diatkine et P. Denis (1985) ont‐ils proposé de considérer l’instabilité comme défense maniaque contre la dépression. Si certains enfants instables ou inattentifs (bien que l’inattention ne soit pas mentionnée comme telle par les auteurs) présentent des épisodes ou des manifestations dépressives, il s’agit de détachements provisoires de l’objet. On pourrait plutôt parler d’une difficulté ou d’une instabilité des investissements liés à l’hyperactivité elle‐même, d’autant que la plupart de ces enfants ne présentent pas de troubles de l’identité ni d’autres formes d’altération à la réalité. La question de la perte d’objet et de son vécu ne paraît pas cliniquement manifeste derrière ce qui serait une défense maniaque. M. Berger (1999) suggère alors qu’il pourrait s’agir d’une difficulté ancienne à entrer en relation avec les premiers objets et propose d’autres références, AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 119 comme le registre de l’archaïque où l’enfant, pris dans une relation paradoxale et complexe avec ses parents, ne parvient plus à distinguer ce qui est mauvais ou bon pour lui, ni ce qui provient de son psychisme ou de l’extérieur. Dans une approche sensiblement différente, J. Bergès (1996) propose de comprendre l’hyperactivité comme symptôme d’une défaillance au niveau des enveloppes corporelles : l’instabilité psychomotrice apparaîtrait comme une « suture » de ce qui vient à manquer au corps. Cela renvoie bien sûr à la qualité des soins corporels donnés par la mère ou son substitut, au « corps à corps » dans sa dimension non incestuelle. Mais les enfants instables échappent tant au regard de la mère que certains en apparaissent désinvestis. Une autre question se pose : peut‐on considérer l’inhibition psychomotrice comme la symptomatologie inverse de l’instabilité ? Non, s’il s’agit d’une perturbation initiale de l’acte, et pas de l’action, ce que paraissent penser la majorité des psychanalystes. L’instabilité comme distorsion du lien précoce mère‐enfant est également envisagée : une perturbation précoce de la relation objectale est mise en évidence avec des mères qui n’auraient pas joué, auprès de ces enfants, leur rôle habituel de « pare‐excitations ». Les tendances dépressives et régressives chez l’enfant seraient masquées par l’agitation, soulignent certains auteurs qui insistent sur la distorsion précoce du lien mère‐enfant, déterminant dans l’apparition du syndrome (Malarrive et Bourgeois, 1976). Quelques facteurs étiologiques déterminants Facteurs génétiques : des études (sur les jumeaux, en particulier) révèlent, sans être particulièrement radicales, quelques corrélations positives qui vont dans le sens de l’hypothèse d’un facteur génétique. Mais, surtout, un taux plus élevé de maladies mentales et de pathologies psychiatriques (dépression majeure, troubles anxieux, toxicomanies, etc.) chez les parents des enfants instables est observé de manière significative par rapport aux groupes contrôles. On trouve 25 % des parents, essentiellement les pères puisque cette affection touche très majoritairement les garçons, ayant manifesté et souffert eux‐mêmes d’hyperactivité dans leur enfance (troubles persistants pour certains). Facteurs socio‐familiaux et éducatifs : un certain nombre de facteurs psychosociaux favorisants (mais qui valent de façon générale pour la pathologie mentale) ont été mis en évidence, tels que désaccord familial important, niveau social inférieur, famille nombreuse, troubles mentaux maternels et/ou paternels, placement familial, etc. (Sources : ANAE (1999), Desjardins (1992), Thomas et Willems (1997). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 120 Plus convaincantes sont les hypothèses formulées par M. Berger (1999), qui propose une classification de l’instabilité en fonction de l’histoire familiale et relationnelle de l’enfant. Ainsi, les instabilités liées à des interactions précoces très défectueuses seraient majoritaires, de même que serait fréquente la dépression maternelle précoce. Les enfants soumis au forçage éducatif, ou à une inadéquation du cadre éducatif, seraient fortement représentés dans le groupe clinique étudié. Enfin, les mères instables ou nerveuses, exprimant un maternage discontinu, dont les échanges avec leurs enfants sont marqués par la nervosité et l’agitation, forment un groupe significatif. Ces facteurs renvoient, bien entendu, à des références théorico‐
cliniques du champ de la psychanalyse présentés plus haut. Du côté de l’excitation… L’hypothèse d’un fonctionnement opératoire est également avancée par les psychosomaticiens : l’instabilité serait l’expression psychosomatique d’enfants qui ont une pensée opératoire avec peu d’affects apparents et une carence importante de leur capacité de fantasmer. L’enfant sujet à un état de tension interne ne pourrait l’exprimer qu’en s’agitant (décharge d’excitations non psychisées par le corps). Dans le but de réduire l’excitation interne (majorée ou liée à un traumatisme psychique, une carence affective, un défaut du système pare‐excitations, etc.), un mode particulier de fonctionnement – où prédomine une répétition issue de la pulsion de mort – se substituerait à un état de faillite des défenses psychiques habituelles. Mais il faut bien se garder de réduire l’expression somatique à une symptomatologie « réactionnelle ». L’enfant troublé dans son développement (expression psychosomatique) est souvent sans autre voie régulatrice de décharge. L’appareil psychique, qui contient et englobe l’appareil cognitif, est chargé de filtrer les excitations en excès, de l’en préserver et ainsi de faciliter son fonctionnement. On peut faire l’hypothèse qu’une difficulté dans la transformation psychique des excitations serait à l’origine de l’hyperactivité. La théorie et la clinique psychosomatiques considèrent également que certains comportements, comme l’agitation motrice incessante, auraient pour but de ramener le calme à travers la recherche répétitrice de l’excitation. L’enfant dont la mère est instable ou « nerveuse » mettrait en place un procédé autocalmant (pour certains jusqu’à l’épuisement, comme des sportifs dénommés « galériens volontaires » peuvent le faire dans des entraînements intensifs), lorsqu’il est confronté à l’échec de la fonction maternelle à atténuer son angoisse, à percevoir son état de détresse et son besoin d’être apaisé. Le registre perceptif et moteur jouerait alors chez l’enfant un rôle de substitut à l’activité de liaison des représentations, AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 121 absente de l’appareil psychique. L’auto‐érotisme compulsif serait calmant, parce qu’il procurerait une décharge (mais pas une satisfaction). Dessin de Laure, 9 ans. Ces « Deux tornades noires qui montent du désert » condensent la turbulence interne et les angoisses dépressives révélés par la psychothérapie de cette fillette de 10 ans considérée comme instable. En référence à A. Green, on peut tenter de préciser la différence entre pulsion et excitation. Différemment de la pulsion, l’excitation n’a ni histoire, ni projet, ni mémoire, ni représentation : « Elle part du corps et va au corps », sans élaboration psychique. En ce sens, la décharge d’excitation, à travers les procédés autocalmants et auto‐érotiques, n’est pas une réduction des qualités d’excitabilité des éléments psychiques. Il s’agirait, pour certains enfants instables, à travers des conduites motrices extrêmes, de favoriser le désengagement psychique de la relation à la mère et de tenter de se passer des représentations maternelles. Les propositions précédentes renvoient malgré tout à la question du débordement pulsionnel. L’agitation interne manifestée par l’enfant instable et inattentif serait un échec de sa recherche d’un objet extérieur apaisant. L’objet premier, la mère en l’occurrence, ferait plutôt fonction d’objet excitant ou angoissant pour celui‐ci, et l’agitation externe ferait office de pare‐excitation. L’observation clinique de l’instabilité infantile témoigne bien de la quête de l’objet inaccessible, de celle des limites physiques et corporelles. L’enveloppe d’excitation serait alors un substitut bien coûteux à la non‐constitution d’un Moi‐peau. Les éventuels états de tension interne, de surcharge fantasmatique, l’échec des processus de pensée et de certains mécanismes de défense peuvent marquer la défaillance de l’enfant à gérer les domaines de l’imaginaire et de la réalité, ainsi que son rapport aux autres. L’agitation et l’excitation témoigneraient alors d’une défense contre le débordement pulsionnel. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 122 Hyperactivité, agitation, troubles de l’attention : symptôme ou syndrome L’existence de ce trouble paraît ne faire aucun doute. D’ailleurs, de la neuropsychologie à la psychanalyse, on s’accorde à reconnaître l’existence d’éléments communs à cette « nébuleuse syndromique ». Le débat bloque surtout sur les difficultés d’une vision intégrative et multifactorielle du trouble. La confrontation polémique qui sera inévitablement dépassée laissera la place prochainement à une approche sereine et constructive, visant à aboutir à une meilleure compréhension de l’agitation et de l’hyperactivité. Le dialogue paraît aujourd’hui nécessaire, loin du terrorisme intellectuel de l’une ou de l’autre des disciplines qui s’intéresse à cette question et modélise dans l’isolement, et parfois à outrance, ses démarches et ses méthodes. Une véritable intégration des perspectives reste à engager, et l’hyperactivité pourrait bien être ce point de rencontre. Les enfants agités ou « excités » et leurs familles seront alors les bénéficiaires des prises en charge thérapeutiques nouvelles qui en seront issues. Bibliographie ∙ ANAE. 1999. « Approche neuropsychologique des apprentissages chez l’enfant », L’Enfant avec hyperactivité et déficits associés. Syndrome thada, n° 53‐54. ∙ Berger, M. 1999. L’Enfant instable, Paris, Dunod. ∙ Bergès, J. 1996. « Les troubles psychomoteurs chez l’enfant », dans Diatkine, R. ; Lebovici, S. ; Soulé, M. Nouveau Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, vol. IV, Paris, puf. ∙ Corraze, J. ; Albaret, J.M. 1996. L’Enfant agité et distrait, Paris, Expansion scientifique française. ∙ Desjardins, C. 1992. Ces Enfants qui bougent trop. Le déficit d’attention‐
hyperactivité chez l’enfant, Montréal, Québecor. ∙ Diatkine, R. ; Denis, P. 1985. « L’agitation », dans Lebovici, S. ; Diatkine, R. ; Soulé, M. Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Paris, puf. ∙ dsm‐IV. 1996. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 4e édition, The American psychiatric Association Washington, DC. Paris, Masson. ∙ Dugas, M.; Albert, E. ; Halfon, O. ; Nedey‐Sayag, M.C. 1987. L’Hyperactivité chez l’enfant, Paris, puf, collection « Nodules ». ∙ Flavigny, Ch. 1988. « Psychodynamique de l’instabilité infantile », Psychiatrie de l’enfant, 2, p. 445‐473. ∙ Malarrive, J. ; Bourgeois, M. 1976. « L’enfant hyperkinétique. Aspects psychopathologiques », Annales médico‐psychologiques, 1, 1, p. 107‐119. ∙ Marcelli, D. 1996. Enfance et psychopathologie (5e éd.), Paris, Masson. ∙ Thomas, J. ; Willems, G. 1997. Troubles de l’attention, impulsivité et hyperactivité chez l’enfant. Approche neurocognitive, Paris, Masson, collection « Médecine et psychothérapie ». AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 123 L’école : le lieu de cristallisation de difficultés comportementales Sylvie Canat Formatrice à l’IRTS LR Montpellier Responsable du CAPA SH option D, chargée d’enseignement en Sciences de l’éducation et psychanalyse Université Montpellier 3. Paru dans Recherches & éducations, n°11 | 2006, mis en ligne le 15 octobre 2008. URL : http://rechercheseducations.revues.org/index396.html. Intégrer, inclure, accueillir les situations de handicap, repérer les besoins spécifiques, mettre en relief les compétences particulières, construire des projets individuels d’intégration, construire davantage de partenariats entre l’éducation spéciale et l’école ordinaire, changer les mentalités… Les acteurs du pédagogique et de l’éducatif se mobilisent encore plus ou autrement autour de ces questions mais force est de constater l’ampleur et la complexité de la tâche. Les enfants ayant des troubles du comportement et du caractère demandent une attention très particulière car ce type de présence au monde et à l’autre déstabilise peut‐être encore plus les professionnels que tout autre type de handicap. C’est pourquoi je limiterai mon propos à un questionnement centré sur l’accueil et l’accompagnement pédagogique des enfants ayant des troubles du comportement et du caractère ne relevant ni d’une structure psychotique ni d’une déficience. Selon la classification internationale du fonctionnement (CIF), ils sont en situation de handicap quant à leur participation à la vie scolaire qui reflète une difficulté à rentrer dans la vie sociale. Lorsqu’un enfant est atteint de troubles autistiques, psychotiques, liés à une trisomie 21 ou à une déficience sensorielle, l’enseignant est peut‐être moins tenté de « corriger » les expressions de sa pathologie. La plupart du temps, il se sent démuni, tenu à l’écart ou bien fasciné par ce type de fonctionnement radicalement différent du sien. Il se tient prêt si on lui fournit les moyens et les méthodes de remédiation cognitive à accueillir, à maintenir sa scolarité en milieu ordinaire. Par contre, c’est beaucoup plus complexe pour des enfants troublés car l’enseignant ne fait pas l’hypothèse qu’il est porté par un autre mode de fonctionnement que celui qu’il connaît. Il suppose qu’il a simplement à renforcer le cadre institutionnel, les interdits, AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 124 les sanctions et les exclusions. Au regard des pratiques en Institut de Rééducation, la sanction, la punition, la correction ne portent que très peu leurs fruits d’un point de vue rééducatif et pédagogique. •
