sur la complétude de certaines variétés pseudo

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Ann. Inst. Fourier, Grenoble
Version de travail – 25 septembre 2014
SUR LA COMPLÉTUDE DE CERTAINES VARIÉTÉS
PSEUDO-RIEMANNIENNES LOCALEMENT
SYMÉTRIQUES
par Nicolas Tholozan
Résumé. Nous prouvons que certains espaces pseudo-riemanniens
symétriques n’admettent pas d’ouvert strict divisible par l’action
d’un groupe discret d’isométries. Autrement dit, si une variété pseudoriemannienne compacte est localement isométrique à un tel espace,
et si son application développante est injective, alors la variété est
géodésiquement complète, et donc isométrique à un quotient de l’espace modèle tout entier. Ces résultats étendent, sous une hypothèse
supplémentaire (l’injectivité de l’application développante), les théorèmes de Carrière et Klingler selon lesquels les variétés lorentziennes
compactes de courbure constante sont géodésiquement complètes.
Completeness of certain pseudo-Riemannian (locally) symmetric
spaces
Abstract. We prove that certain pseudo-Riemannian symmetric
spaces do not admit a proper domain which is divisible by the action
of a discrete group of isometries. In other words, if a closed pseudoRiemannian manifold is locally isometric to such a model, and if its
developing map is injective, then the manifold is actually geodesically complete, and therefore isometric to a quotient of the whole
model space. Those results extend, under an additional assumption
(the injectivity of the developing map), the theorems of Carrière and
Klingler stating that closed Lorentz manifolds of constant curvature
are geodesically complete.
Introduction
Soit X une variété lisse munie d’une action fidèle et transitive d’un
groupe de Lie G de dimension finie. Une variété M est dite localement
modelée sur X lorsqu’elle est munie d’un atlas de cartes à valeurs dans X
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NICOLAS THOLOZAN
dont les changements de cartes sont des restrictions de transformations de
G. On dit aussi que M est munie d’une (G, X)-structure, ou encore que M
est une (G, X)-variété, selon la terminologie de Thurston (voir section 1).
Certaines (G, X)-variétés apparaissent naturellement lorsque M possède
une structure géométrique rigide localement homogène. Par exemple, une
variété munie d’une métrique riemannienne plate est localement modelée
sur l’espace euclidien. Il existe de même une notion de métrique lorentzienne
de courbure nulle (voir par exemple [31], p. 63), et les variétés munies de
telles métriques sont localement modelées sur l’espace de Minkovski Rd−1,1 ,
c’est-à-dire Rd muni d’une métrique de signature (d − 1, 1) invariante par
translations.
Certaines (G, X)-structures s’obtiennent en quotientant un ouvert U du
modèle X par un sous-groupe discret de G agissant librement et proprement discontinûment sur U . De telles structures sont dites kleiniennes (voir
section 1.3). Dans le cas particulier où le domaine U est le modèle X tout
entier, la (G, X)-structure est dite complète. Lorsque G préserve une métrique riemannienne sur X, il découle du théorème de Hopf-Rinow que
toutes les (G, X)-variétés compactes sont complètes (section 1.2). Mais ce
résultat n’est plus vrai pour d’autres espaces homogènes non riemanniens.
Ainsi, en conséquence du théorème d’uniformisation de Poincaré–Koebe,
toute surface de Riemann peut être munie d’une structure projective complexe (i.e. une (PSL(2, C), CP1 )-structure) kleinienne compatible avec sa
structure complexe. Toutefois, seule la sphère de Riemann possède une
structure complète.
La question de savoir sous quelles hypothèses les (G, X)-variétés compactes sont complètes est une question ouverte. En particulier, dès que
G préserve une forme volume sur X, on ne connaît aucun exemple de
(G, X)-variété compacte non complète. La conjecture la plus célèbre dans
ce domaine est la conjecture de Markus, selon laquelle toute variété affine compacte possédant une forme volume parallèle est complète (voir
section 2).
La conjecture de Markus a été prouvée par Carrière dans le cas particulier
où la variété affine possède une forme quadratique de signature (d − 1, 1)
parallèle ; autrement dit, pour les variétés lorentziennes plates [4]. Nous
l’étendons ici aux variétés lorentz-hermitiennes plates, avec toutefois une
hypothèse supplémentaire.
Théorème 1. — Toutes les (U(d − 1, 1) ⋉ Cd , Cd )-variétés kleiniennes
compactes sont complètes.
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(Le groupe U(d − 1, 1) ⋉ Cd désigne le groupe des transformations affines
complexes de Cd dont la partie linéaire préserve une forme sesquilinéaire
de signature réelle (2d − 2, 2).)
Le théorème de Carrière a été généralisé dans une autre direction par
Klingler dans [21]. Ce dernier prouve que les variétés lorentziennes compactes de courbure constante sont complètes. Pour ces variétés, la complétude de la (G, X)-structure est équivalente à la complétude du flot géodésique de la métrique (voir section 1.2). On peut plus généralement conjecturer que toutes les variétés pseudo-riemanniennes compactes de courbure
constante, et même que toutes les variétés pseudo-riemanniennes compactes
localement symétriques (au sens de Cartan, voir section 1.2 ou [31], p.57)
sont géodésiquement complètes.
Dans [5], Dumitrescu et Zeghib s’intéressent aux variétés complexes compactes de dimension 3 munies de métriques riemanniennes holomorphes
(i.e. de sections holomorphes partout non dégénérées du fibré des formes
quadratiques complexes sur le fibré tangent). Ils prouvent notamment que
de telles variétés possèdent toujours une métrique riemannienne holomorphe
de courbure constante, ramenant la classification de ces variétés à l’étude
de deux types de structures localement homogènes. Les premières (celles
de courbure nulle) sont localement modelées sur C3 , muni de l’action affine
complexe du groupe SO(3, C) ⋉ C3 . Quant aux secondes (celles de courbure constante non nulle), elles sont localement modelées sur PSL(2, C)
muni de l’action de PSL(2, C) × PSL(2, C) par translations à gauche et à
droite. Il n’existe malheureusement pas d’analogue holomorphe des théorèmes de Carrière et Klingler, ce qui constitue le principal obstacle à une
classification topologique des 3-variétés complexes compactes possédant des
métriques riemanniennes holomorphes. Nous prouvons toutefois ici deux résultats qui étendent partiellement les théorèmes de Carrière et Klingler au
contexte holomorphe.
Théorème 2. — Toutes les (SO(3, C)⋉C3 , C3 )-variétés kleiniennes compactes sont complètes.
Théorème 3. — Soit L un groupe de Lie semi-simple de rang réel 1,
muni de l’action de L × L donnée par
(g, h) · x = gxh−1 .
Alors toutes les (L × L, L)-variétés kleiniennes compactes sont complètes.
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NICOLAS THOLOZAN
Le théorème 3 s’applique en particulier à PSL(2, C). Dans sa version plus
générale, il fait pendant à des résultats récents de Kassel [19], Guéritaud–
Kassel [17], et Guéritaud–Guichard–Kassel–Wienhard [16] qui décrivent les
quotients compacts de L par un sous-groupe discret de L × L (voir section
3.2). En particulier, les auteurs prouvent dans [16] que, dans l’espace des
(L×L, L)-structures sur une variété M , le domaine des structures complètes
forme un ouvert. (1) Or, notre théorème a pour conséquence que ce domaine
est aussi fermé (corollaire 3.1). On en déduit le corollaire suivant :
Corollaire 4. — Soit L un groupe de Lie semi-simple de rang réel 1,
et M une variété compacte de même dimension que L. Alors, dans l’espace
des (L × L, L)-structures sur M , le domaine des structures complètes forme
une union de composantes connexes.
Autrement dit, il est impossible de déformer continûment une structure
complète en une structure incomplète. C’est cette question qui a initialement motivé nos travaux. Nous ne savons toutefois pas s’il existe des
variétés compactes possédant des composantes connexes de structures incomplètes. Il pourrait par exemple exister des variétés compactes possédant
des (L × L, L)-structures, mais ne possédant aucune structure complète.
La preuve des théorèmes 1 et 2 s’inspire des idées du théorème de Carrière. En supposant qu’il existe un ouvert strict U de Cd muni d’une action proprement discontinue d’un sous-groupe Γ de U(d − 1, 1) ⋉ Cd (ou
SO(3, C) ⋉ C3 ), on remarque que le bord de U doit contenir des “ellipsoïdes
dégénérés” sous l’action de Γ. La principale différence avec le théorème de
Carrière est que cette action est de discompacité 2 : les ellipsoïdes dégénèrent non pas sur des hyperplans réels mais sur des hyperplans complexes,
de codimension réelle 2. La preuve du théorème 3 repose sur un raisonnement analogue, mais sa transposition à la dynamique de l’action de L × L
sur L nécessite quelques résultats classiques sur la structure des groupes
de Lie de rang 1.
Nos théorèmes ne s’affranchissent pas de l’hypothèse que la (G, X)structure considérée est a priori kleinienne, et la question plus générale
de la complétude des (G, X)-structures compactes reste ouverte. La méthode utilisée pourrait en revanche s’adapter à d’autres géométries, comme
la géométrie pseudo-riemannienne plate de signature (d − 2, 2), toujours
sous l’hypothèse que la structure est kleinienne.
1. La topologie de l’espace des (G, X)-structures sur une variété est présentée sommairement à la section 1.1. On consultera par exemple [13] pour plus de détails.
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L’article s’organise comme suit. La section 1 contient uniquement des
rappels de la théorie générale des (G, X)-structures. On y précise la notion de complétude et son rapport, dans le cadre pseudo-riemannien, avec
la complétude géodésique. Dans la section 2, nous nous focalisons sur la
géométrie affine. Nous rappelons la conjecture de Markus et les différents
résultats qui la concernent, et nous prouvons les théorèmes 1 et 2. La section 3 s’intéresse aux groupes de Lie semi-simples de rang réel 1. Nous
recensons les divers résultats qui décrivent les quotients compacts de L
par des sous-groupes de L × L. Nous rappelons ensuite quelques propriétés
classiques des groupes de Lie de rang 1, qui nous permettent d’adapter la
preuve du théorème 1 et de prouver le théorème 3 et le corollaire 4.
