La comète deHalley, lors de son dernierpassage près dela Terre, en 1986
Ce jeudi 11 juillet, le Soleil a rendez-vous avec
la Lune. L'éclipse va être totale sur une bande
qui s'étend des îles Hawaii jusqu'à Brasilia, en
passant par Mexico. Elle débutera à 19 h 23
(heure de Paris) et pourra dépasser 6 minutes
53 secondes en certains points. Un record.
Accourus du monde entier, les astronomes, les
fanatiques, les fous de « Tintin » pourront
contempler le phénomène cosmique qui leur
rappellera brutalement que la Terre appartient
au système solaire. Spectacle immuable le
disque de la Lune mord les bords du Soleil, puis
glisse sur lui. Au fureta mesure, le paysage vire
à l'ocre. Puis les ombres disparaissent et l'obs-
curité tombe. Enfin le halo de lumière se
dessine autour de notre satellite, et le paysage
revêt une teinte bleuâtre. Le vent se lève. Les
étoiles resplendissent. La température chute
brutalement de plusieurs degrés. Et les temoins
frissonnent, saisis d'une archaïque terreur
devant la disparition de l'astre de vie.
Depuis l'aube des temps, ces hasards de la
complexe machinerie 'planétaire intéressent les
scientifiques. Déjà les astrologues de Babylone
savaient les prévoir. Le 11 juillet, les équipes
françaises vont utiliser le télescope Canada-
France-Hawaii, d'un diamètre de 3,6 mètres,
installé dans l'île d'Hawaii. Jamais encore la
couronne solaire n'aura ete scrutee par un
instrument aussi puissant._
Dans l'esprit des anciens, la nuit en plein lotir
accompagne les catastrophes : le Soleil se voile
quand le Christ meurt sur la croix. Tous les
peuples primitifs attribuent cet événement à un
combat de l'astre d'or
contre une puissance
mystérieuse. L'habi-
tude de pousser de
grands cris pour faire
lâcher prise au monstre
qui s'est emparé du
g
Soleil s'est poursuivie
en Europe jusqu'au
Moyen Age.
Aujourd'hui encore les
Eclipse solaire
Indonesiens tapent sur
les bambous pour faire fuir le dragon qui dévore
le Soleil. Pour d'autres, la nuit en plein jour met
le
monde à l'envers : en 1973, on a vu
les
Touareg du Maroc, effrayés, se précipiter sous
leurs tentes. Les sorciers les avaient prévenus
que les hommes allaient mourir et les chameaux
se mettraient à parler. Mais le 11 juillet, ce n'est
pas encore la fin du monde : l'éclipse cessera
d'être observable à 22h 15 (heure de Paris).
Caroline Brizard
LA GRANDE ECLIPSE DU I I jUll I ET 1991
Sept minutes dans les ténèbres
dommage. Mais les
comètes explosent
parfois. C'est ce qui
vient d'arriver à Hal-
ley, alors qu'elle se
trouvait loin de nous,
aux confins du sys-
tème solaire. Si l'explosion s'était produite lors
d'un passage à proximité de la Terre, un fragment
aurait-il pu nous atteindre? En pratique, le risque
est infime.
N.O. —
Mais non nul, puisque les dinosaures ont
sans doute été victimes d'un événement de ce
type...
T. Montmerle. —
Il s'agit d'un scénario plausi-
ble, non d'une certitude. Le principal argument
est une découverte géologique : la couche cré-
tacé-tertiaire contient une proportion anormale-
ment élevée d'iridium. Cette couche, vieille de
quelque 60 millions d'années, correspond chrono-
logiquement à la disparition des grands reptiles.