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Pourquoi est‐ce si difficile voire perturbant et douloureux pour un enseignant d’accueillir un enfant pour qui l’école est le lieu de cristallisation de difficultés comportementales ? Quelles lectures institutionnelle et subjective du trouble scolaire et psychique peuvent aider l’enseignant à comprendre et à installer une autre pratique ? Quels besoins scolaires spécifiques et quelle attention particulière requièrent les enfants ayant des troubles du comportement et du caractère ? Les troubles du comportement et du caractère : une subjectivité inattendue a l’école Ne pas minimiser la psychopathologie sous‐jacente aux troubles du comportement et du désir d’apprendre et ne pas minimiser les effets destructeurs de celle‐ci sur « le corps‐enseignant » Je m’attacherai à comprendre ce qui anime le trouble d’un point de vue psychopathologique et situationnel afin de construire en réponse, un environnement scolaire susceptible de ne pas démultiplier les crises et le rejet des apprentissages et de la culture en général. Comprendre la psychopathologie du trouble du comportement et du caractère ne doit pas rabattre l’échec scolaire sur la famille dite malveillante ou carencée. Comprendre n’est pas expliquer et trouver la cause au trouble mais c’est plutôt repérer l’architecture de la personnalité qui n’abrite pas l’élève contre le trouble psychique et l’échec scolaire. Apprendre, c’est bien sûr la résultante d’une situation et d’un environnement scolaire favorable à cela mais c’est aussi lié au désir de comprendre, de savoir, de dire et de jouer avec le langage. Si ce désir est uniquement au service du corps, des sensations et de l’hyperactivité, il ne pourra alors investir la classe et le jeu scolaire à l’œuvre. L’institution scolaire et la loi qu’elle véhicule représentent une menace car elles demandent à tout individu, au‐delà de l’élève de renoncer a minima à l’épanchement de sa subjectivité (par le processus du refoulement : tenir à l’écart ses pulsions et ses désirs archaïques pour les mettre au service de la pulsion épistémique). L’élève doit offrir à l’école une part conjugable et aliénable à l’institution. Lorsque cette part d’aliénation possible à la demande scolaire est absente ou au service de troubles psychiques alors apprendre devient une menace. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 125 Pour pouvoir apprendre et être scolarisé il faut entretenir un rapport de confiance au langage, à l’autre, à son propre corps, à l’espace, au temps, aux représentants du cadre, à la demande scolaire, à la loi… Si un de ces rapports insécurise l’enfant, toute son attention se focalisera sur cette insécurité ou ce chaos interne et du coup, elle ne pourra être mobilisée pour les apprentissages scolaires. Les échecs scolaires des enfants ayant des troubles du comportement et du caractère révèlent des échecs psychiques beaucoup plus handicapants pour la vie scolaire que ce que la banalité des signes et des symptômes émergeant sur la scène scolaire laisse supposer. ‐ Même si, au regard des changements culturels actuels, nous ne voulons plus épingler et stigmatiser l’enfant à sa psychopathologie, nous ne devons pas, pour autant, nier ses effets sur l’école et le corps‐enseignant. Leurs échecs scolaires couplés à nos échecs pédagogiques mettent en avant une construction psychologique très instable, très chaotique, très conflictuelle, très pulsionnelle qui se déconstruit très facilement au contact de l’autre, de ses attentes, de sa présence ou tout simplement de son regard. Leur système de défense psychique est défaillant car il est focalisé sur ce que l’on appelle dans le champ analytique « l’originaire » dit plus simplement « les fondations de leur demeure et de leur rapport au langage ». Ces enfants montrent une psychopathologie qui affecte principalement : ‐ les liens (le rapport à l’autre différent de soi) ‐les passages (passage d’une activité à une autre) ‐ les changements (regard, attitude ou ambiance différents) ‐ la socialisation (le rapport à la communauté, à l’institution et à la loi). L’enfant profondément et régulièrement troublé dans sa vie psychique se libère a minima et ce d’une façon éphémère des effets de ce trouble en le déversant sur l’environnement physique ou humain : passage à l’acte, hyper‐
réactivité, sidération de la pensée, rupture des liens, conflits, replis de type autistique, somatisations diverses, tentatives ou menaces de suicide, fugues, répétition d’échecs, crises… Ce sont des modalités archaïques de défense qui ne sont toutefois pas psychotiques. Il se défend avec les moyens du bord contre la présence menaçante de l’autre et du cadre mais ceux‐ci ont au moins le privilège d’exister. Il n’a pas refusé massivement et radicalement la réalité, c’est la conjugaison avec celle‐ci qui fait souffrance. Le tissage du lien, pour eux, se fait avec des ciseaux : ce sont des lambeaux de lien. L’enseignant profondément troublé dans sa vie d’enseignant peut se défendre par des attitudes très rigides et autoritaires mais sa propre vie psychique ne sera que très peu protégée. Il se sentira menacé par la crise aiguë du comportement au sein de sa classe. Et au final, le seul traitement AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 126 possible sera l’exclusion. Car celle‐ci permet à l’enseignant de poser une limite. Trouver la limite étant la problématique majeure des élèves ayant des troubles du comportement, c’est‐à‐dire pouvoir : ‐ Contenir leurs affects (amour, passion, haine, colère, déception, dépression..), ‐ Contenir leurs pensées, ‐ Limiter l’impact de la demande de l’autre (ne serait‐ce qu’une consigne scolaire), ‐ Limiter les effets de la présence de l’autre (l’autre est intrusif) : le regard de l’autre, la pensée de l’autre, les affects et les émotions de l’autre… ‐ Se contenir dans l’espace, à sa table, sa chaise… ‐ Se contenir dans un cadre donné… En résumé, la psychopathologie de l’élève troublé et troublant met en avant des modalités de défense d’une profonde inquiétude humaine qui se traduit par : ‐ De l’agir et beaucoup de passages à l’acte ou d’hyper‐réactivité, ‐ Des temporalités très éphémères (pris par l’urgence de la pulsion), ‐ Des processus de défense très instables de type borderline ou sujet‐
limite, ‐ De la rigidité comportementale, ‐ De la violence très originaire et peu refoulable (projetée sur l’autre ou son propre corps tentative de suicide), ‐ Des relations très addictives ou abandonniques (toute puissance de l’autre), ‐ De la double contrainte : avoir besoin de l’autre (de par une grande insécurité intérieure) en qui il ne peut avoir confiance, ressentir d’une façon démesurée la mort (suis‐je vivant ou mort?), Beaucoup de fatigue et d’usure au contact de l’autre (une petite était obligée de se boucher les oreilles avec du papier), Beaucoup de perméabilité à l’environnement. Ces modalités défensives troublent profondément le lien enseignant‐
enseigné et l’articulation au travail car elles mettent en avant une extériorisation et une mise en circulation du trouble. Comment l’accueillir, comment ne pas basculer dans la violence et l’exclusion ? Quels besoins spécifiques et quelle attention requièrent les enfants ayant des troubles du comportement et du caractère ? Prendre soin du lien enseignant‐enseigné, écouter, analyser les impressions et les discours que l’on fabrique à partir du symptôme de l’autre et non à partir de ce qu’il est, sortir de la logique du passage à l’acte comme issue fatale. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 127 Pour analyser la pratique et les obstacles aux liens enseignant‐enseigné, élève‐savoir et élève‐institution, un outil clinique semble intéressant : prendre en compte les impressions, les perceptions et les affects qui envahissent la scène scolaire à la place du travail. L’enseignant, dans le cadre de groupe d’analyse des pratiques pourrait éclaircir la disposition préconsciente qu’il a vis‐à‐vis de cet autre troublant sa classe. Analyser ces éléments (du contre‐transfert) peut aider à déverrouiller une situation‐limite qui pourrait engendrer de la rupture scolaire. L’enseignant doit sortir d’une logique pédagogique basée sur le réactionnel et le passage à l’acte (sanction, exclusion…). Pour la prise en charge de cette psychopathologie au sein de l’école, il serait intéressant de ne pas avoir uniquement recours à des techniques de remédiation cognitive car ce qui est en jeu dans ces échecs scolaires, ce ne sont pas que des mécanismes cognitifs inadaptés ; ce sont aussi des constructions inconscientes de type borderline sur un versant névrotique instable. Ces déconstructions abîment la classe, le lien à l’école et le rapport au savoir. Face au chaos des élèves, aux crises permanentes, aux rejets, aux passages à l’acte, aux somatisations diverses, aux répétitions à l’infini, à l’absence de communauté‐classe, et aux échecs institutionnels, il est nécessaire de construire des espaces de parole pour les enseignants et pour les élèves afin d’analyser d’une part, le lien contre‐transférentiel enseignant‐
enseigné et d’autre part, les lambeaux de lien des élèves. Par contre‐transfert, est entendu tout ce qui, de la personnalité et des processus inconscients du pédagogue, peut intervenir dans le lien. Face aux troubles, aux violences, aux crises, l’enseignant est envahi par une foule de sentiments, d’affects et d’impressions. Ils agissent et interfèrent dans et sur le lien pédagogique. Le regard que l’on porte sur l’autre et son rapport à l’école oriente ou renforce son positionnement dans la classe et la culture. Chaque jour, un travail d’accueil et d’acceptation devrait se faire afin d’élargir les limites de l’irrecevable ou de l’impossible. Si les crises ou les colères des élèves engendrent, par le biais d’une identification à l’agresseur, de la colère ou du rejet, rien ne peut être offert en retour sinon de la crainte ou de l’exclusion. La rencontre se fait là, au cœur de ces formes étranges qui débordent de la subjectivité des élèves. Il faut alors trier, ordonner, restituer autrement et surtout ne pas s’abandonner à la panique même si les systèmes de défense (de l’enseignant) sont très secoués et mis à l’épreuve. La protection psychique est parfois dénudée par un trop de tension qui circule au sein des classes troublées. Cette notion de contre‐transfert est fondamentale, elle est le moyen le plus « économique » et le plus « fiable » dont dispose le personnel éducatif ou pédagogique qui a à faire aux échecs scolaires « enkystés ». Bien souvent ces sentiments partiellement conscients à l’égard des élèves en détresse, sont, si nous y prêtons une attention particulière, d’une grande aide pour AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 128 dénouer des comportements déstructurants. Ils permettent de désamorcer une répétition éventuelle de « malentendus » ou de « passages à l’acte ». Par exemple, dans le cadre de ma classe, un élève habité par des terreurs, des angoisses de mort aurait pu effectivement insuffler en moi, une fin de non‐recevoir. Cédant ainsi à sa demande inconsciente, j’aurais amorcé sa répétition d’échecs. Et, j’aurais ainsi bloqué tout travail « différenciant », c’est‐à‐dire, secrétant de la différence au cœur de cette répétition mortifère. En « réécrivant » consciemment, les effets supposés de ces paniques en moi en vue d’autres (effets), ses propres crises se redessinèrent selon l’esquisse donnée par le contre‐transfert ; un « chiasme pédagogique et thérapeutique » pouvant ainsi, s’opérer : « Dire oui à son espace tumultueux ‐ crises, colères, casse… ‐ tout en sachant que je ne m’identifierai pas à ces signes chaotiques, que je ne quitterai pas mon identité et mon espace pédagogique ». Cet élève dit alors oui à la nature de cette présence, du coup en discontinuité par rapport à la sienne, tout en sachant qu’il n’y perdrait pas pour autant son être et son espace intime. Une telle confusion règne entre le « dedans » et le « dehors », un travail de « prémâchage » des sentiments et de la réalité découpée par l’élève est à faire. Au fond, leur perméabilité à l’environnement laisse entrevoir des pistes pédagogiques pour reconstruire avec eux, leur être au travail : passer par l’environnement pour ré‐insuffler de la cohérence, de la sécurité et de la limite. Tant que l’enseignement ne prendra pas en considération la dimension inconsciente, non seulement des élèves mais des enseignants, la ré‐
articulation à la communauté, à la loi, au savoir‐vivre et à la culture sera en échec. C’est pourquoi une prise en compte des impensés ou des pensées systématiques devrait être une priorité dans le cadre de l’enseignement destiné aux enfants déstructurés ou structurés sur un mode névrotique instable, convoquant des signes liés à « l’originaire » (répétitions mortifères, terreurs, retournements de situation, variation d’affects…). Si aucun temps d’analyse des pratiques n’est proposé au corps enseignant alors comment gérer toute cette affectivité qui circule et qui entoure le rapport aux apprentissages et le lien enseignant‐enseignés ? L’enseignant n’est pas uniquement enseignant. S’il colle à sa fonction, il ne pourra fabriquer cette « doublure » nécessaire qui abritera les élèves d’une répétition d’échecs. Plutôt que de penser qu’il faille transformer les passages à l’acte des élèves, il serait plus fécond de commencer par transformer les nôtres…en fournissant un réel travail clinique du lien pédagogique et des besoins particuliers. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 129 Changer les formations des enseignants en formation initiale ne pas attendre de passer le CAPA SH Formation initiale sur le trouble du comportement et du caractère Adapter les évaluations et analyser les obstacles pédagogiques Il me semble que pour des enfants très écorchés dont le système de pensée est mis en abîme par un surplus d’informations sensorielles annihilant, répéter les apprentissages et les méthodes de l’enseignement ordinaire n’aboutira à rien. Ce ne sera que du conditionnement ou du plaquage de connaissances. L’enseignement doit être repensé en termes de réponses adaptées à des besoins particuliers et non pas en termes de pratiques standardisées, d’où qu’elles viennent. Cette nouvelle donnée fait appel à d’autres savoirs et d’autres méthodes délivrées en formation des professeurs. Il serait logique, non pas d’envisager une formation en deux temps (formation des professeurs des écoles et formation de type capa sh), mais plutôt une formation, à la fois en tronc commun sur les techniques d’apprentissage et en spécialisation par rapport à la spécificité de la population avec laquelle l’enseignant sera amené à travailler. Ainsi, la capacité à construire des réponses adaptées serait‐elle intégrée à l’enseignement ordinaire. D’autre part, ce personnel serait beaucoup plus mobilisé pour le trouble et les échecs scolaires liés à celui‐ci, cela ne relèverait pas uniquement de l’engagement militant vis à vis de cet autre en difficulté. Il y aurait, sans doute, des retombées positives sur les manières d’enseigner. Ils seraient moins tentés, d’une part, de plaquer les programmes ordinaires et d’autre part, de garder les mêmes exigences pédagogiques en passant à coté du projet psychopédagogique. Les formations ne seraient pas disjointes, ni complètement confondues. Un dialogue pourrait ainsi s’instaurer au sein des instituts de formation de l’éducation nationale, de l’éducation spécialisée et des universités. Une refonte des contenus pourrait être envisagée, dans le cadre d’un programme de recherche porté par une équipe d’enseignants, de praticiens de l’éducation spécialisée (les acteurs de SESSAD…), de cliniciens, de chercheurs mobilisés et compétents pour répondre aux exigences de l’école. Après avoir repensé les contenus principaux, il serait important de former l’enseignant à l’analyse de sa propre pratique, à l’approche d’un travail en équipe ou en partenariat, ainsi qu’à la compréhension des structures humaines et de leur rapport singulier à la réalité. Cette découpe de la réalité est forcément très différente selon les processus de défense mis en place. Si un sujet ne cesse de s’évaporer devant la demande scolaire, connaître à minima, les principales défenses du moi, pourra au moins donner du lest à la relation pédagogique. Elle sera moins crispée autour d’un roc incompréhensible et terrifiant. