5-049-D-16 Métrorragies du premier trimestre de la grossesse S. Ploteau, H.-J. Philippe, N. Winer Environ 25 % des grossesses saignent lors du premier trimestre de gestation. Parmi elles, la moitié évolue en fausse couche. Les deux principales étiologies sont la grossesse extra-utérine et la fausse couche spontanée. Le diagnostic repose sur l’examen clinique mais aussi sur le dosage plasmatique quantitatif de la composante  de l’hormone chorionique gonadotrophine (HCG) et l’échographie pelvienne le plus souvent endovaginale. La prise en charge dépend avant tout du retentissement hémodynamique et bien sûr du diagnostic étiologique. En cas de grossesse extra-utérine, le traitement est soit médical, soit chirurgical. En cas de grossesse non évolutive, la prise en charge, auparavant chirurgicale en premier lieu, est maintenant le plus souvent médicale ou abstentionniste ; le misoprostol est alors un traitement très efficace. L’expectative est classique lors de fausse couche incomplète. L’interrogatoire, l’examen clinique et le couplage échobiologique permettent de faire le diagnostic dans la quasi-totalité des cas. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Métrorragies du premier trimestre ; HCG ; Fausse couche ; Avortement ; Misoprostol ; Grossesse extra-utérine Plan ■ Introduction ■ Épidémiologie 1 ■ Démarche diagnostique Évaluation de l’importance des saignements et du pronostic vital maternel 2 ■ Interrogatoire Examen clinique Examens complémentaires en urgence 2 2 2 ■ Étiologies Grossesses ectopiques Môle hydatiforme Avortements provoqués Métrorragies avec grossesse intra-utérine 3 3 3 3 4 ■ Traitements En cas de grossesse intra-utérine non évolutive En cas de grossesse intra-utérine évolutive En cas d’avortement hémorragique 5 5 7 7 ■ Conclusion 7 1 2 Introduction Les métrorragies du premier trimestre de la grossesse sont des saignements provenant du vagin entre la 4e et la 12e semaine d’aménorrhée. Vingt à vingt-cinq pour cent des grossesses saignent au premier trimestre. Parmi elles, 50 % s’interrompent EMC - Obstétrique/Gynécologie Volume 7 > n◦ 3 > juillet 2012 http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0335(12)55691-7 spontanément et 50 % arrivent à terme. Parmi ces grossesses qui évoluent, on observe un taux de mortalité périnatale multiplié par 1,3 à 5 et un taux de prématurité multiplié par 1,2 à 2,3. Ce sont donc des grossesses à risque. Jusqu’à preuve du contraire, toute grossesse qui saigne à ce terme est une grossesse extrautérine (GEU). Outre cette cause, il faut évoquer comme étiologie la fausse couche spontanée du premier trimestre, la menace de fausse couche du premier trimestre et les pathologies cervicales. Plus rarement il s’agira d’une môle hydatiforme [1] . Un certain nombre de grossesses vont présenter des métrorragies mais évolueront favorablement. Le diagnostic repose sur la clinique et sur la biologie avec le dosage quantitatif de la composante  de l’hormone chorionic gonadotrophin (HCG) plasmatique et sur l’échographie pelvienne de préférence endovaginale. Depuis quelques années, la prise en charge est de moins en moins chirurgicale et on s’oriente actuellement plus vers l’expectative ou le traitement médical en l’absence de retentissement hémodynamique et si le contexte le permet. Épidémiologie Les différentes études montrent une incidence des métrorragies du premier trimestre de la grossesse variant de 21 % à 27 % [2, 3] . Parmi elles, la moitié évolue vers une interruption spontanée et l’autre vers un accouchement. Le Tableau 1 montre l’évolution de ces grossesses. Il a été montré que les métrorragies du premier trimestre de la grossesse ont un impact sur le déroulement de la grossesse en cours. Il semble qu’elles augmentent le risque d’accouchement prématuré entre 32 SA (semaine aménorrhée) et 36 SA de 3,6 % à 1 5-049-D-16 Métrorragies du premier trimestre de la grossesse Tableau 1. Issues de 657 grossesses de la conception à la 20e semaine et après la 20e semaine [2] . Issues avant la 20e semaine IVG 76 Fausses couches 67 Grossesse ectopique 6 Perdues de vue 31 Grossesse en cours 477 Évolution après la 20e semaine IVG 1 Fausse couche tardive 0 Perdues de vue 27 Naissances 449 IVG : interruption volontaire de grossesse. 6,1 % et le risque d’accouchement entre 28 SA et 31 SA de 0,3 % à 0,9 %. Le risque de décollement placentaire est accru de 1 % à 1,4 %. Le risque de récidive de saignement lors du premier trimestre d’une grossesse suivante est de 2,2 % à 8,2 % [4] . Par ailleurs, la mortalité périnatale est significativement augmentée ainsi que le pourcentage de fœtus de petit poids à la naissance [4, 5] . Une méta-analyse récente a mis en évidence une augmentation des complications maternelles et périnatales en cas de menace de fausse couche lors du premier trimestre de la grossesse [5] . Les femmes ayant eu une menace de fausse couche ont un risque significativement accru d’hémorragie anténatale liée à un placenta bas inséré (odds ratio [OR] 1,62, 95 % intervalle de confiance [IC] 1,19, 2,22) ou d’origine inconnue (OR 2.47, 95 % CI 1.52, 4.02). Le taux d’accouchement prématuré (OR 2,05, 95 % CI 1.76, 2.4) et les retards de croissance intra-utérins (OR 1,54 ; 95 % CI 1.18, 2.00) sont également augmentés. La mortalité périnatale est accrue (OR 2,15 ; 95 % CI 1.41, 3.27). Des facteurs de risques de fausse couche du premier trimestre de la grossesse ont été identifiés. Une étude prospective danoise a mis en évidence une augmentation de ce risque en rapport avec l’âge maternel [6] . Ils mentionnent un taux de fausse couche spontanée croissant de 8,9 % dans une population de femmes âgées de 20 ans à 24 ans et de 74,7 % chez celles de 45 ans et plus. Indépendamment du nombre antérieur de fausse couche, l’âge maternel semble être un facteur de risque important. Démarche diagnostique Évaluation de l’importance des saignements et du pronostic vital maternel Il s’agit d’éliminer en premier lieu l’urgence vitale. On recherche