D'où vient l'iridium ? Deux écoles s'affrontent
selon les uns, il a été apporté par un énorme objet
céleste tombé du côté du Yucatan, puis dispersé
dans l'atmosphère au moment de l'impact, avant
de se redéposer au sol. D'autres attribuent la
présence d'iridium aux cendres expulsées par une
intense activité volcanique. Dans les deux hypo-
thèses, il se serait produit un phénomène de type
« hiver nucléaire », entraînant un refroidissement
considérable de la surface de la Terre et affamant
la majorité des êtres vivants. Récemment, on a
trouvé des indices qui plaident plutôt en faveur de
l'hypothèse cosmique. Reste un maillon faible
dans la démonstration : il n'est pas prouvé que la
disparition des dinosaures découle directement
de l'hiver nucléaire. Les grands reptiles auraient
pu s'éteindre progressivement, sur des milliers
d'années. Dans ce cas, la météorite géante n'aurait
été qu'un élément parmi d'autres du changement
écologique. D'autre part, la « catastrophe dino-
saurienne » est aussi l'événement qui a permis
l'essor des mammifères. Nous n'avons pas telle-
ment lieu de nous en plaindre !
N.O. —
En dehors d'une météorite géante, d'au-
tres astres peuvent-ils mettre en danger la pla-
nète?
T. Montmerle. —
Pendant longtemps, on a
pensé, pour les dinosaures, à l'explosion d'une
supernova, comme « 1987A », qui, il y a quatre ans,
a illuminé le Grand Nuage de Magellan — la
galaxie la plus proche de la nôtre. Les supernovae
sont des étoiles au moins dix fois plus massives
que le Soleil. Leur évolution est beaucoup plus
violente : elles explosent dans un énorme dégage-
ment de matière et d'énergie, qui se propage
jusqu'à des dizaines d'années-lumière. Certains
indices démontrent que le système solaire a été, à
plusieurs reprises, plongé dans les restes d'une
telle explosion. Les supernovae projettent des
bulles de gaz porté à des millions de degrés que
l'on détecte par leurs rayonnements. Actuelle-
ment, nous sommes entourés par les déchets
d'une supernova qui a explosé il y a un million
d'années, à moins de
300
années-lumière (1) !
N.O. —
Comment se fait-il que nous n'en soyons
pas plus affectés ?
T. Montmerle. —
Le vent solaire nous entoure
d'une immense coquille protectrice qui repousse
la matière projetée par les supernovae. En somme,
l'héliosphère protège le système solaire, un peu
comme l'atmosphère protège la Terre. Mais
qu'en serait-il du rayonnement émis par une.
explosion proche ? Provoquerait-il des dégâts'
importants ? La question n'est pas purement
académique : on a fait des calculs qui montrent —
avec, il est vrai, une grosse marge d'incertitude —
que si une supernova explosait à quelques an-
nées-lumière, le flash de rayons X et gamma ferait
disparaître la quasi-totalité de la couche d'ozone.
L'atmosphère serait « aveuglée », l'équilibre
chimique ne se rétablirait pas avant un siècle.
Avec de graves conséquences écologiques et
biologiques : sans ozone, les êtres vivants seraient
grillés par les ultraviolets solaires (2).
N. O. —
Une telle
catastrophe
s'est-elle produite
dans le passé ?
T. Montmerle. —
En tout cas, ce scénario ne
convient pas pour expliquer la fin des dinosaures,
comme on l'avait d'abord cru. On sait maintenant,
en effet, que l'iridium de la couche crétacé-ter-
tiaire ne provient sûrement pas d'une supernova.
L'ensemble du matériau qui constitue la couche
est très ancien. Il correspond à la composition du
système solaire à son origine, il y a 4,5 milliards
d'aimées. Or, à la différence des météorites et des
comètes, les supernovae sont des astres jeunes à
l'échelle astronomique. Elles ont une composition
chimique différente. En revanche, dans un passé
plus récent, les carottages des glaces de l'Antarc-
tique (3) montrent à certaines époques des pics de
concentration des nitrates. Ces pics pourraient
être reliés aux rayonnements émis par les super-
novae « historiques », observées par les Chinois au
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LE NOUVEL OBSERVATEUR/NOTRE ÉPOQUE