Remerciements
L’auteur tient à remercier son directeur de thèse, Sorin Dumitrescu, ainsi
que Fanny Kassel, Yves Benoist et Charles Frances pour les discussions
fructueuses sans lesquelles ce travail n’aurait pas vu le jour.
1. Les (G, X)-structures et leur espace de déformation
Dans cette section, nous rappelons quelques principes généraux de la
théorie des (G, X)-structures, développée par Thurston dans [30], mais dont
l’idée remonte à Ehresmann. Considérons G un groupe de Lie réel (de dimension finie), et H un sous-groupe fermé de G. Le quotient X = G/H est
un espace G-homogène (i.e. une variété lisse munie d’une action transitive
de G). Soit M une variété topologique de même dimension que X.
Définition 1.1. — Une (G, X)-structure sur M est la donnée d’un atlas (Ui , ϕi )i∈I où (Ui )i∈I est un recouvrement ouvert de M et ϕi un difféomorphisme de Ui dans un ouvert de X, tels que pour tous i, j, sur chaque
composante connexe de Ui ∩ Uj , il existe g ∈ G tel que
ϕj = g · ϕi .
On dira aussi que M est localement modelée sur X, ou encore que M est
une (G, X)-variété.
Une (G, X)-structure sur M induit naturellement une structure de variété lisse. Plus généralement, si M est localement modelée sur X, toute
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structure géométrique (2) sur X invariante sous l’action de G induit une
structure géométrique sur M qui lui est localement isomorphe. Par exemple,
si G préserve une métrique pseudo-riemannienne sur X, une (G, X)-structure
sur M induit une métrique pseudo-riemannienne sur M , telle que les cartes
locales de l’atlas de la (G, X)-structure sont des isométries locales.
Réciproquement, soit X une variété munie d’une métrique pseudo-riemannienne
homogène. Supposons de plus que toutes les isométries locales de X dans
X se prolongent en des isométries globales. Soit M une variété pseudoriemannienne localement isométrique à X. Alors un atlas (Ui , ϕi ) formé
d’isométries locales de M dans X induit naturellement une (Isom(X), X)structure sur M . Par exemple, une (SL(2, R), H2 )-variété est une surface
munie d’une métrique riemannienne de courbure −1. Les (G, X)-structures
que nous étudierons dans la suite sont des (G, X)-structures pseudo-riemanniennes.
1.1. Espace de déformation des (G, X)-structures sur une variété
Une (G, X)-structure sur M induit une paire (dev, ρ) où ρ est un morphisme de π1 (M ) dans G et dev un difféomorphisme local du revêtement
universel M̃ de M dans X qui est ρ-équivariant, c’est-à-dire tel que pour
tout g ∈ π1 (M ), le diagramme suivant commute :
dev
M̃
g↓
−→ X
↓ ρ(g)
M̃
−→ X
dev
.
L’application dev est appelée une application développante et le morphisme
ρ un morphisme d’holonomie de la (G, X)-variété M . Le couple (dev, ρ)
caractérise la (G, X)-structure, et est unique modulo l’action de G donnée
par
g · (dev, ρ) = (g ◦ dev, Adg ◦ ρ) .
En outre, il est naturel d’identifier deux (G, X)-structures sur une variété
M lorsque l’une est l’image de l’autre par un difféomorphisme de M homotope à l’identité. L’espace de déformation des (G, X)-structures sur M
sera donc l’ensemble :
Def (G,X) (M ) = G\{(dev, ρ), dev : M̃ → X ρ-équivariant}/Diff0 (M ).
2. La notion de structure géométrique a été formalisée par Gromov dans [14]. On
peut y penser ici dans un sens vague comme un objet attaché à la variété, tel qu’une
forme différentielle ou une métrique pseudo-riemannienne.
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L’espace des couples (dev, ρ) peut être muni de la topologie de la convergence uniforme sur tout compact, qui induit sur Def (G,X) (M ) une structure d’espace topologique séparé. Le théorème d’Ehresmann–Thurston [30]
affirme que, pour une variété M compacte, l’application qui à une (G, X)structure sur M associe son morphisme d’holonomie est un homéomorphisme local de Def (G,X) (M ) dans l’espace des représentations de π1 (M )
dans G modulo conjugaison. Autrement dit, si (dev, ρ) est une (G, X)structure sur M , tout morphisme suffisamment proche de ρ est l’holonomie
d’une unique (G, X)-structure sur M proche de (dev, ρ).
En outre, lorsque M est compacte, son groupe fondamental est de présentation finie, et il découle alors du théorème d’Ehresman–Thurston que
Def (G,X) (M ) est localement homéomorphe à une variété algébrique de dimension finie.
1.2. Complétude des (G, X)-structures
Notons que l’espace modèle X peut ne pas être simplement connexe.
Dans ce cas, notons X̃ son revêtement universel. L’action de G sur X se
relève à X̃ en une action fidèle et transitive d’un revêtement G̃ de G. Toute
(G, X)-structure sur une variété M induit alors une (G̃, X̃)-structure, et
on pourra donc supposer sans perte de généralité que le modèle X est
simplement connexe.
Une (G, X)-variété M est dite complète si son application développante
est un revêtement de M̃ sur X. Dans ce cas, et si le modèle X est simplement connexe, l’application développante identifie M̃ à X, sur lequel π1 (M )
agit librement et proprement discontinûment via l’holonomie. Les (G, X)variétés complètes sont donc les quotients de la forme Γ\X, où Γ est un
sous-groupe discret de G agissant librement et proprement discontinûment
sur X.
Le terme de complétude provient de son rapport, dans le cas de (G, X)structures pseudo-riemanniennes, avec la complétude géodésique. Rappelons qu’à l’instar des métriques riemanniennes, les métriques pseudo-riemanniennes
possèdent une unique connexion de Levi-Civita ∇. Les courbes γ solutions
·
de l’équation ∇ · γ = 0 sont appelées géodésiques de la métrique (même si
γ
elles ne minimisent pas une fonction de longueur). Le flot géodésique peut
être vu comme le flot d’un champ de vecteur sur l’espace total du fibré
tangent à la variété, et la métrique est dite géodésiquement complète si
le flot de ce champ de vecteur est complet, c’est-à-dire s’il est défini sur
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tout T M ×R. La proposition suivante, classique, affirme que, sous des hypothèses raisonnables, les notions de complétude et de complétude géodésique
sont identiques.
Proposition 1.2. — Supposons que G agisse transitivement sur une
variété X simplement connexe en préservant une métrique pseudo-riemannienne
gX géodésiquement complète. Soit M une (G, X)-variété. Soit gM la métrique pseudo-riemannienne induite sur M par gX . Alors la (G, X)-structure
de M est complète si et seulement si gM est géodésiquement complète.
Dans le cadre riemannien, le théorème de Hopf-Rinow affirme qu’une
métrique est géodésiquement complète si et seulement si la distance qu’elle
induit est complète. En particulier, toute variété riemannienne compacte
est géodésiquement complète, ainsi que toute variété riemannienne globalement homogène. Il suit que, lorsque G préserve une métrique riemannienne
sur X, toute (G, X)-structure compacte est géodésiquement complète, donc
complète d’après la proposition 1.2. Ce résultat remonte à Ehresmann [6].
Mais tout ceci tombe en défaut lorsque la métrique n’est plus définie positive. D’une part, une variété pseudo-riemannienne globalement homogène
n’est pas nécessairement géodésiquement complète. D’autre part, une variété pseudo-riemannienne compacte peut aussi ne pas être géodésiquement
complète. (Des contre-exemples apparaissent dès la dimension 3. Voir par
exemple [15].)
Le premier problème ne se pose plus lorsque l’on impose une condition
plus forte que l’homogénéité : la symétrie (au sens de Cartan).
Définition 1.3. — Une variété pseudo-riemannienne X est symétrique
au sens de Cartan si pour tout point x ∈ X, l’application −Id : Tx X → Tx X
s’étend via le flot géodésique en une isométrie globale.
Proposition 1.4. — Les variétés pseudo-riemanniennes symétriques
sont géodésiquement complètes.
Démonstration. — Si une géodésique d’une variété pseudo-riemannienne
symétrique est définie sur un intervalle I R, on peut toujours la prolonger
en appliquant une symétrie centrale (i.e. une isométrie induite par −Id :
Tx X → Tx X) en un point x de cette géodésique. L’intervalle maximal de
définition de toute géodésique est donc R.
Dans la suite, nous nous intéresserons à deux familles d’espaces pseudoriemanniens symétriques. Les premiers sont les espaces pseudo-riemanniens
de courbure constante. Ces espaces possèdent un groupe d’isométries globales “maximal” (i.e. de dimension 21 d(d + 1), où d est la dimension de
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l’espace). Il en existe une construction explicite ([31], p. 63) qui généralise
celle des espaces riemanniens de courbure constante : Rd , Sd et Hd . En particulier, les espaces pseudo-riemanniens de courbure nulle sont les espaces
affines munis d’une métrique pseudo-riemannienne invariante par translation. Leur groupe d’isométries est le groupe des transformations affines
dont la partie linéaire préserve la métrique.
Une autre famille d’exemples est obtenue en considérant un groupe de
Lie muni d’une métrique invariante par translations à gauche et à droite, et
en particulier un groupe de Lie semi-simple muni de sa métrique de Killing
(voir section 3). Dans ces cas-là, les géodésiques partant de l’élément neutre
sont les sous-groupes à 1 paramètre.
On ne connaît aucun exemple de variété pseudo-riemannienne compacte
localement modelée sur un de ces espaces, dont le flot géodésique soit incomplet.