des signes de choc (pâleur, hypotension artérielle, tachycardie, dyspnée). En cas de situation maternelle préoccupante, est réalisé un bilan préopératoire en urgence, ainsi qu’une prise en charge médicale de l’hypovolémie avec perfusion de soluté de remplissage voire transfusion sanguine et on se préparera à un geste hémostatique rapide (aspiration d’une fausse couche hémorragique, cœlioscopie voire laparotomie en cas de GEU rompue...). Interrogatoire On consignera successivement dans le dossier médical : • âge de la patiente (aneuploïdies plus fréquente avec l’âge), ethnie (maladie trophoblastique plus fréquente en Asie), mode de vie (tabagisme), notion d’un rapport fécondant ; • antécédents : ◦ familiaux : maladie héréditaire, malformations, anomalie chromosomique, maladie thromboembolique, distilbène, etc., 2 ◦ médicaux et chirurgicaux : en particulier antécédents thromboemboliques, prise médicamenteuse, diabète, dysthyroïdie, ◦ gynécologiques : chirurgie tubaire, GEU avec modalités de traitement et complications éventuelles, contraception, dispositif intra-utérin (DIU), infections sexuellement transmissibles, salpingite, malformation utérine (synéchie opérée, cloison, utérus distilbène opérés ou non, fibrome, stérilité), ◦ obstétricaux : fausse couche voire fausses couches à répétition, accouchement prématuré ; • caractéristiques des métrorragies : ◦ date des dernières règles normales, ◦ date de début des métrorragies, ◦ couleur (brunes, sépia, rouges), ◦ abondance, ◦ durée (la grossesse a d’autant plus de risque de s’interrompre que les saignements durent plus de 6 jours ou 7 jours, ◦ caractère spontané ou provoqué ; • signes associés : ◦ douleur (siège, type, importance), des scapulalgies peuvent être en rapport avec un hémopéritoine, ◦ diminution ou disparition des signes sympathiques de grossesse (tension mammaire, nausées, etc.) qui fait évoquer un arrêt de la grossesse, ◦ signes sympathiques de grossesse au premier plan (maladie trophoblastique), ◦ hyperthermie (doit faire évoquer une cause infectieuse ou des manœuvres abortives), ◦ pertes liquidiennes associées au saignement qui font évoquer une rupture des membranes. Examen clinique • Examen général (retentissement du saignement, contexte clinique, poids, état général, état nutritionnel, asthénie récente ou ancienne). • Examen de l’abdomen : douleur, défense, contracture, présence de cicatrices antérieures. • Spéculum : ◦ origine du saignement (cause cervicovaginale, origine utérine), ◦ réalisation d’un frottis cervicovaginal si patiente non à jour, ◦ matériel en cours d’expulsion (débris ovulaire, vésicules dans le cadre d’une maladie trophoblastique) ; • Toucher vaginal : ◦ ouverture du col (ouverture en faveur d’une fausse couche), ◦ volume utérin : taille normale pour le terme en faveur d’une grossesse intra-utérine évolutive ; trop petit pour le terme en faveur d’une GEU ou d’une grossesse interrompue ; trop volumineux pour le terme évocateur d’une môle, d’une erreur de terme, d’un fibrome, d’une grossesse gémellaire, ◦ appréciation des annexes : douleurs provoquées, masse latéro-utérine (évocateur d’une GEU), parfois kyste du corps jaune pouvant être hémorragique. Examens complémentaires en urgence Échographie par voie abdominale et vaginale L’échographie est une technique simple et bien acceptée par les patientes. Elle précise la localisation de l’œuf et sa vitalité : • Soit utérus vide : on évoque alors une grossesse trop jeune pour être vue, une fausse couche complète, une GEU avec parfois aspect de pseudo-sac correspondant à une décidualisation de l’endomètre associé ou non à une image de masse latéro-utérine et à un épanchement intrapéritonéal. • Soit présence d’un œuf intra-utérin : on évoque un hématome décidual avec décollement du pôle inférieur de l’œuf, une grossesse arrêtée, une grossesse gémellaire en voie d’expulsion, une môle hydatiforme (images floconneuses intra-utérines avec absence d’embryon, le taux de HCG est alors beaucoup plus élevé qu’il ne devrait l’être). L’échographie vaginale permet la confirmation précoce du diagnostic de grossesse arrêtée, dès l’existence d’un sac gestationnel supérieur à 15 mm de grand EMC - Obstétrique/Gynécologie Métrorragies du premier trimestre de la grossesse 5-049-D-16 axe sans écho embryonnaire mesurable ou sans vésicule vitelline visible ou en présence d’un sac gestationnel supérieur à 20 mm contenant un embryon de plus de 5 mm sans activité cardiaque [7, 8] . Dosage quantitatif des HCG plasmatiques Dans des conditions de grossesse normale, le taux double approximativement toutes les 48 heures. En cas de taux faible ou de cinétique anormale, on évoquera toujours en premier lieu la GEU. Il peut s’agir aussi d’une grossesse arrêtée. Une cinétique normale est de bon pronostic mais on ne peut éliminer une GEU avec certitude. Un taux très élevé est en faveur d’une môle hydatiforme. La confrontation échographie et dosage des HCG plasmatiques quantitatifs est souvent nécessaire jusqu’à ce que le diagnostic soit posé et la GEU éliminée. Groupe sanguin avec détermination du rhésus si celui-ci n’est pas connu. En cas de rhésus négatif et de conjoint rhésus positif une prévention de l’allo-immunisation rhésus est à réaliser par une injection de gammaglobulines anti-D. Étiologies Les quatre étiologies les plus fréquentes sont la fausse couche spontanée du premier trimestre, la menace de fausse couche du premier trimestre, les pathologies cervicales avec au premier plan les ectropions et évidement la GEU. L’examen clinique avec spéculum permet en premier lieu de distinguer le caractère intra-utérin des saignements. Celui-ci peut mettre en évidence une cause cervicale ou vaginale et la prise en charge est alors totalement différente. Parfois l’examen clinique permet de visualiser un sac en cours d’expulsion et de poser ainsi le diagnostic de fausse couche spontanée. Enfin, en cas de grossesse arrêtée le toucher vaginal permet d’apprécier le degré d’ouverture du col