Claudia W. Kasanji Lovers Les Demoiselles 2 2 2 Je dédie ce livre à tous les amoureux vivant sur la planète Terre et au-delà. 2 3 2 4 Le bonheur et le malheur ont toujours une cause, même si on l’ignore. Proverbe Africain 2 5 2 6 I Les dieux du stade Vendredi seize décembre deux mille onze, les Arlequins arboraient fièrement les couleurs de leur maillot, le mauve et le noir. Les basketteurs marquèrent cent seize points contre quatre-vingt-dix-neuf pour l’équipe adverse, aux couleurs rouge et blanc. Ils avaient durement mené et fait une superbe fin de rencontre grâce à Benoît Giamo, l’attaquant numéro onze, mon amour de petit copain ! Il inscrivit à lui seul trente-cinq points et sortit victorieux du 2 7 championnat national de basket-ball, ce qui ne fut pas chose facile ! Les Arlequins ont su attaquer durant le match et se maintenir jusqu’au bout. Les fans ont retenu qu’ils avaient donné le meilleur d’eux-mêmes et ils se bousculèrent tous en bas des tribunes pour une séance photo avec les géants, les dieux du stade. En allant féliciter Benoît après le match, dans le sombre couloir menant aux vestiaires, je sentis un froid me parcourir tout le dos. Sous les tribunes, l’immense stade était plongé dans l’obscurité, loin des lumières et de la foule. Mon sang se glaça à l’entrée de la grande porte bleue des vestiaires lorsque je vis Benoît, dégoulinant de sueur, embrasser avec passion une brunette pulpeuse habillée d’une minirobe moulante rouge sans oublier d’immondes talons noirs de douze centimètres de hauteur ! Cette groupie allumerait n’importe quel 2 8 homme, tellement sa plastique était superbe ! J’observais Benoît me tromper et j’en déduisis qu’il n’était plus le garçon que j’avais rencontré au lycée en secondaire. Ce gamin-là aimait passer ses après-midi à la piscine à me regarder nager. Idem pour moi, j’adorais faire mes devoirs à ses côtés sur le terrain de basket-ball du parc de Semâd ; son endroit préféré sur toute cette foutue planète ! Ces dernières semaines, il était plus distant. La fin de notre relation venait de sonner, j’étais la seule à le réaliser car Benoît avait toujours ses lèvres collées contre les siennes ! Il ne me remarqua même pas ! Planté là devant cette stupide porte bleue, je voyais notre histoire défiler sous mon nez, telle une étoile filante. Croyant tout ce temps qu’il était mon prince charmant, je me sentis naïve, trahie et conne. Ces longues journées passées ensemble à nous 2 9 projeter dans l’avenir n’avaient plus aucune importance ! Mon cœur n’était pas près d’en guérir de sitôt. Je ressentis à nouveau un froid me parcourir, mais cette fois, c’était mon soda à l’orange qui coulait sur mes Manolo tout neufs, tachant au passage ma jupe crayon noir. Je pressais la cannette de toutes mes forces entre les mains et, alors qu’aucun cri ne s’échappa à cet instant, j’entrepris de lâcher dans les vestiaires du stade les deux hot-dogs que j’avais avalés quelques heures avant le match. Le bruit du soda et les restes de mon déjeuner sur le sol les firent s’arrêter ; sans un mot, je me précipitai dans l’immense couloir à ma droite et, aux bruits des pas que j’entendais, je compris que mon petit copain me poursuivait. Haletante, je courus jusqu’au parking du stade, m’introduisis dans la Fiat 500 rouge. Oubliant de boucler ma ceinture, je 2 10 démarrai à pleine vitesse sans me soucier d’Ayo, ma meilleure amie, laissée derrière parmi la foule. Mais que pouvais-je faire ? Benoît était mon premier amour, celui à qui j’avais tout offert ! J’étais hors de moi. La fenêtre du véhicule baissée, je grillais chaque feu de circulation sur mon chemin, le vent glacial de ce mois de décembre effleurait mon visage, et des envies meurtrières submergeaient mes pensées. Ce tourment devait cesser ! Seule une pensée positive me vint à l’esprit : Angora, mon chat. C’était un persan d’un an, tout noir à poils longs, aux yeux verts bridés. Un cadeau de ma vieille cousine Neménia, qui vit en Angleterre : « Ce chat est gras et devrait suivre un régime ! » nous conseilla plusieurs fois Basil, le charmant vétérinaire slash voisin. Je mettrais ma main à couper qu’il en pince pour Ayo 2 11 depuis notre emménagement, il y a un an de cela, dans le quartier. Je roulais à cent trente à l’heure sur la chaussée et toujours aucun chat à l’horizon. Seulement moi ! Suzie Martin, vingt ans, jeune étudiante pulpeuse qui tuerait pour perdre ses pommes d’amour en trop ! Que vous dire d’autre ? : « Fille unique d’un père français et d’une mère congolaise, mon enfance fut douce et joyeuse. En mille neuf cent quatre-vingtdix-neuf, mon père, Nathanaël Martin, fut embauché dans une boîte de logistique dans la région flamande. Et le premier décembre de cette année-là, jour de mes neuf ans, nous quittions la France pour la petite Belgique. Ma nouvelle voisine de palier de l’époque, Ayo, devint ma meilleure amie. » Ma montre en toc indiquait deux heures du matin ; je réalisais au volant de la Fiat que mon mec me trompait, et je craignais qu’entre 2 12 nous, ce soit officiellement terminé ! Mon réveil sonna à neuf heures du matin ce samedi quatorze avril, et quatre mois s’étaient déjà écoulés depuis ma séparation avec Benoît. Vous n’imaginez pas mon calvaire pour sortir du lit, j’étais au bord du gouffre. Ressentant tous les organes de mon corps se nouer entre eux, je pensais tellement à lui que manger devenait impossible. Et si ce chagrin à la noix continuait à me ronger de la sorte, j’allais tomber malade, c’était sûr ! Ma rupture avec Benoît n’était plus si récente, je voulais tant l’oublier, passer à autre chose, mais en vain ! Ayo me demanda à plusieurs reprises de reprendre du poil de la bête, mais difficile à faire dans mon cas ! C’est vrai qu’Ayo me comprenait et c’était grâce à cette complicité qu’à la fin de nos études, nous décidions de quitter Semâd, une ville francophone de Belgique, pour 2 13