1.3. (G, X)-structures kleiniennes et domaines divisibles
Un obstacle important à la compréhension de la topologie des (G, X)variétés est la potentielle complexité de l’application développante. En dehors des situations où l’on sait qu’elle est nécessairement un difféomorphisme global, elle n’est en général ni surjective, ni injective, ni même un
revêtement sur son image. Par exemple, étant donnée une surface S de
genre supérieur à 2, le théorème de Gallo–Kapovich–Marden [9] affirme
que presque toutes les représentations de π1 (S) dans PSL(2, C) qui se
relèvent à SL(2, C) sont l’holonomie d’une structure projective complexe
sur S. Pourtant, beaucoup de ces représentations ne sont pas d’image discrète, et n’agissent donc proprement discontinûment sur aucun ouvert non
vide de CP1 .
Kulkarni et Pinkall introduisent dans [25] la terminologie de structure
kleinienne, que nous reprenons ici.
Définition 1.5. — Une (G, X)-variété M est dite kleinienne si M est
isomorphe à un quotient d’un ouvert U de X par un sous-groupe discret de
G préservant U et agissant librement et proprement discontinûment sur U .
Lorsque l’application développante est injective, la (G, X)-structure est
kleinienne. En particulier, si X est simplement connexe, les (G, X)-variétés
complètes sont kleiniennes. Lorsqu’une (G, X)-variété compacte est kleinienne, l’ouvert image de l’application développante est un ouvert divisible
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de X, c’est-à-dire un ouvert préservé par un sous-groupe discret de G agissant proprement et cocompactement.
Kozul, puis Benoist ont étudié les convexes de Rd divisibles par des sousgroupes de PGL(d + 1, R), donnant ainsi des exemples de structures projectives réelles exotiques sur les variétés compactes (voir par exemple [1]).
Toutefois, pour de nombreuses autres géométries, on ne sait pas s’il existe
des ouverts divisibles non triviaux.
Nos théorèmes peuvent donc s’interpréter de trois façons différentes :
comme des résultats de complétude de certaines (G, X)-structures, comme
des résultats de complétude géodésique de certaines variétés pseudo-riemanniennes
localement homogènes, ou encore comme des résultats d’inexistence d’ouverts divisibles non triviaux dans certains espaces homogènes.
2. Autour de la conjecture de Markus
Soit Aff(Rd ) le groupe des transformations affines de Rd . Une structure
affine sur une variété M de dimension d est simplement une (Aff(Rd ), Rd )structure. Comme le groupe affine préserve une connexion linéaire plate et
sans torsion sur Rd (celle pour laquelle les champs invariants par translation sont parallèles), toute variété affine hérite d’une connexion plate
et sans torsion. Réciproquement, une connexion plate et sans torsion sur
une variété M induit une structure affine. De plus, la structure affine est
complète si et seulement si la connexion qu’elle induit est géodésiquement
complète.
Il existe de nombreux exemples de variétés affines compactes non complètes. Les plus simples sont les variétés de Hopf, quotients de Rn \{0} par
un sous-groupe monogène d’homothéties linéaires. Le problème de la caractérisation des structures affines compactes complètes a été formulé par
Markus.
Conjecture (Markus, [27]). — Soit M une variété compacte munie
d’une structure affine. Si M possède une forme volume parallèle, alors M
est complète. Autrement dit, les (SL(n, R) ⋉ Rn , Rn )-variétés compactes
sont complètes.
Cette conjecture a été attaquée sous plusieurs angles. La première voie,
empruntée par Smillie puis Fried, Goldman et Hirsch, consiste à ajouter
des hypothèses sur la structure du groupe fondamental de M .
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Théorème (Fried, Goldman, Hirsch, [8]). — Soit M une variété compacte munie d’une structure affine et possédant une forme volume parallèle.
Si le groupe fondamental de M est nilpotent, alors M est complète.
Ce théorème généralise un théorème de Smillie [29] qui supposait le
groupe fondamental de M abélien.
L’autre angle d’attaque consiste à supposer l’existence d’une structure
géométrique parallèle plus contraignante qu’une forme volume. Rappelons
que les variétés pseudo-riemanniennes plates sont localement modelées sur
Rd muni de l’action affine de O(p, d−p)⋉Rd , où (p, d−p) est la signature de
la métrique. À revêtement double près, elles sont orientables, et possèdent
alors une forme volume parallèle (car tous les éléments de O(p, d − p) sont
de déterminant ±1). Par conséquent la conjecture de Markus impliquerait
que toutes les variétés pseudo-riemanniennes plates sont géodésiquement
complètes. C’est ce que Carrière a prouvé dans le cadre lorentzien.
Théorème (Carrière, [4]). — Soit M une variété compacte munie d’une
métrique lorentzienne plate. Alors M est géodésiquement complète (et donc
un quotient de Rd par un sous-groupe de transformations affines lorentziennes). Autrement dit, les (O(d−1, 1)⋉Rd, Rd )-structures sont complètes.
Citons enfin un théorème de Jo–Kim concernant les ouverts divisibles :
Théorème (Jo, Kim, [18]). — Soit M une variété affine compacte de la
forme Γ\Ω, où Ω est un ouvert convexe strictement inclus dans Rd et Γ un
groupe discret de transformations affines. Soit Ω′ un ouvert convexe propre
de Rd−k tel que Ω ≃ Rk × Ω′ . Supposons que Autproj (Ω′ ) est irréductible.
Alors M ne possède pas de forme volume parallèle.
Ce théorème est, à notre connaissance, le seul qui traite de la conjecture
de Markus dans le cas particulier d’une structure kleinienne.
La preuve du théorème de Carrière repose sur l’idée que le groupe des
transformations lorentziennes est de discompacité 1, c’est-à-dire que les
ellipsoïdes ne peuvent dégénérer sous l’action de ce groupe qu’en des hyperplans. Nous allons nous intéresser dans la suite à l’exemple le plus simple
d’action affine de discompacité 2.
2.1. Métriques lorentz-hermitiennes plates
Convenons d’appeler forme lorentz-hermitienne sur Cd une forme sesquilinéaire de signature réelle (2d − 2, 2). Une métrique lorentz-hermitienne
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sur une variété complexe M de dimension d est alors une section lisse de
la fibration des formes lorentz-hermitiennes sur le fibré tangent.
Dans toute cette section, X désignera Cd muni de la métrique lorentzhermitienne invariante par translation qui s’écrit dans la base canonique
dz1 dz̄1 + . . . + dzd−1 dz̄d−1 − dzd dz̄d ,
et G = U(d − 1, 1) ⋉ Cd le groupe des transformations affines complexes
préservant cette métrique. On notera (e1 , . . . , ed ) la base canonique de Cd .
Le théorème de Carrière ne s’applique pas à cette géométrie. En effet, le
groupe U(d − 1, 1) est, au sens de Carrière, de discompacité 2 : son action
contracte une direction complexe, et les ellipsoïdes dégénèrent donc sur des
hyperplans complexes, qui sont de codimension réelle 2.
Le théorème 1 constitue donc une avancée par rapport au théorème de
Carrière. Il est toutefois moins satisfaisant puisqu’il ne prouve pas que
toutes les variétés lorentz-hermitiennes plates compactes sont complètes, ce
qui serait une conséquence de la conjecture de Markus (puisque U(d − 1, 1)
est inclus dans SL(2d, R)). Son intérêt est surtout de présenter dans un
cadre plus simple la technique qui nous servira dans la section 3.
2.2. Preuve du théorème 1
Considérons un ouvert U de Cd et un sous-groupe Γ de U(d − 1, 1) ⋉ Cd
agissant proprement discontinûment et cocompactement sur U . Soit
l : U(d − 1, 1) ⋉ Cd → U(d − 1, 1)
le morphisme qui à une transformation affine de Cd associe sa partie linéaire, et notons Γ0 l’image de Γ par l.
Nous voulons montrer que U = Cd . Supposons par l’absurde que U est
strictement inclus dans Cd . L’ouvert U possède alors un bord, et le point
de départ de notre preuve sera d’observer la dynamique de Γ près du bord.
Fixons sur Cd une métrique euclidienne préservée par U(d−1)×U(1). Pour
tout y ∈ Cd et tout ε > 0, on notera B(y, ε) la boule fermée centrée en y
de rayon ε.
Proposition 2.1. — Il existe un ε > 0 tel que pour tout y ∈ ∂U , il
existe une suite yn dans U convergeant vers y et une suite Hn d’hyperplans affines complexes convergeant vers un hyperplan complexe H, tels
que yn ∈ Hn , y ∈ H et
B(yn , ε) ∩ Hn ⊂ U,
B(y, ε) ∩ H ⊂ ∂U.
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Démonstration. — Soit F un domaine compact de U tel que Γ · F recouvre U . Alors pour tout point y dans le bord de U , il existe une suite
(γn ) dans Γ et une suite (xn ) dans F telles que la suite (yn ) = (γn · xn )
converge vers y. En particulier, la suite (γn ) tend vers l’infini dans Γ. La
propreté de l’action de Γ sur U implique alors que pour n’importe quelle
suite (x′n ) dans F , toute valeur d’adhérence de (γn · x′n ) est dans ∂U .
Bien sûr, en général, l’adhérence de γn · F pourrait se limiter à un point.
Mais ce n’est pas le cas ici, où l’action de U(d − 1, 1) ne contracte qu’une
direction complexe. Pour préciser cela, écrivons la décomposition de Cartan
de l(γn ). On peut écrire l(γn ) sous la forme kn an kn′ , où kn et kn′ sont dans
U(d − 1) × U(1) et où an s’écrit dans la base (e1 + en , e2 , . . . , en−1 , e1 − en ) :


λn 0 . . .
0
 0 1



 ..
.. 
..
 .
.
. 



1
0 
0
. . . 0 1/λn
avec λn réel supérieur à 1.
Soit ε > 0 tel que l’ε-voisinage de F est relativement compact dans U .
Notons Bε la boule fermée de centre 0 de rayon ε. On sait que xn +Bε ⊂ U ,
et donc que γn · (xn + Bε ) ⊂ U . Or
γn · (xn + Bε ) = yn + l(γn )Bε .