afin d’évaluer les chances de succès du traitement médical. Le caractère intra-utérin des saignements étant confirmé, il convient d’évoquer les étiologies qui suivent. Le Tableau 2 présente les éléments de l’examen clinique orientant vers l’une des quatre étiologies principales [9] . Grossesses ectopiques Grossesse tubaire Dans une étude américaine récente, l’incidence des GEU est de 0,64 % dans une population de femmes âgées de 15 ans à 44 ans [10] . Ce taux augmente avec l’âge, de 0,3 % chez les femmes de 15 ans à 19 ans, il passe à 1 % chez les femmes âgées de 35 ans à 44 ans. Dix à vingt pour cent des femmes enceintes vont présenter des symptômes anormaux (métrorragie ou douleurs) en début de grossesse ; parmi elles une certaine proportion (5 % à 30 %) sera effectivement porteuse d’une GEU. Sur le plan symptomatique, on retrouve classiquement la triade associant retard de règles, douleurs pelviennes, métrorragies. L’information de l’existence d’un retard de règles manque dans 20 % à 50 % des GEU. L’interrogatoire recherche des facteurs de risque de pathologie tubaire. L’examen clinique retrouve classiquement un col fermé, des métrorragies peu abondantes, sépia. Le volume utérin est normal. On peut palper une masse latéro-utérine douloureuse ou retrouver une sensibilité annexielle. L’échographie met en évidence une vacuité utérine ou un pseudo-sac, parfois une image latéro-utérine évocatrice et un épanchement du cul-de-sac de Douglas. La vacuité utérine est surtout interprétable en cas de HCG plasmatiques supérieurs à 1 500 UI/l. La prise en charge est traitée dans l’article « Grossesse extra-utérine » de l’EMC. Le traitement avant tout chirurgical il y a quelques années devient de plus en plus médical et conservateur grâce au méthotrexate. Ce traitement médical qui représentait 11,1 % des traitements de la GEU en 2002 est passé à 35,1 % en 2007. Le taux d’échec reste significatif et est estimé à 14,7 % [10] . EMC - Obstétrique/Gynécologie Grossesses interstitielles, angulaires et cornuales Le diagnostic différentiel de ces grossesses est rarement facile et repose sur la laparoscopie bien que les progrès en échographie notamment 3D permettent maintenant souvent d’anticiper le diagnostic. Par rapport aux grossesses tubaires, le risque de rupture avec hémorragie importante est élevé. Le traitement est classiquement chirurgical par laparoscopie. Le traitement médical par laparoscopie avec injection in situ de méthotrexate a été rapporté avec succès par plusieurs équipes [11] . Grossesse isthmique et cervicale Le diagnostic de grossesse isthmique repose sur des données cliniques et échographiques (sac en position isthmique ou cervicale, vacuité du corps utérin). Une évolution à terme est possible mais le risque hémorragique est majeur. Plusieurs options thérapeutiques sont envisageables si la grossesse n’est pas prolongée : le traitement médical par méthotrexate, le curetage évacuateur simple qui reste à haut risque de complications ou le curetage après ligature ou embolisation des artères utérines et, l’hystérectomie. Le succès du traitement conservateur semble être corrélé aux critères retenus dans les grossesses cervicales, prenant en compte l’activité cardiaque, le taux des HCG, l’âge gestationnel et la longueur craniocaudale. Certains recommandent l’injection systémique de méthotrexate [12] . D’autres recommandent l’injection in situ du méthotrexate en cas d’échec de l’injection systémique [12–14] . Beaucoup d’équipes préfèrent associer au méthotrexate l’embolisation des artères utérines afin de diminuer le risque de saignements abondants qui reste élevé dans cette localisation [15] . D’autres auteurs préconisent l’embolisation des artères utérines immédiatement avant curetage de la grossesse cervicale [16, 17] . Grossesse ovarienne Le diagnostic est le plus souvent laparoscopique. La clinique est identique à celle de la grossesse tubaire. Le traitement est le plus souvent chirurgical. Môle hydatiforme Il s’agit d’une dégénérescence trophoblastique de l’œuf. Les signes sympathiques de grossesse sont souvent très marqués (vomissements, tension mammaire, effets T4 liée, etc.). L’examen au spéculum permet parfois de visualiser des vésicules molaires. Au toucher vaginal, l’utérus est souvent sensible et trop gros pour le terme de la grossesse. On retrouvera éventuellement des masses annexielles. L’échographie retrouve typiquement des images floconneuses sans embryon et des kystes ovariens. Biologiquement le taux de HCG est très augmenté (200 000 UI/l-400 000 UI/l) et une protéinurie est souvent associée. Le diagnostic formel ne sera fait que sur examen anatomopathologique du produit d’aspiration du contenu intra-utérin ; aspiration qui devra être extrêmement prudente en raison du risque perforatif et hémorragique associé. L’examen anatomopathologique permettra en particulier d’éliminer un choriocarcinome. La surveillance de la décroissance satisfaisante du taux de HCG plasmatique est impérative. Une chimiothérapie pourra parfois être instituée. Un avis pourra être sollicité au centre de référence des maladies trophoblastiques de Lyon (www.mole-chorio.com). Avortements provoqués Cette situation est devenue rare voire exceptionnelle depuis la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Le tableau est celui d’un avortement spontané souvent dans un contexte fébrile associé à un contexte social difficile. La prise en charge en urgence consiste en l’hospitalisation de la patiente, institution d’une antibiothérapie intraveineuse à large spectre, évacuation de l’utérus par aspiration sous contrôle échographique. 