Supernovae et radioactivité
La vie de certaines étoiles s’achève dans une gigantesque explosion qui peut amener une seule d’entre
elles à être, pendant quelques jours, aussi brillante qu’une galaxie composée de milliards d’étoiles. L’astre
lumineux et éphémère engendré par l’explosion est appelé « supernova ».
Tycho Brahe et son élève Johannes Kepler eurent chacun le privilège d’assister à l’apparition d’une
supernova visible à l’œil nu dans le ciel, respectivement en 1572 et en 1604. Le télescope n’était pas
encore inventé. Durant quatre siècles, l’humanité a alors été privée d’explosions stellaires proches. Mais,
à l’aide de télescopes de plus en plus performants, les astronomes du XXème siècle ont pu observer à loisir
les supernovae dans des galaxies extérieures, séparées de notre Voie Lactée par des distances se comptant
en millions d’années de lumière.
Dès 1950, l’idée fut émise que les restes d’une supernova contiennent une grande quantité de noyaux
radioactifs, engendrés par des réactions thermonucléaires lors de l’explosion, et que l’émission de ces
noyaux alimenterait l’astre en énergie pendant les années suivantes. Il restait à identifier le ou les noyaux
donnant cette variabilité particulière à la lumière des supernovae. Plusieurs suspects furent désignés, mais
le noyau « coupable » ne fut soupçonné qu’en 1962, lorsque J. Pankey mit en avant la chaîne nickel56-
cobalt56-fer56. Le nickel 56 a une durée de vie de 7 jours, et le cobalt 56 de 10 semaines. L’ensemble
rendait bien compte des observations des supernovae et, de surcroît, la genèse du fer, le plus abondant des
éléments lourds de l’Univers, était révélée.
Pour passer des soupçons à la preuve, il fallut attendre 1987. Cette année-là, dans le Grand Nuage de
Magellan, une petite galaxie située à 170 000 années de lumière, apparut une supernova visible à l’œil nu.
Tous les instruments en fonctionnement au sol et dans l’espace furent braqués sur elle.
La brillance de l’objet dans le ciel déclinait bien au rythme de la décroissance du nickel 56, puis du cobalt
56. Mais surtout, les rayons X et gamma émis par cet astre furent enregistrés par des dispositifs sensibles
placés à bord de satellites. Une opportunité unique s’offrait : il devenait possible de mettre à l’épreuve la
théorie de l’explosion des étoiles, de la nucléosynthèse explosive et de l’origine de la lumière des
supernovae. En effet, la décroissance radioactive des noyaux de cobalt 56 s’accompagne de l’émission de
rayons gamma à des énergies bien déterminées, 847 et 1 238 keV.
Six mois après l’apparition lumineuse, des photons gamma d’une énergie de 847 keV s’échappaient des
débris de l’explosion qui étaient devenus transparents au rayonnement électromagnétique de haute
énergie. Ils furent détectés par le satellite Solar Maximum Mission (SMM).
Ainsi fut vérifiée cette prédiction extravagante : le fer, roi de la création nucléaire, le plus solide des
noyaux atomiques, n’est pas créé en tant que fer, mais en tant que nickel radioactif.
Le 23 février 1987, une étoile du Grand
Nuage de Magellan finissait sa vie dans une
explosion catastrophique. Compte tenu de la
distance, cet événement s’était produit il y a
170 000 ans, à l’époque des dinosaures sur
Terre.
Sur ce cliché de David Malin, nous voyons le
spectacle (à gauche) et ce qu’il en reste
aujourd’hui (à droite).