Soit H0 l’hyperplan VectC (e1 + en , e2 , . . . , en−1 ). La matrice diagonale
an préserve l’hyperplan complexe H0 et le dilate. D’autre part, kn et kn′
préservent la boule Bε . On en déduit que l(γn )Bε contient (kn H0 ) ∩ Bε .
Posons Hn = yn + kn H0 . Puisque (yn ) converge vers y, on peut, quitte à
extraire, supposer que Hn converge vers un hyperplan affine H contenant
y. Alors U contient Hn ∩ B(yn , ε), et l’adhérence de U contient H ∩ B(y, ε).
Enfin, H ∩ B(y, ε) est inclus dans ∂U , par propreté de l’action de Γ sur
U.
Proposition 2.2. — Soit y ∈ ∂U . Alors il existe un unique hyperplan
affine complexe H tel que H ∩ ∂U contient un voisinage de y dans H.
Démonstration. — D’après la proposition 2.1, un tel H existe. Pour prouver l’unicité, considérons H un hyperplan affine complexe contenant y tel
que H ∩ B(y, ε′ ) ⊂ ∂U pour ε′ > 0, et montrons que H est la limite de
n’importe quelle suite Hn fournie par la proposition 2.1.
Considérons donc une suite (yn ) d’éléments de U convergeant vers y,
une suite (Hn ) d’hyperplans affines complexes contenant yn tels que Hn ∩
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NICOLAS THOLOZAN
B(yn , ε) ⊂ U , et tels que (Hn ) converge vers H ′ , qui contient donc y (les
suites (yn ) et (Hn ) nous sont données par la proposition 2.1). Supposons
que H ′ est différent de H. Alors H ′ et H sont transverses en y (ce sont
deux hyperplans complexes), et pour n assez grand, Hn ∩B(yn , ε) intersecte
H ∩ B(y, ε′ ), ce qui est absurde puisque H ∩ B(y, ε′ ) ⊂ ∂U alors que
Hn ∩ B(yn , ε) ⊂ U . Donc H = H ′ . Par conséquent, H est unique.
Proposition 2.3. — L’ouvert U est feuilleté par des copies parallèles
d’un même hyperplan complexe, et Γ0 préserve l’hyperplan vectoriel sousjacent.
Démonstration. — Soit y ∈ ∂U , et H l’unique hyperplan complexe contenant y tel que H ∩ B(y, ε) ⊂ ∂U . Commençons par montrer que tout H est
inclus dans ∂U . Soit A l’ensemble des z ∈ H tels que H ∩ B(z, ε) ⊂ ∂U .
L’ensemble A est fermé puisque U est fermé, et contient y. Soit z ∈ A et
z ′ ∈ H ∩ B(z, ε/2). Alors H ∩ B(z ′ , ε/2) ⊂ ∂U . D’après la proposition 2.2,
l’hyperplan H est l’unique hyperplan complexe tel que H ∩ ∂U contient
un voisinage de z ′ dans H, et par 2.1, on a H ∩ B(z ′ , ε) ⊂ ∂U . D’où
B(z, ε/2) ⊂ A. L’ensemble A est ouvert et fermé dans H, donc A = H et
H ⊂ ∂U .
Par chaque point de ∂U passe donc un unique hyperplan affine complexe contenu dans ∂U . Montrons que tous ces hyperplans sont parallèles.
Soient H et H ′ deux hyperplans affines contenus dans ∂U . S’ils ne sont pas
parallèles, ils s’intersectent transversalement en un point y ∈ ∂U , ce qui
contredit l’unicité de l’hyperplan contenu dans ∂U et passant par y. Donc
H et H ′ sont parallèles.
Tous les hyperplans contenus dans le bord de U sont donc parallèles à
un même hyperplan vectoriel H0 . Comme Γ préserve U , il est clair que Γ0
préserve H0 . Soit maintenant x ∈ U . Supposons que H0 + x n’est pas inclus
dans U . Alors il existe y ∈ (H0 + x) ∩ ∂U . Mais alors (H0 + y) ∈ ∂U , et en
particulier x ∈ ∂U , ce qui est absurde. Donc U est feuilleté par des copies
parallèles de H0 .
L’ouvert U fibre donc au dessus d’un ouvert Ω de Cn /H0 ≃ C, et l’action
de Γ sur Cn induit une action sur C par transformations affines complexes,
qui préserve Ω. Il nous reste à prouver que Ω = C. Notons ρ̄ la représentation de Γ dans Aff(C) induite par passage au quotient par H0 . Remarquons
d’abord le fait suivant :
Lemme 2.4. — Si l’image de Γ par ρ̄ est discrète dans Aff(C), alors elle
est virtuellement abélienne.
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15
Démonstration. — Cela est vrai de tous les sous-groupes de Aff(C) mais,
par commodité, nous le prouvons uniquement pour des sous-groupes de
type fini. Remarquons que ρ̄(Γ) est de type fini, puisque c’est l’image du
groupe fondamental d’une variété compacte.
Soit N un sous-groupe de type fini de Aff(C). Supposons que N n’est pas
virtuellement abélien. Alors N n’est pas virtuellement inclus dans le sousgroupe des translations. La partie linéaire N0 de N est donc infinie. Si N0
est inclus dans le sous-groupe des rotations, comme N0 est de type fini, il
est monogène. Il existe donc une rotation affine dans N d’angle irrationnel,
et N n’est donc pas discret. Si N0 n’est pas inclus dans le sous-groupe des
rotations, il existe un élément n de N de la forme z 7→ az + b, avec |a| < 1.
Quitte à conjuguer le groupe N , on peut supposer que le point fixe de n
est 0 (autrement dit, que b = 0). Comme N n’est pas abélien, N contient
un élément n′ qui n’a pas 0 comme point fixe (i.e. n′ : z 7→ a′ z + b′ , b′ 6= 0).
Alors nk n′ n−k envoie z sur a′ z + ak b. La suite nk n′ n−k converge sans être
stationnaire, et Γ n’est donc pas discret.
Montrons que Ω = C. Supposons d’abord que ρ̄(Γ) est discret. Alors ρ̄(Γ)
est virtuellement abélien. S’il est virtuellement inclus dans le sous-groupe
des translations, Ω/ρ̄(Γ) est, à revêtement fini près, un ouvert d’un tore.
Comme Ω/ρ̄(Γ) doit être compact, Ω = C. Sinon, ρ̄(Γ) est virtuellement inclus dans le stabilisateur d’un point, et stabilise donc une orbite finie. Mais
alors, Γ stabilise une famille finie d’hyperplans affines complexes de Cn , et
fixe donc virtuellement un hyperplan affine complexe. Cela est impossible
d’après le théorème suivant :
Théorème (Goldman, Hirsch, [11]). — Soit M une variété compacte
munie d’une structure affine dont l’holonomie préserve un sous-espace affine
strict. Alors M ne possède pas de forme volume parallèle.
Supposons maintenant que ρ̄(Γ) n’est pas discret. Alors son adhérence
dans Aff(C) contient un sous-groupe à 1 paramètre. Supposons par l’absurde que Ω
C. Ce sous-groupe à 1 paramètre stabilise alors le bord
de Ω, qui se compose donc d’une réunion d’orbites de ce sous-groupe. Les
sous-groupes à 1 paramètre du groupe affine sont de la forme z 7→ eta z + b
ou z 7→ z + tb. Le bord de Ω est donc soit un point, soit une réunion de
cercles concentriques, de droites parallèles, de demi-droites ayant même
origine, où de spirales logarithmiques s’enroulant autour d’un même point.
Sachant que ρ̄(Γ) doit agir cocompactement sur l’une des composantes
connexes du complémentaire de ∂Ω, on se convainc facilement que ∂Ω ne
peut être qu’un point ou une droite (dans tous les autres cas, le stabilisateur du bord de Ω est exactement le sous-groupe à 1 paramètre, et il n’agit
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pas cocompactement). Mais alors Γ stabilise soit un hyperplan complexe,
soit un hyperplan réel de Cn , ce qui, encore une fois, contredit le théorème
de Goldman et Hirsch. On conclut donc que Ω = C, et que U = Cn .
Remarque. — La preuve ne repose que sur le fait que U(n − 1, 1) est
en quelque sorte de discompacité complexe 1, dans le sens où son action
fait dégénérer les ellipsoïdes sur des hyperplans complexes. La même preuve
permet donc d’obtenir le théorème 2. En effet, tous les éléments de SO(3, C)
se décomposent sous la forme kak ′ , où k, k ′ ∈ SO(3, R) et où a est de la
forme


λ 0
0
P 0 1
0  P −1 ,
−1
0 0 λ
où λ est un réel supérieur ou égal à 1, et P désigne la matrice


1 0 i
 0 1 0 .
i 0 1
3. Groupes de Lie de rang 1 et leur métrique de Killing
Nous nous intéressons dans cette section à une autre famille de géométries. Considérons un groupe de Lie semi-simple L (sans centre) connexe,
d’algèbre de Lie l. La forme de Killing est la forme quadratique définie sur l
par
κl (u, v) = Tr(adu adv ).
La forme de Killing est non dégénérée, de signature (dim L−dim K, dim K)
où K est un sous-groupe compact maximal de L, et préservée par l’action adjointe de L. On appelle métrique de Killing sur L (et on note κL )
la métrique pseudo-riemannienne obtenue en étendant κl à L par invariance à gauche. Comme κl est invariante par l’action adjointe, la métrique de Killing est aussi invariante à droite. Par conséquent, l’application
g 7→ g −1 préserve κL . On en déduit aisément que (L, κL ) est un espace
pseudo-riemannien symétrique au sens de Cartan. La composante connexe
de l’identité dans son groupe d’isométries s’identifie à L × L, dont l’action
sur L est donnée par
(g, h) · x = gxh−1
pour tout (g, h) ∈ L × L et tout x ∈ L.