3 5-049-D-16 Métrorragies du premier trimestre de la grossesse Tableau 2. Présomption diagnostique devant une hémorragie du 1er trimestre de grossesse au terme de l’interrogatoire et de l’examen clinique [9] . Avortement en cours Menace d’avortement GEU ampullaire Antécédents de FCS Antécédents de FCS Tabagisme Dispositif intra-utérin Microprogestatifs Antécédents de lésion tubaire (chirurgie, salpingites) PMA Douleurs Intenses de type coliques expulsives Absentes ou modérées Variables Absentes Douleur abdominale latéralisée Absentes Saignements Abondants avec caillots Modérés Variables : souvent modérés, bruns, parfois plus abondants et d’aspect rouge (très variable) Modérés à minimes Facteurs favorisants : examen gynécologique, rapport sexuel, ectropion connu Abdomen Douleur hypogastrique médiane Peu ou pas de douleur Douleurs modérées, latéralisées Indolore Toucher vaginal Utérus gravide Très douloureux et dur Col ouvert Utérus non ou peu douloureux Col fermé Variable : pas de douleur ou hyperalgique Douleur latéralisée à un cul-de-sac vaginal Col fermé Indolore Col fermé Spéculum Matériel trophoblastique dans le col Saignements venant de l’endocol Saignements venant de l’endocol Saignements venant de l’endocol le plus souvent modéré et brun (parfois abondant) Ectropion saignant au contact Antécédents Pathologie cervicale Signes fonctionnels Signes physiques GEU : grossesse extra-utérine ; FCS : fausse couche spontanée ; PMA : procréation médicalement assistée. Métrorragies avec grossesse intra-utérine Menace d’interruption spontanée de la grossesse ou menace d’avortement Le volume utérin est en rapport avec l’âge gestationnel, le col est fermé, il n’existe pas de masse annexielle (sauf éventuellement un corps jaune palpable cliniquement), le cul-de-sac de Douglas est souple. L’échographie montre un sac gestationnel intra-utérin avec un embryon et une activité cardiaque. Les différentes causes peuvent être : • la lyse d’un deuxième jumeau en début de grossesse ; • un décollement trophoblastique (hématome décidual) ; • une endométrite déciduale de pronostic très défavorable ; • une insertion ovulaire basse ; • souvent, la cause n’est pas retrouvée et le pronostic est favorable dans 93 % des cas [18]. Interruption spontanée de la grossesse ou avortement spontané Le plus souvent asymptomatique, dans la majorité des cas la patiente ne présente pas de signes fonctionnels en dehors des métrorragies. L’utérus est de petite taille pour l’âge gestationnel théorique, le col est parfois ouvert et il n’y a pas de masse annexielle perçue. Les signes sympathiques de grossesse auront disparu. L’échographie fait le diagnostic avec présence d’une grossesse intra-utérine et un embryon de taille inférieure à ce qu’il devrait être selon le terme théorique. L’activité cardiaque est absente. Les étiologies sont nombreuses et sont développées dans l’article sur les fausses couches à répétition. L’origine est chromosomique dans 70 % des cas avant 6 semaines d’aménorrhée et dans 50 % des cas dans les 10 premières semaines d’aménorrhée [19] . La prise en charge dans cette forme paucisymptomatique peut être abstentionniste dans un premier temps ; on convoque alors la patiente une semaine plus tard pour une échographie de contrôle et la grossesse arrêtée s’expulse le plus souvent spontanément. En cas de confirmation d’une grossesse non-évolutive sans expulsion spontanée, on peut envisager soit un traitement médical par misoprostol soit un traitement chirurgical par aspiration. 4 Tableau 3. Facteurs pronostiques en cas de menace de fausse couche lors du premier trimestre de la grossesse [20] . Facteurs pronostiques favorables Facteurs pronostiques défavorables Histoire Âges gestationnel avancé Âge maternel > 34 ans Nombre de fausses couches précédentes Échographie Activité cardiaque normale Bradycardie Décalage entre l’âge gestationnel et la LCC Sac gestationnel vide > 15-17 mm Marqueurs sériques maternels Valeurs normales Valeur basse de HCG Fraction  libre HCG < 20 ng/ml Progestéronémie < 45 nmol/l Inhibine A < 0,553 MoM CA125 ≥ 43,1 U/ml LCC : longueur craniocaudale ; HCG : bêta de l’hormone chorionique gonadotrophine. Facteurs évolutifs de la menace d’avortement spontanée Des facteurs pronostiques ont été mis en évidence (Tableau 3) [20] . L’âge avancé augmente le risque de fausse couche par rapport à la population générale. Une étude prospective a mis en évidence que les femmes de plus de 34 ans ont un risque plus élevé avec un odds ratio de 2,3 [21] . Certains critères échographiques ont été associés à des risques élevés. Un sac gestationnel vide d’au moins 15 mm à 7 semaines et de 21 mm à 8 semaines chez une femme symptomatique est associé à un risque de 90,8 % de faire une fausse couche [22] . Un sac d’un diamètre de 17 mm sans embryon ou de 13 mm sans vésicule vitelline est en faveur d’une grossesse non-évolutive avec une spécificité et une valeur prédictive de 100 % [23] . L’activité cardiaque est normalement visible dès que l’embryon mesure 5 mm. Plusieurs études prospectives reportent un taux de perte de 3,4 % à 5,5 % si des saignements apparaissent EMC - Obstétrique/Gynécologie Métrorragies du premier trimestre de la grossesse 5-049-D-16 après que l’activité cardiaque est apparue [24, 25] . Une bradycardie fœtale et un décalage entre l’âge gestationnel et la longueur craniocaudale sont également des facteurs de mauvais pronostic [26, 27] . Une étude prospective a montré que la présence de l’un de ces trois facteurs (bradycardie fœtale, décalage entre les mesures du sac gestationnel et de la longueur craniocaudale et le décalage entre le terme calculé par rapport aux dernières règles et le terme échographique de plus d’une semaine) augmente le risque de fausse couche de 6 % lorsqu’aucun de ces signes n’est présent à 84 % lorsque les trois sont présents [21] . La valeur pronostique de l’hématome sous-chorial retrouvé en échographie est discutée. Alors qu’il est associé, lorsqu’il est important, à un risque de fausse couche multiplié par 3 (19 % versus 71 %) chez les femmes présentant des métrorragies, la présence et même la taille de l’hématome ne sont pas en rapport avec un risque de fausse couche plus élevé dans d’autres études prospectives [28] . D’autres études rapportent des résultats similaires [21, 22, 29] . Certains marqueurs sériques