évident que si le centurion avait été plus à l’écoute des légionnaires expérimentés, sa
stratégie aurait été différente…
Est-ce à dire que le style de leadership centurion est toujours condamné à l’échec ?
Certainement pas. Au contraire, il constitue, dans certains contextes, une ressource dont
les leaders auraient tort de se priver. Par exemple :
• Il y a urgence : au moment où le Titanic commence à couler, on n’attend pas du
commandant qu’il consulte son équipage : il s’agit au contraire pour lui d’être
extrêmement directif et précis pour répondre avec efficacité au danger imminent.
• Attention danger ! : des procédures très strictes et un style très directif sont
opportuns, voire indispensables, pour éviter la catastrophe dans certaines
opérations à haut risque, qu’il s’agisse d’une greffe de cœur, d’une opération
commando, ou du fonctionnement d’une centrale nucléaire.
• Le syndrome du bleu : un nouveau collaborateur, inexpérimenté dans l’entreprise
ou dans la fonction, est généralement en déficit d’informations sur le quoi et le
comment. L’écouter ne servirait pas à grand chose : il a besoin de directives
claires et précises.
Le style de leadership « Jules César »
En apprenant la nouvelle de la débâcle, Jules César est rouge de colère. Il convoque ses
conseillers et annonce clairement l’objectif : il s’agit de faire cesser cette situation qui
ridiculise l’empire ! Mais quant à la stratégie pour arriver à cet objectif, Jules César, à
l’inverse du centurion, ne donne aucune instruction : au contraire, il interroge («
J’attends vos conseils ! »), puis il se tait et écoute. Après bien des banalités, l’un des
conseillers, Saugrenus, propose un raisonnement inédit : pour que les Gaulois arrêtent
de se battre, il faut les occuper à autre chose. Intéressé, César continue à interroger et à
écouter. Le conseiller explique : en achetant les menhirs produits par les Gaulois, ceux-ci
penseront à produire et à s’enrichir, et oublieront de se battre. L’idée plaît à César qui
donne les pleins pouvoirs à son conseiller pour mettre son plan en œuvre.
Le point commun entre le style centurion et le style Jules César, c’est la clarté des
objectifs : dans les deux cas, le leader précise clairement le but. Ce qui les distingue,
c’est que le centurion énonce lui-même la stratégie (telling), tandis que Jules César,
interroge ses collaborateurs : que proposez-vous ? (asking). Il parle peu, et l’essentiel de
ses paroles est consacré à des questions. Pour le reste, il écoute. Jules César, c’est la