La mission terrestre de l’expédition en Papouasie-Nouvelle-Guinée Pourquoi la Papouasie-Nouvelle-Guinée ? La Papouasie-Nouvelle-Guinée est exceptionnelle à plus d’un titre : abritant le troisième plus grand bloc de forêts tropicales intactes après ceux des bassins de l’Amazone et du Congo, on estime qu’elle contient à elle seule environ 5 % de la biodiversité mondiale, alors qu’elle ne représente que 0.5 % des terres émergées. Considérée comme un véritable « minicontinent », suffisamment grande pour générer sa propre diversité, elle possède un taux d’endémisme très élevé : plus de 70 % de ses plantes ne poussent nulle part ailleurs. Peu étudiées (le premier livre sur les mammifères de PapouasieNouvelle-Guinée date de 1990 !), sa faune et sa flore ont néanmoins fait l’objet d’études considérées comme des références dans le domaine de l’évaluation du nombre d’espèces vivant sur notre planète. Toutefois, ces travaux concernaient les forêts de basse altitude. Or rien ne dit que les situations des forêts de plaine et celle des forêts d’altitude soient totalement comparables. La province de Madang, où sera menée la composante terrestre de l’expédition, est l’un des rares endroits au monde où des forêts tropicales humides s’étendent de la côte jusqu’à leur limite naturelle en altitude. Cette situation constitue une aubaine pour les chercheurs : grâce à ce nouveau volet de La Planète Revisitée, ils vont pouvoir étudier pour la première fois en détails comment plantes et animaux se répartissent et interagissent en fonction de l’altitude sur une grande montagne tropicale. Les spécimens et les données ainsi collectées permettront d’atteindre plusieurs objectifs : - Améliorer les connaissances sur la biodiversité des forêts tropicales humides en fonction de l’altitude. Ces connaissances pourront être utilisées pour améliorer le modèle utilisé actuellement pour calculer le nombre d’espèces vivant sur Terre. Elles permettront aussi de mieux évaluer l’impact du changement climatique sur ces régions ; - Encourager les communautés locales à participer à la collecte de données sur leur environnement, et favoriser leur implication dans les programmes de conservation ; - Contribuer à la formation de parataxonomistes et paraécologues papous, afin de combiner les approches biologiques modernes et les connaissances de terrain traditionnelles. Au pied du mont Wilhelm, à 3700m les lacs Aunde et Piunde © Xavier Desmier - MNHN Un paradis de biodiversité bientôt perdu ? La biodiversité si particulière de Papouasie-Nouvelle-Guinée est fortement menacée par les activités humaines, et en particulier par la déforestation galopante qui ronge les forêts du pays. Une étude récente menée par des chercheurs de l’Université de Papouasie-Nouvelle-Guinée a montré que celle-ci s’accélère depuis le début des années 90. Les principales causes sont l’exploitation du bois par l’industrie forestière, et la conversion de surfaces boisées pour l’agriculture. Dans une moindre mesure, les feux de forêts, l’installation de plantations et les mines causent également des dommages. Entre 1972 et 2002, ce sont ainsi 15 % des forêts de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui ont disparu, dont plus de la moitié à cause de l’industrie forestière. Exploitées par des compagnies étrangères, le bois de Papouasie-Nouvelle-Guinée est exporté partout dans le monde. À ce rythme, on estime que la quasi-totalité des forêts accessibles auront vu leur surface dramatiquement réduite, ou auront purement et simplement disparu, d’ici 10 à 20 ans. Comme de nombreux pays en développement, la Papouasie-Nouvelle-Guinée doit relever un défi de taille : s’inscrire dans une économie mondialisée sans laisser celle-ci détruire son riche patrimoine naturel. Heureusement, contrairement à d’autres pays, la Papouasie-Nouvelle-Guinée possède un atout majeur pour défendre ses intérêts : sa Constitution, qui reconnaît et protège le droit des communautés locales à posséder la terre. Ainsi, 97 % des terres sont la propriété d’individus ou de communautés villageoises, qui décident de leur utilisation. Souvent, les villageois acceptent de céder des droits à la prospection et à l’extraction minière en échange d’indemnités. Mais pas toujours. Dans la région de Wanang, huit clans ont ainsi refusé les propositions d’exploitation forestière faites par le gouvernement, et ont déclaré « zone de conservation » 10 000 hectares de leur forêt. Aidée par le Binatang Research Center, qui sponsorise notamment l’école primaire du village, ces communautés maintiennent l’intégrité de leur forêt et bénéficient des études sur la biodiversité. Celles-ci permettent de valoriser la région, et fournissent des données importantes pour orienter les politiques de conservation. Dans le parc naturel du Mont Wilhelm, d’autres communautés participeront à des projets similaires, quoique d’ampleur moindre. De leur réussite naîtra peutêtre une prise de conscience salutaire pour la préservation des forêts de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Un passage obligé pour ce pays très engagé dans la Rainforest Coalition, un partenariat mondial pour la protection des forêts tropicales mis en place en 2010. Forêt de brouillardà 2200m © Olivier Pascal - MNHN - PNI La menace du changement climatique © Maurice Lepnce - MNHN - PNI L’exploitation forestière n’est pas la seule menace pesant sur les forêts de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les modèles actuels permettant de mesurer l’impact du changement climatique en cours laissent entrevoir de profondes modifications des écosystèmes, notamment en altitude. En cas de réchauffement de la région, il est très probable que les espèces des basses terres gagnent du terrain sur celles d’altitude, plus adaptées à des environnements froids, menant à la disparition de ces écosystèmes tropicaux. Des travaux antérieurs ont déjà documenté ce type de changements, mais ils concernaient des environnements situés dans des régions tempérées ou sur l’île voisine de Bornéo. Or ces changements auront certainement un impact particulier en Papouasie-Nouvelle-Guinée, un des rares endroits des tropiques où se côtoient des forêts tropicales humides et des écosystèmes alpins. Les données détaillées recueillies durant l’expédition constitueront un état des lieux de l’état de la biodiversité (essentiellement plantes et invertébrés) à différentes altitudes, depuis la plaine jusqu’à 3700 mètres. Elles permettront par exemple d’effectuer des simulations afin d’estimer l’impact d’un réchauffement global de quelques degrés, d’ici à 100 ans, sur la répartition des différentes espèces végétales et animales : lesquelles verront leur aire répartition augmenter ou diminuer ? Lesquelles disparaîtront ? Comment seront modifiés les écosystèmes suite à ces changements ? Et, en conséquence, quelles sont les mesures à prendre en termes de conservation pour tenter de se préparer à ces changements et si possible, les minimiser ?