ont également été proposés comme facteurs prédictifs de fausse couche lors du premier trimestre de la grossesse. Les taux de HCG sériques sont plus faibles chez les femmes présentant une menace de fausse couche [30] . La progestéronémie pourrait également être un facteur pronostique. Une étude concernant 358 femmes présentant des métrorragies dans les 18 premières semaines de grossesse montre qu’une progestéronémie inférieure à 45 nmol/l (14 ng/ml) est de mauvais pronostique avec une sensibilité de 87,6 % et une spécificité de 87,5 % [31] . Un taux d’inhibine A inférieur à 0,553 multiples de la médiane (MoM) est également un facteur de mauvais pronostic [32] . De même un taux de CA125 élevé semble être associé à un taux de perte embryonnaire plus élevé. Un taux supérieur à 43,1 UI/ml est associé à un risque élevé de fausse couche chez 200 femmes présentant des métrorragies lors du premier trimestre de la grossesse [33] . Traitements Le traitement des patientes présentant une GEU ou une maladie trophoblastique sera développé dans des articles spécifiques de l’EMC. Ce traitement pourra être réalisé en ambulatoire sous certaines conditions pour les GEU par méthotrexate. La prise en charge des menaces d’avortement spontané et des avortements spontanés est étudiée ici. En cas de grossesse intra-utérine non évolutive La prise en charge repose sur une évacuation du contenu utérin en prévention du risque hémorragique et du risque infectieux. Trois attitudes sont décrites, l’aspiration sous anesthésie locale ou générale, l’expectative et le traitement médical. En effet, l’attitude plus facilement chirurgicale il y a une dizaine d’année, le diagnostic échographique pouvant maintenant être précoce, ce type de traitement est à reconsidérer au profit de l’expectative et du traitement médical [34] . Actuellement le traitement par misoprostol (Cytotec® ) est préconisé par de nombreux centres. Dès 2004, Herlicoviez a montré sa faisabilité et son innocuité relative. Sur une étude portant sur des avortements de moins de 14 semaines d’aménorrhée avec l’usage de misoprostol en dose vaginale unique de 800 g administré en ambulatoire, il décrit une efficacité de 80 % et une innocuité satisfaisante (5 % de gestes chirurgicaux en urgence) [35] . Une analyse de la Cochrane Database publiée sur le sujet en 2006 et portant sur 24 études étaye cette hypothèse et affirme ainsi l’efficacité et le bien-fondé du traitement par misoprostol par voie vaginale lors d’une grossesse arrêtée avant 24 semaines d’aménorrhée [36] . Une autre revue récente de la Cochrane Database [37] a fait une mise au point sur le traitement actuel des fausses couches à moins de 24 semaines d’aménorrhée. Quinze études (2 750 patientes) contrôlées randomisées comparant le traitement médical avec l’attitude d’expectative et le traitement chirurgical ont été EMC - Obstétrique/Gynécologie rapportées. Toutes ces études portaient sur des grossesses de 13 semaines d’aménorrhée au maximum. Les objectifs et protocoles d’étude étaient assez hétérogènes et la comparaison des données limitées. Trois études ont comparé le traitement médical par misoprostol administré par voie vaginale avec l’expectative. Aucune différence significative n’a été mise en évidence concernant le taux de vacuité utérine après le traitement (RR 1,23 ; IC 95 % : 0,72 à 2,10) et le nombre d’aspirations chirurgicales nécessaire (RR 0,62 ; IC 95 % : 0,17 à 2,26). Neuf études incluant 1 766 femmes ont comparé le misoprostol et le traitement chirurgical. Il n’a pas été montré non plus de différence significative en termes de taux d’évacuation complète (RR 0,96 ; IC 95 % : 0,92 à 1,00). Surtout, il y a eu peu d’évacuation chirurgicale avec le misoprostol (RR 0,07 ; IC 95 % : 0,03 à 0,18) mais plus de chirurgie en urgence. Les auteurs confirment donc que le traitement par misoprostol ou l’expectative sont 2 possibilités acceptables permettant d’éviter l’aspiration sous anesthésie et l’hospitalisation. Il n’existe que peu de donnée dans la littérature concernant les complications sévères. Le délai d’expulsion est de 2 jours à 5 jours. L’aspiration n’est recommandée qu’en cas d’ultime recours. Le taux de complication n’est pas plus élevé qu’en cas d’aspiration systématique [38, 39] . Traitement chirurgical Il permet l’évacuation du produit de fausse couche non plus par curetage mais par aspiration douce. En effet, le curetage est jugé trop abrasif et a été décrit comme pouvant être à l’origine de synéchies allant jusqu’à la disparition de la cavité (syndrome d’Asherman). Dans notre service comme dans la majorité des établissements, ce traitement se fait en chirurgie ambulatoire sous anesthésie générale, rachianesthésie voire anesthésie locale dans certains cas. Afin de faciliter la dilatation cervicale si celle-ci est nécessaire, l’introduction intravaginale de 2 comprimés de misoprostol (400 g) 2 heures à 3 heures avant la réalisation du geste est favorisée. Technique : • toucher vaginal pour évaluation du volume utérin et de la dilatation cervicale ; • préparation cervicale par 400 g de misoprostol intravaginal ; • badigeonnage périnéal et vaginal par solution antiseptique ; • sondage urinaire minute ; • mise en place du spéculum et pince de Pozzi sur la lèvre antérieure du col ; • hystérométrie, dilatation du col à la bougie de Hégar quasi systématiquement inutile ; • introduction d’une canule d’aspiration mousse dont le diamètre tient compte de l’âge gestationnel (en général 8 mm à 12 mm) ; • aspiration avec mouvement de rotation et de va-et-vient doux en prenant soins de ne pas perforer un myomètre en général mou et fragile ; • vérification de la vacuité utérine à l’échographie (cliché à mettre dans le dossier) ; • vérification de l’hémostase et injection éventuelle d’un utérotonique ; • prévention de l’allo-immunisation rhésus si nécessaire par injection de gammaglobulines anti-D ; • réalisation du compte rendu opératoire en précisant les complications éventuelles. Abstention