Une variété M munie d’une métrique pseudo-riemannienne localement
isométrique à la métrique de Killing de L possèdera donc (à revêtement
ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER
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17
fini près) une (L × L, L)-structure, et le théorème 3 concerne ces variétés
pseudo-riemanniennes. Notons que L peut ne pas être simplement connexe
(en particulier, si L = PSU(n, 1), le groupe fondamental de L est isomorphe
à Z). On notera L̃ le revêtement universel de L. C’est une extension centrale
de L, de centre Z(L̃). On notera encore abusivement Z(L̃) le plongement
diagonal de Z(L̃) dans L̃ × L̃. L’action
de L × L sur L se relève en une
action fidèle et transitive de L̃ × L̃ /Z(L̃) sur L̃. Pour être le plus général possible, nous allons donc prouver la version suivante du théorème 3,
légèrement plus fine :
Théorème 3’. — Toutes les L̃ × L̃ /Z(L̃), L̃ -structures kleiniennes
sont compactes.
Dans la suite, pour éviter
les terminologies trop lourdes, on notera parfois
G = L × L et G̃ = L̃ × L̃ /Z(L̃). Notons que G̃ est une extension centrale
de G, de centre
Z(L̃) × Z(L̃) /Z(L̃) ≃ Z(L̃).
3.1. Exemples
Le plus petit groupe de Lie simple non compact est PSL(2, R), de dimension 3. Sa métrique de Killing est lorentzienne, et, comme son groupe
d’isométries est de dimension 6, elle est de courbure constante. L’espace
PSL(2, R) muni de sa métrique de Killing est appelé espace anti-de Sitter
de dimension 3 (analogue lorentzien de l’espace hyperbolique de dimension
3). Dans ce cas, le problème de la complétude est résolu par le théorème
de Klingler, qui généralise le théorème de Carrière.
Théorème (Klingler, [21]). — Soit M une variété compacte munie d’une
métrique lorentzienne de courbure constante. Alors M est géodésiquement
complète.
Les variétés anti-de Sitter compactes de dimension 3 sont donc des quo^R) par un sous-groupe de PSL(2,
^R)×
tients du revêtement universel PSL(2,
^R) agissant proprement discontinûment et cocompactement sur PSL(2,
^R).
PSL(2,
D’après un théorème de Kulkarni et Raymond [26], ce sont en fait des quotients d’un revêtement fini de PSL(2, R).
Le groupe PSL(2, C) est également un groupe de Lie simple de rang réel
1. Vu comme groupe de Lie réel, il est isomorphe à la composante neutre de
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PSO(3, 1), de dimension 6, et sa métrique de Killing est de signature (3, 3).
Mais on peut aussi définir sur PSL(2, C) une métrique de Killing complexe,
donnée dans l’algèbre de Lie tangente par
κC (u, v) = TrC (adu adv ).
Cette métrique est une métrique riemannienne holomorphe (i.e. une section
holomorphe partout non-dégénérée du fibré Sym2 T∗ PSL(2, C)). La notion
de courbure se généralise pour de telles métriques, et celle-ci est de courbure
constante non nulle. PSL(2, C) muni de sa métrique de Killing est donc un
analogue complexe de l’espace anti-de Sitter de dimension 3. Toutefois, la
preuve de Klingler ne se généralise pas dans ce cas-là. Elle repose en effet,
comme le théorème de Carrière, sur le fait que les isométries lorentziennes
sont de discompacité 1. Or, l’action adjointe de PSL(2, C) sur lui-même est
de discompacité réelle 2.
3.2. (G, L)-structures complètes standard et non standard
Dans toute la suite, L désigne un groupe de Lie semi-simple de rang
réel 1. On sait, depuis les travaux de Borel [2], qu’un tel groupe admet
toujours un réseau cocompact Γ. Le quotient de L par l’action de Γ à
droite fournit donc un exemple de (G, L)-variété compacte et complète.
Une telle structure est parfois appelée spéciale standard [32].
D’après le théorème de rigidité de Mostow, si l n’a pas de facteur isomorphe à sl(2, R), toute déformation de Γ dans L est obtenue par conjugaison, et ne modifie pas la (G, L)-structure. En revanche, lorsque L est
PSO(n, 1) ou PSU(n, 1), on peut parfois déformer Γ de façon non triviale
dans L × L [24]. Plus précisément, tout morphisme u : Γ → L fournit un
plongement ρu : Γ → L × L défini par
ρu : γ 7→ (u(γ), γ).
D’après le théorème d’Ehresman-Thurston, pour u suffisamment proche
du morphisme trivial, ρu est l’holonomie d’une (G, L)-structure sur la variété M . Si u est à valeurs dans un sous-groupe compact de L, il est clair
que l’action de ρu (Γ) sur L reste propre. La (G, L)-structure quotient est
encore une structure complète, appelée standard. Goldman, dans le cas de
PSL(2, R) [12], Ghys, pour PSL(2, C) [10], et Kobayashi dans le cas général
[24] ont remarqué que ρu (Γ) continue d’agir proprement discontinûment et
cocompactement sur L même lorsque u n’est pas à valeurs dans un sousgroupe compact, pour peu que les images d’un système de générateurs de
ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER
COMPLÉTUDE DES VARIÉTÉS LOCALEMENT SYMÉTRIQUES
19
Γ restent assez proches de l’élément neutre. Autrement dit, lorsqu’on déforme un peu une (G, L)-structure spéciale standard, on obtient toujours
une (G, L)-structure complète, qui peut parfois être non standard.
Dans la lignée des travaux de Ghys [10], Kulkarni et Raymond [26],
Kobayashi [23], [24], Salein [28], les travaux de Kassel, Guéritaud, Guichard
et Wienhard décrivent très précisément les (G, L)-structures complètes.
Théorème (Kassel, [19]). — Soit L un groupe de Lie semi-simple de
rang réel 1, et Γ un sous-groupe sans torsion de L × L agissant proprement
discontinûment et cocompactement sur L. Notons ρ1 et ρ2 les projections
de Γ sur chaque coordonnée. Alors il existe i ∈ {1, 2} tel que ρi est injective
et ρi (Γ) est un réseau cocompact de L.
Autrement dit, tous les quotients compacts de L par un sous-groupe de
L × L sont de la forme ρu (Γ)\L, où Γ est un réseau de L et ρu est un
morphisme comme décrit précédemment. Ce théorème précise un résultat
de Kobayashi [23] qui affirmait que l’une des projections était injective.
De plus, Kassel donne dans [20], pour le cas particulier de PSL(2, R), un
critère pour que la représentation ρu agisse proprement discontinûment.
Ce critère est étendu par Guéritaud et Kassel aux groupes PSO(n, 1) [17],
puis par Guéritaud, Kassel, Guichard et Wienhard à tous les groupes de
Lie semi-simples de rang réel 1 [16].
Théorème (Guéritaud, Guichard, Kassel, Wienhard). — Soit L un
groupe de Lie semi-simple de rang réel 1, et K un sous-groupe compact
maximal. Notons d la distance sur l’espace symétrique L/K associée à
la métrique riemannienne symétrique préservée par L. Soit Γ un réseau
dans L et u un morphisme de Γ dans L. Alors ρu (Γ) agit proprement
discontinûment sur L si et seulement s’il existe un point x ∈ L/K et deux
constantes λ et C, avec λ < 1, telles que pour tout γ ∈ Γ,
d(x, u(γ) · x) 6 λd(x, γ · x) + C.
Corollaire (Guéritaud, Guichard, Kassel, Wienhard). — Soit L un
groupe de Lie semi-simple de rang réel 1, et M une variété compacte de
même dimension que L. Alors, dans l’espace Def (G,L) (M ), le domaine des
(G, L)-structures complètes forme un ouvert.
Ces théorèmes fournissent une relativement bonne description des (G, L)structures complètes. En revanche, hormis dans le cas de PSL(2, R), on ne
sait pas s’il existe des (G, L)-variétés compactes non complètes. Le théorème 3’, que nous démontrons à la section 3.3, donne une réponse qui,
ARTICLE SOUMIS : COMPLETUDE_GXSTRUCTURESAIF_3.TEX
20
NICOLAS THOLOZAN
bien que partielle, permet de compléter la description des (G, L)-structures
complètes. Le théorème 3’ a en effet pour conséquence :
Corollaire 3.1. — Soit L un groupe de Lie semi-simple de rang réel 1,
et M une variété compacte de même dimension que L. Alors, dans l’espace
Def (G,L) (M ), le domaine des (G, L)-structures complètes forme un fermé.
Démonstration. — D’après le théorème 3’, il suffit de prouver qu’une
limite de (G̃, L̃)-structures complètes est kleinienne. Pour cela, considérons
une suite d’applications développantes devn convergeant uniformément sur
tout compact vers une application développante dev, et supposons que devn
est un difféomorphisme de M̃ dans L̃ pour tout n. Alors en particulier devn
est injective. Montrons que cette propriété passe à la limite.
Supposons par l’absurde qu’il existe x1 et x2 deux points distincts de
M̃ tels que dev(x1 ) = dev(x2 ) = y. Alors, comme dev est un difféomorphisme local, il existe un voisinage V de y relativement compact, et deux
voisinages relativement compacts U1 et U2 de x1 et x2 disjoints tels que
dev(U1 ) = dev(U2 ) = V . Pour n assez grand, devn est très proche de dev
sur U1 et U2 , et devn (U1 ) et devn (U2 ) continuent à s’intersecter, ce qui
contredit l’injectivité de devn . L’application développante à la limite est
donc injective, et la (G̃, L̃)-structure correspondante est kleinienne. D’après
le théorème 3’, elle est donc complète.
D’après le corollaire du théorème de Guéritaud–Guichard–Kassel–Wienhard,
l’ensemble des (G, L)-structures complètes est un ouvert. D’après le corollaire 3.1, c’est aussi un fermé. On en déduit le corollaire 4.
Remarque. — Nos théorèmes, ainsi que le corollaire 3.1, sont indépendants des résultats de Kassel et co-auteurs. Seul le corollaire 4 utilise
conjointement le théorème 3 et la caractérisation des structures complètes.
