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Vol. 18 No. 4 2007 Meinung der Leser / Courrier des lecteurs
Quoique excellent et tout à fait fondé
scientifiquement, l’article de Pascal Bovet
et coll. paru dans le dernier numéro de
Paediatrica, intitulé «Utilité d’inclure des
critères de validité externes (…) pour la
définition de la surcharge pondérale (…)»,
me semble révélateur des limites de la «mé-
decine fondée sur des preuves» (EBM) dans
un domaine aussi personnel et spécifique
que la surcharge pondérale. Les experts
échangent leurs statistiques pour savoir si
telle étude est meilleure ou plus adéquate
par rapport à la population étudiée et s’il
convient de créer, après toutes celles qui
existent, de nouvelles courbes de percen-
tiles ou de déviations standard permettant
l’une mieux que les autres de poser le
diagnostic d’excès pondéral. Sur le plan
épidémiologique ces données sont certaine-
ment intéressantes, mais est-ce vraiment
ce dont les praticiens ont besoin? La dérive
de la médecine «scientifique» est de vouloir
maintenant tout chiffrer et rapporter chaque
patient à des données de population.
Nos collègues homéopathes, dont je dénon-
ce par ailleurs l’illogisme et l’obscurantisme,
ont au moins le mérite de considérer chaque
individu séparément. Dans un domaine
aussi délicat que la surcharge pondérale,
qui touche au bien-être de l’individu et à
l’équilibre entre sa satisfaction et ses pri-
vations, chaque pédiatre sait bien que c’est
en entrant dans la salle de consultation
qu’il perçoit déjà si son patient présente
les signes d’une obésité débutante ou
constituée. Une fois celui-ci couché sur
la table d’examen, l’épaisseur du tissu
sous cutané abdominal, l’appréciation du
plis cutané tricipital ou l’épaisseur des
cuisses, l’apparition parfois de vergetures
ou de troubles circulatoires des membres
inférieurs vont l’amener, sans même avoir
regardé la courbe de poids ou comparé les
rapports poids/taille, à rendre les parents
attentifs à la nécessité d’une intervention
sur le mode de vie et l’alimentation.
Pour mon patient, c’est donc d’abord son
aspect clinique, sa constitution générale,
sa tension artérielle et l’évolution récente
de son poids qui sont importants, bien plus
que sa position sur telle ou telle courbe sta-
tistique. La seule utilité de ces paramètres
me paraît hélas se limiter à la justification
d’une prise en charge diététique par les
assurances, pour des cas d’obésité déclarée
où, bien souvent, cette intervention arrive
déjà trop tard.
Ainsi en pratique, j’aurais tendance à pri-
vilégier le «bon sens terrien». Comme mon
vétérinaire le conseillait pour mon chat: «Si
vous ne lui palpez plus les côtes, c’est le
moment de le mettre au régime!»
Correspondance:
Dr Alain Regamey
Pédiatre FMH
Vergers de la Gottaz 19
1110 Morges
Vertus de la palpation
Alain Regamey, Morges
Dans notre lettre, nous plaidions pour
l’utilisation d’une norme générale pour la
définition d’un problème médical dont la
signification est universelle (ainsi que le pré-
conise l’International Obesity Task Force)
plutôt que pour des normes propres à des
populations spécifiques. Nous pensons que
la multiplication de normes spécifiques au-
rait des conséquences non désirables à la
fois pour la santé publique (en rendant diffi-
cile les comparaisons entre populations), et
pour la pratique clinique (en semant la con-
fusion chez les cliniciens et les patients).
En épidémiologie, la fixation de limites
précises (pour l’indice de masse corporelle
comme pour la tension artérielle ou pour
le diabète) a bien entendu quelque chose
d’arbitraire mais cela permet d’utiliser des
catégories plutôt qu’un paramètre continu,
ce qui facilite les comparaisons entre popu-
lations ou entre périodes.
En pratique clinique, face à un enfant en
surpoids, une approche plus nuancée est
non seulement souhaitable mais nécessaire.
Non seulement la définition du surpoids ba-
sée sur l’index de masse corporelle est une
estimation grossière de l’obésité (mais c’est
le meilleur critère à la fois objectif et simple
à ce jour), mais encore toute proposition de
prise en charge de l’enfant doit tenir compte
de nombreux autres facteurs biologiques,
psychologiques, sociaux, et culturels.
Dans ce sens, il n’y a aucune contradiction
entre l’utilisation de critères objectifs, per-
mettant d’apprécier l’évolution épidémio-
logique, et les vertus de la palpation, outil
d’une décision clinique spécifique!
Correspondance:
Dr Pascal Bovet, PD, MER
Institut de Médecine Sociale et Préventive
CHUV et Université de Lausanne
Bugnon 17
1005 Lausanne
Réponse
Pascal Bovet, Arnaud Chiolero, Fred Paccaud
Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP), Lausanne