thérapeutique Depuis que le traitement médical a pris une place de choix dans la prise en charge des avortements du premier trimestre de la grossesse, l’expectative ne se justifie que chez des patientes motivées car le délai d’expulsion est variable et parfois long. Pour Nielsen et al., celle-ci est obtenue chez 79 % des patientes symptomatiques après 3 jours de surveillance [39] . Schwarzler et al. ont observé 84 % d’évacuation spontanée après 4 semaines de surveillance. Cinquante-quatre pour cent lors de la première semaine et 74 % après 2 semaines [40] . Pour Wieringa-de Waard et al., elle serait efficace chez 51 % des femmes toute confondues présentant une grossesse arrêtée au premier trimestre. Des saignements seraient prédictifs d’une 5 5-049-D-16 Métrorragies du premier trimestre de la grossesse évacuation rapide et spontanée de l’utérus [41] . En termes de fertilité après évacuation d’un produit de fausse couche, il a été montré que l’expectative associée ou non à un traitement médical est préférable au traitement chirurgical [42] . Tableau 4. Taux de succès en fonction des modalités d’administration du misoprostol en cas de fausse couche spontanée précoce (FCS) [49] . Protocole d’administration Traitements médicaux FCS inévitables, incomplètes L’utilisation d’agents pharmacologiques représente en effet une alternative de choix au traitement chirurgical et peut être associer le cas échéant à l’expectative si celle-ci n’a pas permis l’expulsion du produit de fausse couche dans des délais acceptables. Deux classes de molécules ont été étudiées seules ou en association. Il s’agit des antagonistes de la progestérone (mifépristone) et des analogues des prostaglandines E1 (misoprostol). Mifépristone seule La mifépristone est un stéroïde de synthèse à action antiprogestative. Elle est utilisée notamment dans les interruptions de grossesse, souvent en association avec le misoprostol. Elle n’a pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France pour l’expulsion de grossesses arrêtées. Quelques études rapportent le taux d’expulsion de grossesses arrêtées après mifépristone seule. Lelaidier et al. rapportent dans une étude prospective randomisée en double aveugle un taux d’expulsion de 82 % dans un délai de 5 jours après 600 mg de mifépristone pour les grossesses arrêtées non symptomatiques [43] . Misoprostol Le misoprostol (Cytotec® ) est un analogue synthétique de prostaglandine E1 (PGE1) disponible sous forme de comprimés. Il est très comparable à d’autres prostaglandines utilisées en obstétrique telles que le dinoprostone (PGE2) et sulprostone (analogue PGE2). Il a été développé et commercialisé pour prévenir l’ulcère gastroduodénal, mais avec son activité utérotonique et de maturation cervicale puissante, il a trouvé un large usage dans des indications gynécologiques et obstétricales. Il est disponible en comprimés de 200 g. Il est rapidement absorbé après avoir été administré par voie buccale, sublinguale, vaginale ou rectale. Avec une administration orale, la demi-vie biologique est de moins de 30 minutes, et le pic est à 15 minutes. Après une administration vaginale, elle augmente graduellement pour atteindre un niveau maximum à 60 minutes à 120 minutes, mais après 240 minutes, le niveau est encore à 60 % du niveau maximum. Zieman et al. ont montré que le choix de la voie d’administration est important car la pharmacocinétique n’est pas du tout la même lorsque l’administration se fait par voie orale ou vaginale. Ces différences pharmacocinétiques peuvent expliquer la différence observée en termes d’efficacité clinique. La concentration plasmatique de la molécule est prolongée dans le groupe voie vaginale par rapport au groupe voie orale ce qui suggère que l’administration vaginale doit être réitérée à des intervalles plus larges que pour l’administration orale [44] . La voie sublinguale a été récemment étudiée par Tang et al. qui ont comparé chez 40 femmes les concentrations veineuses du produit selon la voie d’administration [45] . Les taux les plus importants ont été obtenus avec la voie sublinguale (574,8 ± 250,7 pg/ml par voie sublinguale, 287,6 ± 144,3 pg/ml par voie orale et 125,2 ± 53,8 pg/ml par voie vaginale [p < 0,001]). Par ailleurs ces pics de concentration sont obtenus plus rapidement avec la voie sublinguale (26,0 ± 11.5 min) et orale (27,5 ± 14.8 min) qu’avec la voie vaginale. Par contre, il semble que la voie sublinguale soit associée à un taux plus important d’effets secondaires. Une étude randomisée publiée en 2005 a comparé la mifépristone en association avec le misoprostol administré par voie sublinguale et vaginale chez 340 femmes dans le cadre d’interruption de grossesse entre 9 semaines et 13 semaines d’aménorrhée [46] . La prévalence des effets secondaires du misoprostol semblait en effet plus élevée administrée par voie sublinguale (diarrhée, frissons, mauvais goût dans la bouche). La plupart des études sur le misoprostol ont confirmé sa sûreté et sa rentabilité pour le traitement des grossesses arrêtées, soit utilisé seul, soit associé à la mifépristone. Dans ce contexte, on a constaté que le misoprostol est efficace dans l’évacuation des produits de la conception retenus dans 70 % à 80 % des cas, avec réduction de la perte sanguine. Le misoprostol peut s’avérer utile en premier lieu 6 Taux d’expulsion complète (%) Dose orale répétée a (4 heures) 400 g Dose vaginale unique b 400-800 g Dose vaginale répétée a (4 heures) 200-600 g Dose sublinguale répétée a (3 heures) 400-600 g FCS retardées 47-85 90 80-92 70 60-90 80-90 a Maximum trois doses répétées. Éventuellement renouvelée à 48 heures en cas de persistance du sac gestationnel. b dans les cas d’évacuation incomplète de la cavité, pour contrôler le saignement utérin en attendant que l’évacuation ait lieu. Son innocuité, par ailleurs, semble hautement probable en termes de risque de prématurité pour les grossesses ultérieures [47] . Zhang et al., dans une étude prospective