3.3. Preuve du théorème 3
La stratégie de la preuve du théorème 3 est similaire à celle du théorème 1. On raisonne par l’absurde et on considère U un ouvert strict de L̃,
muni d’une action libre, proprement discontinue et cocompacte d’un sousgroupe Γ de G̃. Ce domaine U possède un bord non vide ∂U , où l’action
de Γ n’est plus propre.
Comme dans la preuve du théorème 1, on commence par observer que le
bord de U contient des compacts dégénérés sous l’action de Γ. Le recours
à la décomposition de Cartan de L permet de prouver que ces compacts
ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER
COMPLÉTUDE DES VARIÉTÉS LOCALEMENT SYMÉTRIQUES
21
dégénèrent sur des morceaux de sous-espaces paraboliques, qui joueront le
rôle que jouaient précédemment les hyperplans complexes.
Nous prouverons ensuite que ces sous-espaces paraboliques contenus dans
le bord sont en fait des translations à droite (ou à gauche) d’un même sousgroupe parabolique minimal, et nous en déduirons que l’ouvert U fibre audessus d’un domaine de L/P . Le point clé sera de remarquer qu’à l’instar
de deux hyperplans complexes dans Cn , deux sous-espaces paraboliques qui
ne sont pas parallèles s’intersectent toujours transversalement. Nous aurons
besoin pour cela de rappeler quelques résultats classiques sur la structure
des sous-groupes paraboliques minimaux d’un groupe de Lie de rang réel 1.
Pour finir, nous montrerons que le complémentaire de ce domaine de
L/P doit contenir au moins deux points, puis que le groupe Γ ne peut pas
être discret dans G̃, ce qui contredira le fait qu’il agisse proprement discontinuement sur un ouvert de L̃.
3.3.1. Décomposition de Cartan
Rappelons que tout sous-groupe compact maximal K de L est l’ensemble
des points fixes d’une unique involution de Cartan θ de G. La forme bilinéaire Bθ (·, ·) = κl (·, −θ ·) est définie positive, et s’étend donc en une
métrique riemannienne invariante à droite sur L̃, qui est également préservée par l’action à gauche de K̃, image réciproque de K par l’application
de revêtement π : L̃ → L. Dans toute la suite, lorsque nous utiliserons des
notions métriques sur L, L̃ ou l, nous nous référerons implicitement à la
métrique associée à une involution de Cartan fixée, préservée par un sousgroupe compact maximal K fixé. Bien qu’il ne soit pas toujours nécessaire
d’avoir recours à une métrique aussi spécifique, cela simplifiera grandement
les énoncés.
Notons k l’algèbre de Lie de K. Comme L est de rang réel 1, il existe
un élément a ∈ k⊥ dont l’action adjointe sur l est diagonalisable, et tel que
tout élément g de L̃ se décompose sous la forme
g = k1 exp(ta)k2 ,
avec t > 0 et k1 , k2 ∈ K̃. De plus, un tel t est unique. Il s’agit, dans le cas
particulier du rang 1, de la décomposition de Cartan de g. (Pour plus de
précisions sur la structure des groupes de Lie semi-simples, on consultera
par exemple [22].)
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22
NICOLAS THOLOZAN
En outre, la diagonalisation de ada donne une décomposition de l sous
la forme
l = m ⊕ Ra ⊕ n+ ⊕ n−,
où n+ (resp. n− ) est la somme des sous-espaces propres de ada correspondant à des valeurs propres strictement positives (resp. strictement négatives), et où m est le centralisateur de a dans k.
Notons p0 = m ⊕ Ra ⊕ n+. C’est une sous-algèbre de Lie de l, et les sousalgèbres de Lie conjuguées à p0 par l’action adjointe sont les sous-algèbres
de Lie paraboliques minimales de l. (Rappelons qu’en rang 1, toutes les
sous-algèbres paraboliques strictes sont minimales et conjuguées.) Le normalisateur dans L (resp. dans L̃) d’une sous-algèbre de Lie parabolique
minimale p est un sous-groupe de Lie fermé P ⊂ L (resp. P̃ ⊂ L̃), d’algèbre de Lie tangente p, appelé sous-groupe parabolique minimal. Notons
que P̃ est simplement l’image réciproque de P par l’application de revêtement.
Nous appellerons sous-espace parabolique de L (resp. L̃) une sous-variété
de L (resp. L̃) de la forme P b (resp P̃ b), où P (resp. P̃ ) est un sous-groupe
parabolique minimal de L (resp. L̃) et b un point de L (resp. L̃). Enfin,
nous appellerons disque parabolique centré en y de rayon ε une sous-variété
de la forme
Dp (y, ε) = exp(p ∩ Bε )y
où p une sous-algèbre de Lie parabolique minimale, y est un point de L ou
de L̃, et Bε désigne la boule fermée de centre 0 de rayon ε dans l (pour le
produit scalaire Bθ ).
Proposition 3.2. — Il existe un ε > 0 tel que pour tout y ∈ ∂U , il
existe une suite (yn ) dans U convergeant vers y et une suite (pn ) de sousalgèbres paraboliques minimales convergeant vers une sous-algèbre parabolique minimale p, tels que
Dpn (yn , ε) ⊂ U,
Dp (y, ε) ⊂ ∂U.
Démonstration. — La preuve de cette proposition est analogue à celle de
la proposition 2.1. Fixons F un compact de U tel que Γ · F recouvre U , et
soit ε > 0 tel que exp(Bε )F est encore un compact de U . Soit y un point
du bord de U . Considérons une suite (yn ) dans U convergeant vers y, et
deux suites (xn ) dans F et (γn ) dans Γ telles que γn · xn = yn .
Par hypothèse sur ε, on a exp(Bε )xn ⊂ U et donc γn · exp(Bε )xn ⊂ U ,
puisque U est stable par l’action de Γ. Montrons que γn ·exp(Bε )xn contient
un disque parabolique de rayon ε centré en yn .
ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER
COMPLÉTUDE DES VARIÉTÉS LOCALEMENT SYMÉTRIQUES
23
Soit (γ1,n , γ2,n ) un relèvement de γn à L̃ × L̃. On vérifie aisément que
γn · (exp(Bε )xn ) = exp Adγ1,n Bε yn .
Écrivons maintenant la décomposition de Cartan de γ1,n :
γ1,n = kn exp(tn a)kn′ ,
avec tn > 0, kn , kn′ ∈ K̃.
Tout d’abord l’action de Adkn′ stabilise Bε . Donc
Adγ1,n Bε = Adkn Adexp(tn a) Bε .
Notons comme précédemment p0 = m ⊕ Ra ⊕ n+. L’algèbre de Lie p0 est la
somme des espaces propres de ada associés aux valeurs propres positives.
Par conséquent, Adexp(tn a) stabilise et dilate p0 , et on a donc
Adexp(tn a) Bε ⊃ Adexp(tn a) (Bε ∩ p0 ) ⊃ Bε ∩ p0 .
Enfin, Adkn (Bε ∩ p0 ) = Bε ∩ Adkn p0 , car Adkn préserve la norme que nous
avons mise sur l. En définitive, si l’on note pn = Adkn p0 , on a bien
Dpn (yn , ε) ⊂ γn · (exp(Bε )xn ) ⊂ U.
Comme tous les pn sont conjugués par des éléments de K, on peut,
quitte à extraire, supposer que pn converge dans la grassmannienne de l
vers une sous-algèbre parabolique minimale p. Enfin, tels que nous les avons
construits, chaque disque parabolique Dpn (yn , ε) est dans l’image par γn
du domaine compact exp(Bε )F . Comme l’action de Γ sur U est propre, on
a donc Dp (y, ε) ⊂ ∂U .
Nous avons vu que par tout point du bord passe un disque parabolique.
Nous allons ensuite prouver que ce disque est unique et en déduire que l’ouvert U est feuilleté par des sous-espaces paraboliques parallèles. Rappelons
d’abord quelques propriétés des sous-groupes et sous-algèbres paraboliques.
3.3.2. Sous-algèbres paraboliques et sous-groupes paraboliques
Soit p une sous-algèbre parabolique minimale de l. Notons P (resp. P̃ ) le
normalisateur de p dans L (resp. L̃). Rappelons que p est l’algèbre de Lie
tangente à P et à P̃ . Commençons par établir la proposition suivante :
Proposition 3.3. — Si le facteur non compact de l n’est pas isomorphe
à sl(2, R), alors P̃ est connexe.
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24
NICOLAS THOLOZAN
Démonstration. — Soit P̃0 la composante connexe de l’élément neutre
dans P̃ . Alors P̃0 est un sous-groupe distingué de P̃ , et la projection
π : L̃/P̃0 → L̃/P̃ est un revêtement galoisien de groupe de Galois P̃ /P̃0 .
Or il est connu que, lorsque L est de rang réel 1, la variété L̃/P̃ ≃ L/P est
simplement connexe, sauf si le facteur non compact de l est isomorphe à
sl(2, R). En effet, L/P est le bord de l’espace symétrique L/K. Il est par
conséquent homéomorphe à une sphère, de dimension > 2 sauf lorsque le
facteur non compact de L est un revêtement de PSL(2, R). Par conséquent,
le groupe P̃ /P̃0 est trivial, et P̃ est donc connexe.
Puisque le cas de PSL(2, R) est résolu par Klingler, nous exclurons désormais ce cas-là, et nous supposerons dorénavant que les sous-groupes
paraboliques minimaux sont connexes.
Rappelons que deux sous-variétés N1 et N2 s’intersectent transversalement en x si x ∈ N1 ∩ N2 et si on a
Tx N1 + Tx N2 = Tx M.
Le lemme suivant est une conséquence facile du fait qu’en rang réel 1,
deux sous-groupes paraboliques minimaux distincts sont toujours opposés
(voir [3]).
Lemme 3.4. — Soient p et p′ deux sous-algèbres paraboliques minimales, et P̃ et P̃ ′ les sous-groupes paraboliques minimaux engendrés.
– Soient ε, ε′ > 0 et y ∈ L̃. Si p 6= p′ , alors les disques paraboliques
Dp (y, ε) et Dp′ (y, ε′ ) sont transverses en y.