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 130 Proposer des réponses pédagogiques adaptées Ne pas tirer de conclusions à partir d’une évaluation partielle des compétences ou des incompétences. Aucune logique métonymique ne fonctionne, la partie évaluée n’est pas représentative de la totalité des acquis scolaires. Le penser risquerait de bloquer totalement leur rapport à la connaissance. Ceci peut s’expliquer par une présence morcelée aux différents savoirs ou par un lien polymorphe aux apprentissages. De plus, les logiques supposées des apprentissages fondamentaux sont inapplicables, un enfant peut apprendre et comprendre des savoirs très complexes sans pour autant avoir intégré les pré‐requis. Par exemple, les enfants présentant des troubles du comportement et du caractère sont très intéressés par tout ce qui est récit sur les origines (mythes, légendes…), explication et compréhension du fonctionnement du corps humain. Très sensibles également aux architectures, ils peuvent très bien véhiculer des paradoxes tels que la non‐intégration de la différence entre le féminin et le masculin mais l’appropriation de la différence entre l’art roman et l’art gothique. Un échec scolaire n’est pas uniforme et n’a pas envahi, à l’identique, tous les savoirs. De plus, pour accéder aux apprentissages fondamentaux, faire des détours par la découverte de choses encore inconnues et non marquées par l’échec est assez efficace pour changer leurs attitudes négatives. Il est important de bien délimiter les temps de travail par des rituels d’entrée et de sortie et par des espaces‐temps transitionnels. La limite du moi étant un peu floue, passer d’un faire à un autre demande des espaces de passage afin d’articuler « le dedans et le dehors ». Par espaces transitionnels ou activités transitionnelles sont entendus des lieux de ré‐expérimentation de la présence / absence, du lien et de la coupure, de la réalité et du rêve… Le domaine transitionnel se situe entre la réalité plus tout à fait interne (correspondant à ce que Winnicott nomme l’aire d’illusion) et la réalité pas encore tout à fait externe. Ce holding confirme que pour des enfants en difficulté, il s’agit moins, d’occuper une fonction tierce (paternelle) qu’une fonction de rassemblement et de réunification (proche d’une fonction maternante). La majeure partie de ces enfants ayant des troubles du caractère et du comportement a une structure éclatée, chaotique, instable ; c’est pourquoi réunir, relier, mettre en articulation les « éparpillements subjectifs » semble le premier objectif. Comment apprendre à apprendre si la pensée et les paradoxes envahissants ne cessent « d’effilocher » le contenant ? S. Olindo‐Weber s’exprime sur le paradoxe et dit ceci : « Or, nous savons que d’une bonne traversée de l’espace et du temps transitionnels dépendent des capacités fondamentales pour le psychisme humain. Tout le champ du AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 131 paradoxe est gouverné par l’expérience transitionnelle : la capacité d’être seul en présence d’autrui, la capacité de créer / trouver des objets de pensée, la capacité de supporter que la réalité conserve une marge d’indéfinissable, et surtout la compétence à maintenir en soi un espace potentiel de rêve, de jeu, de croyance, tout en conservant son implication dans la réalité. Le transitionnel est le régime positif du paradoxe ; le régime négatif, c’est le trauma avec ses effets de déréalisation, d’incohérence, d’inquiétante étrangeté ; avec son appauvrissement de l’imaginaire qui se défend de l’absurde et de la peur par le vide. »16 Transformer les régimes du paradoxe peut ainsi récréer de l’unité pour ces enfants effractés ou traumatisés. Ils pourront, à force de ré‐
expérimentation du transitionnel, troquer de la destruction, de la répétition mortifère contre un horizon un peu épuré. Ils joueront davantage avec la présence / absence, le connu / inconnu, la maîtrise / le lâcher‐prise, le dedans/ le dehors… ; sans pour autant se crevasser, se morceler ou développer un faux‐self caractériel. Je fais l’hypothèse que l’élève ordinaire est généralement déjà constitué comme individu et qu’il peut s’approprier un savoir, car ce savoir appartient à un maître qui représente un idéal à atteindre. Alors que chez certains enfants, le moi et son idéal tellement submergés par les retournements et les incohérences, sont à reconstruire ou à aménager différemment. Le système pédagogique peut en être l’auteur et ainsi atteindre son deuxième objectif de nature psychopédagogique. Changer les rythmes scolaires et ne pas nier la nécessité de mouvement ou de soin pour certains. Exemple classe le matin et soin ou accompagnement différent l’après‐midi. Sortir l’enseignant de sa solitude et de son isolement : développer des équipes pédagogiques responsables d’unités pédagogiques Développer le travail en équipe, et en réseau (avec les SESSAD) : auxiliaires de vie qualifiés. Pourquoi ne pas intégrer des éducateurs spécialisés formés au soutien à la scolarité dans l’éducation nationale ? Si ces enfants ont une « chair » qui a du mal à se découdre pour pouvoir enfiler l’habit conforme de la communauté, si leur « corps psychique » n’est pas suffisamment plastique pour épouser les contours et les formes du « corps social » ou du « corps pédagogique » alors pourquoi ne pas dessiner d’autres « habits » ou d’autres « abris » scolaires ? L’égalité des chances, c’est d’avoir toutes les chances de vivre son inégalité 16
Olindo‐Weber S., Suicides au singulier, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 119‐120. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 132 Bibliographie Le rapport Lachaud, octobre 2003. La classification internationale du fonctionnement, site de l’OMS. Les enfants à besoin particulier, site du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le projet de loi pour l’égalité des chances et des droits, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, 2005. La nouvelle revue de l’AIS : ‐Les besoins éducatifs particuliers, n°22, Editions du CNEFEI, 2003. ‐ Instituts de rééducation, n°26, Editions du CNEFEI, 2004. Belmont B., Verillon A., Diversité et handicap à l’école, quelles pratiques éducatives pour tous ?, Paris, CTNERHI/INRP, 2003. Canat S., Etre et/ ou connaître : pour une compréhension d’un rapport‐limite à la connaissance, Thèse de doctorat, Université Paul Valéry, Montpellier, 2003. Chauvière M., Plaisance E, L’école face aux Handicaps, Paris, PUF, 2000. Dubreuil B., Accompagner les jeunes handicapés ou en difficultés, Paris, Dunod, 2002. Filloux J., Psychanalyse et pédagogie : d’une prise de l’inconscient dans le champ pédagogique, in Revue Française de Pédagogie n°18. Filloux J., Sur le concept de transfert dans le champ pédagogique, In Revue française de pédagogie. Freud S., « Au‐delà du principe de plaisir » in Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1988. Freud S., « Le refoulement » in Métapsychologie, Paris, Folio essais, Gallimard, 1968. Freud S., « Pulsions et destins des pulsions » in Métapsychologie, Paris, Folio essais, Gallimard, 1968. Freud S., Métapsychologie, Paris, Folio essais, Gallimard, 1968. Gardou C., Connaître le handicap, reconnaître la personne, Toulouse, Eres, 2003. Green A., « Narcissisme primaire, structure ou état‐limite ?» In Narcissisme de vie, narcissisme de mort, Paris, Les Editions de Minuit, 1983. Green A., La folie privée : psychanalyse des états‐limites, Paris, Connaissances de l’homme, 1990. Imbert F., L’inconscient dans la classe, Paris, ESF, 1996. Lourau R., L’analyse institutionnelle, Paris, Les Editions de Minuit, 1970. Olindo‐Weber S., Mazeran V., Pour une théorie du sujet‐limite, Paris, L’Harmattan, 1994. Olindo‐Weber S., Suicides au singulier, Paris, L’Harmattan, 2001. Oury F., Vasquez A, Vers une Pédagogie Institutionnelle ? Paris, Maspero, 1982. Oury J., Guattari F., Tosquelles F., Pratique de l’institutionnel et politique, Vigneux, Matrice, 1985. Oury J., Le collectif, Paris, Edition du scarabée, 1986. Oury J., Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle, Paris, Payot, 1976. Searles H., Le contre‐transfert, Paris, Gallimard, 1981. Searles H., Mon expérience des états‐limites, Paris, Gallimard, 1994. Tosquelles F., Education et psychothérapie institutionnelle, Mantes la ville, Hiatus, 1984. Winnicott D.W, Jeu et réalité, Paris, Gallimard, 1975. Winnicott D.W., Distorsion du Moi en fonction du vrai et du faux self, in Processus de maturation chez l’enfant, Paris, Payot, 1960. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 133 Turbulence en Maternelle ou « ces enfants qui bougent trop » Odile Delignon PIUFM de Lorraine Paru dans Recherches & éducations, n°13 | 2007, mis en ligne le 16 octobre 2008. URL : http://rechercheseducations.revues.org/index260.html. Cette brève contribution doit nous permettre, dans un premier temps, de saisir ce que les enfants dits turbulents ont de particulier, puis de comprendre les problèmes qu’un tel comportement à l’école peut susciter, et enfin d’envisager des stratégies, des habiletés pédagogiques pour accompagner ces enfants quelque peu désorganisés, et les aider à réguler cette exubérance comportementale. Ils jouent, ils agissent, ils explorent, ils expérimentent. En un mot, ils remuent beaucoup, et chaque enseignant de maternelle le sait bien.... Ils sont ainsi les enfants apprenants de l’école maternelle d’aujourd’hui, « cette école de plein exercice » (Men, 2002) qui leur permet, à travers cette mobilité, de s’approprier et comprendre le monde environnant. Mais si cet agir pour apprendre caractérise les enfants d’âge maternelle, ces derniers sont tous différents, et il y en a qui sont peut‐être plus différents que d’autres. Ce sont tous ceux qui remuent sans répit, qui ont du mal à rester assis longtemps, à être silencieux, à se concentrer sur une tâche, à laisser les autres tranquilles, s’amusent bruyamment. Ils ne s’accordent aucune pause dans cette incessante exploration de leur environnement, et exigent des rappels à l’ordre constants, ce qui est en général ressenti comme épuisant. Les enseignants parlent alors d’élèves très remuants, agités, inattentifs, indisciplinés, fatigants et perturbateurs. Hyperactivité, hyperkinésie, instabilité motrice, opposition infantile, autant de termes qui rendent compte de la difficulté à cerner ces enfants problématiques au sein d’une classe. Pourrait‐on dire alors, comme l’écrit le pédiatre québécois Claude Desjardins, dans son ouvrage intitulé Ces enfants qui bougent trop que ceux‐ci présentent un « mélange exagéré de différents aspects que l’on retrouve chez les autres enfants », à savoir activité, mobilité, curiosité, énergie .Cela se traduit, à la maison comme en classe, par un comportement inapproprié, jugé excessif voire inacceptable, remarqué par rapport à une norme attendue d’un comportement restant dans les limites de l’acceptable pour qu’apprendre AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 134 ensemble, vivre avec et parmi les autres, reste possible pour chacun des partenaires de l’acte éducatif. Si nous constatons que ces enfants sont différents par leur manière particulière excessive et désorganisée, de répondre aux multiples demandes et sollicitations de leur environnement, la compréhension de tels comportements reste délicate, au gré des recherches menées et conceptions avancées, mettant en évidence dans la majorité des cas, l’absence de causes évidentes (cela ne veut pas dire qu’il n’y en ait pas !), ou permettant d’énoncer des facteurs possibles : des facteurs neurobiologiques, provoquant une agitation particulière, un déficit d’attention, des difficultés de comportement, ou encore des facteurs psycho‐sociaux renvoyant à des contextes sociaux ou familiaux, ou à des « inhabiletés parentales » dans la manière d’éduquer les enfants. Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, il s’agit bien pour ces enfants, d’une difficulté à contrôler leur comportement moteur et social, à réguler cette mobilité, cette agitation, face à l’environnement et aux exigences éducatives scolaires ou familiales. Le rapport à la règle apparaît déficient. Ce manque de contrôle de comportement a inévitablement des incidences sur l’élève lui‐même, et sur son entourage : problèmes d’attention, troubles d’apprentissage, problèmes de conduite, de sociabilité, d’agressivité. Les caractéristiques qui ressortent d’un enfant dit turbulent, sont principalement les difficultés d’attention, l’hyperactivité et l’impulsivité. Parlons tout d’abord de cet enfant qui présente une attention inconsistante, attention comprise comme étant une capacité à se concentrer sur une tâche à accomplir. Il est facilement distrait, se laisse captiver par tout ce qui l’entoure, ne termine pas ce qu’il commence, n’écoute pas ce qu’on lui dit, se lasse rapidement d’un jouet, perd ses affaires, et si l’on veut qu’une tâche s’accomplisse, on doit le lui répéter plusieurs fois. Tantôt l’attention n’est pas là pour élaborer une stratégie en regard d’une tâche à accomplir : l’enfant décroche, se met à accomplir autre chose. Tantôt, elle n’est pas là pour soutenir une activité. Tantôt elle est bonne mais pour un certain temps seulement. Chaque situation ou tâche, selon qu’il s’agisse de planifier, anticiper, développer et organiser une stratégie, demande un type d’attention. Tantôt on parle de distraction quand l’attention, adéquate sur le moment, reste en même temps vulnérable : un rien peut détourner l’enfant de la tâche à accomplir. Parfois on parle d’une difficulté de concentration ou d’une incapacité à se centrer sur une tâche parce que l’on pense à autre chose. Mais la pire des distractions n’est‐elle pas une activité que l’on ne trouve pas intéressante et sur laquelle, en plus, on doit arriver à se concentrer ? La qualité de cette attention et de son maintien sont en quelque sorte proportionnelles à l’intérêt relié aux tâches. Plus la tâche est ennuyante, plus on s’en laisse distraire facilement. Le déficit n’est pas tant au niveau de l’attention elle‐même, qu’au niveau de la motivation qui la soutient. Par AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 135 ailleurs, sous des apparences de problèmes dits d’attention, on retrouve chez l’enfant des difficultés reliées aux capacités de planifier, d’organiser et de développer des stratégies en fonction des tâches à réaliser. Ces problèmes d’attention ont des répercussions sur les apprentissages solaires. L’hyperactivité développée par ces enfants est décrite par Claude Desjardins en ces termes : “ l’enfant court et grimpe partout, il bouge sans cesse, il semble habité par une poussée intérieure qui le garde toujours en mouvement. A l’école, il ne peut rester assis ; à la maison, il crée l’effet d’une tornade. Il bouge partout : à table, en auto, en regardant la télévision. Il ne peut se déplacer sans sauter sur place et finit par épuiser tout le monde ! ”. Il pourrait s’agir d’une agitation comme support nécessaire à l’attention, une forme de stimulation qui permet de mieux répondre aux besoins difficiles de l’attention : l’enfant se trémousse sur sa chaise, manipule sans cesse son crayon, saute sur place tout en parlant. Ce peut être l’expression d’une réponse exagérée en fonction des demandes de l’environnement : on pourrait parler ici d’un manque “ d’inhibition motrice ”, l’enfant ayant du mal à réguler son niveau d’activité motrice en fonction de la tâche demandée. Une sorte “ d’impulsivité ” dont nous allons parler maintenant, une impulsivité non retenue qu’il convient, dans un environnement social donné, de discipliner. On parlera d’impulsivité verbale, motrice et sociale. Impulsivité verbale : parler quoi qu’il arrive, interrompre les autres, répondre avant la fin de la question. Impulsivité motrice : agir sans réfléchir, prendre des risques sans se soucier du danger, être brusque dans ses mouvements. Impulsivité sociale dans ses relations avec l’entourage : bousculer les conventions sociales, difficulté à gérer les relations sociales, ce qui le rend parfois envahissant et irrespectueux. Dans tous les cas, l’enfant présente une difficulté à contrôler et à ajuster son comportement en réponse à ce qui se passe autour de lui. On peut dire qu’il manque d’inhibition de cette impulsivité, inhibition pourtant nécessaire pour devenir un être adaptable aux contraintes de l’environnement et de la vie sociale, et qui passe par l’apprentissage du contrôle de soi, de ses actes et paroles, en sachant en anticiper les conséquences. Si l’on parle ici de régulation du comportement d’un enfant dont on dira qu’il est “ mal élevé ”, “ indiscipliné ”, il s’agit bien d’éducation du comportement par apprentissage des possibles par rapport à soi, aux autres et au monde extérieur. L’enfant dit turbulent à l’école est un enfant à discipliner, si l’on veut qu’il apprenne dans de bonnes conditions parmi et avec ses pairs, dans le respect des règles établies. “ Il n’y a pas d’éducation, sans certains interdits ” (Freud). Cet apprentissage de normes comportementales, par l’énoncé clair des limites et marges de manœuvres, permet à l’enfant de saisir la dimension des possibles pour une intégration sociale. Confronté à ces limites, et devant la frustration difficilement acceptable, l’enfant turbulent apparaît hostile, AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 136 s’opposant ainsi aux demandes exprimées par son entourage. Il perd parfois le contrôle, devient agressif devant la contrainte et peut devenir violent. Il est, par rapport aux difficultés importantes dans ses relations aux autres, peu accepté, voire rejeté. Ainsi, si la turbulence de l’enfant peut entraîner des troubles d’apprentissage et de conduite, il convient de réfléchir à des stratégies éducatives à développer au sein de la famille, et à l’école, susceptibles d’aider l’enfant à réguler ce comportement turbulent. Au niveau d’une conduite sociale attendue, l’aide envisageable peut être : •