randomisée portant sur 652 femmes présentant une grossesse arrêtée au premier trimestre de la grossesse, comparent une dose unique de 800 g de misoprostol par voie vaginale et l’approche chirurgicale par aspiration. Ils décrivent un taux de succès du traitement médical de 84 % [48] . La voie d’administration la plus communément admise pour une meilleure efficacité avec des effets secondaires moindres est la voie vaginale [49] (Tableau 4). Cette voie semble être plus intéressante que la voie orale en raison d’une action prolongée sur la contractilité utérine et le tissu conjonctif cervical et mieux tolérée sur le plan digestif. L’utilisation d’une dose vaginale unique, éventuellement renouvelée à 24-48 heures, a l’avantage de simplifier le protocole thérapeutique et de permettre plus aisément une prise en charge ambulatoire. Une étude multicentrique portant sur 491 femmes ayant reçu une dose de 800 g de misoprostol par voie vaginale avec une seconde dose si nécessaire à j3 a cherché à définir des facteurs de succès du traitement médical [50] . Les auteurs ont ainsi identifié comme facteurs de réussite du traitement l’existence de douleurs hypogastriques, des métrorragies dans les 24 heures suivant la prise du traitement, le rhésus négatif et la nulliparité. Cependant seuls les saignements dans les 24 heures suivant la prise du traitement et la parité n’excédant pas un prédisaient un succès du traitement dès la première dose. Une autre étude prospective récente a mis en évidence des critères prédictifs d’une bonne réponse au traitement par misoprostol en cas de grossesse arrêtée. Le protocole incluait 2 doses de 800 g par voie vaginale et orale à un intervalle de 24 heures à 72 heures. Un succès a été obtenu dans 77,2 % des cas. Le risque d’échec du traitement augmentait de façon significative chez les patientes ayant eu antérieurement plus de cinq grossesses comparativement aux patientes n’ayant eu qu’une ou deux grossesses. Le taux d’échec était également plus important chez les patientes ayant eu une grossesse spontanée par rapport à celles ayant été enceinte après induction de l’ovulation [51] . Certains ont cherché des critères échographiques prédictifs d’une bonne réponse au traitement [52] à travers une étude rétrospective de 355 patientes traitées pour une grossesse arrêtée au premier trimestre de la grossesse par une dose de 400 g de misoprostol. Les patientes étaient divisées en 4 groupes ; les deux premiers en fonction de la longueur craniocaudale (supérieure ou égale à 6 millimètres et inférieure à 6 millimètres), les deux autres en fonction du diamètre du sac gestationnel (supérieur ou égal à 18 millimètres et inférieur à 18 millimètres). Le taux de succès tout confondu était de 39,2 %. L’efficacité était plus grande en cas EMC - Obstétrique/Gynécologie Métrorragies du premier trimestre de la grossesse 5-049-D-16 de longueur craniocaudale inférieure à 6 millimètres (50 %) alors que le traitement était moins efficace en cas de sac gestationnel de plus de 18 millimètres (26,6 %). Le taux de succès était moins bon après un jour de traitement (30,2 %) qu’après 2 jours et 3 jours de traitement (43,6 %). Outre l’âge gestationnel, il paraît donc primordial de prendre en considération les mesures échographiques précises de l’embryon et du sac gestationnel avant d’envisager le traitement médical. Association mifépristone et misoprostol Certaines études montrent une efficacité supérieure de l’association mifépristone-misoprostol par rapport au misoprostol seul [53–56] . Dans la majorité des cas, ces études ont été réalisées dans le cadre des interruptions volontaires de grossesse et non pas dans le cadre du traitement médical des grossesses arrêtées. Une étude récente évalue de façon comparative l’efficacité de l’association mifépristone-misoprostol et le misoprostol seul dans le cadre d’interruptions volontaires de grossesse. Elle compare de façon prospective et randomisée deux protocoles chez 122 femmes demandant une interruption volontaire de grossesse entre 9 semaines et 12 semaines de grossesse. Le premier groupe recevait 200 mg de mifépristone suivi 48 heures plus tard par 400 g de misoprostol par voie orale. Le second groupe, 800 g de misoprostol seul par voie vaginale. On note que 80,8 % des femmes du groupe 1 versus 77,4 % des femmes du groupe 2 ont eu une expulsion complète ce qui n’est pas significatif. En termes d’acceptabilité de la procédure par les patientes, les deux groupes sont comparables (75,5 % versus 75,7 %). Les auteurs concluent donc qu’une seule dose de misoprostol de 800 g par voie vaginale est aussi efficace que l’association misoprostol-mifépristone à ces doses et dans ces conditions d’utilisation [57] . L’association du misoprostol avec la mifépristone est-elle donc intéressante ? On ne peut pas conclure formellement car les études sont hétérogènes, comparent des populations très différentes, des protocoles de soins également différents (doses, voie d’administration, délai d’expulsion, etc.) et d’autre part, la mifépristone n’a pas l’AMM dans l’indication exposée dans ce chapitre sur les métrorragies du premier trimestre de la grossesse. On ne pourrait éventuellement envisager d’utiliser cette association qu’en cas d’échec du traitement par misoprostol seul, mais il reste à évaluer le rapport coût-efficacité-complicationssatisfaction par rapport à la simple expectative ou encore au traitement chirurgical. Proposition de conduite à tenir En pratique, le diagnostic de grossesse arrêtée au premier trimestre de la grossesse étant posé l’aspiration chirurgicale n’est proposée qu’aux patientes présentant une fausse couche très hémorragique, une hémodynamique instable, des troubles de la coagulation, un refus du traitement médical ou de l’expectative. Dans les autres cas, il paraît licite de proposer une attitude d’expectative d’une semaine et de réévaluer la situation en informant bien la patiente de la possibilité de changement d’attitude selon