Cas clinique Neuro-ophtalmologie et strabisme Myasthénie : de l’atteinte oculaire à la généralisation Ocular myasthenia gravis and respiratory failure Myasthénie • Ptosis • Insuf­ fisance respiratoire. Myasthenia gravis • Ptosis • Respiratory failure. S. Leruez1, D. Milea1, I. Pénisson-Besnier2 (1 Service d’ophtalmologie, CHU d’Angers ; 2 service de neurologie, CHU d’Angers) U ne femme, âgée de 56 ans, sans antécédent particulier, consulte aux urgences pour un ptosis bilatéral évoluant depuis une semaine. Examen La patiente se plaint d’un ptosis de l’œil gauche apparu 8 jours auparavant, affectant rapidement les 2 paupières supérieures en quelques jours. Elle décrit également une diplopie binoculaire depuis 48 heures lorsque les paupières sont soulevées. L’examen ophtalmologique constate une acuité visuelle conservée à 10/10 P2 aux 2 yeux. Il existe un ptosis asymétrique sévère, prédominant à gauche (figure 1). Un signe de Cogan, ou “lid twitch”, peut être observé : lorsque les yeux sont ramenés de la position regard vers le bas à la position droit devant, la paupière supérieure s’élève excessivement et rapidement, puis redescend progressivement, parfois après plusieurs secondes. Enfin, le test du glaçon permet une régression partielle du ptosis (figure 2). L’examen de l’oculomotricité retrouve une divergence en position primaire (figure 3a), une atteinte bilatérale de l’élévation (figure 3b) ainsi qu’une limitation de l’adduction de l’œil droit (figure 3c) et de son abaissement (figure 3e). Il existe une faiblesse associée des muscles orbiculaires des yeux. Le jeu pupillaire est normal et les examens neuro-ophtalmologique et neurologique ne présentent aucune particularité. Discussion et évolution Un ptosis bilatéral et une atteinte non systématisée de la motilité oculaire ont évoqué la possibilité d’une myasthénie oculaire. Au moment de l’examen ophtalmologique initial, la patiente ne présentait pas de signe en faveur d’une atteinte généralisée. Il n’existait pas de dyspnée, de dysphonie ni de trouble de la déglutition. Le lendemain, un examen neurologique a néanmoins mis en évidence une insuffisance respiratoire majeure : les épreuves fonctionnelles respiratoires ont retrouvé un syndrome restrictif avec une capacité vitale à 45 % de la normale. Légendes Figure 1. Ptosis bilatéral, complet à gauche et masquant la pupille à droite. Figure 2. Amélioration modérée du ptosis après le test du glaçon. Figures 3a à 3e. Ophtalmoplégie externe avec : œil droit quasiment immobile et mouvement de l’œil gauche limité en abduction et élévation. Figure 4. Masse tissulaire médiastinale antéro-supérieure compatible avec un thymome. Cette insuffisance respiratoire imposait une hospitalisation en réanimation médicale pour surveillance. Le bilan étiologique a mis en évidence une réponse positive au test aux anticholinestérasiques (édrophonium), la présence d’anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine (21,98 ­nmol/­l pour une normale inférieure à 5). Une tomodensitométrie thoracique a révélé la présence d’une masse médiastinale compatible avec un thymome (figure 4). La myasthénie oculaire peut précéder une atteinte musculaire généralisée, rapide, à l’origine d’une insuffisance respiratoire menaçant le pronostic vital. II 38 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 Références bibliographiques 1. Juel VC, Massey JM. Myasthenia gravis. Orphanet J Rare Dis 2007;2:44. 2. Pénisson-Besnier I, Lamirel C. Ocular disturbances in neuromuscular disorders. Rev Neurol 2008;164(11):902-11. Cas clinique Neuro-ophtalmologie et strabisme 1 2 3a 3b 3c 3d 4 3e Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 39