– Soient x, x′ ∈ L̃. Alors les sous-espaces paraboliques xP̃ et x′ P̃ ′ s’intersectent transversalement, sauf si l’un est l’image de l’autre par une
multiplication à gauche ou à droite.
On dira que deux sous-espaces paraboliques sont parallèles à gauche
(resp. à droite) lorsque l’un est l’image de l’autre par une multiplication à
gauche (resp. à droite). Notons que deux sous-espaces paraboliques parallèles à la fois à gauche et à droite sont identiques.
Preuve du lemme 3.4. — Comme, en rang réel 1, le groupe de Weil
n’a que deux éléments, il découle de la décomposition de Bruhat (voir par
exemple [22]) que l’action adjointe est 2-transitive sur les sous-algèbres
paraboliques minimales. En particulier, si p et p′ sont distinctes, le couple
(p, p′ ) est conjugué à (m ⊕ Ra ⊕ n+ , m ⊕ Ra ⊕ n− ). On a donc p + p′ = l,
d’où l’on déduit le premier point.
Soient maintenant x, x′ ∈ L̃. Si p = p′ , alors les sous-espaces paraboliques
xP̃ et x′ P̃ ′ sont parallèles à gauche. Sinon, P̃ et P̃ ′ sont transverses en
ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER
COMPLÉTUDE DES VARIÉTÉS LOCALEMENT SYMÉTRIQUES
25
l’élément neutre, et la décomposition de Bruhat peut se reformuler de la
façon suivante :
L̃ = P˜′ P̃ ⊔ wP̃ ,
où w est tel que p′ = Adw p. Considérons l’élément x′−1 x. Si x′−1 x ∈
w−1 P̃ , on obtient xP̃ x−1 = x′ P̃ ′ x′−1 , et xP̃ et x′ P̃ ′ sont alors parallèles
à droite. Sinon, il existe p ∈ P̃ et p′ ∈ P̃ ′ tels que x′−1 x = p′ p−1 . On a
donc xp = x′ p′ et xP̃ et x′ P̃ ′ s’intersectent. De plus, cette intersection est
transverse, puisque p 6= p′ . Cela prouve le deuxième point.
De ces remarques, et d’après la proposition 3.2, on peut déduire le résultat suivant :
Proposition 3.5. — Il existe un unique sous-groupe parabolique minimal P̃ de L̃ tel que
– soit P̃ y ⊂ ∂U pour tout y ∈ ∂U ,
– soit y P̃ ⊂ ∂U pour tout y ∈ ∂U .
Démonstration. — La preuve est essentiellement identique à celle de
la proposition 2.2. Montrons d’abord que pour tout y ∈ ∂U , la sousalgèbre parabolique minimale p pour laquelle il existe ε′ > 0 telle que
Dp (y, ε′ ) ⊂ ∂U est unique.
Fixons y ∈ ∂U . Supposons qu’il existe ε′ > 0 et p sous-algèbre de Lie
parabolique minimale telle que Dp (y, ε′ ) ⊂ ∂U . Considérons d’autre part
une suite (yn ) convergeant vers y et une suite (pn ) convergeant vers p′ telle
que Dpn (yn , ε) ⊂ U et Dp′ (y, ε) ⊂ ∂U (les suites (yn ), (pn ) et ε sont donnés
par la proposition 3.2). Supposons que p′ 6= p. Alors, d’après le lemme 3.4,
Dp (y, ε′ ) et Dp′ (y, ε) sont transverses. Par conséquent, pour n assez grand,
Dpn (yn , ε) intersecte Dp (y, ε′ ), ce qui est absurde puisque Dp (y, ε′ ) ⊂ ∂U .
On a donc p = p′ , et on en déduit l’unicité de p.
Soit y ∈ ∂U et p l’unique sous-algèbre parabolique minimale telle que
Dp (y, ε) ⊂ ∂U . Montrons que ∂U contient en réalité tout P̃ y. Pour cela,
considérons l’ensemble A des z ∈ P̃ y tels que Dp (z, ε) ⊂ ∂U , et montrons
que cet ensemble est ouvert et fermé dans P̃ y. Comme, d’après le lemme 3.3,
P̃ y est connexe, et puisque A contient y, cela impliquera le résultat.
Le fait que A est fermé vient simplement du fait que ∂U est fermé.
Montrons que A est ouvert. Soit z ∈ A et z ′ ∈ Dp (z, ε/2) ⊂ ∂U . Alors
il existe ε′ > 0 tel que Dp (z ′ , ε′ ) ⊂ ∂U . D’autre part, la proposition 3.2
assure l’existence de p′ telle que Dp′ (z ′ , ε) ⊂ ∂U . Par unicité de p, on a
p′ = p et z ′ ∈ A. L’ensemble A est donc ouvert et fermé, d’où A = P̃ y et
P̃ y ⊂ ∂U .
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26
NICOLAS THOLOZAN
Résumons. Pour tout point y ∈ ∂U , il existe un unique sous-espace parabolique contenant y et inclus dans ∂U . Considérons deux sous-espaces
paraboliques inclus dans le bord de U . S’ils ne sont pas parallèles, d’après
le lemme 3.4, ils s’intersectent transversalement en un point y ∈ ∂U , ce qui
contredit l’unicité du sous-espace parabolique passant par y. Donc tous les
sous-espaces paraboliques contenus dans le bord de U sont deux à deux
parallèles.
Soient maintenant trois sous-espaces paraboliques distincts inclus dans
∂U . Si le premier et le deuxième sont parallèles à gauche, et le deuxième et
le troisième sont parallèles à droite, alors le premier et le troisième ne sont
pas parallèles, ce qui est absurde. On en déduit donc que les sous-espaces
paraboliques contenus dans le bord de U sont soit tous parallèles à gauche,
soit tous parallèles à droite.
Proposition 3.6. — Quitte à intervertir l’action à gauche et l’action à
droite, supposons que tous les sous-espaces paraboliques contenus dans le
bord de U sont les translations à gauche d’un même sous-groupe parabolique P̃ . Alors :
– U est stablepar multiplication à droite par P̃ ,
– Γ ⊂ L̃ × P̃ /Z(L̃).
Cette proposition est analogue à la proposition 2.3.
Démonstration. — Soit x ∈ U . Supposons que xP̃ * U . Alors il existe
p ∈ P̃ tel que xp ∈ ∂U . Mais alors xpP̃ ⊂ ∂U et en particulier x ∈ ∂U , ce
qui est absurde. Donc xP̃ ⊂ U . Cela prouve le premier point.
Soient maintenant y ∈ ∂U , γ ∈ Γ, et notons (γ1 , γ2 ) un relèvement de γ
à L̃ × L̃. On a y P̃ ⊂ ∂U . Comme le bord de U est stable sous l’action de γ,
γ · (y P̃ ) = (γ · y)γ2 P̃ γ2−1 ⊂ ∂U.
Or l’unique sous-espace parabolique inclus dans ∂U et contenant γ · y est
(γ · y)P̃ . Donc γ2 P̃ γ2−1 = P̃ et γ2 ∈ P̃ (P̃ est en effet son propre normalisateur dans L). Cela prouve le second point.
3.3.3. Fin de la preuve
Nous venons de prouver que le domaine U fibre au dessus d’un ouvert
Ω de L̃/P̃ = L/P . De plus, l’action de Γ sur U préserve cette fibration.
Notons Γ̄ la projection de Γ dans L × L, et ρ1 et ρ2 les projections de Γ̄
sur chacun des facteurs. D’après la proposition 3.6, on a ρ2 (Γ̄) ⊂ P , et
l’action à gauche de ρ1 (Γ̄) sur L/P préserve Ω. Il nous reste à prouver que
Ω = L/P .
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27
Prouvons pour commencer que Ω n’est pas L/P privé d’un point. Supposons par l’absurde qu’il existe x ∈ L tel que U = L̃ − xP̃ . Alors l’action
de Γ préserve xP̃ , et on a donc Γ ⊂ xP̃ x−1 × P̃ /Z(L̃). D’après la décomposition de Bruhat, l’action de xP̃ x−1 × P̃ sur U = L̃ − xP̃ est transitive.
La contradiction proviendra donc du résultat suivant :
Théorème 5. — Soit L un groupe de Lie semi-simple de rang réel 1.
Soit P̃ un sous-groupe parabolique minimal de L̃ et x ∈ L̃. Alors aucune
variété compacte ne peut posséder une (xP̃ x−1 × P̃ , L̃ − xP̃ )-structure. (Le
facteur xP̃ x−1 agissant sur L̃− xP̃ par multiplication à gauche et le facteur
P̃ par multiplication à droite.)
Démonstration. — Quitte à conjuguer par un élément de L̃ × {1}, on
peut supposer que x ∈
/ P̃ . Par conséquent, 1 ∈ L̃ − xP̃ . Posons P̃ ′ =
−1
xP̃ x , et notons p et p′ les algèbres de Lie respectives de P̃ et P̃ ′ . Comme
l’action adjointe de L̃ est 2-transitive sur les sous-algèbres paraboliques
minimales, on peut, quitte à conjuguer, supposer que p = m ⊕ Ra ⊕ n+ et
p′ = m ⊕ Ra ⊕ n− .
Le stabilisateur de 1 dans P̃ ′ × P̃ est le plongement diagonal de P̃ ∩ P̃ ′ .
Son algèbre de Lie tangente est m ⊕ Ra, et le vecteur a est donc invariant
par l’action de ce stabilisateur. Par conséquent, a s’étend en un champ de
vecteur Xa défini sur L̃ − xP̃ et préservé par P̃ ′ × P̃ . Ce champ de vecteur
descendra sur toute variété munie d’une (P̃ ′ × P̃ , L̃ − xP̃ )-structure.
D’autre part, L̃−xP̃ possède une forme volume ω invariante sous l’action
de P̃ ′ × P̃ (restriction d’une forme volume bi-invariante sur L̃). Nous allons
montrer que le champ de vecteur Xa dilate le volume ω.