l’évolution clinique. Si cette attitude n’est pas envisageable, le traitement médical peut alors être proposé. Un traitement par misoprostol 200 g, deux comprimés par voie intravaginale à renouveler après 3 heures est préconisé. La patiente est revue à 48 heures pour réévaluation. Une seconde cure pourra éventuellement être envisagée. Dans tous les cas, il faudra être très vigilant sur l’information étant donné le risque hémorragique parfois perturbant pour les patientes non éclairées et également prescrire des antalgiques car les douleurs peuvent être significatives. La prévention de l’allo-immunisation rhésus est fortement recommandée en cas de métrorragies du premier trimestre de la grossesse chez une femme dont le rhésus est négatif et dont celui du conjoint est positif. Une injection unique de 200 g d’immunoglobulines anti-D par voie intramusculaire ou intraveineuse est faite. Il n’y a pas de limite inférieure d’âge gestationnel démontré pour cette prévention. Un test de Kleihauer n’est pas nécessaire avant l’injection à l’inverse d’une recherche de d’agglutinines irrégulières (RAI). Avant 12 semaines d’aménorrhée, il semblerait qu’une seule dose 120 g serait suffisante [58] mais indisponible actuellement en France. EMC - Obstétrique/Gynécologie En cas de grossesse intra-utérine évolutive Après avoir éliminé des métrorragies d’origine cervicovaginale et en avoir évalué l’importance et le retentissement hémodynamique, le traitement habituellement adopté est le suivant : • le repos à domicile avec abstinence sexuelle [59] . Le repos à l’hôpital est inutile [60, 61] ; • les antispamodiques sont souvent utilisés mais n’ont pas montré d’efficacité supérieure au placebo [62] ; • les antibiotiques n’ont de place que s’il existe une menace d’avortement fébrile. Un prélèvement vaginal ou de l’endocol à visée bactériologique est néanmoins réalisé au préalable au moindre signe d’appel ; • prévention de l’allo-immunisation rhésus. Elle doit être proposée systématiquement en cas de métrorragies du premier trimestre de la grossesse si la patiente est rhésus négatif et le conjoint rhésus positif. Une injection unique de 200 g d’immunoglobulines anti-D par voie intramusculaire ou intraveineuse est alors justifiée. Il n’y a pas de limite inférieure d’âge gestationnel pour cette prévention. Un test de Kleihauer n’est pas nécessaire avant l’injection contrairement à une RAI ; • le traitement hormonal est controversé. Bien qu’il peut théoriquement améliorer la tolérance immunitaire de la grossesse par la mère et soutenir un corps jaune éventuellement déficient, l’efficacité de ce traitement n’a jamais été démontrée par rapport à un placebo ou à l’abstention [63] . En conclusion, les auteurs s’accordent à ne pas proposer de supplémentation par progestérone devant une menace d’avortement spontanée. D’ailleurs, la majorité des fausses couches étant d’origine chromosomique, il n’y a pas de traitement hormonal à proposer. En cas d’avortement hémorragique En cas d’avortement hémorragique, l’hospitalisation s’impose afin de surveiller l’état hémodynamique de la patiente. L’examen gynécologique mettra parfois en évidence un produit de fausse couche en voie d’expulsion. Les saignements abondants seront alors le plus souvent accompagnés de contractions utérines expulsives douloureuses. Une aspiration en urgence sera parfois proposée pour achever le processus. Conclusion Près d’un quart des femmes présente des métrorragies au premier trimestre de la grossesse. Parmi elles, la moitié a une évolution défavorable. Les causes de ces saignements peuvent être utérines, cervicales et vaginales. L’examen clinique est donc l’étape préliminaire incontournable pour s’assurer de l’origine des saignements. L’échographie permet ensuite de visualiser une grossesse intra-utérine à partir d’un taux de HCG de 1 500 UI/ml. En cas de symptomatologie douloureuse ou de métrorragies en début de grossesse, la confrontation échographie et dosage quantitatif des HCG plasmatiques est souvent nécessaire pour éliminer une grossesse extra-utérine. Les principales causes de métrorragies du premier trimestre de la grossesse sont la grossesse arrêtée, la grossesse ectopique, la maladie trophoblastique et enfin les saignements lors d’une grossesse normale évolutive qui doivent rester un diagnostic d’élimination. Les étiologies des saignements au cours de la grossesse évolutive sont la lyse d’un jumeau, l’hématome décidual et l’insertion trophoblastique basse. Après traitement conservateur d’une GEU (chirurgical ou médical) ainsi qu’après aspiration d’une môle, on surveille la décroissance du taux de HCG plasmatique jusqu’à négativation. En cas d’avortement spontané, le traitement chirurgical a fait place à l’expectative et au traitement médical. Celui-ci est réalisé par le misoprostol le plus souvent par voie vaginale qui à dose suffisante entraîne une vacuité utérine dans 80 % à 85 % des cas. En cas de rhésus négatif, et après une RAI, on pratique une injection de gammaglobulines anti-D pour prévenir l’allo-immunisation rhésus maternofœtale. 7 5-049-D-16 Métrorragies du premier trimestre de la grossesse Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] 8 Deutchman M, Tubay AT, Turok D. First trimester bleeding. 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Service de gynécologie obstétrique, CHU Nantes, 38, boulevard Jean-Monnet, 44093 Nantes, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Ploteau S, Philippe HJ, Winer N. Métrorragies du premier trimestre de la grossesse. EMC - Obstétrique/Gynécologie 2012;7(3):1-9 [Article 5-049-D-16]. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels EMC - Obstétrique/Gynécologie Iconographies supplémentaires Vidéos/ Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Cas clinique 9 Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et em-premium.com : 1 autoévaluation Cliquez ici © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 20/11/2015 par CERIST ALGERIE (353213)