P.16 « » Je suis encore vivant, pas vrai ? Abel Ferrara Abel Ferrara Abel Ferrara et Shanyn Leigh, sa compagne, actrice principale de 4h44, Dernier jour sur Terre propos recueillis par Damien Aubel et Vincent Jaury photo Jean-François Robert GRAND ENTRETIEN / Page 17 Dossier Réveillon(s) nos classiques Réveillon(s) nos classiques Noël est là, son sapin, ses cadeaux. Marre d’offrir le Goncourt ou la énième réédition des Tontons flingueurs ? Osez les modern classics, ces oubliés de la postérité artistique. La littérature et le cinéma regorgent d’œuvres qui mériteraient le titre de classique, remplissant tous les critères pour figurer au Panthéon de la culture. Mais comment les reconnaître ? Qu’est-ce qui fait un modern classic ? Pourquoi sont-ils restés dans l’ombre ? Toutes les réponses dans ce dossier. La rédaction de Transfuge a plongé dans les oubliettes du XXe siècle pour vous proposer sa sélection de modern classics, livres et dvd à réhabiliter de toute urgence. DOSSIER par Damien Aubel, Oriane Jeancourt Galignani et Vincent Jaury illustration d’ouverture par Killofer Page 62 / TRANSFUGE DOSSIER / Page 63 Remous Le verbe de Godard Godard L e rouge chez Godard, ce n’est pas seulement celui du drapeau suisse : c’est aussi celui du gauchisme tendance radicale. JLG entre résolument en militantisme à la fin des sixties. Avec Jean-Pierre Gorin, un de ses amis, qui lui ouvre les portes des groupes maoïstes à l’époque de La Chinoise, Godard fonde le groupe Dziga Vertov en 1969. Groupe, ou plutôt nébuleuse à géométrie variable, qui emprunte son nom au légendaire réalisateur de L’Homme à la caméra. On aurait pu attendre de Godard d’être un moine-soldat anonyme de l’extrême-gauche, on a en fait vu un artiste ne cessant de réfléchir à son art. Les années Dziga Vertov, sont une période de bouillonnement créatif pour Godard, qui cherche la formule d’un cinéma politique.Un cinéma dont la clé est le verbe. Retour sur cette période à l’occasion de la sortie d’un coffret, Jean-Luc Godard - Politique, chez Gaumont. par Damien Aubel photo remerciements à Quentin Becker (gaumont) Comme tous ses pairs, il s’est posé la question d’une esthétique engagée : comment faire un cinéma politique ? Comment faire un film des revendications, de la colère et des propositions utopiques ? Comment mettre lumières et sons au service de la Révolution ? Godard, homme de phrases, de mots, spécialisé dans le laminage citationnel, trouve une réponse : un cinéma révolutionnaire est un cinéma du verbe. La Révolution par le verbe Le Vent d’est, « western gauchiste » où CohnBendit joue avec Gian Maria Volonté, présente une séquence matricielle, un point de fusion où se mêlent les enjeux esthétiques et politiques auxquels se confronte Godard. Il s’agit de la scène de l’assemblée générale réunissant acteurs et équipe technique. Alors que la discussion se réduit à un brouhaha, la caméra suit une trajectoire capricieuse. Elle titube, elle passe à gauche, elle passe à droite, elle saisit des arbres, zoome sur une affiche, dézoome. Il s’agit d’un chaos soft, un désordre bucolique (on se situe dans la campagne italienne). Mais, alors qu’on tente difficilement d’emboîter les pièces de ce puzzle sonore et visuel, une voix off intervient. Une parole structurée, claire, analytique. Elle a la rhétorique questionneuse et ultra-pédagogique de l’époque (« Pourquoi ces rapports sans cesse changeants des images et des sons ? »). Mais surtout, elle joue les interprètes : elle explique l’origine de l’AG – il s’agissait de montrer un peu de la fièvre de