Par homogénéité, il existe une constante C telle que Xa · ω = Cω, et
il suffit de calculer C au point 1. Considérons e1 , . . . , en une base de diagonalisation de l sous l’action de ada . Soit λi la valeur propre associée à
ei . Soient Ei les champs invariants à droite prolongeant les ei . Le volume
ω étant invariant à droite, il s’écrit (à une constante près) E1∗ ∧ . . . ∧ En∗ .
Comme il est également invariant à gauche, il est préservé par les champs
Ei .
P
Posons Xa =
αi Ei , où les αi sont des fonctions deL̃ − xP̃ dans R. On
a alors
Xa · ω = div(Xa )ω
où
div(Xa ) =
X
dαi (Ei ).
i
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Calculons cette divergence au point 1. Notons Lg (resp. Rg ) la différentielle de la multiplication à gauche (resp. à droite) par un élément g de L̃.
Soit d’abord i tel que λi 6 0. Alors exp(tei ) ⊂ P̃ pour tout t ∈ R. On a
donc Xa (exp(tei )) = Rexp(tei ) a. Comme le champ Xa est invariant à droite
le long de P̃ , les fonctions αj sont constantes le long de P̃ , et en particulier
dαi (ei ) = 0 lorsque λi 6 0.
Soit maintenant i tel que λi > 0. Alors exp(tei ) ⊂ P̃ ′ pour tout t ∈ R.
Donc
Xa (exp(tei ))
= Lexp(tei ) a
= Rexp(tei ) Adexp(tei ) a
= Rexp(tei ) (a + λi tei ),
d’où
αi (exp(tei )) = λi t.
En prenant la dérivée en t = 0, on obtient finalement : dαi (ei ) = λi .
En conclusion, div(Xa ) est la somme des valeurs propres strictement
positives de a. Cette divergence est donc non nulle. Or, si M est une variété
compacte, ω une forme volume sur M et X un champ de vecteur, de flot
Φt , on a
Z
Z
Φ∗t ω =
M
ω
M
pour tout t. En particulier, le champ X ne peut pas dilater uniformément
le volume ω. Par conséquent, Il n’existe pas de variété compacte localement
modelée sur (P̃ ′ × P̃ , L̃ − xP̃ ).
Nous avons donc prouvé que Ω ne peut pas être L/P privé d’un seul
point. Montrons maintenant que Ω ne peut pas non plus être L/P privé de
2 points ou plus. Commençons par la remarque suivante :
Proposition 3.7. — Soit ∆ un sous-groupe de L préservant un ouvert
Ω de L/P dont le complémentaire contient au moins deux points. Alors
l’action de ∆ sur Ω est propre.
Pour prouver cette proposition, rappelons que l’action de L sur L/P
possède une dynamique “nord-sud”, dans le sens suivant :
Lemme 3.8 (voir par exemple [7], lemme 4). — Soit γn une suite de
L sortant de tout compact. Alors il existe deux pôles x− et x+ ∈ L/P
(éventuellement égaux), une suite extraite γnk , une suite de voisinages Uk
de x− et une suite de voisinages Vk de x+ tels que
– Pour tout k, l’action à gauche de γnk envoie le complémentaire de Uk
envoie le complémentaire de Vk dans Uk ,
dans Vk et γn−1
k
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–
T
k
Uk = {x− } et
T
k
29
Vk = {x+ }.
Ce résultat est une propriété classique des espaces L/P où L est de rang
réel 1. Le point x− (resp. x+ ) est appelé pôle répulsif (resp. pôle attractif )
de la suite γnk .
Preuve de la proposition 3.7. — Considérons un sous-groupe ∆ de L
préservant un domaine Ω de L/P dont le complémentaire contient au moins
deux points.
Montrons tout d’abord que les pôles d’une suite possédant une dynamique nord-sud sont dans le bord de Ω. Soit γn une suite de ∆ possédant
une dynamique nord-sud de pôles x− et x+ . Alors :
– Soit Ωc est inclus dans {x− , x+ } ; dans ce cas, comme Ωc contient au
moins deux points, on a Ωc = {x− , x+ }
– Soit il existe x ∈ Ωc différent de x− et x+ . La dynamique nord-sud
nous dit alors que γn · x converge vers x+ et γn−1 · x converge vers x− .
Comme Ωc est un fermé ∆-invariant, x− et x+ appartiennent à Ωc .
Supposons que l’action de ∆ sur Ω ne soit pas propre. Il existe alors un
compact F ⊂ Ω et une suite γn sortant de tout compact de L telle que
γn · F intersecte F pour tout n. Considérons nk une extraction, et x− , x+ ,
Uk , Vk comme dans le lemme 3.8. D’après la remarque précédente, x− et
x+ sont dans ∂Ω. En particulier, F ne contient aucun des deux pôles. Par
conséquent, pour k assez grand, F est inclus dans le complémentaire de Uk
et donc γnk · F ⊂ Vk . Mais pour k assez grand, F est aussi inclus dans le
complémentaire de Vk . Donc pour k assez grand, γnk · F n’intersecte pas F .
Cela contredit l’hypothèse. Donc l’action est propre.
Revenons à notre
ouvert U de L̃ qui fibre au dessus de Ω ⊂ L/P , et sur
lequel Γ ⊂ L̃ × P̃ /Z(L̃) agit proprement discontinûment et cocompactement. Nous avons prouvé que le complémentaire de Ω contient au moins
deux points. D’après la proposition 3.7, l’action de ρ1 (Γ) sur Ω est donc
propre. Nous allons montrer que Γ̄ ne peut pas être discret dans L × P .
P se décompose sous la forme M exp(Ra)N + , où N + = exp(n+ ) est le
radical nilpotent de P , où a est un élément de p dont l’action adjointe sur n+
est diagonalisable à valeurs propres strictement positives, et où M désigne le
centralisateur de a dans K. Remarquons que le sous-groupe de P engendré
par exp(a) et par un élément b ∈ N + \{1} n’est pas discret. En effet, l’action
adjointe de exp(a) dilate n+ , et par conséquent, (exp(−na)b exp(na))n∈N
converge vers 1 lorsque n tend vers +∞ sans être stationnaire. L’idée de
la preuve qui va suivre est d’utiliser la cocompacité de l’action de Γ sur U
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30
NICOLAS THOLOZAN
pour trouver des éléments de Γ̄ “assez proches” de (1, exp(na)) et de (1, b),
et conclure que Γ̄ non plus n’est pas discret.
Munissons L d’une métrique invariante à droite. Soit x ∈ L tel que
xP̃ est inclus dans U . En particulier, x exp(na) ∈ Ū pour tout n ∈ N. Par
cocompacité de l’action de Γ, il existe donc une suite gn = (αn , βn ) ∈ Γ̄ telle
que yn = αn x exp(na)βn−1 reste dans un domaine compact de la projection
U0 de U dans L. D’après la proposition 3.5, la suite (βn ) est dans P . En
projetant dans L/P , on observe que αn xP reste dans un compact de Ω.
Comme l’action de ρ1 (Γ) sur Ω est propre, on en déduit que la suite αn est
bornée dans L. Posons cn = yn−1 αn x. La suite βn = cn exp(na) reste donc
à distance bornée de exp(na).
De même, il existe une suite hk = (γk , δk ) ∈ Γ̄ telle que zk = γk x exp(kb)δk−1
reste dans un domaine compact de U0 . Par propreté de l’action de ρ1 (Γ)
sur L/P , la suite γk est bornée dans L, et la suite δk s’écrit alors δk =
dk exp(kb), où dk = zk−1 γk x est bornée.
Notons B un domaine compact exponentiellement convexe de P tel que
les suites cn et dk restent dans B. On notera B r l’ensemble des éléments
qui s’écrivent comme produit de r éléments de B. Pour tout n positif,
l’action adjointe de exp(−na) fixe m ⊕ Ra et contracte n+ , et on a donc
exp(−na)B exp(na) ⊂ B. De plus, pour tout élément ν de N + , la suite
exp(−na)ν exp(na) converge vers 1 et est donc contenue dans B pour n
suffisamment grand. On en déduit aisément que la suite βn−1 δk βn reste
bornée lorsque n tend vers +∞, quelle que soit la valeur de k. Supposons
que cette suite ne prenne qu’un nombre fini de valeurs. Alors il existe des
entiers n et m arbitrairement grands tels que
−1
βn−1 δk βn = βn+m
δk βm+n .
On a alors
−1
−1
exp(kb) = d−1
k cn exp(−ma)cn+m δk cn+m exp(ma)cn ,
d’où
exp(kb) ∈ B 4 exp(−ma) exp(kb) exp(ma)B 3 .
En choisissant m assez grand, on obtient
exp(kb) ∈ B 8 .
Or B 8 est compact, et cela est donc impossible pour k suffisamment grand.
Pour un bon choix de k, la suite βn−1 δk βn est donc bornée et prend une
infinité de valeurs. D’autre part, la suite α−1
n γk αn est également bornée car
αn est bornée. Par conséquent, la suite gn−1 hn gn ∈ Γ̄ est bornée et prend
une infinité de valeurs. Γ̄ n’est donc pas discret dans L × P .
ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER
COMPLÉTUDE DES VARIÉTÉS LOCALEMENT SYMÉTRIQUES
31
On prouverait
par le même raisonnement que Γ n’est pas discret dans
L̃ × P̃ /Z(L̃). (Il suffit pour cela d’écrire les suites (αn ) et (γk ) sous la
forme αn = ᾱn + tn et γk = γ̄k + t′k , où ᾱn et γ̄k sont bornées et tn et t′k
sont dans le centre de L̃ × P̃ /Z(L̃).) Or ceci contredit le fait que Γ agisse
proprement discontinûment sur un ouvert de L̃.
Ceci achève de prouver que le complémentaire de Ω ne contient pas plus
de deux points. Par conséquent, Ω = L/P , U = L̃, et le théorème est
prouvé.
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Nicolas Tholozan
Université de Nice-Sophia Antipolis,
Laboratoire J.-A. Dieudonné, UMR 7351 CNRS,
Parc Valrose,
06108 Nice Cedex 2, France
[email protected]
ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER
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