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Lui permettre de prendre conscience de la conséquence de ses actions inconvenantes sur l’environnement social. C’est lui apprendre à penser, à réfléchir sur “ comment se comporter ”. La mise en mots apparaît ici essentielle pour qu’il s’approprie la responsabilité de sa conduite. A la contrainte, on substitue l’explication. Par opposition à une attitude corrective, qui amène à énoncer une réprimande, signe social nécessaire pour rappeler au sujet la responsabilité de ses actes, profiter d’une activité au cours de laquelle l’enfant est serein pour le féliciter. L’enseignant lui témoigne ainsi une attention positive, par un message verbal ou non‐verbal gratifiant. L’interaction sera ici positive, et l’enfant ainsi valorisé, sera encouragé à persévérer dans ce comportement approprié. C’est l’aider à la construction d’une image positive de soi. Prévoir avec l’enfant, par rapport à une situation donnée, les modalités du déroulement prévu, le comportement attendu souhaité et les conséquences. L’attitude ainsi cadrée, le comportement peut être canalisé. Assumer des responsabilités. Ce sentiment de responsabilité vis‐à‐vis de la classe aide à se maîtriser, permet de trouver une place bien à soi, au sein de l’école, et développe la confiance en soi. En ce qui concerne plus précisément la turbulence dite motrice qui se traduit par un besoin impérieux de bouger : ‐ Prévoir des activités motrices qui permettent à l’enfant un défoulement du corps. Dans cette dépense physique, il apprend à apprivoiser son énergie de manière constructive, dans un contexte jugé acceptable et sécuritaire. ‐
Prévoir des activités de relaxation qui lui permettent de prendre conscience de ce trop plein d’énergie, l’aide à retrouver son calme et à reprendre contact avec lui‐même. La relaxation l’entraîne progressivement à une perception plus fine de ses tensions musculaires, même les plus imperceptibles, et lui apprend à les relâcher pour obtenir un plus grand calme mental. L’enfant apprend AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 137 à mieux se connaître, à mieux être en apaisant cette agitation nerveuse. Vers la maîtrise des choses en passant par la maîtrise de soi. S’il s’agit bien dans ce contexte d’aide, de conjuguer plusieurs approches, qu’elles soient béhavioristes ou cognitivistes, l’acteur central reste l’enfant, maître d’œuvre au centre des démarches proposées, et faisant appel à ses propres ressources. L’important est bien qu’il se perçoive comme responsable de son propre changement. L’école, milieu de vie tout à la fois exigeant et formateur, doit favoriser l’évolution de l’enfant et le mieux‐être de chacun des partenaires de la relation éducative. Si l’enfant arrive à l’école avec sa motivation, son énergie, sa différence et ses difficultés, le pédagogue accepte d’accompagner les particularités, en composant avec les personnalités, les attentes, les limites et les ressources disponibles. Dans ce contexte de pédagogie “ ajustée ”, on mesure l’importance des interactions, des échanges, des moments de régulation par la mise en mots des conduites et conséquences, des pratiques corporelles énergiques et relaxantes, face à des enfants dits turbulents. Bibliographie Desjardins, C. (2001). Ces enfants qui bougent trop. Outremont : Editions Quebecor. Men (2002). Qu’apprend‐on à l’école maternelle ? Les nouveaux programmes CNDP. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 138 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 139 Précocité intellectuelle : comportement clinique de ces élèves intellectuellement précoces qui nous interpellent fréquemment par leur inattention, leur agitation, leur agressivité, leur isolement, et aussi par leur excellence familiale, scolaire, sociale et sportive ! Paul Merchat Président fondateur de l'ALREP ALREP : Association nationale et internationale de Loisirs, de Rencontres et d’Education pour enfants et adolescents Précoces – 15 avenue Franklin Roosevelt – 30000 Nîmes – téléphone : 04 66 64 82 51 – courriel : [email protected], ou [email protected] – site : www.alrep.org. Agréée de Jeunesse et d’Education Populaire par la Jeunesse et les Sports depuis 1987, Paul Merchat, professeur de mathématiques, président fondateur de l'ALREP en 1981, et Philippe Chamont, psychanalyste, vice‐président de l’ALREP, ont créé dès 1981 le concept de précocité intellectuelle. Un travail de collaboration et de complémentarité de cinq ans a suivi dans le but d'en donner une création scientifique, pragmatique et cohérente. L'appréciation était jusqu’alors absorbée par celle des enfants dits « surdoués ». La distinction est fondamentale dans la mesure où elle met l’accent sur l'ennui scolaire et relationnel que véhiculent très fréquemment l’enfant et l’adolescent intellectuellement précoces, auquel s’ajoute l’inconfort de la confusion entre potentiel et restitution scolaire. Pourquoi des centres de vacances spécialisés pour filles et garçons intellectuellement précoces ? C’est à partir de l’observation d’élèves en classe, de résultats scolaires en contradiction avec leur profil de développement et avec la pertinence de leurs remarques et de leur regard, que le président Paul Merchat a créé les centres de vacances ALREP dès 1981. Ces centres de vacances ont permis aux filles et garçons intellectuellement précoces de cinq à dix sept ans de se retrouver, d’apaiser leur solitude, leurs rancunes, de redevenir des enfants et des adolescents : un statut qu’ils avaient oublié à force de vigilance permanente et de frustration, voire de surinvestissement cognitif « flattant » plutôt les parents tout en « étouffant » les enfants. C'est un endroit de convivialité humaine partagée malgré la diversité des origines géographiques et sociales ; naturellement, il existe des possibilités de paiement adaptées aux AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 140 difficultés financières familiales. C’est un endroit où l’enfant redécouvre le bonheur dans sa précocité d’être un précoce heureux, de trouver le temps de rêver, de jouer, de partager, de se respecter, de vivre ensemble ! Il suffit de les observer dès leur retour et de lire les témoignages des parents et même d'enfants devenus adultes pour mesurer l’impact de confiance en soi, d’enthousiasme et de revalorisation de la vie relationnelle familiale et scolaire grâce au projet éducatif spécifique de ces centres de vacances. Le précoce n’a pas le profil caricatural de la « grosse tête » ou du petit génie parfois génial, souvent prétentieux et toujours agaçant. Lorsque le précoce dérange, c’est par son malaise, son instabilité familiale et (ou) scolaire, ses relations difficiles avec les autres élèves, sa souffrance, son insatisfaction et surtout sa difficulté à exprimer son désir réel, car il ne le connaît pas lui‐même. L’identification de l’enfant et de l’adolescent intellectuellement précoces (E I P) passe par les tests psychométriques comme suite à une observation clinique, c’est à dire à un comportement constaté dans la vie quotidienne. L’enfant et l’adolescent sont identifiés comme intellectuellement précoces à partir d’un potentiel correspondant à un quotient intellectuel au moins égal à 125 environ au test W I S C III pour enfants de six à seize ans (celui‐ci remplace depuis 1997 le W I S C – R), et en 2004 apparaît le WISC IV. Le passage du test se fait auprès d’un psychologue, d’un psychanalyste du régime libéral, hospitalier, scolaire ou autres ; il apprécie le résultat avec toute la prudence requise : l’ALREP n’a pas de psy … affilié ou référent; les parents choisissent le psy… qui, professionnellement, a les compétences pour enfants et adolescents. En général, les problèmes existentiels, relationnels, ou autres ne dépendent pas du nombre représentant le quotient intellectuel, mais peuvent se rencontrer à n'importe quelle valeur au‐dessus de 125 environ, en particulier à partir de 145. La précocité intellectuelle apparaît dans la diversité humaine, sociale et géographique : elle ne suit pas l'ordre social et ne tient donc pas compte de la situation socio‐professionnelle de la famille quel que soit le lieu de vie. Cette donnée constitutionnelle en humanitude est le résultat évolutif de la rencontre d'un ovule et d'un spermatozoïde. C'est une donnée humaine révolutionnaire qui dérange de nombreuses personnes provoquant un rejet très et trop fréquent de la précocité intellectuelle. La précocité intellectuelle AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 141 n'est donc pas une maladie en soi contrairement à ce que laisse parfois certaines personnes ou organismes. La précocité intellectuelle n'est pas héréditaire ; c'est un atavisme, c'est à dire une hérédité discontinue difficile à expliquer d'autant plus que le mécanisme de l'hérédité nous échappe dans ce domaine. Suivant nos constats depuis 1981, il n'y aurait donc pas de générations privilégiées. La précocité intellectuelle peut ne pas se manifester dans une génération mais apparaître dans une autre. La probabilité d'avoir des enfants intellectuellement précoces semble plus importante chez des adultes intellectuellement précoces mais n'est certainement pas une généralité. Pour nous, ces constats ne sont pas prioritaires car notre action première et unique, notre priorité est donnée à l'acceptation, l'éducation et la scolarité des filles et garçons intellectuellement précoces. C'est une donnée novatrice qui permet une vision naturelle de l'être humain. La précocité n'est pas le bien exclusif, le privilège de telle ou telle ethnie, de tel ou tel groupe géographique, de tel ou tel milieu socio‐culturel. Elle apparaît dans la diversité des êtres humains : des plus riches aux plus pauvres, des plus instruits aux plus ignorants, des plus favorisés aux plus défavorisés, des plus nantis aux plus précaires ! Critère difficile à partager car en contradiction avec les modèles habituels des relations humaines ! Ce constat ne peut être nié : il est universel. Il dérange, il impressionne, il fait peur aux fragilités humaines quelles que soient leur appartenance sociale, professionnelle et culturelle. Nous savons que la diversité des acquis cognitifs va entraîner tel ou tel comportement, telle ou telle attitude de l' « être‐là ». Au fil des années, nous avons constaté des dispersions interprétatives, diverses définitions, des mots divers et variés plus ou moins restrictifs, discriminatoires et adaptés. Cette dispersion de vocabulaire : « surdoué, surdouéité, surdouement, surdouance, douance, doué, surhumain, surhumanéité, zèbre, zébritude, haut potentiel, etc. » qui gravite autour de la précocité intellectuelle ne peut que la discréditer. Malgré cette dispersion, des bonnes volontés efficaces ont agi. Une anecdote cocasse : nous avons entendu que l'expression « intellectuellement précoce » serait négative, alors que le mot « doué » serait positif. Ceux qui le prétendent ont‐ils consulté le dictionnaire latin‐
français Gaffiot au sens figuré du latin « praecox » et l'exemple qui en est donné ? Une autre question se pose : quel est le sens du mot « doué » relatif AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 142 à la précocité intellectuelle ? Y aurait‐il dans son utilisation une tentative de discrimination sociale ? De la même veine : les personnes universitaires ou non utilisant l'expression « haut potentiel » pour leurs démarches éducatives ou autres ont l'air de s'attribuer une promotion sociale car elles se positionnent « plus hauts » que les « hauts potentiels » : pour les filles et garçons intellectuellement précoces, est – ce vraiment utile et nécessaire de voir ces adultes pratiquer cette attitude promotionnelle ? Que penser alors de celles et de ceux qui agissent auprès des « moyens potentiels » ou des « bas potentiels » ? Est‐ce la promotion dans notre société d'une discrimination suivant le niveau des potentialités ? D'autres anecdotes pourraient être citées. « Inventeurs » de la précocité intellectuelle, Paul Merchat et Philippe Chamont en ont évalué les limites, ainsi qu’une définition évolutive, à partir de leurs observations et de leurs travaux sur le terrain de leur vie professionnelle, des centres de vacances, et dans le contexte du suivi thérapeutique. Après cinq ans de recherches, leurs conclusions ont été enregistrées dans le livre « J’ai dit précoce ? ou de la nature de la précocité » paru en 1987. Une deuxième édition enrichie est sortie en 2000 sous le titre « La précocité intellectuelle et ses contradictions » aux éditions du Champ Social diffusées et distribuées par « Les Belles Lettres ». Depuis ce mois de novembre 2008, aux mêmes éditions du Champ Social, Philippe Chamont présente le livre « Précocité intellectuelle : les magiciens du paradoxe ». Ces deux ouvrages sont disponibles dans toutes les bonnes librairies et à l 'ALREP. Situer la précocité intellectuelle dans sa définition, dans ses points de repère, dans ses références constitutionnelles psychométriques et cliniques, est une nécessité humaine éducative et sociale. Après la diffusion de leurs travaux, apparaissent des initiatives plus ou moins heureuses, des affirmations erronées sont colportées, parfois au cours de certains colloques, par nombre de « spécialistes » de la précocité intellectuelle qui n’ont de « spécialistes » qu’une auto‐proclamation douteuse. Cela nécessite une vigilance pratiquement quotidienne. L’ALREP veille, en toute modestie et en toute humilité, à apporter des corrections indispensables en suivant les constats et témoignages reçus et reconnus comme légitimes et conformes. Associer systématiquement saut de classe ou rythme accéléré à la précocité intellectuelle relève de l’irresponsabilité ou de la stratégie nombriliste du singe savant suivant la dyssynchronie subie (voir page 119 de « La précocité intellectuelle et ses contradictions »). Cela traduit une méconnaissance profonde du problème ou de la situation de l’enfant. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 143 ATTENTION : les précoces « bien dans leur peau », sans problèmes, faisant agréablement et exemplairement leur chemin familial, scolaire, sportif et (ou) social, existent et sont nombreux ; les centres de vacances de l'ALREP en accueillent chaque année. Des précautions sont prises et permettent à l’enfant de s’épanouir dans sa vie relationnelle familiale, dans le contexte scolaire, social et (ou) dans les centres de vacances. C'est le résultat d’une compréhension réciproque de ce qui peut être nommé un « handicap par le plus », et d’une alimentation cérébrale proportionnée au besoin du précoce, alimentation fournie par la famille comme par l'école et même la société dans un cadre de valorisation et de respect partagé de soi et des autres. L’enfant, quel qu’il soit, n’a pas la science infuse, et, sans fondations, ne peut rien bâtir d’efficace ni de durable : il ne lui est pas possible de savoir sans avoir appris. La créativité d’un être humain a une démarche où se mélangent espace cognitif et imagination pour atteindre le but recherché. Il arrive chez certaines personnes que le goût des études, la recherche du savoir afin de vouloir savoir faire apparaissent après une période difficile de la scolarité obligatoire, ou à la sortie de cette scolarité obligatoire, ou au lycée, ou au cours de la vie adulte. Un déclic émotionnel, dont la cause et le contenu sont très difficiles à définir, provoque ce goût et cette recherche. L'apparition de ce déclic, rarement semble‐t‐il dès l'école maternelle, et ce cheminement volontaire de l'acquisition cognitive efficiente ne sont donc pas fonction de l'âge. Le psychanalyste Philippe Chamont replace l’examen psychométrique dans sa dimension purement technique et pratique, à l’instar du thermomètre médical : cet instrument ne crée pas la fièvre, il ne la supprime pas, il indique simplement « qu’il se passe quelque chose » qui suppose une intervention et une considération spécifiques. Philippe Chamont complète cette information par une lecture non pas seulement psycho « logique » mais aussi psycho « analytique », car l’exploration du détail des résultats est plus importante que le nombre du quotient intellectuel (QI) : elle permet une compréhension spécifique de l’enfant ou de l’adolescent. Les recettes qui réussissent avec les précoces montrent leur efficacité avec les autres enfants. Elles démentent ainsi un reproche fréquent adressé à la recherche psychopédagogique selon lequel cette recherche ne propose rien d’utilisable. Par contre, certaines réponses habituelles faites aux enfants ne s'appliquent pas aux E I P Jusqu’en 1986, pendant cinq ans d’études, l’observation, l’analyse des comportements d' E I P ont permis de mettre en place une liste non exhaustive de manifestations particulières permettant une pré‐identification de la précocité intellectuelle. Il ne s’agit naturellement pas pour l’enfant ou AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 144 l’adolescent de présenter la totalité de ces traits spécifiques. C’est lorsque la majorité de ces indices est présente que l’on peut penser à une forte présomption de précocité, tout en reconnaissant que, très souvent, l’examen psychométrique confirme ce doute. Les caractéristiques cliniques les plus souvent constatées avec plus ou moins d’intensité sont : -
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hyperémotivité, hypersensibilité, hyper susceptibilité, hyper..., le « tout ou rien » avec ses conséquences d’adoration et de détestation, le « tout et tout de suite » avec ses conséquences de rejet global et irréversible, ou de crise, curiosités dans les domaines non tangibles et inquiétudes de nature métaphysique (vie, mort, le ciel, la terre, l’infini, Dieu, …), difficultés relationnelles avec les enfants du même âge, avec les membres de la famille et de la parenté, attrait vers les plus âgés, ou vers les plus jeunes et attitudes paradoxales : bonne maturité et comportement infantile ; l’âge refuge, où des attitudes antérieures sont reprises comme sucer son pouce, refaire pipi au lit, s’ajoute à l’âge réel et à l’âge mental repli sur soi, isolement, activité solitaire, crise d’angoisse, avec souvent des angoisses nocturnes et sommeil agité, sommeil paradoxal important, difficulté d’endormissement, très souvent une lampe est allumée, forte concentration dans l’activité choisie où il peut obtenir et atteindre de grandes performances, refus des sports collectifs et maladresse tant que la maîtrise n’est pas acquise ; la bonne maîtrise peut conduire à de belles performances et au professionnalisme de haut niveau, facilité de justification par accommodation des données, affabulation, imagination, créativité, multiplication des rituels d’apaisement et des objets transitionnels, besoin viscéral de sécurité et de points de repère, colères violentes, tyranniques, chantages, violence verbale, agressivité, fuite vers la perversité, déni de l’échec, lassitude, ennui scolaire dont il faut connaître la cause profonde venant soit de la vie scolaire, soit de la vie familiale et (ou) avec la parenté, soit de l'environnement social, régression dans les résultats scolaires, dysorthographie, dyslexie, dysgraphie, dyscalculie, dyspraxie, ... performance et exemplarité scolaire pouvant se poursuivre ultérieurement en exemplarité humaine, sociale et professionnelle, en devenant alors une « locomotive » dans différents domaines de AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 145 -
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la Société, peut être aussi performant dans d'autres domaines plus ou moins illégaux et marginaux avec les conséquences correspondantes, situation qui peut perdurer ou régresser vers une attitude tout à fait acceptable et même exemplaire. fulgurance et paresse, hypertonicité (à ne pas confondre avec hyperactivité : cette confusion fréquente peut être néfaste !), agitations, = instabilité apparente dans les activités choisies, difficultés de gestion du temps et de l'espace avec, parfois, refuge dans des addictions, dans une supposée nullité, dans des propos de fin de vie, dans des jeux dangereux, propos et jeux pouvant entraîner très rarement des suicides, pertinence souvent confondue avec impertinence ou insolence, humour caustique, particulier, comique, pas toujours accepté par l’environnement, mais qui apporte souvent une compensation à son mal‐être et peut distraire, hypocondrie, somatisation : eczéma, énurésie, migraines, douleurs abdominales, mouvements stéréotypes (tics), asthme, troubles obsessionnels compulsifs, boulimie, anorexie, … sens profond de la justice et de l’injustice, mais pouvant utiliser l'une ou l'autre en relation pour obtenir ce qu'il désire ! Il est impensable de classer ces différentes manifestations ou symptômes dans un ordre de priorité ou d’importance. Il est par contre possible d’en indiquer une caractéristique : c’est l’amplitude de chacun de ces traits lorsqu’ils se manifestent. C'est alors que le passage du test de Wechsler est à décider : le WPPSI pour les trois à six ans environ, le WISC pour les six à dix‐
sept ans environ, le WAIS pour les plus de dix sept ans par un psy, répétons‐ le, avec toute la prudence requise concernant l'appréciation des différents résultats aux items. Remarques irresponsables : « Cela concerne tous les enfants. » ; « La précocité intellectuelle n’existe pas. » ; « Je suis enseignant(e) et je n’en ai jamais rencontré. » ; « Une invention non fondée flattant les parents. » ; etc.… Quel enfant n’a pas sa crise de colère, de jalousie, d’angoisse ? Quel adolescent n’a pas sa crise d’opposition, de personnalité, son désir d’indépendance et ses propres revendications ? Ce qui est surprenant, déroutant, inquiétant jusqu’à l’incompréhensible et l’incompréhension, c’est l’âge étonnamment jeune auquel correspondent AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 146 ces différents critères d’identification, et le caractère drastique, cyclonique de leur ampleur, accompagné d’une impression de jouissance énigmatique. Les enfants et les adolescents intellectuellement précoces fonctionnent fréquemment très en deçà de l’effort intellectuel possible, à tel point que le plaisir de l’effort devient très rapidement inconcevable. L’acte intellectuel se transforme progressivement en corvée, qui se retrouve d'ailleurs dans cette tendance à interrompre le discours d’autrui, afin que quelque chose aille plus vite. L’E I P n’interrompt pas son interlocuteur par discourtoisie ou parce qu’il a compris plus rapidement : cette rupture est provoquée par le poids de son impatience pour supprimer l’effort de son attention et de sa concentration. Dans un premier temps, il comprend rapidement, très rapidement, et se laisse bercer par la certitude que son efficacité est acquise d’avance. A son insu, s’oxydent sa réflexion, sa capacité d’assimilation, sa mémorisation autant que le plaisir de l’effort de mobilisation de sa vigilance intellectuelle ; à plus forte raison, tout cela peut être littéralement phagocyté par cette gangrène que représentent les jeux électroniques, une certaine addiction à l'informatique, l'internet mal utilisé, les informations et autres broyeurs du libre arbitre, de la créativité et de la communication. Lorsqu’il lui est demandé un effort particulier : entrée en sixième, classe de quatrième, passage en seconde ou autres, il lui arrive de ne pas pouvoir restituer ses connaissances : il s’enferme alors dans une spirale d’échecs. Il faut être prudent avec le surinvestissement scolaire qui lui fait découvrir la notion avant que l’enseignant ne la présente, d’où l’ennui qui s'en suit fréquemment. Nous avons tout de même le réconfort de constater que, en France, le concept entre peu à peu dans une dynamique d’écoute, de réflexion, de compréhension efficace : voir les textes réglementaires informatifs de l’Education Nationale et le Bulletin Officiel de l’Education Nationale n° 31 du 1er septembre 2005 ; il est clairement indiqué dans les « dispositifs d'aide et de soutien pour la réussite des élèves à l'école et au collège », que « ... des aménagements appropriés sont prévus au profit des élèves intellectuellement précoces ... ». Voir aussi dans le Bulletin Officiel de l'Education Nationale n°38 du 25 octobre 2007 la circulaire n° 2007‐ 158 du 17‐ 10‐ 2007. Cela constitue une information pédagogique contractuelle dont les enseignantes et les enseignants de l'école et du collège doivent tenir compte dans le cadre de leur vie professionnelle suivant la diversité de leurs élèves. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 147 Un constat important de l’ALREP : toute école, tout collège ou tout lycée peut recevoir les élèves intellectuellement précoces en créant l’ambiance requise pour un parcours scolaire correct et dynamique suivant en particulier l'effet pygmalion positif. Pour cela, il est nécessaire qu'une information cohérente, scientifique et pragmatique soit faite dans le cadre des instructions paraissant au Bulletin Officiel de l'Education Nationale. Cette information concernerait, entre autres, le comportement clinique des précoces. Elle compléterait alors avantageusement la circulaire du 17 octobre 2007 pour une scolarisation améliorée des élèves intellectuellement précoces. Nous devons être conscients aussi que, au centre du triangle « enseignants – élèves – parents » se trouve, avec sa diversité, le programme scolaire qui a sûrement plus de qualités que de défauts et dont l'apprentissage a un aspect de libération et non d'une espèce d'enfermement absolu dans un supposé « moule » assujettissant ! Nous oublions facilement toutes celles et tous ceux qui ont pu se réaliser grâce à une scolarité certes supposée d'un « autre âge » mais qui avait et qui a dans certains établissements actuels cette grande humanité qui a préparé et prépare encore à l'existence future des élèves dans une ambiance d'espoir et de discipline ! C'est nourrir l'être humain de ce dont il a besoin : développer ses potentialités affectives, intellectuelles, physiques, relationnelles. Cette nourriture cognitive partageable peut sembler en contradiction avec cette espèce de besoin maladif de se différencier, de se faire reconnaître et accepter dans l'aspect d'un « être‐là » particulier et pseudo valorisateur suivant une utilisation plus ou moins intense d'objets pour se créer une apparence de personnalité supposée. C'est le résultat d'un sentiment d'insécurité, d'incompréhension qui entraîne une mauvaise estime de soi, un manque de confiance : ce n'est pas cela que nous voulons ! Cette nourriture partageable permet à chacun de vivre sa vie dans le cadre d'un vivre ensemble où le respect de soi et des autres l'emporte sur les jalousies, les mensonges, les vanités inutiles : vaste programme, certes ! Mais en éducation comme en scolarité, il est bon d' « avoir un œil sur les talons, l'autre sur l'horizon ! » Mais nous regrettons d’entendre encore affirmer de la part d’un trop grand nombre de responsables éducatifs pédagogiques et psy… que la précocité intellectuelle n’existe pas. C’est une attitude inhumaine et irresponsable lorsque l’équilibre psychique et l’avenir d’un enfant, d'une adolescente, d'un adolescent sont en jeu. Une anecdote : un journaliste observant des enfants en train de jouer, de chahuter dans le parc du centre de vacances, pose la question : « Mais où sont les précoces ? » Le journaliste a donc vu des filles et des garçons intellectuellement précoces qui vivaient, suivant le projet éducatif, charte de AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 148 qualité des centres de vacances, le mieux possible leur séjour afin de préparer agréablement, et même éventuellement en tant que « locomotive », leur vie ultérieure familiale, sociale et (ou) professionnelle sans subir la qualification inutile et même péjorative d'êtres humains « hors‐norme » ! L’action future et efficace de l'ALREP est à partager avec celles et ceux qui participeront à la constante évolution de la vie associative afin de favoriser et d'améliorer autant que faire se peut l'acceptation, l'éducation et la scolarisation des filles et garçons intellectuellement précoces pour leur Avenir et donc pour notre Avenir Bibliographie ‐ « J'ai dit précoce ? Ou de la nature de la précocité ». P. Merchat ; P. Chamont . Ed Lacours 1987 ‐ « La précocité intellectuelle et ses contradictions ». P. Merchat ; P. Chamont. Ed Champ Social 2000. ‐ « Précocité intellectuelle : les magiciens du paradoxe ». P. Chamont. Ed Champ Social 2008. ‐ Bulletin « Enfants Précoces Informations » trimestriel depuis 1988 ; ALREP. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 149 Démarches d’aide aux étudiants Jacqueline Champredonde Maître de conférences, Psychologue du Travail, Université Toulouse I Objectif de cet article : Témoigner de mon expérience d’universitaire dans les menées à mon initiative avec la préoccupation d’être à l’écoute de ce terrain Ö pour répondre à celles de ses interpellations qui sollicitent mes compétences théoriques et pratiques, Ö dans le projet de construire ou d’ajuster des outils susceptibles d’être des repères, voire des guides méthodologiques, pour l’action et la réflexion. Contexte de mon expérience Mon rôle d’enseignant‐chercheur en psychologie sociale et du travail à l’Université m’a très vite conduite à être sollicitée par « mes » étudiants* qui, souvent désemparés, se tournent vers « la » psychologue qu’ils osent interpeler parce qu’elle est en même temps « leur prof », et apparaît, de ce fait, plus aisément susceptible d’entendre leur demande d’aide. C’est ainsi qu’au fil de trente deux ans de carrière universitaire, j’ai eu le privilège de recevoir dans mon bureau des étudiants que j’ai orientés en grand nombre vers la médecine universitaire, vers le S.U.I.O., mais que ‐pour un nombre nettement plus restreint‐ j’ai pu accompagner, d’une part individuellement, d’autre part en petits groupes. C’est la présentation de cette démarche d’accompagnement que je me propose d’esquisser, dans le contexte de ce colloque. 