parole collective de 68. De dire le pourquoi et le comment de ce qui apparaît comme un amas informe d’images et de voix. Pour Jean-Luc Godard, un cinéma révolutionnaire est un cinéma qui fait apparaître la parole révolutionnaire pour ce qu’elle est : non pas une imprécation d’ayatollahs d’extrême-gauche, encore moins une éructation boutonneuse d’adolescent, mais une parole bâtisseuse, qui lutte contre le chaos. Un verbe qui s’oppose à l’exploitation mécanisée de l’homme par l’homme. Le bruit de l’esclavage Prenez par exemple British Sounds. Conçue avec un militant, Jean-Henri Roger, cette commande de la télévision anglaise, est un cocktail politicoexpérimental qui brasse discours et formules sur la condition des travailleurs ou sur le féminisme. Mais on retiendra surtout l’affolante première séquence, cette magistrale démonstration de jusqu’au-boutisme cinématographique. Pendant dix minutes, la caméra suit la chaîne de montage d’une usine d’automobiles d’Oxford pendant que la bande-son vomit un bruit assourdissant, intolérable. C’est le fracas des machines, la reproduction REMOUS Le verbe de Godard 3/ en plein chaos – 5/ j’ai pris un verre avec… – 6/ chronique – 8/ chronique 9/ mauvaise humeur – 10/ la mémoire retrouvée –12/ club Transfuge 14/ le journal de… – 15/ nouvelles gueules / 3 questions à ... Littérature p.24 24 / ouverture : Le Roman d’un être, Bernard Noël 28 / critique : Récit d’un noyé, Clément Rosset 29 / critique : Lausanne, Antonio Soler 30 / critique : L’Atelier du Diable, Jáchym Topol 31 / critique : Le Conscrit, Martín Kohan 32 / critiques 34 / remous : Jack London, le Dyonisos du pauvre 38 / déshabillage : Catherine Robbe-Grillet Cinéma p.42 P. 62 Le Gai savoir (1969) avec Jean-Pierre Léaud et Juliet Berto Pour attaquer p.3 18/ introduction 20 / entretien : Abel Ferrara Page 16 / TRANSFUGE P. 54 N°63/DÉCEMBRE 2012 Le grand entretien p.16 Abel Ferrara, réalisateur de l’inoubliable Bad Lieutenant, revient avec un film sur l’Apocalypse, 4h44, Dernier jour sur terre. Un magnifique film de couple sur fond de destruction imminente de la planète. Rencontre avec le mythique réalisateur new-yorkais, de passage à Paris, entre Perrier et café. GRAND ENTRETIEN SOMMAIRE Grand Entretien 42 / ouverture : Tabou, Miguel Gomes 46 / critique : 4h44, Dernier jour sur terre, Abel Ferrara 47 / critique : Violeta, Andrés Wood 48 / critique : Marina Abramovic : The Artist Is Present, Matthew Akers 49 / critique : Les Invisibles, Sébastien Lifshitz 50 / critiques 54 / remous : Le verbe de Godard 58 / déshabillage : Valérie Donzelli Dossier p.62 64/ Sur le parvis du Panthéon 66/ Œuvres choisies, Eduard von Keyserling 68/ Au bord de la mer Noire, Israël Joshua Singer 69/ Quand plus rien n’aura d’importance, Juan Carlos Onetti 70/ Parents et Enfants, Ivy Compton-Burnett 71/ L’Ile, Eugène Dabit 72/ Critiques 74/ Interview Jean-Yves Tadié 76/ Le choix des écrivains 78/ Coffret Raymond Bernard 80/ La Valse dans l’ombre, Mervyn LeRoy 81/ Les Jeux de l’amour, Philippe de Broca 82/ Woman on the Run, Norman Foster 83/ Euréka, Nicolas Roeg 84/ Critiques 86/ Interview Jean-François Rauger 88/ Le choix des cinéastes Et pour finir p.90 90/ théâtre : Nouveau Roman, Christophe Honoré 91/ essai : Les Atticistes, Eugène Green 92/ série : Freaks and Geeks, Paul Feig 93/ expo : Mircea Cantor 94/ médias : Bruno Patino 95/ bloc-notes 96/ musique pop : Rénover ses classiques 97/ musique classique : Oratorio de Noël, Camille Saint-Saëns 98/ prophétie Page 4 / TRANSFUGE -P.4-5 Somm+ j'ai bu un verre....indd 4 26/11/12 14:39