portrait Tous les mois, découvrez une personnalité de votre ville Boulogne-Billancourt : le salon d’un appartement dans une rue tranquille du quartier des Princes. Lui est grand. Il occupe l’espace, avec cette envergure tranquille qui en a fait une silhouette si familière de l’écran, depuis près de cinquante ans. Elle, son alter ego, comédienne comme lui, avec lui. l la cherche sans cesse des yeux. « Agathe! ». Elle, c’est Agathe Natanson son épouse. Menue, souriante. Dans leur salon boulonnais, qui s’ouvre sur un joli jardin très tranquille, le couple parle d’une même voix de leurs plantations de fines herbes et de radis, de leur tournée en cours et… de leurs poules, qu’ils viennent d’acquérir au Salon de l’Agriculture. Mais précision utile, donnée avec un grand rire: « Rassurez les voisins! Ce sont des poulettes qui ne font pas de bruit; pas de cot cot cot… » Tout a été dit sur Monsieur Marielle, en particulier à l’occasion de la sortie de son livre* mi-sérieux, mi-truculent, à l’image de son auteur. Ses attaches terriennes à sa Bourgogne natale, son amour de la bonne chère et son inoxydable amitié avec ses compagnons de bamboche du temps de l’insouciance, celui du Conservatoire: Belmondo, Rich, Rochefort et les autres. Avec lesquels il a fait les quatre cents coups, avant – et après- que cette promotion exceptionnelle n’imprègne définitivement le cinéma français. Quand on l’interroge sur ses fiertés, ses cent films, il balaie la question mais montre d’un geste son incroyable collection de disques de jazz (vinyles, s’il vous plaît!), témoignant d’une passion totale, pêchée dans les caves du Saint-Germain de la grande époque, virus qu’il a transmis à son épouse. Tous deux se sont rencontrés il y a une quinzaine d’années par l’ami Jean-Paul (Belmondo) avec qui Agathe jouait Tailleur pour dames. Toute jeune, elle qui fut une pensionnaire de la Comédie Française pendant près de 5 ans, a interprété Molière et Beaumarchais. Elle avoue un penchant immodéré pour Marivaux. Lui, on lui connaît une prédilection pour Flaubert. Pince sans rire, Marielle est un modeste qui se définit comme un artisan au service des textes. Ils ont ainsi en commun l’amour du verbe, de la belle langue, et se sont sentis servis en tournant ensemble dans la série des « Maupassant » pour la télévision. Indifférent à la célébrité, il assène: « Le seul lieu de la représentation, c’est la scène; je me fous de mon image, l’abandonnant volontiers aux miroirs, seulement quand il est venu le temps de se raser, et encore: je me suis assez vu pour m’en dispenser. » C’est son penchant pour le vélo qu’il pratique dans le Bois, et son envie de tranquillité qui l’ont amené, il y a de nombreuses années déjà, vers Boulogne-Billancourt; vers ce jardin peuplé d’écureuils dans les arbres, qu’il appelle son « petit coin de province à Paris. ». Elle, l’authentique germanopratine, a consenti à venir cultiver avec lui son jardin, entre deux tournées ou tournages. Et là, justement, ils sont en tournée, avec une pièce jouée plus de 500 fois déjà : Les mots et la chose de Jean-Claude Carrière. Un dialogue sur scène, un jeu des mots, qu’ils évoquent avec gourmandise, comme un prolon- © Baptiste Piégay I JEAN-PIERRE MARIELLE ET AGATHE NATANSON Elle et lui Le seul lieu de la représentation, c’est la scène ; je me fous de mon image. gement de leur symbiose à la ville. Hier Angoulême, demain Metz. Si on leur parle de performance, ils rient. Car pour ces deux compères-là, partir en tournée théâtrale ressemble bien à partir en goguette. Elle raconte: « Nous aimons beaucoup ça. Nous visitons ainsi des villes où nous n’irions jamais. Nous arrivons suffisamment tôt pour pouvoir nous balader: il y a toujours un musée, des jolies rues, et les gens sont gentils. Et puis… c’est important, je déniche un bel hôtel et un bon restaurant! Pas de téléphone, on est tous les deux… des petites vacances ». Des escapades qui alternent avec l’aventure collective, souvent fusionnelle, qu’est un tournage. Dont il dit: « On vit ensemble, on mange ensemble, pendant des semaines. Autant être avec des gens de bonne compagnie! » Comme ceux qu’il va rejoindre en avril, José Garcia et Gad Elmaleh, pour le prochain film d’Olivier Dahan (La Môme). Son titre: Les seigneurs. Auprès de sa gente dame, lui, il en est un. Christiane Degrain * Le grand n’importe quoi (Calmann-Lévy) 7