1) La demande des étudiants 2) L’analyse de la demande 3) Le cadre théorique et la démarche 4) Population concernée 5) Bilan AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 150 1) La demande des étudiants Parmi les différentes formulations du « besoin d’aide », j’ai retenu celles qui, après entretien, paraissaient relever de l’expression d’un désarroi : ¾ face à ce monde universitaire et /ou ¾ face au monde professionnel, Deux mondes dont le mode d’emploi paraît réservé à certains en même temps que son inaccessibilité en exclurait d’autres au nombre desquels ces étudiants se comptent. 2) L’analyse de la demande : Mes recherches me permettaient de considérer deux voies de réponse à explorer avec mes interlocuteurs : ¾ La première concerne le « fonctionnement cognitif », on pourrait dire « le mode d’emploi de son intelligence », ¾ La seconde concerne le projet professionnel. 3) Le cadre théorique et la démarche a) L’approche cognitive en psychologie sociale et du travail Elle s’attache à comprendre comment le sujet traite l’information, ce que sont ses représentations et représentations sociales et le filtre qu’elles constituent. Le travail de fond réalisé dans cette perspective cognitive m’a conduite vers l’exploration des travaux d’Antoine De La Garanderie, à savoir la Gestion Mentale. Ses recherches centrées sur le « savoir du connaître » (quels sont les actes mentaux à effectuer pour « connaître ») ont mis en évidence que chacun opère ces actes mentaux sur un mode qui lui est spécifique. Dans les situations où nous sommes à l’aise, nous mettons en œuvre nos propres stratégies mentales, c’est ‐à ‐dire celles qui sont efficaces pour nous, pour être « attentifs, comprendre, mémoriser, réfléchir,… ». En revanche, lorsque nous sommes démunis face à une situation d’apprentissage, si nous ne sommes pas informés explicitement sur notre propre fonctionnement mental, nous ne savons pas quelles stratégies mentales mettre en œuvre pour accéder à ces connaissances : nous suivrons les conseils prodigués avec sollicitude par notre entourage pour tenter avec plus ou moins de bonheur de « faire attention » (mais par quelle opération mentale ???), de « nous concentrer »ou autre injonction. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 151 Si le résultat n’est pas satisfaisant, vont être avancées des hypothèses de mauvaise volonté du sujet, ou… d’inaptitude, ou autre pseudo‐causes sévères. Le sujet, ayant expérimenté l’échec ou, ‐ au mieux‐, l’alea de sa réussite, va développer une grande anxiété vis‐à‐vis des situations d’examens ou autres contrôles de connaissances, de l’évaluation de ses productions qu’il confond avec sa propre valeur : sa confiance en soi en est fortement entamée, et le parcours universitaire envisagé s’en voit compromis, comme est alors revue à la baisse l’ambition professionnelle –quelle qu’elle soit ‐ un temps caressée par l’entrée à l’université. Cette situation est à elle seule susceptible d’engendrer « malaises et comportements qui nous interpellent ». Antoine De La Garanderie souligne que « beaucoup de problèmes ne deviennent psychologiques qu’à défaut d’une réponse pédagogique » Sa proposition tient dans : ™ l’identification des stratégies mentales performantes du sujet : une méthodologie rigoureuse permet de repérer son « langage cognitif » et les différents paramètres qui l’accompagnent (« Images Mentales Auditives, Verbalo‐Auditives, Visuelles, …, degré de maîtrise de l’abstraction, du concret, automatismes, compréhension‐mémorisation à partir de l’exemple, l’application ou de la théorie,…) ™ l’information explicite du sujet, qui s’en trouve « réhabilité » à ses propres yeux d’abord – étape capitale‐ : il découvre que la connaissance lui est accessible, que seul le mode d’emploi de son intelligence était en cause et non une inaptitude qui aurait constitué « l’obstacle dirimant » souvent avancé, vécu en termes de condamnation à l’exclusion du connaître. ™ l’accompagnement dans le transfert de ces stratégies mentales performantes aux situations où il n’a pas l’habitude de les utiliser : il va s‘emparer de ces propositions pour une autonomie cognitive reconquise. b) Le Projet professionnel : Mon travail d’étude ‐ étude de l’existant tant en matière d’orientation, que des réactions des étudiants face à la distance entre leurs aspirations et les propositions qui leur sont faites par ailleurs, ‐ a mis en évidence les sources de dysfonctionnement de notre système d’orientation. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 152 C’est ainsi que je me suis résolument tournée vers l’élaboration d’une méthodologie du projet professionnel et distingué un travail en deux temps : Ö Ce que cette méthodologie ne devait pas être, Ö Créer un contexte autorisant le SUJET à identifier ses aspirations, non en termes de métier mais, dans un premier temps, en termes d’activités et ce dans un travail de réflexion guidée. Ce que la méthodologie à construire se devait de ne pas être : Fondée uniquement sur les résultats scolaires : cette pratique aboutit trop fréquemment - à écarter les aspirations de l’étudiant, - à « orienter par l’échec », et priver de tout élan vers l’avenir cristallisant ainsi le sujet dans un découragement menant soit à une soumission soit à une révolte à l’égard de ce qu’il vit comme une sentence - Présentation d’une liste de métiers délimitée par les résultats scolaires et établie par « celui qui sait ce qui convient pour moi » porteuse, enfin, de représentations autant multiformes qu’évanescentes. - Offre de documentation démobilisant le sujet face à l’ampleur de la tâche d’exploration laissant au hasard de cette consultation LA décision de son avenir. Les grands traits de ma proposition : Mes recherches, concevables uniquement en interaction étroite avec les réactions, retours des étudiants concernés, ont pris appui rigoureux sur des observations systématisées, d’une part, sur une démarche expérimentale hypothético‐déductive, d’autre part, et ont été menées tant sur un mode diachronique que synchronique, à la fois sur des groupes d’étudiants et auprès d’étudiants considérés dans leur individualité. Les étudiants en projet professionnel sont invités à se placer dans une situation parfaitement identifiée17 Ils sont alors guidés à chaque étape de leur progression à travers les choix qu’ils opèrent parmi les critères par eux définis et approfondis. 17
cf publication à venir : « Méthodologie du projet » AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 153 Mon intervention se fait dans la rigueur et le respect des options de l’étudiant, en vue de permettre l’identification du fil conducteur de sa réflexion vers le tracé du contour du type d’activité(s) auquel cette élaboration le conduit, avec un enthousiasme grandissant : il est l’artisan de cette construction Cette rigueur s’entend encore de la suite qui exige de faire le point sur la variété des compétences de l’étudiant, lequel découvre souvent à cette occasion qu’il possède beaucoup plus d’atouts qu’il ne croyait. Il va alors seulement procéder aux recherches nécessaires par des démarches d’exploration du terrain d’exercice professionnel envisagé : ƒ
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il peut désormais avec profit se tourner vers la documentation, l’information et les revues spécialisées offertes à leur consultation par le S.U.I.O., obtenir des entretiens avec des professionnels de l’activité retenue (vers un type de métier), identifier les filières d’études, et/ ou de spécialisation répondant à ces souhaits clairement désignés. Cette démarche est guidée par le souci de placer peu à peu le sujet dans l’autonomie de son traitement de l’information, en vue d’une prise de décision dont il se sent, dont il se sait l’auteur. 4) La population concernée: Cette démarche d’accompagnement a été élaborée et mise en œuvre au fil des ans : Auprès des étudiants à l’université : o d’abord ceux d’entre eux que j’ai ci‐dessus décrits comme demandeurs spécifiques o puis j’ai étendu cette aide dans le cadre de la Maîtrise puis du Master1 ÖCes étudiants ont à établir un mémoire et choisissent la discipline dans laquelle ils souhaitent le réaliser. Dans ce cadre‐là, lorsque j’ai estimé pouvoir étendre cette méthodologie, j’ai proposé ce travail du projet professionnel pour le mémoire. Cependant, le nombre d’étudiants intéressés étant très élevé, j’ai été contrainte de limiter dans ce cadre‐là, ce nombre à douze étudiants par an. J’ai ensuite étendu ce travail aux groupes de D.E.S.S. puis Master2 (5 filières de formations sont concernées). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 154 Et c’est enfin une méthodologie que j’étends désormais, en exercice dans mon cabinet privé : o aux étudiants dès la 1° Année, o aux élèves de lycée, o aux élèves dès le primaire, seulement pour la partie « fonctionnement cognitif », pour ce jeune public en difficulté, o et même aux adultes en souhait de reconversion, ou en difficulté dans leur emploi. 5) Bilan Prendre la liberté de dire, en guise de bilan, le plaisir qui est le mien à voir renaître sur tous ces visages anxieux, souvent découragés, espoir puis enthousiasme me tient à cœur. Les étudiants sont redynamisés, ils peuvent s’élancer : ¾ ils savent vers quoi ils vont, pour quel objectif ils travaillent, ce qu’ils visent à atteindre, ¾ ils savent comment faire pour y parvenir, ils maîtrisent le fonctionnement de leur intelligence, « les actes du connaître », qu’ils peuvent mettre à leur service Je leur rappelle qu’un projet professionnel ne peut se considérer comme « fait », il reste en élaboration et garde son auteur en éveil d’intérêts: chemin faisant, au gré des découvertes qu’ils feront, de ce que la vie leur proposera, de ce que les progrès de la science leur offriront, ils auront toujours le droit vis ‐à ‐vis d’eux‐mêmes de dévier, voire changer, sans craindre de se renier. Nombre d’entre ces étudiants m’envoient de leurs nouvelles. Qu’ils en soient ici remerciés. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 155 DOCUMENT D’ARCHIVES AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 156 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 157 L’instabilité psychomotrice A. Bougnere 1962 Communication présentée lors de la Journée Scientifique organisée le 7 avril 1962 par la Société française de Médecine Préventive et Sociale. M. le Professeur Heuyer définit ainsi l’instabilité ; « L'instabilité est un trouble psychomoteur dans lequel l’émotivité est labile, variable, comme l’inaptitude motrice à continuer la même action, à soutenir un rythme régulier, à réagir de façon constante, à persévérer dans une entreprise et au point de vue intellectuel, l'incapacité à fixer l'attention ». Pour le Professeur Michaux l'instabilité est l'inaptitude à la contention motrice et psychique ». Médecin‐examinateur scolaire, J'ai pu suivre la « belle carrière », pour reprendre l'expression de Mme Fournier, inspectrice des écoles maternelles, de la formule « c'est un instable ». M"" ARRAMSON pense que l'instabilité peut être considérée comme étant à la tête des déficiences caractérielles tant au point de vue de sa portée que de son extension. Pour Belay un enfant sur quatre est un instable. Pour Crémieux (congrès de psychiatrie de 1950) parmi des enfants étudiés pour troubles de caractère, 64 % des filles et 92 % des garçons présentaient des « tendances instables ». Les pourcentages donnés par J.Abrick, dans sa thèse, sont beaucoup plus modestes ; les recherches ont porté sur une période de dix ans et 2.896 dossiers ont été étudiés ; 311 observations d'instables ont été relevées — soit 10 % seulement — toutefois, n'ont été retenus comme instables que; les cas pour lesquels l'instabilité est l'élément dominant du tableau. Mon étude sera limitée aux instabilités psychomotrices acquises de l'enfance, de genèse psychologique ou à mécanisme psychologique dominant seront écartées de celle élude les instabilités à base organique (d'origine thyroïdienne on post‐choréique, arriérés ou épileptiques) qui représenterait 32 % des cas pour Abric, et les instabilités d'allure constitutionnelle, qui, toujours pour ce même auteur, atteignent un pourcentage de 10,6 %. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 158 En mars 1951, dans une communication publiée par les annales médicales, le Professeur HEUYER et M. LEBOVICI décrivent l'instabilité psychomotrice conditionnée, psychogène et exogène ; ils soulignent que celle‐ci réalise un processus intéressant », alors que l'instabilité dans sa forme habituelle conditionne l'inadaptation sociale, celle dernière apparait ici non conséquence mais cause d'instabilité. Egalement en 1951, le Pr Michaux rapporte dans un article des Archives française de Pédiatrie (tome VII) des observations d'instabilités psychomotrices acquises de l'enfance de genèse psychique, relevant de facteurs psycho‐sociaux. De plus le Professeur Michaux et Gallot décrivent des instabilités psychogènes mais endogènes, apparaissant comme la conséquence d'un trouble mental constitutionnel, la psychasthénie à type Pierre JANET. 8 observations ont été rapportées. Ont été éliminés : — Les enfants au‐dessous de 7 ans, pour deux raisons ; a. la difficulté d'affirmer au‐dessous de cet âge le caractère nettement pathologique d'une instabilité ; b. l'impossibilité d'appliquer chez, eux le test de Rorschach. — Les enfants dont le quotient intellectuel est inférieur à 90. — Les enfants épileptiques. Première observation : dissociation familiale Yasmina, 9 ans (Domont). Q.I. = 118. Q. moteur = normal au test de Guilmain. E.E.G. = normal. Elève du CE.1, retard scolaire 2 ans, vols, école buissonnière, enfant en perpétuel mouvement, se promenant dans sa classe en chantant, tantôt accroupie sous sa table, tantôt allongée sur son banc, massacrant vêlements el cahiers, passant sa vie scolaire dans le couloir ou les classes voisines. Expulsée durant les inspections par l’inspecteur départemental dont elle trouble le travail. Causes : dissociation familiale, enfant en nourrice chez une nourrice dépourvue de toutes vertus éducatives. J'ai pu relever 3 cas semblables. Deuxième observation: Cause : changements trop fréquents d'internats Dominique, 9 ans, Fosses. Séparation du milieu familial, séjours nombreux en aérium. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 159 Q.I. = 94. Normal Q. moteur = normal. Est au C.P Troisième observation : Cause carence éducative Gilles T..., 10 ans, Ecouen Q.L = 110 au Terman. E.E.G. = normal. Instabilité récente apparue brusquement. L'enfant a été confié après de nombreuses fugues et de multiples vols, au centre de Versailles. Les fugues continuent à un rythme tel que la mère nous dit téléphoner la veille des jours de visite pour savoir si l'enfant est toujours pensionnaire ! Est actuellement au centre d'observation de Pontoise. Pas de retard scolaire. Quatrième observation : changement trop fréquent de milieu, dissociation familiale. Pierre, 12 ans, Fosses, enfant américain. Q.J. = 105. Q. moteur = normal. Pas d'E.E.G. Fugues multiples, tics. Cinquième observation : pauvreté matérielle, alcoolisme. Yvette N..., 12 ans, Ecouen. Q.l. = 98 au Terman. Q. moteur = normal au teste de Guilmain (Confiée à l'Assistance Publique, 3 ans de retard scolaire. Sixième observation : cause : attitudes éducatives parentales anormales. Parents psychorigides. Discordances dans l'éducation entre le père et la mère René, 12 ans, Belloy. A été examiné à la Salpêtrière. Septième observation : ayant pour cause la dyslexie Brigitte, 2 ans de retard, confiée à un externat médico‐pédagogique. Terman = 110. Q. moteur = normal. EE.G. = normal. Il suffit dans ce cas de faire prendre conscience aux parents de l'origine scolaire du trouble et d’entreprendre la rééducation de la dyslexie pour voir s'amender l'instabilité. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 160 Huitième observation : gaucherie contrariée. Roger, externat médico‐pédagogique, fugues. L’adoption Je n’ai pas de cas sur mon secteur à présenter. M. le Professeur Heuyer a étudié 138 cas de situations difficiles en cours d'adoption, 22% étaient des instables. Pour cet auteur de tels cas sont liés à deux ordres de faits : 1. L’attitude des adoptants souvent hyperprotectrice, en même temps que faible sur le plan éducatif. 2. La multiplicité des foyers d’éducation dans la première enfance. En effet un enfant adopté vers 5 ou 6 ans est passé communément dans 5 ou 6 placements. Un facteur grave d'inadaptation chez l'adopté, à forme d'instabilité, est représenté par la révélation tardive de la condition d'adopté. L'évolution vers l'instabilité sociale est de règle. Tests projectifs Bien que variées, les causes de ces instabilités à mécanisme purement psychologique ont un dénominateur commun que l'étude des tests projectifs a révélé ; l'insécurisé. L'insécurisé est un élément dissolvant de la personnalité de l'enfant et l'instabilité, de même que les tics qui lui sont souvent associés, paraît être un moyen de libération de l'insécurité, de la contrainte dans laquelle vit l'enfant. Les instabilités sont dites « réactionnelles » car elles sont directement liées à une situation psychologiquement traumatisante. Dans les observations rapportées le test de Horschach a montré des difficultés affectives intenses ; les histoires abondent de problèmes de frustration affective, d'abandon et de rejet et extériorisent l'agressivité à l'égard des parents. Ces tests projectifs confirment l'impression clinique d’instabilité réactionnelle à la crainte d'abandon et au sentiment d'insécurisé éprouvés par l'enfant. Evolution. ‐ Non traitées, les instabilités psychomotrices conditionnées évoluent parfois bien mal, de la même manière que les instabilités constitutionnelles. L'instable devient un délinquant ou dans un certain nombre de cas un instable social. La délinquance se traduira par des vols, du vagabondage. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 161 Cependant il nous est permis de conclure que, si l'instabilité conditionnée constitue, ainsi que nous venons de le voir, une des voies d'entrée dans la délinquance, elle est toutefois d'un bon pronostic dans la mesure où une thérapeutique valable peut être appliquée de façon suffisamment précoce et durable. Mesures thérapeutiques Dans un premier cas l'enfant est maintenu dans son milieu, il faut alors obtenir des parents une attitude tolérante et compréhensive; quelquefois l'association neuro‐sédatifs et conseils éducatifs est suffisante ; le neuro‐
psychiatre peut aussi poser l'indication d'entretiens psycho‐thérapiques avec l'enfant. Dans un deuxième cas les moyens envisagés ci‐dessus s'avèrent inefficaces, certaines considérations relatives au milieu qui peut être, soit trop réagissant, soit nocif, soit inexistant, conduisent le neuro‐psychiatre à poser' l'indication de la mise en internat de l'enfant instable. Ces enfants‐là, ont, en effet, besoin d'un cadre apaisant, de soins et d'une discipline ferme ; aussi peut‐on émettre le vœu que pour les instables se créent, comme le préconise M. G. ROBIN, des internats spécialisés. Ici se place le problème important du retour de l'enfant dans sa famille, mais ainsi que le dit le Docteur Le Moal « au moment du retour de l'enfant dans son milieu, il faut s'attendre, à moins qu'une formation très solide ne lui ait été donnée, au retour de l'influence néfaste du milieu, donc aux récidives ». AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 162 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 163 Ecouter, observer communiquer et savoir décoder pour J.L. Grenier Institut Régional pour la Promotion de L'Education du Patient et de la Formation du Soignant A. Delepaut Comité de Quartier Moulin Potennerie M. Bulle ­. Association AGAPE 1996 Préalables à la Mise en Place d'un Projet Santé dans les quartiers Pile, Sainte Elisabeth et Moulin Potennerie de Roubaix. Avant d'aborder à proprement parler notre démarche, il nous paraît important de rappeler deux concepts: tout d'abord, celui de santé globale et également celui de communication. L'Organisation Mondiale de la Santé définit la santé comme un bien‐être physique et moral. Il est donc nécessaire d'intégrer dans le contexte de santé globale non seulement les aspects purement médicaux, mais également tout l'environnement qui va influencer le problème médical pur et son traitement, à savoir l'environnement socio‐économique, psychologique, culturel ou familial. Il est également très important de voir la santé dans son concept évolutif en partant de la prévention primaire pour terminer par la prévention quaternaire, nouvellement venue, et qui concerne plus particulièrement l'accompagnement des mourants. Guérir, c'est prescrire; en effet, si l'on prend un raccourci un peu facile, un médicament doit permettre la guérison d'une maladie... Mais une maladie n'est pas un malade, et prescrire doit être avant tout communiqué. Le concept de communication est en effet également un élément très important en matière de relation patient / soignant, et il est nécessaire que le soignant soit très conscient de ce concept pour qu'il mette son système de référence en matière de communication en synergie avec celui du patient, et non pas l'inverse. Ces deux éléments précisés, sur quelles bases peut‐on envisager la conception d'un projet santé dans les quartiers en difficulté tels qu'on les connaît à Roubaix? AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 164 La base de la réflexion est centrée sur trois axes: 1. Observer, c'est regarder. Regarder une population vivre, et en matière de santé, analyser objectivement quels sont les problèmes qui peuvent se poser dans la population concernée. Observer, c'est aussi voir ce qui ne peut pas être vu ou ce qui ne doit pas être vu... Cette observation doit donc se coupler à l'écoute. 2. L’écoute, c'est prendre le temps d'écouter... Ce n'est pas arriver avec des idées préconçues en ayant sa vérité pour l'imposer à quelque prix que ce soit. Ecouter, c'est déjà un peu comprendre. 3. L'observation et l'écoute vont conduire à une certaine analyse qui va permettre de décoder, en fonction des données socio‐économiques, culturelles, psychologiques ... et bien sûr en fonction des besoins de santé, pour ainsi définir une stratégie d'information en matière de santé. Ce qui est vrai pour la santé peut être bien sûr appliqué dans d'autres domaines. Notre démarche actuelle a pu se faire grâce à une collaboration étroite entre les professionnels de santé, des habitants de quartier, des travailleurs sociaux, des institutionnels. Elle s'est faite à partir d'une réflexion ou plutôt d'un constat, à savoir qu'une action ne peut être menée que si elle répond aux besoins de la population, et encore mieux si ces besoins ont été exprimés par elle même. C'est ainsi qu'après un "pseudo échec" dans le cadre d'un essai d'institutionnalisation d'une information nutritionnelle en milieu en difficulté, nous avons réfléchi ensemble sur la représentation de la santé que pouvait avoir les habitant." de deux quartiers de Roubaix et les professionnels travailleurs sociaux qui étaient actifs dans ces deux mêmes quartiers. Nous nous sommes ainsi aperçus qu'il existait une discordance extrêmement marquée sur la représentation de la santé vue par les professionnels et par les habitants. L'objectivité était le fait des professionnels: il est évident que la santé des habitants de quartier en difficulté n'est pas de bonne qualité. En revanche, pour ces mêmes habitants, ils se sentaient parfaitement en forme dans leur majorité. Vous voyez déjà qu'avoir une impression de mauvaise santé quand on est en difficulté n'est pas véritablement soutenable par les habitants en difficulté. L'analyse faite par les habitants sur la question "Quels sont les éléments qui vous gênent le plus pour vous occuper de votre santé?" mettait en AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 165 évidence avant tout le manque d'argent. Mais si l'on essayait d'approfondir, on voyait que le manque de temps était un élément important, de même que l'absence de relation de confiance entre le soignant et le soigné. Les éléments les plus importants reposaient cependant sur le fait qu'il existait une solitude très importante dans ces quartiers, que les participants avaient une image très négative d'eux‐mêmes avec un sentiment d'inutilité, et que si l'on y ajoutait la peur de la maladie, on comprenait ainsi pourquoi ces gars étaient aussi peu enclins à se soigner, et encore moins à recevoir et intégrer une information en matière de santé. Cette analyse, bien sûr, a été suivie d'une étude de solutions afin de préciser comment ces habitants de quartier envisagent la possibilité d'évoluer du point de vue de la gestion de leur santé dans sa globalité. Ces solutions sont en cours d'analyse, et nous croyons qu'elles déboucheront sur des options très concrètes qui, si elles sont suivies d'une volonté politique adaptée, permettront de trouver les solutions non seulement en matière de santé, mais également pour permettre une véritable renaissance de ces quartiers. Les préalables à la mise en place d'un tel projet de santé reposent, comme nous venons de le dire, sur l'observation, l'écoute et le décodage pour mieux comprendre. Ce ne sont que les préalables, et les résultats ne pourront être obtenus que si nous savons respecter le rythme de chacun, se remettre en cause régulièrement, tout en possédant les connaissances adaptées aux messages que nous voulons faire passer, et, si enfin nous savons laisser notre spontanéité de côté ou, en terme plus précis, abandonner nos vérités qui ne sont en fait que les nôtres, et ne correspondent pas véritablement aux besoins exprimés par les habitants que nous côtoyons. Pour conclure, il faut rappeler qu'un message peut être écouté mais non entendu, entendu mais non compris, compris mais non mis en pratique, et lorsqu'il est mis en pratique, on ne sait jamais pour combien de temps il le sera véritablement. L'observation, l'écoute, le décodage, sont donc les bases de toute stratégie en matière d'information, qu'elle soit dans le domaine de la santé ou dans d'autres domaines. Il faut cependant insister sur le fait que l'informateur doit toujours se remettre en cause: en effet, douter, c'est penser, et penser, c'est exister... AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 166 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 167 Symptômes révélateurs d'une scolarité perturbée Monsieur Varinard Recteur de l'Académie de Lille Texte extrait de l'intervention à Lille en 1996 (…) C'est ainsi que dans les établissements scolaires, les personnels observent facilement les symptômes qui sont révélateurs d'une scolarité perturbée. Ce sont, d'abord, de mauvais résultats, nous le savons; c'est l'absentéisme; ce sont les dérives multiples dans le cursus scolaire, lequel est d'ailleurs mal construit, à la fois par les élèves eux mêmes, mais souvent par leur famille, quand les familles s'intéressent à ce cursus. Et ce sont aussi les actes de violence... nous parlons beaucoup, vous le savez, de la violence dans nos établissements actuellement, même si nous devons relativiser et ne pas confondre violence et médiatisation de la violence. C'est aussi, nous le savons, le problème de la consommation de produits dangereux, qu'ils soient licites ou non (là encore, nous parlons souvent des consommations de drogues, oubliant qu'il y a des drogues licites, et que dans cette région, notamment, l'alcoolisme est encore quelque chose de très prégnant, il ne faudrait tout de même pas que nous l'oublions). Mais en affinant leur observation des élèves ainsi défaillants, et j'ai expliqué toutes les formes de défaillances, les enseignants qui sont le plus proche, les personnels de direction ou d'éducation, les personnels de santé (les infirmières, les assistantes sociales), mais aussi, ceux qu'on appelle d'un terme un peu plus générique, les A.T.O.S. (les agents de service), eh bien, tous ces gens‐là découvrent également beaucoup de ces élèves. Outre leurs problèmes scolaires, je devrais dire parallèlement, ils souffrent de conditions globales de vie difficiles par rapport à leurs camarades. C'est, quelquefois bêtement, le défaut de fournitures scolaires (c'est difficile de travailler quand on n'a pas ce minimum que constituent les fournitures scolaires); ce sont les repas en nombre et en qualité (en tout cas insuffisants), et, j'y viens, c'est évidemment ce qui vous concerne, le très peu d'attention portée à la santé, avec des carences souvent nombreuses en matière de soins. C'est pourquoi l'école, qui a pour objectif la réussite scolaire des jeunes, est amenée à devoir faire face à des problèmes dont je dirais qu'ils ne sont AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 168 pas à priori de son ressort. Et ceux de la santé sont un bon exemple. Elle doit le faire pour différentes raisons. D'abord, tout simplement par humanité, mais aussi par solidarité, par souci d'égalité de traitement des enfants, mais aussi parce que la santé des élèves est, tout bonnement, une condition de l'efficacité de l'acte pédagogique. Il est évident que l'on peut difficilement bien travailler si l'on n'a pas quelque chose, j'allais dire, dans le ventre, le matin. Et nous savons tous ce que cela signifie pour certains élèves. L'équilibre alimentaire est quelque chose de fondamental pour l'équilibre de la journée de classe. C'est le problème tout bête, mais ce sont des choses que vous connaissez bien, d'un problème d'audition ou de vue, (et je ne cite là que des exemples banals) qui n'a pas été décelé suffisamment tôt. Car je crois qu'il y a aussi des répercussions sur la santé, et donc sur la scolarité, d'autres éléments. On pourrait, bien sûr, signaler les troubles affectifs, les troubles psychologiques, voire (nous le savons, hélas, et ce n'est pas toujours aussi rare qu'on le souhaiterait) les mauvais traitements à enfants. Parler de santé dans l'école revient, par conséquent, d'une part à parler de la prévention de l'ensemble de la population scolaire, et d'autre part, porter une attention particulière, attentive à ceux que touche le phénomène de l'exclusion sociale. Alors, depuis longtemps, dans l'Académie, nous avons pris la mesure de ce problème et travaillé afin de venir en aide, de manière un peu plus spécifique, à ces populations défavorisées. Depuis longtemps, des structures ont été créées et des initiatives ont été prises, à tous les niveaux, qu'il s'agisse du niveau académique, du niveau départemental ou encore, du niveau local. L'objectif étant toujours le même : prévenir ce risque d'exclusion lorsque c'est possible, et le combattre tant qu'il en est temps. Je ne vais pas en faire la liste, vous allez avoir l'occasion, pour ceux qui ne sont pas de l'Académie, de découvrir quelques uns de ces systèmes que nous avons mis en place. Je pense que les plus significatives de ces expériences vous seront signalées. J'ai noté notamment, en lisant ce programme, que le Docteur FORTIN fera une intervention sur, j'allais dire son "bébé"GASPAR (autrement dit: le Groupe Académique de Soutien et de Prévention pour les Adolescents à Risques). Vous verrez que ce qu'il est demandé aux différents acteurs académiques actuellement de mettre en place, une possibilité de répondre aux appels des Chefs d'Etablissement. J'espère que vous en apprécierez à la fois l'originalité, et surtout l'utilité. Je peux dire qu'il a permis, et qu'il permet encore, de régler bien des situations préoccupantes. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 169 Toutes les pratiques orientées pour soutenir les élèves en difficultés dans l'Académie, ne touchent pas, bien sûr, au domaine de la santé. Mais je dirais que cette composante n'est jamais négligée, comme le prouve GASPAR, mais comme le prouvent, par ailleurs, tous les dispositifs d'accompagnement éducatif, social, psychologique des élèves, dans les établissements scolaires, et, bien entendu, dans lesquels s'impliquent les personnels éducatifs, les personnels sociaux, les personnels de santé. Lorsque je me déplace dans les établissements, je suis assez attentif à ce type de problèmes, et j'observe que dans la plupart des établissements, on rencontre des dispositifs de ce type. Tous les élèves, je le disais tout à l'heure, doivent disposer des meilleures conditions possibles pour réussir leur scolarité. Partant de là, il est important, d'abord, de parvenir à dépister tous les cas qui présentent des difficultés. Mais, vous le savez bien, dépister n'a de sens que s'il y a effectivement réparation. C'est bien gentil de dépister, de dire "tiens, il y a des problèmes", si on en reste là. Si on dépiste et qu'on ne fait rien, je dirais, à la limite, on peut encore creuser l'inégalité des chances. L'important, c'est donc, comme dans beaucoup de domaines, d'agir. Mais alors, la question se pose : dans quel sens agir ? Et, plus bêtement : comment travailler ? Je crois que l'expérience a prouvé que dans ce domaine, seul le regroupement des énergies porte des fruits. On peut toujours avoir des actions individuelles, elles sont souvent sympathiques, mais malheureusement, quelquefois inefficaces. Il s'agit donc, je crois, de réaliser dans tous les établissements un véritable travail partenariat, avec tous ceux qui sont concernés par les difficultés des élèves, et notamment avec les services sociaux, et, je dirais, tous les partenaires de l'école. Tous doivent se rencontrer. Alors, on le sait, cela prend beaucoup de temps, "mange du temps" comme on dit, mais je crois que cela est tout à fait nécessaire. Il me semble que les Comités d'Environnement Social sont une excellente réponse à ces problèmes que nous rencontrons. Cette Académie, là encore, s'est vue un peu pilote en développant, dans tous les établissements difficiles, les Comités d'Environnement Social. C'est un angle de la politique académique très fort : il y a un groupe de pilotage, avec des variantes, d'ailleurs, selon les lieux où nous trouvons ces Comités d'Environnement Social. Je crois qu'il n'y a pas de fatalité de l'échec. Il n'y a pas non plus de fatalité en matière de santé. Je dirais qu'épauler les jeunes en difficultés, c'est non seulement possible, mais il me semble que c'est une obligation morale qui s'impose, qui s'impose à nous tous collectivement. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 170 Je crois qu'il y a un travail éducatif considérable à accomplir, directement avec les élèves, mais aussi avec leurs familles. On oublie, je crois trop facilement, qu'il est capital d'inculquer aux élèves, quels qu'ils soient, un certain nombre de principes éducatifs multiples et divers, mais dont certains touchent à la santé (je parle plus de santé ce matin, ça me paraît logique). Cette action pédagogique est tout à fait primordiale pour briser l'engrenage, l'engrenage de l'échec scolaire, d'abord, mais nous savons bien que l'on passe aujourd'hui inéluctablement de l'échec scolaire à l'échec professionnel, c'est‐
à‐dire à l'échec tout court. Celui de l'exclusion et de la marginalisation également, avec, alors, toutes les répercussions que nous pouvons craindre, notamment quant à l'intégrité physique des personnes. Je crois qu'il faut l'affirmer : il est de notre devoir, en tant que service de l'Education Nationale, de rappeler des principes à nos élèves. Je crois que quelquefois, on l'a un peu oublié, alors qu'il n'y a plus beaucoup de gens, même pas les familles, pour le faire. Alors c'est vrai que l'école a, tout de même, et il ne faudrait pas l'oublier, a pour principale mission la transmission des savoirs, et des savoir‐faire ; c'est quand même, j'allais dire, notre "job". Mais il lui revient aussi, et peut‐être plus que jamais en ce moment, de participer à l'éducation des élèves... l'éducation à la vie. Il est important de considérer l'élève comme un futur adulte, et de l'aider à s'assumer pour devenir, demain, tout simplement, d'abord, un parent, un citoyen, un parent le plus compétent possible. L'outil scolaire, dans le sens large du terme, doit amener chaque enfant, chaque adolescent, au maximum de ses possibilités. C'est pour ça que je disais tout à l'heure, et c'est un de ces leitmotiv, nous devons nous intéresser aux plus défavorisés, il ne faudrait tout de même pas oublier les autres. Cela passe, bien sûr, par la lutte contre tous les facteurs d'exclusion et d'accroissement des inégalités. Cela passe par une attention particulière aux hommes dont les problèmes de santé ne sont pas, je le disais tout à l'heure, ou en tout cas sont très mal pris en charge. Je crois que vous pouvez être assurés, avec ce que je vous dis, mais surtout avec ce que vous entendrez, que dans cette Académie, nous nous y employons. Alors j'espère, je suis même sûr que ce colloque montrera que le travail qui a été fait mérite d'être regardé comme une certaine référence, mais je souhaite surtout qu'il permette d'ouvrir de nouvelles pistes, de valoriser celles qui ont déjà été empruntées, afin d'obtenir encore davantage de résultats sur un terrain qui reste, je crois l'avoir dit et démontré, très préoccupant. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 171 Le comportement des élèves et la réaction de l’enseignant Philippe Dessus, IUFM Grenoble Date de création : Octobre 2001, modifié 16 novembre 200118. Objectif : Ce document se centre sur les types de comportement des élèves et les types de réaction d'enseignant pouvant leur être appropriés. Il est nécessaire de lire au préalable le document sur la discipline. Introduction Dans ce document sont exposés certains types de comportement d'élèves pouvant être perturbateurs pour la classe. Ces comportements sont classés en une "typologie" qui ne doit pas être considérée comme figée, ou comme un étiquetage d'élèves, mais plutôt comme permettant une réflexion sur des types de comportements d'enseignant, en retour. D'autre part, est présentée un classement des types d'encouragements, de félicitations que l'on peut délivrer aux élèves. 18
Document SAPEA, Séminaire d'analyse des pratiques d'enseignement/apprentissage, IUFM de Grenoble http://www.upmf‐grenoble.fr/sciedu/pdessus/sapea/comportement.html AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 172 Ce que l'on sait Types de problèmes de comportement (Archambault & Chouinard, 1996, p. 151‐152) AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 173 Ce que l'on peut faire La réaction de l'enseignant : quels encouragements sont efficaces ? Il est souvent dit qu'il faut encourager, féliciter les élèves afin qu'ils aient une bonne image d'eux‐mêmes, de l'enseignant, de leur travail, etc. Pourtant, il importe de bien formuler ses encouragements, comme le montre le tableau suivant. Tableau I — Les félicitations efficaces/inefficaces (Source : Brophy, J., Good, T.L., 1986, trad. Meuret). D'autre part, de nombreux travaux (Pintrich & Schunk, 1996) ont montré que les élèves interprétaient les encouragements verbaux des enseignants, pas toujours de la manière prévue par ce dernier. Le tableau suivant montre comment peuvent être interprétés quelques interventions de l'enseignant. Sommairement, à chaque interpellation, l'élève réenvisage sa capacité au travail (efforts) et sa compétence (niveau). Par exemple, il peut réenvisager son niveau à la baisse lorsque l'enseignant l'aide trop souvent alors qu'il ne l'a pas sollicité (avant‐dernière ligne du tableau). AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 174 Tableau I ‐ Type de comportements de l'enseignant et interprétation des élèves. Analyse des pratiques 1. Listez des types de comportements dérangeants en classe et la manière dont vous y réagissez.. 2. Lisez les "profils" d'élèves ci‐dessus. Pour certains, évoquez un des élèves de votre classe qui correspond à cette description. Expliquez quel comportement vous avez et, en cas d'échec, quel comportement vous pourriez avoir. 3. Prenez connaissance des encouragements et félicitations ci‐dessus. Reprenez la liste de réactions du n° 1. Ces dernières sont‐elles adaptées ? Références bibliographiques Archambault, J., Chouinard, R. (1996). Vers une gestion éducative de la classe. Montréal : Morin. Brophy, J., Good, T.L. (1986), Teacher behavior and student achievement. In M. C. Wittrock (Ed.), Third Handbook of Research on Teaching. New York : MacMillan, p. 368. Pintrich, P. R., & Schunk, D. H. (1996). Motivation in education, theory, research, and applications. Englewood Cliffs: Prentice‐Hall. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 175 Apprendre à mieux vivre ensemble Un parcours de prévention de la maternelle à la 3ème Service de Promotion de la Santé de Chambéry AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 176 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 177 Le conseil scientifique de l’AFPSSU Monsieur Pierre Baligand, Inspecteur de l’éducation nationale honoraire chargé de l’adaptation et de la scolarisation des enfants handicapés, responsable du site "intégration scolaire et partenariat", Docteur Catherine Billard, neuro‐pédiatre à l’hôpital du Kremlin Bicêtre du Val de Marne. Professeur Jean.‐Jacques Detraux, professeur de psychologie et pédagogie de la personne handicapée. Département des Sciences Cognitives, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de Liège. Professeur Jacques Fortin, pédiatre honoraire, professeur en santé publique et en sciences de l'éducation à l'université de Lille. Monsieur Bernard Gossot, docteur en psychologie, Inspecteur général honoraire de l'éducation nationale, médiateur de l'académie de Créteil, membre du haut conseil scientifique et pédagogique de l'APAJH, membre du CA de l'entraide universitaire, président du comité français pour la scolarisation des enfants et adolescents atteints dans leur santé. Docteur Virginie HALLEY des FONTAINES médecin hospitalo‐universitaire, chercheur à la faculté de médecine Pierre et Marie Curie Docteur Sophie Lemerle, pédiatre, centre hospitalier intercommunal de Créteil, responsable de la commission adolescent de la société française de pédiatrie, présidente de la société française pour la santé de l’adolescent (SFSA). Madame Laurence Levy Delpla Inspectrice d’académie, chargée de mission à la délégation interministérielle à la famille Professeur Daniel Marcelli, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, service universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (S.U.P.E.A). Docteur Michèle Mazeau, médecin de rééducation pratiquant la neuropsychologie infantile, Paris. Docteur Xavier Pommereau, chef de service du Pôle aquitain de l’adolescent, centre Jean Abadie, CHU de Bordeaux . Docteur Anne Postel ‐ Vinay, pédiatre, service de génétique, hôpital Necker, Paris. Professeur Jean ‐ Louis San Marco, Professeur de Santé Publique CHU de Marseille. Docteur Pierre Rivière, pédopsychiatre, responsable de l'hôpital de jour du centre Marie Abadie, Paris. Professeur Régine Scelles, professeur de psychopathologie, université de Rouen. Professeur Danièle Sommelet, présidente de la Société française de pédiatrie. Hôpital d’enfants, Vandœuvre‐lès‐Nancy. Docteur Anne Laurent Vannier, chef du service de rééducation des pathologies neurologiques acquises de l’enfant, hôpital Saint ‐ Maurice, Val de Marne. AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 178 L’AFPSSU remercie ses partenaires qui soutiennent ses actions et grâce à qui cette journée a pu être organisée Notre rapprochement avec la MAIF permet de renforcer nos actions réciproques dans le domaine des activités à caractère éducatif et préventif. http://www.maif.fr/portal/maif/tous/ Sanofi Pasteur MSD est présent dans 19 pays européens. Bénéficiant du fruit de la recherche des deux actionnaires, Sanofi Pasteur MSD contribue à la protection contre les maladies infectieuses, et notamment avec le vaccin GARDASIL. http://www.gardasil.fr/ Tetra pak mène deux actions clés : la défense de l'environnement et la nutrition des enfants qui construisent le monde de demain. Afin de favoriser l'équilibre alimentaire des enfants, la distribution de lait à l'école reste l'un des moyens les plus efficaces. http://www.tetrapak.fr/ L'Association Nationale pour l’Amélioration de la Vue a de multiples actions qui s'appuient sur des partenariats avec les Pouvoirs Publics ou des organismes agissant pour la même cause et notamment pour la vision des enfants, avec le Ministère de l'Education Nationale. http://www.asnav.org/ Le DERPAD est un dispositif public au service des professionnels de l’enfance et de l’adolescence en difficulté. http://www.derpad.com/ Les Editions FABERT publient des livres autour de la pédagogie, de l'orientation et de la place de l'enfant dans notre société. Les auteurs Fabert contribuent à la diffusion d’un esprit de recherche et d’interrogation par rapport à notre système éducatif http://www.fabert.com/pages/librairie‐science‐
education.php?n_1=71390&pid=71770 ANAE‐Revue de Neuropsychologie du Développement et des Apprentissages spécialisée traitant spécifiquement des troubles du développement et des apprentissages de l'enfant et de l'adolescent http://www.anae‐revue.com/ L’Association française de personnes souffrant de troubles obsessionnels et compulsifs mène des actions pour aider les malades et leur famille à mieux comprendre cette maladie http://www.aftoc.fr.st/ L’Association nationale et internationale de Loisirs, de Rencontre et d’Education pour les enfants et adolescents Précoces participe au développement des enfants et adolescents précoces par la mise en place de centres de vacances en présence d'animateurs formés à cet effet. http://www.alrep.org/ AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 179 Collection publiée par L'ASSOCIATION FRANCAISE DE PROMOTION DE LA SANTE SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE COLLECTION Médecine Scolaire et Universitaire Editée par l'AFPSSU FRANCE: 20 Euros Pour toute demande d'adhésion et de publication de travaux personnels ou de groupes, écrire au siège social ou contacter la Présidente sur le site. http://www.afpssu.com/ Imprimerie Vasti‐Dumas 42100 Saint Etienne Dépôt légal décembre 2008 N° d’imprimeur : Imprimé en France AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 180 AFPSSU – Ces élèves et étudiants qui nous interpellent – 16 janvier 2009 à Paris 
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